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IDENTITES ET SERVICE SOCIAL Author(s): Lionel Groulx Source: Canadian Journal of Social Work Education / Revue canadienne d'éducation en service social, Vol. 3, No. 1 (Spring/Printemps 1977), pp. 10-15 Published by: Canadian Association for Social Work Education (CASWE) Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41668866 . Accessed: 14/06/2014 04:35 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Canadian Association for Social Work Education (CASWE) is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Canadian Journal of Social Work Education / Revue canadienne d'éducation en service social. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.2.32.28 on Sat, 14 Jun 2014 04:35:32 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

IDENTITES ET SERVICE SOCIAL

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IDENTITES ET SERVICE SOCIALAuthor(s): Lionel GroulxSource: Canadian Journal of Social Work Education / Revue canadienne d'éducation en servicesocial, Vol. 3, No. 1 (Spring/Printemps 1977), pp. 10-15Published by: Canadian Association for Social Work Education (CASWE)Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41668866 .

Accessed: 14/06/2014 04:35

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IDENTITES ET SERVICE SOCIAL

Lionel Groulx Ecole de service social Université de Montréal

ABSTRACT The professional representation of social work,

dominating in Quebec during the sixties, was called into question again by an intent to depro- fessionalize the practice, in particular with the Castonguay-Nepveu Commission and by a willingness to politicize interventions, expressed by socio-political militants who dispute the attributes of professional associations. This debate centered around the identity of

social work indicates, for the author, an important process of change in the social definition of competence and professional authority and refers to the systemic changes of Quebec welfare. The latter, in bringing about a reorganization of the professional field structure implies deep changes in the practice conditions of social work and in the relationship which the practioners have with regard to their profession.

Au Québec, durant la décennie 60 en particulier en service social, le savoir professionnel s'est substitué aux caté- gories morales et religieuses de descrip- tion et d'interprétation en s'affirmant comme mode légitime et dominant de détection, d'étiquetage et d'analyse des problèmes sociaux mais, depuis le début de la présente décennie, ce modèle professionnel d'appartenance et de référence est simultanément remis en question par une visée de déprofes- sionnalisation de la pratique en particu- lier chez la Commission Castonguay- Nepveu 1 et par une volonté de politisa- tion des actes d'intervention, exprimée chez les militants socio-politiques qui contestent certains principes qui fon- dent l'ordre professionnel comme le savoir spécialisé, la formation universi- taire et le service désintéressé.

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Nous présenterons rapidement ce débat autour de l'identité du service social en tenant de dégager leur signifi- cation afin d'amorcer la discussion sur les implications pour la formation en service social2.

1. Modèle professionnel La reconnaissance légale du service

social par le bill privé 218 a contribué à renforcer l'affirmation d'une identité professionnelle comme en font foi les débats et les discussions de l'époque sur le service social au Canada français3. Cette éthique professionnelle qui se présente comme un ensemble rationnal- isé et systématisé de normes qui orientent et structurent les jugements d'action, d'interprétation et de significa- tion portés par les praticiens eux-mêmes sur leur métier, prend son principe de référence autorisé dans la médecine qui constitue l'image réalisée du praticien accompli tant pour le casework que pour l'animation sociale comme l'expri- ment respectivement H. Denault et M. Blondin:

"Cette intervention (du travailleur social) porte sur des points de tension ou de malaise, de stress comme on dit aujourd'hui, entre l'homme et son milieu social, là où le fonctionnement social bloque, ou menace de s'arrêter, un peu comme l'intervention du médecin porte sur le fonctionnement physique ou mental"4

'Commission Castonguay-Nepveu: Commission d'enquête sur la santé et le bien-être social. 2Ce compte-rendu s'inscrit dans une recherche en cours sur les transformations et les dilemmes du service social francophone au Québec. 3Le service social au Canada-français, no spécial, Service social, vol 10, no 3 et vol 1 1, no 1, octobre 1961, avril 1962, P.U.L. Québec. 4Denault H., "L'insertion du service social dans le milieu canadien-français", Service social, vol 10, no 3 et vol 1 1 , no 1 , octobre 1 96 1 , avril 1 962, p. 6.

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"L'animation (sociale) comme l'ancêtre- chirurgien qui découvre laborieusement les techniques chirurgicales . . . une discipline d'intervention à la recherche d'elle-même qui consacre un important effort de réflexion à l'explication de ses intuitions profondes et à l'expérimentation de ses techniques de base"5. En outre, les travailleurs sociaux

n'hésitent pas dans le compte rendu historique de leur développement, à projeter une image professionnalisée d'eux-mêmes, ramenant leur "évolu- tion" à un processus de professionnali- sation, dans le passage d'activités spontanées, bénévoles et charitables à des activités professionnelles et institu- tionnelles, définies principalement autour de certains traits comme le savoir spécialisé, le service désintéressé et la formation universitaire, traits qu'ils font émerger dans la reconstitu- tion de leur propre biographie occupa- tionnelle.

"Avec les années et tour à tour dans différents pays, le service social s'est professionnalisé. Il a suivi et plus ou moins complété l'évolution signalée par plusieurs sociologues et qui fait d'une occupation non professionnelle une profession au sens strict"6 "Les plus curieux, les plus vaillants et peut-être les moins surchargés d'entre ces travailleurs sociaux des temps héroïques ont lutté contre maints obstacles pour maintenir à un niveau constant d'actualité leurs connaissances professionnelles"7. "Constatons que la profession existe et qu'elle est installée à demeure dans notre milieu. Elle est au surplus en plein mouvement d'ex- pansion"7.

Ces connaissances professionnelles restent le fondement de la compétence d'intervention grâce à l'entreprise continue de la formation universitaire.

"Les écoles de service social ont été elles- mêmes le moteur ou l'instrument de fondation ou de développement dans le sens du service social, de nombre d'agences et d'institutions. Elles sont, de plus, et essentiellement, la cause immédiate de l'entrée régulière dans la

5Blondin M., "Vie urbaine et animation sociale", Recherches sociographiques, IX, 1-2, 1968, p. 111. 6Paré S., "Profession et service". Service social, vol 11, no 2, avril-octobre 1962, p. 5. 7<Le service social au canada-français, op. cit. p. 2 et 27.

pratique du service social des travailleurs sociaux professionnels, qui sont devenus aussi nécessaire dans le domaine du bien-être social que le sont les médecins dans le domaine de la santé"8. Cette nécessité proclamée du service

social s'établit à partir des valeurs de service, de désintéressement et d'aide qui constituent la représentation spon- tanée et dominante à travers laquelle les travailleurs sociaux s'expliquent et interprètent pour eux-mêmes et pour les autres le sens de leur pratique.

"Les faits sont révélateurs de problèmes sociaux, sans doute, mais ils trouvent que le service social est solidement installé ici et que, au Canada français comme ailleurs, la profession de travailleur social est devenue un instrument indispensable à la réalisation des fins du bien-être social"9. Cette obligation de penser le service

social comme pratique professionnelle s'est imposée et a agi, durant la décennie 60, comme mécanisme dominant d'i- dentification et de socialisation occu- pationnelle et de légitimation symbo- lique. Même la Commission Boucher fait sienne, indirectement, cette exi- gence d'un personnel professionnel dans le champ du bien-être social.

"Il s'agit en définitive pour le ministère d'être autre chose qu'une vaste machine distributrice de chèques d'allocations. Dès lors, apparaît la nécessité absolue d'un personnel compétent, d'autant plus que les indigents sont des êtres humains souvent aux prises avec des pro- blèmes extrêmement délicats. Le comité croit essentiel l'engagement d'un personnel déjà formé aux disciplines de bien-être social. C'est là la condition primordiale d'une action efficace de la part du ministère ... le ministère a un besoin pressant d'universités dans les domaines social"10.

8Idem, p. 14. 9ldem, p. 28. 10 Rapport du comité d'étude sur l'assistance publique. Gouvernement du Québec, Québec, I9ÒJ, p. 146-147. Cette volonté professionnelle quasi-omniprésente au début de la décennie 60, reste encore dominante aujourd'hui commeTindique ce commentaire introductif à un numéro spécial sur les "thèmes nouveaux dans la formation au service social". "Le service social, défenseur et repré- sentant des défavorisés depuis en siècle, ne refuse pas son aide aux membres des autres classes sociales et sa gratuité universelle le place au- dessus des accusations de calculs d'intérêts ... le service social a un rôle de leadership à exercer en bien-être" Service social, no 1-2, janvier-août 1972, p. 4 et 5.

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Mais, au cours de la décennie 70, cette idéologie professionnelle commence à être questionnée, en particulier par la Commission Castonguay-Nepveu11 qui privilégie fortement une déprofes- sionnalisation du service social et par des groupes de militants socio-poli- tiques12 qui, tout en se situant en rupture vis-à-vis le modèle profes- sionnel, favorisent une contre-pratique centrée sur la politisation des actes d'intervention.

2. Déprofessionnalisation La Commission Castonguay ne

considère pas le service social avec la même crédibilité que la Commission Boucher et ne reconnaissant plus la représentation spontanée de la pratique du service social des années 60, elle véhicule le projet de déprofessionnaliser les pratiques d'intervention en service soical dans la mise sur pied de services sociaux multiples, concrets, polyval- ents, répondant aux besoins de façon spontanée, directe et immédiate grâce à la promotion et la valorisation person- nelle et communautaire.

"Confusion et incohérence, telles sont les caractéristiques du système actuel de forma- tion aux services sociaux"13. Ce jugement lapidaire de la Commis-

sion s'applique autant aux connais- sances du praticien, jugées comme "sans fondement épistémologique cohérent et dysfonctionnel par rapport à la produc- tion des services sociaux" (325), qu'aux "cours de formation qui ne donnent aucune garantie de compétence, ne correspondent pas à la réalité ... et qui

l 'Commission d'enquête sur la santé et le bien-être social, Les services sociaux, vol VI t 1 et 2, Gouvernement du Québec, Québec, 1972. ,2Cap St-Jacques et Maisonneuve, Dossier service social: Le service social . . . instrument d'une classe?, Presses du Cirque, Montréal, 1972. uLes services sociaux, op. cit. t 2, p. 339.

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ne peuvent garantir, à quelque niveau que ce soit, la compétence effective du diplôme" (322).

Comme pour la formation, l'orienta- tion vers le service désintéressé à la clientèle est réinterprétée sur le registre du profit professionnel car, pour la Commission, "les travailleurs sociaux se préoccupent trop manifestement de leurs intérêts dans le but de réussir à s'imposer devant l'opinion publique" (57). En parlant d'une tendance à la monopolisation (73), la Commission n'hésite pas à qualifier la pratique en service social "de fief (14), de chasse- gardée (120), d'empire entouré d'une factice muraille de Chine (120), où le culte du diplomé et de la profession compte encore trop de vestales et de grands-prêtres dans le domaine des services sociaux" (121).

Cette orientation parfois polémique du modèle professionnel en service social, qui bâtit son argumentation à partir de la visée de déprofessionnaliser les pratiques d'intervention, amène la commission à valoriser les attitudes empathiques, non-directives et trans- parentes au milieu et à promouvoir comme qualités principales d'un prati- cien, "le bon jugement, l'expérience de la vie (120), la chaleur humaine, la compréhension (137), bref une pré- sence, sans diagnostic compliqué" (157).

"Il est évident alors que les services sociaux doivent être ouverts et accessibles à tous: les agents doivent-être compréhensifs et actifs, engager dans la réalité sociale et dans le monde ďaujourďhui non seulement en théorie mais dans les faits. 11 ne s'agit pas de disct er savamment entre spécialistes, des causes de la pauvreté; il faut être pauvre avec les pauvres, lutter et triompher des injustices anciennes et nouvelles et se tirer d'affaire ensemble. 11 faut écouter et comprendre, sans diagnostic compliqué"14.

l4Idem, t. 1. p. 157.

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3. Politisation Cette contestation de la pratique

professionnelle se transforme chez les militants socio-politiques en politisa- tion des actes d'intervention car le discours professionnel est relu comme rhétorique, parfois comme traduction de l'idéologie dominante et les pratiques d'intervention comme violence de classes. Les fonctions sociales se déplacent du changement social, de l'innovation sociale à la reproduction du rapport entre les classes, remplaçant une conception d'innovation par une de domestication sociale. Les attributs professionnels sont jugés comme arbi- traires et la notion de modèle profes- sionnel, dans ses postulats de compé- tence et de neutralité éthique, comme justification ou rationalisation idéolo- gique. Les militants socio-politiques identifient ainsi le service social aux mécanismes de domination et d'exploi- tation de la classe ouvrière puisque, selon eux, la rationalité cognitive de la formation participe d'une rhétorique petite-bourgeoise et les principes de service et de désintéressement se dévoilent comme une entreprise de contrôle, de domination et de moralisa- tion de certaines couches de la classe ouvrière.

L'éducation universitaire, plutôt que de former des praticiens compétents, les "prépare à masquer les vrais problèmes et à patcher les situations" (39), car le savoir qui est envisagé comme l'équiva- lent de la notion de "normalité vue sous différents angles, individuels ou collec- tifs", contribue, selon exu, au "maintien de la classe dominante actuelle et conséquemment aux rapports sociaux existants axés sur la domination et l'exploitation" en jouant un "rôle spécifique, de courroie de transmission entre les capitalistes et la classe des travailleurs" (39).

Ce questionnement voire cette rup- ture vis-àrvis l'image professionnelle du travailleur social resitue ce dernier dans sa condition de classe i.e. comme "nouvelle petite bourgeoisie qui possède un pouvoir idéologique" (39), "plus intéressé à sauvegarder ses privilèges de classes" (42) qu'à défendre la classe ouvrière.

"Nous pouvons qualifier les travailleurs sociaux ďagents de conservation de l'ordre établi par le fait qu'ils ne remettent pas en question les règles du jeu établies et imposées par le pouvoir et par le fait qu'ils cautionnent les agissements du pouvoir en les rendant acceptables et en désamorçant tout processus révolutionnaire de la classe ouvrière"15. Cette politisation du service social se

fonde alors, sur l'acquisition d'une compétence non plus méthodologique mais idéologique et militante, axée sur une compréhension politique des problèmes soicaux et de la lutte des classes car cette formation militante permet seule de guider, d'éclairer et de modifier les stratégies et les pratiques de luttes.

4. Signification Sans entrer dans la question sur la

validité d'une représentation profes- sionnelle et les possibilités de la réalisation d'une pratique déprofes- sionnalisée ou politique16, ni vouloir apprécier le mérite de l'argumentation de chaque prise de position, il semb- lerait plutôt que ce débat ou ces images opposées voire contradictoires de la pratique d'intervention indique une remise en question ou un processus important de changement de la défini- tion sociale de l'autorité profession- nelle, et plus particulièrement de la compétence, elle-même fonction des modifications des principes d'évalua- tion de l'excellence des performances d'intervention. Cet état des représenta-

15 Dossier Service Social, op. cit. p. 43. l6Galper, J.H., The Politics of Social Services, Prentice-Hall Inc. 1975, p. 89 sq et 191 sq.

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tions collectives est lié aux transforma- tions objectives du système de bien-être québécois, entraînant une réorganisa- tion de la structure du champ profes- sionnel, ce qui implique des change- ments profonds dans les conditions de la pratique en service social et du rapport que les praticiens entretiennent avec leur travail et des représentations qu'ils ont de leur position et de leurs fonctions dans la société.

Ce débat autour de l'identité ou de l'identification du service social donne une image composite, hétérogène voire éclatée de la pratique du service social, et exprime, me semble-t-il, des straté- gies symboliques opposées sinon anta- gonistes d'agents ou de groupes d'agents en situation de concurrence pour imposer leur propre "hiérarchie de crédibilité"17. Chacune de ces identités renvoient à des principes différents voire opposés de légitimité ou à des modes différents d'exercise de l'auto- rité18 puisque l'approche profession- nelle fonde sa compétence à partir d'une rationalité méthodologique et métho- dique qui découle d'un savoir spécialisé contrairement à l'approche déprofes- sionnalisée qui reste critique vis-à-vis toute forme de rationalisation et justifie sa pratique à partir de l'empathie de la relation et de l'expérience de vie et à l'approche militante ou politisée qui, elle, base plutôt son intervention à partir d'une compétence et d'un engage- ment idéologique. Ces diverses orienta- tions révèlent en outre le caractère conflictuel du champ du service social dont l'enjeu tourne autour de l'image accomplie, i.e. légitime et autorisée du métier.

,7Becker H., "Whose Side Are We On?" Social Problems, 14 (Winter 1967), pp. 239-247. l8Bourdieu, P., Passeron, J.C., La reproduction , Minuit, Paris, 1972.

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Replacée dans une perspective histo- rique, la contestation de la décennie 70, indique un changement des valeurs occupationnelles, entendues comme "modalités particulières selon laquelle les valeurs sont vécues et deviennent principe d'action"19. Ces nouveaux rapports aux valeurs s'expriment tant au niveau du changement des certitudes rituelles qu'à celui des idées, du vocabulaire et des problématiques proclamées. Ces divers déplacements ou modifications idéologiques qui tradui- sent "la vérité sociale de la compétence comme parole autorisée et parole d'autorité"20 se présentent comme des indices de transformations objectives du système de bien-être québécois qui est lui-même dépendant des modifica- tions de l'Etat et de son rôle dans la structuration des rapports sociaux.

Sans entrer dans l'ensemble systéma- tique des transformations que connaît le système de bien-être québécois depuis la fin de la dernière décennie, soulignons le processus accéléré de sécularisation, de rationnalisation des divers appareils de bien-être qui s'est traduit par une croissance et une diversification des effectifs et par une concentration- centralisation des processus de déci- sions, de planification et d'évaluation, entraînant une complexification du système interne des relations profes- sionnelles et institutionnelles.

Cette croissance et cette emprise institutionnelle et bureaucratique sur les pratiques d'intervention entraîne une restructuration et une diversifica- tion du champ professionnel dont un des effets demeure, dans bien des cas, la substitution à l'ancienne solidarité

l9Passeron, J.C., Changement et permanence dans le monde intellectuel, mimeo, sans date p. 16. 20Bourdieu, P., La spécificité du champ scienti- fique, Sociologies et Sociétés, vol 7, no 1, mai 1975, p. 92.

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professionnelle ou corporative, une solidarité plus syndicale, fondée sur une complémentarité des intérêts inter- occupationnels engendrés par la mise en place d'un réseau institutionnel com- plexé de production de services sociaux et de bien-être.

Ces transformations morphologiques et institutionnelles agissent sur la définition du service social par les modifications objectives des conditions de travail, des conditions d'exercice des pratiques d'intervention bref de la division sociale du travail dans les "industries" de bien-être, ce qui crée une situation de crise larvée qui s'exprime dans des formes multiples de relégation et de bureaucratisation des activités occupationnelles, situation favorisant ou obligeant à une rupture ou à une contestation du modèle professionnel qui apparaît en porte à faux vis-à-vis ces transformations dans le champ du bien- être21.

Conclusion Quoiqu'il soit difficile voire impos-

sible de s'abstraire des luttes symbo- liques autour de la définition légitime de la pratique en service social, le parti-pris de cette analyse a été moins de continuer ou de trancher les polémiques que d'en

21 La relégation des activités occupationnelles doit être comprise en tenant compte de l'origine sociale des travailleurs sociaux et de la trajectoire objective de mobilité du service social dans le champ professionnel, lui-même resitué par rapport au champ politique. Ces dernières remarques constituent, à ce moment de la recherche, une hypothèse de travail pour rendre compte des diverses stratégies déployées à l'intérieur du service social dont les diverses formes de contestation expriment les écarts et tensions, produits par les changements du système de bien-être québécois.

exposer les composantes et d'en cerner les mécanismes et les processus sociaux constitutifs, en interprétant ces débats intellectuels comme autant de stratégies symboliques dont l'enjeu tourne autour de la définition sociale légitime de la compétence et de l'autorité profession- nelle. Cette crise d'identité relativise une certaine représentation intégrée et instituée du service social qui privilégie l'institutionnalisation des activités intel- lectuelles et le dépérissement des idéologies car ces luttes idéologiques se traduisent, au niveau spécifiquement scolaire, dans le processus de formation académique, dans un message péda- gogique syncrétique ou eclectique, sorte de pacte de non agression qui tente de légitimer ou de consacrer par routinisa- tion pédagogique des ensembles intel- lectuels disparates ou contradictoires. Cette situation risque, peut-être, de produire, à la longue, chez les étudiants une représentation à dominante cynique, désabusée voire désenchantée de leur pratique, situation déterminée certes par le caractère particulier des divers messages pédagogiques mais aussi et surtout par l'état de crise de la formation, de la pratique et du système de bien-être en tant que tel.

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