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Échographie cardiaque et remplissage vasculaire 16 II Laurent Muller - Jean-Yves Lefrant L’absence d’influence sur la mortalité du cathéter artériel pulmonaire (CAP) après 30 ans d’utilisation (1) et la mauvaise performance des pressions intravasculaires pour prédire la réponse au remplissage (2, 3) ont ouvert la voie à de nouveaux outils d’évaluation hémodynamique en réanimation. Plus de 250 études, dont la moitié publiée entre 2000 et 2006, montrent l’intérêt de l’échocardiographie dans ce contexte (4). L’échoDoppler cardiaque permet l’évaluation des pressions de remplissage (paramètres statiques), en cardiologie (5) comme en réanimation (6-9). L’enregistrement de paramètres dynamiques de précharge, basés sur la variabilité respiratoire de paramètres échographiques et Doppler est également possible (10-13). Si l’échographie transœsophagienne (ETO) a une qualité d’image supérieure à l’échographie transthoracique (ETT), les impératifs de décontamination des sondes et l’usage délicat voire impossible de l’ETO chez le patient non ventilé limitent son utilisation pluriquotidienne en réanimation polyvalente. Les progrès technologiques ont permis une amélioration sensible de la qualité des images en ETT avec une échogénicité correcte chez plus de 90 % des patients (14). Au-delà de l’évaluation de la volémie, l’échocardiographie facilite le diagnostic de défaillance ventriculaire gauche ou droite (15, 16). Près de 40 % des patients admis en réanimation ont une anomalie cardiaque échographique significative. Cette anomalie est ignorée par la clinique dans plus de 75 % des cas (17). L’ETT permet d’exclure ou d’affirmer l’origine cardiogénique d’un état de choc avec une sensibilité, une spécificité, une valeur prédictive négative et positive de 100 %, 95 %, 97 % et 100 %, respectivement (14). Devant un patient présentant une insuffisance circulatoire aiguë, la force de l’échocardiographie est de permettre le diagnostic rapide et non invasif d’hypovolémie mais également son diagnostic différentiel : défaillance ventriculaire droite ou gauche, tamponnade, complication mécanique. Niveaux de compétence en échocardiographie Compte tenu de sa simplicité de mise en œuvre et de son innocuité, l’ETT constitue le moyen idéal de se former à l’échographie cardiaque en réanimation. Chez les patients instables, la nécessité d’obtenir des réponses cliniques rapides et répétées rend difficile voire impossible l’intervention systématique d’un cardiologue (18).

II Échographie cardiaque et remplissage vasculaire · paramètres échographiques et Doppler est également possible (10-13). Si l’échographie transœsophagienne (ETO) a une qualité

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Échographie cardiaqueet remplissage vasculaire

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II

Laurent Muller - Jean-Yves Lefrant

L’absence d’influence sur la mortalité du cathéter artériel pulmonaire (CAP) après 30 ansd’utilisation (1) et la mauvaise performance des pressions intravasculaires pour prédirela réponse au remplissage (2, 3) ont ouvert la voie à de nouveaux outils d’évaluationhémodynamique en réanimation. Plus de 250 études, dont la moitié publiée entre 2000et 2006, montrent l’intérêt de l’échocardiographie dans ce contexte (4). L’échoDoppler cardiaque permet l’évaluation des pressions de remplissage (paramètresstatiques), en cardiologie (5) comme en réanimation (6-9). L’enregistrement deparamètres dynamiques de précharge, basés sur la variabilité respiratoire deparamètres échographiques et Doppler est également possible (10-13). Sil’échographie transœsophagienne (ETO) a une qualité d’image supérieure àl’échographie transthoracique (ETT), les impératifs de décontamination des sondeset l’usage délicat voire impossible de l’ETO chez le patient non ventilé limitent sonutilisation pluriquotidienne en réanimation polyvalente. Les progrès technologiques ont permis une amélioration sensible de la qualité desimages en ETT avec une échogénicité correcte chez plus de 90 % des patients (14).Au-delà de l’évaluation de la volémie, l’échocardiographie facilite le diagnostic dedéfaillance ventriculaire gauche ou droite (15, 16). Près de 40 % des patients admisen réanimation ont une anomalie cardiaque échographique significative. Cetteanomalie est ignorée par la clinique dans plus de 75 % des cas (17). L’ETT permetd’exclure ou d’affirmer l’origine cardiogénique d’un état de choc avec une sensibilité,une spécificité, une valeur prédictive négative et positive de 100 %, 95 %, 97 % et100 %, respectivement (14). Devant un patient présentant une insuffisance circulatoire aiguë, la force del’échocardiographie est de permettre le diagnostic rapide et non invasif d’hypovolémiemais également son diagnostic différentiel : défaillance ventriculaire droite ou gauche,tamponnade, complication mécanique.

Niveaux de compétence en échocardiographie

Compte tenu de sa simplicité de mise en œuvre et de son innocuité, l’ETT constitue lemoyen idéal de se former à l’échographie cardiaque en réanimation. Chez les patientsinstables, la nécessité d’obtenir des réponses cliniques rapides et répétées rend difficilevoire impossible l’intervention systématique d’un cardiologue (18).

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Ainsi, la réalisation d’échographies par le réanimateur est un impératif inhérent aux conditionsmême de l’exercice en réanimation (4,18-20). En France, le niveau de compétence le pluscomplet en échocardiographie passe par l’obtention en 2 ans du diplôme interuniversitaire(DIU) d’échocardiographie dont l’orientation générale, historiquement cardiologique, s’estlargement étendue ces dernières années vers la réanimation. Pour raccourcir ce cursus, laSociété de Réanimation de Langue Française (SRLF) et l’American College of ChestPhysicians (ACCP) (21) proposent un système de validation des compétences enéchocardiographie en trois niveaux pour les réanimateurs (Figure 1) (22). Ce système pourraitpermettre la formation de l’ensemble des anesthésistes et/ou réanimateurs aux bases del’échocardiographie en un temps plus court (6 à 12 mois) (23).

17

Figure 1 : Pyramides des compétences d’échocardiographie en réanimation. Au sommet : opérateur qualifié (diplôme interuniversitaire = DIU), capable de réaliser un examenéchocardiographique complet. Cet opérateur est en charge de la formation des praticiens non formésde l’unité, en veillant notamment à ce que soient acquis les items cités à la base de la pyramide. Leniveau intermédiaire représente des praticiens en cours de formation, ayant intégré la base de lapyramide et capables d’une analyse plus fine. D’après B. Cholley, A Vieillard-Baron, A Mebazaa (22).PAPs = pression de l’artère pulmonaire systolique. FEVG = fraction d’éjection du ventricule gauche.

Diagnosticde l’ensemble

des cardiopathiesÉvaluation

hémodynamiquecomplète

Détection de dysfonction valvulaire sévèreÉvaluation de la réponse au remplissageMesure du débit cardiaque de la PAPsDétection d’un cœur pulmonaire aigu

Évaluation quantitative de la fonction systoliqueventriculaire gauche (FEVG)

Diagnostiquer un épanchement péricardique importantReconnaître une dilatation majeure du ventricule droit

Mesure du diamètre de la veine cave inférieureReconnaître une anomalie sévère de contractilité ventriculaire gauche

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Terminologie simplifiée d’échographie Doppler

■ Modes d’échographie (Figure 2)

L’échographie permet des images bidimensionnelles (mode 2D, BD ou mode B commebrillance) ou en temps-mouvement (mode TM ou M). Les images 2D montrent les structuresanatomiques et constituent les images échographiques au sens commun du terme. Lemode TM ou M permet la visualisation de structures anatomiques en mouvement enfonction du temps. Il permet la mesure des diamètres des cavités sur un cycle de temps,par exemple la mesure des diamètres télésystoliques et télédiastoliques permettant lamesure de la fraction de raccourcissement ventriculaire gauche. Les variations respiratoiresdes veines caves (inférieure en ETT, supérieure en ETO) qui constituent un bon indicede précharge-dépendance, sont étudiées à l’aide de ce mode (11, 24). Le mode Mpermet également la mesure des épaisseurs de paroi cardiaque afin de juger du caractèrehypertrophique d’une cardiomyopathie.

■ Modes Doppler

Quatre modes Doppler sont utilisés en routine : continu, pulsé, couleur et tissulaire.Physiologiquement, les vitesses intracardiaques sont inférieures à 1,5 m/s. Toute vitessesupérieure est pathologique et correspond en général à une sténose (valvulaire, vasculaire,intraventriculaire) ou à une fuite valvulaire.

→ Doppler continu Dans ce mode Doppler, l’émission et la réception des ultrasons (US) se font de façoncontinue par deux cristaux différents. L’image (spectre) Doppler obtenue correspond à lasomme de toutes les vitesses enregistrées sur la totalité de la longueur du trajet des US

Figure 2 : Modes d’imagerie en échographie. (a) : Imagerie bidimensionnelle (coupe apicale 4 cavités cardiaques). (b) : Échographie TM du ventricule gauche permettant la mesure des épaisseurs de paroi, desdiamètres ventriculaires en systole et en diastole puis le calcul de la fraction de raccourcissement.

a b

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représentée sur l’image par la ligne de tir. Un flux venant vers la sonde est dit positif etest codé au dessus de la ligne de base. Un flux venant fuyant la sonde est dit négatif etest codé au dessous de la ligne de base. Ce mode permet l’analyse des hautes vitesses(> 1,5 m/s) mais ne permet pas de localiser l’endroit de l’accélération du flux (Figure 8,p. 27). En d’autres termes, le Doppler continu autorise une bonne résolution des vitessesmais entraîne un phénomène d’ambiguïté spatiale. Par exemple, une accélération duflux sur la chambre d’éjection ventriculaire gauche peut correspondre à un gradientintraventriculaire (cardiomyopathie obstructive) ou à une sténose aortique. Seule l’analysede la géométrie ventriculaire, de l’anatomie des valves et du spectre Doppler couleurpermettra de localiser la zone malade. En pratique, ce mode permet de quantifier lessténoses et les fuites.

→ Doppler pulsé Dans ce mode, les US sont émis par paquets discontinus. À l’inverse du Doppler continu,le Doppler pulsé permet d’analyser une zone précise, punctiforme mais ne permet pasl’analyse de vitesses supérieures à 1,5 m/s. Il existe donc une bonne résolution spatialemais une ambiguïté des vitesses. Un flux venant vers la sonde est dit positif et est codéau dessus de la ligne de base. Un flux venant fuyant la sonde est dit négatif et est codéau dessous de la ligne de base. L’incapacité de ce mode à analyser les vitesses élevées,se traduit par le phénomène d’aliasing ou repliement spectral où le spectre Doppler estdécapité sur les hautes vitesses apparaissant en miroir dans le sens inversé. En pratique,le mode pulsé permet d’analyser les pressions de remplissage sur le flux mitral et le calculdu débit cardiaque par le flux sous-aortique.

→ Doppler couleur (Figure 3) Le Doppler couleur est un Doppler pulsé. Il comporte donc les limites de ce dernier :bonne résolution spatiale mais ambiguïté des vitesses. Le mode couleur consiste en unecartographie des vitesses au sein d’un volume d’échantillonnage matérialisé sur l’imagepar un secteur trapézoïdal. Au sein du volume d’échantillonnage, chaque globule rougeen mouvement reçoit un code couleur qui est fonction du sens de son déplacement. Unflux venant vers la sonde est dit positif et est codé en rouge. Un flux venant fuyant lasonde est dit négatif et est codé en bleu. Le phénomène d’aliasing est très informatif enDoppler couleur car il se traduit par un codage jaune. Ainsi, la visualisation d’un flux jaunetémoigne d’une accélération régionale du flux et permet de localiser la zone responsabled’une sténose. En cela, le Doppler couleur complète les données du Doppler continuayant montré une accélération sans permettre de localiser son site. À titre d’exemple, siun flux accéléré est observé en Doppler continu sur la voie d’éjection ventriculaire gauche,on ne peut différencier une sténose aortique d’une obstruction intraventriculaire. Lavisualisation d’un aliasing couleur (flux jaune) intraventriculaire plaide pour la secondehypothèse, un aliasing transvalvulaire plaide en faveur d’un rétrécissement aortique(Figures 8 et 9, p. 27 et 28).

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→ Doppler tissulaire Le Doppler tissulaire (Doppler pulsé avec filtre supprimant les hautes vitesses) enregistrele déplacement de la paroi myocardique et non des globules rouges. Ce mouvement estinversé par rapport au flux sanguin. Les vitesses enregistrées sont faibles, de l’ordre ducm/s. Cette analyse myocardique pariétale permet l’évaluation des propriétés intrinsèquesdu myocarde, systoliques et diastoliques.

Échographie Doppler cardiaque : coupes et flux

fondamentaux

■ Fenêtres acoustiques utilisables en ETT (Figure 4)

Comme pour les foyers d’auscultation cardiaque, les images d’échographie cardiaque sontrecueillies au niveau de 5 régions thoraciques offrant une moindre résistance à la pénétration

Figure 3 : Flux Doppler couleur normaux et pathologiques en diastole (a et c) et en systole (b et d).En diastole, le flux de remplissage auriculoventriculaire, codé en rouge, vient vers la sonde (a). Ensystole, le flux d’éjection ventriculaire, codé en bleu, fuit la sonde (b). Le flux veineux pulmonaire (VP),pouvant aider à l’évaluation des pressions ventriculaires gauches, est un flux systolo-diastolique(a et c) recueilli en ETT à la base de l’oreillette gauche à partir de la veine pulmonaire supérieure droite.

a : Diastole normale b : Systole normale

c : Fuite aortique

VP

VDVG VD

VG

VGVD VGVD

OD OG

VP

d : Fuites mitrale ettricuspide

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des ultrasons, appelées fenêtres acoustiques. Les fenêtres parasternales, apicales etsous-costales sont les 3 voies préférentielles en réanimation. Pour chacune de ces troisfenêtres, la rotation de la sonde sur son grand axe permet d’obtenir des plans de coupedifférents. Ainsi, pour une fenêtre donnée, il existe plusieurs plans de coupe définissantles principales coupes échocardiographiques.

■ Principales coupes échocardiographiques transthoraciques (Figure 5)

Il s’agit des premières notions à acquérir lors de l’apprentissage de l’échocardiographie.Ces coupes doivent être parfaitement connues par l’opérateur. Pour fixer les idées, laconnaissance de ces coupes peut être considérée acquise lorsque l’opérateur enapprentissage est capable de les dessiner de mémoire.

→ Coupe parasternale grand axe (PSGA)La sonde est appliquée au bord gauche du sternum, son axe suivant une ligne imaginairereliant le mamelon gauche à la zone médioclaviculaire droite (Figures 4 et 5). Cette coupemontre l’ensemble des cavités cardiaques mais son intérêt est limité en réanimation àl’étude de quatre éléments : le péricarde postérieur qui apparait hyperéchogène à l’étatphysiologique et qui peut être le siège d’un épanchement, le diamètre de la chambre dechasse du ventricule gauche (VG) qui est utile au calcul du débit cardiaque, la fraction deraccourcissement du VG en mode TM qui apprécie grossièrement la fonction systolique,

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Figure 4 : Fenêtres acoustiques en échocardiographie. Les trois fenêtres principales sont les fenêtres parasternales, apicales et sous-costales. Les fenêtressus-sternales et parasternales droites ont un intérêt limité en réanimation. Les ombres ovales grisesreprésentent la position de la sonde sur le thorax, les flèches la rotation de la sonde pour obtenirles différentes coupes sur une même fenêtre.

Fenêtre sous-costale

Fenêtre apicale

Fenêtre parasternaleFenêtre parasternale droite

Fenêtre sus-sternale

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les valves aortiques et mitrales en mode 2D et Doppler couleur pour la détection rapided’une valvulopathie majeure.

→ Coupe parasternale petit axe (PSPA)À partir de la position précédente, une rotation de 90° dans le sens horaire est appliquéeà la sonde (Figure 4). Cette coupe visualise le VG et le ventricule droit (VD) en coupetransversale, séparés par le septum interventriculaire. L’intérêt de cette coupe est d’analyserla cinétique régionale du VG puisqu’elle montre la paroi latérale, antérieure, postérieure etle septum interventriculaire (SIV). Cette coupe permet également d’apprécier la cinétiqueglobale du VG en évaluant la fraction d’éjection du VG, soit en mode TM avec calcul dela fraction de raccourcissement, soit en mode 2D avec calcul de la fraction deraccourcissement de surface. Cette coupe a enfin un intérêt majeur dans le diagnostic ducœur pulmonaire aigu où elle permet la mise évidence du septum paradoxal.

→ Coupe apicale 4 et 5 cavités Ces deux coupes sont obtenues en positionnant la sonde au-dessous et en dehors dumamelon gauche, en “visant” l’épaule droite, l’axe de la sonde étant horizontal. La pointedu cœur se trouve dans le sommet du cône d’image, les 4 cavités cardiaques (VG, VD,oreillette gauche (OG), oreillette droite (OD)) étant visualisées en positionnant par conventionles cavités gauches à droite de l’image. Une bascule minime (10°) de la sonde vers lebras droit du patient permet de dégager la chambre de chasse du ventricule gauche quiconstitue la cinquième cavité permettant de visualiser le flux d’éjection ventriculaire gauchenécessaire au calcul du débit cardiaque. Ces deux coupes sont les plus informatives enréanimation, elles permettent une appréciation globale de la fonction contractile ventriculairedroite et gauche, le diagnostic d’une valvulopathie mitrale, tricuspide ou aortique majeure(la valve pulmonaire n’est pas visualisée), le diagnostic d’une dilatation ventriculaire gaucheet surtout droite. Un épanchement péricardique important sera bien visualisé sur cescoupes. Ces 2 coupes ont enfin un intérêt majeur par le recueil et l’étude de l’ensembledes flux Doppler intracardiaques (à l’exception du flux de l’artère pulmonaire) qui permettentl’évaluation des pressions de remplissage gauche, de la pression artérielle pulmonaireet la quantification grossière d’une valvulopathie par Doppler couleur.

→ Coupes apicales 2 et 3 cavités Ces 2 coupes sont obtenues à partir de la précédente en effectuant une rotation de 90°de la sonde dans le sens anti-horaire. Comme précédemment, le passage de la coupe 2cavités à 3 cavités est obtenu en effectuant une bascule minime de la sonde. La coupe 2cavités montre le VG et l’OG dans leur grand axe longitudinal, la coupe 3 cavités montreles mêmes éléments plus la chambre de chasse du VG et la valve aortique. L’intérêt deces coupes est de pouvoir étudier la cinétique des parois antérieures et inférieures duVG, non vues sur les coupes 4 et 5 cavités. Elles permettent aussi l’enregistrement du fluxd’éjection du VG lorsque celui-ci n’a pu être recueilli en 4 ou 5 cavités.

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→ Coupes sous-costales La sonde est appliquée au creux épigastrique, horizontalement, en “visant” le médiastin,permettant d’obtenir une coupe 4 cavités oblique sur l’écran. En effectuant une rotationde 90° dans le sens anti-horaire et en “visant” le foie, il est possible de dérouler la veinecave inférieure (VCI) en coupe longitudinale. L’étude des variations respiratoires de la VCIest fondamentale pour étudier la précharge-dépendance cardiaque. Bien que moinsprécise en terme anatomique et ne permettant pas un bon alignement des flux Doppler,la coupe sous-costale reste parfois la seule exploitable lorsque le patient est peu échogèneet fournit des éléments 2D précieux : fonctions systoliques VG et VD visuelles, épanchementpéricardique. Une rotation de la sonde de 90° dans le sens anti-horaire et en direction dumédiastin permet d’obtenir une coupe transversale dont les informations fournies sontcomparables à celles fournies par la coupe PSPA.

Figure 5 : Coupes échocardiographiques principales obtenues chez des patients de réanimationintubés et ventilés. Les zones ovales grises montrent la position et l’orientation de la sonde au niveau de chacune des3 fenêtres acoustiques principales. Sur une même fenêtre, une rotation de la sonde de 90° sur songrand axe permet d’obtenir 2 coupes différentes. VG = ventricule gauche, VD = ventricule droit,OG = oreillette gauche, OD = oreillette droite, VCI = veine cave inférieure, P = péricarde. Ao = aorte.Sur la coupe parasternale grand axe, noter l’aspect hyperéchogène du péricarde normal.

Coupe parasternale grand axe

Coupe apicale 2/3 cavités

Coupe sous-costale veine cave inf.

Coupe parasternale petit axe

Coupe apicale 4/5 cavités

Coupe sous-costale 4 cavités

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■ Flux Doppler intracardiaques normaux

L’étude de la volémie et des pressions de remplissage se fait grâce au recueil de 4 flux. Cesflux Doppler fondamentaux sont recueillis en coupe apicale 4 et/ou 5 cavités (Figure 6).

→ Doppler mitral, Doppler tissulaire à l’anneau mitral (Figures 6 et 7, Tableau I)Le flux mitral enregistre les flux de remplissage diastolique du VG. Il est essentiel pour l’étudedes pressions de remplissage ventriculaire gauche. Il est obtenu, en ETT comme en ETO,à partir de la coupe 4 cavités, en Doppler pulsé, en positionnant la fenêtre Doppler au rasde l’extrémité des 2 feuillets mitraux (Figure 6). Le flux mitral normal est positif, codé enrouge en couleur et montre deux ondes : une précoce appelée onde E (early) correspondantau remplissage passif, une télédiastolique, correspondant à la systole auriculaire appeléeonde A (atrial). Le profil mitral ne peut être analysé sans enregistrement simultané del’électrocardiogramme qui seul permet de différencier ces 2 ondes. L’onde E est située justeaprès l’onde T, l’onde A entre l’onde P et le complexe QRS. En cas de fibrillation auriculaire,l’onde A est absente. Le temps de décroissance de l’onde E (TDE = temps séparant lepic et le point de retour de l’onde E sur la ligne de base) est un paramètresystématiquement enregistré lors de l’analyse du flux mitral. Toute la difficulté de l’analysedu flux mitral réside dans le fait que les ondes E et A varient avec l’âge (Tableau I) et lespressions de remplissage. Le Doppler tissulaire à l’anneau mitral enregistre le déplacementdu tissu myocardique, avec des vitesses de déplacement basses (de l’ordre du cm/s)et dans un sens inverse du flux sanguin. Le spectre obtenu est donc l’inverse du flux de

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Figure 6 : Flux Doppler utilisés en pratique.

ITV sous aortique Flux mitral

Pic systolique

Flux d’insuffisancetricuspide

Doppler tissulaire à l’anneau mitral

Flux veineuxpulmonaire

E

E’

I

A’

SD

A

A

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remplissage mitral (Figure 6) avec une onde E et une onde A négatives appelées ondes E’et A’ (ou Ea et Aa ou e’ et a’). La vitesse de déplacement de l’anneau mitral en protodiastoleévaluée par Doppler tissulaire (E’) dépend de la relaxation du VG et est indépendante desconditions de charge de ce dernier. Le choix du recueil de E’ à l’anneau mitral septal oulatéral étant controversé, il est actuellement recommandé d’utiliser la valeur moyenne durapport E/E’5. Les valeurs normales de E’ sont > 8 cm/s à l’anneau septal et > 10 cm/sà l’anneau latéral. En deçà de ces valeurs, une insuffisance cardiaque diastolique doitêtre suspectée (5).

2-20 ans Âge

88 ± 14

49 ± 12

1,88 ± 0,45

142 ± 19

75 ± 13

51 ± 11

1,53 ± 0,40

166 ± 14

71 ± 14

57 ± 13

1,28 ± 0,25

181 ± 19

Onde E (cm/s)

Onde A (cm/s)

Rapport E/A

TDE (ms)

21-40 ans 41-60 ans

Tableau I : Valeurs normales du flux mitral. TDE = temps de décélération de l’onde E.

71 ± 11

75 ± 12

0,96 ± 0,18

200 ± 29

> 60 ans

Figure 7 : Signification physiologique du flux Doppler mitral. Ce flux correspond au remplissage diastolique du ventricule gauche et est caractérisé par une onde Eprotodiastolique correspondant au remplissage passif et par une onde A télédiastolique correspondantà la systole auriculaire. L’enregistrement simultané de l’ECG est impératif pour différencier l’onde E del’onde A. FM = fermeture mitrale, OA = ouverture aortique, FA = fermeture aortique, RI = relaxationisovolumétrique, RR = remplissage rapide, TDE = temps de décélération de l’onde E, Ao = courbede pression aortique, OG = courbe de pression auriculaire gauche, VG = courbe de pressionventriculaire gauche.

Ao

Onde E

Onde A

FM OA FA

QRS T

Systole RI RR Remplissage lent

Remplissage

ComplianceRelaxation

CA

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Le rapport entre la vitesse maximale de l’onde E (dépendant de la précharge gauche etde la relaxation) et la vitesse maximale de l’onde E’ (dépendant de la relaxation) permetd’annuler au numérateur et au dénominateur la relaxation. Dans ces conditions, le rapportE/ E’ dépend uniquement de la précharge (5).

→ Flux veineux pulmonaire (FVP) (Figure 6, Tableau II)Le FVP est un flux systolo-diastolique recueilli en ETT au niveau de la base de l’OG par laveine pulmonaire supérieure droite. En ETO, le flux de la veine pulmonaire supérieuregauche est facilement recueilli en coupe 2 cavités à 75°. Ce flux triphasique comprendune onde systolique (S, parfois bifide S1, S2), une onde diastolique (D) et une ondeauriculaire négative rétrograde (Ar) correspondant au reflux sanguin vers les veinespulmonaires lors de la systolique auriculaire (Figure 6). Physiologiquement, le rapport S/Dest positif sauf chez les sujets jeunes (< 20 ans). La vitesse de Ar est inférieure à 30 cm/set sa durée est égale à la durée de l’onde A mitrale.

→ Flux d’éjection ventriculaire gauche (flux sous- et transaortique) et mesure dudébit cardiaque Ce flux est enregistré en coupe 5 cavités (Figure 6). Il fuit la sonde et est codé en bleu enDoppler couleur. Son orientation est parallèle au septum interventriculaire. La constatationd’un flux couleur bleu homogène (absence d’aliasing) est signe qu’il n’existe aucuneaccélération pathologique du flux. En positionnant la fenêtre de Doppler pulsé dans leventricule gauche, juste sous la valve aortique, un spectre négatif est observé. La surface(ou intégrale) de ce spectre peut être tracée grâce au logiciel qui équipe toutes les machinesd’échographie. Cet intégrale temps - vitesse (ITV, normale 15 à 20 cm) sous-aortique estun des déterminants du volume d’éjection systolique. Ce dernier est le produit de l’ITVpar la surface de la chambre de chasse du VG obtenue en mesurant le diamètre (D) de cettedernière en PSGA (la surface (S) est obtenue en appliquant la formule D2/4). Le débitcardiaque (DC) est obtenu en multipliant le volume d’éjection systolique par la fréquencecardiaque (FC).

DC = FC x ITV x S

2-20 ans Âge

0,82 ± 0,18

16 ± 10

66 ± 39

0,98 ± 0,32

21 ± 8

96 ± 33

1,21 ± 0,2

23 ± 3

112 ± 15

Rapport S/D

Pic Ar (cm/s)

Durée Ar (ms)

21-40 ans 41-60 ans

Tableau II : Valeurs normales du flux veineux pulmonaire. S = onde systolique ; D = ondediastolique ; Ar = onde auriculaire rétrograde. Rapport S/D = rapport des pics de vélocité desondes S et D.

1,39 ± 0,47

25 ± 9

113 ± 30

> 60 ans

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Physiologiquement, la vitesse maximale du flux d’éjection ventriculaire gauche est inférieureà 1,5 m/s. En cas d’accélération, un obstacle à l’éjection ventriculaire doit être suspecté,les deux causes principales étant l’obstruction intraventriculaire (cardiomyopathiehypertrophique obstructive, CMO) et la sténose aortique. L’enregistrement du flux enDoppler continu devient impératif compte tenu des vitesses élevées (Figure 8).

Au cours de la cardiomyopathie obstructive, il existe un aspect typique en Dopplercontinu, dit en ’’lame de sabre’’. Cet aspect n’est cependant pas pathognomonique deCMO et peut être observé au cours de l’hypovolémie en l’absence d’obstructionintraventriculaire ou d’anomalie anatomique (obstruction dynamique) (25, 26). Cesyndrome d’obstruction dynamique est plus fréquent chez les femmes. Au cours de lasténose aortique, le flux transvalvulaire (et non sous-valvulaire) est accéléré sans aspecten lame de sabre (Figure 9).

Figure 8 : Doppler d’éjection ventriculaire gauche. À gauche (a1 et a2) : Doppler normal. En couleur, le flux est bleu homogène, affirmant l’absence d’accélération pathologique (a1). Il estpossible d’enregistrer en Doppler pulsé le flux sous-aortique en coupe 5 cavités qui permet le calculde l’intégrale temps vitesse (ITV) et est un des déterminant du volume d’éjection systolique (a2). Ici,la vitesse maximale du flux sous-aortique est de 1,2 m/s. À droite (b1et b2), cardiomyopathie obstructive. b1 : aliasing intraventriculaire (flèche) au contactd’une hypertrophie septale permettant de différencier cette image d’une sténose aortique. b2 :accélération du flux authentifié par le Doppler continu. Noter ici que la vitesse maximale du flux està 3 m/s avec un aspect typique en lame de sabre (flèche).

a1

a2

b1

b2

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28

→ Doppler tricuspidien Il existe une fuite tricuspide physiologique chez la majorité des sujets sains. En casd’hypertension artérielle pulmonaire, cette fuite s’aggrave et la vélocité maximale (Vmax)de cette dernière devient proportionnelle au degré d’HTAP.

■ Estimation de la volémie par échographie Doppler cardiaque

En cas d’hypovolémie sévère, l’échographie bidimensionnelle retrouve de petites cavitésventriculaires hyperkinétiques avec collapsus systolique des parois du ventricule gauche(VG). Le plus souvent, le diagnostic est moins évident et d’autres paramètres doiventêtre utilisés. En pratique, la volémie peut être analysée soit par des indices statiques,soit par des indices dynamiques. L’étude des indices dynamiques est facilitée parl’enregistrement simultané des pressions des voies aériennes affiché sur l’écran de lamachine d’échographie.

■ Paramètres statiques de précharge

Ces paramètres sont utiles lorsque les conditions de validité des indices dynamiques ne sontpas remplies.

→ Dimensions du ventricule gauche Le diamètre, la surface et le volume du VG sont mesurables, mais la surface télédiastoliquedu VG (STDVG) est la mesure la plus utilisée. Elle est réalisée selon l’incidence petit axepassant par les piliers mitraux, parasternale en ETT et transgastrique en ETO. La STDVGreflétant le volume du VG, elle est corrélée à la précharge ventriculaire. La valeur deSTDVG est significativement plus basse chez les répondeurs que chez les non-répondeursau remplissage vasculaire. Il existe également une relation significative entre la STDVG etle pourcentage d’augmentation du VES après remplissage vasculaire (27). Cependant, ilest impossible de définir une valeur-seuil discriminant les patients répondant au remplissagevasculaire. La STDVG, comme tout index statique, est un indice médiocre de précharge-dépendance. Une valeur très basse (inférieure à 5 cm2/m2) reste cependant très spécifiquede réponse au remplissage vasculaire (28).

Figure 9 : Sténose aortique : flux d’éjection accéléré (4 m/s) sans aspect enlame de sabre.

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29

→ Dimensions de l’oreillette gauche La dilatation de l’oreillette gauche (OG) signe l’élévation chronique des pressions gauches,mais ne peut affirmer son augmentation aiguë. En situation aiguë, ce critère ne peut doncêtre utilisé isolément pour apprécier les pressions gauches. La taille normale de l’OGcorrespond à une surface en coupe apicale 4 cavités < 20 mm2. Une valeur-seuil devolume > 34 ml/m2 correspondant à une surface de plus de 30 mm2 est acceptée commeun critère fiable d’élévation chronique de la pression de l’oreillette gauche (5).

→ Évaluation des pressions droites Le gradient de pression (ΔP) entre le ventricule droit et l’artère pulmonaire est obtenugrâce à la formule :

ΔP = 4 x (Vmax)2

La valeur de pression de l’artère pulmonaire systolique (PAPs) est calculée en ajoutant lavaleur de la pression de l’oreillette droite (POD) à ce gradient de pression :

PAPs = ΔP + POD

La valeur de la POD peut être obtenue en mesurant la pression veineuse centrale. Si lepatient n’est pas équipé d’un cathéter veineux central, la POD peut être évaluée chezle patient en ventilation spontanée en échographie transthoracique en mesurant le diamètrede la VCI et ses variations ventilatoires (Tableau III). Une étude récente suggère que leseuil de collapsibilité classique de la VCI de 50 % devrait être revu à la baisse pour unevaleur critique de 40 % (29).

→ Évaluation des pressions gauches par Doppler mitral et Doppler tissulaire àl’anneau mitral L’amplitude de l’onde E diminue avec l’âge (Tableau I, p. 25) et les pressions deremplissage. Une onde E de basse vélocité peut correspondre à une hypovolémie ou à

Diamètre de la VCI(mm)

Bas : < 15

Normal : 15-25

Élevé : > 25

Collapsus inspiratoire de 100 %

> 50

< 50

< 50

Absentes

0-5

6-10

11-15

16-20

> 20

Variations respiratoires de la VCI(%)

Valeur de POD (mmHg)

Tableau III : Évaluation semi-quantitative de la pression de l’oreillette droite (POD) à partirdu diamètre et des variations respiratoires de la veine cave inférieure (VCI) en ventilationspontanée (30).

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une valeur normale chez un sujet âgé. Un rapport E/A > 2 est fréquemment observé chez lesujet jeune sans signification pathologique. Un rapport E/A inversé chez un sujet jeune signedans la plupart des cas une hypovolémie alors qu’un rapport E/A supérieur à 2 chez un sujetâgé signe dans la plupart des cas des pressions de remplissage élevées. En réanimation, unrapport E/A > 2 semble constituer un excellent élément de prédiction d’une pressionartérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) > 18 mmHg, avec une valeur prédictive positivede 100 % (9). Le temps de décélération de l’onde E (TDE) varie également avec lespressions de remplissage. Le TDE s’allonge en cas d’hypovolémie et se raccourcit en casd’hypervolémie ou de trouble de la distensibilité du ventricule gauche. Un TDE < 150 msest fortement évocateur de pressions gauches élevées (5.) Les variations des ondes E, Aet du TDE avec la volémie sont résumées dans la figure 10.

Comme pour tous les indices statiques, les valeurs intermédiaires de l’onde E (Onde Ecomprise entre 0,7 et 1 m/s) et du rapport E/A (E/A entre 1 et 2) sont inexploitables entermes de prédiction de la réponse au remplissage. Dans ce cas, le recours au Dopplertissulaire est utile (5). Chez des patients de cardiologie, un rapport E/E’ supérieur à 10permettait de prédire une PAPO supérieure à 15 (sensibilité = 97 % et spécificité = 78 %)(31). Une vision trop simpliste consiste à considérer que les valeurs < 10 correspondentà des pressions gauches basses et inversement, des valeurs > 10 correspondent à despressions gauches élevées. En cardiologie, un rapport E/E’ (latéral, septal ou moyen) < 8correspond à des pressions normales ou basses (5). Des valeurs septales de rapportE/E’ > 15 ou latérales > 12 ou moyennes > 13 correspondent à des valeurs hautes (5).En réanimation, ces valeurs sont probablement un peu différentes. Au cours des états dechoc, des valeurs < 6 semblent correspondre à des pressions basses et les valeurs > 11à des pressions élevées (8, 32). Des valeurs > 15 correspondent à pressions gauchestrès élevées (33). Au cours du sevrage ventilatoire, l’association d’un rapport E/A > 0,95et d’un E/E’ > 8,5 en fin d’épreuve de ventilation spontanée est prédictif d’une élévationde PAPO > 18 mmHg (13).

30

Figure 10 : Variations des ondes E, A et du TDE avec le statut volémique.

Hypovolémie Normal Hypervolémie

AE

TDE TDE TDE

EE

A

A

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La technique d’enregistrement combinée du Doppler mitral et du Doppler tissulaire àl’anneau mitral est résumée sur la figure 11. Dans la mesure où les valeurs intermédiairesde E/E’ ne sont pas informatives, le flux veineux pulmonaire permet d’affiner l’étude despressions gauches.

→ Estimation des pressions gauches par le flux veineux pulmonaire L’analyse du FVP est utile lorsque l’étude du flux mitral et du Doppler tissulaire n’a paspermis de conclure. Ce paramètre est plus facile à utiliser en ETO. Chez un sujet de plusde 40 ans, un FVP inversé (rapport S/D <1) est évocateur de pressions gauches élevées.Un pic de vélocité de l’onde Ar > 30 cm/s est également évocateur de pressions gauchesélevées. Lorsque les pressions gauches sont normales, la durée de Ar est inférieure à ladurée de l’onde A (Ar - A < 0ms). Un allongement de la durée de l’onde Ar de plus de30 ms par rapport à la durée de l’onde A mitrale est un des meilleurs critères d’élévationdes pressions gauches (5).

→ Évaluation des pressions gauches par échographie Doppler : synthèse (Figure 12) Dans la mesure où les paramètres précédents (flux mitral, Doppler tissulaire et FVP)comportent des zones d’incertitude et que leurs valeurs-seuils varient avec la fonctionsystolique ventriculaire gauche, des algorithmes ont été récemment proposés en fonctionde l’existence ou non d’une dysfonction systolique (5). Ces recommandations sont résuméesdans la figure 12.

31

Figure 11 : Technique d’enregistrement du Doppler mitral classique (gauche) et du Dopplertissulaire à l’anneau mitral latéral (droite). Les deux tracés Doppler sont recueillis l’un après l’autre à partir d’une coupe apicale 4 cavités qui doitrester stable au cours de la mesure. Le Doppler tissulaire montre 2 pics négatifs car l’anneau sedéplace en sens inverse du flux. Le rapport des 2 pics de vélocité E/E’ est un indice statique deprécharge. Un rapport E/E’ < 7 est en faveur d’une hypovolémie, un rapport > 11 en faveur depressions hautes. Un rapport > 15 est évocateur de pressions gauches très élevées. En cas defibrillation auriculaire, les valeurs de E et de E’ doivent être moyennées sur 5 à 10 cycles.

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Figure 12 : A : Évaluation des pressions de remplissage gauche chez un patient à FEVG normal.B : Estimation des pressions de remplissage gauche chez un patient à FEVG basse.

A

B

E/A ≥ 1 et < 2 ouE/A < 1 et E > 50 cm/s

E/E’ = 9 -14

E/E’

E/A mitral

E/E’ sept ≥ 15ou

E/E’ lat ≥ 12ou

E/E’ moy ≥ 13Ar - A < 0 msPAPs < 30 mmHgOG non dilatée*

Ar - A > 30 msPAPs > 35 mmHg

OG dilatée*

E/E’ moyen < 8S/D > 1

Ar - A < 0PAPs < 30 mmHg

E/E’ moyen > 15S/D < 1

Ar - A ≥ 30 msPAPs > 35 mmHg

E/A ≥ 2 et TDE < 150 ms

E/A < 1 et E < 50 cm/s

E/E ≤ 8(lat, sept ou moy)

POG normale POG normale POG élevée POG élevée

POG normale POG normale POG élevée POG élevée

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■ Paramètres dynamiques de précharge

Les conditions de validité des indices dynamiques mentionnés au chapitre 1 par le DrXavier Monnet doivent être scrupuleusement respectées (34).

→ Variations respiratoires du diamètre des veines caves (Figure 13) L’évaluation de la veine cave supérieure (VCS) n’est possible qu’en ETO. Le diamètre dela VCS connaît des variations (maximales à l’exsufflation et minimales à l’insufflation) lorsde la ventilation mécanique (35). Il est ainsi démontré que, comme pour le VVS, chez despatients en choc septique sous ventilation mécanique, un index de collapsibilité ([diamètremaximum VCS - diamètre minimum VCS] /diamètre maxi VCS) supérieur à 36 % prédit(sensibilité et spécificité de 90 % et 100 %) une augmentation significative du débit cardiaqueaprès remplissage vasculaire (24).L’évaluation de la veine cave inférieure (VCI) se fait par ETT (coupe sous-costale). De la mêmemanière que pour la VCS, le diamètre de la VCI dépend de sa pression de distension(maximum à l’insufflation et minimum à l’exsufflation), qui est égale à la différence entre lapression intravasculaire et la pression intra-abdominale. Lors du choc septique sousventilation mécanique, l’index de distensibilité de la VCI ([diamètre maximum VCI - diamètreminimum VCI] /diamètre maxi VCI) supérieur à 18 % prédit une augmentation significativedu débit cardiaque après remplissage vasculaire avec une sensibilité et une spécificité de90 % (11, 36). Le diamètre absolu de la veine cave inférieure n’a d’intérêt que s’il estinférieur à 12 mm. Dans ce cas, une réponse positive à l’expansion volémique peut êtreattendue (11). Pour les valeurs supérieures, le diamètre absolu de la VCI ne permet pas deprédire la réponse à l’expansion volémique (11). Une limitation à son utilisation pourraitêtre une pression intra-abdominale élevée. Plusieurs études ont démontré que les variationsrespiratoires de la veine cave inférieure pour prédire la réponse au remplissage estd’apprentissage simple et constitue un outil non invasif précieux pour le réanimateur à laphase précoce des états de choc, tant chez l’adulte que chez l’enfant (37-39).

→ Variations respiratoires des vitesses et des intégrales temps-vitesses (ITV) enDoppler cardiaque (Figure 14) Ces indices échographiques sont basés sur les mêmes principes que les variations respiratoiresde pression artérielle pulsée (Δ PP) (34) décrites dans le premier chapitre. Expérimentalement, chez le lapin placé sous ventilation mécanique, la variation respiratoirede l’intégrale temps-vitesse (ΔITV, assimilable à une variation respiratoire de volume d’éjectionsystolique) est un indice sensible de volémie et de prédictibilité de réponse au remplissagevasculaire (40). Chez l’homme, au cours du choc septique, la variation respiratoire de lavitesse maximale aortique (ΔVpeak) recueillie en ETO est un autre marqueur de précharge-dépendance. Un seuil de 12 % permet d’identifier les répondeurs (ΔVpeak supérieur à 12 %)et les non-répondeurs (ΔVpeak inférieur à 12 %) avec une valeur prédictive positive de 91%et une valeur prédictive négative de 100 % (10). Un travail analogue montre que les variationsrespiratoires du volume d’éjection systolique sont corrélées aux variations de surfaceventriculaire gauche en petit axe mesurées par détection automatique des contours et sontégalement fiables pour prédire les effets de l’expansion volémique (41).

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Figure 14 : Étude des variations respiratoires de la veine cave inférieure (VCI) par voie sous-costale en mode 2D ( a et b) et TM (c et d). a : VCI totalement collabée, hypovolémie probable. b : VCI dilatée. c : collapsus respiratoire de100 %, pressions droites effondrées, précharge-dépendance. d : VCI dilatée sans variation respiratoire,pressions droites élevées, précharge-indépendance.

Figure 13 : Étude des variations respiratoires du pic de vélocité sous-aortique (ΔVpeak), d’aprèsFeissel et al. (10).Pva : courbe de pression des voies ariennes. a : ΔVpeak > 12 % : précharge-dépendance. b : ΔVpeak < 12 % : précharge-indépendance.

a

a

bPva

c

b

d

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■ Estimation de la précharge-dépendance par étude des variationsde l’ITV sous-aortique après manœuvre de lever passif de jambes

Cette manœuvre entraîne un transfert de volume sanguin du secteur périphérique vers lesecteur central. La première étude effectuée sur le sujet a été réalisée en 2002 et adémontré que l’effet d’un lever de jambes de 45° sur le débit cardiaque (mesuré parthermodilution via un cathéter artériel pulmonaire) était équivalent à celui d’un remplissagevasculaire de 300 ml de colloïde (42). En échocardiographie, une augmentation de 12 %de l’ITV sous-aortique est prédictive d’une augmentation de 15 % du débit cardiaqueaprès expansion volémique de 500 ml (43, 44). Cette méthode permet une évaluationprécise de la précharge-dépendance de façon totalement non invasive et réversible sansrisque de surcharge volémique. Ce test reste valide en ventilation spontanée (43-45).

Diagnostic différentiel d’une hypovolémie

■ Existe-t-il un épanchement péricardique et ce dernier est-ilresponsable d’une tamponnade (Figure 16) ?

Le diagnostic d’épanchement péricardique repose sur la constatation d’une image hypo-échogène adjacente aux structures cardiaques. Les coupes les plus intéressantes pour cediagnostic sont les coupes PSGA et sous-costale. Généralement libre, un épanchementpéricardique peut être cloisonné et réaliser une tamponnade par compression localisée d’une

35

Figure 15 : Épreuve de lever passif de jambe. Patient répondeur avec augmentation de l’ITVsous aortique et diminution de la variabilité respiratoire du diamètre de la veine cave inférieure.

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cavité cardiaque, pour un volume modéré. Ceci est rare mais doit être suspecté dans descas de tuberculose et surtout après chirurgie cardiaque. En coupe PSGA, le repère fondamentalest celui de l’aorte thoracique descendante apparaissant comme une structure arrondie hypo-échogène située sous le cœur, à la jonction VG-OG (Figure 16a). La ligne de réflexion péricardiquese trouve entre l’aorte thoracique descendante et le VG. Ainsi, un épanchement péricardiqueaura pour limite la zone située entre l’aorte et le VG. La connaissance des ces élémentspermet d’éviter le principal piège diagnostique qui est l’épanchement pleural gauche. Dans cecas, l’épanchement passe en arrière de l’aorte (Figure 16d). La quantification d’un épanchementpéricardique peut être réalisée de façon semi-quantitative en utilisant le mode TM à partird’une coupe PSGA en positionnant la ligne TM au ras de l’extrémité distale des feuilletsmitraux. Les épanchements péricardiques peuvent alors être classés en 4 stades (Tableau IV).Le caractère compressif d’un épanchement (tamponnade) est affirmé par la compressiond’une ou plusieurs cavités cardiaques (coupes apicales), le plus souvent l’oreillette et/ou leventricule droit, plus rarement l’oreillette gauche (25 % des cas) et le VG. Il s’associe à ces signesde compression cardiaque une dilatation majeure de la veine cave inférieure avec disparitiondes variations respiratoires du diamètre de cette dernière (coupe sous-costale).

36

Figure 16 : Diagnostic positif et différentiel d’épanchement péricardique. a : échographie normale, coupe PSGA. Le péricarde postérieur normal est hyperéchogène et salimite postérieure est située entre l’aorte thoracique descendante (Ao) et la paroi postérieure duventricule gauche (PPVG) (flèche). b : épanchement péricardique (flèche) en coupe PSGA dont la limite postérieure est située entrel’aorte thoracique descendante (Ao) et la paroi postérieure du VG. c : épanchement péricardique en coupe apicale 4 cavités, là encore, l’aorte thoracique descendanteest un repère fondamental. d : épanchement pleural gauche (flèches). L’épanchement est dans ce cas situé en arrière de l’aortethoracique descendante (Ao).

a

c

b

d

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Évaluation semi-quantitative en mode TM(PSGA)

■ Décollement systolique avec cinétique dupéricarde pariétal postérieur conservée.■ Décollement systolique avec péricardepariétal postérieur rectiligne.■ Décollement systolo-diastolique < 10 mmen diastole et décollement antérieur. ■ Décollement systolo-diastolique > 10 mmen diastole et décollement antérieur.

■ Compression OD, VD.■ Plus rarement compression OG, VG.■ Dilatation majeure de la VCI avecabsence de variations respiratoires dudiamètre de cette dernière.

Signes de tamponnade

Tableau IV : Quantification des épanchements péricardiques et signes de tamponnade.

■ Existe-t-il une dysfonction systolique ventriculaire gauche ?

La fonction contractile ventriculaire gauche peut être appréciée par des méthodesquantitatives imposant des mesures ou par une méthode semi-quantitative, visuelle. En mode TM, la fonction systolique peut être appréciée en mesurant la fraction deraccourcissement. À partir de la coupe PSGA ou PSPA, la coupe TM est réalisée àl’extrémité distale des feuillets mitraux soit en position médioventriculaire (Figure 2b). Grâceaux mesures des diamètres télésystoliques (DTS) et télédiastoliques (DTD), la fraction deraccourcissement (FR) peut être calculée selon la formule :

FR = (DTD - DTS) / DTD

La normale de la FR est de 28 à 42 %. La formule de Teicholz disponible automatiquementsur toutes les machines donne une valeur de fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVGnormale > 55 %). Il est important de garder à l’esprit que cette méthode d’évaluation dela fonction systolique ainsi que la relation FR / FEVG par méthode de Teicholz ne sontplus valables lorsqu’il existe une anomalie de cinétique segmentaire. En mode 2D, la fonction systolique peut être appréciée en mesurant la fraction deraccourcissement de surface (FRS). À partir d’une coupe PSPA réalisée au niveau despiliers soit en position médioventriculaire, les surfaces ventriculaires gauche systolique(SSVG) et diastolique (SDVG) sont mesurées en traçant les contours de la cavité ventriculaire.

FRS = (SDVG - SSVG) / SDVG

La valeur normale de la FRS est comparable à celle de la FEVG, soit > 55 %. C’est uneméthode simple et fiable. Toutefois, comme précédemment, un trouble de cinétiquesegmentaire dans un plan extérieur à la coupe limite l’exactitude de la méthode. La méthode de Simpson est la méthode conventionnelle la plus exacte pour évaluer laFEVG car elle prend en compte d’éventuels troubles de cinétique segmentaire.

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Le principe de cette méthode est basé sur le calcul de la somme des volumes du VGdécoupé en tranches d’épaisseur égale appelées disques, permettant d’obtenir un volumeventriculaire. Toutes les machines d’échocardiographie sont équipées de logiciels permettantle calcul de la FEVG Simpson. À partir de la coupe 4 cavités, les contours endocardiquessystolique et diastolique (en incluant par convention les muscles papillaires dans la cavitéVG) sont tracés manuellement. Cette méthode est fiable mais impose une expérienceimportante et une échogénicité parfaite. Afin de s’affranchir au maximum des troubles decinétique segmentaire, une seconde mesure en coupe apicale 2 cavités peut être réalisée.Les valeurs obtenues en quatre puis deux cavités sont ensuite moyennées. L’évaluation visuelle de la fonction VG a le mérite de la simplicité, très appréciable enréanimation compte tenu de la nécessité d’obtenir des informations cliniques rapides. Il estdémontré depuis plus de 15 ans en cardiologie qu’un opérateur entraîné pouvait évaluervisuellement de façon assez précise en ETT la FEVG en prenant comme méthode deréférence l’angiographie (46, 47). En réanimation, une évaluation visuelle semi-quantitativeselon une classification en 3 niveaux (FEVG normale, altération modérée, altération sévère)est bien corrélée aux mesures chiffrées (48).

■ Existe-t-il une dysfonction ventriculaire droite ?

L’éjection ventriculaire droite se faisant dans une circulation à basse résistance, le VD esttrès sensible aux augmentations brutales de post-charge. Sa fonction systolique estsensible. Contrairement au ventricule gauche, le VD peut se dilater sous l’effet d’uneaugmentation brutale de post-charge. Sa fonction diastolique est tolérante. Ainsi, lorsd’une HTAP aiguë (embolie pulmonaire ou vasoconstriction pulmonaire hypoxique duSDRA), le ventricule droit se dilate brutalement. Comme le péricarde est inextensible, levolume biventriculaire est constant. Ainsi, toute dilatation du VD s’accompagne d’unecompression ventriculaire gauche appelée septum paradoxal (SP) à l’origine d’un obstacleau remplissage de ce dernier et responsable d’une chute du débit cardiaque et d’uneinstabilité hémodynamique. Ce phénomène définit le cœur pulmonaire aigu (CPA). Enéchographie, le diagnostic de CPA est fait par la constatation d’une dilatation ventriculairedroite associée à un CPA (49). La dilatation ventriculaire droite est définie par un rapport dessurfaces ventriculaires diastoliques du VD / VG > 0,6 (50). Les surfaces ventriculaires sontmesurées par contour en coupe apicale 4 cavités (Figure 17 a1). Le septum paradoxalest diagnostiqué en coupe PSPA et/ou en mode TM à partir de la coupe PSGA (Figure 17a2). Des niveaux d’HTAP de l’ordre de 40-45 mmHg associés à un tableau de CPAévoquent un cœur droit antérieurement sain, des niveaux d’HTAP plus élevés doivent faireévoquer un cœur pulmonaire chronique (CPC) associé. Dans le cas du CPC, unehypertrophie de la paroi libre du VD de plus de 6 mm est aussi associée. La mesure de la fraction d’éjection du ventricule droit est difficile en raison des nombreusestrabéculations gênant le traçage des contours. D’autres indices de performance du ventriculedroit sont de ce fait utilisés. La mesure de l’excursion systolique du plan de l’anneautricuspide (TAPSE) est obtenue en mesurant le déplacement de l’anneau tricuspide latéralen mode TM ou avec de nouveaux modes dérivés du Doppler tissulaire tels que le tissue

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Figure 17 : Diagnostic positif de cœur pulmonaire aigu en réanimation. Exemple d’une patientede 43 ans en SDRA après péritonite. a1 : Dilatation du VD avec rapport VD/VG >1 et VG en “doigt de gant” en coupe apicale 4 cavités. a2 : Coupe PSPA montrant le septum paradoxal. Le septum interventriculaire a une forme linéaire(flèche) qui fait perdre la forme arrondie au VG (VG en forme de “D”. Noter la dilatation du VD bien visiblesur cette coupe). b1 : Même patiente 24 heures après prescription de monoxyde d’azote, réduction de la pressionexpiratoire positive et décharge volémique. Normalisation du rapport VD/VG. b2 : Disparition du septum paradoxal avec récupération de la forme circulaire du VG en coupe PSPA.

a1

a2

b1

b2

tracking. La valeur normale du TAPSE est de 16 à 25 mm. Cet indice, dont la mesure esttrès simple et probablement reproductible, semble bien corrélé aux autres méthodes d’évaluationde la fraction d’éjection du VD. Sa simplicité semble bien adaptée aux conditions de réanimationmême si cela n’a pas été spécifiquement étudié. L’indice de Tei est un indice de fonctionventriculaire globale (systolo-diastolique) habituellement utilisé pour le VG mais utilisable pourle VD. Il se calcule en faisant la somme des temps de contraction et de relaxationisovolumétriques (TRI et TCI). Le chiffre obtenu est rapporté au temps d’éjection. La valeurnormale au niveau du VD est de 0,28 ± 0,04. Le TRI et le TCI s’allongent avec l’HTAP, avecdiminution concomitante du temps d’éjection. Cet indice augmente donc avec l’HTAP pouratteindre des valeurs de 0,9. C’est un facteur indépendant du pronostic. La contractilité du VDpeut être également évaluée par la mesure de la dP/dt obtenue en mesurant le temps écouléentre les vélocités 0 et 2 m/s sur le flux d’IT, correspondant à un gradient de 32 mmHg. Lesvaleurs normales sont supérieures à 400 mmHg/s. L’étude de la vélocité de l’onde S dumouvement de l’anneau tricuspide en Doppler tissulaire (TDI) permet d’évaluer la FEVD. Cettetechnique demande de l’expérience et impose de disposer d’une machine équipée du modeDoppler tissulaire. Une vitesse maximale de l’onde S mesurée sur l’anneau tricuspide externe(latéral) inférieure à 11,5 cm/s est en faveur d’une FEVD < 45 %. Une valeur inférieure à 9correspondrait à une FEVD < 30 %. L’enregistrement à l’anneau septal serait plus fiable. Lamesure de l’intégrale temps-vitesse (ITV) de l’onde S en mode TDI permet d’estimer la FEVDavec une excellente corrélation selon la formule : FEVD = 0,207 x ITV - 0,0442.

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■ Existe-t-il une fuite valvulaire massive ?

La quantification des fuites est difficile et affaire de spécialiste. Toutefois, il est facilede diagnostiquer une fuite mitrale massive lorsque le Doppler couleur montre en coupe4 cavités un flux systolique bleu allant de la valve mitrale au plancher de l’oreillette gauche(Figure 3, p. 20 et figure 18). La largeur du jet couleur à l’origine de la fuite (vena contracta),sa longueur et sa surface sont corrélées à la sévérité de la fuite. Sur la valve aortique, le jetde fuite est diastolique et rouge en coupe 4 cavités (Figure 3, p. 20).

■ Règles d’hygiène visant à éviter la transmission de bactériesmultirésistantes

La machine et les sondes d’échographie sont un vecteur potentiel de transmission croiséed’infections nosocomiales. Il est donc fondamental de mettre en place des protocoles dedécontamination connus de tous avec mise à disposition dans chaque chambre depulvérisateurs de produits décontaminants adaptés aux matériaux des machinesd’échographies. Les mesures générales sont résumées dans le tableau V (51).

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Figure 18 : Exemple d’une fuite mitralesignificative en Doppler couleur.

■ Éviter au maximum les contacts entre la machine et l’environnement du patient.■ Privilégier les sachets de gel à usage unique.■ Limiter le contact des lignes de la sonde avec le patient.■ À la fin de l’examen, laisser la sonde sur le lit avant la décontamination.

■ Lavage des mains de l’examinateur, solutions hydro-alcooliques.■ Nettoyage scrupuleux du gel sur les sondes.■ Décontamination des supports de sonde et de la sonde par application de solutions

adaptées.■ Décontamination du clavier.■ Séchage à l’air.

Tableau V : Mesures visant à limiter la transmission croisée d’infections par le matérield’échographie en réanimation (51).

Mesures de décontamination

Mesures visant à limiter le transfert des agents infectieux

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Conclusion

L’écho Doppler cardiaque permet une évaluation de la volémie selon les 3 approchesactuelles : paramètres statiques, paramètres dynamiques et variation du volumed’éjection systolique après lever passif de jambes. Cet examen permet en outre lediagnostic rapide d’une cause cardiaque d’hypotension artérielle. Une étudeaustralienne récente montre que, malgré une utilisation encore importante du cathéterartériel pulmonaire, une majorité de praticiens pense que l’échocardiographie varemplacer ce dispositif dans les années à venir (52). Toutefois, l’échocardiographie nepermettant qu’une analyse ponctuelle dans le temps, elle doit être associée et nonopposée aux dispositifs de monitorage hémodynamique continu. Afin d’éviter lesdéfauts de connaissances médicales rapportés avec le cathéter artériel pulmonaire (53),une attention particulière devra être portée à l’enseignement de l’échocardiographieen réanimation. Cette exigence de formation fait l’objet de plusieurs textes derecommandations (18-22).

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