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IDEES & DEBATS prospective MÉDECINE// Meilleur accueil, meilleurs soins, meilleur suivi…les nouvelles technologies hospitalières, centrées sur le patient, devraient également permettre une meilleure gestion. Commentl’e-santévachangerl’hôpital Desambulances d’urgentistes reliées par vidéoconférence. Des robots préparant les sachets de médicaments. Un écran géant permettantdesuivreàtoutmomentl’avan- cement des soins et la disponibilité du per- sonnel. Ces innovations ne sont pas de la science-fiction : elles sont expérimentées dans différents hôpitaux du Danemark. Petit pays de 5,5 millions d’habitants con- fronté à un vieillissement de sa population etdoncàunsystèmedesantédeplusenplus coûteux, le pays a décidé d’investir 5,3 mil- liards d’euros dansla modernisation de ses hôpitauxd’icià2020.Uncinquièmedecette somme est consacré aux équipements et déjà presque chaque établissement expéri- menteunnouvel outil. « Notre concept? L’hôpital estun laboratoire vivant »,résume Lisbeth Holsteen Jessen, directrice de l’hôpital d’Horsens, une petite ville à 150kilomètres àl’ouest de Copenhague. A l’image du Danemark, tous les pays développés doivent innover pour soigner plus, mieux et à moindres frais. La plupart fondentleursespoirssurl’e-santéenmilieu hospitalier. « Les systèmesde santé sont en traindeprendreunnouveauviragetechnolo- giqueetcelapeutêtrel’occasiondeleurredon- ner du souffle en termes d’efficacité et d’équité », plaide Benoist Gadet, en charge dudéveloppementcommercialpourlesec- teur de la santé chez NECFrance. Au centre de l’e-santésetrouve le dossier médical électronique, que tous les Etats occidentaux tentent de mettre en place («LesEchos »du27octobre2011).Alimenté Si le dossier médical est la pièce centrale de l’e-santé, le réseau informatique, q fixe ou mobile, en constitue l’ossature. pour l’instant de façon manuelle par les médecins,il sera bientôt automatiquement enrichi par les systèmes informatiques de l’hôpital : résultats des analyses, séquen- çageADN,radios,médicamentsprescritset distribués, paramètres enregistrés au bloc opératoire et en réanimation… Grâce à ce dossier électronique, la médecine hospita- lière ne sefocalisera plus sur une maladie ouuneblessure,maisprendraencomptele maladedanssaglobalité :depuissesantécé- dents, jusqu’à, un jour peut-être, son code génétique.«Nousinvestissonschaqueannée 40 euros par patient dansle dossiermédical électronique à l’hôpital, calcule Kenneth Ahrensberg, du Conseil nationalde l’e-santé,l’administrationdanoiseencharge du dossiermédical. Notre gouvernement estimequecelaa permis d’augmenterla pro- ductivitédeshôpitaux de2,5à 5 % par an. » Meilleure coordination Premierintérêtdel’e-santé,ellepermetune meilleure coordination entre médecins généralistes, spécialistes, infirmières… Ce qui devrait entraîner une diminution des examens redondants, mais aussi des erreurs médicales, comme les contre-indi- cations ou ladélivrance de mauvais médi- caments. Le « British Medical Journal » estime que, au Royaume-Uni, 30.000 per- sonnes décèdent chaque année d’une erreur médicale : c’est comme si un 737 s’écrasaittous lesdeux jours. Mais, pour rendre detels services,le dos- sier médical devra être complet (et intégrer également l’imagerie médicale) et facile- ment compréhensible. Pour faciliter les échanges de clichés, l’ARS Ile-de-France a initié le programme RSF (région sansfilm), unservicedepartageetdestockaged’images médicales par le « cloud computing », pro- poséà tous lesprofessionnels de la région. Maisilfaudraadapterlesréseauxinformati- ques : si le dossier médical est la pièce cen- traledel’e-santé,leréseauinformatique,fixe oumobile,enconstitue,lui,l’ossature. Autreproblèmeinduitpardetellesquan- tités d’informations :comment les analy- ser? « Les médecins ont cinq minutes pour parcourir les dizainesde pagesd’un dossier médical, constate André Elisseeff,cofonda- teur et directeur général de Nhumi (Next GenerationHumanInterface),unestart-up installéeàZurich. Nousvoulonstrouverune nouvellefaçondeprésentercesinformations, afin de lesrendre immédiatement compré- hensibles,parexemple,enproposantcomme interface leschémadu corpsdu patient. » L’e-santépermettraégalementauxmala- des qui doivent revenir régulièrement dans le même établissement de s’enregistrer sur desbornesd’accueilautomatiques.Unefois admis, le dossier du malade apparaîtra, aveclesautres,surlesécransdedispatching du personnel médical : nom, numéro de Sécuritésociale,âge,pathologie,traitement en cours, localisation du patient et du per- sonnel en charge, coordonnées de la famille, jour de sortie programmée… «Si cettedateestconnue,lesmaladespartentplus vite », constate-t-on au service de cardiolo- gie de l’hôpital d’Horsens. Deplusenplusd’hôpitauxsedotentaussi de robots pharmaciens qui préparent les médicaments devant êtredistribués aux malades matin, midi ou soir. Fiables à 99,9 % selon un de leurs fabricants, l’entre- prise McKesson, à San Francisco, ces Tous droits de reproduction réservés Date : 22/01/2013 Pays : FRANCE Page(s) : 18 Rubrique : Idees Et Debats Diffusion : (121630) Périodicité : Quotidien

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IDEES & DEBATS

prospective

MÉDECINE// Meilleur accueil,meilleurs soins,meilleur suivi…lesnouvelles technologieshospitalières, centrées sur le patient, devraient également permettre une meilleure gestion.

Commentl’e-santévachangerl’hôpital

Desambulances d’urgentistes reliées parvidéoconférence. Desrobots préparant lessachets de médicaments. Un écran géantpermettantdesuivreàtoutmomentl’avan-cement dessoins et la disponibilité du per-sonnel. Cesinnovations ne sont pas de lascience-fiction : elles sont expérimentéesdans différents hôpitaux du Danemark.Petit pays de5,5 millions d’habitants con-fronté à un vieillissement desa populationetdoncàunsystèmedesantédeplusenpluscoûteux, le paysa décidé d’investir 5,3mil-liards d’euros dansla modernisation deseshôpitauxd’icià2020.Uncinquièmedecettesomme est consacré aux équipements etdéjàpresque chaqueétablissement expéri-menteunnouvel outil. « Notre concept?L’hôpital estun laboratoire vivant »,résumeLisbeth Holsteen Jessen, directrice del’hôpital d’Horsens, une petite ville à150kilomètres àl’ouestdeCopenhague.

A l’image du Danemark, tous les paysdéveloppés doivent innover pour soignerplus,mieux et à moindres frais. La plupartfondentleursespoirssurl’e-santéenmilieuhospitalier. « Lessystèmesdesanté sont entraindeprendreunnouveauviragetechnolo-giqueetcelapeutêtrel’occasiondeleurredon-ner du souffle en termes d’efficacité etd’équité », plaide Benoist Gadet,en chargedudéveloppementcommercialpourlesec-teur de la santé chezNECFrance.

Au centre de l’e-santésetrouve le dossiermédical électronique, que tous les Etatsoccidentaux tentent de mettre en place(«LesEchos »du27octobre2011).Alimenté

Si le dossier médical est lapièce centrale de l’e-santé,le réseau informatique,

qfixe ou mobile, en constituel’ossature.

pour l’instant de façon manuelle par lesmédecins,il sera bientôt automatiquementenrichi par les systèmes informatiques del’hôpital : résultats des analyses, séquen-çageADN,radios,médicamentsprescritsetdistribués, paramètres enregistrés au blocopératoire et en réanimation… Grâce à cedossier électronique, la médecine hospita-lière ne sefocalisera plus sur une maladieouuneblessure,maisprendraencomptelemaladedanssaglobalité :depuissesantécé-dents, jusqu’à, un jour peut-être, son codegénétique.«Nousinvestissonschaqueannée40 eurospar patient dansle dossiermédicalélectronique à l’hôpital, calcule KennethAhrensberg, du Conseil nationaldel’e-santé,l’administrationdanoiseenchargedu dossiermédical. Notre gouvernementestimequecelaa permis d’augmenterla pro-ductivitédeshôpitaux de2,5à 5 %par an. »

Meilleure coordinationPremierintérêtdel’e-santé,ellepermetunemeilleure coordination entre médecinsgénéralistes, spécialistes, infirmières… Cequi devrait entraîner une diminution desexamens redondants, mais aussi deserreurs médicales, comme les contre-indi-cations ou ladélivrance demauvais médi-caments. Le « British Medical Journal »estime que, au Royaume-Uni, 30.000 per-sonnes décèdent chaque année d’uneerreur médicale : c’est comme si un 737s’écrasaittous lesdeux jours.

Mais, pour rendre detels services,le dos-siermédical devra être complet (et intégrerégalement l’imagerie médicale) et facile-ment compréhensible. Pour faciliter les

échanges de clichés, l’ARSIle-de-France ainitié le programme RSF(région sansfilm),unservicedepartageetdestockaged’imagesmédicales par le « cloud computing », pro-poséà tous lesprofessionnels de la région.Maisilfaudraadapterlesréseauxinformati-ques : si ledossier médical est la piècecen-traledel’e-santé,leréseauinformatique,fixeoumobile,enconstitue,lui,l’ossature.

Autreproblèmeinduitpardetellesquan-tités d’informations :comment les analy-

ser? « Lesmédecinsont cinq minutes pourparcourir les dizainesdepagesd’un dossiermédical, constate André Elisseeff,cofonda-teur et directeur général de Nhumi (NextGenerationHumanInterface),unestart-upinstalléeàZurich. Nousvoulonstrouverunenouvellefaçondeprésentercesinformations,afin de lesrendre immédiatement compré-hensibles,parexemple,enproposantcommeinterface leschémadu corpsdupatient. »

L’e-santépermettraégalementauxmala-desqui doivent revenir régulièrement dansle même établissement de s’enregistrersurdesbornesd’accueilautomatiques.Unefoisadmis, le dossier du malade apparaîtra,aveclesautres,surlesécransdedispatchingdu personnel médical : nom, numéro deSécuritésociale,âge,pathologie,traitementen cours, localisation du patient et du per-sonnel en charge, coordonnées de lafamille, jour de sortie programmée… «Sicettedateestconnue,lesmaladespartentplusvite », constate-t-on au service de cardiolo-gie de l’hôpital d’Horsens.

Deplusenplusd’hôpitauxsedotentausside robots pharmaciens qui préparent lesmédicaments devant êtredistribués auxmalades matin, midi ou soir. Fiables à99,9 % selonun de leurs fabricants, l’entre-prise McKesson, à San Francisco, ces

Tous droits de reproduction réservés

Date : 22/01/2013Pays : FRANCEPage(s) : 18Rubrique : Idees Et DebatsDiffusion : (121630)Périodicité : Quotidien

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machines permettent d’économiser de lamain-d’œuvre et d’éviter les erreurs de

manipulation. A terme, reliés aux dossiersmédicaux et pilotés par un logiciel d’intelli-gence artificielle, ils sauront détecter lescontre-indications médicamenteuses.

Et d’ici cinq à dix ans,certains établisse-ments s’équiperont de lits intelligents etcommunicants, enregistrant la tempéra-ture, la sudation, la quantité d’urines, lepoids, les changements de position dumalade. A la moindre anomalie, le person-nel soignant sera averti. « Un lit d’hôpitalclassique coûte entre 1.500 et 1.800 euros,affirmeVernerBekHansen,directeurgéné-ral pour la France deLinak, une entreprisedanoise leader dans la fourniture de systè-mes de contrôle électroniques pour les litsmédicalisés. Un lit intelligent, c’està peine500 eurosdeplus. »

Aplus long terme, le dossier contiendrapeut-être l’ADN du malade, ce qui devraitsansdoute aider à prévoir saréaction à telou tel traitement. En attendant, toutes lesdonnées déjà collectées peuvent être ano-nymisées et analysées.C’est le concept du«big data » appliqué à l’hôpital. « Nous col-lectonsdepuis 2005 toutes les informationssur lesanesthésies», indique Alexis Grzes,directeur du système d’information duCHRU de Lille. L’exploitation de ces don-nées permettra peut-être de diminuer lamorbidité lors desinterventions.— Jacques Henno

Versunefacturationdétaillée ?

Quand on lui demande si elleréfléchit à envoyer la facturedétaillée et personnalisée dessoins (quote-part du salairedes infirmières et desmédecins, médicamentsdistribués, consommablesutilisés, coût du blocopératoire…) à chaque patienttraité dans son établissement,la directrice de l’hôpitald’Horsens (Danemark),n’hésite que deux secondesavant de répondre : «Pourl’instant, notre comptabilitéanalytique nenous le permetpas, mais, oui, certainement, ceserait uneexcellente motivationpour se prendre en charge. »La facturation détaillée faitrêver tous les gestionnaires desystème de santé, qu’ils soientdanois, français, américains…Pour l’instant,ils en sontréduits à appliquer unetarification à la pathologie. EnFrance, par exemple, le PMSI(programme de médicalisationdes systèmes d’information),mis en place à partir de 1986,permet – sauf exception – declasser chaque patient au seind’un GHM (groupe homogènede malades), auquel s’appliqueun tarif unique. Qu’uneopération dure moinslongtemps que prévu ou qu’elles’avère plus compliquée, avecun séjour en réanimationplus important, le tarif serale même. En permettantde suivre, acte par acte,médicament par médicament,minute par minute, le séjourd’un patient, les technologiesd’e-santé déboucheront surune facturation beaucoup plusfine. —J.H.

Repères

L’informatiquemédicaledoitêtre:l confidentielle.Seulslepatientetlepersonnelmédicalconcernédoiventy avoiraccès.EnFrance,le patientdoit pouvoireffacercertainesdonnées;l fiable.Laredondancedeséquipementset dessauvegardesgarantit lacontinuitéduservice;l exploitable.Lesdonnéesdoiventpouvoirêtreanonymisées,triéeset classéesenvue deleurexploitationàdesfinsderecherche;l ergonomique.Lepersonneldoitpouvoirs’identifieruneseulefoispar jourpouraccéderà touslesterminaux.

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