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43 Revue scientifique Bourgogne-Nature - 21/22-2015 images naturelles Le « chant » des Criquets François GRAF * Le « chant » des Orthoptères, désigné chez la plupart des Invertébrés sous le terme de stridulation, est basé sur le principe de fonctionnement d’un violon, instrument de musique à cordes tendues frottées par un archet. La différence essentielle est que la corde tendue est remplacée par une structure rigide, nervure ou épaississement cuticulaire nommé chanterelle (comme la corde la plus aiguë du violon). L’archet correspond à une râpe constituée de dents cuticulaires qui peuvent être minuscules, invisibles à l’œil nu comme le sont les écailles de la gaine des crins qui composent la mèche d’un archet de violo- niste. Dans la plupart des cas la stridulation est un caractère spécifique. Si le principe est le même pour l’ensemble des Orthoptères, l’application diffère chez les Criquets « chanteurs » (Acridiens), les Sauterelles (Ensifères) et les Grillons (cf. Rev. sci. Bourgogne- Nature, 2010, n° 12, p. 48-49). Chez les Criquets la compréhension du mécanisme est très simple dans la plupart des cas. Dans le cas du Criquet verte-échine (Chorthippus dorsatus Z.), la photo 1 montre un mâle « au repos » à proximité d’une femelle : le pointillé (a., pour archet) indique la position de la râpe stridulante située en fait sur la face interne du fémur des pattes postérieures, les tirets (c., pour corde ou chanterelle) soulignent la nervure radiale saillante de l’élytre. Chez tous les Criquets les organes de réception des sons sont portés par le premier segment abdominal (t., pour tympan). Au repos les fémurs, tibias et tarses des pattes postérieures (P3) sont parallèles et en contact avec le support. En cours de stridulation (photos 2 à 4) les élytres étant toujours repliés, les P3 se déplacent jusqu’en position quasi verticale en prenant appui sur la nervure radiale, les minuscules dents pointues de l’archet grattant la crête de la chanterelle. En stridula- tion continue le déplacement des fémurs des P3 vers l’arrière est d’environ 45° par rapport à la verticale. La stridulation est plus ou moins sonore, parfois inaudible par l’Homme. On peut distinguer le « chant de cour » en présence d’une femelle qui peut éga- lement striduler très faiblement pour accepter les avances du mâle, un « chant ordinaire » émis par un mâle isolé, un « chant de rivalité », un « chant de défense », des « cris d’alerte » et des « cris d’assaut ». Si le chant peut changer de rythme en fonction de la température, la structure et la fréquence sont invariantes. Sous le viaduc des Gorgets, Dijon, Côte-d’Or, Août 2013. * avec l’aimable collaboration d’Olivier BARDET. 1 2 3 4

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43Revue scientifi que Bourgogne-Nature - 21/22-2015

images naturelles

Le « chant » des CriquetsFrançois GRAF *

Le « chant » des Orthoptères, désigné chez la plupart des Invertébrés sous le terme de stridulation, est basé sur le principe de fonctionnement d’un violon, instrument de musique à cordes tendues frottées par un archet. La différence essentielle est que la corde tendue est remplacée par une structure rigide, nervure ou épaississement cuticulaire nommé chanterelle (comme la corde la plus aiguë du violon). L’archet correspond à une râpe constituée de dents cuticulaires qui peuvent être minuscules, invisibles à l’œil nu comme le sont les écailles de la gaine des crins qui composent la mèche d’un archet de violo-niste. Dans la plupart des cas la stridulation est un caractère spécifi que. Si le principe est le même pour l’ensemble des Orthoptères, l’application diffère chez les Criquets « chanteurs » (Acridiens), les Sauterelles (Ensifères) et les Grillons (cf. Rev. sci. Bourgogne-Nature, 2010, n° 12, p. 48-49).

Chez les Criquets la compréhension du mécanisme est très simple dans la plupart des cas. Dans le cas du Criquet verte-échine (Chorthippus dorsatus Z.), la photo 1 montre un mâle « au repos » à proximité d’une femelle : le pointillé (a., pour archet) indique la position de la râpe stridulante située en fait sur la face interne du fémur des pattes postérieures, les tirets (c., pour corde ou chanterelle) soulignent la nervure radiale saillante de l’élytre. Chez tous les Criquets les organes de réception des sons sont portés par le premier segment abdominal (t., pour tympan). Au repos les fémurs, tibias et tarses des pattes postérieures (P3) sont parallèles et en contact avec le support. En cours de stridulation (photos 2 à 4) les élytres étant toujours repliés, les P3 se déplacent jusqu’en position quasi verticale en prenant appui sur la nervure radiale, les minuscules dents pointues de l’archet grattant la crête de la chanterelle. En stridula-tion continue le déplacement des fémurs des P3 vers l’arrière est d’environ 45° par rapport à la verticale.

La stridulation est plus ou moins sonore, parfois inaudible par l’Homme. On peut distinguer le « chant de cour » en présence d’une femelle qui peut éga-lement striduler très faiblement pour accepter les avances du mâle, un « chant ordinaire » émis par un mâle isolé, un « chant de rivalité », un « chant de défense », des « cris d’alerte » et des « cris d’assaut ». Si le chant peut changer de rythme en fonction de la température, la structure et la fréquence sont invariantes.

Sous le viaduc des Gorgets, Dijon, Côte-d’Or, Août 2013.

* avec l’aimable collaboration d’Olivier BARDET.

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