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EXERCICES SUR LES ESPACES NORMES ET LA CONVERGENCE UNIFORME G.EGUETHER 21 février 2017

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EXERCICES

SUR LES ESPACES NORMES

ET LA CONVERGENCE UNIFORME

G.EGUETHER

21 février 2017

Table des matières

1 Espaces généraux 1

2 Espace R2 15

3 Espaces de polynômes 27

4 Espaces de suites 41

5 Espaces de fonctions 49

6 Convergence uniforme 103

7 Espaces d’applications (bi)linéaires 137

8 Espaces de matrices 149

i

ii TABLE DES MATIÈRES

Avertissement

On trouvera dans ce qui suit un choix d’exercices sur les espaces vectoriels normés et la convergenceuniforme. On proposera pour chaque exercice une démonstration, mais il peut, bien sûr, y avoir d’autresmoyens de procéder.

En général on n’a vérifié que la propriété de séparation de la norme, les deux autres propriétés étantlaissées aux bons soins du lecteur.

Notations

Les espaces vectoriels considérés sont des espaces sur R ou C.

1) Dans un espace métrique (E, d), on note respectivement B(x, r) et B′(x, r) la boule ouverte et laboule fermée de centre x et de rayon r.

2) Si f est une application linéaire continue d’un espace vectoriel normé dans un autre, on notera |||f |||la norme de cette application.

3) Soit x = (x1, . . . , xn) un vecteur de Rn ou Cn et p un entier plus grand que 1. On notera

‖x‖∞ = max1≤i≤n

|xi| et ‖x‖p =

(n∑

i=1

|xi|p)1/p

.

Cela définit des normes sur Rn ou Cn.

4) Soit f est une fonction à valeurs réelles ou complexes définie sur un intervalle I non vide et p unentier plus grand que 1. On notera,

‖f‖∞ = supx∈I

|f(x)| ,

qui définit une norme sur l’espace des fonctions bornées sur I, et

‖f‖p =

I

|f(x)|p dx

1/p

,

qui définit une norme sur l’espaces vectoriel des fonctions continues de puissance p−ième intégrablesur I.

En particulier, lorsque I est compact, cela définit des normes sur l’espace C (I,R) (resp. C (I,C)) desfonctions continues sur I à valeurs réelles (resp. complexes).

Cela définit également des normes sur les espaces de polynômes R[X] et C[X] car la nullité de ‖P‖ientraine que P (x) est nul pour tout x de I donc que P a une infinité de racines, c’est-à-dire que P estle polynôme zéro.

Chapitre 1

Espaces généraux

Exercice 1

1) Soit F un espace vectoriel normé sur R, E un espace vectoriel sur R et f une application linéairede E dans F . Pour tout x de E, on pose

‖x‖E = ‖f(x)‖F .

A quelle condition définit-on ainsi une norme sur E ?

2) Soit F et G deux espaces vectoriels normés sur R, E un espace vectoriel sur R et f et g deuxapplications linéaires de E dans F et de E dans G respectivement. Pour tout x de E, on pose

‖x‖E = ‖f(x)‖F + ‖g(x)‖G .

A quelle condition définit-on ainsi une norme sur E ?

Solution

1) On a de manière évidente

‖λx+µy‖E = ‖f(λx+µy)‖F = ‖λf(x)+µf(y)‖F ≤ |λ| ‖f(x)‖F + |µ| ‖f(y)‖F = |λ| ‖x‖E + |µ| ‖y‖E .

Il reste donc à étudier la propriété de séparation.

Si le nombre ‖x‖E est nul, cela signifie que ‖f(x)‖F est nul et donc que f(x) est nul. Si l’on veut avoirla propriété de séparation, il faut que f(x) = 0 implique x = 0, c’est-à-dire que f soit injective et cettecondition est suffisante.

2) Là aussi, seule la propriété de séparation n’est pas automatiquement vérifiée. Si le nombre ‖x‖Eest nul, cela signifie que ‖f(x)‖F et ‖g(x)‖G sont nuls et donc que f(x) et g(x) sont nuls. Si l’on veut

2 CHAPITRE 1. ESPACES GÉNÉRAUX

avoir la propriété de séparation, il faut que f(x) = 0 et g(x) = 0 impliquent x = 0, c’est-à-dire que

Ker f ∩Ker g = {0} ,

et cette condition est suffisante.

Exercice 2

Soit E un espace vectoriel normé sur R, F un espace vectoriel sur R et f une application linéairesurjective de E dans F . Pour tout x de F , on pose

‖x‖F = inf{‖a‖E | f(a) = x} .

1) Montrer que l’on obtient de cette manière une norme sur F rendant f continue si et seulementsi Ker f est fermé dans E.

2) On suppose dans cette question que F = R et donc que f est une forme linéaire non nulle surE, de noyau H. Montrer que– ou bien, pour tout x réel, ‖x‖R = 0,– ou bien il existe a0 dans E tel que

|x| = inf{‖u+ xa0‖E | u ∈ H} ,

et en déduire qu’alors d(a0,H) = 1.

3) Soit H un sous-espace fermé de E et F = E/H. Définir une norme sur F .

Solution

1) Remarquons tout d’abord, puisque f(0) = 0, que

‖0‖F ≤ ‖0‖E = 0 ,

donc ‖0‖F est nul.

En particulier, si λ est nul,

‖λx‖F = ‖0‖F = 0 = |λ| ‖x‖F .

Soit maintenant λ un nombre réel non nul et x un vecteur de F . Comme f est linéaire

‖λx‖F = inf{‖a‖E | f(a) = λx} = inf{‖a‖E | f(a/λ) = x} .

En posant a = λb, on a encore

‖λx‖F = inf{‖λb‖E | f(b) = x} = |λ| inf{‖b‖E | f(b) = x} = |λ| ‖x‖F .

3

Enfin, si l’on a f(a) = x et f(b) = y, donc f(a+ b) = x+ y, on obtient

‖x+ y‖F ≤ ‖a+ b‖E ≤ ‖a‖E + ‖b‖E .

Fixons b, alors ‖x+ y‖F − ‖b‖E est un minorant de l’ensemble {‖a‖E | f(a) = x}, donc

‖x+ y‖F − ‖b‖E ≤ inf{‖a‖E | f(a) = x} = ‖x‖F ,

puis ‖x+ y‖F − ‖x‖F est un minorant de l’ensemble {‖b‖E | f(b) = y}, donc

‖x+ y‖F − ‖x‖F ≤ inf{‖b‖E | f(b) = y} = ‖y‖F ,

et finalement‖x+ y‖F ≤ ‖x‖F + ‖y‖F .

De plus, par construction,

(1) ‖f(a)‖F ≤ ‖a‖E .

Pour obtenir une norme, il faut encore que ‖x‖F = 0 implique x = 0.

Si c’est une norme, alors l’inégalité (1) montre que l’application linéaire f est continue et donc, puisque{0} est fermé dans F , l’ensemble

Ker f = f−1(0)

est fermé dans E.

Réciproquement, supposons l’ensemble Ker f fermé, et soit x dans F tel que ‖x‖F soit nul. Il existeune suite (an)n≥0 de E telle que, pour tout n,

f(an) = x ,

et telle quelimn→∞

‖an‖E = ‖x‖F = 0 .

Donc la suite (an) converge vers 0 dans E. Alors la suite (a0 − an) est une suite de Ker f qui convergevers a0 dans E. Comme Ker f est fermé, le vecteur a0 appartient à Ker f et

0 = f(a0) = x .

2) Si b0 est un élément de E tel que f(b0) = 1, tout élément a de E peut s’écrire

a = v + xb0 ,

où v est dans H et x dans R. Alors les éléments de E tels que

f(a) = x ,

sont exactement les éléments de la forme précédente. Donc

‖x‖R = inf{‖a‖E | f(a) = x} = inf{‖v + xb0‖E | v ∈ H} .

4 CHAPITRE 1. ESPACES GÉNÉRAUX

Si H n’est pas fermé, c’est un sous-espace dense de E et il existe une suite (vn) de H de limite −xb0.Alors, pour tout entier n,

‖x‖R ≤ ‖vn + xb0‖E ,

et, par passage à la limite, on en déduit que ‖x‖R est nul.

Si H est fermé, alors ‖.‖R est une norme sur R d’après 1). Les normes sur R étant des multiples de lavaleur absolue, il existe un nombre k strictement positif tel que

‖x‖R = k|x| .

On en déduit que

|x| = 1

kinf{‖v + xb0‖E | v ∈ H} = inf{‖v/k + x(b0/k)‖E | v ∈ H} .

En posant a0 = b0/k et u = v/k, on obtient

|x| = inf{‖u+ xa0‖E | u ∈ H} .

En particulier, si x = −1

1 = inf{‖u − a0‖E | u ∈ H} = d(a0,H) .

3) L’application f qui à x associe sa classe x vérifie les conditions de 1). On obtient une norme sur Fen posant

‖x‖F = inf{‖a‖E | f(a) = x} = inf{‖a‖E | a = x} = inf{‖x + h‖E | h ∈ H} .

Exercice 3 Jauge

Soit E un espace vectoriel sur R, et B une partie de E convexe, vérifiant les propriétés suivantes

(1) −B = B(2) {α > 0 | x ∈ αB} 6= ∅(3) ∩

α>0αB = {0}

Pour tout x de E on pose‖x‖B = inf{α > 0 | x ∈ αB} .

1) Montrer que l’on définit ainsi une norme sur E et que

B(0, 1) ⊂ B ⊂ B′(0, 1) .

2) Soit (E, ‖.‖) un espace vectoriel normé. On prend B = B(0, 1) ou B′(0, 1). Montrer que ‖.‖Bn’est autre que la norme ‖.‖.

5

Solution

1) Remarquons tout d’abord que B contient 0 d’après (3) en prenant α = 1. D’autre part la convexitése traduit par le fait que, pour tout nombre réel α de [ 0, 1 ] , on a l’inclusion

αB + (1− α)B ⊂ B ,

et implique donc que, l’ensemble αB est inclus dans B. Alors, puisque (α/β)B est inclus dans B si0 ≤ α ≤ β, on en déduit que l’on a dans ce cas, en multipliant par β,

αB ⊂ βB ,

Montrons les propriétés de la norme.

a) Remarquons déjà que, puisque 0 appartient à αB pour tout α, on a alors ‖0‖B = 0.

Supposons que ‖x‖B soit nul. Il existe une suite de nombres réels (αn) décroisante et tendant vers 0telle que, pour tout entier n le vecteur x appartienne à αnB. Alors x appartient à ∩

nαnB. Mais comme

tout nombre α strictement positif est compris entre deux termes de la suite, le vecteur x appartientaussi à ∩

α>0αB donc est nul d’après la propriété (3).

b) Tout d’abord, si λ est nul,

‖λx‖B = ‖0‖B = 0 = |λ| ‖x‖B .

Remarquons aussi que, pour tout nombre réel α, d’après (1),

αB = −αB = |α|B .

Soit maintenant λ un nombre réel non nul. On a

‖λx‖B = inf{α > 0 | λx ∈ αB} = inf{α > 0 | x ∈ (α/λ)B} = inf{α > 0 | x ∈ (α/|λ|)B} .

En posant β = α/|λ|, on a encore

‖λx‖B = inf{β|λ| > 0 | x ∈ βB} = |λ| inf{β > 0 | x ∈ βB} = |λ| ‖x‖B .

c) Si x et y sont dans E, soit α et β tels que

x ∈ αB et y ∈ βB .

Alors, d’après la convexité de B,

1

α+ β(x+ y) ∈ α

α+ βB +

β

α+ βB ⊂ B ,

donc x+ y appartient à (α+ β)B et

‖x+ y‖B ≤ α+ β .

6 CHAPITRE 1. ESPACES GÉNÉRAUX

Fixons β. On a

‖x+ y‖B − β ≤ α ,

donc ‖x+ y‖B − β minore l’ensemble {α > 0 | x ∈ αB}, et il en résulte que

‖x+ y‖B − β ≤ ‖x‖B .

Ensuite

‖x+ y‖B − ‖x‖B ≤ β ,

et ‖x+ y‖B − ‖x‖B minore l’ensemble {β > 0 | y ∈ βB}. Il en résulte que

‖x+ y‖B − ‖x‖B ≤ ‖y‖B ,

et l’on en déduit l’inégalité triangulaire

‖x+ y‖B ≤ ‖x‖B + ‖y‖B .

Si x appartient à B(0, 1), on a donc

‖x‖B < 1 .

Il existe α < 1 tel que x appartienne à αB. Mais alors αB est inclus dans B. Donc

B(0, 1) ⊂ B .

Si x appartient à B, par définition ‖x‖B est plus petit que 1 et

B ⊂ B′(0, 1) .

2) Soit α > 0. Dire que x appartient à αB(0, 1) équivaut à dire que x appartient à B(0, α), et de même,dire que x appartient à αB′(0, 1) équivaut à dire que x appartient à B′(0, α).

Si B = B(0, 1), alors le vecteur x appartient à la boule B(0, ‖x‖+ 1/n) et n’appartient pas à la bouleB(0, ‖x‖). Il en résulte que

‖x‖ ≤ ‖x‖B ≤ ‖x‖+ 1

n,

et par passage à la limite

‖x‖ = ‖x‖B .

Si B = B′(0, 1), alors le vecteur x appartient à la boule B′(0, ‖x‖) mais pas à la boule B′(0, ‖x‖−1/n).Il en résulte que

‖x‖ − 1

n≤ ‖x‖B ≤ ‖x‖ ,

et par passage à la limite

‖x‖ = ‖x‖B .

7

Exercice 4

Soit E un espace vectoriel sur R et soit F et G deux sous-espaces de E munis chacun de normesnotées respectivement ‖.‖F et ‖.‖G.

1) On suppose que ces deux normes sont équivalentes sur F ∩ G et que F ∩ G est fermé dans Fpour ‖.‖F et dans G pour ‖.‖G. Montrer que l’on définit une norme sur E en posant

‖x‖E = inf{‖u‖F + ‖v‖G | x = u+ v , u ∈ F , v ∈ G} ,

et que, sur F ∩G, cette norme est équivalente aux deux autres.

2) Montrer que la propriété du 1) est satisfaite en particulier si F ∩G est de dimension finie. Quese passe-t-il si F et G sont supplémentaires ?

Solution

1) a) Tout d’abord,

‖0‖E ≤ ‖0‖F + ‖0‖G = 0 ,

donc ‖0‖E est nul.

Si ‖x‖E est nul, alors il existe deux suites (un)n≥0 et (vn)n≥0 dans F et G respectivement, telles que,pour tout n

x = un + vn ,

et telles que

limn→∞

(‖un‖F + ‖vn‖G) = 0 .

En raison de l’égalité

un + vn = u0 + v0 = x ,

on a

un − u0 = v0 − vn ,

et ce vecteur appartient à F ∩ G. D’autre part la suite (un) converge vers 0 dans F . Donc la suite(un − u0) converge vers −u0 dans F pour la norme ‖.‖F . Mais un − u0 se trouve en fait dans F ∩ Gqui est fermé dans F , donc −u0 appartient à F ∩G. De même (v0 − vn) converge vers v0 dans G pour‖.‖G et en fait dans F ∩G. Comme les normes ‖.‖F et ‖.‖G sont équivalentes sur F ∩G les limites sontles mêmes et l’on trouve

−u0 = v0 .

Alors

x = u0 + v0 = 0 .

b) Tout d’abord, si λ est nul,

‖λx‖E = ‖0‖E = 0 = |λ| ‖x‖E .

8 CHAPITRE 1. ESPACES GÉNÉRAUX

Soit maintenant λ un nombre réel non nul. On a

‖λx‖E = inf{‖u‖F + ‖v‖G | λx = u+ v , u ∈ F , v ∈ G}= inf{‖u‖F + ‖v‖G | x = (u/λ) + (v/λ) , u ∈ F , v ∈ G} .

En posant

u′ =u

λet v′ =

v

λ,

on a encore

‖λx‖E = inf{‖λu′‖F + ‖λv′‖G | x = u′ + v′ , u′ ∈ F , v′ ∈ G}= |λ| inf{‖u′‖F + ‖v′‖G | x = u′ + v′ , u′ ∈ F , v′ ∈ G}= |λ| ‖x‖E .

c) Si x et y sont dans E, ils s’écrivent

x = u+ v et y = u′ + v′

avec u et u′ dans F et v et v′ dans G. Alors

x+ y = (u+ u′) + (v + v′)

avec u+ u′ dans F et v + v′ dans G, donc

‖x+ y‖E ≤ ‖u+ u′‖F + ‖v + v′‖G ≤ ‖u‖F + ‖u′‖F + ‖v‖G + ‖v′‖G .

Si u′ et v′ sont fixés, on obtient

‖x+ y‖E − (‖u′‖F + ‖v′‖G) ≤ ‖u‖F + ‖v‖G .

Alors ‖x+y‖E−(‖u′‖F+‖v′‖G) est un minorant de l’ensemble {‖u‖F+‖v‖G | x = u+v , u ∈ F , v ∈ G}donc

‖x+ y‖E − (‖u′‖F + ‖v′‖G) ≤ inf{‖u‖F + ‖v‖G | x = u+ v , u ∈ F , v ∈ G} = ‖x‖E .

Ensuite‖x+ y‖E − ‖x‖E ≤ ‖u′‖F + ‖v′‖G .

Alors ‖x+ y‖E −‖x‖E est un minorant de l’ensemble {‖u′‖F + ‖v′‖G | y = u′ + v′ , u′ ∈ F , v′ ∈ G},donc

‖x+ y‖E − ‖x‖E ≤ inf{‖u′‖F + ‖v′‖G | y = u′ + v′ , u′ ∈ F , v′ ∈ G} = ‖y‖E .

Finalement on obtient bien l’inégalité triangulaire

‖x+ y‖E ≤ ‖x‖E + ‖y‖E .

d) Si x appartient à F ∩G, on a en particulier la décomposition x = x+ 0 donc

‖x‖E ≤ ‖x‖F .

9

Si u+ v est une autre décomposition de x, alors x− u = v est dans F ∩G. Donc

‖x‖F = ‖u+ v‖F ≤ ‖u‖F + ‖v‖F .

Mais puisque les normes ‖.‖F et ‖.‖G sont équivalentes sur F ∩G, il existe k ≥ 1 tel que,

‖v‖F ≤ k ‖v‖G ,

et, par suite,

‖x‖F ≤ ‖u‖F + k ‖v‖G ≤ k(‖u‖F + ‖v‖G) .Alors

‖x‖F ≤ k inf{‖u‖F + ‖v‖G | x = u+ v , u ∈ F , v ∈ G} = k ‖x‖E .

Les normes ‖.‖F et ‖.‖E sont équivalentes sur F ∩G et par transitivité, les normes ‖.‖G et ‖.‖E éga-lement.

2) Si F ∩ G est de dimension finie, les normes ‖.‖F et ‖.‖G sont automatiquement équivalentes surF ∩G et F ∩G est complet, donc fermé dans F et dans G pour les normes respectives.

Si F et G sont supplémentaires, alors il existe une seule décomposition d’un vecteur x sous la formeu+ v, et donc

‖x‖E = ‖u‖F + ‖v‖G .

Exercice 5 Semi-norme

Soit E un espace vectoriel sur R muni d’une semi-norme N , c’est-à-dire d’une application à valeursréelles vérifiant les propriétés d’une norme sauf la propriété de séparation.

1) Montrer que l’ensemble F des éléments x de E tels que N(x) soit nul, est un sous-espace vectorielde E.

2) Montrer que si x et y sont deux vecteurs de E tels que x − y appartienne à F , alors N(x) estégal à N(y). En déduire que l’on peur définir une norme sur l’espace E/F en posant

‖x‖ = N(x) .

Solution

1) L’ensemble F contient 0. Si N(x) est nul, et si λ est un nombre réel, on a

N(λx) = |λ|N(x) = 0 .

Si N(x) et N(y) sont nuls

0 ≤ N(x+ y) ≤ N(x) +N(y) = 0 ,

10 CHAPITRE 1. ESPACES GÉNÉRAUX

donc N(x+y) est nul. Il en résulte que F est table par combinaisons linéaires. C’est bien un sous-espacede E.

2) Si x− y est dans F , alorsN(x) ≤ N(x− y) +N(y) = N(y) .

Comme y − x est aussi dans F , on a également, en inversant les rôles de x et y,

N(y) ≤ N(x) ,

d’où l’égalité.

Alors N(x) ne dépend pas de l’élément choisi dans la classe de x, et l’on définit une application deE/F dans R en posant

‖x‖ = N(x) .

Cette application conserve les propriétés de la semi-norme N , mais de plus, dire que ‖x‖ est nul signi-fie que N(x) est nul, donc que x appartient à F , et finalement que x est nul. On obtient bien une norme.

Exercice 6

Soit E une algèbre sur R ou C de neutre I. On suppose que E est munie d’une norme N possédantla propriété suivante : il existe une constante K telle que, quels que soient A et B dans E,

N(AB) ≤ KN(A)N(B) .

1) Montrer que l’on définit une application linéaire continue sur E en posant

ϕA(B) = AB .

2) On pose‖A‖ = |||ϕA||| .

Montrer que l’on définit ainsi une norme sur E équivalente à N . Quelles sont les propriétés de cettenorme pour le produit et l’élément I ?

Solution

1) L’application ϕA est clairement linéaire et l’on a

N(ϕA(B)) = N(AB) ≤ KN(A)N(B) ,

ce qui montre que ϕA est continue de norme plus petite que KN(A).

2) D’après ce qui précède,‖A‖ = |||ϕA||| ≤ KN(A) .

11

Par ailleurs, comme I est le neutre de E,

‖A‖ = supM 6=0

N(AM)

N(M)≥ N(A)

N(I).

On a donc,N(A)

N(I)≤ ‖A‖ ≤ KN(A) ,

et les normes N et ‖.‖ sont équivalentes. (On remarquera que si K = N(I) = 1, on obtient la mêmenorme).

Alors, puisque

ϕA ◦ ϕB = ϕAB ,

on a, en raison des propriétés des normes d’opérateurs,

‖AB‖ = |||ϕA ◦ ϕB ||| ≤ |||ϕA||| |||ϕB ||| = ‖A‖ ‖B‖ et ‖I‖ = |||Id||| = 1 .

Exercice 7

Soit f une application d’un espace vectoriel normé (E, ‖.‖) dans un espace métrique (M,d), et x0un point de E. Montrer que f est continue en x0 si et seulement si, pour toute application g de[ 0, 1 ] dans E continue en 0 et valant x0 en ce point, l’application f ◦ g est continue en 0.

Solution

Par composition des fonctions continues, si f est continue en x0 et g continue en 0 et valant x0 en cepoint alors f ◦ g est continue en 0.

Pour démontrer l’application réciproque, démontrons sa contraposée.

Soit f une fonction qui n’est pas continue en x0. Il existe ε > 0 tel que, pour tout α > 0, il existe ydans E tel que

‖y − x0‖ ≤ α et d(f(x), f(x0)) ≥ ε .

On prend α = 2−n il existe donc yn dans E tel que

‖yn − x0‖ ≤ 2−n et d(f(yn), f(x0)) ≥ ε .

On peut alors construire une fonction g sur [ 0, 1 ] de la manière suivante. Elle est affine sur chaqueintervalle [ 2−(n+1), 2−n ] et pour tout n ≥ 0

g(2−n) = yn ,

12 CHAPITRE 1. ESPACES GÉNÉRAUX

c’est-à-dire, sur [ 2−(n+1), 2−n ] ,

g(x) = (2n+1x− 1)yn + (2− 2n+1x)yn+1 .

Cela défini une fonction continue sur ] 0, 1 ] que l’on complète par

g(0) = x0 .

Alors, si x appartient à [ 2−(n+1), 2−n ] , on a

‖g(x) − g(0)‖ = ‖(2n+1x− 1)yn + (2− 2n+1x)yn+1 − x0‖= ‖(2n+1x− 1)(yn − x0) + (2− 2n+1x)(yn+1 − x0)‖≤ (2n+1x− 1) ‖yn − x0‖+ (2− 2n+1x) ‖yn+1 − x0‖≤ ‖yn − x0‖+ ‖yn+1 − x0‖≤ 2−n + 2−n−1 = 3 · 2−n−1 .

Il en résulte que la fonction g est continue en 0, donc sur [ 0, 1 ] . Mais

d(f ◦ g(2−n), f ◦ g(0)) = d(f(yn), f(x0)) ≥ ε ,

et f ◦ g n’est pas continue en 0.

Exercice 8 Théorème du point fixe

Soit I une partie fermée non vide d’un espace vectoriel E complet, et f une application contractantede I dans I.

1) Montrer que f possède un point fixe et un seul, et que toute suite (xn)n≥0 de I définie parrécurrence par la relation

xn+1 = f(xn)

à partir d’un point x0 de I, converge vers le point fixe ℓ. Donner une majoration de ‖xn − ℓ‖.2) Soit F l’ensemble des fonctions continues sur I, muni de la norme infinie. Montrer que si f − Idest bornée sur I, la suite (fn) converge vers la fonction constante ℓ dans F .

Solution

On a donc, quels que soient x et y dans I

‖f(x)− f(y)‖ ≤ k ‖x− y‖ ,

où 0 ≤ k < 1. Donc f est continue (et mème uniformément continue) sur I.

13

Tout d’abord, il existe au plus un point fixe pour f . En effet, si x et y sont deux points fixes, on a

‖x− y‖ = ‖f(x)− f(y)‖ ≤ k ‖x− y‖ ,

ce qui implique que ‖x− y‖ est nul et donc que x = y.

On montre ensuite que la suite (xn) est une suite de Cauchy. C’est évident si x1 = x0 car la suite (xn)est constante (et x0 est un point fixe). Tout d’abord,

‖xn+1 − xn‖ = ‖f(xn)− f(xn−1)‖ ≤ k ‖xn − xn−1‖ ,

et une récurrence immédiate montre que

‖xn+1 − xn‖ ≤ kn‖x1 − x0‖ .

Alors

‖xn+p − xn‖ ≤p−1∑

i=0

‖xn+i+1 − xn+i‖ ≤p−1∑

i=0

kn+i‖x1 − x0‖ .

En calculant la somme géométrique, on obtient

p−1∑

i=0

kn+i = knp−1∑

i=0

ki = kn1− kp

1− k=

kn − kn+p

1− k≤ kn

1− k,

et donc

(1) ‖xn+p − xn‖ ≤ kn

1− k‖x1 − x0‖ .

Comme la suite (kn) converge vers 0 puisque 0 ≤ k < 1, pour tout ε > 0, il existe N , tel que, si n ≥ N ,on ait,

kn ≤ ε(1− k)

‖x1 − x0‖,

et donc, pour tout entier p

‖xn+p − xn‖ ≤ ε ,

ce qui montre que la suite (xn) est une suite de Cauchy de I. Comme I est fermé dans E complet, ilest lui-même complet et la suite (xn) possède une limite ℓ dans I.

Puisque f est continue, la suite (f(xn)) converge alors vers f(ℓ), et par passage à la limite dans l’égalité

f(xn) = xn+1 ,

on obtient

f(ℓ) = ℓ ,

donc ℓ est un point fixe de f ce qui montre l’existence du point fixe.

14 CHAPITRE 1. ESPACES GÉNÉRAUX

En faisant tendre p vers l’infini dans la relation (1), on trouve alors

‖ℓ− xn‖ ≤ kn

1− k‖x1 − x0‖ .

2) Soit x quelconque dans I. Alors, d’après la relation précédente

‖fn(x)− ℓ‖ ≤ kn

1− k‖f(x)− x‖ .

Si la fonction f − Id est bornée, soit M un majorant. Alors

‖fn(x)− ℓ‖ ≤ Mkn

1− k,

donc

‖fn − ℓ‖∞ ≤ Mkn

1− k,

Ce qui montre que la suite (fn) converge vers la fonction constante ℓ dans F .

Chapitre 2

Espace R2

Exercice 9

1) Montrer que pour tout couple (a, b) de nombres réels

|a|+ |b| = max(|a+ b|, |a− b|) .

2) Dans R2 montrer que l’on définit une norme en posant

‖(x, y)‖ = |x+ y|+ |x| ,

et déterminer la boule unité fermée.

3) Même problème avec‖(x, y)‖′ = |x+ y|+ |2x− y| .

Solution

1) Si a et b sont de même signe, c’est aussi le signe de a+ b. Alors

|a− b| ≤ |a|+ |b| = |a+ b| ,

donc|a|+ |b| = max(|a+ b|, |a− b|) .

Si a et b sont de signes contraires, alors a et −b sont de même signe et

|a|+ | − b| = |a|+ |b| = max(|a− b|, |a+ b|) .

2) Si la norme ‖(x, y)‖ est nulle, cela implique x+ y = x = 0, d’où x = y = 0.

Soit λ un nombre réel. Alors

‖λ(x, y)‖ = ‖(λx, λy)‖ = |λx+ λy|+ |λx| = |λ| (|x+ y|+ |x|) = |λ| ‖(x, y)‖ .

16 CHAPITRE 2. ESPACE R2

Enfin

‖(x, y) + (x′, y′)‖ = ‖(x+ x′, y + y′)‖ = |x+ x′ + y + y′|+ |x+ x′| ≤ |x+ y|+ |x′ + y′|+ |x|+ |x′| ,

et donc

‖(x, y) + (x′, y′)‖ ≤ ‖(x, y)‖ + ‖(x′, y′)‖ .

On a donc bien une norme sur R2.

Si (x, y) appartient à la boule unité fermée, on a d’après 1),

|x+ y|+ |x| = max(|2x+ y|, |y|) ≤ 1 ,

et donc

−1 ≤ 2x+ y ≤ 1 et − 1 ≤ y ≤ 1 .

La boule est limitée par les droites d’équation

y = 1 , y = −1 , y = −2x− 1 et y = −2x+ 1 .

1

3) Si le norme ‖(x, y)‖′ est nulle, cela implique x + y = 2x − y = 0, d’où x = y = 0. Les autrespropriétés se démontrent comme dans 2).

Si (x, y) appartient à la boule unité fermée, on a d’après 1),

|x+ y|+ |2x− y| = max(|3x|, |x − 2y|) ≤ 1 ,

et donc

−1 ≤ 3x ≤ 1 et − 1 ≤ x− 2y ≤ 1 .

La boule est limitée par les droites d’équation

x = −1/3 , x = 1/3 , y =x+ 1

2et y =

x− 1

2.

17

✲1/3

1/2

Exercice 10

1) Déterminer les nombres α positifs tels que, quel que soit (x, y) dans R2, le nombre

Nα(x, y) = supt≥0

|x+ ty|1 + tα

soit fini, et montrer que dans ce cas Nα est une norme sur R2.

2) Montrer que si α = 1, alorsN1(x, y) = max(|x|, |y|) .

3) Déterminer la boule unité fermée de R2 pour les valeurs de α qui conviennent. Représentergraphiquement les cas α = 1 et α = 2. (N.B. La question nécessite de savoir trouver l’enveloppe

d’une famille de droites).

Solution

1) Pour (x, y) fixé dans R2 posons

ϕ(t) =x+ ty

1 + tα.

Si α < 1, alors pour tout couple (x, y) fixé où y est non nul, on a, lorsque t tend vers l’infini,

ϕ(t) ∼ yt1−α ,

et cette expression tend vers l’infini à +∞, donc Nα(x, y) est infinie.

18 CHAPITRE 2. ESPACE R2

Si α ≥ 1, alors

ϕ(t) ∼

y

tα−1si y 6= 0

x

tαsi y = 0

,

et la limite est nulle en l’infini. La fonction ϕ est continue sur R et admet une limite finie à l’infini.Elle est donc bornée et Nα(x, y) est fini.

Si Nα(x, y) est nul, alors x + ty est nul pour tout t. En particulier, si t = 0 on en déduit que x estnul, puis, si t = 1, on en déduit que y est nul. Donc (x, y) est nul. Les autres propriétés de la norme sevérifient facilement à partir de celles de la borne supérieure.

2) Si α = 1, la fonction ϕ est une fonction homographique. Elle est donc monotone sur R+. Alors

Nα(x, y) = max(|ϕ(0)|, limt→+∞

|ϕ(t)|) = max(|x|, |y|) .

3) Lorsque α = 1, la boule unité fermée est le carré {(x, y) | |x| ≤ 1 , |y| ≤ 1}.

✲1

Supposons maintenant α > 1. Si (x, y) appartient à la boule unité B′α(0, 1), on a, quel que soit t ≥ 0,

−1 ≤ x+ ty

1 + tα≤ 1 ,

ou encore−(1 + tα) ≤ x+ ty ≤ 1 + tα .

La boule est limitée par les familles de droites d’équations

x+ ty − (1 + tα) = 0 et x+ ty + (1 + tα) = 0 .

En particulier, si t = 0, on trouve−1 ≤ x ≤ 1 .

Comme la boule est symétrique par rapport à l’origine. il suffit de considérer les points d’ordonnéepositive. On est amené à chercher l’enveloppe des familles de droites.

19

Pour la première famille, on dérive par rapport à t, ce qui donne

y − αtα−1 = 0 .

Le système {x+ ty − (1 + tα) = 0

y − αtα−1 = 0

donne un paramétrage de l’enveloppe

{x = 1− (α− 1)tα

y = αtα−1 ,

d’où l’on tire

y = α

(1− x

α− 1

)1−1/α

.

L’autre famille de droites a pour enveloppe, par symétrie par rapport à O, la courbe d’équation

y = −α

(1 + x

α− 1

)1−1/α

.

Donc la boule unité fermée est l’ensemble des couples (x, y) tels que

|x| ≤ 1 et − α

(1 + x

α− 1

)1−1/α

≤ y ≤ α

(1− x

α− 1

)1−1/α

.

En particulier, si α = 2,|x| ≤ 1 et − 2

√1 + x ≤ y ≤ 2

√1− x .

La boule est limitée par deux morceaux de paraboles.

✲1

20 CHAPITRE 2. ESPACE R2

Exercice 11

1) Soit a et b deux nombres réels tels que a < b. Soit f et g deux fonctions continues sur [ a, b ] àvaleurs réelles non colinéaires. Si (x, y) appartient à R2, on pose

N(x, y) = supa≤t≤b

|xf(t) + yg(t)| .

Montrer que l’on définit ainsi une norme sur R2.

2) Que vaut N lorsque a = 0, b = 1, f(t) = t, g(t) = 1− t ?

3) Déterminer et représenter graphiquement la boule unité fermée de R2 lorsque a = 0, b = 1,f(t) = t, g(t) = t2. (N.B. La question nécessite de savoir trouver l’enveloppe d’une famille de

droites).

Solution

1) Tout d’abord la fonction xf+yg est continue sur [ a, b ] , donc la borne supérieure est finie. Supposonsque N(x, y) soit nul. On a, pour tout t de [ a, b ] ,

xf(t) + yg(t) = 0 .

Comme f et g ne sont pas colinéaires, il existe t1 et t2 tels que le déterminant

∣∣∣∣f(t1) g(t1)f(t2) g(t2)

∣∣∣∣ soit non

nul. Alors le système {xf(t1) + yg(t1) = 0xf(t2) + yg(t2) = 0

a comme unique solution x = y = 0.

Les autres propriétés de la norme résultent de celles de la borne supérieure.

2) Ici

N(x, y) = sup0≤t≤1

|tx+ (1− t)y| .

Comme la fonction qui à t associe tx+ (1− t)y est affine, la borne supérieure de la valeur absolue estatteinte soit au point 0 soit au point 1 et alors

N(x, y) = max(|x|, |y|) .

3) Dans ce cas

N(x, y) = sup0≤t≤1

|tx+ t2y| .

La boule unité est l’ensemble des couples (x, y) tels que, pour tout t de [ 0, 1 ] , on ait

−1 ≤ tx+ t2y ≤ 1 .

21

En particulier, pour t = 1

−1 ≤ x+ y ≤ 1 .

La boule est comprise entre les droites d’équation

y = 1− x et y = −1− x .

Les points (x, y) doivent également se trouver en-dessous de l’enveloppe des droites d’équation

tx+ t2y = 1 ,

lorsque t décrit l’intervalle ] 0, 1 ] . En dérivant par rapport à t, on trouve

x+ 2ty = 0 ,

et l’enveloppe est l’ensemble des couples (x, y) vérifiant le système

{tx+ t2y = 1x+ 2ty = 0

.

En résolvant ce système, on obtient un paramétrage de l’enveloppe

x =2

tet y = − 1

t2,

où 0 < t ≤ 1, et donc

y = −x2

4,

lorsque x ≥ 2.

Un point (x, y) de la boule se trouve donc sous la courbe définie par

y =

{1− x si x ≤ 2−x2/4 si x ≥ 2

.

Comme la boule est symétrique par rapport à l’origine, elle se trouve aussi au-dessus de la courbedéfinie par

y =

{−1− x si x ≥ −2x2/4 si x ≤ −2

.

La courbe d’équation y = −x2/4 coupe la droite d’équation y = −x− 1 lorsque

x2 − 4x− 4 = 0 .

Lorsque x ≥ 2, on trouve le point de coordonnées (2(1 +√2),−(3 + 2

√2)).

22 CHAPITRE 2. ESPACE R2

✲1

Exercice 12

Soit N1 et N2 deux normes sur un espace vectoriel E.

1) Montrer que l’on a, pour tout u de E,

N1(u) ≤ kN2(u)

si et seulement siB′

2(0, 1) ⊂ B′1(0, k) .

En déduire que l’on a, pour tout u de E,

KN1(u) ≤ N2(u) ≤ LN1(u)

si et seulement siB′

1(0, 1/L) ⊂ B′2(0, 1) ⊂ B′

1(0, 1/K) .

2) Soit a un nombre réel. A quelle condition, définit-on une norme sur R2 en posant

N2(x, y) = max(|x+ 3y|, |x− ay|) ?

3) On prend a = 1 et N1(x, y) =√

x2 + y2. Trouver les meilleurs constantes K et L telles que

KN1(x, y) ≤ N2(x, y) ≤ LN1(x, y) .

23

Solution

1) Supposons que, pour tout u de E,N1(u) ≤ kN2(u) ,

et soit u appartenant à B′2(0, 1). On a alors

N1(u) ≤ kN2(u) ≤ k ,

donc u appartient à B′1(0, k), ce qui donne l’inclusion

B′2(0, 1) ⊂ B′

1(0, k) .

Réciproquement, si l’on a cette inclusion, soit u non nul, alors u/N2(u) est dans B′2(0, 1) donc dans

B1(0, k), c’est-à-direN1(u/N2(u)) ≤ k .

On en déduit queN1(u) ≤ kN2(u) .

Alors B′2(0, 1) est inclus dans B′

1(0, 1/K) si et seulement si

N1(u) ≤1

KN2(u) .

D’autre part, dire que B′1(0, 1/L) est inclus dans B′

1(0, 1) équivaut à dire par homothétie que B′1(0, 1)

est inclus dans B′2(0, L) donc à

N2(u) ≤ LN1(u) .

Finalement, dire que, pour tout u de E,

KN1(u) ≤ N2(u) ≤ LN1(u) ,

équivaut aux inclusionsB′

1(0, 1/L) ⊂ B′2(0, 1) ⊂ B′

1(0, 1/K) .

2) Seule la propriété de séparation pose problème. Le nombre N2(x, y) est nul, si et seulement si on ale système {

x+ 3y = 0x− ay = 0

,

et ceci implique que x et y sont nuls si et seulement si c’est un système de Cramer, c’est-à-dire siet seulement si le déterminant −a − 3 n’est pas nul. Donc N2 est une norme si et seulement si a estdifférent de −3.

3) Déterminons la boule B′2(0, 1). Un vecteur (x, y) appartient à cette boule si et seuilement si

max(|x+ 3y|, |x− y|) ≤ 1 ,

c’est-à-dire si et seulement si

−1 ≤ x− y ≤ 1 et − 1 ≤ x+ 3y ≤ 1 .

24 CHAPITRE 2. ESPACE R2

La boule est le domaine limité par les quatre droites d’équation

y = x− 1 , y = x+ 1 , y =1

3(1− x) , y =

1

3(−1− x) ,

c’est donc le domaine limité par le parallélogramme formé par ces droites.

Pour obtenir K et L, il suffit de trouver les cercles de centre O circonscrit et inscrit dans ce parallélo-gramme. On remarque tout d’abord que les droites d’équation y = x− 1 et y = (1− x)/3 se coupentau point (1, 0). Le cercle circonscrit est de rayon 1 et donc

B′2(0, 1) ⊂ B′

1(0, 1) .

On en déduit que 1/K = 1, donc K = 1.

Le cercle inscrit est le cecle tangent à la droite d’équation y = (1− x)/3 ou encore x+ 3y − 1 = 0. Ladistance de l’origine à la droite vaut 1/

√10. Alors

B′1(0, 1/

√10) ⊂ B′

2(0, 1) ,

On en déduit que L =√10 et donc

N1(x, y) ≤ N2(x, y) ≤√10N1(x, y) .

1

25

Exercice 13

1) Soit a, b, c , d des nombres réels. A quelle condition, définit-on une norme sur R2 en posant

N(x, y) = |ax+ by|+ |cx+ dy| ?

2) Trouver les meilleurs constantes K et L telles que

K‖(x, y)‖1 ≤ N(x, y) ≤ L‖(x, y)‖1 .

Solution

1) Seule la propriété de séparation pose problème. Le nombre N(x, y) est nul, si et seulement si on ale système {

ax+ by = 0cx+ dy = 0

,

et ceci implique que x et y sont nuls si et seulement si c’est un système de Cramer, c’est-à-dire si etseulement si le déterminant ad− bc n’est pas nul.

2) On a

N(x, y) ≤ |a| |x|+ |b| |y|+ |c| |x| + |d| |y| = (|a|+ |c|)|x| + (|b|+ |d|) |y| .D’où

N(x, y) ≤ max(|a|+ |c|, |b| + |d|)(|x| + |y|) = max(|a|+ |c|, |b| + |d|) ‖(x, y)‖1 .Si |a|+ |c| ≥ |b|+ |d|, en prenant (x, y) = (1, 0), on a

N(x, y) = |a|+ |c| et ‖(x, y)‖1 = 1 .

Si |a|+ |c| ≤ |b|+ |d|, en prenant (x, y) = (0, 1), on a

N(x, y) = |b|+ |d| et ‖(x, y)‖1 = 1 .

Donc on obtient l’égalité dans les deux cas. Alors

L = max(|a|+ |c|, |b| + |d|) .

Posons

X = ax+ by et Y = cx+ dy ,

et donc

x =1

ad− bc(dX − bY ) et y =

1

ad− bc(−cX + aY ) .

Alors

N(x, y) = |X| + |Y | = ‖(X,Y )‖1 et ‖(x, y)‖1 =1

|ad− bc|(|dX − bY |+ | − cX + aY |) .

26 CHAPITRE 2. ESPACE R2

On a alors, en inversant les rôles des deux normes,

‖(x, y)‖1 ≤ max(|a| + |b|, |c| + |d|)|ad− bc| N(x, y) ,

et

K =|ad− bc|

max(|a|+ |b|, |c| + |d|) .

Exercice 14

Soit a et b deux nombres réels. A quelle condition, définit-on une norme sur R2 en posant

N(x, y) =√x2 + 2axy + by2 ?

De quelle nature est alors la boule unité ?

Solution

Il faut déjà que le nombre x2+2ax+by2 soit toujours positif ce qui signifie que le discriminant 4(a2−4b)doit être négatif. Dans ce cas, on peut écrire

N(x, y) =√

(x+ ay)2 + (b− a2)y2 .

Si l’on note f l’application linéaire de R2 dans lui-même définie par

f(x, y) = (x+ ay,√

b− a2 y) ,

on a alorsN(x, y) = ‖f(x, y)‖2 .

Dire que N(x, y) est nul, sigifie que f(x, y) est nul. Donc si l’on veut que la nullité de N(x, y) impliquecelle de (x, y) il faut et il suffit que f soit injective, c’est-à-dire que b − a2 soit non nul. Les autrespropriétés de la norme se vérifient facilement.

Finalement N est une norme si et seulement si

b > a2 .

La boule unité est l’ensemble des couples (x, y) tels que

x2 + 2axy + by2 ≤ 1 ,

c’est donc une ellipse.

Chapitre 3

Espaces de polynômes

On notera de la même manière un polynôme P et sa fonction polynomiale associée.

Exercice 15

Dans l’espace E = R2[X] des polynômes de degré au plus 2 à coefficients réels on considère lesnormes définies, si P (X) = aX2 + bX + c, par

‖P‖∞ = sup0≤x≤1

|P (x)| et ‖P‖ = max(|a|, |b|, |c|) .

Montrer que ce sont des normes équivalentes et trouver les normes de l’identité de (E, ‖.‖∞) dans(E, ‖.‖) et de (E, ‖.‖) dans (E, ‖.‖∞).

Solution

Puisque E est de dimension finie les normes sont équivalentes.

Tout d’abord, si 0 ≤ x ≤ 1, on a

|ax2 + bx+ c| ≤ |a|x2 + |b|x+ |c| ≤ |a|+ |b|+ |c| ≤ 3 ‖P‖ .

donc‖P‖∞ ≤ 3 ‖P‖ .

En prenantP (X) = X2 +X + 1 ,

la fonction P est croissante positive sur [ 0, 1 ] , donc

‖P‖∞ = P (1) = 3 = 3 ‖P‖ .

La norme de l’identité de (E, ‖.‖) dans (E, ‖.‖∞) vaut donc 3.

28 CHAPITRE 3. ESPACES DE POLYNÔMES

On a d’autre part le système

P (0) = cP (1/2) = a/4 + b/2 + cP (1) = a+ b+ c

.

En résolvant ce système, on trouve

a = −4P (1/2) + 2P (1) + 2P (0)b = 4P (1/2) − P (1)− 3P (0)c = P (0)

,

donc|a| ≤ 8 ‖P‖∞ , |b| ≤ 8 ‖P‖∞ , |c| ≤ ‖P‖∞ ,

et finalement‖P‖ ≤ 8 ‖P‖∞ .

(On peut aussi utiliser les polynômes d’interpolation de Lagrange :

P (X) = 2P (0)(X − 1)(X − 1/2) − 4P (1/2)X(X − 1) + 2P (1)X(X − 1/2) .

ce qui redonne les valeurs de a, b, c obtenues).

En prenant le polynôme

P (X) = X2 −X +1

8,

on a‖P‖ = 1 .

D’autre part la fonction P décroît sur [ 0, 1/2 ] et varie de 1/8 à −1/8, puis croît sur [ 1/2, 1 ] et variede −1/8 à 1/8. Il en résulte que

‖P‖∞ =1

8.

On a donc‖P‖ = 1 = 8 ‖P‖∞ .

La norme de l’identité de (E, ‖.‖∞) dans (E, ‖.‖) vaut donc 8.

Exercice 16

1) Dans l’espace E = R[X] des polynômes à coefficients réels on considère les normes définies, par

‖P‖∞ = sup0≤x≤1

|P (x)| et ‖P‖1 =1∫

0

|P (x)| dx .

Montrer que ces normes ne sont pas équivalentes.

2) Calculer

K = supP∈R1[X]

‖P‖∞‖P‖1

.

29

Solution

1) Si l’on a toujours

‖P‖1 ≤ ‖P‖∞ ,

on obtient par contre pour P (X) = Xn

‖P‖∞ = 1 et ‖P‖1 =1

n+ 1,

et il ne peut pas exister de constante K telle que, pour tout polynôme P ,

‖P‖∞ ≤ K‖P‖1 .

Les normes ne sont donc pas équivalentes.

2) Par contre, sur R1[X], qui est de dimension finie, les normes sont équivalentes. On cherche laconstante

K = supP∈R1[X]

‖P‖∞‖P‖1

,

qui est la plus petite constante telle que, pour tout P de R1[X],

‖P‖∞ ≤ K‖P‖1 .

Pour des raisons de symétrie et d’homogénéité, on peut se contenter de regarder les polynômes

P (X) = X − t

où t est réel. La fonction P est alors croissante sur [ 0, 1 ] et

‖P‖∞ = max(|P (0)|, |P (1)|) .

On distingue deux cas.

t ∈ [ 0, 1 ]

On a alors

‖P‖∞ = max(|P (0)|, |P (1)|) = max(t, 1− t) ,

et

‖P‖1 =1∫

0

|P (x)| dx =

t∫

0

(t− x) dx+

1∫

t

(x− t) dx =1

2(t2 + (1− t)2) .

On cherche une constante K telle que, pour tout nombre t de [ 0, 1 ] ,

t ≤ K

2(2t2 − 2t+ 1) ,

30 CHAPITRE 3. ESPACES DE POLYNÔMES

ou encore

2Kt2 − 2(K + 1)t+K ≥ 0 .

Le discriminant de ce trinôme vaut

4(K + 1)2 − 8K2 = 4(K + 1−√2K)(K + 1 +

√2K) = 4(1− (

√2− 1)K)(K + 1 +

√2K) .

Il admet une racine positive

K =1√2− 1

=√2 + 1 .

Pour cette valeur de K, le trinôme est un carré. Il s’écrit

K(2t2 − 2(1 + 1/K)t+ 1) = K(2t2 − 2√2 t+ 1) = K(

√2 t− 1)2 ,

et s’annule pour t = 1/√2. Alors

|P (0)| = t ≤ (√2 + 1)‖P‖1 .

et on a égalité si t = 1/√2.

Par symétrie du problème (en changeant t en 1− t), on a aussi

|P (1)| = 1− t ≤ (√2 + 1)‖P‖1 ,

et donc

‖P‖∞ ≤ (√2 + 1)‖P‖1 .

t /∈ [ 0, 1 ]

La fonction P est de signe constant sur [ 0, 1 ] . En particulier P (0) et P (1) ont le même signe, donc

‖P‖∞ = max(|P (0)|, |P (1)|) ≤ |P (0)| + |P (1)| = |P (0) + P (1)| = |1− 2t| ,

et aussi

‖P‖1 =

1∫

0

|P (x)| dx =

∣∣∣∣∣∣

1∫

0

(x− t) dt

∣∣∣∣∣∣=

∣∣∣∣1

2− t

∣∣∣∣ .

Donc

‖P‖∞ ≤ 2‖P‖1 ≤ (√2 + 1)‖P‖1 .

Finalement la constante K cherchée vaut 1 +√2.

31

Exercice 17

Dans R[X] on considère les quatre normes suivantes :

‖P‖1 =

1∫

0

|P (t)| dt , ‖P‖∞ = sup0≤t≤1

|P (t)| ,

et, si le coefficient de Xn dans P vaut an,

‖P‖′1 =∞∑

n=0

|an| , ‖P‖′∞ = supn∈N

|an| .

Pour tout couple (N1, N2) formé de deux distinctes de ces normes, étudier si l’application identitéde (R[X], N1) dans (R[X], N2) est continue.

Solution

Tout d’abord, de manière évidente

‖P‖1 ≤ ‖P‖∞ ≤ ‖P‖′1 et ‖P‖′∞ ≤ ‖P‖′1 .Ce sont les seuls comparaisons possibles comme le montre le tableau suivant dans lequel on donnepour chaque couple (Ni, Nj) une suite Pn de polynômes tels que le rapport Ni(Pn)/Nj(Pn) tende versl’infini.

‖Pn‖∞ � k ‖P‖1 Pn(X) = Xn ‖Pn‖∞ = 1 ‖Pn‖1 = 1/(n + 1)

‖Pn‖′1 � k ‖P‖∞ Pn(X) = (1−X)Xn ‖Pn‖′1 = 2 ‖Pn‖∞ ≤ 1/(n + 1)

‖Pn‖′1 � k ‖P‖′∞ Pn(X) = 1 +X + · · · +Xn ‖Pn‖′1 = n+ 1 ‖Pn‖′∞ = 1

‖Pn‖′1 � k ‖P‖1 Pn(X) = Xn ‖Pn‖′1 = 1 ‖Pn‖1 = 1/(n + 1)

‖Pn‖′∞ � k ‖P‖∞ Pn(X) = (1−X)Xn ‖Pn‖′∞ = 1 ‖Pn‖∞ ≤ 1/(n + 1)

‖Pn‖′∞ � k ‖P‖1 Pn(X) = Xn ‖Pn‖′∞ = 1 ‖Pn‖1 = 1/(n + 1)

‖Pn‖1 � k ‖P‖′∞ Pn(X) = 1 +X + · · · +Xn ‖Pn‖1 = 1 + · · · + 1/(n + 1) ‖Pn‖′∞ = 1

‖Pn‖∞ � k ‖P‖′∞ Pn(X) = 1 +X + · · · +Xn ‖Pn‖∞ = n+ 1 ‖Pn‖′∞ = 1

On utilise le fait que la suite (1 + · · ·+ 1/(n + 1)) admet +∞ pour limite.

Le seul calcul non trivial est celui du maximum de

Pn(x) = (1− x)xn = xn − xn+1

dont la dérivée vautP ′n(x) = nxn−1 − (n + 1)xn

et s’annule en n/(n+ 1). Alors

‖Pn‖∞ = Pn

(n

n+ 1

)=

1

n+ 1

(n

n+ 1

)n

≤ 1

n+ 1.

32 CHAPITRE 3. ESPACES DE POLYNÔMES

L’application identité est donc continue si et seulement si l’on se trouve dans un des quatre cas suivants :

de (R[X], ‖.‖∞) dans (R[X], ‖.‖1)de (R[X], ‖.‖′1) dans (R[X], ‖.‖1)de (R[X], ‖.‖′1) dans (R[X], ‖.‖∞)de (R[X], ‖.‖′1) dans (R[X], ‖.‖′∞) .

Exercice 18

1) Dans l’espace E = R[X] des polynômes à coefficients réels on considère les normes définies, par

‖P‖∞ = sup0≤x≤1

|P (x)| et ‖P‖′∞ = sup−1≤x≤1

|P (x)| .

Montrer que ces normes ne sont pas équivalentes.

2) Pour tout entier naturel n, on pose

Kn = supP∈Rn[X]

‖P‖′∞‖P‖∞

.

Montrer que la suite (Kn) est croissante et tend vers +∞.

3) Calculer K1 et K2 en exprimant un polynôme P en fonction de ses valeurs en des points conve-nables de l’intervalle [ 0, 1 ] .

Solution

1) On a de manière évidente‖P‖∞ ≤ ‖P‖′∞ .

Par contre si l’on prendP (X) = (2X − 1)n ,

on a, sur [ 0, 1 ] ,−1 ≤ 2x− 1 ≤ 1 ,

donc‖P‖∞ = 1 et ‖P‖′∞ ≥ |P (−1)| = 3n ,

et donc il n’existe pas de constante K telle que, pour tout polynôme P ,

‖P‖′∞ ≤ K‖P‖∞ .

2) Sur Rn[X] qui est de dimension finie, les normes sont équivalentes, donc Kn est un nombre réel. Deplus, puisque Rn[X] est inclus dans Rn+1[X], on aura Kn ≤ Kn+1 et la suite (Kn) est croissante. Elle

33

ne peut tendre vers une limite finie K, sinon on aurait

‖P‖′∞ ≤ K‖P‖∞ ,

pour tout polynôme.

3) Pour R1[X], écrivons un polynôme P en fonction de P (0) et P (1). On a

P (X) = P (0)(1 −X) + P (1)X = (P (1) − P (0))X + P (0) .

Alors, si x appartient à [−1, 1 ] ,

|P (x)| ≤ (|P (0)| + |P (1)|) + |P (0)| ≤ 3‖P‖∞ .

Donc‖P‖′∞ ≤ 3 ‖P‖∞ ,

et l’on a égalité pour le polynôme 2X − 1 car

‖P‖′∞ = −P (−1) = 3 et ‖P‖∞ = −P (0) = P (1) = 1 .

Il en résulte que K1 = 3.

Pour R2[X], en utilisant le calcul de l’exercice 15, on peut écrire P en fonction de P (0), P (1/2) etP (1). On a

P (X) = (−4P (1/2) + 2P (1) + 2P (0))X2 + (4P (1/2) − P (1)− 3P (0))X + P (0) .

Alors, si x appartient à [−1, 1 ] ,

|P (x)| ≤ (4|P (1/2)| + 2|P (1)| + 2|P (0)|) + (4|P (1/2)| + |P (1)| + 3|P (0)|) + |P (0)| ≤ 17 ‖P‖∞ .

Donc‖P‖′∞ ≤ 17 ‖P‖∞ ,

et l’on a égalité pour le polynôme 2(2X − 1)2 − 1, car

‖P‖′∞ = |P (−1)| = 17 et ‖P‖∞ = P (1) = P (0) = −P (1/2) = 1 .

Il en résulte que K2 = 17.

Exercice 19

Dans l’espace E = R2[X] des polynômes de degré au plus 2 à coefficients réels on pose

‖P‖∞ = sup0≤x≤1

|P (x)| et ‖P‖ = max(|P (0)|, |P (1)|, |P (2)|) .

Montrer que ce sont des normes équivalentes et trouver les normes de l’identité de (E, ‖.‖∞) dans(E, ‖.‖) et de (E, ‖.‖) dans (E, ‖.‖∞)..

34 CHAPITRE 3. ESPACES DE POLYNÔMES

Solution

On s’assure tout d’abord que ‖.‖ est une norme. En effet, si ‖P‖ est nul, alors P (0), P (1), P (2) sontnuls et le polynôme P a au moins trois racines. Comme il est de degré au plus 2, c’est le polynômezéro. Les autres propriétés se vérifient facilement.

Puisque E est de dimension finie les normes sont équivalentes.

En utilisant les polynômes d’interpolation de Lagrange, on a

P (X) = P (0)(X − 1)(X − 2)

2− P (1)X(X − 2) + P (2)

X(X − 1)

2,

donc

|P (x)| ≤ |P (0)| |(x− 1)(x − 2)|2

+ |P (1)| |x(x − 2)|+ |P (2)| |x(x− 1)|2

.

Sur l’intervalle [ 0, 1 ] , on obtient facilement le maximum des trois polynômes qui interviennent ci-dessus :

|(x− 1)(x− 2)|2

≤ 1 , |x(x− 2)| ≤ 1 ,|x(x− 1)|

2≤ 1

8,

donc

|P (x)| ≤ |P (0)| + |P (1)| + 1

8|P (2)| ≤ ‖P‖ .

Il en résulte que‖P‖∞ ≤ ‖P‖ .

L’égalité est obtenue pour le polynôme X(X − 2) par exemple. Il en résulte que la norme de l’identitéde (E, ‖.‖) dans (E, ‖.‖∞) vaut 1.

Dans l’autre sens

P (X) = 2P (0)(X − 1)(X − 1/2) − 4P (1/2)X(X − 1) + 2P (1)X(X − 1/2) .

DoncP (2) = 3P (0) − 8P (1/2) + 6P (1) ,

et|P (2)| = 3|P (0)| + 8|P (1/2)| + 6|P (1)| ≤ 17‖P‖∞ .

Alors‖P‖′ = |P (0)| + |P (1)| + |P (2)| ≤ 19 ‖P‖∞ .

L’égalité a lieu pour 8X(X − 1) + 1 pour lequel

‖P‖∞ = P (0) = P (1) = −P (1/2) = 1 et P (2) = 17 .

Il en résulte que la norme de l’identité de (E∞, ‖.‖) dans (E, ‖.‖) vaut 19.

35

Exercice 20

Dans l’espace E = R1[X] des polynômes de degré au plus 1 à coefficients réels on définit deuxnormes

‖P‖∞ = sup0≤x≤1

|P (x)| et ‖P‖′∞ = sup0≤x≤1

|xP (x)| .

Montrer que ce sont des normes équivalentes et trouver la norme de l’identité de (E, ‖.‖∞) dans(E, ‖.‖′∞) et de (E, ‖.‖′∞) dans (E, ‖.‖∞).

Solution

L’espace étant de dimension finie, les normes sont équivalentes. On a bien sûr

‖P‖′∞ ≤ ‖P‖∞

et l’égalité a lieu si P est constant. Donc la norme de l’identité de (E, ‖.‖∞) dans (E, ‖.‖′∞) vaut 1.

Si P est un polynôme de degré 1 au plus, on a

‖P‖∞ = max(|P (0)|, |P (1)|) .

Cherchons maintenant la norme ‖.‖′∞ d’un polynôme P de degré 1. Pour cela étudions le polynômeXP (X) qui est de degré 2. Pour des raisons d’homogéníté on peut se contenter de regarder les poly-nômes

Pt(X) = X − t ,

et l’on cherche le maximum sur [ 0, 1 ] de la valeur absolue de

Qt(x) = xPt(x) = x(x− t) .

Le polynôme ayant un extremum en t/2, on étudie différents cas possibles.

a) Si t ≤ 0 ou t ≥ 2, la fonction Q est monotone sur [ 0, 1 ] et nulle en 0, donc

‖Pt‖′∞ = ‖Qt‖∞ = |Qt(1)| = |1− t| .

b) Si 0 ≤ t ≤ 2, alors

‖Pt‖′∞ = ‖Q‖∞ = max(|Q(1)|, |Q(t/2)|) = max(|1 − t|, t2/4) .

b1) Lorsque 1 ≤ t ≤ 2, on a

t2

4− |1− t| = t2

4+ 1− t =

(t

2− 1

)2

≥ 0 ,

donc

‖Pt‖′∞ =t2

4.

36 CHAPITRE 3. ESPACES DE POLYNÔMES

b2) Lorsque 0 ≤ t ≤ 1, cette fois

t2

4− |1− t| = t2

4+ t− 1 ,

et cette expression est positive sur [ 2(√2− 1), 1 ] , donc de nouveau

‖Pt‖′∞ =t2

4,

et négative sur [ 0, 2(√2− 1) ] , et alors

‖Pt‖′∞ = 1− t .

Par ailleurs

‖Pt‖∞ = max(|t|, |1 − t|) ={

t si t ≥ 1/21− t si t ≤ 1/2

,

et l’on peut former le tableau suivant

t

‖Pt‖∞

‖Pt‖′∞‖Pt‖∞‖Pt‖′∞

1/2 2(√2− 1) 2

1− t t t t

1− t 1− t t2/4 t− 1

1t

1− t

4

t

t

t− 1

s

Ce tableau montre que la borne supérieure du quotient‖Pt‖∞‖Pt‖′∞

est atteinte en t = 2(√2 − 1) et vaut

4

2(√2− 1)

= 2(√2 + 1). Il en résulte que, pour tout P de E, on a

‖P‖∞ ≤ 2(√2 + 1) ‖P‖′∞ ,

l’égalité étant obtenue pour le polynôme

P (X) = X − 2(√2− 1) .

Donc la norme de l’identité de (E, ‖.‖′∞) dans (E, ‖.‖∞) vaut 2(√2 + 1).

37

Exercice 21

Soit A une partie fermée non vide de R.

1) Donner une condition nécessaire et suffisante pour que l’on définisse une norme sur R[X] enposant

‖P‖A = supx∈A

|P (x)| .

2) Soit a un nombre réel. Si la condition de 1) est réalisée, donner une condition nécessaire etsuffisante pour que l’application δa qui à P associe P (a) soit une forme linéaire continue sur R[X]muni de la norme ‖.‖A.

Solution

1) Il faut déjà que l’ensemble A soit borné, donc compact, pour que la borne supérieure soit finie quelque soit le polynôme P . Ensuite pour obtenir la séparation, il faut que la nullité de ‖P‖A impliquecelle de P . Si l’ensemble A contient une infinité de points, alors P a une infinité de racines et c’estbien le polynôme zéro. Si A = {a1, . . . , an}, alors le polynôme (X − a1) · · · (X − an) est nul sur A et‖P‖A est nul sans que P soit nul.

La condition cherchée est donc : « l’ensemble A est un compact contenant une infinité de points ».

2) Si a appartient à A, alors|δa(P )| = |P (a)| ≤ ‖P‖A .

Donc δa est continue, et de norme 1 car on a égalité pour les polynômes constants.

Soit maintenant un nombre a n’appartenant pas à A. Puisque A est compact, la distance de a à An’est pas nulle, et il existe un intervalle I = [ a− α, a+ α ] qui n’est pas inclus dans A. D’autre part,puisque A est borné, il existe un intervalle compact J contenant A∪ I. Pour tout entier naturel n nonnul, on définit alors une fonction fn continue sur J en posant

fn(x) =

{0 si x ∈ J \ In si x = n

et qui soit affine sur [ a− α, a ] et [ a, a+ α ] . En particulier fn est nulle sur A.

D’après le théorème de Weierstrass, il existe un polynôme Pn tel que

supx∈J

|fn(x)− Pn(x)| ≤1

n.

Alors

|δa(Pn)| = |Pn(a)] ≥ |fn(a)| − |fn(a)− Pn(a)| ≥ n− 1

n.

D’autre part

‖Pn‖A ≤ supx∈A

|fn(x)− Pn(x)|+ supx∈A

|fn(x)| ≤1

n.

38 CHAPITRE 3. ESPACES DE POLYNÔMES

Alorsδa(Pn)

‖Pn‖A≥ n2 − 1 .

La limite du membre de gauche est donc infinie et la forme δa n’est pas continue.

La condition nécessaire et suffisante cherchée est donc : « a appartient à A ».

Exercice 22

Dans l’espace R[X] on pose

‖P‖ =

∞∑

k=0

|P (k)(k)| .

Montrer que l’on obtient une norme sur R[X] et que cet espace n’est pas complet.

Solution

Tout d’abord la somme est finie, puisque si P est de degré k, le polynôme P (k+1) est nul.

La seule propriété non évidente est la séparation. Soit P un polynôme de degré n ≥ 0. Alors le polynômeP (n) est un polynôme constant non nul et donc P (n)(n) est non nul. Mais

|P (n)(n)| ≤ ‖P‖ ,

et il en résulte que ‖P‖ n’est pas nul. Le seul polynôme P tel que ‖P‖ soit nul est le polynôme zéro.

Pour tout entier n, il existe un polynôme Pn de degré au plus n et un seul tel que, si 0 ≤ k ≤ n,

P (k)n (k) = 2−k .

En effet, si l’on pose

Pn(X) =

n∑

k=0

akXk ,

on est amené, pour déterminer Pn à résoudre un système de n + 1 équations à n + 1 inconnues dontla matrice est triangulaire supérieure avec éléments diagonaux non nuls. C’est donc un système deCramer qui a une solution et une seule.

Si n < m on a alors

‖Pn − Pm‖ =

m∑

k=n+1

1

2k≤

∞∑

k=n+1

1

2k=

1

2n.

La suite (Pn) est donc une suite de Cauchy.

39

La forme linéaire qui à P associe P (k)(k) est continue puisque

|P (k)(k)| ≤ ‖P‖ .

Si la suite (Pn) convergeait vers une limite P , la suite (P(k)n (k)) convergerait vers P (k)(k). Mais, si

n ≥ k, on a

P (k)n (k) = 2−k ,

donc on devrait avoir P (k)(k) = 2−k pour tout entier k et aucune dérivée de P ne serait le polynômezéro, d’où une contradiction. Il en résulte que R[X] n’est pas complet pour la norme ainsi définie.

Exercice 23

Dans l’espace R[X] on pose

N1(P ) = sup−1≤x≤1

|P (x)| et N2(P ) = sup0≤x≤1

|P (x)| .

Etudier, pour i = 1 et i = 2, la continuité de l’application linéaire δ de (R[X], Ni) dans lui-même,qui au polynôme P (X) associe P (−X).

Solution

De manière évidente, δ est une involution de R[X], et pour tout x de [−1, 1 ] , −x est aussi dans[−1, 1 ] , donc

N1(δ(P )) = N1(P ) ,

et δ est une isomètrie dans ce cas. Elle est donc continue et de norme N1.

On remarque que

N2(δ(P )) = sup0≤x≤1

|P (−x)| = sup−1≤u≤0

|P (u)| .

Considérons l’application continue f définie sur [−1, 1 ] qui vaut −x sur [−1, 0 ] et 0 sur [ 0, 1 ] . Lethéorème de Weierstrass montre qu’il existe une suite (Pn) de polynômes qui converge dans C ( [−1, 1 ] )pour la norme infinie. Alors, la suite (N2(Pn)) converge vers N2(f) = 0. D’autre part, la suite

(N2(δ(Pn))) = ( sup−1≤u≤0

|Pn(u)|)

converge vers

sup−1≤u≤0

|u| = 1 .

Il ne peut donc exister de constante K telle que, pour tout polynôme P ,

N2(δ(P )) ≤ KN2(P ) ,

40 CHAPITRE 3. ESPACES DE POLYNÔMES

et δ n’est pas continue dans ce cas.

Exercice 24

Dans l’espace R2[X] muni de la norme

‖P‖ = sup0≤x≤1

|P (x)| ,

trouver la norme des applications linéaires P et I , qui à P associent respectivement sa partie paireet sa partie impaire.

Solution

On a donc

P(P )(X) =P (X) + P (−X)

2et I (P )(X) =

P (X) − P (−X)

2.

En utilisant le calcul de l’exercice 15,

P (X) = (−4P (1/2) + 2(P (1) + 2P (0))X2 + (4P (1/2) − P (1) − 3P (0))X + P (0) ,

et donc

P(X) = (−4P (1/2) + 2(P (1) + 2P (0))X2 + P (0) et I (P ) = (4P (1/2) − P (1) − 3P (0))X .

Alors‖I (P )‖ = |4P (1/2) − P (1)− 3P (0)| ≤ 4|P (1/2)| + |P (1)| + 3|P (0)| ≤ 8 ‖P‖ ,

l’égalité étant obtenue pour le polynôme P0(X) = 8X2 − 8X + 1 qui est tel que

P0(0) = P0(1) = −P0(1/2) = 1 ,

et pour lequel‖P‖ = 1 .

On a aussi

‖P(P )‖ = ‖(−4P (1/2)+2(P (1)+2P (0))X2+P (0)‖ ≤ 4|P (1/2)|+2|P (1)|+2|P (0)|+|P (0)| ≤ 9 ‖P‖ ,

avec égalité pour le même polynôme P0. Donc

|||P||| = 9 et |||I ||| = 8 .

Chapitre 4

Espaces de suites

Exercice 25

1) Soit l’espace ℓ∞ des suites bornées de nombres réels, muni de la norme infinie. Montrer que cetespace est complet.

2) Montrer que le sous-espace ℓC des suites convergentes est fermé dans E, et que l’application limqui à une telle suite associe sa limite est continue.

3) Montrer que le sous-espace ℓ0 des suites de limite nulle est fermé dans le précédent et que lesous-espace ℓ00 des suites nulles à partir d’un certain rang est dense dans ℓ0.

4) Trouver les formes linéaires continues sur ℓ0 ainsi que leur norme.

Solution

1) Si l’on note u = (un)n≥0 un élément de ℓ∞ on a donc

‖u‖∞ = supn≥0

|un| ,

et, quel que soit n, l’application qui à u associe un est continue.

Soit (u(p))p≥0 une suite de Cauchy de ℓ∞. Pour tout ε > 0, il existe un entier P tel que, si q ≥ p ≥ P ,on ait, quel que soit n entier,

|un(p)− un(q)| ≤ ‖u(p)− u(q)‖∞ ≤ ε .

Alors pour tout n, la suite (un(p))p≥0 est une suite de Cauchy de R et possède donc une limite un.

En faisant tendre q vers l’infini, on obtient

|un − un(p)| ≤ ε ,

42 CHAPITRE 4. ESPACES DE SUITES

donc, d’une part,

|un| ≤ |un(p)|+ |un − un(p)| ≤ |un(p)|+ ε ≤ ‖u(p)‖∞ + ε ,

ce qui montre que la suite u est bornée, d’autre part, si p ≥ P ,

‖u(p)− u‖∞ ≤ ε ,

ce qui montre que la suite (u(p))p≥0 converge vers u dans ℓ∞. L’espace ℓ∞ est donc complet.

2) Une suite convergente étant bornée, elle se trouve bien dans ℓ∞. De plus, puisque, pour tout entiern positif,

|un| ≤ ‖u‖∞ ,

on obtient par passage à la limite

| lim(u)| ≤ ‖u‖∞ ,

et l’application lim est continue et de norme 1 puisque l’on a égalité pour les suites constantes.

Remarque : d’après le théorème de Hahn-Banach, la forme linéaire lim se prolonge à ℓ∞ en une formelinéaire continue de même norme.

Soit une suite (u(p))p≥0 de ℓC qui converge vers u dans ℓ∞. Montrons que u appartient à ℓC . Pourtout ε > 0 il existe P tel que p ≥ P implique

‖u(p)− u‖∞ ≤ ε

3,

Soit q > p > P . La suite (un(p))n≥0 converge vers lim(u(p)). Il existe donc N1 tel que n ≥ N1 implique

|un(p)− lim(u(p))| ≤ ε

3.

De même la suite (un(q))n≥0 converge vers lim(u(q)). Il existe donc N2 tel que n ≥ N2 implique

|un(q)− lim(u(q))| ≤ ε

3.

Alors, si n ≥ max(N1, N2), on a

| lim(u(p)) − lim(u(q))| ≤ | lim(u(p)) − un(p)|+ |un(p)− un(q)|+ |un(q)− lim(u(q))| ≤ ε ,

ce qui montre que la suite (lim(u(p)))p≥0 est une suite de Cauchy de R. Elle converge donc. Soit ℓ salimite. Il reste à montre que la suite u converge vers ℓ.

Il existe P1 tel que p ≥ P1 implique

|un − un(p)| ≤ε

3.

Il existe P2 tel que p ≥ P2 implique

| lim(u(p))− ℓ| ≤ ε

3.

43

Soit p ≥ max(P1, P2). Il existe N tel que n ≥ N implique

|un(p)− lim(u(p))| ≤ ε

3.

Alors

|un − ℓ| ≤ |un − un(p)|+ |un(p)− lim(u(p))|+ | lim(u(p))− ℓ| ≤ ε ,

ce qui montre que u a pour limite ℓ.

3) Le sous-espace ℓ0 est l’image réciproque de 0 par l’application lim. Comme lim est continue, on endéduit que ℓ0 est fermé dans ℓC .

Enfin, soit u(p) la suite dont les termes sont ceux de u jusqu’au rang p et nuls ensuite. C’est un élémentde ℓ00 On a alors

‖u− u(p)‖∞ = supn≥p+1

|un| .

Comme u converge vers 0, il existe N tel que n ≥ N implique

|un| ≤ ε .

Alors, si p+ 1 ≥ N , on a

‖u− u(p)‖∞ ≤ ε ,

ce qui montre que la suite (u(p))p≥0 converge vers u, et que ℓ00 est dense dans ℓ0.

4) Soit Φ une forme linéaire continue sur ℓ0. Il existe une constante K telle que, pour tout u de ℓ0,

|Φ(u)| ≤ K ‖u‖∞ .

Soit e(p) la suite dont tous les termes sont nuls sauf le p−ième qui vaut 1. Posons

vp = Φ(e(p))

et soit εp le signe de vp. On considère la suite

v(p) = (ε0, . . . , εp, 0, . . .) =

p∑

n=0

εne(n) .

C’est un élément de ℓ00 de norme 1 et l’on a, pour tout entier p positif,

p∑

n=0

|vn| =p∑

n=0

εnvn = |Φ(v(p))| ≤ K .

Il en résulte que la série de terme général vn est absolument convergente. Notons ℓ1 l’ensemble destelles suites.

44 CHAPITRE 4. ESPACES DE SUITES

Réciproquement, si v est un élément de ℓ1. On note

‖v‖1 =∞∑

n=0

|vn| ,

ce qui définit une norme sur ℓ1. Soit u un élément de ℓ∞, alors

|vnun| ≤ ‖u‖∞|vn| ,et la série de terme général vnun converge absolument. On définit une forme linéaire Φv sur ℓ∞ enposant

Φv(u) =

∞∑

n=0

vnun ,

et alors|Φv(u)| ≤ ‖v‖1‖u‖∞ ,

ce qui montre que Φv est continue sur ℓ∞, et donc aussi sur ℓ0, et que, sur cet espace,

|||Φv||| ≤ ‖v‖1 .

En prenant la suite v(p) = (ε0, . . . , εp, 0, . . .) où εn est le signe de vn on a de nouveau

|Φv(v(p))| =p∑

n=0

|vn| ,

et puisque la limite de la suite (|Φv(v(p))|) vaut ‖v‖1, on en déduit que

|||Φv||| = ‖v‖1 .

L’application qui à v dans ℓ1 associe Φv est donc une bijection isométrique de ℓ1 sur le dual topologiquede ℓ0.

Exercice 26

1) Soit l’espace ℓ1 des suites u = (un)n≥0 de nombres réels telles que la série de terme général unsoit absolument convergente. On le munit de la norme

‖u‖1 =∞∑

n=0

|un| .

Montrer que cet espace est complet.

2) Montrer que sur ℓ1 les normes 1 et ∞ ne sont pas équivalentes.

3) Montrer que le sous-espace ℓ00 des suites nulles à partir d’un certain rang est dense dans ℓ1.

4) Déterminer l’ensemble des formes linéaires continues sur ℓ1 ainsi que leur norme.

45

Solution

1) On remarque déjà que, pour tout entier n,

|un| ≤ ‖u‖1 ,

Soit (u(p))p≥0 une suite de Cauchy de ℓ1. Pour tout ε > 0, il existe un entier P tel que, si q ≥ p ≥ P ,on ait, quel que soit n entier,

|un(p)− un(q)| ≤ ‖u(p)− u(q)‖1 ≤ ε .

Alors pour tout n, la suite (un(p))p≥0 est une suite de Cauchy de R et possède donc une limite un.

On a également, pour tout entier m,

m∑

n=0

|un(p)− un(q)| ≤ ‖u(p)− u(q)‖1 ≤ ε .

En faisant tendre q vers l’infini, on obtient

m∑

n=0

|un(p)− un| ≤ ε .

Donc, d’une part,

m∑

n=0

|un| ≤m∑

n=0

|un(p)|+m∑

n=0

|un − un(p)| ≤m∑

n=0

|un(p)|+ ε ≤ ‖u(p)‖1 + ε ,

ce qui montre que la suite u appartient à ℓ1, d’autre part, si p ≥ P ,

‖u(p)− u‖1 ≤ ε ,

ce qui montre que la suite (u(p))p≥0 converge vers u dans ℓ1. L’espace ℓ1 est donc complet.

2) On a toujours

‖u‖∞ ≤ ‖u‖1 ,mais si u(p) est la suite qui vaut 1 jusqu’au rang p et 0 ensuite, on obtient

‖u(p)‖1 = p+ 1 et ‖u(p)‖∞ = 1 ,

et il ne peut exister de constante K telle que, pour tout u de ℓ1

‖u‖1 ≤ K‖u‖∞ .

Les deux normes ne sont pas équivalentes.

46 CHAPITRE 4. ESPACES DE SUITES

3) Si u appartient à ℓ1, soit u(p) la suite dont les termes sont ceux de u jusqu’au rang p et nuls ensuite.C’est un élément de ℓ00. On a alors

‖u− u(p)‖1 =∞∑

n=p+1

|un| .

Comme la série de terme général un converge absolument, il existe N tel que n ≥ N implique

∞∑

n=p+1

|un| ≤ ε .

c’est-à-dire

‖u− u(p)‖∞ ≤ ε ,

ce qui montre que la suite (u(p))p≥0 converge vers u, et que ℓ00 est dense dans ℓ1.

4) Soit Φ une forme linéaire continue. Il existe une constante K telle que, pour tout u de ℓ1,

|Φ(u)| ≤ K ‖u‖1 .

Soit e(p) la suite dont tous les termes sont nuls sauf le p−ième qui vaut 1. Alors

|Φ(e(p))| ≤ K ,

et la suite (Φ(e(p)))p≥0 est bornée.

Soit u un élément de ℓ1. Si l’on pose

u(p) =

p∑

k=0

uke(k) ,

on a alors, par linéarité,

Φ(u(p)) =

p∑

k=0

Φ(e(k))uk .

Mais la suite (u(p))p≥0 converge vers u, donc (Φ(u(p)))p≥0 converge vers Φ(u). Alors

Φ(u) = limp→∞

p∑

k=0

Φ(e(k))uk =

∞∑

k=0

Φ(e(k))uk .

Réciproquement, si v est un élément de ℓ∞ et u un élément de ℓ1, alors

|vnun| ≤ ‖v‖∞|un|

et la série de terme général vnun converge absolument. On définit une forme linéaire sur ℓ1 en posant

Φv(u) =

∞∑

n=0

vnun ,

47

et|Φv(u)| ≤ ‖v‖∞‖u‖1 ,

ce qui montre que Φv est continue et que

|||Φv||| ≤ ‖v‖∞ .

Si le maximum ‖v‖∞ est atteint pour un entier n0, alors

|Φv(e(n0))| = |vn0| = ‖v‖∞ .

Dans le cas contraire, il existe une suite (vϕ(n)) extraite de v telle que

‖v‖∞ = limn→∞

|vϕ(n)| .

Alorslimn→∞

|Φv(e(ϕ(n)))| = limn→∞

|vϕ(n)| = ‖v‖∞ .

Dans les deux cas|||Φv||| = ‖v‖∞ .

L’application qui à v dans ℓ∞ associe Φv est donc une bijection isométrique de ℓ∞ sur le dual topolo-gique de ℓ1.

Exercice 27

Soit l’espace vectoriel E des suites u = (un)n≥0 de nombres réels telles que la suite (un+1−un) soitbornée1) Montrer que l’on définit une norme sur E en posant

‖u‖ = |u0|+ supn≥0

|un+1 − un| .

et que l’espace E est complet.

2) Montrer que l’espace ℓ∞ des suites bornées est inclus dans E et comparer les normes ‖.‖ et ‖.‖∞sur ce sous-espace.

Solution

1) Si ‖u‖ est nul, cela implique que un+1 − un est nul pour tout n, donc que u est constante. Mais ona également u0 = 0 et la suite est nulle. Les autres propriétés de la norme s’obtiennent facilement.

Soit (u(p)) une suite de Cauchy de E. Pour tout ε > 0, il existe P tel que q > p ≥ P implique

‖u(q)− u(p)‖ = |u0(q)− u0(p)|+ supn≥0

|(un+1(q)− un+1(p))− (un(q)− un(p))|

= |u0(q)− u0(p)|+ supn≥0

|(un+1(q)− un(q))− (un+1(p)− un(p))| ≤ ε .

48 CHAPITRE 4. ESPACES DE SUITES

Donc, quel que soit n,

(1) |u0(q)− u0(p)|+ |(un+1(q)− un(q))− (un+1(p)− un(p))| ≤ ε .

Alors (u0(p)) est une suite de Cauchy de R et converge vers un nombre u0, et, pour tout n, la suite(un+1(p)− un(p))p est une suite de Cauchy de R et converge vers un nombre an. On considère la suiteu = (un) définie par

un = u0 +n−1∑

k=0

ak ,

qui est telle queun+1 − un = an .

En faisant tendre q vers l’infini dans l’inégalité (1) , on obtient, si p ≥ P ,

|u0 − u0(p)|+ |an − (un+1(p)− un(p))| = |u0 − u0(p)|+ |(un+1 − un)− (un+1(p)− un(p))| ≤ ε .

Alors|u0 − u0(p)|+ sup

n≥0|(un+1 − un)− (un+1(p)− un(p))| ≤ ε ,

d’où l’on déduit

|un+1 − un| ≤ |(un+1 − un)− (un+1(p)− un(p))|+ |(un+1(p)− un(p))| ≤ ε+ ‖u(p)‖ ,

ce qui montre que la suite u est dans E. Par ailleurs, si p ≥ P ,

‖u− u(p)‖ ≤ ε

et la suite (u(p)) converge vers u. Il en résulte que E est complet.

2) Tout d’abord‖u‖ ≤ |u0|+ sup

n≥0(|un+1|+ |un|) ≤ 3 ‖u‖∞ ,

(avec égalité pour la suite (−1, 1, 0, · · · )), ce qui montre que ℓ∞ est inclus dans E.

Considérons la suite u(p) = (inf(n, p))n≥0. On a alors

‖u(p)‖∞ = p et ‖u(p)‖ = 1 .

Il ne peut pas exister de constante K telle que, pour toute suite u de ℓ∞,

‖u‖∞ ≤ K ‖u‖ .

Les normes ne sont pas équivalentes sur ℓ∞.

Chapitre 5

Espaces de fonctions

Exercice 28

Dans l’espace E = C 1( [ 0, 1 ] ,R) des applications de classe C1 sur [ 0, 1 ] à valeurs réelles on définit

‖f‖′1 =1∫

0

x|f(x)| dx et ‖f‖′∞ = sup0≤x≤1

|xf(x)| .

1) Montrer que ce sont des normes sur E et comparer ‖.‖′i et ‖.‖i lorsque i = 1 et i = ∞.

2) Trouver la norme de l’identité de ‖.‖i dans ‖.‖′i.

Solution

1) La seule propriété qui ne soit pas évidente est la séparation. Si la norme ‖f‖′i est nulle alors xf(x)est nul sur [ 0, 1 ] . Il en résulte que f(x) est nul sur ] 0, 1 ] et, par continuité, que f(0) est nul. Doncf est la fonction nulle.

Puisque 0 ≤ x ≤ 1, on a

x|f(x)| ≤ |f(x)| ,

d’où

‖f‖′i ≤ ‖f‖i .

Considérons la fonction fn de E définie par

fn(x) =

{n si x ∈ [ 0, 1/n ]1/x si x ∈ [ 1/n, 1 ]

donc xfn(x) =

{nx si x ∈ [ 0, 1/n ]1 si x ∈ [ 1/n, 1 ]

.

On a alors

‖fn‖∞ = n et ‖fn‖′∞ = 1 ,

50 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

donc, il n’existe pas de constante K telle que, pour tout f de E,

‖f‖∞ ≤ K ‖f‖′∞ ,

ce qui montre que les normes ‖.‖′∞ et ‖.‖∞ ne sont pas équivalentes.

Avec la même fonction fn, on a

‖fn‖1 =1/n∫

0

n dx+

1∫

1/n

dx

x= 1 + lnn ,

et

‖fn‖′1 =1/n∫

0

xn dx+

1∫

1/n

dx =1

2n+ 1− 1

n= 1− 1

2n.

La suite (‖fn‖′1) converge vers 1 alors que (‖fn‖)1) n’est pas bornée. Donc, il n’existe pas de constanteK telle que, pour tout f de E,

‖f‖1 ≤ K ‖f‖′1 ,

ce qui montre que les normes ‖.‖′1 et ‖.‖1 ne sont pas équivalentes.

2) On montre que dans les deux cas la norme de l’application identique vaut 1.

Pour les normes ∞, si f est la fonction constante 1, on a

‖f‖′∞ = ‖f‖∞ = 1 ,

donc, la norme de l’identité de (E, ‖.‖∞) dans (E, ‖.‖′∞) vaut 1.

Pour les normes 1 considérons la fonction fn de E définie par

fn(x) =

{0 si x ∈ [ 0, 1− 1/n ]

n2(x− 1 + 1/n) si x ∈ [ 1− 1/n, 1 ].

C’est une fonction positive. Tout d’abord, ‖fn‖1 est l’aire d’un triangle de hauteur n et de base 1/ndonc

‖fn‖1 =1

2.

Ensuite, en écrivant, si 1− 1/n ≤ x ≤ 1,

xfn(x) = n2x(x− 1 + 1/n) = n2[(x− 1 + 1/n)2 + (1− 1/n)(x− 1 + 1/n)

],

51

on obtient

‖fn‖′1 = n2

1∫

1−1/n

[(x− 1 + 1/n)2 + (1− 1/n)(x− 1 + 1/n)

]dx

= n2

[(x− 1 + 1/n)3

3+

(1− 1

n

)(x− 1 + 1/n)2

2

]1

1−1/n

= n2

[1

3n3+

(1− 1

n

)1

2n2

]

=1

3n+

1

2

(1− 1

n

)=

1

2− 1

6n.

Alors la suite (‖fn‖′1/‖fn‖1) converge vers 1, donc, la norme de l’identité de (E, ‖.‖1) dans (E, ‖.‖′1)vaut 1.

Remarque : si f n’est pas la fonction nulle, on a toujours

‖f‖′1 < ‖f‖1 ,

car la fonction (1− x)|f(x)| est une fonction positive qui n’est pas la fonction nulle sur [ 0, 1 ] .

Exercice 29

Dans l’espace E = C 1( [ 0, 1 ] ,R) des applications de classe C1 sur [ 0, 1 ] à valeurs réelles on définit

‖f‖ = ‖f‖∞ + ‖f ′‖∞ et ‖f‖′ = ‖f ′‖∞ + |f(0)| .

Montrer que ce sont des normes équivalentes et que l’espace est complet, puis trouver la norme del’identité de (E, ‖.‖) dans (E, ‖.‖′) et de (E, ‖.‖′) dans (E, ‖.‖),

Solution

La seule propriété qui ne soit pas évidente est la séparation pour la norme ‖.‖′. Si la norme ‖f‖′ estnulle alors ‖f ′‖∞ est nul, donc f ′ est nulle et f est constante, mais aussi f(0) est nul, donc f est nulle.Par ailleurs

‖f‖′ = ‖f ′‖∞ + |f(0)| ≤ ‖f‖∞ + ‖f ′‖∞ = ‖f‖ ,et l’égalité a lieu si f est constante. La norme de l’identité de (E, ‖.‖) dans (E, ‖.‖′) est donc égale à 1.

Dans l’autre sens, en partant lorsque 0 ≤ x ≤ 1, de l’égalité

f(x) =

x∫

0

f ′(t) dt+ f(0) ,

52 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

on obtient,

|f(x)| ≤x∫

0

|f ′(t)| dt+ |f(0)| ≤ ‖f ′‖∞x∫

0

dt+ |f(0)| ≤ ‖f ′‖∞ + |f(0)| ,

et donc

‖f‖∞ ≤ ‖f ′‖∞ + |f(0)| .Alors

‖f‖ ≤ 2‖f ′‖∞ + |f(0)| ≤ 2‖f‖′ ,et l’égalité a lieu pour la fonction f telle que f(x) = x. Donc les normes sont équivalentes et la normede l’identité de (E, ‖.‖′) dans (E, ‖.‖) est égale à 2.

Maintenant, si (fn) est une suite de Cauchy de E, alors (fn(0)) est une suite de Cauchy de R etconverge vers un nombre α, et (f ′

n) est une suite de Cauchy dans l’espace C ( [ 0, 1 ] ,R) muni de lanorme infinie, qui est complet, et converge vers une fonction continue g. Pour tout x de [ 0, 1 ] posons

f(x) = α+

x∫

0

g(t) dt .

La fonction f est alors un élément de E tel que

f(0) = α et f ′ = g ,

d’où

‖fn − f‖′ = |fn(0)− α|+ ‖f ′n − g‖∞ ,

et l’on en déduit que (fn) converge vers f . Il en résulte que E est complet.

Exercice 30

Dans l’espace E = C 1( [ 0, 1 ] ,R) des applications de classe C1 sur [ 0, 1 ] à valeurs réelles on définit

‖f‖ = ‖f‖∞ + ‖f ′‖∞ et ‖f‖′ = ‖f + f ′‖∞ + |f(0)| .

Montrer que ce sont des normes équivalentes et trouver la norme de l’identité de (E, ‖.‖) dans(E, ‖.‖′) et de (E, ‖.‖′) dans (E, ‖.‖).

Solution

La seule propriété qui ne soit pas évidente est la séparation pour la norme ‖.‖′. Si la norme ‖f‖′ estnulle alors

f + f ′ = 0 et f(0) = 0 .

53

En résolvant l’équation différentielle, on trouve pour tout x de [ 0, 1 ] ,

f(x) = f(0)e−x = 0 .

Par ailleurs‖f‖′ ≤ ‖f‖∞ + ‖f ′‖∞ + |f(0)| ≤ 2‖f‖∞ + ‖f ′‖∞ ≤ 2‖f‖ ,

et l’égalité a lieu si f est constante. La norme de l’identité de (E, ‖.‖) dans (E, ‖.‖′) est donc égale à 2.

Dans l’autre sens, posonsf + f ′ = h .

Cette équation différentielle se résout en fonction de h. On obtient

f(x) = f(0)e−x + e−x

x∫

0

h(t)etdt .

donc, si x appartient à [ 0, 1 ] ,

|f(x)| ≤ |f(0)|e−x + e−x

x∫

0

|h(t)| etdt ≤ |f(0)|e−x + e−x‖h‖∞x∫

0

etdt ,

puis|f(x)| ≤ |f(0)|e−x + e−x(ex − 1)‖h‖∞ = |f(0)|e−x + (1− e−x)‖h‖∞ ,

et finalement

|f(x)| ≤ (|f(0)| − ‖f + f ′‖∞)e−x + ‖f + f ′‖∞ .

Si l’on note g(x) le membre de droite, on obtient une fonction monotone g. Alors

‖f‖∞ ≤ ‖g‖∞ = max( |g(0)|, |g(1)| ) = max[|f(0)| , |f(0)|e−1 + (1− e−1)‖f + f ′‖∞

].

D’autre part

‖f ′‖∞ = ‖(f + f ′)− f‖∞ ≤ ‖f + f ′‖∞ + ‖f‖∞ ,

donc

‖f‖ ≤ ‖f + f ′‖∞ + 2‖f‖∞ ≤ max[2|f(0)|+ ‖f + f ′‖∞ , 2|f(0)|e−1 + (3− 2e−1)‖f + f ′‖∞

].

Comme e > 2, on en déduit que3− 2e−1 > 2 > 1 > 2e−1 ,

puis que‖f‖ ≤ (3− 2e−1)‖f‖′ .

Les deux normes sont donc équivalentes et

|||Id||| = supf∈E

‖f‖‖f‖′ ≤ 3− 2e−1 .

54 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

Pour montrer que la norme de l’identité de (E, ‖.‖′) dans (E, ‖.‖) vaut 3− 2e−1, introduisons la suitede fonctions hn définies par

hn(x) =

{−1 si x ∈ [ 0, 1− 1/n ]

2nx− 2n+ 1 si x ∈ [ 1− 1/n, 1 ].

La fonction hn est continue croissante sur [ 0, 1 ] et varie de −1 à +1, donc ‖hn‖∞ vaut 1. Soit alorsfn la solution, nulle en 0, de l’équation différentielle

fn + f ′n = hn .

On a donc‖fn‖′ = ‖hn‖∞ + |fn(0)| = 1 .

La fonction fn est de classe C1 et s’obtient par la formule

fn(x) = e−x

x∫

0

hn(t)etdt .

Si x appartient à l’intervalle [ 0, 1− 1/n ] , on obtient

fn(x) = −e−x

x∫

0

etdt = e−x − 1 .

Si x appartient à l’intervalle [ 1− 1/n, 1 ] , on obtient cette fois

fn(x) = e−x

1−1/n∫

0

etdt+

x∫

1−1/n

(2nt− 2n+ 1)etdt

.

La deuxième intégrale se calcule facilement par parties et l’on trouve finalement

fn(x) = e−x[(

1− e1−1/n)+((2nx− 4n+ 1)ex + (2n + 1)e1−1/n

)],

ou encorefn(x) = 2nx− 4n+ 1 + e−x + 2ne1−x−1/n .

En particulier‖fn‖∞ ≥ |fn(1− 1/n)| = 1− e−1+1/n .

On a également sur [ 1− 1/n, 1 ]

f ′n(x) = hn(x)− fn(x) = 2n− 2ne1−x−1/n − e−x ,

donc‖f ′

n‖∞ ≥ |f ′n(1)| = 2n(1− e−1/n)− e−1 .

Alors, en utilisant un développement limité, on obtient

‖fn‖ ≥ 1− e−1+1/n + 2n(1− e−1/n)− e−1 = 1− e−1+1/n + 2n(1/n + ◦(1/n)) − e−1 .

55

Le membre de droite définit une suite qui converge vers 3− 2e−1. Il en résulte que

supf∈E

‖f‖‖f‖′ ≥

‖fn‖‖fn‖′

= ‖fn‖ ,

et quand n tend vers l’infini

|||Id||| = supf∈E

‖f‖‖f‖′ ≥ 3− 2e−1 .

Comme on a l’inégalité inverse, on obtient bien l’égalité.

Exercice 31

Dans l’espace E = C 1( [ 0, 1 ] ,R) des applications de classe C1 sur [ 0, 1 ] à valeurs réelles montrerque l’on définit une norme en posant

‖f‖ = |f(0)|+ ‖f ′‖2 .

Montrer que l’on a les inégalités

‖f ′‖1 ≤ ‖f ′‖2 et ‖f‖∞ ≤ ‖f‖ .

En utilisant la fonction fn définie sur [ 0, 1 ] par fn(x) =sin(nπx)

n, montrer que ‖.‖∞ et ‖f‖ ne

sont pas équivalentes.

Solution

La seule propriété qui ne soit pas évidente est la séparation. Si la norme ‖f‖ est nulle alors ‖f ′‖2 estnulle, donc f ′ est nulle et f est constante, mais aussi f(0) est nul, donc f est nulle.

En utilisant l’inégalité de Schwarz, on obtient

1∫

0

|f ′(x)| × 1 dx

2

1∫

0

|f ′(x)|2 dx

1∫

0

dx

,

ce qui donne‖f ′‖21 ≤ ‖f ′‖22 .

Alors

|f(x)− f(0)| =

∣∣∣∣∣∣

x∫

0

f ′(t) dt

∣∣∣∣∣∣≤

x∫

0

|f ′(t)| dt ≤1∫

0

|f ′(t)| dt = ‖f ′‖1 ≤ ‖f ′‖2 ,

puis|f(x)| ≤ |f(x)− f(0)|+ |f(0)| ≤ |f(0)|+ ‖f ′‖2 ,

56 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

d’où l’on déduit que‖f‖∞ ≤ ‖f‖ .

Avec la fonction fn, on calcule

‖f ′n‖22 =

1∫

0

(f ′n)

2(x) dx = π2

1∫

0

cos2(nπx) dx =π2

2

1∫

0

(1 + cos(2nπx)) dx =π2

2.

On a alors

‖fn‖ =π√2

et ‖fn|‖∞ =1

n.

Donc‖fn‖‖fn‖∞

=nπ√2,

et cette suite n’est pas bornée. Il n’existe pas de constante K telle que, pour tout f de E,

‖f‖ ≤ K ‖f‖∞ ,

ce qui montre que les normes ‖.‖ et ‖.‖∞ ne sont pas équivalentes.

Exercice 32

Dans l’espace vectoriel des fonctions continues sur R à valeurs réelles, on considère les sous-espacessuivants :(a) E∞ est l’espace vectoriel des fonctions bornées, muni de la norme ‖.‖∞.(b) E1 est l’espace des fonctions intégrables, muni de la norme ‖.‖1.(c) E2 est l’espace des fonctions de carré sommable, muni de la norme ‖.‖2.

1) Montrer que l’intersection E de ces trois sous-espaces n’est pas réduite à 0, mais qu’aucun d’entreeux n’est inclus dans l’un des deux autres.

2) Montrer que, quels que soient i et j distincts dans {1, 2,∞}, il n’existe pas de constante K telleque, pour tout f de E,

‖f‖i ≤ K ‖f‖j .

Solution

1) La fonction f définie parf(x) = e−|x|

appartient à E. En effet

‖f‖∞ = |f(0)| = 1 , ‖f‖1 =∞∫

−∞

e−|x|dx = 2 et ‖f‖22 =∞∫

−∞

e−2|x|dx = 1 .

57

Etudions les inclusions.

a) Tout d’abord une fonction constante se trouve dans E∞ mais ni dans E1, ni dans E2. Donc E∞n’est inclus, ni dans E1, ni dans E2.

b) Considérons la fonction continue f qui est telle que, pour tout entier n ≥ 2, on ait

f(n− 1/n3) = f(n+ 1/n3) = 0 et f(n) = n

et qui soit affine sur les intervalles [n − 1/n3, n ] et [n, n+ 1/n3 ] et nulle ailleurs. C’est une fonctionpositive qui n’est pas bornée. L’intégrale est alors la somme des aires des triangles composant le graphede cette fonction et ∞∫

−∞

f(x) dx =∞∑

n=2

1

n2< ∞ .

Donc E1 n’est pas inclus dans E∞. Egalement, la fonction g =√f appartient à E2 mais pas à E∞,

donc E2 n’est pas inclus dans E∞.

c) Si l’on modifie la fonction f précédente en imposant f(n) = n2 on trouve cette fois,

∞∫

−∞

g(x)2 dx =

∞∫

−∞

f(x) dx =

∞∑

n=2

1

n= ∞ .

L’intégrale ‖g‖1 est la somme des aires In de triangles curvilignes construits sur [n− 1/n3, n+ 1/n3 ] .On a alors, par symétrie,

In = 2

n∫

n−1/n3

√f(x) dx ,

mais sur l’intervalle [n− 1/n3, n ] , puisque f est affine, on a

f(x) = n5

(x−

(n− 1

n3

)),

et en intégrant

In = 2n5/2 2

3

[(x−

(n− 1

n3

))3/2]n

n−1/n3

=4

3

1

n2.

Finalement ∞∫

−∞

g(x) dx =4

3

∞∑

n=2

1

n2< ∞ .

La fonction g se trouve dans E1 mais pas dans E2, donc E1 n’est pas inclus dans E2.

Enfin, la fonction f définie par

f(x) =1

|x|+ 1

58 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

est dans E2 mais pas dans E1, donc E2 n’est pas inclus dans E1.

2) On remarque que des fonctions continues nulles en dehors d’un intervalle compact sont nécessaire-ment dans E. Pour tout entier naturel non nul n, on construit des suites de fonctions positives fn dece type, donnant une contradiction.

a) Soit fn la fonction continue positive telle que

fn(n − 1/n) = f(n+ 1/n) = 0 et fn(n) = 1 ,

qui soit affine sur les intervalles [n − 1/n, n ] et [n, n+ 1/n ] et nulle ailleurs.

On a alors ( ‖fn‖1 est l’aire d’un triangle),

‖fn‖∞ = 1 et ‖fn‖1 =1

n,

ainsi que

‖√

fn‖∞ = 1 et ‖√

fn‖2 =1√n.

Il en résulte que l’on ne peut avoir, pour tout f de E

‖f‖∞ ≤ K ‖f‖1 ou ‖f‖∞ ≤ K ‖f‖2 .

b) Soit fn la fonction continue positive telle que

fn(x) =1

nsur [−n, n ] ,

qui soit affine sur les intervalles [−n− 1, −n ] et [n, n+ 1 ] et nulle ailleurs.

On a alors ( ‖fn‖1 est l’aire d’un trapèze),

‖fn‖∞ =1

net ‖fn‖1 =

2n+ 1

n,

ainsi que

‖√

fn‖∞ =1√n

et ‖√

fn‖2 =√

2n+ 1

n.

Il en résulte que l’on ne peut avoir, pour tout f de E

‖f‖1 ≤ K ‖f‖∞ ou ‖f‖2 ≤ K ‖f‖∞ .

c) Soit fn la fonction continue positive telle que

fn(x) =1

xsur [ 1, n ] ,

59

qui soit affine sur les intervalles [ 0, 1 ] et [n, n+ 1 ] et nulle ailleurs. Alors, puisque fn(x) est majorépar 1 sur [ 0, 1 ] et par 1/x sur [n, ∞ [ ,

‖fn‖1 ≥n∫

1

dx

x= lnn et ‖fn‖22 ≤

1∫

0

fn(x)2dx+

∞∫

1

dx

x2≤ 1 +

∞∫

1

dx

x2= 2 .

Il en résulte que l’on ne peut avoir, pour tout f de E

‖f‖1 ≤ K ‖f‖2 .

d) Soit fn la fonction continue positive telle que

fn(x) =

{n sur [−1/n2, 1/n2 ]

1/√x sur [−1/n2, −1 ] ∪ [ 1, 1/n2 ]

qui soit affine sur les intervalles [−2, −1 ] et [ 1, 2 ] et nulle ailleurs. Comme fn(x) est majoré par1/√

|x|, on a

‖fn‖1 ≤ 2

2∫

0

dx√x= 4

√2 et ‖fn‖22 ≥ 2

1∫

1/n2

dx

x= 4 ln n .

Il en résulte que l’on ne peut avoir, pour tout f de E

‖f‖2 ≤ K ‖f‖1 .

Exercice 33

1) Soit a un nombre réel strictement positif. Soit E l’espace vectoriel des applications de classe C1

sur [ 0, a ] à valeurs réelles, nulles en 0. Montrer que l’on définit une norme sur E en posant

‖f‖ = ‖f ′‖∞ .

2) Montrer qu’il existe une constante K telle que, pour tout f de E

‖f‖∞ ≤ K ‖f‖ ,

et trouver la plus petite constante K possible.

3) Montrer que les normes ‖.‖ et ‖.‖∞ ne sont pas équivalentes.

4) On pose‖f‖′ = ‖f‖∞ + ‖f ′‖∞ .

Montrer que les normes ‖.‖ et ‖.‖′ sont équivalentes et trouver les meilleurs constantes k et K tellesque, pour tout f de E,

k ‖f‖ ≤ ‖f‖′ ≤ K ‖f‖ .

60 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

Solution

1) Si la norme ‖f‖ est nulle, alors la fonction f ′ est nulle donc f est constante et, puisque f(0) est nul,la fonction f est nulle. Les autres propriétés résultent du fait que ‖.‖∞ est une norme sur C ( [ 0, a ] ,R).

2) On écrit

f(x) =

x∫

0

f ′(t) dt .

Alors

|f(x)| ≤x∫

0

|f ′(t)| dt ≤ ‖f ′‖∞x∫

0

dt = x ‖f‖ ≤ a‖f‖ ,

et finalement

‖f‖∞ ≤ a‖f‖ .On a égalité si l’on prend la fonction f qui à x associe x, car on a alors

‖f‖∞ = a et ‖f‖ = ‖f ′‖∞ = 1 .

La plus petite constante est donc a.

3) Pour tout entier naturel non nul n soit fn la fonction de E définie par

fn(x) =1

nsin

nxπ

a.

On a alors

f ′n(x) =

π

acos

nxπ

a.

‖fn‖∞ =1

net ‖f ′

n‖∞ =π

a.

Il ne peut donc pas exister de constante K telle que pour tout f de E

‖f‖ ≤ K ‖f‖∞ ,

et les normes ne sont pas équivalentes.

4) Puisque

‖f‖∞ ≤ a ‖f‖ ,on a donc

‖f‖′ = ‖f‖∞ + ‖f‖ ≤ (1 + a) ‖f‖ .La plus petite constante K vaut 1 + a puisque l’on a égalité pour la fonction qui à x associe x.

61

Par contre, si f n’est pas la fonction nulle, on a toujours

‖f‖ < ‖f‖′ .Cependant en reprenant la fonction fn définie dans 3),

‖fn‖ = ‖f ′n‖∞ =

π

aet ‖fn‖′ =

π

a+

1

n.

Donc, la limite du rapport ‖fn‖/‖fn‖′ vaut 1. Alors la plus grande constante k telle que, pour tout fde E

k ‖f‖ ≤ ‖f‖′

vaut 1.

Exercice 34

Soit deux réels a, et b tels que a < b. On note E l’espace C ( [ a, b ] ),R).

1) Montrer que, si p et q sont dans [ 0, ∞ ] tels que p < q, on a, pour tout f de E,

‖f‖p ≤ (b− a)1/p−1/q ‖f‖q .

2) Montrer que les normes ne sont pas équivalentes.

Solution

1) Soit p dans [ 1, ∞ [ . Tout d’abord

‖f‖pp =b∫

a

|f(t)|pdt ≤ (b− a) ‖f‖p∞ ,

donc‖f‖p ≤ (b− a)1/p ‖f‖∞ ,

avec égalité si f est constante.

Soit maintenant p et q dans [ 0, ∞ [ tels que p < q. Puisque q/p > 1, on obtient en utilisant l’inégalitéde Hölder

b∫

a

|f(t)|pdt ≤

b∫

a

(|f(t)|p)q/pdt

p/q

b∫

a

1 dt

1−p/q

=

b∫

a

|f(t)|qdt

p/q

(b− a)1−p/q .

On en déduit bien

‖f‖p =

b∫

a

|f(t)|pdt

1/p

b∫

a

|f(t)|qdt

1/q

(b− a)1/p−1/q ,

62 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

avec égalité si f est constante.

2) Considérons la fonction positive fn de E définie par

fn(x) = (x− a)n .

On a alors

‖fn‖∞ = (b− a)n ,

puis, si p est fini,

‖fn‖pp =b∫

a

(x− a)np dx =(b− a)np+1

np+ 1,

et donc

‖fn‖p =(b− a)n+1/p

(np+ 1)1/p.

Alors

‖fn‖∞‖fn‖p

=(np+ 1)1/p

(b− a)1/p,

et, si p < q,

‖fn‖q‖fn‖p

= (b− a)1/q−1/p (np+ 1)1/p

(nq + 1)1/q∼ (b− a)1/q−1/p p1/p

q1/qn1/p−1/q .

Dans les deux cas la limite est infinie et les normes ne sont pas équivalentes.

Exercice 35 Fonctions lipschitziennes

Soit I un intervalle non vide de R. Une fonction à valeurs réelles définie sur I est dite lipschitziennede rapport k, si, quels que soient x et y dans I, on a

|f(x)− f(y)| ≤ k|x− y| .

On note

k(f) = supx 6=y

|f(x)− f(y)||x− y| .

1) Soit a dans I. Dans l’espace vectoriel L (I) des fonctions lipschitziennes sur I, montrer que l’ondéfinit une norme en posant

‖f‖a = |f(a)|+ k(f) ,

et que, si a et b sont dans I, les normes ‖.‖a et ‖.‖b sont équivalentes.

63

2) Montrer que L (I) est complet.

3) Montrer que le sous-espace des fonctions contractantes est une partie ouverte de L (I).

4) Montrer que si I est compact, l’ensemble des fonctions de classe C1 sur I est un sous-espace deL (I) et que, pour tout f de C 1(I), on a

‖f‖a = |f(a)|+ ‖f ′‖∞ .

En déduire que C 1(I) est fermé.

Solution

Remarquons que l’on a en particulier, quels que soient x et y dans I,

|f(x)− f(y)| ≤ k(f) |x− y| ≤ ‖f‖a |x− y| .

1) Si ‖f‖a est nul, alors d’une part f(x)− f(y) est nul quels que soient x et y, donc f est constante etd’autre part f(a) est nul donc f est la fonction nulle. Les autres propriétés de la norme résultent decelles de la borne supérieure.

On a en particulier|f(b)− f(a)| ≤ k(f) |a− b| ,

donc|f(b)| ≤ |f(a)|+ |a− b| k(f) ,

puis‖f‖b ≤ |f(a)|+ (|a− b|+ 1) k(f) ≤ (|a− b|+ 1)‖f‖a .

Comme on peut inverser les rôles de a et b, les deux normes sont équivalentes.

2) On déduit également du calcul précédent que

|f(b)| ≤ max(1, |a− b|) ‖f‖a .

Soit alors (fn) une suite de Cauchy. On a donc

(L) |fn(x)− fm(x)| ≤ max(1, |x− a|) ‖fn − fm‖a ,

et il en résulte que la suite (fn(x)) est une suite de Cauchy réelle et converge donc vers une limitenotée f(x).

La suite de Cauchy (fn) étant bornée, soit K une constante qui la majore. Alors, pour tout entier net tout couple (x, y) d’éléments de I,

|fn(x)− fn(y)| ≤ ‖fn‖a |x− y| ≤ K |x− y| ,

et, par passage à la limite,|f(x)− f(y)| ≤ K |x− y| ,

64 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

donc f est lipschitzienne.

Soit ε > 0. Il existe un entier N tel que, si m > n > N on ait

‖fn − fm‖a ≤ ε

2.

Alors

|fn(a)− fm(a)| ≤ ε

2,

et, en faisant tendre m vers l’infini,

|fn(a)− f(a)| ≤ ε

2.

D’autre part

|(fn(x)− fm(x))− (fn(y)− fm(y))| ≤ |x− y| ‖fn − fm‖a ≤ |x− y| ε2,

et de nouveau, en faisant tendre m vers l’infini,

|(fn(x)− f(x))− (fn(y)− f(y))| ≤ |x− y| ε2,

donc

k(fn − f) ≤ ε

2,

Alors

‖fn − f‖a = |fn(a)− f(a)|+ k(fn − f) ≤ ε ,

ce qui prouve que la suite (fn) converge vers f . L’espace L (I) est donc complet.

3) Une fonction contractante est une fonction lipschitzienne telle que

k(f) < 1 .

L’application k étant continue de L (I) dans R, l’ensemble des fonctions lipschitziennes est l’imageréciproque par k de l’intervalle ouvert ]−∞, 1 [ . C’est donc un ouvert de L (I).

4) Si f est de classe C1 sur I, la fonction dérivée f ′ est bornée sur I. Il résulte du théorème desaccroissements finis que

|f(x)− f(y)| ≤ supt∈I

|f ′(t)| |x− y| ,

et donc que f est lipschitzienne. On a dans ce cas

k(f) ≤ ‖f ′‖∞ .

Réciproquement, puisque I est compact, la fonction |f ′| atteint son maximum en un point x0 de I,alors

‖f ′‖∞ = |f ′(x0)| = limx→x0

|f(x)− f(x0)||x− x0|

≤ k(f) ,

65

et il en résulte que

‖f ′‖∞ = k(f) .

Pour montrer que C 1(I) est fermé, il suffit de montrer qu’il est complet. Soit (fn − fm) une suite deCauchy de C 1(I). Alors (fn(a)) est une suite de Cauchy de R et converge vers un nombre λ, et (f ′

n)est une suite de Cauchy de C (I) pour la norme infinie, et converge pour cette norme vers une fonctiong. Pour tout x de I posons

f(x) = λ+

x∫

a

g(t) dt ,

On définit ainsi une fonction f de classe C1 et

‖fn − f‖a = |fn(a)− λ|+ ‖f ′n − g‖∞ ,

ce qui montre que la suite (fn) converge vers f . Il en résulte que C 1(I) est complet, donc fermé dansl’espace L (I).

Exercice 36

1) Soit E l’espace des applications de classe C1 sur [ 0, 1 ] à valeurs réelles, nulles en 0. Montrerque

‖f‖ = ‖f ′‖2est une norme sur E.

2) Trouver la norme de la forme linéaire Φ définie par

Φ(f) =

1∫

0

f(t) dt .

3) Soit F le sous-espace de E formé des fonctions qui s’annulent aussi en 1. Trouver la norme de larestriction de Φ à F .

Solution

1) Si la norme ‖f‖ est nulle, alors la fonction f ′ est nulle donc f est constante, et puisque f(0) est nul,la fonction f est nulle. Les autres propriétés résultent du fait que ‖.‖2 est une norme sur C ( [ 0, 1 ] ,R).

2) En intégrant par parties

Φ(f) =

1∫

0

f(t) dt =[(t− 1)f(t)

]10−

1∫

0

(t− 1)f ′(t) dt =

1∫

0

(1− t)f ′(t) dt .

66 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

Ensuite, en utilisant l’inégalité de Schwarz,

|Φ(f)| ≤

1∫

0

(1− t)2dt

1/2

‖f ′‖2 =1√3‖f ′‖2 .

L’égalité a lieu dans l’inégalité de Schwarz lorsque f ′ est un multiple de l’application t 7→ 1− t. Alorsen prenant

f(t) = 2t− t2 ,

on obtient égalité. Donc

|||Φ|||E =1√3.

3) On intègre par parties cette fois de la façon suivante

Φ(f) =

1∫

0

f(t) dt =

[(t− 1

2

)f(t)

]1

0

−1∫

0

(t− 1

2

)f ′(t) dt =

1∫

0

(1

2− t

)f ′(t) dt .

Ensuite, en utilisant l’inégalité de Schwarz,

|Φ(f)| ≤

1∫

0

(1

2− t

)2

dt

1/2

‖f ′‖2 =1√12

‖f ′‖2 .

L’égalité a lieu dans l’inégalité de Schwarz lorsque f ′ est un multiple de l’application t 7→ 1/2− t. Alorsen prenant

f(t) = t− t2 ,

on obtient égalité. Donc

|||Φ|||F =1

2√3.

Exercice 37

Soit E l’espace des fonctions continues sur [ a, b ] à valeurs réelles. Soit x0 un point de [ a, b ] et Lla forme linéaire définie par

L(f) = f(x0) .

Etudier la continuité de L pour les normes ∞, 1 et 2.

Solution

Norme infinie

67

Dans ce cas|L(f)| = |f(x0)| ≤ ‖f‖∞ ,

et on a égalité pour les fonctions constantes. Donc L est continue et de norme 1 dans ce cas.

Norme 1

Supposons tout d’abord que x0 se trouve dans l’intervalle ouvert ] a, b [ . Soit n un entier tel que

n ≥ max

(1

x0 − a,

1

b− x0

).

Pour une telle valeur de n, soit fn la fonction continue sur [ a, b ] qui vaut 1 en x0, s’annule sur[ a, x0 − 1/n ] ∪ [x0 + 1/n, b ] et est affine sur les deux intervalles [x0 − 1/n, x0 ] et [x0, x0 + 1/n ] .Alors |L(fn)| vaut 1 et ‖fn‖1 est l’aire d’un triangle de hauteur 1 et de base 2/n donc vaut 1/n. Il enrésulte que la suite (fn) converge vers 0 pour la norme 1 alors que (L(fn)) ne converge pas vers 0. Laforme linéaire L n’est pas continue dans ce cas.

Si x0 = a, soit n un entier tel que

n ≥ 1

b− x0.

On prend cette fois la fonction fn qui vaut 1 en x0, s’annule sur [x0 + 1/n, b ] et est affine sur l’inter-valle [x0, x0 + 1/n ] . Alors |L(fn)| vaut 1 et ‖fn‖1 est l’aire d’un triangle de hauteur 1 et de base 1/ndonc vaut 1/(2n). La conclusion subsiste.

Démonstration analogue lorsque x0 = b.

Norme 2

Pour la norme 2, on utilise la suite (√fn), et l’on a encore

L(√

fn) = 1 et ‖√

fn‖2 =√

‖fn‖1 ,avec la même conclusion.

Exercice 38

Soit ϕ une fonction non nulle appartenant à l’espace vectoriel C ( [ 0, 1 ] ,C). On munit cet espacede la norme infinie et l’on définit la forme linéaire Tϕ en posant

Tϕ(f) =

1∫

0

f(x)ϕ(x) dx .

Montrer que Tϕ est continue et trouver sa norme.

68 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

Solution

Tout d’abord

|Tϕ(f)| ≤1∫

0

|f(x)| |ϕ(x)| dx ≤ ‖f‖∞1∫

0

|ϕ(x)| dx .

Donc Tϕ est continue et

|||Tϕ||| ≤1∫

0

|ϕ(x)| dx .

Pour tout entier naturel non nul n, posons

fn =ϕ

|ϕ|+ 1/n.

On a donc

‖fn‖∞ = supx∈ [ 0, 1 ]

|ϕ(x)||ϕ(x)| + 1/n

≤ 1 .

Alors

|||Tϕ||| ≥|Tϕ(fn)|‖fn‖∞

≥1∫

0

|ϕ(x)|2|ϕ(x)|+ 1/n

dx ,

et, par passage à la limite,

|||Tϕ||| ≥1∫

0

|ϕ(x)| dx ,

d’où l’égalité

|||Tϕ||| =1∫

0

|ϕ(x)| dx .

Exercice 39

Soit D l’opérateur de dérivation de l’espace E = C 1( [ 0, 1 ] ,R) dans F = C ( [ 0, 1 ] ,R). On munitF de la norme infinie.

1) Montrer que si E est muni de la norme ‖.‖ définie par

‖f‖ = ‖f‖∞ + ‖f ′‖∞

l’application D est continue et trouver sa norme.

2) Montrer que D n’est pas continue si E est muni de la norme infinie.

69

Solution

1) On a de manière évidente‖D(f)‖∞ = ‖f ′‖∞ ≤ ‖f‖ .

Donc D est continue et|||D||| ≤ 1 .

Soit la fonction fn définie par

fn(x) =sin(nπx)

nπ.

On a

‖fn‖∞ =1

nπet ‖f ′

n‖∞ = 1 .

Donc

‖D(fn)‖∞ = 1 et ‖fn‖ = 1 +1

nπ.

Alors

|||D||| ≥ 1

1 + 1/(nπ),

et par passage à la limite|||D||| ≥ 1 .

Finalement on obtient|||D||| = 1 .

2) Avec la même suite de fonctions (fn) on ne peut pas avoir pour tout n

1 = ‖D(fn)‖∞ ≤ K ‖fn‖∞ =K

nπ.

Donc D n’est pas continue dans ce cas.

Exercice 40

On considère les espaces E = C ( [ 0, 1 ] ,R) et F = C 1( [ 0, 1 ] ,R). Soit T l’application de E dansE où T (f) est la fonction définie sur [ 0, 1 ] par

T (f)(x) = xf(x) .

Enfin, soit ‖.‖ la norme définie sur F par

‖f‖ = ‖f‖∞ + ‖f ′‖∞ .

Etudier la continuité et la norme de T considérée comme application

1) de (E, ‖.‖∞) dans (E, ‖.‖∞) , 2) de (F, ‖.‖) dans (F, ‖.‖) ,3) de (F, ‖.‖) dans (F, ‖.‖∞) , 4) de (F, ‖.‖∞) dans (F, ‖.‖) .

70 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

Solution

1) Soit f dans E. Pour tout x de [ 0, 1 ] , on a

|T (f)(x)| = |xf(x) ≤ |f(x)| ,

donc‖T (f)‖∞ ≤ ‖f‖∞ ,

et on a égalité pour une fonction constante. Alors T est continue et

|||T ||| = 1 .

2) Soit f dans F . Alors

T (f)′(x) = f(x) + xf ′(x) ,

donc, pour tout x de [ 0, 1 ] ,|T (f)′(x)| ≤ |f(x)|+ |f ′(x)|

et

‖T (f)′‖∞ ≤ ‖f‖∞ + ‖f ′‖∞ ,

puis

‖T (f)‖ = ‖T (f)‖∞ + ‖T (f)′‖∞ ≤ 2‖f‖∞ + ‖f ′‖∞ ≤ 2 ‖f‖ ,avec égalité pour une fonction constante. Alors T est continue et

|||T ||| = 2 .

3) On a

‖T (f)‖∞ ≤ ‖f‖∞ ≤ ‖f‖ ,avec égalité pour une fonction constante. Alors T est continue et

|||T ||| = 1 .

4) Soit la fonction qui à x associe xn oú n est entier. On a

T (fn)(x) = xn+1 et T (fn)′(x) = (n+ 1)xn .

Alors‖T (fn)‖ = n+ 2 et ‖fn‖∞ = 1 ,

et il ne peut pas exister de constante K telle que, pour tout f de F ,

‖T (f)‖ ≤ K‖f‖∞ .

Donc T n’est pas continue.

71

Exercice 41

Soit (X, d) un espace métrique compact, (E, ‖.‖) un espace vectoriel normé. Si x appartient à X etf à C (X,E), on pose

δx(f) = f(x) .

1) Montrer que δx est une application linéaire continue de norme 1 de (C (X,E), ‖.‖∞) dans (E, ‖.‖).2) Montrer que, si X possède un point d’accumulation, l’application qui à x associe δx n’est pascontinue de (X, d) dans (L(C (X,E), E), |||.|||).

Solution

1) On a‖δx(f)‖ = ‖f(x)‖ ≤ ‖f‖∞ ,

avec égalité si f est constante, donc δx est continue et de norme 1.

2) Soit x et y deux points distincts de X et e un vecteur de E de module 1. Evaluons ‖δx(f)− δy(f)‖lorsque f est définie par

f(z) =d(z, x) − d(z, y)

d(z, x) + d(z, y)e .

On aδx(f) = f(x) = −e et δy(f) = f(y) = e ,

et puisque

‖f(z)‖ =

∣∣∣∣d(z, x) − d(z, y)

d(z, x) + d(z, y)

∣∣∣∣ ‖e‖ ≤ 1 ,

on obtient‖f‖∞ = 1 .

On a également‖δx(f)− δy(f)‖ = ‖e+ e‖ = 2 .

Par ailleurs, en utilisant l’inégalité triangulaire, on obtient

|||δx − δy||| ≤ |||δx|||+ |||δy||| = 2 ,

et l’on a, pour toute fonction g,‖δx(g) − δy(g)‖ ≤ 2 ‖g‖∞ .

Alors puisque l’on a égalité dans le cas de la fonction f , on obtient finalement

|||δx − δy||| = 2 .

Si X possède un point d’accumulation x, alors lorsque y tend vers x, la différence δx − δy ne tend pasvers 0 et l’application qui à x associe δx n’est pas continue de (X, d) dans (L(C (X,E), E), |||.|||).

72 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

Exercice 42

Soit a un nombre réel strictement positif. Dans l’espace C ( [ 0, a ] ,R) muni de la norme infinie, onconsidère l’endomorphisme Φ où Φ(f) est défini par

Φ(f)(x) = f(x)−x∫

0

f(t) dt .

Montrer que Φ est continue et trouver sa norme.

Solution

On a

|Φ(f)(x)| ≤ |f(x)|+x∫

0

|f(t)] dt ≤ ‖f‖∞ + ‖f‖∞x∫

0

dx ≤ (1 + a)‖f‖∞ ,

donc‖Φ(f)‖∞ ≤ (1 + a)‖f‖∞ ,

et l’application Φ est continue. De plus|||Φ||| ≤ 1 + a .

Pour tout nombre s tel que a/2 < s < a, soit fs la fonction continue définie par

fs(x) =

{ −1 si 0 ≤ x ≤ 2s− ax− s

a− ssi 2s− a ≤ x ≤ a

.

Alors, l’intégrale de fs sur l’intervalle [ 2s − a, a ] est nulle et

a∫

0

fs(t) dt =

2s−a∫

0

fs(t) dt = a− 2s ,

puis‖Φ(fs)‖∞ ≥ |Φ(fs)(a)| = 1 + 2s− a .

Alors, puisque ‖fs‖∞ vaut 1, on a|||Φ||| ≥ ‖Φ(fs)‖∞ ,

et donc|||Φ||| ≥ lim

s→a(1 + 2s− a) = 1 + a .

Finalement|||Φ||| = 1 + a .

73

Exercice 43

1) Soit la fonctions fn définie par

fn(x) =

{0 si x = 0

x2(lnx)n si 0 < x ≤ 1.

Calculer

In =

1∫

0

fn(t) dt .

2) Dans C 1( [ 0, 1 ] ,R) muni de l’une des normes 1 ou infinie, montrer que la forme linéaire Φ définiepar

Φ(f) =

1∫

0

f ′(t2) dt .

n’est pas continue.

Solution

1) Remarquons que fn est continue sur [ 0, 1 ] .

En intégrant par parties, on obtient, si n ≥ 1

In =

[t3

3(ln t)n

]1

0

−1∫

0

t2

3n(ln t)n−1dt = −n

3In−1 .

Comme de plus I0 = 1/3, on obtient par récurrence,

In = (−1)nn!

3n+1.

2) Tout d’abord, on a

f ′n(x) = 2x(ln x)n + nx(lnx)n−1 = 2x(ln x)n−1(lnx+ n/2) ,

donc

Φ(fn) =

1∫

0

2t2(2 ln t)n dt+

1∫

0

nt2(2 ln t)n−1 dt = 2n+1In + n2n−1In−1 ,

c’est-à-dire

Φ(fn) = 2n+1(−1)nn!

3n+1+ n2n−1(−1)n−1 (n− 1)!

3n= (−1)n2n−1 n!

3n+1.

74 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

Norme infinie

La fonction f ′n s’annule en e−n/2 et, puisque fn est négative sur [ 0, 1 ] , elle possède un minimum en

ce point. De plus, fn(0) et fn(1) sont nuls, et on aura

‖fn‖∞ = |fn(e−n/2)| =( n

2e

)n,

donc, d’aprés la formule de Stirling,

‖fn‖∞ ∼ n!

2n√2nπ

.

Alors|Φ(fn)|‖fn‖∞

∼ 1

6

(4

3

)n√2nπ .

Comme cette expression tend vers l’infini, il en résulte que Φ n’est pas continue.

Norme 1

Cette fois

‖fn‖1 = |In| =n!

3n+1,

donc|Φ(fn)|‖fn‖1

= 2n−1 ,

et là aussi l’expression tend vers l’infini, il en résulte que Φ n’est pas continue.

Exercice 44

Soit (E, ‖.‖) un espace vectoriel normé. Soit I un intervalle fermé borné de R. Si g appartient àC (I,R), on définit une application linéaire Tg de C (I,E), dans lui-même en posant

Tg(f) = g · f .

Montrer que Tg est continue et trouver sa norme lorsque C (I,E) est muni de la norme infinie. Qu’endéduit-on pour l’application linéaire de (C (I,R), ‖.‖∞) dans L(C (I,E), |||.|||) qui à g associe Tg ?

Solution

Pour tout x de I et toute fonction f de C (I,E), on a

‖Tg(f)(x)‖ = ‖g(x)f(x)‖ = |g(x)| ‖f(x)‖ ,

donc‖Tg(f)‖∞ ≤ ‖g‖∞‖f‖∞ .

75

Il en résulte que l’application Tg est continue.

Si maintenant f est la fonction constante valant e où e est un vecteur de norme 1 de E, alors

Tg(f) = g e ,

et

‖Tg(f)‖∞ = ‖g‖∞ .

Il en résulte que

|||Tg||| = ‖g‖∞ .

On constate que l’application linéaire de (C (I,R), ‖.‖∞) dans L(C (I,E), |||.|||) qui à g associe Tg estune isométrie.

Exercice 45

Soit deux réels a et b tels que a < b. On note E l’espace C ( [ a, b ] ),R).

1) Montrer que, pour tout p dans [ 1, ∞ ] , il existe des constantes k et K telles que, quel que soitf dans C ( [ a, b ] ,

k ‖f‖1 ≤ ‖f‖p ≤ K ‖f‖∞ .

2) On considère l’application linéaire T de (E, ‖.‖p) dans (E, ‖.‖q) qui à f associe sa primitive nulleen a. Etudier la continuité de T . Calculer sa norme |||T |||p,q lorsque p ou q est infini, puis lorsquep = 1.

Solution

1) Soit p dans ] 1, ∞ [ . Tout d’abord

‖f‖pp =b∫

a

|f(t)|pdt ≤ (b− a) ‖f‖p∞ ,

donc

‖f‖p ≤ (b− a)1/p ‖f‖∞ ,

avec égalité si f est constante.

Ensuite, en utilisant l’inégalité de Hölder,

‖f‖1 =b∫

a

1× |f(t)| dt ≤

b∫

a

dt

1−1/p

b∫

a

|f(t)|pdt

1/p

= (b− a)1−1/p ‖f‖p ,

76 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

avec égalité si f est constante. Donc

(b− a)1/p−1 ‖f‖1 ≤ ‖f‖p ≤ (b− a)1/p ‖f‖∞ ,

ce qui reste vrai si p = 1 ou p = ∞.

2) On a donc

T (f)(x) =

x∫

a

f(t) dt .

Alors

|T (f)(x)| ≤x∫

a

|f(t)| dt ≤ ‖f‖1 ,

puis

‖T (f)‖∞ ≤ ‖f‖1 ,avec égalité si f est constante, donc

|||T |||1,∞ = 1 .

Alors, d’après 1), l’application T est continue quels que soient p et q et, puisque

‖T (f)‖q ≤ (b− a)1/q ‖T (f)‖∞ ≤ (b− a)1/q ‖f‖1 ≤ (b− a)1−1/p+1/q ‖f‖p ,

on en déduit que

|||T |||p,q ≤ (b− a)1−1/p+1/q .

a) Si q est infini et p dans [ 1, ∞ ] , on a en particulier

‖T (f)‖∞ ≤ (b− a)1−1/p ‖f‖p ,

avec égalité si f est constante. Donc

|||T |||p,∞ = (b− a)1−1/p .

b) Si p est infini et q dans [ 1, ∞ [ , on a cette fois

|T (f)(x)| ≤ ‖f‖∞x∫

a

dt = (x− a)‖f‖∞ ,

puisb∫

a

|T (f)(t)|q dt ≤ ‖f‖q∞b∫

a

(t− a)qdt = ‖f‖q∞(b− a)q+1

q + 1.

Alors

‖T (f)‖q ≤(b− a)1+1/q

(q + 1)1/q‖f‖∞ ,

77

avec égalité si f est constante, donc

|||T |||∞,q =(b− a)1+1/q

(q + 1)1/q.

Ce qui reste vrai si q est infini.

c) Si p = 1, on sait déjà que|||T |||1,q ≤ (b− a)1/q .

Soit un entier n tel que n ≥ 1/(b − a). Soit la fonction fn de E, qui vaut 1 en a, qui est nulle sur[ a+ 1/n, b ] et affine sur [ a, a+ 1/n ] , c’est-à-dire , sur cet intervalle,

fn(x) = 1− n(x− a) .

Sur l’intervalle [ a, a+ 1/n ] , on a

T (fn)(x) =

x∫

a

(1− n(t− a)) dt = (x− a)− n

2(x− a)2 = (x− a)

(1− n

2(x− a)

).

En particulier

T (fn)(a+ 1/n) =1

2n,

et T (fn) est constante sur [ a+ 1/n, b ] , ce qui donne, puisque fn est positive,

‖fn‖1 = T (fn)(b) =1

2n.

Si q est fini, calculons maintenant

‖T (fn)‖qq =a+1/n∫

a

(x− a)q(1− n

2(x− a)

)qdx+

b∫

a+1/n

(1

2n

)q

dx .

En faisant, dans la première intégrale, le changement de variable n(x− a) = t, on trouve

‖T (fn)‖qq =

1∫

0

(t

n

)q (1− t

2

)q dt

n+

(b− a− 1

n

)(1

2n

)q

=

(1

2n

)q2q

n

1∫

0

(tq(1− t

2

))q

dt+

(b− a− 1

n

) ,

d’où l’on déduit

‖T (fn)‖q =1

2n

2q

n

1∫

0

(tq(1− t

2

))q

dt+

(b− a− 1

n

)

1/q

,

78 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

et

‖T (fn)‖q‖fn‖1

=

2q

n

1∫

0

(tq(1− t

2

))q

dt+

(b− a− 1

n

)

1/q

.

Donc

limn→∞

‖T (fn)‖q‖fn‖1

= (b− a)1/q ,

ce qui montre que|||T |||1,q ≥ (b− a)1/q ,

d’où l’égalité

|||T |||1,q = (b− a)1/q ,

qui est encore vraie si q = ∞.

Exercice 46

Soit E l’espace des fonctions continues sur [ a, b ] à valeurs réelles. Pour tout f de E on pose

Φ(f) = infx∈ [ a, b ]

f(x) .

Etudier la continuité de Φ lorsque E est muni de la norme infinie, puis de la norme 1.

Solution

Si f et g sont dans E et x dans [ a, b ] , on a

f(x) = f(x)− g(x) + g(x) ≤ |f(x)− g(x)| + g(x) ,

doncinf

x∈ [ a, b ]f(x) ≤ sup

x∈ [ a, b ]|f(x)− g(x)| + g(x) .

AlorsΦ(f)− ‖f − g‖∞ ≤ g(x) .

Donc Φ(f)− ‖f − g‖∞ est un minorant de g et l’on en déduit que

Φ(f)− ‖f − g‖∞ ≤ Φ(g)

c’est-à-direΦ(f)− Φ(g) ≤ ‖f − g‖∞ .

En permutant les rôles de f et g, on a aussi

Φ(g)− Φ(f) ≤ ‖f − g‖∞ ,

79

et finalement

|Φ(f)− Φ(g)| ≤ ‖f − g‖∞ ,

ce qui montre la continuité, et même l’uniforme continuité, de Φ pour la norme infinie.

Soit n un entier tel que

n ≥ 1

b− a.

Prenons la fonction fn qui vaut −1 en a, s’annule sur [ a+ 1/n, b ] et est affine sur l’intervalle[ a, a+ 1/n ] . Alors Φ(fn) vaut −1 et ‖fn‖1 est l’aire d’un triangle de hauteur 1 et de base 1/ndonc vaut 1/(2n). Il en résulte que la suite (fn) converge vers 0 pour la norme 1 alors que (Φ(fn)) neconverge pas vers 0. La fonction Φ n’est pas continue pour la norme 1.

Exercice 47

Soit E l’espace des fonctions continues sur [ a, b ] à valeurs réelles muni de la norme infinie.

1) Montrer que les applications f 7→ ef et f 7→ f2 sont continues de E dans E.

2) Soit U l’ensemble des fonctions de E qui ne s’annulent pas. Montrer que U est ouvert et quel’application f 7→ 1/f de U dans E est continue sur U .

3) Soit F l’ensemble des fonctions positives de E. Montrer que F est fermé et que l’applicationf 7→ √

f est continue sur F .

Solution

1) Soit f fixé dans E et g dans la boule fermée de centre f et de rayon 1.

Fonction exponentielle

Il existe, d’après le théorème des accroissements finis, un nombre ξ(x) compris entre f(x) et g(x) telque

ef(x) − eg(x) = (f(x)− g(x))eξ(x) .

Donc

|ξ(x)− f(x)| ≤ |f(x)− g(x)| ≤ ‖f − g‖∞ ≤ 1 ,

et

|ξ(x)| ≤ |f(x)|+ ‖f − g‖∞ ≤ ‖f‖∞ + 1 .

On a alors

eξ(x) ≤ e|ξ(x)| ≤ e1+‖f‖∞ ,

et

‖ef − eg‖∞ ≤ e1+‖f‖∞‖f − g‖∞ ,

80 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

ce qui montre la continuité en f de l’application qui à g associe eg.

Fonction carré

On a cette fois|f(x)2 − g(x)2| ≤ |f(x)− g(x)| (|f(x)| + |g(x)|) .

et|g(x)| ≤ |f(x)|+ |f(x)− g(x)| ≤ ‖f‖∞ + 1 ,

d’où|f(x)2 − g(x)2| ≤ (2‖f‖∞ + 1)‖f − g‖∞ ,

et finalement‖f2 − g2‖∞ ≤ (2‖f‖∞ + 1)‖f − g‖∞ ,

ce qui montre la continuité en f de l’application qui à g associe g2.

2) La fonction f ne s’annule pas. Elle est donc de signe constant. Comme |f | atteint son minimum sur[ a, b ] , il existe x0 tel que

infa≤x≤b

|f(x)| = |f(x0)| > 0 .

Notons α ce minimum.

Alors si g est telle que

‖g − f‖∞ <α

2,

on aura|g(x)| ≥ |f(x)| − |f(x)− g(x)| ≥ α− α

2=

α

2> 0 ,

et g appartient à U qui est donc un ouvert de E.

Alors ∣∣∣∣1

f(x)− 1

g(x)

∣∣∣∣ =|f(x)− g(x)||f(x)| |g(x)| ≤ ‖f − g‖∞

α2/2.

Finalement

‖1/f − 1/g‖∞ ≤ 2

α2‖f − g‖∞ ,

ce qui montre la continuité en f de l’application qui à g associe 1/g.

3) Pour tout x l’application δx qui à f associe f(x) est continue. Alors δ−1x ( [ 0, ∞ [ ) est une partie

fermée de E et F est l’intersection de ces parties fermées quand x décrit [ a, b ] , donc est fermé.

Montrons tout d’abord l’inégalité suivante, valable pour deux nombres réels tels que a ≥ b ≥ 0 :

√a−

√b ≤

√a− b .

En partant de √b ≤ √

a

81

et en multipliant par 2√b, on trouve

2b ≤ 2√ab ,

puis−2

√ab ≤ −2b ,

et enfin(√a−

√b)2 = a− 2

√ab+ b ≤ a− b ,

d’où le résultat. Il en résulte que quels que soient a et b positifs

|√a−√b | ≤

√|a− b| .

Alors, si f et g sont dans F ,‖√

f −√g ‖∞ ≤

√‖f − g‖∞ ,

ce qui montre la continuité de la racine carrée.

Exercice 48

Soit la fonction continue fn définie sur [−1, 1 ] par

fn(x) =

−1 si −1 ≤ x ≤ −1/nnx si −1/n ≤ x ≤ 1/n1 si 1/n ≤ x ≤ 1

.

Montrer que la suite (fn) est une suite de Cauchy dans l’espace C ( [−1, 1 ] ) muni de la norme ‖.‖2mais n’a pas de limite. Qu’en déduit-on pour cet espace ? La suite (fn) est-elle une suite de Cauchypour la norme ‖.‖∞ ?

Solution

Remarquons que les fonctions fn sont impaires. D’autre part, en posant

N(f) =

1∫

0

(f(x))2 dx

1/2

on obtient une norme sur C ( [ 0, 1 ] ). Donc, si n > m, on a

‖fn − fm‖22 = 2

1∫

0

(fn(x)− fm(x))2 dx = 2N(fn − fm)2 .

Alors, en utilisant l’inégalité triangulaire pour N , on obtient

‖fn − fm‖2 =√2N(fn − fm) ≤

√2 (N(fn − 1) +N(1− fm)) .

82 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

Or1∫

0

(fn − 1)2 dx =

1/n∫

0

(nx− 1)2 dx =[(nx− 1)3

3n

]1/n0

=1

3n,

d’où

‖fn − fm‖2 ≤√2

(1√3n

+1√3m

)≤ 2

√2√

3m.

Alors, quel que soit ε > 0, si n > m > N > 8/(3ε2), on a

‖fn − fm‖2 < ε

et la suite (fn) est de Cauchy.

Supposons que la suite (fn) converge vers une fonction f . Soit α > 0. Alors si n > 1/α, on a

1∫

α

(fn − f)2 +

−α∫

−1

(fn − f)2 ≤ ‖fn − f‖22 ,

donc1∫

α

(1− f)2 +

−α∫

−1

(1 + f)2 ≤ ‖fn − f‖22 ,

et quand n tend vers l’infini, on en déduit que

1∫

α

(1− f)2 +

−α∫

−1

(1 + f)2 = 0 ,

c’est-à-dire que f vaut 1 sur [α, 1 ] et −1 sur [−1, −α ] . Comme ceci a lieu pour tout nombre α > 0,on en déduit que f vaut 1 sur ] 0, 1 ] et −1 sur [−1, 0 [ . La fonction f ne peut pas être continue en 0.Donc la suite (fn) n’a pas de limite. Il en résulte que l’espace C ( [−1, 1 ] ) n’est pas complet pour lanorme ‖.‖2.

Si n > m, on a

‖fn − fm‖∞ ≥ |fn(1/n)− fm(1/n)| = |1−m/n| = n−m

n.

Alors, si n = 2m

‖f2m − fm‖∞ ≥ 1

2,

et l’on ne peut pas rendre la norme plus petite qu’un nombre ε < 1/2. La suite (fn) n’est pas une suitede Cauchy pour la norme infinie.

On peut raisonner d’une autre manière. Comme l’espace C ( [−1, 1 ] ) est complet pour la norme infinie,si la suite (fn) était de Cauchy pour la norme infinie elle convergerait vers une fonction f . Mais, puisque,pour toute fonction f de C ( [−1, 1 ] )

‖f‖2 ≤√2 ‖f‖∞ ,

83

la suite (fn) serait de Cauchy et convergerait vers f pour la norme ‖.‖2 ce qui n’est pas le cas.

Exercice 49

Soit α un nombre réel. Dans l’espace C ( [ 0, 1 ] ,R), soit la fonction fn définie par

fn(x) =

{−n1−αx+ n si 0 ≤ x ≤ nα

0 si nα ≤ x ≤ 1.

1) Déterminer α pour que la suite (fn) converge vers 0 pour ‖.‖1 et pas pour ‖.‖2.2) Déterminer α pour que la suite (fn) converge vers 0 pour ‖.‖2 et pas pour ‖.‖∞.

Solution

1) On a

‖fn‖1 =nα+1

2,

(c’est l’aire d’un triangle de base nα et de hauteur n). Cette expression tend vers 0 si et seulement siα < −1.

Par ailleurs

‖f‖22 =nα∫

0

n2(1−α)(x− nα)2 dx = n2(1−α)

[(x− nα)3

3

]nα

0

=nα+2

3,

et cette expression ne tend pas vers 0 si et seulement si α ≥ −2.

Donc si −2 ≤ α < −1, la suite (fn) converge vers 0 en norme 1 mais pas en norme 2.

2) La suite fn converge vers 0 pour la norme 2 si et seulement si α < −2. D’autre part

‖fn‖∞ = fn(0) = n

et la suite (fn) ne converge jamais vers 0. Donc, si α < −2, la suite (fn) converge vers 0 pour la norme2 et pas pour la norme infinie.

84 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

Exercice 50

Soit E un espace vectoriel normé complet, f une application de E dans E contractante de rapportk. Pour tout a de E on pose

ga = f + a .

1) Montrer que l’équation ga(x) = x possède une unique solution notée Φ(a). et que Φ est uneapplication uniformément continue de E dans E.

2) Montrer que l’application IdE −f est bijective et que

Φ = (IdE −f)−1 .

3) On suppose que f est linéaire continue de norme k < 1. Montrer que ce qui précède s’applique,puis, en utilisant la suite (un)n≥0 définie par u0 = 0 et pour n ≥ 1, la relation

un = ga(un−1) ,

trouver une expression de un, puis de Φ(a) en fonction de f .

4) Dans le cas où E est l’espace C ( [ 0, 1 ] ,R) muni de la norme infinie, soit f l’endomorphismedéfini par

f(u)(x) = k

x∫

0

u(t) dt .

où |k| < 1. Déterminer Φ(a) lorsque a est de classe C1, puis dans le cas général.

Solution

1) On a‖ga(x)− ga(y)‖ = ‖f(x)− f(y)‖ ≤ k‖x− y‖ .

Donc ga est contractante et le théorème du point fixe peut s’appliquer : il existe Φ(a) unique dans Etel que

ga(Φ(a)) = Φ(a) .

Alors‖Φ(a)− Φ(b)‖ = ‖ga(Φ(a))− gb(Φ(b)‖ ≤ ‖f(Φ(a)) + a− (f(Φ(b)) + b)‖ ,

puis‖Φ(a)− Φ(b)‖ ≤ ‖f(Φ(a))− f(Φ(b))‖+ ‖a− b‖ ≤ k ‖Φ(a) −Φ(b)‖+ ‖a− b‖ .

Alors

‖Φ(a)− Φ(b)‖ ≤ 1

1− k‖a− b‖ .

On en déduit que Φ est lipschitzienne et donc uniformément continue sur E.

2) On a pour tout a de E,Φ(a) = f(Φ(a)) + a ,

85

donc(IdE −f) ◦ Φ(a) = a .

Comme l’équationx− f(x) = a

possède une solution et une seule qui est Φ(a) il en résulte que l’application IdE −f est bijective. Alors

Φ = (IdE −f)−1 .

3) Puisque f est linéaire continue de norme k, on a pour tout x de E,

‖f(x)‖ ≤ k‖x‖ ,

et l’on en déduit que, quels que soient x et y dans E,

‖f(x)− f(y)‖ = ‖f(x− y)‖ ≤ k ‖x− y‖ .

Donc f est contractant de rapport k. Alors, d’après le théorème du point fixe, la suite (un) convergevers Φ(a). En partant de u0 = 0, alors u1 = f(0) + a = a, puis u2 = f(a) + a et une récurrenceimmédiate donne

un =

n−1∑

p=0

fp(a) ,

et par passage à la limite

Φ(a) =

∞∑

p=0

fp(a) .

4) L’application f est linéaire et l’on a

|f(u)(x)| ≤ |k|1∫

0

|u(t)| dt ≤ |k| ‖u‖∞ ,

donc‖f(u)‖∞ ≤ |k| ‖u‖∞ .

Ce qui précède s’applique. L’équation s’écrit

f(u) = u− a ,

c’est-à-dire, pour tout x de [ 0, 1 ] ,

k

x∫

0

u(t) dt = u(x)− a(x) .

Si a est dérivable cela équivaut à

ku = u′ − a′ et u(0) = a(0) .

86 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

Cette équation se résout. L’équation homogène a pour solution

u(x) = Aekx .

En faisant varier la constante A, on cherche une solution telle que

u(x) = A(x)ekx et u(0) = a(0) .

On obtient

A′(x) = a′(x)e−kx ,

donc

A(x) =

x∫

0

a′(t)e−ktdt+A(0) .

Comme A(0) = u(0) = a(0), on trouve, en intégrant par parties,

A(x) = a(x)e−kx + k

x∫

0

a(t)e−ktdt ,

et finalement, la solution u = Φ(a) est définie par

Φ(a)(x) = a(x) + kekxx∫

0

a(t)e−ktdt .

En fait cette solution est valable dans le cas général. Pour le vérifier, on calcule

f(Φ(a))(x) = k

x∫

0

Φ(a)(t) dt .

On a donc

f(Φ(a))(x) = k

x∫

0

a(t) dt+ k

x∫

0

ekt

t∫

0

a(u)e−kudu

dt

.

En intégrant par parties, on obtient

f(Φ(a))(x) = k

x∫

0

a(t) dt+ k

e

kt

k

t∫

0

a(u)e−kudu

x

0

− k

x∫

0

ekt

ka(t)e−ktdt

,

et finalement

f(Φ(a))(x) = kekxx∫

0

a(u)e−kudu = Φ(a)(x)− a(x) .

87

Exercice 51

Soit la suite (fn)n≥0 de fonctions définies sur [−1, 1 ] par

fn(x) = x 2n+1√x .

Etudier la convergence de cette suite pour les normes ∞ et 2.

Solution

La fonction fn est paire et l’on peut écrire

fn(x) = |x|1+1/(2n+1) .

La suite (fn(x)) converge donc vers la fonction f qui à x associe |x|.

Pour x dans [ 0, 1 ] , posons

gn(x) = f(x)− fn(x) = x− x(2n+2)/(2n+1) .

On obtient en dérivant

g′n(x) = 1− 2n+ 2

2n+ 1x1/(2n+1) .

La fonction gn possède un maximum au point

(2n+ 1

2n+ 2

)2n+1

et, en raison de la parité,

‖f−fn‖∞ = gn

((2n+ 1

2n+ 2

)2n+1)

=

(2n+ 1

2n+ 2

)2n+1 (1− 2n+ 1

2n+ 2

)=

1

2n+ 1

(2n+ 1

2n+ 2

)2n+1

≤ 1

2n+ 1.

La suite (fn) converge donc vers f pour la norme infinie.

Par ailleurs,

‖fn − f‖2 =

1∫

−1

(fn(t)− f(t))2 dt

1/2

≤ ‖fn − f‖∞

1∫

−1

1 dt

1/2

=√2 ‖fn − f‖∞ ,

donc la suite (fn) converge également vers f pour la norme 2.

88 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

Exercice 52

Soit k un nombre réel positif et soit la suite (fn)n≥0 de fonctions définies sur [ 0, 1 ] par

fn(x) = nkx e−nx2/2 .

Déterminer les valeurs de k pour lesquelles la suite (‖fn‖∞) a l’infini pour limite et la suite (‖fn‖1)converge vers 0.

Solution

En dérivant, on obtient

f ′n(x) = nk(1− nx2) e−nx2/2 ,

et la fonction fn admet un maximum en 1/√n. Alors

‖fn‖∞ = fn(1/√n) = e−1/2nk−1/2 .

La suite (‖fn‖∞) a une limite infinie si et seulement si k > 1/2.

Par ailleurs

‖fn‖1 =1∫

0

|fn(x)| dx = nk

1∫

0

xe−nx2/2dx = nk[− 1

ne−nx2/2

]10= nk−1(1− e−n/2) .

Alors la suite (‖fn‖1) converge vers 0 si et seulement si k < 1.

Finalement les conditions imposées ont lieu si et seulement si1

2< k < 1 .

Exercice 53

Soit la suite (fn)n≥1 de fonctions définies sur [ 0, 2 ] par

fn(x) = sin2πxn+1

1 + xn.

Etudier la convergence de cette suite pour les normes 2 , 1 et ∞.

Solution

Soit hn définie par

hn(x) =2πxn+1

1 + xn.

89

Il résulte des propriétés de la suite (xn) que

limn→∞

hn(x) =

0 si 0 ≤ x < 1π si x = 1

2πx si 1 < x ≤ 2.

et donc la suite (fn) converge simplement vers la fonction f continue définie par

f(x) =

{0 si 0 ≤ x ≤ 1

sin(2πx) si 1 ≤ x ≤ 2.

On a alors

‖fn − f‖22 =1∫

0

|fn(x)|2 dx+

2∫

1

|fn(x)− f(x)|2 dx .

On utilise l’inégalité| sinu− sin v| ≤ |u− v| ,

vraie quels que soient les réels u et v. (Elle résulte du théorème des accroissements finis).

En majorant sur [ 0, 1 ] , on obtient

|fn(x)| =∣∣∣∣sin

2πxn+1

1 + xn

∣∣∣∣ ≤2πxn+1

1 + xn≤ 2πxn+1 ,

donc1∫

0

|fn(x)|2 dx ≤ 4π2

1∫

0

x2n+2 dx =4π2

2n + 3.

Sur [ 1, 2 ] cette fois

|fn(x)− f(x)| =∣∣∣∣sin

2πxn+1

1 + xn− sin(2πx)

∣∣∣∣ ≤∣∣∣∣2πxn+1

1 + xn− 2πx

∣∣∣∣ =2πx

1 + xn≤ 2πx1−n ,

donc2∫

1

|fn(x)− f(x)|2 dx ≤ 4π2

2∫

1

x2−2n dx =4π2

2n− 3

(1− 23−2n

)≤ 4π2

2n − 3.

Finalement

‖fn − f‖2 ≤4π2

2n+ 3+

4π2

2n − 3,

et, puisque le membre de droite converge vers 0, la suite (fn) converge vers f pour la norme 2.

D’après l’inégalité de Schwarz, on a

‖fn − f‖1 =2∫

0

1× (fn(t)− f(t)) dt ≤

2∫

0

dt

1/2

‖fn − f‖2 =√2 ‖fn − f‖2 .

90 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

Donc la suite (fn) converge également vers f pour la norme 1.

Par contre, soit un = 2−1/n. Le nombre un appartient à l’intervalle ] 0, 1 [ . Alors

(fn − f)(un) = fn(un) = sin

(2π

32−1/n

),

et la suite ((fn − f)(un)) converge vers sin2π

3qui n’est pas nul. La suite ((fn − f)(un)) ne converge

pas vers 0, donc (fn) ne converge pas vers f pour la norme infinie.

Exercice 54

Soit la suite (fn)n≥1 de fonctions définies sur R par

fn(x) =

√(3n − x)(x− n)

n3si n ≤ x ≤ 3n

0 sinon.

Etudier si cette suite converge vers 0 pour les normes ∞ et 2.

Solution

Pour tout x réel le nombre fn(x) est nul dès que n > x, et la suite (fn(x)) converge vers 0.

Comme le polynôme P (x) = (3n−x)(x−n) atteint son maximum en 2n sur l’intervalle [n, 3n ] , on a

‖fn‖∞ =

√P (2n)

n3=

1√n,

et la suite (fn) converge vers 0 pour la norme infinie.

D’autre part,

‖fn‖22 =3n∫

n

(3n − x)(x− n)

n3dx

et en posant u = x/n

‖fn‖22 =3∫

1

(3− u)(u− 1) du > 0 .

Lea suite (‖fn‖2) et donc une suite constante non nulle et la suite (fn) ne peut converger vers 0 pourla norme 2.

91

Exercice 55

Soit la suite (fn)n≥1 de fonctions définies sur [ 0, 1 ] par

fn(x) =

{1− nx si 0 ≤ x < 1/n

0 si 1/n ≤ x ≤ 1.

Etudier la convergence de cette suite pour les normes ∞ et 2.

Solution

Remarquons que les fonctions fn sont continues sur [ 0, 1 ] . Pour tout x de ] 0, 1 ] le nombre fn(x)est nul dès que n > 1/x, et la suite (fn(x)) converge vers 0. Par contre la suite (fn(0)) est la suiteconstante 1. La limite simple est donc discontinue en 0 et la convergence ne peut avoir lieu pour lanorme infinie.

Par contre

‖fn‖22 =1/n∫

0

(1− nx)2dx =

[(nx− 1)3

3n

]1/n

0

=1

3n,

et la suite (fn) converge vers 0 pour le norme 2.

Exercice 56

Soit la suite (fn)n≥1 de fonctions définies sur [−1, 1 ] par

fn(x) =sinnx

(1 + x2)n.

Etudier la convergence de cette suite pour les normes ∞ et 2.

Solution

La suite (fn(0)) est la suite constante nulle, et si x est non nul, la suite (fn(x)) est le produit d’unesuite bornée par une suite qui converge vers 0 donc converge elle aussi vers 0. La limite simple est doncla fonction constante nulle.

On constate que

fn(1/n) =sin 1

(1 + 1/n2)n= e−n ln(1+1/n2) sin 1 .

92 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

Mais

n ln

(1 +

1

n2

)∼ 1

n,

et donc la suite (fn(1/n)) converge vers sin 1 qui n’est pas nul. La convergence ne peut avoir lieu ennorme infinie.

Pour la norme 2, on donne une démonstration sans utiliser le théorème de convergence dominée.

Puisque la fonction fn est impaire on a

‖fn‖22 = 2

1∫

0

fn(x)2 dx = 2

n−1/4∫

0

fn(x)2 dx+

1∫

n−1/4

fn(x)2 dx

.

Majorons les deux intégrales de droite. Comme la fonction f2n est majorée par 1 on a tout d’abord

n−1/4∫

0

fn(x)2 dx ≤ n−1/4 .

Sur l’intervalle [n−1/4, 1 ] ,

fn(x)2 ≤ 1

(1 + x2)2n≤ 1

(1 + n−1/2)2n,

donc1∫

n−1/4

fn(x)2 dx ≤ 1

(1 + n−1/2)2n

et finalement

‖fn‖22 ≤ 2un .

un =1

n1/4+

1

(1 + n−1/2)2n,

Or

2n ln(1 + n−1/2) ∼ 2√n ,

tend vers l’infini, donc

(1 + n−1/2)2n = e2n ln(1+n−1/2) ,

tend aussi vers l’infini. Il en résulte que la suite (un) converge vers 0 et que la suite (fn) converge vers0 pour la norme 2.

93

Exercice 57

Soit la suite (fn)n≥1 de fonctions définies sur [ 0, 1 ] par

fn(x) =√nxn

√1− x2 .

Etudier la convergence de cette suite pour les normes ∞ et 2.

Solution

On remarque tout d’abord que la suite (fn(1)) est la suite constante nulle, et que, si 0 ≤ x < 1, lasuite (fn(x)) converge vers 0. La limite simple de (fn) est donc la fonction nulle. Si la suite convergeaitpour la norme infinie, sa limite serait nécessairement nulle. En dérivant

f ′n(x) =

√n

(nxn−1

√1− x2 − xn+1

√1− x2

)=

√nxn−1

√1− x2

(n− (n+ 1)x2) .

La fonction fn est positive et admet un maximum en

an =

√n

n+ 1.

Alors

‖fn‖∞ = fn(an) =

(n

n+ 1

)(n+1)/2

=

(1− 1

n+ 1

)(n+1)/2

.

La suite définie par le membre de droite converge vers e−1/2. La convergence ne peut avoir lieu pourla norme infinie.

Par contre

‖fn‖22 = n

1∫

0

x2n(1−x2) dx =

1∫

0

(x2n−x2n+2) dx = n

(1

2n + 1− 1

2n+ 3

)=

2n

(2n+ 1)(2n + 3)∼ 1

2n.

La suite (fn) converge donc vers 0 pour la norme 2.

Exercice 58

Soit la suite (fn)n≥1 de fonctions définies sur [ 0, 1 ] par

fn(x) = cos xn .

Etudier la convergence de cette suite pour les normes ∞ et 2.

94 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

Solution

La suite (fn(1)) est la suite constante (cos 1), alors que si 0 ≤ x < 1, la suite (fn(x)) converge verscos 0 = 1. La limite simple n’est pas continue et la suite ne peut converger pour la norme infinie.

Pour la norme 2, on donne une démonstration sans utiliser le théorème de convergence dominée.

Notons f la fonction constante 1, et soit un dans l’intervalle ] 0, 1 [ . On a

‖fn − f‖22 =1∫

0

(cos xn − 1)2 dx = 4

1∫

0

sin4xn

2dx ≤ 4

un∫

0

sin4xn

2dx+

1∫

un

sin4xn

2dx

.

Puisque la fonction sinus est croissante sur l’intervalle [ 0, 1/2 ] , on peut majorer et l’on obtient

‖fn − f‖22 ≤ 4

(un sin4

unn2

+ 1− un

).

En prenant par exemple 1− 1√n

comme valeur de un on a

unn = en ln(1−1/√n) ,

maisn ln(1− 1/

√n) ∼ −√

n ,

et donc la suite (unn) converge vers 0. Il en résulte que la suite (‖fn − f‖22) converge vers 0 et donc quela suite (fn) converge vers 1 pour la norme 2.

Exercice 59

Soit la suite (fn)n≥1 de fonctions définies sur [ 0, ∞ [ par

fn(x) =xn − 1

xn + 1.

Etudier la convergence de cette suite pour les normes ∞ et 2.

Solution

Les fonctions fn sont continues et la suite (fn) converge simplement vers la fonction f définie par

f(x) =

−1 si 0 ≤ x < 10 si x = 11 si x > 1

,

95

qui n’est pas continue. La convergence ne peut avoir lieu en norme infinie.

On a

‖fn − f‖22 =1∫

0

4x2n

(xn + 1)2dx+

∞∫

1

4

(xn + 1)2dx ,

et, en majorant,

‖fn − f‖22 ≤ 4

1∫

0

x2n dx+

∞∫

1

1

x2ndx

= 4

(1

2n + 1+

1

2n− 1

).

Il en résulte que la suite (‖fn − f‖22) converge vers 0 et donc que la suite (fn) converge vers f pour lanorme 2.

Exercice 60 Fonctions à variations bornées

Soit I un intervalle non vide de R et f une fonction numérique définie sur I. Pour toute famille finieX = {x1, . . . xn} de I, telle que x1 ≤ · · · ≤ xn , on pose

Vf (X) =n−1∑

i=1

|f(xi+1)− f(xi)| ,

et l’on note VI(f) la borne supérieure des sommes précédentes pour tous les choix possibles defamilles finies de I.

1) Montrer que, si X est inclus dans Y , alors Vf (X) est plus petit que Vf (Y ).

2) Soit f dans V . Montrer que, si a, b, c sont des points de I tel que a ≤ b ≤ c, on a

V [ a, c ] (f) = V [ a, b ] (f) + V [ b, c ] (f) .

3) Soit V l’ensemble des fonctions f telles que VI(f) soit fini. Montrer que V est un sous-espacevectoriel de l’espace F (I,R) des fonctions numériques définies sur I, et que VI(f) est nul, si etseulement si f est constante. En déduire que si a est un point de I l’on définit une norme sur V enposant

‖f‖ = |f(a)|+ VI(f) .

4) Montrer que V est inclus dans l’espace vectoriel des fonctions bornées et comparer ‖.‖ et ‖.‖∞.

5) Montrer que V est complet pour la norme ‖.‖.6) Montrer que f appartient à V si et seulement si f s’écrit comme la différence de deux fonctionscroissantes bornées sur I.

7) On suppose I borné. Montrer que l’ensemble L des fonction lipschitziennes sur I est inclus dansV . Comparer sur L la norme lipschitzienne ‖.‖a de l’ex 35 et la norme ‖.‖.

96 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

Solution

1) On remarque tout d’abord que si l’on ajoute un point x à une famille X = {x1, . . . xn}, alors

Vf (X ∪ {x}) ≥ Vf (X) .

En effet, si x ≤ x1, on augmente la somme Vf (X) en ajoutant |f(x1)−f(x)|. Si x ≥ xn on ajoute cettefois |f(x)− f(xn)|. Enfin, si

x1 ≤ · · · ≤ xk ≤ x ≤ xk+1 ≤ xn ,

alors

Vf (X) =

k−1∑

i=1

|f(xi+1)− f(xi)|+ |f(xk+1)− f(xk)|+n−1∑

i=k+1

|f(xi+1)− f(xi)| ,

et, en utilisant l’inégalité triangulaire,

Vf (X) ≤k−1∑

i=1

|f(xi+1)−f(xi)|+|f(xk+1)−f(x)|+|f(x)−f(xk)|+n−1∑

i=k+1

|f(xi+1)−f(xi)| = Vf (X∪{x}) .

Une récurrence immédiate montre alors que le résultat subiste si l’on ajoute un nombre fini de points.Donc si X est inclus dans Y , alors Vf (X) est inférieur à Vf (Y ).

2) En conséquence, V [ a, c ] est la borne supérieure des nombres Vf (X) pour toute famille finie X conte-nant les points a et c, et si b appartient à [ a, c ] , c’est encore la borne supérieure des nombres Vf (X)pour toute famille finie X contenant les points a, b et c.

Soit X et Y deux familles de [ a, b ] et [ b, c ] respectivement contenant les extrémités des intervallesrespectifs. Alors X ∪ Y est une famille de [ a, c ] . et

Vf (X ∪ Y ) = Vf (X) + Vf (Y ) ,

donc

Vf (X) + Vf (Y ) ≤ V [ a, c ] (f) .

Alors

Vf (X) ≤ V [ a, c ] (f)− Vf (Y ) .

et le membre de droite est un majorant des nombres Vf (X), donc majore la borne supérieure, d’où

V [ a, b ] (f) ≤ V [ a, c ] (f)− Vf (Y ) ,

puis

Vf (Y ) ≤ V [ a, c ] (f)− V [ a, b ] (f) .

Le membre de droite est un majorant des nombres Vf (Y ) donc majore la borne supérieure, d’où

V [ b, c ] (f) ≤ V [ a, c ] (f)− V [ a, b ] (f) ,

97

et finalement

V [ a, b ] (f) + V [ b, c ] (f) ≤ V [ a, c ] (f) .

Inversement, soit Z une famille de [ a, c ] contenant a, b et c. Alors

Vf (Z) = Vf (Z ∩ [ a, b ] ) + Vf (Z ∩ [ b, c ] ) ≤ V [ a, b ] (f) + V [ b, c ] (f) ,

et le membre de droite majore les nombres Vf (Z) donc la borne supéreure, d’où

V [ a, c ] (f) ≤ V [ a, b ] (f) + V [ b, c ] (f) .

On a donc bien égalité.

3) Il résulte facilement des proprıétés des bornes supérieures que, si f et g sont deux fonctions définiessur I, et λ un nombre réel,

VI(f + g) ≤ VI(f) + VI(g) et VI(λf) = |λ|VI(f) .

Il en résulte que V est stable par addition et multiplication par un scalaire. C’est donc un sous-espacede F (I,R), et VI est une semi-norme. Ce n’est pas une norme car si f est constante VI(f) est nulle.

Réciproquement, si VI(f) est nulle, et si x et y sont deux éléments de I, on a en particulier

Vf ({x, y}) = |f(x)− f(y)| ≤ VI(f) = 0 ,

ce qui montre que f(x) = f(y). La fonction f est donc constante.

Si maintenant on ajoute |f(a)|, alors la nullité de ‖f‖ implique celle de VI(f), donc f est constante,mais aussi la nullité de f(a), donc f est la fonction nulle. Les deux autres propriétés de la norme restentconservées. On en déduit que ‖.‖ est une norme sur V .

4) On a, quel que soit x dans I,

|f(x)| − |f(a)| ≤ |f(x)− f(a)| ≤ VI(f) ,

donc

|f(x)] ≤ ‖f‖ ,et, par suite,

‖f‖∞ ≤ ‖f‖ .Les éléments de V sont donc des fonctions bornées, et la convergence en norme implique la convergencepour la norme infinie.

Les deux normes ne sont pas équivalentes. Par exemple si I = [ 0, 1 ] , prenons

fn(x) =1

nsin2(nxπ) .

98 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

On a déjà

‖fn‖∞ =1

n,

et la suite (fn) converge vers 0 pour la norme ‖.‖∞. D’autre part

fn(k/(2n)) =

{0 si k = 2p

1/n si k = 2p+ 1.

Donc

fn

(2p+ 1

2n

)− fn

(2p

2n

)= fn

(2p+ 1

2n

)− f

(2p+ 2

2n

)=

1

n,

et

VI(fn) ≥n−1∑

p=0

(∣∣∣∣fn(2p+ 1

2n

)− fn

(2p

2n

)∣∣∣∣+∣∣∣∣fn(2p + 2

2n

)−(2p+ 1

2n

)∣∣∣∣)

= 2 .

La suite (fn) ne converge pas vers 0 pour la norme ‖.‖.

5) Soit (fn) une, suite de Cauchy de V pour la norme ‖.‖. Alors, d’après la question précédente, c’estaussi une suite de Cauchy pour la norme infinie, et elle converge vers une limite f pour cette normequi n’est autre que la limite simple de la suite (fn).

Soit ε > 0. Il existe N tel que, si m > n ≥ N ,

‖fn − fm‖ = |fn(a)− fm(a)| + VI(fn − fm) ≤ ε .

Donc, pour toute famille ordonnée {x1, . . . , xp} de I

|fn(a)− fm(a)|+p∑

i=1

|(fn − fm)(xi+1)− (fn − fm)(xi)| ≤ ε .

En faisant tendre m vers l’infini, on obtient

|fn(a)− f(a)|+p∑

i=1

|(fn − f)(xi+1)− (fn − f)(xi)| ≤ ε .

Alors en prenant la borne supérieure, on en déduit que

VI(fn − f) ≤ VI(fn − f) + |fn(a)− f(a)| ≤ ε .

En particulierVI(f) ≤ VI(fn) + VI(f − fn) ≤ VI(fn) + ε ,

ce qui montre que VI(f) est finie et donc que f appartient á V . Ensuite, si n ≥ N ,

‖fn − f‖ ≤ ε ,

donc la suite (fn) converge vers f pour la norme ‖.‖.

99

6) Pour une fonction croissante bornée g

Vg(x1, . . . , xn) =

n−1∑

i=1

|g(xi+1)− g(xi)| =n−1∑

i=1

(g(xi+1)− g(xi)) = g(xn)− g(x1) ≤ 2 ‖g‖∞ .

Il en résulte que g appartient à V et comme V est un espace vectoriel, la différence de deux fonctionscroissantes bornées appartient encore à V .

Rermarque : pour une fonction croissante

‖g‖ = |g(a)| + VI(g) ≤ 3 ‖g‖∞ .

Réciproquement. Soit f dans V et a dans I. On définit une fonction g sur I en posant

g(x) =

{V [ a, x ] (f) si x ≥ a

−V [x, a ] (f) si x ≤ a

Cette fonction est croissante. En effet, si a ≤ x ≤ y,

g(y)− g(x) = V [ a, y ] (f)− V [ a, x ] (f) = V [x, y ] (f) ≥ 0 ,

et si x ≤ y ≤ a,g(y) − g(x) = −V [ y, a ] (f) + V [ x, a ] (f) = V [x, y ] (f) ≥ 0 .

Soit alors h = g − f . Cette fonction est également croissante. En effet, si a ≤ x ≤ y,

h(y)− h(x) = V [ a, y ] (f)− f(y)− (V [ a, x ] (f)− f(x)) = V [x, y ] (f)− (f(y)− f(x)) ≥ 0 ,

et si x ≤ y ≤ a,

h(y) − h(x) = −V [ y, a ] (f)− f(y)− (−V [x, a ] (f)− f(x)) = V [x, y ] (f)− (f(y)− f(x)) ≥ 0 .

De plus|g(x)| ≤ VI(f) et |h(x)| ≤ |f(x)|+ |g(x)| ≤ ‖f‖∞ + VI(f) ,

et g et h sont bornées.

7) Soit f lipschitzienne sur I et k(f) le plus petit nombre réel k tel que, quels que soient x et y dans I,

|f(x)− f(y)| ≤ k |x− y| .

Alors, si X = {x1, . . . , xn} est une famille croissante de points de I,

Vf (X) =

n−1∑

i=1

|f(xi+1)− f(xi)| ≤ k(f)

n−1∑

i=1

(xi+1 − xi) = k(f))(xn − x1) ≤ k(f) δ(I) ,

où δ(I) est le diamètre de I, et donc f est dans V . De plus

‖f‖ ≤ |f(a)|+ δ(I) k(f) ,

100 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

donc

‖f‖ ≤ max(1, δ(I)) (|f(a)| + k(f)) = max(1, δ(I)) ‖f‖a .Soit maintenant un point a de I tel que a+1/n soit aussi dans I. Soit fn la fonction continue croissante,qui vaut 0, si x ≤ a, 1 si x ≥ a+ 1/n et affine sur [ a, a+ 1/n ] . Alors

‖fn‖a = n et ‖fn‖ = 1 .

Les deux normes ‖f‖ et ‖f‖a ne sont pas équivalentes.

Exercice 61

Soit ϕ une fonction continue bornée et strictement positive sur R. Montrer que dans l’espace E desfonctions numériques continues et bornées sur R, on définit une norme en posant

‖f‖ = ‖ϕf‖∞ ,

A quelle condition cette norme est-elle équivalente à la norme infinie ?

Solution

Si la norme ‖f‖ est nulle alors ϕf est la fonction nulle et, puisque ϕ ne s’annule pas, f est la fonctionnulle. Les autres propriétés de la norme résultent de celles de ‖.‖∞.

On a d’une part

‖f‖ = ‖ϕf‖∞ ≤ ‖ϕ‖∞ ‖f‖∞ ,

(avec égalité si f est constante).

Dans l’autre sens, en écrivant

f =1

ϕ(ϕf) ,

on obtient, si 1/ϕ est bornée,

‖f‖∞ ≤ ‖1/ϕ‖∞‖ϕf‖∞ = ‖1/ϕ‖∞‖f‖ ,

(avec égalité si f = 1/ϕ). Dans ce cas les normes sont équivalentes.

Maintenant, si 1/ϕ n’est pas bornée, pour tout entier n, il existe un nombre xn tel que 1/ϕ(xn) > n,et puisque ϕ est continue, il existe tout un intervalle ]un, vn [ contenant xn sur lequel on a encore1/ϕ(x) > n, c’est-à-dire ϕ(x) < 1/n. Soit alors la fonction continue fn qui est nulle en dehors de]un, vn [ , qui vaut 1 en xn et qui est affine sur les intervalles [un, xn ] et [xn, vn ] . On a dans ce cas

‖fn‖∞ = 1 ,

101

et

‖fn‖ = ‖ϕfn‖∞ = supx∈ [ un, vn ]

(ϕ(x)fn(x)) ≤1

n.

Il ne peut donc pas exister de constante K telle que, pour toute f de E

‖f‖∞ ≤ K‖f‖ ,

et les normes ne sont pas équivalentes.

Exercice 62

Soit E l’espace vectoriel des fonctions f continues sur R et nulles en dehors d’un intervalle compact(dépendant de f). Soit ϕ une fonction de E qui n’est pas la fonction nulle. Montrer que l’on définitune application linéaire continue Lϕ de E dans E en posant, pour tout x réel

Lϕ(f)(x) =

∞∫

−∞

f(x− t)ϕ(t) dt

et trouver la norme de Lϕ.

Solution

On suppose dans ce qui suit que ϕ est nulle en dehors de l’intervalle [ c, d ] .

Soit f dans E, nulle en dehors de [ a, b ] . Alors la fonction sous le signe somme dans l’intégraleLϕ(f)(x) est nulle si t appartient à ∁ [ c, d ] et x− t appartient à ∁ [ a, b ] c’est-à-dire si t appartient à∁ [x− b, x− a ] . Finalement Lϕ(f)(x) est nulle si t appartient à

∁ [x− b, x− a ] ∪ ∁ [ c, d ] = ∁( [x− b, x− a ] ∩ [ c, d ] ) .

C’est vrai en particulier lorsque [x− b, x− a ] ∩ [ c, d ] est vide, c’est-à-dire lorsque

x− a < c ou d < x− b ,

ou encore

x < a+ c ou x > b+ d ,

finalement lorsque x appartient à ∁ [ a+ c, b+ d ] . Donc Lϕ(f) est nulle en dehors d’un intervalle com-pact.

On montre maintenant que Lϕ(f) est continue.

102 CHAPITRE 5. ESPACES DE FONCTIONS

Si f est nulle en dehors de [ a, b ] , elle est uniformément continue sur [ a, b ] et nulle en a et b. Donc,pour tout ε > 0, il existe α > 0 tel que |u− v| ≤ α et u et v dans [ a, b ] impliquent

|f(u)− f(v)| ≤ ε

‖ϕ‖1.

Alors, si u ≤ a ≤ v ≤ b et |u− v| ≤ α on a aussi |a− v| ≤ α donc

|f(u)− f(v)| = |f(v)| = |f(a)− f(v)| ≤ ε

‖ϕ‖1.

De même si a ≤ u ≤ b ≤ v et |u− v| ≤ α on a aussi |u− b| ≤ α donc

|f(u)− f(v)| = |f(u)| = |f(u)− f(b)| ≤ ε

‖ϕ‖1.

(La fonction f est uniformément continue sur R).

En particulier, si |x− y| ≤ α, on aura pour tout réel t

|f(x− t)− f(y − t)| ≤ ε

‖ϕ‖1et

|Lϕ(x)− Lϕ(y)| ≤∞∫

−∞

|f(x− t)− f(y − t)| |ϕ(t)| dt ≤ ε .

Donc Lϕ(f) est continue. C’est bien un élément de E. Comme par ailleurs Lϕ est clairement linéaire,il en résulte que c’est un endomorphisme de E et, en majorant |f(x− t)| dans l’intégrale par ‖f‖∞, onobtient

|Lϕ(x)| ≤ ‖f‖∞‖ϕ‖1 ,et donc

|||Lϕ||| ≤ ‖ϕ‖1 .Si n est un entier plus grand que 1 posons maintenant

fn(x) =ϕ(−x)

|ϕ(−x)| + 1/n.

C’est une fonction de E de norme infinie plus petite que 1. Alors

|||Lϕ||| ≥‖Lϕ(fn)‖∞

‖fn‖∞≥ Lϕ(fn)(0) =

d∫

c

fn(−t)ϕ(t) dt =

d∫

c

ϕ(t)2

|ϕ(t)| + 1/ndt ,

puis

|||Lϕ||| ≥d∫

c

ϕ(t)2 − 1/n2

|ϕ(t)| + 1/ndt =

d∫

c

(|ϕ(t)| − 1

n

)dt = ‖ϕ‖1 −

d− c

n.

En faisant tendre n vers l’infini, on en déduit

|||Lϕ||| ≥ ‖ϕ‖1 .Finalement

|||Lϕ||| = ‖ϕ‖1 .

Chapitre 6

Convergence uniforme

Dans ce chapitre on étudie la convergence uniforme de suites de fonctions.

Exercice 63

Etudier la convergence uniforme sur R des suites (fn)n≥0 , (gn)n≥0 et (hn)n≥0 de fonctions définiespar

a) fn(x) =1

1 + n2x2, b) gn(x) =

x

1 + n2x2, c) hn(x) =

sinnx

1 + n2x2.

Solution

a) Pour tout x non nul, la suite (fn(x)) converge vers 0, alors que la suite (fn(0)) est la suite constanteégale à 1. La limite simple de (fn) n’est pas une fonction continue alors que les fonctions fn sontcontinues sur R. La convergence ne peut être uniforme.

b) Cette fois la suite (gn(x)) converge vers 0 pour tout x réel. Cherchons le maximum de gn sur [ 0, ∞ [ .En dérivant

g′n(x) =1− n2x2

(1 + n2x2)2,

et gn admet un maximum en 1/n. On a alors pour tout x réel, en raison de la parité de gn,

‖gn‖∞ = gn(1/n) ≤1

2n.

Comme le membre de droite tend vers 0, la convergence est uniforme.

c) Ici aussi la suite (hn(x)) converge vers 0 pour tout x réel. Mais

|hn(1/n)| =sin 1

2,

et la suite (hn) ne peut converger uniformément vers 0 sur R.

104 CHAPITRE 6. CONVERGENCE UNIFORME

Exercice 64

Etudier la convergence uniforme sur [ 0, ∞ [ de la suite (fn)n≥0 de fonctions définies par

fn(x) = x√n e−xn2

.

Solution

En dérivant, on obtientf ′n(x) =

√ne−xn2

(1− xn2) .

La fonction fn atteint son maximume en 1/n2 et

supx≥0

|fn(x)| = fn(1/n2) =

e−1

n3/2.

la suite (fn) converge uniformément vers 0 sur [ 0, ∞ [ .

Exercice 65

Etudier la convergence uniforme sur R de la suite (fn)n≥0 de fonctions définies par

fn(x) =enx + n2 − n

enx + n2 + n.

Solution

Si x > 0, on écrit

fn(x) =1 + (n2 − n)e−nx

1 + (n2 + n)e−nx,

et la limite quand n tend vers l’infini vaut 1.

Si x ≤ 0, on écrit cette fois

fn(x) =1 +

enx

n2− 1

n

1 +enx

n2+

1

n

,

et la limite vaut encore 1. Alors

|fn(x)− 1| = 2n

enx + n2 + n≤ 2

n,

105

Comme le membre de droite tend vers 0, la suite (fn) converge uniformément sur R vers la fonctionconstante 1.

Exercice 66

Etudier la convergence uniforme sur R des suites (fn)n≥0 et (gn)n≥0 de fonctions définies par

a) fn(x) = arctan(nx) , b) gn(x) = x arctan(nx) .

Solution

a) La suite (fn(x)) converge vers

f(x) =

−π/2 si x < 00 si x = 0

π/2 si x > 0,

Comme f n’est pas continue, alors que les fonctions fn le sont, la convergence n’est pas uniforme.

b) Cette fois la suite (gn(x)) converge vers

g(x) =

−xπ/2 si x < 00 si x = 0

xπ/2 si x > 0,

c’est-à-dire

g(x) =π

2|x| .

Posons

hn = g − gn ,

et étudions cette fonction sur [ 0, ∞ [ (cela suffit puisque hn est impaire). On obtient en dérivant

h′n(x) =π

2− arctan(nx)− nx

1 + n2x2,

puis

h′′n(x) = − 2n

(1 + n2x2)2< 0 .

La fonction h′n est décroissante et sa limite en +∞ est nulle, donc h′n est positive et hn est croissantepositive car hn(0) est nul. Alors, en utilisant, lorsque u est positif, la relation

arctan u+ arctan1

u=

π

2,

106 CHAPITRE 6. CONVERGENCE UNIFORME

on obtient

‖g − gn‖∞ = limx→∞

hn(x) = limx→∞

x arctan1

nx=

1

n.

Comme le membre de droite tend vers 0, la convergence est uniforme.

Exercice 67

Etudier la convergence uniforme sur [ 0, 1 [ , puis sur [ 0, a ] (0 ≤ a < 1), de la suite (fn)n≥1 defonctions définies par

fn(x) = n(xn − xn+1) .

Solution

On a doncfn(x) = nxn(1− x) .

Le nombre fn(x) est nul si x vaut 0 ou 1. Donc la suite (fn(x)) converge vers 0 dans ces deux cas. C’estencore vrai si x appartient à ] 0, 1 [ car la limite de la suite (nxn)n≥0 est nulle. La suite (fn) convergesimplement vers 0. On obtient en dérivant

f ′n(x) = nxn−1(n− (n+ 1)x) ,

et cette fonction s’annule en n/(n+ 1) où fn atteint son maximum. On constate que

fn

(n

n+ 1

)=

(n

n+ 1

)n+1

=

(1− 1

n+ 1

)n+1

,

et la limite de la suite (f(n/(n+1))) vaut 1/e. La suite (fn) ne converge pas uniformément vers 0 surl’intervalle [ 0, 1 ] .

Sur [ 0, a ] . Dès que n/(n + 1) est plus grand que a, on a

supx∈ [ 0, a ]

fn(x) = fn(a) ,

et la suite (fn(a)) converge vers 0. Donc la suite (fn) converge uniformément vers 0 sur [ 0, a ] .

Exercice 68

Soit a < 1. Etudier la convergence uniforme sur ]−1, 1 [ , puis sur [−a, a ] , de la suite (fn)n≥0 defonctions définies par

fn(x) = 1 + x+ · · ·+ xn .

107

Solution

On a aussi

fn(x) =1− xn+1

1− x

et, lorsque |x| < 1, la suite (fn(x)) converge vers

f(x) =1

1− x.

Alors

f(x)− fn(x) =xn+1

1− x.

Sur l’intervalle ]−1, 1 [ le fonction f − fn n’est pas bornée. Il ne peut y avoir convergence uniforme.Par contre lorsque −1 < −a ≤ x ≤ a < 1, on a

|f(x)− fn(x)| =|x|n+1

1− x≤ an+1

1− a.

La suite (fn) converge donc uniformément vers f sur [−a, a ] .

Exercice 69

Etudier la convergence uniforme sur R de la suite (fn)n≥0 de fonctions définies par

fn(x) =x

1 + enx.

Solution

Comme la suite (enx) a pour limite +∞ si x > 0 et 0 si x < 0, on en déduit que la suite (fn) convergevers 0 dans le premier cas, et vers x dans le second. De plus la suite (fn(0)) est nulle. Il en résulte que(fn) converge simplement vers la fonction f définie par

f(x) =

{0 si x ≥ 0x si x ≤ 0

,

c’est-à-diref(x) = inf(x, 0) .

Posonsgn = fn − f .

Si x < 0, alors −x > 0 et

gn(x) = fn(x)− f(x) =x

1 + enx− x =

−xenx

1 + enx=

−x

1 + e−nx= fn(−x) = gn(−x) .

108 CHAPITRE 6. CONVERGENCE UNIFORME

La fonction gn est paire. On l’étudie sur [ 0, ∞ [ où fn = gn est une fonction positive. En dérivant, onobtient

g′n(x) = f ′n(x) =

1 + enx(1− nx)

(1 + enx)2.

Pour u > 0, posons

h(u) = 1 + eu(1− u) .

donc

h′(u) = −ueu .

La fonction h est décroissante. On a

h(0) = 2 et limu→+∞

h(u) = −∞ ,

et la fonction h possède un zéro et un seul, noté u0, qui est plus grand que 1, puisque h(1) = 1. Il enrésulte que u0/n est la seule racine de f ′

n. Alors, puisque

fn(0) = limx→+∞

fn(x) = 0

la fonction fn possède un maximum en u0/n, et donc

‖fn − f‖∞ = fn(u0/n) =1

n

u01 + eu0

.

La convergence est donc uniforme.

Exercice 70

Etudier la convergence uniforme sur R de la suite (fn)n≥0 de fonctions définies par

fn(x) =nx

n+ enx.

Solution

On écrit

fn(x) =x

1 + enx/n.

Comme la suite (enx/n) a pour limite +∞ si x > 0 et 0 si x < 0, on en déduit que la suite (fn)converge vers 0 dans le premier cas, et vers x dans le second. De plus la suite (fn(0)) est nulle. Il enrésulte que (fn) converge simplement vert la fonction f définie par

f(x) =

{0 si x ≥ 0x si x ≤ 0

,

109

c’est-à-dire

f(x) = inf(x, 0) .

Posons

gn = fn − f .

Si x ≤ 0, on a

|gn(x)| =|xenx|n+ enx

≤ |xenx|n

=n|x|e−n|x|

n2.

Pour u ≥ 0, posons

g(u) = ue−u .

On a donc

g′(u) = (1− u)e−u ,

et g admet un maximum en 1 qui vaut e−1. Alors

|gn(x)| ≤1

en2,

et le suite (fn) converge uniformément vers f sur ]−∞, 0 ] .

Si x ≥ 0, la fonction fn = gn est positive. En dérivant, on obtient

g′n(x) = f ′n(x) = n

n+ enx(1− nx)

(n+ enx)2.

Posonshn(x) = n+ enx(1− nx) ,

donc

h′n(x) = −n2xenx .

La fonction hn est décroissante. On a

hn(0) = n+ 1 et limx→+∞

hn(x) = −∞ .

Alors la fonction hn possède un zéro et une seul, noté un, et fn admet un maximum en un, donc

0 ≤ fn(x) ≤ fn(un) ,

ethn(un) = n+ enun − nune

nun = 0 .

Alors

fn(un) =nun

n+ enun= e−nun .

Considérons maintenant la suite (tn)n≥3 de nombre réels positifs définie par

tn =ln lnn

n.

110 CHAPITRE 6. CONVERGENCE UNIFORME

Quand n tend vers l’infini, on a

hn(tn) = n+ lnn(1− ln lnn) ∼ n ,

donc ce nombre est strictement positif pour n assez grand et il en résulte que

0 < tn ≤ un .

Alors

fn(un) = e−nun ≤ e−ntn = e− ln lnn =1

lnn,

et le suite (fn) converge uniformément vers f sur [ 0, ∞ [ .

En conclusion la convergence est uniforme sur R tout entier.

Exercice 71

1) Etudier la convergence uniforme sur [ 0, ∞ [ de la suite (fn)n≥1 de fonctions définies par

fn(x) = (1− x)e−xn.

2) Calculer la limite de la suite (In) définie par

In =

2∫

0

fn(x) dx .

Solution

1) Comme la suite (−xn) a pour limite −∞ si x > 1 et 0 si 0 ≤ x < 1, on en déduit que la suite (fn)converge vers 0 dans le premier cas, et vers 1− x dans le second. De plus la suite (fn(1)) est nulle. Ilen résulte que (fn) converge simplement vert la fonction f définie par

f(x) =

{1− x si 0 ≤ x ≤ 10 si x ≥ 1

.

Posons

gn = fn − f .

Si 0 ≤ x ≤ 1, on a

|gn(x)| = (1− x)|e−xn − 1| .Il résulte du théorème des accroissements finis que, pour tout réel négatif u, on a

|eu − 1| ≤ |u| ,

111

d’où|gn(x)| ≤ (1− x)xn .

Si l’on posehn(x) = (1− x)xn ,

on obtient en dérivant

h′n(x) = nxn−1 − (n+ 1)xn = xn−1(n− (n+ 1)x) ,

et cette fonction s’annule en n/(n+ 1). Alors hn admet un maximum en ce point et

|gn(x)| ≤ |hn(n/(n + 1))| = 1

n+ 1

(n

n+ 1

)n

≤ 1

n+ 1.

La suite (fn) converge uniformément vers f sur [ 0, 1 ] .

Si x ≥ 1, on peut déjà majorer la fonction en remarquant que l’on a toujours, pour u > 0,

e−u ≤ 1

eu.

En effet, si l’on pose,g(u) = ue−u ,

on a doncg′(u) = (1− u)eu ,

et g admet un maximum en 1 qui vaut e−1.

On a alors

|fn(x)| = |gn(x)| ≤ (x− 1)x−n

e.

En étudiant maintenant le membre de droite de cette inéquation, noté hn(x), on obtient en dérivant

h′n(x) =1

ex−n−1(n− (n− 1)x)

qui s’annule en n/(n− 1), et hn admet un maximum en ce point. Alors

|gn(x)| ≤ |hn(n/(n − 1))| = 1

e(n− 1)

(n− 1

n

)n

≤ 1

e(n − 1),

et le suite (fn) converge uniformément vers f sur [ 1, ∞ [ .

En conclusion la convergence est uniforme sur [ 0, ∞ [ tout entier.

2) Comme la convergence est uniforme

limn→∞

In =

2∫

0

f(x) dx =

1∫

0

(1− x) dx =1

2.

112 CHAPITRE 6. CONVERGENCE UNIFORME

Exercice 72

Etudier la convergence uniforme sur [ 0, ∞ [ de la suite (fn)n≥1 de fonctions définies par

fn(x) =nx + n

xnx + n.

Solution

On peut écrire

fn(x) =1 + nx−1

1 + xnx−1.

Puisque, si 0 ≤ x < 1, la suite (nx−1) converge vers 0, alors la suite (fn(x)) converge vers 1.

On a également

fn(x) =1 + n1−x

x+ n1−x.

Puisque, si x > 1, la suite (n1−x) converge vers 0, alors la suite (fn(x)) converge vers 1/x. Enfin lasuite (fn(1)) est constante et vaut 1.

Il en résulte que (fn) converge simplement vert la fonction f définie par

f(x) =

{1 si 0 ≤ x ≤ 1

1/x si x ≥ 1.

Posons

gn = fn − f .

Lorsque 0 ≤ x ≤ 1, on a

|gn(x)| =(1− x)nx

xnx + n=

1− x

x+ n1−x≤ (1− x)nx−1 .

Lorsque x ≥ 1,

|gn(x)| =n(x− 1)

x(xnx + n)=

x− 1

x(1 + xnx−1)≤ (x− 1)n1−x .

Donc, pour tout x ≥ 0

|gn(x)| ≤ |x− 1]n−|x−1| .

Si l’on pose, pour tout u ≥ 0,

hn(u) = un−u = ue−u lnn ,

on obtient en dérivant

h′n(u) = n−u(1− u lnn) ,

113

et cette fonction s’annule en 1/ ln n. Alors hn admet un maximum en ce point et

|gn(x)| = hn(|x− 1|) ≤ |hn(1/ ln n)| =1

e ln n,

et le suite (fn) converge uniformément vers f sur [ 0, ∞ [ .

Exercice 73

Etudier la convergence uniforme sur [ 0, ∞ [ de la suite (fn)n≥1 de fonctions définies par

fn(x) = (1 + xn)1/n .

Solution

Lorsque 0 ≤ x ≤ 1, on a1 ≤ fn(x) ≤ 21/n

et il résulte du théorème d’encadrement que la suite (fn(x)) converge vers 1.

Lorsque x > 1, on écrit

fn(x) = x

(1 +

1

xn

)1/n

= xfn(1/x) .

Alors, puisque 1/x > 1, la suite (fn(x)) converge vers x. La limite simple de la suite (fn) est donc lafonction f définie par

f(x) = max(1, x) .

Sur [ 0, 1 ] on a0 ≤ fn(x)− f(x) ≤ 21/n − 1 ,

et sur [ 1, ∞ [ ,fn(x)− f(x) = fn(x)− x = x(fn(1/x) − 1) ≥ 0 .

En dérivant fn(x)− x on obtient

f ′n(x)− 1 = xn−1 (1 + xn)−1+1/n − 1 = (1 + x−n)−1+1/n − 1 ≤ 0 .

La fonction fn − f est décroissante sur [ 1, ∞ [ , donc

supx≥1

(fn − f)(x) = (fn − f)(1) = 21/n − 1 .

Alors,supx≥0

|fn(x)− f(x)| = 21/n − 1 = fn(1)− f(1) ,

et la suite (fn) converge uniformément vers f sur [ 0, ∞ [ .

114 CHAPITRE 6. CONVERGENCE UNIFORME

Exercice 74

Etudier la convergence uniforme sur [ a, ∞ [ (a ≥ 0) de la suite (fn)n≥0 de fonctions définies par

fn(x) =1 + nx

2 + nx2.

Solution

On constate que (fn(x)) converge vers 1/x, si x > 0, et vers 1/2 si x = 0. La suite (fn) convergesimplement vers la fonction f définie par

f(x) =

{0 si x = 0

1/x si x > 0.

Comme f n’est pas continue en 0, alors que les fonctions fn le sont, la convergence ne peut être uni-forme sur [ 0, ∞ [ .

Maintenant si x ≥ a > 0, on a

|fn(x)− f(x)| = |x− 2|x(2 + nx2)

≤ x+ 2

x(2 + nx2)=

(1 +

2

x

)1

2 + nx2≤(1 +

2

a

)1

2 + na2.

Comme le membre de droite tend vers 0, on en déduit que la suite (fn) converge uniformément vers fsur [ a, ∞ [ .

Exercice 75

Etudier la convergence uniforme sur [ 0, ∞ [ de la suite (fn)n≥1 de fonctions définies par

fn(x) = x ln

(x+

1

n

).

Solution

On constate que (fn(x)) converge vers x lnx, si x > 0, et vers 0 si x = 0. La suite (fn) convergesimplement vers la fonction f définie par

f(x) =

{0 si x = 0

x lnx si x > 0.

115

Alors, si x > 0,

fn(x)− f(x) = x

(ln

(x+

1

n

)− lnx

)= x ln

(1 +

1

nx

)=

1

nh(nx) ,

h(x) = x ln

(1 +

1

x

).

La fonction h est positive et au voisinage de l’infini

h(x) ∼ x1

x= 1 ,

donc h est majorée sur ] 0, ∞ [ par une constante K. Alors, pour tout x > 0,

|fn(x)− f(x)| ≤ K

n,

ce qui reste vrai si x = 0. La suite (fn) converge donc uniformément vers f sur [ 0, ∞ [ .

Exercice 76

Etudier la convergence uniforme sur [−a, a ] (a > 0), puis sur R, de la suite (fn)n≥1 de fonctionsdéfinies par

fn(x) =nx+ sin2 nx

n+ sin2 nx.

Solution

En écrivant

fn(x) =x+

sin2 nx

n

1 +sin2 nx

n

,

on constate, puisque la suite (sin2 nx) est bornée, que la suite (fn(x)) converge vers f(x) = x.

Alors

|fn(x)− f(x)| = |x− 1| sin2 nxn+ sin2 nx

≤ |x− 1|n

≤ |x|+ 1

n.

Donc, si |x| ≤ a

|fn(x)− f(x)| ≤ a+ 1

n.

La suite (fn) converge uniformément vers f sur [−a, a ] . Par contre

∣∣∣fn(nπ +

π

2n

)−(nπ +

π

2n

)∣∣∣ =

(nπ − 1 +

π

2n

)sin2

(n2π +

π

2

)

n+ sin2(n2π +

π

2

) =nπ − 1 +

π

2nn+ 1

,

116 CHAPITRE 6. CONVERGENCE UNIFORME

et cette suite converge vers π. Il ne peut y avoir convergence uniforme sur R.

Exercice 77

Soit (un)n≥1 une suite numérique de limite u et (vn)n≥1 une suite numérique de limite v > 0.Montrer que la suite (fn)n≥1 de fonctions définies par

fn(x) =x+ unx+ vn

converge uniformément sur [ 0, ∞ [ .

Solution

La suite (vn) est strictement positive à partir d’un certain rang n0. On suppose n ≥ n0 pour définirfn. La limite simple est la fonction f définie par

f(x) =x+ u

x+ v.

Alors

|fn(x)− f(x)| = |x(un − u+ v − vn) + unv − vnu|(x+ vn)(x+ v)

≤ x(|un − u|+ |vn − v|)(x+ vn)(x+ v)

+|unv − vnu|

(x+ vn)(x+ v),

et en minorant (x+ vn)(x+ v) par xv ou par vnv, on obtient

|fn(x)− f(x)| ≤ |un − u|+ |vn − v|v

+|unv − vnu|

vnv.

Comme le membre de droite tend vers 0, on en déduit que (fn) converge uniformément vers f surl’intervalle [ 0, ∞ [ .

Exercice 78

Etudier la convergence uniforme sur [ 0, ∞ [ , puis sur [ 0, a ] (0 < a < 1) et sur [ a, ∞ [ (a > 1),de la suite (fn)n≥1 de fonctions définies par

fn(x) =

{0 si x = 0

sin(πe2−xn−x−n) si x ≥ 0

.

117

Solution

Lorsque x est distinct de 0 et 1, la suite (xn + x−n) a l’infini pour limite et (fn(x)) converge vers 0.Par ailleurs fn(1) et fn(0) sont nuls. Donc la suite (fn) converge simplement vers 0. Cependant

fn(21/n) = sin(πe−1/2) ,

et la suite (fn) ne peut pas converger uniformément vers 0 sur [ 0, ∞ [ .

En utilisant le fait que, pour tout nombre réel u, on a

| sinu| ≤ |u| ,

on obtient sur ] 0, a ] ,

|fn(x)| ≤ πe2−xn−x−n ≤ πe2−x−n,

donc|fn(x)| ≤ πe2−a−n

,

ce qui reste vrai si x = 0, et le membre de droite tend vers 0. La suite (fn) converge donc uniformémentvers 0 sur [ 0, a ] .

Sur [ a, ∞ [ , on a de même

|fn(x)| ≤ πe2−xn−x−n ≤ πe2−xn ≤ πe2−an ,

et le membre de droite tend vers 0. La suite (fn) converge donc uniformément vers 0 sur [ a, ∞ [ .

Exercice 79

Etudier la convergence uniforme sur [ 0, ∞ [ , puis sur [ 0, a ] (0 < a < 1) et sur [ a, ∞ [ (a > 1),de la suite (fn)n≥1 de fonctions définies par

fn(x) =

1 si x = 0

cos4π

xn + x−nsi x ≥ 0

.

Solution

Si x 6= 1, la suite (xn + x−n) a l’infini pour limite et donc (fn(x)) converge vers cos 0 = 1. Par ailleursfn(1) = cos 2π vaut 1, ainsi que fn(0), donc la suite (fn) converge simplement vers 1. Cependant

fn(21/n) = cos

5

et la suite (fn) ne peut pas converger uniformément vers 1 sur [ 0, ∞ [ .

118 CHAPITRE 6. CONVERGENCE UNIFORME

En utilisant le fait que, pour tout nombre réel u, on a

| cos u− 1| ≤ |u| ,

on obtient sur ] 0, a ] ,

|fn(x)− 1| ≤ 4π

xn + x−n≤ 4πxn ≤ 4πan ,

ce qui reste vrai si x = 0, donc le membre de droite tend vers 0 et la suite (fn) converge uniformémentvers 1 sur [ 0, a ] .

Sur [ a, ∞ [ , on a de même

|fn(x)− 1| ≤ 4π

xn + x−n≤ 4πx−n ≤ 4πa−n ,

et le membre de droite tend vers 0. La suite (fn) converge donc uniformément vers 1 sur [ a, ∞ [ .

Exercice 80

Etudier la convergence uniforme sur [ 0, ∞ [ , puis sur [ a, ∞ ] (a > 0), de la suite (fn)n≥0 defonctions définies par

fn(x) = sin2π

1 + nx.

Solution

Si x est non nul, la suite (fn(x)) converge vers 0, ce qui est encore le cas si x est nul car fn(x) = sin 2πest nul pour tout n. Donc la suite fn converge simplement vers 0 sur [ 0, ∞ [ .

On constate que

fn(2/n) = sin2π

3,

et donc la suite (fn(2/n)) ne converge pas vers 0. On ne peut avoir convergence uniforme sur [ 0, ∞ [ .

Sur [ a, ∞ [ , en raison de l’inégalité

| sinu| ≤ |u| ,

on obtient

|fn(x)| ≤2π

1 + nx≤ 2π

1 + na.

Comme le membre de droite tend vers 0, la suite (fn) converge uniformément vers 0 sur [ a, ∞ [ .

119

Exercice 81

Etudier la convergence uniforme sur [ 0, ∞ [ , puis sur [ a, ∞ ] (a > 0) de la suite (fn)n≥0 defonctions définies par

fn(x) = sinπ + n2x2

1 + n2x.

Solution

Si x est non nul, la suite (fn(x)) converge vers sinx, ce qui est encore le cas si x est nul carfn(x) = sinπ = sin 0 est nul pour tout n. Donc la suite (fn) converge simplement vers la fonctionf qui à x associe sinx sur [ 0, ∞ [ .

On constate que

fn(1/n2)− f(1/n2) = sin

π + 1/n2

2− sin

1

n2,

et donc la suite (fn(1/n2) − f(1/n2)) converge vers 1 et pas vers 0. On ne peut avoir convergence

uniforme de (fn) vers f sur [ 0, ∞ [ .

Il résulte du théorème des accroissements finis que, quels que soient les réels u et v, on a

| sinu− sin v| ≤ |u− v| ,

et donc, sur [ a, ∞ [ ,

|fn(x)− f(x)| ≤∣∣∣∣π + n2x2

1 + n2x− x

∣∣∣∣ =|π − x|1 + n2x

≤ π + x

n2x=

1

n2+

π

n2x≤ 1

n2+

π

n2a.

Comme le membre de droite tend vers 0, la suite (fn) converge uniformément vers f sur [ a, ∞ [ .

Exercice 82

Soit f une fonction numérique continue non constante sur [ 0, ∞ [ telle que

limx→∞

f(x) = f(0) .

Etudier la convergence uniforme sur [ 0, ∞ [ , puis sur [ a, ∞ ] (a > 0), de la suite (fn)n≥0 defonctions définies par

fn(x) = f(nx) .

120 CHAPITRE 6. CONVERGENCE UNIFORME

Solution

Si x est non nul, la suite (fn(x)) converge vers f(0), ce qui est encore le cas si x est nul car fn(0) = f(0)pour tout n. Donc la suite (fn) converge simplement vers la fonction constante f(0) sur [ 0, ∞ [ .

On asupx≥0

|fn(x)− f(0)| = supx≥0

|f(nx)− f(0)| = supx≥0

|f(x)− f(0)| ,

et si f n’est pas constante ce nombre n’est pas nul. On ne peut avoir convergence uniforme de (fn)vers f(0) sur [ 0, ∞ [ .

Pour tout ε > 0, il existe K tel que x ≥ K implique

|f(x)− f(0)| ≤ ε .

Alors, si n ≥ K/a et si x ≥ a, on a nx ≥ K et

|fn(x)− f(0)| = |f(nx)− f(0)| ≤ ε .

La suite (fn) converge uniformément vers f(0) sur [ a, ∞ [ .

Exercice 83

Soit f une fonction numérique continue en 0 et non constante. Etudier la convergence uniforme surR, puis sur [−a, a ] (a > 0), de la suite (fn)n≥1 de fonctions définies par

fn(x) = f(x/n) .

Solution

La suite (fn) converge simplement vers la fonction constante f(0).

On asupx∈R

|fn(x)− f(0)| = supx∈R

|f(x/n)− f(0)| = supx∈R

|f(x)− f(0)| ,

et si f n’est pas constante ce nombre n’est pas nul. On ne peut avoir convergence uniforme de fn versf(0) sur R.

Pour tout ε > 0, il existe α tel que |x| ≤ α implique

|f(x)− f(0)| ≤ ε .

Alors, si n ≥ a/α et si |x| ≤ a, on a |x|/n ≤ α et

|fn(x)− f(0)| = |f(x/n)− f(0)| ≤ ε .

121

La suite (fn) converge uniformément vers f(0) sur [−a, a ] .

Exercice 84

Soit f une fonction numérique continue sur [ 0, ∞ [ . Etudier la convergence uniforme sur [ 0, K ]de la suite (fn)n≥1 de fonctions définies par

fn(x) = f(x+ 1/n) .

Donner un exemple où l’on a convergence uniforme sur [ 0, ∞ [ et un exemple où l’on n’a pasconvergence uniforme sur [ 0, ∞ [ .

Solution

La suite (fn) converge simplement vers f .

Comme f est continue sur R, elle est uniformément continue sur le compact [ 0, K + 1 ] . Pour toutε > 0, il existe α tel que si x et y sont dans [ 0, K + 1 ] tels que |x− y| ≤ α, on ait

|f(x)− f(y)| ≤ ε .

Alors, si n > 1/α et si x appartient à [ 0, K ] , le nombre x+ 1/n appartient à [ 0, K + 1 ] , et

|f(x)− f(x+ 1/n)| ≤ ε .

On a donc convergence uniforme de la suite (fn) vers f sur [ 0, K ] .

Si f est uniformément continue sur [ 0, ∞ [ , le calcul précédent et sa conclusion subsistent en rempla-çant [ 0, K + 1 ] par [ 0, ∞ [ . C’est le cas par exemple de la fonction sinus puisque, quels que soientles réels u et v,

| sinu− sin v| ≤ |u− v| .

Par contre, si f(x) = ex, on a

fn(x)− f(x) = ex(e1/n − 1)

et cette fonction n’est pas bornée sur [ 0, ∞ [ , donc on ne peut avoir convergence uniforme dans cecas.

122 CHAPITRE 6. CONVERGENCE UNIFORME

Exercice 85

Etudier la convergence uniforme sur R de la suite (fn)n≥1 de fonctions définies par

fn(x) = ln

(ex

2

+x2

n+

1

n2

)− 1

n.

Trouver la limite de la suite (In) définie par

In =

1∫

−1

fn(x) dx .

Solution

La suite (fn(x)) converge vers

f(x) = x2 .

Posons

hn(x) = f(x)− fn(x) = x2 − ln

(ex

2

+x2

n+

1

n2

)+

1

n=

1

n− ln

(1 +

(x2

n+

1

n2

)e−x2

),

et étudions le signe de cette fonction sur [ 0, ∞ [ . (La fonction est paire). En dérivant la premièreexpression, on obtient

h′n(x) = 2x− 2xex

2

+1

n

ex2 +x2

n+

1

n2

=2x

n

x2 − 1 +1

n

ex2 +x2

n+

1

n2

.

La dérivée s’annule en un =√1− 1/n. Elle est négative sur [ 0, un ] et positive sur [un, ∞ [ . Donc

f − fn est décroissante sur le premier intervalle et croissante sur le second, et f − fn atteint sonminimum en un. Ce minimum vaut

(f − fn)(un) =1

n− ln

(1 +

1

ne−1+1/n

).

En majorant e−1+1/n par 1, et compte tenu du fait que 0 ≤ ln(1 + t) ≤ t si t ≥ 0. On obtient alors

(f − fn)(un) ≥1

n− ln

(1 +

1

n

)≥ 0 ,

et f − fn est positive. On a donc

0 ≤ f(x)− fn(x) =1

n− ln

(1 +

(x2

n+

1

n2

)e−x2

)≤ 1

n,

123

et la convergence est uniforme sur R. Alors

limn→∞

In =

1∫

−1

limn→∞

fn(x) dx =

1∫

−1

x2dx =2

3.

Exercice 86

Soit h une fonction continue positive sur R telle que

1∫

−1

h(x) dx = 1 ,

et soit f continue sur R. Montrer que la suite (fn)n≥1 de fonctions définies sur R par

fn(x) = n

1/n∫

−1/n

f(x− t)h(nt) dt .

converge uniformément vers f sur tout intervalle [−K, K ] .

Solution

En effectuant le changement de variable x = nt, on constate que

n

1/n∫

−1/n

h(nt) dt =

1∫

−1

h(x) dx = 1 .

On a alors

|fn(x)− f(x)| =

∣∣∣∣∣∣∣n

1/n∫

−1/n

f(x− t)h(nt) dt− f(x)n

1/n∫

−1/n

h(nt) dt

∣∣∣∣∣∣∣≤ n

1/n∫

−1/n

|f(x− t)− f(x)|h(nt) dt .

Comme f est continue sur R, elle est uniformément continue sur [−K − 1, K + 1 ] . Pour tout ε > 0,il existe α > 0 tel que, quels que soient x et y dans [−K − 1, K + 1 ] vérifiant |x− y| ≤ α on ait

|f(x)− f(y)| ≤ ε .

Soit n ≥ 1/α. Si x appartient à [−K, K ] , alors, si t appartient à [−1/n, 1/n ] , le nombre x − tappartient à [−K − 1, K + 1 ] . Il en résulte que

|f(x− t)− f(x)| ≤ ε ,

124 CHAPITRE 6. CONVERGENCE UNIFORME

et

|fn(x)− f(x)| ≤ εn

1/n∫

−1/n

h(nt) dt = ε .

On a donc bien la convergence uniforme sur [−K, K ] .

Exercice 87

Etudier la convergence uniforme sur [ 0, ∞ [ , puis sur [ 0, a ] (a > 0), de la suite (fn)n≥1 de fonctionsdéfinies par

fn(x) = tan

(arctan x− 1

n

).

Solution

La suite (fn) converge simplement vers la fonction f : x 7→ x. En utilisant la formule de développement

tan(a+ b) =tan a+ tan b

1− tan a tan b,

on obtient

f(x)− fn(x) = x− x− tan(1/n)

1 + x tan(1/n)=

(x2 + 1) tan(1/n)

1 + x tan(1/n).

Lorsque x tend vers l’infini f(x)− fn(x) est équivalent à x et la fonction n’est pas bornée sur [ 0, ∞ [ ,donc il ne peut y avoir convergence uniforme sur cet intervalle. Par contre sur [ 0, a ]

|fn(x)− f(x)| ≤ (x2 + 1) tan(1/n) ≤ (a2 + 1) tan(1/n) ,

et la convergence est uniforme.

Exercice 88

Etudier la convergence uniforme sur [ 0, π ] de la suite (fn)n≥1 de fonctions définies par

fn(x) = arcsin

(sinx− 1

n

).

Solution

On remarque que la fonction fn vérifie la relation

fn(π − x) = fn(x) .

125

La limite simple vérifie donc la même relation. La suite fn converge simplement vers la fonction f quivaut x sur [ 0, π/2 ] et donc π − x sur [π/2, π ] .

Posonsgn = f − fn .

Sur le premier intervalle

g′n(x) =cos x√

1− sin2 x− cos x√

1− (sinx− 1/n)2= cos x

√1− (sinx− 1/n)2 −

√1− sin2 x√

1− sin2 x√

1− (sinx− 1/n)2.

Puisque le nombre cos x est positif, le signe de g′n(x) est celui de la différence

D =√1− (sinx− 1/n)2 −

√1− sin2 x

c’est-à-dire aussi le signe de la différence des carrés

1−(sinx− 1

n

)2

− (1− sin2 x) = sin2 x−(sinx− 1

n

)2

=1

n

(2 sinx− 1

n

).

La dérivée s’annule en un = arcsin(1/2n) et la fonction gn est décroissante sur [ 0, un ] et croissantesur [un, π/2 ] . Puisque

gn(un) = 2 arcsin1

2n> 0 ,

la fonction gn est strictement positive. Alors

0 < gn(x) ≤ max(gn(0), gn(π/2)) ,

puis, en raison de la symétrie,

‖f − fn‖∞ ≤ max(gn(0), gn(π/2)) ,

et la suite (fn) converge uniformément vers f sur [ 0, π ] .

Remarque : on peut montrer que l’on a en fait

(1) gn(0) = arcsin(1/n) ≤ π/2− arcsin(1− 1/n) = gn(π/2) .

Tout d’abord

cos gn(0) = cos arcsin1

n=

√1− sin2 arcsin

1

n=

√1− 1

n2,

et

cos gn(π/2) = cos

2− arcsin

(1− 1

n

))= sin arcsin

(1− 1

n

)= 1− 1

n.

Alors, puisque la fonction cosinus est décroissante sur [ 0, π/2 ] , en prenant le cosinus des deux membre,démontrer (1), revient à montrer que

√1− 1

n2≥ 1− 1

n,

126 CHAPITRE 6. CONVERGENCE UNIFORME

ou encore, en élevant au carré, que

1− 1

n2≥ 1 +

1

n2− 2

n,

c’est-à-dire2

n≥ 2

n2,

ce qui est vrai pour tout entier n strictement positif.

On a donc‖f − fn‖∞ = π/2− arcsin(1− 1/n) .

Exercice 89

Etudier la convergence uniforme sur [ 0, ∞ [ , puis sur [ 0, a ] (a > 0), de la suite (fn)n≥1 de fonctionsdéfinies par

fn(x) = n2 ln(1 +

x

n

)− nx .

Solution

En utilisant le développement limité en 0 de ln(1 + u), on obtient, si x est fixé et n tend vers l’infini,

fn(x) = n2

(x

n− x2

2n2+ ◦(1/n2)

)− xn = −x2

2+ ◦(1) .

Il en résulte que la suite (fn) converge simplement vers la fonction f définie par

f(x) = −x2

2.

Posons

gn(x) = fn(x)− f(x) = n2 ln(1 +

x

n

)− nx+

x2

2.

On obtient en dérivant,

g′n(x) =n2

x+ n− n+ x =

x2

x+ n≥ 0 .

La fonction gn est donc croissante. Par ailleurs, en écrivant

gn(x) =x2

2

(1 +

2n2

x2ln(1 +

x

n

)− 2n

x

),

on obtient, quand x tend vers l’infini pour n fixé,

gn(x) ∼x2

2,

127

et la fonction gn n’est pas bornée. Il ne peut y avoir convergence uniforme sur [ 0, ∞ [ . Par contrecomme gn(0) est nul, la fonction gn est croissante positive et sur [ 0, a ]

|gn(x)| ≤ gn(a) .

La convergence est donc uniforme sur cet intervalle.

Exercice 90

Etudier la convergence uniforme sur R de la suite (fn)n≥1 de fonctions définies par

fn(x) =x5

(1 + x2)n.

En déduire la limite de la suite (In) définie par

In =

15∫

0

fn(x) dx .

Solution

La suite (fn(x)) converge vers 0 pour tout x réel. On obtient en dérivant

f ′n(x) =

5x4(1 + x2)n − 2xn(1 + x2)n−1x5

(1 + x2)2n=

5− (2n − 5)x2

(1 + x2)n+1x4 .

Lorsque n ≥ 3, la dérivée s’annule en

xn =

√5

2n− 5,

et le maximum de fn est obtenu en ce point. Donc

‖fn‖∞ = fn(xn) =x5n

(1 + x2n)n≤ x5n =

(5

2n − 5

)5/2

.

Comme le membre de droite tend vers 0, la suite (fn) converge uniformément vers 0 sur R, donc aussisur [ 0, 15 ] , et la suite (In) converge donc vers 0.

128 CHAPITRE 6. CONVERGENCE UNIFORME

Exercice 91

On veut étudier la convergence uniforme sur [ 0, ∞ [ de la suite (fn)n≥1 de fonctions définies par

fn(x) =xn+1 + n

xn + n.

1) Trouver la limite simple.

2) Montrer la convergence uniforme sur [ 0, 1 ] .

3) Pour n ≥ 3, on pose

tn = 1 +ln lnn

n− 1.

Sur [ 1, ∞ [ , montrer que la fonction gn = f − fn a un zéro et un seul, noté sn, et que, pour n assezgrand,

sn ≥ tn > 1 .

4) Montrer quegn(sn) = s1−n

n ≤ t1−nn

et en déduire la convergence uniforme de la suite (fn) sur [ 0, ∞ [ .

Solution

1) La suite (fn) converge simplement vers la fonction f définie par

f(x) =

{1 si 0 ≤ x ≤ 1x si x > 1

.

On a donc

f(x) = sup(1, x) .

2) Etudions la convergence uniforme sur [ 0, 1 ] . On a

|f(x)− fn(x)| =xn − xn+1

xn + n=

xn(1− x)

xn + n≤ 1

n.

La convergence est donc uniforme sur cet intervalle.

3) Sur [ 1, ∞ [ , posons

gn(x) = f(x)− fn(x) =n(x− 1)

xn + n.

En dérivant on obtient

g′n(x) = nnxn−1 − (n− 1)xn + n

(xn + n)2.

En posant maintenant

vn(x) = nxn−1 − (n− 1)xn + n ,

129

et en dérivant, on trouve,v′n(x) = n(n− 1)xn−2(1− x) ≤ 0 .

La fonction vn décroit strictement sur [ 1, ∞ [ . Comme vn(1) = n + 1 est positif, et que vn(x) tendvers −∞ quand x tend vers +∞, la fonction vn s’annule une fois et une seule en un point sn de ] 1, ∞ [ .

Calculons vn(tn). La suite (tn) converge vers 1 par valeurs positives, donc

vn(tn) = tn−1n (n− (n− 1)tn) + n

=

(1 +

ln lnn

n− 1

)n−1

(1− ln lnn) + n

= n

[1 +

1− ln lnn

nexp

((n− 1) ln

(1 +

ln lnn

n− 1

))].

Comme la suite (ln lnn

n− 1) converge vers 0, on a

ln

(1 +

ln lnn

n− 1

)=

ln lnn

n− 1+ ◦

((ln lnn

n− 1

)2)

,

et donc

tn−1n = exp

(ln lnn+ ◦

((ln lnn)2

n− 1

))= (lnn) exp

(◦((ln lnn)2

n− 1

)).

Alors

vn(tn) = n

[1 +

1− ln lnn

n(lnn) exp

(◦((ln lnn)2

n− 1

))],

ce que l’on peut encore écrire

vn(tn) = n

[1 +

1− ln lnn√n

lnn√n

exp

(◦((ln lnn)2

n− 1

))].

Alors l’expression entre crochets tend vers 1 et

vn(tn) ∼ n .

Il en résulte que pour n assez grand vn(tn) est positif et donc que

1 < tn ≤ sn .

4) Par définition vn(sn) est nul, donc

−nsn−1n + (n− 1)snn = n ,

ou encoren+ snn = nsn−1

n (sn − 1) .

Alors

gn(sn) =n(sn − 1)

snn + n=

1

sn−1n

≤ 1

tn−1n

=1

lnnexp

(◦((ln lnn)2

n− 1

)).

130 CHAPITRE 6. CONVERGENCE UNIFORME

Comme le membre de droite tend vers 0, on en déduit que la suite (gn(sn)) converge vers 0 et doncque la suite (fn) converge uniformément vers f sur [ 1, ∞ [ et finalement sur [ 0, ∞ [ .

Exercice 92

Etudier la convergence uniforme sur [ 0, ∞ [ de la suite (fn)n≥1 de fonctions définies par

fn(x) =

{ (1− x

n

)nsi 0 ≤ x ≤ n

0 si x ≥ n.

Solution

Remarquons que, pour x fixé, dès que n ≥ x, alors

fn(x) =(1− x

n

)n

et la suite (fn(x)) converge versf(x) = e−x .

Posonsgn = f − fn .

Tout d’abord, si x ≥ n,0 ≤ gn(x) = e−x ≤ e−n = gn(n) .

Le maximum de |gn| sur R est atteint sur [ 0, n ] . Ensuite, si 0 ≤ x ≤ n, on obtient en dérivant,

g′n(x) =(1− x

n

)n−1− e−x .

Comme la fonction ln est croissante, la fonction g′n est du même signe que la fonction hn définie par

hn(x) = ln(1− x

n

)n−1− ln e−x = (n− 1) ln

(1− x

n

)+ x ,

dont la dérivée vaut

h′n(x) =1− x

n− x.

Si n > 1, la fonction hn est croissante sur [ 0, 1 ] et positive puisque hn(0) est nul. Elle est décroissantesur [ 1, n ] et, puisque sa limite en n vaut −∞, elle s’annule une fois et une seule pour un nombresn > 1. Il en est donc de même pour g′n. En particulier, puisque gn(sn) est nul, on a

(1− sn

n

)n−1= e−sn .

Alors

gn(sn) = e−sn −(1− sn

n

)n= e−sn − e−sn

(1− sn

n

)=

sn e−sn

n.

131

Mais la fonction qui à x associe xe−x possède un maximum en 1 et est donc majorée sur [ 0, ∞ [ pare−1. Alors

gn(sn) ≤1

ne.

Enfin, gn est croissante sur [ 0, sn ] , décroissante sur [ sn, n ] . De plus gn(0) et gn(n) sont positifs,donc la fonction gn est positive sur [ 0, n ] . Finalement, pour tout x ≥ 0,

0 ≤ f(x)− fn(x) ≤1

ne,

et la suite (fn) converge uniformément vers f sur [ 0, ∞ [ .

Exercice 93

Soit (un) une suite numérique de limite nulle et f une fonction numérique uniformément continuesur R. Montrer que la suite (fn) de fonctions définies par

fn(x) = f(x+ un)

converge uniformément vers f sur R.

Solution

Quel que soit ε > 0, il existe α > 0 tel que |x− y| ≤ α implique

|f(x)− f(y)| ≤ ε .

Il existe N tel que n ≥ N implique|un| ≤ α .

Alors, pour tout nombre réel x, on a

|fn(x)− f(x)| = |f(x+ un)− f(x)| ≤ ε ,

ce qui montre que la suite (fn) converge uniformément vers f .

Exercice 94

Soit (un) une suite de fonctions numériques continues définies sur [ 0, 1 ] et vérifiant les propriétéssuivantes :a) la suite (un) est uniformément bornée sur [ 0, 1 ] ;b) la suite (un) converge uniformément vers 0 sur tout intervalle [ a, 1 ] , où 0 < a < 1.Soit f une fonction continue sur [ 0, 1 ] et nulle en 0. Montrer que la suite (fun) converge unifor-mément vers 0 sur [ 0, 1 ] .

132 CHAPITRE 6. CONVERGENCE UNIFORME

Solution

La propriété a) signifie qu’il existe M > 0 tel que, pour tout entier n et tout nombre x de [ 0, 1 ]

|un(x)| ≤ M .

Comme f est continue sur [ 0, 1 ] elle est bornée, donc il existe m > 0 tel que, pour tout nombre x del’intervalle [ 0, 1 ]

|f(x)| ≤ m.

Comme f est continue et nulle en 0, pour tout ε > 0, il existe α tel que, 0 ≤ x ≤ α implique

|f(x)| ≤ ε

M.

Alors, sur [ 0, α ] ,

|f(x)un(x)| ≤ε

MM = ε .

La suite (un) converge uniformément vers 0 sur [α, 1 ] , donc il existe N tel que n ≥ N et x dans[α, 1 ] impliquent

|un(x)| ≤ε

m.

Alors, sur [α, 1 ] ,

|f(x)vn(x)| ≤ mε

m= ε .

Finalement, pour tout x de [ 0, 1 ] ,|f(x)un(x)| ≤ ε

ce qui montre que la suite (fun) converge uniformement vers 0 sur cet intervalle.

Exercice 95

Soit (un) une suite de fonctions numériques continues définies sur un intervalle I non vide, quiconverge uniformément vers u sur I, et f une fonction uniformément continue sur R. Montrer quela suite f ◦ un converge uniformément vers f ◦ u sur I.

Solution

La fonction f est uniformément continue, donc, pour tout ε > 0, il existe α > 0 tel que |s − t| ≤ αimplique

|f(s)− f(t)| ≤ ε .

La suite (un) converge uniformément vers u, donc il existe N tel que n ≥ N et x dans I impliquent

|un(x)− u(x)| ≤ α .

133

Alors

|f(un(x))− f(u(x))| ≤ ε

et la suite (f ◦ un) converge uniformément vers f ◦ u sur I.

Exercice 96

Soit (un) une suite de fonctions numériques continues sur R, qui converge uniformément vers u surR. On suppose que u est majorée. Montrer que la suite (eun) converge uniformément vers eu sur R.Donner un contrexemple si u n’est pas bornée

Solution

Si u est majorée, il en est de même de eu. Soit alors M le maximum de eu. On écrit

eun − eu = eu(eun−u − 1) .

En raison de la continuité en 0 de la fonction exponentielle, pour tout ε > 0, il existe α > 0 tel que|x| ≤ α implique

|ex − 1| ≤ ε

M.

Puisque (un) converge uniformément vers u, il existe N tel que n ≥ N implique

|un(x)− u(x)| ≤ α .

Alors

|eun(x) − eu(x)| ≤ eu(x)ε

M≤ ε ,

et la suite (eun) converge uniformément vers eu sur R.

Si l’on pose

un(x) = x+1

net u(x) = x ,

la suite (un) converge uniformément vers u sur R. Mais

eun(x) − eu(x) = ex(e1/n − 1) ,

et la fonction eun − eu n’est pas bornée sur R.

134 CHAPITRE 6. CONVERGENCE UNIFORME

Exercice 97

On définit une suite de fonctions continues sur [−1, 1 ] en posant, u0 = Id, et si n ≥ 1,

un = sin(π2un−1

).

Etudier la convergence uniforme de la suite (un) sur les intervalles fermés inclus dans [−1, 1 ] .

Solution

Posons

f(x) = sin(π2x).

L’application f est une bijection strictement croissante et impaire de [−1, 1 ] dans lui même quiconserve les intervalles [ 0, 1 ] et [−1, 0 ] .

Posons g = f − Id. On a donc

g′(x) =π

2cos(π2x)− 1 .

Dans l’intervalle [ 0, 1 ] , g′ s’annule en un point α et un seul

α =2

πarccos

2

π.

Puisque la fonction cosinus est décroissante sur [ 0, π/2 ] , on en déduit que sur [ 0, α ] la fonction g′

est strictement positive, donc g est strictement croissante, et sur [α, 1 ] la fonction g′ est strictementnégative, donc g est strictement décroissante. De plus g s’annule en 0 et en 1. Elle est donc positivesur [ 0, 1 ] . Finalement, en utilisant de plus le fait que g est impaire,

f(x) > x sur ] 0, 1 [f(x) < x sur ]−1, 0 [f(x) = x en −1 , 0 , 1

.

La suite un est alors définie par u0 = Id et, si n ≥ 1,

un = f ◦ un−1 .

Si x appartient à ] 0, 1 [ , une récurrence immédiate montre que la suite (un(x)) est strictement crois-sante. Comme elle est majorée par 1, elle converge vers une limite qui est un point fixe de f dans] 0, 1 ] . La limite est donc 1. Par symétrie, la suite converge vers −1 si x appartient à ]−1, 0 [ . Enfinla suite est constante si x appartient à {−1, 0, 1}. Donc (un) a pour limite simple la fonction ℓ définiepar

ℓ(x) =

1 si x ∈ ] 0, 1 ]0 si x = 0

−1 si x ∈ [−1, 0 [.

135

Dès que l’intervalle [ a, b ] contient 0 la fonction ℓ n’est pas continue sur [ a, b ] et la convergence n’estpas uniforme.

Soit x dans l’intervalle [ a, b ] inclus dans ] 0, 1 [ . On a, puisque toutes les fonctions un sont croissantes(comme composées de fonctions croissantes),

un(a) ≤ un(x) ≤ 1 ,

et donc|un(x)− 1| = 1− un(x) ≤ 1− un(a) .

Il en résulte que la suite (un) converge uniformément vers 1 sur [ a, b ] . Par symétrie elle convergeuniformément vers −1 si [ a, b ] est inclus dans [−1, 0 [ .

Exercice 98

On définit une suite de fonctions continues sur [ 0, 1 ] en posant, u0 = Id, et si n ≥ 1,

un = 1− u2n2

.

Montrer que la suite (un) converge uniformément vers une fonction constante que l’on déterminera.

Solution

Posons

f(x) = 1− x2

2.

La fonction f est décroissante sur [ 0, 1 ] . On a successivement

f( [ 0, 1 ] ) = [ f(1), f(0) ] = [ 1/2, 1 ] ,

puisf( [ 1/2, 1 ] ) = [ f(1), f(1/2) ] = [ 1/2, 7/8 ] ,

et ensuitef( [ 1/2, 7/8 ] ) = [ f(7/8), f(1/2) ] = [ 79/128, 7/8 ] ⊂ [ 1/2, 7/8 ] .

Il en résulte par récurrence que pour tout n ≥ 2,

1

2≤ un(x) ≤

7

8.

D’autre part, sur l’intervalle [ 1/2, 7/8 ] , on a

|f ′(x)| = x ≤ 7

8< 1 ,

136 CHAPITRE 6. CONVERGENCE UNIFORME

et la fonction f est contractante.

On peut alors appliquer le théorème du point fixe. (Voir ex 8)

On concidère l’espace vectoriel normé complet C ( [ 0, 1 ] ,R) muni de la norme infinie. L’ensemble Fdes fonctions u comprises entre 1/2 et 7/8 est une partie fermée, et l’application Φ qui à u associe

Φ(u) = f ◦ u

est une application de F dans F . Comme f est contractante, on a aussi, quels que soient u et v dans F ,

|f ◦ u(x)− f ◦ v(x)| ≤ 7

8|u(x)− v(x)| ,

donc

‖Φ(u)−Φ(v)‖∞ = ‖f ◦ u− f ◦ v‖∞ ≤ 7

8‖u− v‖∞ ,

et Φ est contractante. Alors, puisqueun = Φ(un−1) ,

la suite (un)n≥2 converge vers le point fixe ℓ de Φ. On a donc

ℓ = Φ(ℓ) ,

et, pour tout x de [ 0, 1 ] ,

ℓ(x) = 1− ℓ(x)2

2.

Mais l’équation

x = 1− x2

2

a comme unique solution dans [ 0, 1 ] le nombre√3− 1. Donc ℓ est la fonction constante

√3− 1.

Chapitre 7

Espaces d’applications (bi)linéaires

Exercice 99

1) Soit (E1, ‖.‖1) et (E2, ‖.‖2) deux espaces normés, et Φ une application bilinéaire de E1×E2 dansun espace normé (F, ‖.‖).Montrer que Φ est continue si et seulement si l’une des deux propriétés suivantes est satisfaite :(i) Φ est continue en (0, 0) ;(ii) il existe une constante K telle que, pour tout couple (A,B) de E1 ×E2,

‖Φ(A,B)‖ ≤ K ‖A‖1‖B‖2 .

2) Montrer que l’on définit une norme sur l’espace B(E1, E2;F ) des applications bilinéaires continuesde E1 × E2 dans F en posant

|||Φ||| = supA 6=0,B 6=0

‖Φ(A,B)‖‖A‖1‖B‖2

.

Solution

1) Si Φ est continue sur E1 × E2, elle est bien sûr continue en (0, 0) et l’on a (i).

Si Φ est continue en (0, 0), alors, il existe r1 et r2 strictement positifs, tels que, ‖U‖1 ≤ r1 et ‖V ‖2 ≤ r2impliquent

‖Φ(U, V )‖ ≤ 1 .

En particulier, si (A,B) appartient à E1 × E2, et si A et B ne sont pas nuls, on pose

U =r1

‖A‖1A et V =

r2‖B‖2

B ,

et l’on obtient deux vecteurs tels que

‖U‖1 = r1 et ‖V ‖2 = r2 ,

138 CHAPITRE 7. ESPACES D’APPLICATIONS (BI)LINÉAIRES

donc‖Φ(U, V )‖ =

r1r2‖A‖1‖B‖2

‖Φ(A,B)‖ ≤ 1 ,

d’où l’on déduit

‖Φ(A,B)‖ ≤ ‖A‖1‖B‖2r1r2

,

ce qui reste vrai si A ou B est nul. On a donc (ii).

Si (ii) est vérifié, alors, en écrivant

Φ(A,B)− Φ(A0, B0) = Φ(A−A0, B) + Φ(A0, B −B0)

= Φ(A−A0, B −B0) + Φ(A−A0, B0) + Φ(A0, B −B0) ,

on majore

‖Φ(A,B)− Φ(A0, B0)‖ ≤ K(‖A−A0‖1‖B −B0‖2 + ‖A−A0‖1‖B0‖2 + ‖A0‖1‖B −B0‖2) .

On en déduit que Φ(A,B) tend vers Φ(A0, B0) lorsque A tend vers A0 et B vers B0. L’applicationbilinéaire Φ est donc continue.

2) Si |||Φ||| est nul, alors Φ(A,B) est nul quels que soient A et B non nuls, ce qui reste vrai si A ou Best nul puisque Φ est bilinéaire. Donc Φ est la forme bilinéaire nulle. Les autre propriétés de la normerésultent de celles de la borne supérieure.

Exercice 100

1) Soit (E1, ‖.‖1) et (E2, ‖.‖2) deux espaces normés de dimension finie, et Φ une application bilinéairede E1 × E2 dans un espace normé (F, ‖.‖). On pose, pour tout A de E1

N(A) = supM 6=0

‖Φ(A,M)‖‖M‖2

+ ‖A‖1 .

Montrer que l’on définit ainsi une norme sur E.

2) Montrer qu’il existe une constante K telle que, quels que soient A et B dans E,

‖Φ(A,B)‖ ≤ K‖A‖1‖B‖2 .

Que déduit-on de l’exercice précédent ?

139

Solution

1) Soit A fixé dans E1. Comme E2 est de dimension finie, l’application linéaire qui à M dans E2 associeΦ(A,M) est continue sur E2. Il existe donc une constante H telle que, pour tout M de E2,

‖Φ(A,M)‖ ≤ H ‖M‖2 ,

ce qui montre que N(A) est fini.

Si N(A) est nul, alors ‖A‖1, donc A, est nul, et l’on vérifie facilement les deux autres propriétés quifont de N une norme.

2) Sur l’espace E1 de dimension finie, les normes N et ‖.‖1 sont équivalente et il existe une constanteR telle que, pour tout A de E1,

N(A) ≤ R‖A‖1 ,d’où l’on déduit

supM 6=0

‖Φ(A,M)‖‖M‖2

≤ (R− 1)‖A‖1 .

Donc, pour tout B de E2, on a‖Φ(A,B)‖

‖B‖2≤ (R− 1)‖A‖1 ,

et en posant K = R− 1‖Φ(A,B)‖ ≤ K‖A‖1‖B‖2 .

D’après l’exercice précédent, cela signifie que Φ est continue. Donc, toute application bilinéaire sur desespaces de dimension finie est continue.

Exercice 101

Soit E un espace vectoriel normé.

1) Montrer que pour tout élément e de E, il existe un élément ϕe de E′ tel que

ϕe(e) = ‖e‖ et ‖ϕe‖ = 1 .

(N.B. Cette question nécessite d’utiliser le théorème de Hahn-Banach).

2) Montrer que E s’envoit isométriquement dans E′′ et L(E,E) dans L(E,E′′).

3) Montrer que les espaces L(E,E′′), L(E′, E′), B(E,E′) sont isométriquement isomorphes.

Solution

Pour simplifier les notations, toutes les normes de ces différents espaces seront notées ‖.‖.

140 CHAPITRE 7. ESPACES D’APPLICATIONS (BI)LINÉAIRES

1) Soit e dans E. Considérons la droite vectorielle F engendrée par e. Soit e′ la forme linéaire sur Ftelle que

e′(e) = ‖e‖ ,et donc, pour tout vecteur u = λe de F , où λ est un nombre réel,

|e′(u)| = |e′(λe)| = |λe′(e)| = |λ| ‖e‖ = ‖λe‖ = ‖u‖ .

donc|e′(u)| ≤ ‖u‖ .

Alors, d’après le théorème de Hahn-Banach, la forme linéaire e′ se prolonge à E tout entier en uneforme linéaire, notée ϕe qui vérifie pour tout u de E l’inégalité

|ϕe(u)| ≤ ‖u‖ .

Donc ϕe appartient à E′ et on a égalité lorsque u = e, ce qui donne

‖ϕe‖ = 1 .

2) E → E′′

L’application linéaire T qui à e dans E associe la forme linéaire T (e) sur E′ définie pour tout élémente′ de E′ par

T (e)(e′) = e′(e)

est une isométrie de E dans E′′. En effet,

|T (e)(e′)| = |e′(e)| ≤ ‖e′‖ ‖e‖ .

Donc T (e) est continue et appartient à E′′. De plus

‖T (e)‖ ≤ ‖e‖ .

Maintenant, en utilisant l’élément ϕe de E′ obtenu dans 1), on a

‖e‖ = |ϕe(e)| = |T (e)(ϕe)| ≤ ‖T (e)‖ ,

et l’on a égalité. En particulier‖T‖ = 1 .

L(E,E) → L(E,E′′)

Soit ℓ dans L(E,E). On définit une application linéaire continue ℓ de E dans E′′ en posant,

ℓ = T ◦ ℓ .

C’est-à-dire, si e est dans E et e′ dans E′,

ℓ(e)(e′) = e′(ℓ(e)) .

141

Alors

‖ℓ‖ ≤ ‖T‖ ‖ℓ‖ = ‖ℓ‖ .Pour obtenir l’inégalité inverse, supposons ℓ non nul dans L(E,E) et soit ε tel que 0 < ε < ‖ℓ‖. Puisque‖ℓ‖ est la borne supérieure des nombres ‖ℓ(e)‖ lorsque e est de norme inférieure à 1, il existe e dans Etel que

‖e‖ ≤ 1 et 0 < ‖ℓ(e)‖ ≤ ‖ℓ‖ ≤ ‖ℓ(e)‖ + ε .

Si e′ est la forme linéaire ϕℓ(e) obtenue dans 1), on a alors

‖ℓ‖ ≤ ‖ℓ(e)‖ + ε ≤ |e′(ℓ(e))| + ε = |ℓ(e)(e′)|+ ε ≤ ‖ℓ‖ ‖e‖ ‖e′‖+ ε ≤ ‖ℓ‖+ ε ,

et en faisant tendre ε vers 0, on en tire

‖ℓ‖ ≤ ‖ℓ‖ ,d’où l’égalité.

3) L(E,E′′) ↔ L(E′, E′)

Soit ℓ dans L(E,E′′) et ℓ l’application linéaire de E′ dans E′ telle que, pour tout e de E et e′ de E′,on ait

ℓ(e′)(e) = ℓ(e)(e′) .

Alors

|ℓ(e′)(e)| = |ℓ(e)(e′)| ≤ ‖ℓ‖ ‖e‖ ‖e′‖ .On en déduit, pour tout e′ dans E′,

‖ℓ(e′)‖ ≤ ‖ℓ‖ ‖e′‖ .Donc ℓ est continue et appartient à L(E′, E′). De plus

‖ℓ ‖ ≤ ‖ℓ‖ .

Réciproquement, soit λ dans L(E′, E′) et λ l’application linéaire de E dans E′′ telle que, pour tout ede E et tout e′ de E′, on ait

λ(e)(e′) = λ(e′)(e) .

Alors

|λ(e)(e′)| = |λ(e′)(e)| ≤ ‖λ‖ ‖e‖ ‖e′‖ .On en déduit, pour tout e dans E,

‖λ(e)‖ ≤ ‖λ‖ ‖e‖ .Donc λ est continue et appartient à L(E,E′′). De plus

‖λ‖ ≤ ‖λ‖ .

Par ailleurs, quels que soient e dans E et e′ dans E′, on a

˜λ(e′)(e) = λ(e)(e′) = λ(e′)(e) ,

142 CHAPITRE 7. ESPACES D’APPLICATIONS (BI)LINÉAIRES

donc˜λ = λ .

De même,ℓ(e)(e′) = ℓ(e′)(e) = ℓ(e)(e′) ,

doncℓ = ℓ .

Il en résulte que l’application linéaire de L(E,E′′) dans L(E′, E′) qui à ℓ associe ℓ est bijective. Alors

‖ℓ‖ = ‖ℓ ‖ ≤ ‖ℓ‖ ≤ ‖ℓ‖ ,

d’où l’égalité‖ℓ ‖ = ‖ℓ‖ ,

On a bien une isométrie.

L(E′, E′) ↔ B(E,E′)

Soit ℓ dans L(E′, E′) et ℓ la forme bilinéaire définie sur E×E′ quels que soient e dans E et e′ dans E′

parℓ(e, e′) = ℓ(e′)(e) .

On a,|ℓ(e, e′)| = |ℓ(e′)(e)| ≤ ‖ℓ‖ ‖e′‖ ‖e‖ .

Donc ℓ est continue et appartient à B(E,E′). (Voir ex. 99). De plus

‖ℓ‖ ≤ ‖ℓ‖ .

Réciproquement, si b est dans B(E,E′) et b est l’application linéaire de E′ dans E′ telle que, quels quesoient e dans E et e′ dans E′,

b(e′)(e) = b(e, e′) ,

on a|b(e′)(e)| = |b(e, e′)| ≤ ‖b‖ ‖e‖ ‖e′‖ ,

puis, pour tout e′ de E′,‖b(e′)‖ ≤ ‖b‖ ‖e′‖ .

Donc b est continue et appartient à L(E′, E′). De plus

‖b ‖ ≤ ‖b‖ .

Par ailleurs, quels que soient e dans E et e′ dans E′, on a

b(e, e′) = b(e′)(e) = b(e, e′) ,

doncb = b .

143

De mème

ℓ(e′)(e) = ℓ(e, e′) = ℓ(e′)(e) ,

donc

ℓ = ℓ .

Il en résulte que l’application linéaire de L(E′, E′) dans B(E,E′) qui à ℓ associe ℓ est bijective. Alors

‖ℓ‖ = ‖ ℓ ‖ ≤ ‖ℓ‖ ≤ ‖ℓ‖ ,

d’où l’égalité‖ℓ ‖ = ‖ℓ‖ .

On a bien de nouveau une isométrie.

Exercice 102

Soit E et F deux espaces normés, ϕ une application linéaire de E dans F non nulle. On supposequ’il existe une application k de E dans R+, bornée sur la boule unité de E, et un nombre réel αtels que, pour tout x de E,

(1) ‖ϕ(x)‖ ≤ k(x)‖x‖α .

1) Montrer que ϕ est continue, que α ≤ 1 et que

|||ϕ||| ≤ sup‖x‖=1

k(x) .

2) Montrer que si de plus k est homogène de puissance β, alors β = 1− α.

3) Montrer que pour toute application linéaire continue ϕ de E dans F et tout nombre α ≤ 1, ilexiste une fonction k de E dans R+, homogène de puissance 1− α, bornée sur la boule unité, telleque, pour tout x de E, on ait (1).

Solution

1) Si y est non nul, on applique l’inégalité (1) à y/‖y‖. Alors

‖ϕ(y)‖‖y‖ = ϕ

(y

‖y‖

)≤ k

(y

‖y‖

)≤ sup

‖x‖=1k(x) ,

d’où‖ϕ(y)‖ ≤ ‖y‖ sup

‖x‖=1k(x) ,

ce qui prouve que ϕ est continue et que

|||ϕ||| ≤ sup‖x‖=1

k(x) .

144 CHAPITRE 7. ESPACES D’APPLICATIONS (BI)LINÉAIRES

Soit u de norme 1 et λ dans ] 0, 1 [ . Alors λx appartient à B(0, 1) et

|λ| ‖ϕ(u)‖ = ‖ϕ(λu)‖ ≤ k(λu)λα .

d’où

‖ϕ(u)‖ ≤ k(λu)λα−1 ≤ λα−1 sup‖x‖≤1

k(x) .

Si l’on avait α > 1, en faisant tendre λ vers 0 le membre de droite tendrait vers zéro et l’on trouveraitque ϕ(u) est nul pour tout u de norme 1. Alors, pour tout x non nul,

‖ϕ(x)‖ = ‖x‖ϕ(

x

‖x‖

)= 0 ,

donc ϕ = 0, d’où une contradiction. Il en résulte que α ≤ 1.

2) Si k est homogène de puissance β, soit x un vecteur de E et λ un nombre réel strictement positif.Alors,

λ ‖ϕ(x)‖ = ‖ϕ(λx)‖ ≤ k(λx)‖λx‖α = λα+βk(x)‖x‖α ,

d’où

‖ϕ(x)‖ ≤ λα+β−1k(x)‖x‖α .

En faisant tendre λ vers 0 si α + β − 1 > 0 et vers l’infini si α + β − 1 < 0 le membre de droite tendvers zéro et l’on trouve que ϕ(x) est nul pour tout x de E ce qui n’est pas possible. C’est donc que

β = 1− α .

3) Si x est non nul, posons

k(x) =‖ϕ(x)‖‖x‖α ,

ainsi que k(0) = 0. Pour tout x de E, on a donc

‖ϕ(x)‖ = k(x)‖x‖α .

Alors, si λ est strictement positif et x non nul,

k(λx) =‖ϕ(λx)|‖‖λx‖α =

λ‖ϕ(x)|‖λα‖x‖α = λ1−αk(x) ,

ce qui montre que k est homogène de puissance 1− α.

Par ailleurs

sup‖x‖=1

k(x) = sup‖x‖=1

‖ϕ(x)‖ = |||ϕ||| .

145

Exercice 103

Soit E un espace vectoriel normé de dimension finie n et (e1, . . . , en) une base de E. Si (x1, . . . , xn)sont les coordonnées de x dans cette base, on définit les normes sur E

‖x‖∞ = max1≤i≤n

|xi| et ‖x‖p =(

n∑

i=1

|xi|p)1/p

(p ∈ [ 1, ∞ [ ) .

Soit f une forme linéaire sur E. On note |||f |||p la norme de f , comme application de (E, ‖.‖p) dans(R, |.|) et l’on pose

F =n∑

k=1

f(ei)ei .

Soit p dans [ 1, ∞ ] . Montrer que|||f |||p = ‖F‖q ,

où 1/p + 1/q = 1.

Solution

On a, d’après l’inégalité de Hölder,

|f(x)| =∣∣∣∣∣

n∑

i=1

xif(ei)

∣∣∣∣∣ ≤ ‖x‖p‖F‖q ,

où 1/p+ 1/q = 1. Alors, pour montrer que

|||f |||p = ‖F‖q

il suffit de trouver un vecteur e =n∑

i=1

xiei réalisant l’égalité.

p = 1 , q = ∞

Soit ej tel que|f(ej)| = max

1≤i≤n|f(ei)| .

On pose

xi =

{0 si i 6= j

sign f(ej) si i = j.

Alors,

‖x‖1 =n∑

i=1

|xi| = 1 et |f(x)| = |f(ej)| = max1≤i≤n

|f(ei)| = ‖F‖∞ ,

donc|||f |||1 = ‖F‖∞ .

146 CHAPITRE 7. ESPACES D’APPLICATIONS (BI)LINÉAIRES

p = ∞ , q = 1

Pour i compris entre 1 et n, on posexi = sign f(ei) .

Alors

‖x‖∞ = 1 et |f(x)| =n∑

i=1

|f(ei)| = ‖F‖1 ,

donc|||f |||∞ = ‖F‖1 .

1 < p < ∞ , 1 < q < ∞

Pour i compris entre 1 et n, on pose cette fois

xi = (sign f(ei)) |f(ei)|q/p .

Alors

‖x‖p =

(n∑

i=1

|xi|p)1/p

=

(n∑

i=1

|f(ei)|q)1/p

= ‖F‖q/pq ,

et

|f(x)| =n∑

i=1

|f(ei)| |f(ei)|q/p =n∑

i=1

|f(ei)|q = ‖F‖qq ,

donc‖x‖p‖F‖q = ‖F‖q/pq ‖F‖q = ‖F‖qq = |f(x)| ,

et de nouveau|||f |||p = ‖F‖q .

Exercice 104

Soit E un espace vectoriel normé complet et A dans l’espace L(E) des applications linéaires continuesde E dans E.

1) Montrer que la série de terme général An/n! converge. On note expA sa somme. Montrer que

|||expA||| ≤ exp |||A||| ,

et que, si A et B commutent, on a

exp(A+B) = expA ◦ expB .

2) Montrer que si |||A||| < 1 alors Id−A est inversible et que la série de terme général An convergevers (Id−A)−1.

147

Solution

1) On sait que l’espace L(E) est complet pour la norme d’opérateur et que

(AN) |||A ◦B||| ≤ |||A||| |||B||| et |||Id||| = 1 .

Il en résulte que, pour tout entier naturel n,

|||An|||n!

≤ |||A|||nn!

.

Comme la série de terme général |||A|||n/n! converge dans R, alors la série de terme général An/n!converge normalement dans L(E), et, puisque l’espace L(E) est complet, on en déduit qu’elle converge.On a alors

|||n∑

k=0

An

n!||| ≤

n∑

k=0

|||An|||n!

≤n∑

k=0

|||A|||nn!

,

et par passage à la limite|||expA||| ≤ exp |||A||| .

Considérons la famille

(An

n!◦ Bm

m!

)

(n,m)∈N2

. Cette famille est normalement sommable puisque

|||An

n!◦ Bm

m!||| ≤ |||A|||n

n!

|||B|||mm!

,

et que la famille

( |||A|||nn!

|||B|||mm!

)

(n,m)∈N2

est sommable de somme exp |||A||| exp |||B|||.

Alors∞∑

n=0

∞∑

m=0

An

n!◦ Bm

m!=

∞∑

n=0

An

n!◦( ∞∑

m=0

Bm

m!

)=

∞∑

n=0

An

n!◦ expB = expA ◦ expB .

On peut également sommer sur les diagonales, donc

∞∑

n=0

∞∑

m=0

An

n!◦ Bm

m!=

∞∑

n=0

i+j=n

Ai ◦Bj

i! j!=

∞∑

n=0

1

n!

i+j=n

(n

i

)Ai ◦Bj ,

Or, si A et B commutent, on peut utiliser la formule du binôme

i+j=n

(n

i

)Ai ◦Bj = (A+B)n .

Donc ∞∑

n=0

∞∑

m=0

An

n!◦ Bm

m!=

∞∑

n=0

i+j=n

Ai ◦Bj

i! j!=

∞∑

n=0

(A+B)n

n!= exp(A+B) .

2) Puisque|||An||| ≤ |||A|||n ,

148 CHAPITRE 7. ESPACES D’APPLICATIONS (BI)LINÉAIRES

la série de terme général An converge normalement dans L(E) lorsque |||A||| < 1. Alors

(Id−A)

n∑

k=0

Ak =

n∑

k=0

(Ak −Ak+1) = Id−An+1 .

Comme la suite (An) converge vers 0, on en déduit

(Id−A)

∞∑

n=0

An = Id .

Donc Id−A est inversible et son inverse vaut

(Id−A)−1 =∞∑

n=0

An .

Remarque : ce qui précède reste vrai si l’on remplace L(E) par une algèbre normée complète, munied’une norme vérifiant les relations (AN).

Chapitre 8

Espaces de matrices

Exercice 105

1) Soit K = R ou C. Soit E l’espace vectoriel Mn(K) des matrices carrées d’ordre n à coefficientsdans K muni d’une norme N . Montrer qu’il existe une constante K telle que, quels que soient A etB dans E,

N(AB) ≤ KN(A)N(B) .

2) On pose

N ′(A) = supM 6=0

N(MA)

N(M).

Montrer que N ′ est une norme sur E vérifiant, quelles que soient A et B dans E

N ′(AB) ≤ N ′(A)N ′(B) et N ′(I) = 1 .

3) En identifiant E à Kn2

on place sur E une des normes définie par

N1(A) =∑

ij

|aij | et N∞(A) = maxij

|aij | ,

où A = [aij ]. Montrer que

N ′1(A) = max

i

j

|aij | et N ′∞(A) = max

j

i

|aij | .

Solution

1) L’application de E2 dans E qui à (A,B) associe AB est une forme bilinéaire. D’après l’exercice 100il existe K tel que

N(AB) ≤ KN(A)N(B) .

2) Si N ′(A) est nul, alors N(MA) donc MA est nul quel que soit M non nul. En particulier si M = I,

150 CHAPITRE 8. ESPACES DE MATRICES

on trouve que A est nulle et l’on vérifie facilement les deux autres propriétés qui font de N ′ une norme.

Quels que soient M et A dans E, il résulte de la définition de N ′ que l’on a

N(MA) ≤ N(M)N ′(A) .

Alors

N(MAB) ≤ N(MA)N ′(B) ≤ N(M)N ′(A)N ′(B) ,

donc

N ′(AB) = supM 6=0

N(MAB)

N(M)≤ N ′(A)N ′(B) .

Par ailleurs, si A = I, la définition donne immédiatement

N ′(A) = 1 .

Remarque : on obtient une autre norme N ′′, vérifiant les mêmes propriétés, en remplaçant MA parAM dans la définition.

3) Norme N1

On a

N1(MA) =∑

i,j

∣∣∑

k

mikakj∣∣ ≤

i,j

k

|mik| |akj | .

Alors

N1(MA) ≤∑

i

k

(|mik|

j

|akj |)≤∑

i

k

(|mik| max

j

|aℓj|),

et donc

N1(MA) ≤(max

j

|aℓj |) ∑

i,k

|mik| =(max

j

|aℓj|)N1(M) .

On en déduit que

N ′1(A) ≤ max

j

|aℓj | .

Si le maximum de∑

j

|aℓj| est atteint pour ℓ0, soit alors M la matrice telle que, quel que soit i,

miℓ0 = 1 ,

les autres termes étant nuls. Alors ∑

k

mikakj = aℓ0j .

Donc

N1(MA) =∑

i,j

|aℓ0j | = n∑

j

|aℓ0j | = nmaxℓ

j

|aℓj | .

151

D’autre part N1(M) vaut n, et finalement

N1(MA) = N1(M) maxk

j

|akj | .

Il en résulte que

N ′1(A) = max

k

j

|akj| .

Norme N∞

On aN∞(MA) = max

i,j

∣∣∣∑

k

mikakj

∣∣∣ ≤ maxi,j

k

|mik| |akj| ≤ maxi,j

k

(max

ℓ|miℓ|

)|akj| ,

doncN∞(MA) ≤

(maxiℓ

|miℓ|)(

maxj

k

|akj |)= N∞(M) max

j

k

|akj| .

Notons εkj un nombre de K de module 1 tel que

εkjakj = |akj| .

Si le maximum de∑

k

|akj | est atteint pour j0, soit alors M la matrice telle que, quel que soit j, le

coefficient mj0j soit égal à εjj0 , les autres étant nuls. Alors

k

mj0kakj =∑

k

εkj0akj .

On obtient ∑

k

mj0kakj0 =∑

k

εkj0akj0 =∑

k

|akj0 | ,

et, si j 6= j0, ∣∣∣∑

k

mj0kakj

∣∣∣ ≤∑

k

|εkj0akj| =∑

k

|akj| ,

et les autres coefficients de MA sont nuls. On a donc

‖MA‖∞ =∑

k

|akj0 | ,

Par ailleurs‖M‖∞ = 1 ,

ce qui donne finalement

‖MA‖∞ = ‖M‖∞ maxj

k

|akj| ,

et doncN ′

∞(A) = maxj

k

|akj | .

152 CHAPITRE 8. ESPACES DE MATRICES

Exercice 106

Soit K = R ou C. On place sur Kn les normes 1, 2 ou ∞. Soit E l’espace vectoriel Mn(K) desmatrices carrées d’ordre n à coefficients dans K. On note |||A|||i la norme de l’application linéaire deE dans lui même de matrice A dans la base canonique. Si A = [aij ], montrer que

1) |||A|||1 = maxj

i

|aij |

2) |||A|||∞ = |||A∗|||1 = maxi

j

|aij |

3) |||A|||2 = |||A∗|||2 =√

|||A∗A|||2 =√Λ = |||SAS−1|||2

où Λ est la plus grande valeur propre de A∗A et S une matrice unitaire quelconque.

Solution

Dans ce qui suit, on notera X un vecteur de Kn de coordonnées xk dans la base canonique (E1, . . . , En).

Par définition, on a

|||A|||i = sup‖X‖i≤1

‖AX‖i .

1) Norme 1

On a

‖AX‖1 =∑

i

∣∣∣∑

j

aijxj

∣∣∣ ≤∑

i

j

|aij | |xj | ,

et en permutant les sommations

‖AX‖1 ≤∑

j

(∑

i

|aij |)|xj | ≤

j

(maxk

i

|aik|)|xj| =

(maxk

i

|aik|) ∑

j

|xj| .

On en déduit que

‖AX‖1 ≤ maxj

i

|aij | ‖X‖1 ,

et donc

|||A|||1 ≤ maxj

i

|aij | .

Si l’on prend pour X le vecteur de base Ej , qui est de norme 1, le vecteur AEi a pour coordonnées(a1j , . . . , anj) et

‖AEj‖1 =∑

i

|aij | .

153

Alors il existe un des vecteurs de base Ej0 pour lequel

‖AEj0‖1 = maxj

i

|aij | ,

et l’on a donc|||A|||1 = max

j

i

|aij | .

2) Norme ∞

On a ici‖AX‖∞ = max

i

∣∣∣∑

j

aijxj

∣∣∣ ≤ maxi

j

|aij | |xj | ,

et, en majorant |xi| par ‖X‖∞, on obtient

‖AX‖∞ ≤ ‖X‖∞ maxi

j

|aij | .

Si le maximum précédent est atteint pour i0, notons εj un nombre de K de module 1, tel que

εjai0j = |ai0j | ,

et soitE =

j

εjEj .

C’est un vecteur dont la norme infinie vaut 1, et l’on a

∣∣∣∑

j

ai0jεj

∣∣∣ =∑

j

|ai0j|

puis ∣∣∣∑

j

aijεj

∣∣∣ ≤∑

j

|aij | ≤ maxi

j

|aij | =∑

j

|ai0j| ,

donc‖AE‖∞ = max

i

j

|aij | ,

et finalement|||A|||∞ = max

i

j

|aij | .

On remarque pour finir que l’on passe de |||A|||1 à |||A|||∞ en inversant les rôle des lignes et des colonnes,et donc

|||A|||∞ = |||A∗|||1 .

154 CHAPITRE 8. ESPACES DE MATRICES

3) Norme 2

Si l’on note (X|Y ) le produit scalaire de deux vecteurs de Kn, on a donc

‖AX‖22 = (AX|AX) = (A∗AX|X) .

Si λ est une valeur propre de la matrice autoadjointe A∗A et X un vecteur propre associé, on a alors

‖AX‖22 = (A∗AX‖X) = λ ‖X‖22 ,

et il en résulte que λ est un nombre réel strictement positif.

En diagonalisant la matrice dans une base orthonormée de vecteurs propres, on obtient

(A∗AX|X) =∑

i

λi x2i ,

où les nombres xi sont les coordonnées de X dans la base orthonormée. Alors

‖AX‖22 ≤ (maxi

λi) ‖X‖22 = Λ ‖X‖22 ,

avec égalité pour un vecteur propre associé à Λ. Il en résulte que

|||A|||2 =√Λ .

Comme A∗A et AA∗ ont les mêmes valeurs propres, on a aussi

|||A|||2 = |||A∗|||2 .

Maintenant, si B est autoadjointe, alors B∗B = B2 et les valeurs propres de B2 sont les carrés desvaleurs propres µi de B. Alors

|||B|||2 = maxi

õ2i = max

i|µi|

En particulier, puisque A∗A est autoadjointe,

|||A∗A|||2 = Λ ,

donc|||A|||2 =

√|||A∗A|||2 .

Pour finir, si S−1 = S∗, alors la matrice

(SAS−1)∗(SAS−1) = S(A∗A)S−1

a les mêmes valeurs propres que A∗A, et donc

|||A|||2 = |||SAS−1|||2 .

155

Exercice 107 Norme de Hilbert-Schmidt

Soit K = R ou C et E l’espace vectoriel des matrices carrées d’ordre n à coefficients dans K.

1) Montrer que l’on définit une norme sur E en posant

‖A‖HS =√

tr(AA∗) ,

et que, pour tout couple (A,B) de matrices de E, on a

‖AB‖HS ≤ ‖A‖HS ‖B‖HS .

2) Comparer cette norme aux normes |||.|||1, |||.|||2 et |||.|||∞ définies dans l’exercice précédent.

Solution

1) La matrice AA∗ est une matrice autoadjointe de valeurs propres positives. Alors tr(AA∗) est lasomme des valeurs propres de cette matrice et est donc positive. Si l’on note aij les coefficients de lamatrice, on constate que les coefficients diagonaux de AA∗ valent

dii =∑

k

aikaik =∑

k

|aik|2 ,

donctr(AA∗) =

i

dii =∑

ik

|aik|2 .

Alors, si l’on identifie E avec l’espace Kn2

, la norme ‖.‖HS n’est autre que la norme ‖.‖2.

Soit maintenant deux matrices A = [aij ] et B = [bij ] de E. Le produit AB a pour coefficients

cij =∑

k

aikbkj ,

et d’après l’inégalité de Schwarz

|cij |2 ≤(∑

k

|aik|2)(

k

|bkj|2)

,

donc

‖AB‖2HS ≤∑

ij

(∑

k

|aik|2)(

k

|bkj |2)

≤ ‖A‖HS ‖B‖HS .

Remarque : ‖A‖HS = ‖A∗‖HS .

156 CHAPITRE 8. ESPACES DE MATRICES

2) Norme |||.|||1

En utilisant l’inégalité de Schwarz

|||A|||1 = maxj

i

|aij | ≤ maxj

√n

(∑

i

|aij|2)1/2

≤ √n ‖A‖HS .

L’égalité a lieu pour la matrice dont tous les éléments de la première colonne valent 1 alors que lesautres sont nuls, car

|||A|||1 = n et ‖A‖HS =√n .

D’autre part

‖A‖HS =

j

(∑

i

|aij |2)

1/2

j

|||A|||21

1/2

=√n |||A|||1 .

L’égalité a lieu pour la matrice I car

‖I‖HS =√n et |||I|||1 = 1 .

Finalement1√n‖A‖HS ≤ |||A|||1 ≤

√n ‖A‖HS .

Norme |||.|||∞

Comme on a‖A‖HS = ‖A∗‖HS ,

et, d’après l’exercice précédent,|||A|||∞ = |||A∗|||1 ,

on obtient le même encadrement

1√n‖A‖HS ≤ |||A|||∞ ≤ √

n ‖A‖HS .

Norme |||.|||2

Le nombre |||A|||22 est une valeur propre de A∗A donc inférieure à la somme des valeurs propres (toutespositives). Donc

|||A|||22 ≤ tr(A∗A) = ‖A‖2HS .

L’égalité a lieu pour la matrice A dont tous les éléments sont nuls sauf a11 qui vaut 1 car dans ce cas,

|||A|||2 = ‖A‖HS = 1 .

Par ailleurs la somme des valeurs propres se majore par n fois la plus grande et donc

‖A‖2HS ≤ n|||A|||22 .

157

L’égalité a lieu pour la matrice I car

|||I|||2 = 1 et ‖I‖HS =√n .

On a donc|||A|||2 ≤ ‖A‖HS ≤ √

n |||A|||2 .

Exercice 108

Dans l’espace Mn(K) des matrices carrées d’ordre n à coefficients dans K = R ou C, trouver lanorme de l’application linéaire tr qui à une matrice associe sa trace, selon les normes définies dansun des exercices précédents.

Solution

On part dans tous les cas de l’inégalité

| trA| =∣∣∣∑

i

aii

∣∣∣ ≤∑

i

|aii| .

‖A‖ =∑

ij

|aij |

On a alors| trA| ≤ ‖A‖

avec égalité si A = I puisque| tr I | = ‖I‖ = n .

Donc|||tr||| = 1 .

‖A‖ = maxij

|aij |

On a cette fois| trA| ≤ n ‖A‖

avec égalité si A = I puisque| tr I | = n et ‖I‖ = 1 .

Donc|||tr||| = n .

158 CHAPITRE 8. ESPACES DE MATRICES

‖A‖ = maxi

j

|aij |

On a de nouveau| trA| ≤ n ‖A‖

avec égalité si A = I puisque| tr I | = n et ‖I‖ = 1 .

Donc|||tr||| = n .

‖A‖ = maxj

i

|aij |

Le résultat est le même que pour la norme précédente en prenant la transposée qui ne change pas latrace et fait passer d’une norme à l’autre.

‖A‖ =√tr(A∗A) =

√∑

ij

|aij |2

En utilisant l’inégalité de Schwarz

| trA| ≤ √n

√∑

i

|a2ii| ≤√n ‖A‖ ,

avec égalité si A = I puisque| tr I | = n et ‖I‖ =

√n .

Donc|||tr||| = √

n .

‖A‖ =√Λ où Λ est la plus grande valeur propre de A∗A

Comme la somme des valeurs propres de A∗A est inférieure à n fois la plus grande, on a donc√

tr (A∗A) ≤ √n ‖A‖ .

Alors, d’après ce qui précède,| trA| ≤ √

n√

tr (A∗A) ≤ n ‖A‖ ,avec égalité si A = I puisque

| tr I | = n et ‖I‖ = 1 .

Donc|||tr||| = n .

159

Exercice 109

Soit K = R ou C. Soit E l’espace vectoriel Mn(K) des matrices carrées d’ordre n à coefficients dansK muni de la norme N définie par

N(A) =∑

i

maxj

|aij | .

Déterminer

N ′(A) = supM 6=0

N(MA)

N(M).

Solution

On a

N(MA) =∑

i

maxj

∣∣∣∑

k

mikakj

∣∣∣ ≤∑

i

maxj

(∑

k

|mik| |akj |)≤∑

i

maxj

(∑

k

maxℓ

|miℓ| |akj|),

puis

N(MA) ≤∑

i

(max

ℓ|miℓ|max

j

k

|akj|)=(∑

i

maxℓ

|miℓ|)(

maxj

k

|akj |)= N(M) max

j

k

|akj| .

Donc

N ′(A) ≤ maxj

k

|akj| .

Notons εkj un nombre de K de module 1 tel que

εkjakj = |akj| ,

et soit j0 tel que

maxj

k

|akj | =∑

k

|akj0 | .

Pour tout k, posons alors

mik =

{εkj0 si i = j00 sinon

.

La somme∑

k

mikakj est nulle si i est distinct de j0. Dans le cas contraire

∣∣∣∑

k

mj0kakj

∣∣∣ ≤∑

k

|mj0k| |akj | =∑

k

|akj | ≤∑

k

|akj0 | ,

et si j = j0 ∣∣∣∑

k

mj0kakj

∣∣∣ =∣∣∣∑

k

εkj0akj0

∣∣∣ =∑

k

|akj0 | .

160 CHAPITRE 8. ESPACES DE MATRICES

Donc

maxj

∣∣∣∑

k

mj0kakj

∣∣∣ =∑

k

|akj0 | ,

puis

N(MA) =∑

i

maxj

∣∣∣∑

k

mikakj

∣∣∣ = maxj

∣∣∣∑

k

mj0kakj

∣∣∣ =∑

k

|akj0 | = maxj

k

|akj| .

On obtient finalement

N ′(A) = maxj

k

|akj | .

Exercice 110

Soit K = R ou C. Soit E l’espace vectoriel Mn(K) des matrices carrées d’ordre n à coefficients dansK muni de la norme N définie par

N(A) = maxj

i

|ai,i+j| ,

où dans cette somme les indices sont considérés modulo n.

Déterminer

N ′(A) = supM 6=0

N(MA)

N(M),

et comparer les normes N et N ′.

Solution

Explicitons les sommations : on aura

i

|ai,i+j | = |a1,1+j |+ · · · + |an−j,n|+ |an−j+1,1|+ · · ·+ |an,j| .

(On somme sur les "diagonales".)

Le fait de considérer les indices modulo n permet de faire des changements d’indices sans se préocupperdes bornes de sommation.

On a donc

N(MA) = maxj

i

∣∣∣∑

k

mi,kak,i+j

∣∣∣ ≤ maxj

i

k

|mi,k| |ak,i+j | .

Etudions la somme

αj =∑

i

k

|mi,k| |ak,i+j| .

161

En posant k = i+ s, on a encore

αj =∑

i

s

|mi,i+s| |ai+s,i+j | =∑

s

i

|mi,i+s| |ai+s,i+j| .

On obtient

αj ≤∑

s

i

(|mi,i+s| max

ℓ|aℓ+s,ℓ+j|

)=∑

s

(max

ℓ|aℓ+s,ℓ+j|

i

|mi,i+s|).

Mais ∑

i

|mi,i+s| ≤ N(M) ,

donc

αj ≤ N(M)∑

s

maxℓ

|aℓ+s,ℓ+j| .

Alors si l’on pose u = ℓ+ s, on obtient

αj = N(M)∑

s

maxu

|au,u−s+j| .

Puis en posant t = j − s,

αj = N(M)∑

t

maxu

|au,u+t| .

On constate que la majoration ne dépend pas de j. Finalement

N(MA) ≤ supj

αj = N(M)∑

t

maxu

|au,u+t| ,

et donc

N ′(A) ≤∑

j

maxi

|ai,i+j | ,

Maintenant, pour tout indice j de colonne, notons ij l’indice de ligne tel que

maxi

|ai,i+j| = |aij ,ij+j| .

et soit T l’ensemble des couples (ij + j, ij). Notons εkj un nombre de K de module 1 tel que

εkjakj = |akj| .

Posons

muv =

{εvu si (u, v) ∈ T0 sinon

.

Dans chaque "diagonale" il existe un élément non nul de M et un seul et cet élément est de module 1,donc N(M) vaut 1.

162 CHAPITRE 8. ESPACES DE MATRICES

Notons cij les coefficients de MA. On a tout d’abord

i

|cii| =∑

i

∣∣∣∑

k

mikaki

∣∣∣ .

Mais dans cette somme les seules termes non nuls sont obtenus lorsque (i, k) appartient à T , et onobtient alors ∑

i

|cii| =∑

j

|aij ,ij+j| =∑

j

maxi

|ai,i+j | .

Par ailleurs ∑

i

|ci,i+j| =∑

i

∣∣∣∑

k

mi,kak,i+j

∣∣∣ ≤∑

i

k

|mi,k| |ak,i+j| .

De nouveau, en gardant uniquement les termes non nuls obtenus lorsque (i, k) appartient à T dans lasomme de droite ∑

i

|ci,i+j | ≤∑

s

|ais,is+s+j| ≤∑

s

maxu

|au,u+s+j| .

Enfin, en posant v = s+ j, ∑

i

|ci,i+j| ≤∑

v

maxu

|au,u+v| .

FinalementN(MA) = max

j

i

|ci,i+j | =∑

v

maxu

|au,u+v| = N ′(A) ,

et doncN ′(A) =

j

maxi

|ai,i+j | .

Par constructionN(AM) ≤ N ′(A)N(M) et N ′(I) = 1 ,

donc, si M = I,N(A) ≤ N ′(A)N(I) ,

avec égalité si A = I. Comme N(I) vaut 1, on a donc

N(A) ≤ N ′(A) .

En partant de

maxi

|aij | ≤∑

i

|aij| ≤ maxj

i

|aij | = N(A) ,

on en déduitN ′(A) =

j

maxi

|aij | ≤ nN(A) .

Et l’on a égalité en prenant la matrice A telle que ai1 = 1 pour tout i, les autres termes étant nuls, car

N ′(A) = n et N(A) = 1 .