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immobilités laryngées

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Septembre 2003

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IMMOBILITÉS LARYNGÉES

Sommaire Septembre 2003 N° 215

Rééducation Orthophonique, 2, rue des deux gares, 75010 Paris

Ce numéro a été dirigé par Bernard Roubeau, orthophoniste

1 La place de l’orthophonie dans la prise en charge des immobilités laryngées :les recommandations pour la pratique clinique 5Bernard Roubeau, orthophoniste, docteur es sciences, Paris

Bernard Roubeau, orthophoniste, docteur es sciences, Paris 3

1 Rééducation des immobilités laryngées unilatérales 13Emmanuel Baudelle, Christiane Orenstein, Jean-Louis Brun, orthophonistes,Paris, Agen, Nîmes

2 La pratique des chaînes d’occlusions dans la rééducationdes paralysies unilatérales du larynx 27Benoît Amy de la Bretèque, phoniatre, Marseille et Montpellier

3 Troubles de la déglutition et immobilités laryngées 43Michel Guatterie, kinésithérapeute, Bordeaux

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1 La médialisation chirurgicale de la corde vocale : résultats vocaux 53Isabelle Liesenfelt, orthophoniste, Paris et Grenoble

2 Confort de vie des patients avant et après médialisation de la corde vocaledans le cadre d’une paralysie laryngée unilatérale 67Géraldine Debono, orthophoniste, Paris et Rouen

3 La prise en charge orthophonique des paralysies récurrentielles unilatérales.Enquête auprès des orthophonistes : résultats préliminaires 81Christophe Tessier, Bruno Sarrodet, Sylvie Brihaye, Lise Crevier-Buchman, Stéphane Hans,Daniel Brasnu, orthophonistes, phoniatre, ORL, Paris

4 Immobilités laryngées bilatérales. Place de la prise en charge orthophonique 91Michèle Puech, orthophoniste, Toulouse

5 Paralysie du nerf laryngé supérieur. Sémiologie, diagnostic et traitement 107Emmanuel Baudelle, orthophoniste, Paris

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3Rééducation Orthophonique - N° 215 - Septembre 2003

Bernard ROUBEAUOrthophonisteService d’Oto-Rhino-Laryngologieet de Chirurgie Cervico-FacialeHôpital Tenon4, rue de la Chine75020 Paris

L a prise en ch a rge des immobilités laryngées est multiple car elleconcerne la voix mais aussi la déglutition et la respiration, et elle consti-tue un pôle très particulier de l’activité orthophonique par l’importance

de son aspect technique. Qui dit « technique », ne dit pas forcément utilisationsystématique des mêmes outils de rééducation mais fait appel à de subtiles capa-cités d’observation et d’écoute.

En effet, bien que le substrat organique et physiologique soit souventdéfini par un examen médical approprié, le rééducateur reste l’intervenant lemieux placé pour évaluer en complément les déficits et les dérives fonction-nelles liées au trouble. Cette observation conduit à des attitudes thérapeutiquesplus variées et plus adaptées au patient que celles basées sur le simple diagnos-tic laryngé pourtant indispensable.

Ce numéro de Rééducation Orthophonique rassemble des approches thé-rapeutiques et des recherches, pour certaines assez nouvelles, de professionnelsqui se sont penchés sur des aspects particuliers du problème. Pour une connais-sance plus exhaustive des éléments anatomiques et physiopathologiques ainsique des modes d’exploration et d’évaluation des immobilités laryngées, le lec-teur est invité à se rapporter aux ouvrages de références.

La prise en charge des immobilités laryngées est une des plus gratifiantes,car elle permet le plus souvent de rétablir des fonctions aussi fondamentales quela phonation et la déglutition même si l’organe demeure déficitaire. Lorsqu’ellene mène pas seule à la récupération des ces fonctions, elle demeure complémen-taire des nouvelles techniques chirurgicales développées en cas d’échec de larééducation. Enfin, bien que cette prise en charge, qui est de plus en plus fré-quente, présente un aspect très technique, elle n’en demeure pas moins riche detoute la dimension d’accompagnement du patient qui fait l’intérêt d’une vraiedémarche thérapeutique.

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5Rééducation Orthophonique - N° 215 - Septembre 2003

La place de l’orthophonie dans la prise encharge des immobilités laryngées :Les recommandations pour la pratique clinique

Bernard Roubeau

R é s u m éLes « recommandations pour la pratique clinique » dans le cas des immobilités laryngées afait l’objet d’un texte dont la rédaction, à partir de la littérature internationale consacrée à cesujet, a été sollicitée par la Société Française d’ORL. Les différents aspects du diagnostic etdu traitement sont abordés. Le texte consacré à la rééducation extrait de la version longue des recommandations estcité in extenso et situe la place de l’orthophonie dans l’évaluation et la prise en charge destroubles concernant la voix, la respiration et la déglutition. Ce texte constituant une réfé-rence clinique est adressé à tous les médecins ORL.

Mots clés : Paralysie récurrentielle, immobilité laryngée, ANAES, Société Française d’ORL,pratique clinique.

Role of speech and language therapy in the treatment of laryngealimmobility : recommendations for clinical practice

AbstractWith regard to the problem of laryngeal immobility, long and short texts have been publi-shed, which review recommendations for clinical practice. These texts, based on the inter-national literature, have been requested by the Société Française d’ORL (French Society ofENT specialists). Different dimensions of diagnosis and treatment are reviewed.The text taken from the longer version of the recommendations regarding functional rehabi-litation is presented in its entirety; it stresses the significant role of speech and languagemanagement in the assessment and treatment of voice, breathing and swallowing disor-ders. These recommendations represent an important clinical reference that concerns allFrench otorhinolaryngologists.

Key Wo r d s : .Recurrent laryngeal nerve palsy, laryngeal immobility, ANAES, Société Fran-çaise d’ORL (French Society of Otorhinolaryngologists), clinical practice

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Bernard ROUBEAUOrthophonisteService d’Oto-Rhino-Laryngologieet de Chirurgie Cervico-FacialeHôpital Tenon4, rue de la Chine75020 Paris

A fin d’apporter des réponses basées sur les connaissances actuelles auxquestions que se posent les praticiens concernant les immobilités laryn-gées, la Société Française d’ORL a élaboré un texte officiel constituant

les recommandations pour la pratique clinique. Cette élaboration s’est fondéesur la méthode de travail publiée par l’ANAES.

Un comité d’orga n i s at i o n (9 médecins ORL et 1 méthodologiste) étaitch a rgé, d’une part de définir les questions auxquelles ce texte deva i tr é p o n d re, et d’autre part de désigner un groupe de trava i l et un groupe del e c t u re.

Le groupe de travail (12 ORL dont 3 phoniatres, 1 médecin généraliste, 1médecin physiologiste et 1 orthophoniste) a rédigé ces recommandations enrépondant aux questions suivantes concernant les para lysies récurre n t i e l l e ssensu largo, c’est à dire l’ensemble des immobilités laryngées :

- Comment faire le diagnostic d’une immobilité laryngée uni- ou bilaté-rale ?

- Quels sont les éléments de décision thérapeutique ? - Quels traitements ? Quelles stratégies ?

Le groupe de lecture (28 ORL dont 3 phoniat res, 2 phoniat res nonORL, 1 méthodologi s t e, 4 neuro l ogues, 1 ra d i o l og u e, 1 généra l i s t e, 2 ort h o-phonistes (un avis complémentaire sollicité auprès de 2 pneumolog u e s ) )était ch a rgé d’ap p o rter ses re m a rques sur les textes rédigés par le groupe det rava i l .

♦ La littérature internationale

Les recommandations cliniques ont été rédigées à partir des données de lalittérature internationale recensée par l’interrogation des banques de donnéesMEDLINE et EXCERPTA Medica.

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Un relevé exhaustif des publications récentes (de 1990 à 2001) et despublications de référence (de 1960 à 1990) a été réalisé.

169 références ont été sélectionnées et analysées par le groupe de travailsur 855 relevées.

138 références ont été utilisées pour l’élaboration des recommandations.Seules les publications de langue française, anglaise ou allemande ont été rete-nues.

Les articles sélectionnés ont été analysés selon les principes de lecturecritique, formalisés par les grilles de lecture proposées par le service de recom-mandations professionnelles de l'ANAES de Janvier 2000. Ces principes per-mettent d'affecter un niveau de preuve scientifique à chaque référence, qui duplus fort au plus faible est :

Niveau 1 (n1) : Essais comparatifs randomisés de grande puissanceNiveau 2 (n2) : Essais comparatifs randomisés peu puissants N ive a u 3 ( n 3 ) : Essais comparatifs contemporains non randomisés etétudes de cohorteNiveau 4 (n4) : Essais comparatifs avec série historiqueNiveau 5 (n5) : Séries de cas, dont cas cliniques.

Le niveau des études est indiqué lors du premier appel de chaque réfé-rence dans le texte.

♦ L’accord professionnel

Lorsque aucune référence n’était disponible concernant un aspect de laquestion, une recommandation pouvait être rédigée à partir d’un accord profes-sionnel fort (dégagé au cours d'échanges entre les membres du groupe de travail,par courriers et en réunions plénières).

Les publ i c ations scientifiques concernant les résultats de la rééducat i o nfaisant cruellement défaut, c’est le plus souvent à partir d’un accord pro fe s-sionnel que cette part de la prise en ch a rge des immobilités laryngées a étér é d i g é e.

Un texte long ainsi qu’un texte court ont été rédigés et distribués à tousles médecins ORL.

Sera présentée ici la rédaction complète de la partie concernant la prise encharge orthophonique extraite du texte long qu’il est possible de se procurerauprès de la Société Française d’ORL.

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♦ Recommandations pour la Pratique Clinique :« Paralysies récurrentielles de l’adulte »(texte long publié en octobre 2002)

Après un développement des examens cliniques et paracliniques face àune immobilité laryngée, le texte aborde les étiologies possibles des immobilitéslaryngées et les arguments cliniques caractérisant ces étiologies.

Sont ensuite abordés les éléments de décision thérapeutique ainsi quel’évaluation des troubles.

Viennent ensuite les réponses aux questions : « Quels traitements ?Quelles stratégies ? » qui concernent la place de la rééducation et de la chirurgiedans les paralysies uni et bilatérales.

Enfin la place de la réinnervation et de la prévention des paralysies récur-rentielles chirurgicales est abordée.

La liste des 138 références bibliographiques est jointe au texte long.

♦ Texte intégral des recommandations concernant la rééducation(texte long)

(3.) Quels traitements ? Quelles stratégies ?

(3.1.) Place de la rééducation

L’orthophoniste participe à l’évaluation des troubles fonctionnels de lavoix (69(n5), 70(n5), 71(n5)) et de la déglutition (72(n5)). L’ o rt h o p h o n i s t eassure la rééducation des troubles touchant ces deux fonctions.

La prise en charge fonctionnelle des immobilités laryngées au cours derééducations orthophoniques n’a fait l’objet que de très rares études (70). Larééducation orthophonique n’est pas systématique pour tous. Nombreuses sontles publications qui considèrent la prise en charge orthophonique comme indis-pensable en première intention et dont seuls les échecs vont nécessiter uneintervention chirurgicale (6, 5, 10, 70, 73(n5), 74(n5), 75(n5), 76(n3)).

(3.1.1.) L’évaluation fonctionnelle

(3.1.1.1.) De la dysphonie

A l’évaluation perceptive de la production sonore (GRBAS) peut s’ajouterl’évaluation instrumentale de la production sonore grâce aux logiciels de traite-ment du signal.

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A la production acoustique s’ajoute l’évaluation qualitative : du geste phonatoire (analyse du comportement global de forçage, du ser-rage laryngé et des tensions péri-laryngées),du geste respiratoire (amplitude, localisation, fréquence des reprises desouffle, crispations de la musculature respiratoire),de la statique vertébrale en général et cervicale en particulier (repéragedes tensions cervicales, des mouvements parasites proximaux et distauxaccompagnant la phonation).

(3.1.1.2.) De la dysphagie

Evaluation de la dysphagie à partir de l’observation du comportementalimentaire et de la déglutition elle-même grâce aux bilans classiques.

(3.1.2.) La prise en charge fonctionnelle ou rééducation

Les outils à la disposition du rééducateur sont nombreux, allant desm o b i l i s ations compensat rices fonctionnelles au contrôle de la pro d u c t i o nvocale à partir de bio feedback visuels, des techniques de relaxation aux diverstypes d’entraînement posturaux et respiratoires. Leur variété permet une priseen charge adaptée à la configuration laryngée ainsi qu’aux attitudes réaction-nelles développées par le patient.

(3.1.2.1.) De la dysphonie

Le but de la prise en charge sera de développer les compensations fonc-tionnelles et de réduire les compensations parasites principalement supraglot-tiques qui peuvent survenir à n’importe quel niveau de la fonction (72, 77(n5)).

(3.1.2.1.1.) Dans les immobilités unilatérales

La rééducation permet le contrôle du souffle phonatoire et l’ajustementglottique afin de rétablir et d’améliorer la vibration laryngée. Elle a aussi pourbut d’améliorer l’adduction glottique – nécessaire à la toux, la déglutition etaux efforts à glotte fermée – par des manipulations laryngées lorsqu’elles sontefficaces et par l’entraînement des compensations fonctionnelles à travers diffé-rents exercices tels que les « glottages » par exemple. Le rééducateur dispose àcet effet d’une grande variété d’exercices respiratoires et vocaux.

(3.1.2.1.2.) Dans les immobilités bilatérales

Dans les paralysies en ouverture, la rééducation est indiquée. Dans uneparalysie en fermeture, lorsqu’une intervention chirurgicale a été effectuée afinde libérer la filière respiratoire, la prise en charge orthophonique aide à larécupération vocale en limitant le renforcement de la fermeture glottique et duserrage laryngé.

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(3.1.2.2.) De la dysphagie

La prise en charge s’effectue à plusieurs niveaux : entraînement aux pos-tures facilitatrices et aux manœuvres de protection des voies respiratoires maisaussi adaptation des conduites alimentaires.

(3.1.3.) L’orthophonie : quand et pendant combien de temps ?

Les données de la littérature ne permettent pas de recommander un délai,une durée et un rythme de prise en charge. Il existe un accord professionnelpour une prise en charge précoce (6, 10, 74). Les durées de rééducation obser-vées sont très variables, souvent courtes (de 1 à 3 mois pour Benninger (6))mais pouvant aller aussi jusqu’à 6 ou 9 mois pour d’autres auteurs (69, 74).Une durée minimum de 3 mois de rééducation semble raisonnable, avant d’en-visager une autre stratégie thérapeutique (accord professionnel).

Quand elle ne permet pas une récupération fonctionnelle satisfaisante, larééducation reste complémentaire de la chirurgie. Dans ce cas, elle a pour butde stabiliser les effets de cette dernière (5, 69, 70).

(3.1.3.1.) La prise en charge préopératoire

L’orthophonie pendant la période préopératoire permet d’éviter les for-çages qui peuvent limiter les effets de la chirurgie.

(3.1.3.2.) La prise en charge postopératoire

Elle permet l’adap t ation du geste re s p i rat o i re et vocal à la nouve l l econfiguration laryngée ainsi qu’aux modifications glottiques progressives qui,au cours des semaines et des premiers mois, vont succéder à l’intervention(réduction de l’œdème postopératoire, résorption partielle de la graisse dans lecas des injections).

La prise en charge orthophonique apparaît comme une approche indis-pensable au traitement des immobilités laryngées, qu’elle soit ou non accompa-gnée d’un geste chirurgical.

Bien qu’il règne au sujet de l’utilité de cette thérapie un consensus pro-fessionnel fort, il apparaît indispensable de développer des études évaluantobjectivement l’efficacité des différentes techniques utilisées en rééducation.

(3.3.) Indications thérapeutiques dans les paralysies unilatérales

Bien qu’il n’existe pas de preuve suffisante dans la littérature pour étayerces indications, il se dégage un consensus professionnel fort pour donner lesrecommandations suivantes.

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(3.3.1.) Générales

En l’absence de troubles de la déglutition mettant en jeu le pronosticvital, la rééducation orthophonique est la solution thérapeutique de premièreintention.

♦ ConclusionCe texte établit clairement et officiellement le champ d’investigation de

l’orthophonie dans la prise en charge des immobilités laryngées. Il est ressortide ce travail que les études évaluant systématiquement les effets des différentespratiques de rééducation faisaient totalement défaut, ce qui n’a permis de baserles recommandations que sur un consensus professionnel. L’absence de publica-tion portant sur les effets de la rééducation est encore malheureusement tropsouvent interprétée, par certains praticiens, comme une absence d’efficacité.Bien que cette efficacité soit évidente pour la plupart des cliniciens et bien quela médecine ne puisse se baser uniquement sur la preuve scientifique, il estimportant d’étayer les fondements physiopathologiques des outils utilisés dansce type de prise en charge et d’en évaluer objectivement l’efficacité. Ceci aussibien au niveau de la qualité de la voix, de la respiration et de la déglutitionqu’au niveau du confort du geste réalisé.

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REFERENCES concernant la partie consacrée à la rééducation extraites dutexte long

(5) Kelchner LN, Stemple JC, Gerdeman E, Le Borgne W, Adam S. Etiology, pathophysiology, treat-ment choices, and voice results for unilateral adductor vocal fold paralysis : a 3-year retrospec-tive. J Voice. 1999, 13(4) : 592-601 niveau 5

(6) Benninger MS, Crumley RL, Ford CN, Gould WJ, Hanson DG, Ossoff RH, Sataloff RT. Evalua-tion and treatment of the unilateral paralyzed vocal fold. Otolaryngol Head Neck Surg. 1994,111(4) : 497-508 niveau 5

(10) Verhulst J, Lecoq M, Marraco M, Maurice C. Idiopathic recurrent laryngeal ner ve palsy. Retros-pective analysis of 67 cases. Rev Laryngol Otol Rhinol. 1997, 118(4) : 263-5

(69) Remacle M, Dujardin JM, Lawson G. Treatment of vocal fold immobility by glutaraldehyde-cross-linked collagen injection : long-term results. Ann Otol Rhinol Laryngol. 1995, 104(6) :437-41 niveau 5

(70) Heuer RJ, Sataloff RT, Emerich K, Rulnick R, Baroody M, Spiegel JR, Durson G, Butler J. Uni-l at e ral re c u rrent lary n geal nerve para lysis : the importance of "pre o p e rat ive" voice therapy.J Voice. 1997, 11(1) : 88-94 niveau 5

(71) Laccourreye O, Crevier-Buchman L, Bou-Malhab F, Hans S, Biacabe B, Brasnu D. Injectionintra-cordale de graisse autologue et paralysie récurrentielle unilatérale. Ann Otolaryngol ChirCervicofac. 1998, 115 : 264-70 niveau 5

(72) Morpeth JF, Williams MF. Vocal fold paralysis after anterior cervical diskectomy and fusion.Laryngoscope 2000, 110(1) : 43-6 niveau 5

(73) Harries ML, Morrison M. The role of stroboscopy in the management of a patient with unilateralvocal fold paralysis. J Laryngol Otol. 1996, 110(2) : 141–3 niveau 5

(74) Baujat B, Delbove H, Wagner I, Fugain C, de Corbiere S, Chabolle F. Laryngeal immobility afterthyroidectomy. Ann Chir. 2001, 126(2) : 104–10 niveau 5

(75) Dursun G, Sataloff RT, Spiegel JR, Mandel S, Heuer RJ, Rosen DC. Superior laryngeal nerveparesis and paralysis. J Voice. 1996, 10(2) : 206-11 niveau 5

(76) Giovanni A, Vallicioni JM, Gras R, Zanaret M. Clinical experience with Gore-Tex for vocal foldmedialization. Laryngoscope. 1999, 109(2) : 284-8 niveau 3

(77) Herunter B. Logopedic aspects in therapy of laryngeal palsy. Acta Chir Austriaca. 1996, 28(2) :13-4 niveau 5

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Rééducation des immobilités laryngéesunilatérales

Emmanuel Baudelle, Christiane Orenstein, Jean-Louis Brun

R é s u m éLa rééducation des paralysies laryngées unilatérales est pratiquée par de nombreux ortho-phonistes et phoniatres mais, ayant fait l’objet de peu de publications scientifiques, ellesouffre encore d’un manque de consensus et sa conception diffère selon les équipes. Lesrécentes ‘recommandations pour la pratique clinique’ de la Société Française d’ORL préci-sent son champ d’action. Cet article présente tout d‘abord les principes de base de cetterééducation spécifique, et ses principales difficultés. Suit la présentation d’un ensemble nonexhaustif de techniques rééducatives, comprenant des exercices de détente de la régionpérilaryngée, des exercices respiratoires, des exercices de fermeture du sphincter glottiqueet un travail spécifique de la voix. Certaines techniques sont détaillées plus longuement,telles que les manipulations laryngées, et le ‘pushing’, procédé courant mais actuellementremis en question du fait d’une possible incidence traumatique sur la muqueuse cordale etde l’existence d’autres méthodes alternatives plus efficientes. Une bonne connaissance desdonnées physiopathologiques, des techniques de rééducation ainsi qu’une oreille expéri-mentée sont les éléments requis pour assurer une prise en charge efficace.

Mots clés : paralysie laryngée unilatérale, dysphonie, rééducation vocale, manipulationlaryngée, pushing.

Rééducation Orthophonique - N° 215 - Septembre 2003

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Functional rehabilitation of unilateral laryngeal immobility

AbstractVoice therapy of unilateral laryngeal paralysis is practiced by many speech therapists andphoniatricians. However, due to the scarcity of scientific publications, there is a lack ofconsensus regarding treatment and different teams tend to conceptualise the treatment pro-gram differently. Recent recommendations from the French Society of Otolaryngology spe-cify its application. This paper first presents the basic principles of this specialised therapy,and its major difficulties. We then present several techniques of voice therapy includingrelaxation exercises of the neck and shoulders, breathing exercises, exercises for closingthe glottis and specific vocal exercises. Some techniques are described in detail, such aslaryngeal handling, and the ‘pushing method’ which is still frequently used despite the fact itis being questioned because of its possible traumatic impact on the cordal mucosa. Othertechniques, which are currently available, are more efficient and potentially less harmful.This type of therapy requires adequate knowledge of physiopathological data and of specificvoice therapy techniques, as well as a trained ear.

Key Wo r d s : u n i l ateral laryngeal paralysis, dysphonia, voice therap y, laryngeal handling,p u s h i n g.

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Emmanuel BAUDELLE 1

Christiane ORENSTEIN 2

Jean-Louis BRUN 3

L es « recommandations pour la pratique clinique » (1) rappellent que l’or-thophoniste participe à l’évaluation des troubles fonctionnels de la voixet de la déglutition dans les tableaux de paralysie laryngée unilatérale

(PLU) et qu’il assure la rééducation de ces deux fonctions. Si ces dernières sontétroitement liées, nous n’aborderons ici que le sujet de la rééducation vocale, ladéglutition faisant l’objet d’un article spécifique dans cette revue. De même nesera envisagé que le thème des immobilités laryngées récurrentielles unilaté-rales, les paralysies du nerf laryngé supérieur étant développées ultérieurement,tout comme les immobilités bilatérales.

La prise en ch a rge fonctionnelle des PLU n’a fait l’objet que de ra re sétudes (2), ce qui explique les dive rgences de points de vue des équipesspécialisées. Ainsi, Ossol (3), tout en acceptant les résultats de Heuer (2)sur l’ap p o rt de la rééducation, limite-t-il celle-ci à l’élimination du compor-tement d’effo rt et à la guidance du patient pour l’aider à ‘accepter une vo i xplus fa i ble et plus soufflée’. De même, certaines équipes préfère n t - e l l e se n c o re s’abstenir de proposer une rééducation précoce, sous prétex t equ’elle peut enge n d rer un comportement supra-glottique diffi c i l e m e n tr é ve rs i bl e, qui gênera un éventuel geste opérat o i re ultérieur (pose d’unimplant de Montgo m e ry sous AL) et qui limitera l’ap p o rt de la médialisa-tion ch i ru rgi c a l e. Les rééducat e u rs compre n d ront aisément l’aspect lacu-n a i re de ces considérations et l’urgence de multiplier les études scienti-fiques dans ce domaine.

1 OrthophonisteService de Neurologie, HIA Val-de-Grâce, 74, Bd de Port-Royal, 75005 Paris, tél: 01 40 51 41 26fax: 01 40 51 41 88 - [email protected]

2 Orthophoniste122, Av. Henri Barbusse, 47000 Agen, 05 53 66 54 59

3 Orthophoniste1, Av. Jean Jaures, 30000 Nîmes, 04 66 21 94 94

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♦ Bases cliniques de la rééducation des PLU

De manière plus satisfaisante, les « recommandations » postulent que « le but de la rééducation sera de développer les compensations fonctionnelleset de réduire les compensations parasites principalement supra-glottiques quipeuvent survenir à n’importe quel niveau de la fonction ». La rééducation desPLU devra donc toujours, et là réside sa principale difficulté, appréhender cesdeux types de compensation qui peuvent d’ailleurs l’une comme l’autre émergerpendant ou en dehors du cadre de la prise en charge (4,5,6). Dans le protocolede traitement orthophonique en neuf niveaux proposé par Dejonckere (5), cesdeux objectifs correspondent aux éléments 7 (travail et entraînement dirigé surles symptômes : réduction des compensations parasites) et 8 (travail et entraîne-ment des mécanismes de compensation : augmentation des compensations fonc-tionnelles) (voir fig. 1).

Fig 1: Principes de rééducation des PLU selon le comportement initial du patient-R : avant rééducation, +R : lors de la rééducation, CP : compensation parasite,

CF : compensation fonctionnelle

♦ ObjectifsLe but de la rééducation est de restaurer la voix sans attendre une éven-

tuelle récupération neurologique. En effet, la corde vocale immobilisée gardeses capacités vibratoires, mais le son ne peut se former correctement. L’impor-tance de la fuite glottique est une des causes de la dysphonie, et sa réductionsera donc l’un des objectifs à poursuivre (6).

D’autres facteurs rentrent en compte dans les troubles vocaux et la dys-phonie est aussi présente dans les cas de paralysie en fermeture, l’émission enmécanisme 1 (voix de poitrine) n’étant souvent plus possible alors que le méca-nisme 2 (voix de tête) semble préservé. C’est le cas de certaines paralysies

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récurrentielles dans lesquelles on observe une action compensatoire du musclecrico-thyroïdien (innervé par le nerf laryngé supérieur) qui étire le muscle vocalet permet ainsi une meilleure vibration dans l’aigu.

Amy de la Brétèque (6) propose ainsi deux axes de travail complémen-taires :

- tenter d’amener la corde saine à dépasser la ligne médiane en adductionlors de la phonation pour aller au contact de l’autre. Ceci peut êtreobtenu éventuellement au prix d’un basculement de l’aryténoïde sain endedans et en avant. Cet objectif est d’autant plus important que la cordevocale est immobilisée loin de la ligne médiane,

- améliorer le rendement de la voix en mécanisme I, en sollicitant lacontraction du muscle vocal, qui reste possible au moins du côté sain.Lorsqu’on y parvient, la voix semble retrouver ses capacités d’émissionen registre de poitrine.

La rééducation doit être précoce et intensive, afin de lutter contre leseffets de l’atrophie musculaire et de prévenir l’ankylose de l’articulation crico-thyroïdienne.

Elle doit ainsi très rapidement aborder la voix elle-même, et, s’il estessentiel, le travail du souffle phonatoire doit être au début plus une mise enplace qu’un objectif prédominant, le rééducateur se réservant le soin de l’opti-miser tout au long du suivi.

♦ Préalables à la rééducation

Le bilan

Nous ne détaillerons pas ici la composition du bilan fonctionnel et orga-nique dont l’importance est évidente. Rappelons seulement que seront notés lescaractéristiques du timbre, l’intensité, la fréquence et le registre dans la parole etdans la voix d’appel. Seront mesurés le temps maximum de phonation sur [a] etle rapport de durée consonantique [s]/[z]. La possibilité d’une fermeture glot-tique complète par un coup de glotte, la sonorisation du rire, l’efficacité de latoux, l’incidence sur la voix des modulations de fréquence, en particulier dans lechant, la fatigue vocale et l’existence d’éventuelles fausses routes figurerontparmi les éléments évalués.

Le comportement phonat o i re sera examiné dans son ensemble à larecherche de compensations hyperkinétiques parasites. Nous noterons sur lavoix ou sur le confort de parole l’effet de procédures de facilitation par médiali-sation mécanique externe, telles que les manipulations laryngées (voir infra).

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Le compte rendu de l’examen réalisé par le phoniatre ou l’ORL complè-tera le bilan orthophonique notamment grâce aux données laryngo-vidéo-strobo-scopiques.

Le bilan initial peut aboutir à diff é rentes présentations cliniques, quiconduiront à des orientations rééducatives spécifiques (7) :

- la voix est de bonne qualité, avec une corde vocale immobile en posi-tion médiane, un mu s cle vocal peu at ro p h i q u e, un bon comport e m e n tvocal. C’est l’abstention thérapeutique et seuls seront donnés desconseils concernant l’hy giène vocale et le comportement phonat o i reen généra l ,

- la voix est sonorisée mais bitonale. C’est une indication de rééducationavec beaucoup d’exercices de modulation de fréquence,

- la voix est voilée, la corde vocale atrophique est en position médiane ouparamédiane. C’est une indication de rééducation pour lutter contre leseffets de l’atrophie musculaire,

- la voix est soufflée et peu sonorisée, la corde vocale est atrophique enabduction. Une rééducation intensive sera, si le résultat est insuffisant,complétée par une médialisation chirurgicale,

- la voix est soufflée, exténuante, entraînant une fatigue vocale et phy-sique majeure ; la toux n’est pas efficace et, surtout, il y a des faussesroutes importantes mettant en jeu le pronostic vital du patient. Pour cettedernière raison, ce cas nécessitera une médialisation chirurgicale rapideavant rééducation.

L’information au patient

Deux points sont importants avant toute rééducation vocale : - une information claire et concise sur le fonctionnement de la voix, sur

laquelle le patient pourra construire tout au long du suivi son ‘schémacorporel global’, ensemble de repères proprioceptifs et de ‘points d’ap-pui’ essentiels à l’affinement du geste vocal,

- la mise en place d’un contrat de rééducation, tenant compte à la fois dubilan fonctionnel initial, des attentes et des impératifs vocaux du patient.

♦ Les techniques de rééducation

Certaines techniques relèvent de la rééducation classique des dysphoniesdysfonctionnelles, d’autres étant spécifiques, le principe de base étant d’aborderle travail de la voix très rapidement. Voici un éventail non exhaustif d’exercicesprovenant de la littérature.

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Détente loco-régionale et prise de conscience corporelle

La rééducation va consister à demander au patient de mobiliser volontai-rement différents muscles impliqués dans l’émission vocale, ce qui nécessiteune connaissance proprioceptive du corps appropriée. Voici tout d’abord desexercices de détente et de mobilisation de la région péri-laryngée.

Flexion cervicale. Pe n cher le menton en avant, jusqu’à ce qu’il touche le sternum, re l ever la têteen arri è re, jusqu’à ce que la nuque touche le haut du dos, replacer la tête biend ro i t e, colonne cervicale étirée, comme dans une position de repos. Fa i re un‘bâillement mondain’ (lèvres re s s e rrées, fond de go rge bien ouve rt ) .

. F l é chir la tête sur l’épaule dro i t e, sur l’épaule ga u ch e, sur l’épauledroite, replacer la tête droite. Bâiller.

. En arrière, en avant, en arrière, au milieu. Bâiller.

. A gauche, à droite, à gauche, au milieu. Bâiller.

. Faire une rotation complète de la tête dans un sens puis dans l’autre.

Rotation cervicale

On apprend au patient à distinguer flexion et rotation.. Souffler un filet d’air en face, à gauche, à droite, en face.

Flexion + rotation cervicales. Elever le menton en haut et à gauche, puis l’abaisser en bas à droite. Inverser : menton en haut et à droite, en bas et à gauche, puis en haut età droite…

Travail de la musculature extrinsèque du larynx

Il s’agit ici d’augmenter le tonus des muscles sus et sous-hyoïdiens, mus-culature de soutien du larynx qui élève, abaisse et fixe celui-ci.

. En position assise : Hyperextension du ra chis cervical, avancée deslèvres en position [y], déroulement du menton, de bas en haut et d’avanten arrière ; maintien de la position quelques secondes et reprise. Mêmeexercice avec sonorisation, d’abord sur [e] puis sur [i].

Détente des trapèzes. Elever une épaule près de l’oreille, tenir quelques secondes, puis revenirà la position de repos.

. Même chose avec l’autre épaule.

. Même chose avec les deux épaules simultanément.

. Rouler la tête en arrière d’une épaule à l’autre puis revenir en roulant latête en avant.

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Respiration

Allongé. Mains sur le ventre, on demande au patient de prendre conscience dutrajet intérieur de l’air et d’arriver à le sentir jusqu’à ses mains placéessur l’abdomen.

. Prise de conscience de l’écartement costal.

. Répéter le mouvement consciemment en imaginant le mouvement dudiaphragme.

Assis. Penché en avant, coudes sur les genoux.

Le rééducateur placé dans le dos du patient, pose ses mains au bas deses côtes et surveille ses épaules qui doivent rester basses. On com-mence par souffler pour vider les poumons, en mettant la sangle abdo-minale en tension, puis on demande de ‘relâcher la sangle abdominalepour que le diaphragme puisse baisser quand les poumons se gonflent’.

. On travaille ensuite l’opposition inspiration courte / ex p i ration longue, quel’on pourra entrecouper de deux petites pauses, poumons vides, poumonspleins, ce qui perm e t t ra de travailler avec des points de rep è res constants :

On vide les poumons. Pause sur 3 temps.Inspiration sur 3 temps. Pause sur 3 temps.Expiration sur 9 temps.

. On poursuivra ensuite par la production de constrictives sourdes prolon-gées :

f----à s---à ch---à

Puis de séries d’occlusives sourdes, bien explosives :-p.p.p. –t.t.t. –k.k.k.

On travaillera parallèlement la prise d’air buccale.

Debout. Appuyé à une chaise ou au bureau : poids du corps en avant, le rééduca-teur contrôle l’écartement costal dans le dos

. Sans aide : C’est ici que l’on introduit les notions de verticalité et d’éti-rement.

- enroulement- exercices respiratoires comme décrits précédemment, contrôlés par

la vue (devant une glace), les mains du patient placées sur lesobliques de sa sangle abdominale, le long d’un mur, avec un cous-sin derrière la nuque pour garder le menton légèrement rentré.

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On complètera la production de phonèmes sur l’expiration ralentie, parl’émission de :

- v--à -z---à j--à- b.b.b. – d.d.d. – g.g.g.

Si le travail de la respiration n’est pas possible avec certains patients, oncherchera un souffle avant tout ‘efficace’.

Exercices de fermeture du sphincter glottique

Exercices doux. On utilise ici des voyelles piquées suivies de courts [k] bien explosifs :

a.a.a. K.K.K.é.é.é. K.K.K.i .i. i. K.K.K.

. souffle interrompu

. langue tirée, émission de :a---à é---à i---à prolongésa.a.a.a.--à é.é.é.é.--à i.i.i.i.--à

Exercices de fermeture plus toniques

. Coups de glotte :Inspirer, ouvrir la bouche, serrer les cordes vocales, relâcher commepour relâcher une mucosité

. La question du ‘pushing’ : Le ‘pushing’ est une technique évoquée pour la pre m i è re fois en 1955par Fro e s chels pour traiter les para lysies laryngées unilat é rales (8).Elle s’appuie sur le fait qu’un effo rt mu s c u l a i re tel que celui de pous-ser un objet lourd avec les membres supéri e u rs nécessite une aug-m e n t ation de pression intra - t h o racique et donc la fe rm e t u re de lag l o t t e. Très en vogue ces dern i è res décennies, cette méthode estactuellement remise en question (8,3,6) car elle peut d’une part êtret ra u m atique pour la muqueuse cord a l e, et d’autre part être à l’ori gi n e,si elle est mal contrôlée, de l’installation d’un comportement de fo r-ç age avec hy p e rtonie des bandes ve n t ri c u l a i re ou, pire, d’une voix desbandes qu’il sera difficile ensuite d’enraye r. Il semble donc préférabl ed ’ avoir re c o u rs à d’autres méthodes plus douces qui re m p l a c e ro n tava n t ageusement cette technique potentiellement tra u m atisante (vo i rA my de la Brétèque).

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Travail vocal

Travail vocal spécifique

Ce travail s’appuie sur la possibilité d’une action mécanique indirectemais locale sur le vibrateur laryngien par le biais des manipulations laryngées.L’objectif est de rapprocher les plis vocaux afin de permettre à la corde vocalesaine de dépasser plus facilement la ligne médiane pour aller au contact del'autre et de permettre ainsi une meilleure vibration de la muqueuse. Les mani-pulations laryngées ont en outre un intérêt pronostique et peuvent être essayéesdès le bilan, un changement de timbre ou d’intensité étant alors un signe favo-rable pour l’évolution ultérieure.

. Les manipulations laryngées

Afin de rapprocher la corde vocale paralysée de la ligne médiane, il estintéressant d’avoir recours aux manipulations laryngées. Si la technique est par-fois légèrement différente selon les auteurs, le principe est identique et l’essen-tiel semble de se fier à son oreille et aux appréciations du patient en terme deconfort vocal.

Dans un premier temps, il est intéressant de repérer sur soi-même lesstructures laryngées. Commencer d’abord par sentir l’os hyoïde en le prenantentre le pouce et l’index. Suivre son trajet en arrière en le maintenant entre lesdeux doigts. On peut sentir ses possibilités de déplacement latéral. Plus bas, onrep è re le cart i l age thy roïde qui se joint en haut et en avant de la pommed’Adam. En faire le tour et sentir les deux plaques thyroïdiennes à droite et àgauche, puis, en haut et en arrière, les grandes cornes, et en bas et en arrière, lespetites cornes. Sous la pomme d’Adam se trouve un petit espace musculaire :c’est le muscle crico-thyroïdien, qui permet la bascule du cartilage thyroïde surle cricoïde lors de sa contraction. En descendant sur le cartilage cricoïde auniveau du tubercule, caresser l’arc cricoïdien entre le pouce et l’index jusqu’enarrière pour retrouver les petites cornes du thyroïde.

Voici deux exemples de manipulation pour une immobilité lary n g é edroite :

- Le rééducateur se place à gauche et derrière le patient qui est assis surune chaise, le dos contre le dossier. A l’aide de sa main gauche, il placeson pouce sur l’aile thyroïdienne gauche (au niveau de l’aryténoïde), etson index sous le cartilage cricoïde à droite (arc cricoïdien). Le patientvient placer sa tête en bas et à droite (au creux de l’épaule). L’orthopho-niste opère une bascule pouce / index : l’index fait remonter le cricoïde,le pouce abaisse l’aile thyroïdienne, tout cela en exerçant une pression

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dont l’intensité sera fonction du changement de timbre et d’intensité dela voix (voir fig. 2)

Fig.2. Exemple de manipulation laryngée indiquée en cas d’immobilité laryngée droite

- Le rééducateur se place devant le patient et, à l’aide de la pince pouce /index, comprime les lames du cartilage thyroïde au niveau de la pommed’Adam.Dans ces deux manipulations, le patient ressent un point de serrage trèsprécis à l’intérieur et en arrière de son larynx, légèrement désagréable,mais non douloureux. On relâche le serrage lors des reprises inspira-toires.Si elle est efficace, la manipulation laryngée peut être effectuée danstout exercice vocal, qui n’en sera que mieux réalisé. Les exercices debase sont les suivants :

- Les séries de ‘ik,ik,ik…’, ‘ek, ek, ek..’, ‘ut, ut, ut..’, ‘ap, ap, ap..’,

- Les séries utilisant la sonante [R] associée aux occlusives vélaires quifavorise la sonorisation : Krrrra, Krrrré, Krrrri, Krrrro, Grrrra, Grrrré,Grrri, Grrrro…

- Les sonorisations à la paille sur l’émission d’un souffle continu, puisocclusions de la paille intercallées d’émissions sonores

Travail vocal non spécifique

C’est un travail plus classique faisant appel à toutes les ressources durééducateur pour améliorer les paramètres vocaux déficients du patient. Voiciquelques exemples d’exercices :

- travail de la modulation (variations de hauteur) sur des phrases à forteintonation

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- travail de la dynamique (variations d’intensité) sur des phrases adaptées- travail d’optimisation des tenues vocaliques, en durée et stabilité- travail des transitions vocaliques en recto-tono, le mieux étant d’abord

de suivre le contour du triangle vocalique pour effectuer les transitionsles plus douces, d’abord deux à deux puis en groupe : [u o ɔ a] , [a ε ei], puis en boucle [u o ɔ a ε e i y u o ɔ a ε ….]

- travail de recto-tono sur des phrases puis sur un texte, en vers dans unpremier temps, en ayant soin de débuter sur un fondamental de confort,et en progressant demi-ton par demi-ton vers l’aigu, puis vers le grave,en essayant de conserver les qualités de l’émission de confort

- travail des sirènes, de vocalises de plus en plus élaborées- travail du chant dès qu’il est possible, en débutant par des partitions

aisées à la tessiture réduite.

♦ EvolutionIl faudra prévoir au moins vingt à trente séances de rééducation, à un

rythme de deux à trois par semaine. Le principe est de continuer tant que la voixs ’ a m é l i o re, ceci en accord avec les désirs du patient. Des enregi s t re m e n t svocaux seront régulièrement effectués pour le contrôle de l’évolution et pourmotiver le patient qui se rendra compte de ses progrès. La progression est sou-vent ‘par à coups’ et certaines séances feront date dans l’évolution du patient.Une amélioration rapide, en quelques séances, peut être le fait d’une ré-innerva-tion spontanée, mais aussi d’une compensation fonctionnelle. Il est naturelle-ment intéressant de pouvoir bénéficier tout au long du suivi de compte-rendusd’examens laryngés attestant de l’évolution de la paralysie et de sa compensa-tion.

♦ ConclusionLa rééducation des immobilités laryngées unilatérales est le plus souvent

gratifiante : Elle est de durée relativement courte, techniquement assez simple,et souvent efficace. Sa principale difficulté réside dans l’écueil de la surcompen-sation hyperkinétique, avec ou sans mise en jeu des bandes ventriculaire, quipeut aggraver de manière importante, voire de façon difficilement réversible,une voix en progression favorable, et rallonger ainsi considérablement le tempsde rééducation. Une bonne connaissance des données physiopathologiques, destechniques spécifiques de rééducation, et surtout, une oreille expérimentée sontles impératifs de cette prise en charge très intéressante.

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REFERENCES

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(2001) Dysphonies et rééducations vocales de l’adulte. Solal, 356 p6. AMY DE LA BRETEQUE B. (1998) Techniques de rééducation des paralysies laryngées unilatérales.

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La pratique des chaînes d’occlusionsdans la rééducation des paralysies unilatéralesdu larynx

Benoît Amy de la Bretèque

R é s u m é

Les différents sons utilisables dans la rééducation des paralysies laryngées unilatérales(PLU) peuvent être classés suivant la résistance à l'écoulement aérien offerte par le pavillonvocal. Parmi eux, une place particulière doit être accordée aux exercices de fermeturesrépétées du tractus vocal sur une poussée expiratoire régulière, nommés chaînes d'occlu-sions. Les chaînes d'occlusions sus-glottiques se pratiquent au travers d'une paille ou surles points d'articulation des consonnes occlusives. Du fait de la pression élevée régnantalors dans les cavités aériennes, elles font effectuer à la musculature d'adduction un travailcontre-résistance tonique, mais non traumatisant pour la glotte. Les chaînes d'occlusionsglottiques font basculer l'aryténoïde valide en dedans et en avant, et aident ainsi à obtenirune fermeture glottique. Par contre, elles n'induisent pas de réel travail contre résistance etsont plus agressives pour la glotte. Guidé par son écoute de la voix, l'étude de la toux (éven-tuellement de façon objective par tussométrie) et par les données de l'examen, le rééduca-teur pourra orienter le choix parmi ces exercices : les chaînes d'occlusions glottiques serontplutôt réservées aux PLU en abduction, où elles remplaceront avantageusement les clas-siques exercices de glottage, exécutés avec une force expiratoire morcelée syllabe par syl-labe.

Mots clés : paralysie laryngée unilatérale, rééducation vocale, consonnes occlusives, glot-tages, tussométrie.

Rééducation Orthophonique - N° 215 - Septembre 2003

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Use of different levels of closure in the functional treatment ofunilateral laryngeal palsy

Abstract

Voice productions used to rehabilitate unilateral laryngeal palsy may be classified accordingto the level of air flow resistance induced by the vocal tract. Exercises involving repetitiveclosure during regular expiratory pressure are particularly important. These exercises arepractised with the use of a straw or with the articulatory posture of occlusive consonants.The high pressure level which is induced by these tasks in the vocal tract activates theadductor muscles that tend to resist this pressure. The reaction is not traumatic for the glot-tis, as opposed to direct glottal closure exercises which are more aggressive for the larynx.In any case, the choice of the productions used is based on the following : acoustical per-ception of the voice, assessment of coughing and laryngeal observation.

Key Wo r d s : Unilateral laryngeal palsy, vocal rehabilitation, occlusive consonants, glotting,cough assessment.

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Benoît AMY DE LA BRETÈQUEPhoniatre attaché des Hôpitaux Publics deMarseille et de Montpellier,Service ORL80, avenue Augustin Fliche34395 Montpellier cedex [email protected]

Dans la rééducation des paralysies laryngées unilatérales (PLU), je pro-pose d'accorder une large place aux exercices nommés chaînes d’occlu-sions : il s’agit de réaliser des fermetures répétées du conduit vocal sur

une poussée expiratoire régulière, dans le but de restaurer la fonction de sphinc-ter du larynx et d’améliorer la solidité du mécanisme de poitrine. Cet article sepropose d’expliquer ce que sont ces exercices, quelles sont leurs indications,quel est leur effet sur la biomécanique laryngée, et en quoi ils semblent rempla-cer avantageusement les exercices classiques de « glottage ».

Mais voyons au préalable quel est l’ensemble des sons utilisés dans larééducation des PLU.

♦ Matériel phonétique utilisé dans les rééducations des PLU

Les phonèmes utilisés pour la rééducation des PLU peuvent être classésen fonction de la résistance en retour des cavités de résonance : plus celle-ci estélevée, plus l’exercice fait travailler la force de l’adduction cordale (2). Troisgrandes catégories de phonèmes sont retenus.

Une pre m i è re cat é go ri e c o n c e rne les consonnes c o n s t ri c t ives non-voisées : "fff ", "sss", "chchch".

On les a choisies car elles s’accompagnent d’une forte résistance dupavillon vocal au passage de l’air expiratoire.

On rangera dans ce groupe l’exercice du chalumeau (souffle au traversd’une paille fine, ou d’une paille pincée à son extrémité inférieure, tenue entreles lèvres bien serrées). C’est lui qui sert de référence aux autres exercices :l’énergie expiratoire doit être la même sur une de ces constrictives que dans lapaille. Pour apprendre à contrôler cela, sur la même expiration, on passera dusouffle dans la paille à une constrictive.

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Malgré l’absence de son vocal, la motricité laryngée est sollicitée dans cetype de travail : sur un larynx normal, en faisant l’exercice sous contrôle de lavue en nasofibroscopie, on voit les cordes vocales s’étirer et les aryténoïdesfaire un mouvement d'adduction. On est donc déjà efficace ainsi. De plus, cesexercices permettent au patient de prendre conscience de l’énergie qu’il doitdonner à son souffle pour réaliser utilement les exercices de sonorisation quisuivront.

Une deuxième catégorie regroupe les phonèmes voisés et continus. Onsera contraint de commencer avec des résistances faibles, car, en cas de PLU,l’émission vocale (le voisement) est difficilement obtenue avec de fortes résis-tances, surtout au début de la rééducation. On augmentera ces résistances dèsque possible.

L’exercice du chalumeau est donc repris, en émettant un son vocal tout ensoufflant dans la paille. Il faudra commencer avec une paille assez large (5 mmde diamètre), puis en essayer ensuite une plus étroite.

Les autres phonèmes utilisés sont des consonnes constrictives commecelles de la catégorie précédente, mais accompagnées d’un voisement : "sss"exécuté précédemment donnera désormais avec un voisement "zzz" ; de même,"fff" devient "vvv", et "chchch" devient "jjj". Il sera toujours utile d’enchaînersur la même rhèse le son dans la paille et une de ces constrictives voisées, defaçon à vérifier qu’on garde bien la même énergie expiratoire.

On utilise également des voyelles, en commençant par celles qui sontantérieures et fermées (iii, ééé,...). Les cordes vocales sont ainsi plus étirées, etla glotte mieux fermée que sur d’autres types de voyelles. Elles seront de préfé-rence amenées par une constrictive, un son à la paille, ou une occlusion (voir §ci-dessous).

La troisième cat é go ri e de phonèmes concerne ceux qui réalisent uneocclusion du pavillon vocal pendant une courte durée. La résistance au passagede l’air expiratoire est donc maximale à ce moment-là. L’objectif est ici d’ame-ner la glotte elle-même à se fermer durant quelques secondes. Ce sont leschaînes d’occlusions, objet de notre étude.

♦ Réalisation des chaînes d’occlusions

Principe des chaînes d’occlusions

Le principe des chaînes d’occlusions est fort simple : inspiration, occlu-sion, émission très brève, aussitôt interrompue par l’occlusion suivante, et ainsi

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de suite, plusieurs fois sur la même rhèse. Exemple : kakakak. Chaque émissionest donc encadrée par deux occlusions. L'effort expiratoire doit être constant,sans se relâcher ni se raidir sur le temps de l'occlusion.

Ceci différencie les chaînes d’occlusions des exercices de fermeture réali-sés syllabe par syllabe, avec occlusive en position initiale (par exemple ka...ka... ka...) qui font se succéder inspiration, blocage, et émission produite parrelâchement, s'interrompant d'elle-même. Dans ce cas, l'effort expiratoire estmorcelé, au rythme d'émission des syllabes. Elles se différencient de même desexercices dans lesquelles l’occlusive est en position finale (par exemple ak…ak… ak…).

Les chaînes d’occlusions se rattachent donc au cadre général des chaînessyllabiques (1), dans lesquelles on recherche une répartition égale de l'énergieexpiratoire tout au long de la rhèse, sans à-coups.

Réalisation pratique des chaînes d’occlusions

L'exécution de ces exercices requiert un peu de soin pour qu'ils prennenttout leur intérêt :

- il faut garder un effort expiratoire régulier, ne se laissant pas influencerpar la succession occlusion/émission ;

- la fermeture du conduit vocal doit être assez longue (1/2 s environ), tan-dis que l'émission doit être très brève.

1. Le premier exercice se fait avec une paille, et sur le souffle seul : tandisque le sujet souffle avec un effort aussi régulier que possible, le rééducateurferme du doigt l’extrémité libre de façon répétée, laissant se produire entrechaque occlusion une brève sortie d’air.

NB : il faut cacher le mouvement du doigt qui réalise les occlusions etprendre un rythme irrégulier pour que le patient ne puisse prévoir le moment oùelles vont se produire.

Quand l’exercice est bien compris, on demande au sujet de manipuler lui-même sa paille.

Rq : il n'est plus alors nécessaire d'adopter un rythme irrégulier, mais ilfaut prendre garde à ne pas accélérer le tempo.

2. Ensuite, on reprend de même en voisant le souffle : chaque sortie d’airdoit se faire avec une émission vocale bien nette, sans retard ni décalage parrapport au souffle. Le sujet doit faire comme s'il devait tenir un son sans inter-ruption pendant quelques secondes, tandis que le rééducateur manipule l’extré-mité de sa paille..

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Pour ce faire, je suppose que le patient a appris auparavant à réaliser unvoisement dans une paille (1), si toutefois c'est possible pour lui : en effet,comme nous le disions plus haut, il arrive souvent que la PLU ne le permettepas, surtout quand elle est en ouverture et quand on n’en est qu’au début de larééducation. Lorsqu’il n’est pas possible d’obtenir le voisement du souffle dansla paille, on a deux possibilités : soutenir l’émission par une manipulation ; simalgré cela, il est encore impossible de voiser, exécuter quand même l’exerciceen demandant au sujet de faire en lui-même comme s’il produisait le son.Comme nous le verrons plus loin, l’intention d’émettre la voix suffit pour quel’exercice ait une certaine efficacité.

Lorsque l’exercice est bien compris, le sujet peut s’entraîner seul.

3. On travaillera ensuite, selon le même principe, avec les consonnesocclusives, p, t, puis k. On glissera entre chaque occlusion soit une constrictive,soit une voyelle :

• en travaillant avec une constrictive sourde (exemple : pspspsp...), onpeut mettre en place l’exécution correcte de l’exercice ;

• en prenant une voyelle brièvement émise (exemple : pipipip...), l’exer-cice est assez facile pour être exécuté dans les premiers temps de larééducation, mais il est peu précis : on risque de perdre la régularité del’expiration et de faire alors des syllabes non liées ;

• en voisant la constrictive, (exemple : pzpzpzp...), l’exercice combinel’intérêt du travail de sonorisation contre résistance (cf. § ci-dessus) etdu travail avec les chaînes d’occlusions. Il est cependant assez délicat àbien exécuter.

Rq : pour parvenir à une réalisation correcte avec les voyelles, on peutavoir recours à un exercice préalable, utilisant une fois encore la paille : le sujetla place en bouche, avec le doigt qui obture l’autre extrémité ; il engage sonexpiration à l’intérieur; puis il laisse le souffle (et le son) sortir alternativementen soulevant son doigt, comme précédemment, et en ouvrant la bouche sur unevoyelle (le son produit ressemble un peu à ceci : /v/pop/v/pop, le mouvement dudoigt étant noté / et le son sortant de la paille v).

4. Enfin, on peut solliciter directement la fermeture glottique (notée // ).Les classiques exercices de glottage sont souvent utilisés dans cet objectif, maislà aussi, il sera mieux de travailler selon le principe des chaînes d’occlusions.On intercalera une voyelle, chuchotée ou sonore (exemple //a//a//a//...), ou uneconstrictive (exemple //j//j//j//...).

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♦ Mode d'action des chaînes d’occlusions sur la biomécaniquelaryngée

- chaînes d’occlusions exécutées à la paille

Lorsqu'on examine le larynx d’une personne saine exécuter correctementdes chaînes d’occlusions à la paille au moyen d’un nasofibroscope (cf. photos 1et 2), on note les faits suivants :

• sur chaque occlusion, les aryténoïdes et les cordes vocales sont ena dduction incomplète, et la glotte est légèrement ova l a i re (photo 1).

• sur l'émission suiva n t e, l’adduction se complète, les aryténoïdes re n-t rent en contact, les cordes se re s s e rrent et fe rment bien la glotte(photo 2).

• les bandes ventriculaires restent toujours éloignées de la ligne médiane,le vestibule étant de ce fait bien dégagé.

- autres chaînes d’occlusions

Sur kakakak (cf. photos 3 et 4), les mêmes faits sont observés, mais lorsde l’émission, les bandes ventriculaires sont plus actives et l’épiglotte plus recu-lée.

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Sur une chaîne d’occlusions glottiques de type //a//a//a// (cf. photos 5 à8), voici ce qui peut être observé :

• sur chaque occlusion, il y a une fermeture totale du vestibule, avec unebascule des aryténoïdes et un recul de l’épiglotte ; la glotte doit être fer-mée elle aussi, ce qu’on comprend en la voyant apparaître au temps sui-vant.

• lors de l’émission, on voit les aryténoïdes reculer sans se disjoindre ; lescordes vocales restent en contact ; le vestibule laryngé ne s’évase pastotalement, les bandes ventriculaires s’écartant incomplètement l’une del’autre.

L o rsque l’une quelconque de ces chaînes d’occlusions est ex é c u t é eavec une constri c t ive plutôt qu’une voyelle (exemple : k z k z k z k), on observeles mêmes faits, mais le ve s t i bule laryngé est moins re s s e rré pendant l’émis-sion.

Comment interpréter ces observations ?

1 - pour les chaînes d’occlusions sus-glottiques

Le mouvement de léger diastasis de la glotte pendant l’occlusion est dû,non à un relâchement, mais à une sorte de bras de fer entre la force des musclesadducteurs et la pression interne au conduit vocal. Bien sûr, ceci ne peut êtreobtenu que si le sujet a l’intention de poursuivre son émission malgré la ferme-ture du tractus.

Lors de l’émission qui suit l’occlusion, la pression sus-glottique diminueet la glotte se ferme sur toute sa longueur.

On réalise donc ainsi un véritable entraînement de la musculature d’ad-duction. Il concerne, selon toute vraisemblance,

• les muscles assurant la mise en contact des aryténoïdes (interaryténoï-diens, crico-aryténoïdiens latéraux)

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• le mu s cle vocal (thy ro - a ryténoïdien inférieur) dans le cas où ondemande au sujet de produire des sons de hauteur adaptée (en dessousdu si2 pour une voix féminine).

Rq : afin de mettre rigoureusement en évidence cette action musculaire, ilnous faudrait réaliser des études électromyographiques, ce qui n’est pas aisé dufait du caractère invasif de cet examen.

En outre, il faut noter que cet effort musculaire se fait sans risque de trau-matiser les cordes vocales, car elles ne sont pas en contact pendant la durée dela fermeture.

Par ailleurs, l’utilisation de sonorisations contre résistance (la paille, uneconstrictive), évite tout forçage sur l’étage sus-glottique et permet de mettre lescordes plus doucement en contact lors de l’émission.

Dans le cas d’une PLU, ces exercices solliciteront le côté sain, permettantd’effectuer une compensation à la déficience controlatérale, et les éventuelsrestes de tonicité du côté atteint (en cas d’interruption nerveuse incomplète).

2 - pour les chaînes d’occlusions glottiques

La glotte et le ve s t i bule se fe rment d’ab o rd et seule la pression sous-glottiques ’ é l è ve ensuite. L’ a dduction n’a donc pas à lutter contre une pression intrag l o t t i q u eet sus-glottique élev é e, comme dans le cas précédent. L’intérêt de cet exe rcice résides u rtout dans le mouvement de bascule des aryténoïdes. Dans les cas de para lysie eno u ve rt u re, la pratique de ces chaînes d’occlusions glottiques (éventuellement jointeà des manipulations adéquates) entraîne cette bascule du côté sain.

♦ Indications des chaînes d’occlusionsLe compte-rendu de l'examen laryngé donne des renseignements orientant

le protocole. En effet, dans la rééducation des paralysies laryngées unilatérales,on doit tenir compte de la position de la corde immobilisée : il faut distinguerles PLU en adduction (corde en position médiane). et les PLU en abduction(corde en position écartée).

Rq. : outre les éléments indiqués ci-dessous, le compte-rendu de l'examendu larynx en donne d'autres fort utiles au rééducateur, mais il n'entre pas dansmon propos d'en parler ici.

Il faut connaître la situation anatomique exacte, et pouvoir répondre auxquestions suivantes :

• où se situe la corde immobilisée par rapport à la ligne médiane : enouverture (abduction), en fermeture (adduction) ou intermédiaire? Dans

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le cas où le compte-rendu est laconique, le rééducateur peut en avoir uneidée en écoutant la voix : l'immobilité en position écartée donne plutôtune voix bitonale, très aggravée et très faible ; celle en position médianeune voix trop aiguë, faible et soufflée, à la manière d'un fausset (la bito-nalité n'apparaît que dans les essais de voix forte).

• quelle est la nature de la fuite glottique : médiane (au niveau de la glotteligamentaire, avec concavité du bord libre de la corde immobilisée),postérieure (au niveau de la glotte cartilagineuse), ou totale (au niveaudes deux) ?

Ces deux points doivent être appréciés si possible sur un son grave et surun son aigu.

• quelle est la position des aryténoïdes en phonation : arrivent-ils aucontact l'un de l'autre ? Y a-t-il une bascule de l’un d’entre eux ? Enl'absence de renseignements médicaux sur ce point, on peut s'en faireune idée en testant la toux.

L'étude de la toux, simple à réaliser, oriente le choix des exercices. Lerééducateur peut déjà en avoir une idée en demandant à son patient de tousser. Ilécoutera le bruit produit : s'il paraît net, avec une attaque dure, la fermeturelaryngée peut être obtenue. Dans le cas contraire, il y a un déficit de la fonctionde sphincter, nécessitant de la reconstruire autant que possible.

Pour notre part, nous utilisons le logiciel EVA, avec lequel il est possibled'objectiver et de quantifier en quelques secondes la fonction de toux du larynx,et donc sa capacité de sphincter : c'est la tussométrie (3). On utilise la fonction"spirométrie" de la station ; il est demandé au sujet de tousser trois fois dans unembout permettant de recueillir l’air expiré ; on mesure sur la courbe le tempsde montée du débit de pointe d'air oral (TM), du zéro à son sommet. Approxi-mativement, on peut dire que lorsqu'il est inférieur à 0.1s, la fonction de toux estsatisfaisante, et on peut supposer que les aryténoïdes sont capables de se mettreau contact l’un de l’autre.

Examinons maintenant les deux catégories de PLU l’une après l’autre.

1. Cas des paralysies en adduction (corde en position médiane)

Souvent, dans les jours qui suivent le début de l’atteinte, les maladesatteints de ce type de paralysie récupèrent spontanément une partie de leur émis-sion vocale. Leur voix reste cependant faible, soufflée et mal timbrée, maisaussi trop aiguë. Si on demande à la personne de donner plus d’intensité, onprovoque souvent une bitonalité (comme si deux notes différentes étaient encompétition pour être émises en même temps). Malgré la rééducation vocale,

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ces troubles peuvent être récalcitrants. Ceci peut surprendre, car la situationanatomique ne paraît pas très défavorable : apparemment, la glotte se ferme cor-rectement en phonation. Comment le comprendre ?

Il faut d’abord saisir comment se produit la vibration des cordes vocales.

Il faut ensuite se souvenir les effets d’une PLU.

Voyons ces deux points.

La mise en vibration des deux cordes vocales n’a pas encore livré tous sesmystères, mais on peut d’ores et déjà s’en faire schématiquement la représenta-tion suivante, pour des conditions normales (4) :

• au moment de produire un son, les cordes vocales se positionnent l’unecontre l’autre, fermant la glotte ; l’air expiratoire montant dans la tra-chée rencontre cet obstacle, dont la présence, combinée à l’action desmuscles expirateurs, entraîne une augmentation de la pression (pressionsous-glottique) ; l’air peut ainsi s’immiscer entre les deux cordes, enprofitant de la souplesse de la couverture muqueuse qu’il entraîne decôté ; après le passage d’une petite quantité, les cordes se referment parune sorte d’aspiration semblable à celle qui se produit dans le sillaged’un corps en mouvement (effet de Bernouilli). Ce phénomène constitueun cycle vibratoire, et se reproduit identique à lui-même jusqu’à plu-sieurs centaines de fois par seconde selon la hauteur du son émis. Il aété comparé à l’entraînement de la corde d’un violon par l’archet.

• considérons également le point suivant : à chaque cycle vibratoire, lebord libre de chaque corde rentre en contact un instant avec celui del’autre corde (c'est la phase de fermeture) ; l'effet en est un peu commele ressac se produisant par heurt de la houle sur une barre rocheuse. Il ya ainsi un transfert d’énergie d’une corde à l’autre. Ceci contribue à larégularité des cycles vibratoires, chaque corde aidant l’autre à s’accor-der avec elle-même. Ce phénomène nécessite que les valeurs de masseet de tension de chaque corde soient assez proches de celles de la cordecontrolatérale.

• rappelons enfin que la voix humaine comporte essentiellement deuxmécanismes d'émission (5). Dans le premier, le muscle vocal est enaction, et les cordes sont alors épaisses, assurant entre elles une surfacede contact importante pendant la phase de fermeture de chaque cyclevibratoire : c'est l'émission utilisée généralement dans la voix parlée,s o u vent identifi able sous le vo c able de voix de poitri n e. Dans ledeuxième mécanisme, ce muscle se relâche ; les cordes vocales, plusfines, peuvent se laisser davantage étirer, et la surface de contact entre

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elles est plus réduite : c'est l'émission utilisée en particulier dans l'aigude la voix chantée féminine, parfois dénommée voix de tête.

Or, la présence d’une paralysie laryngée unilatérale, outre qu’elle a poure ffet d’empêcher les mouvements glottiques d’add u c t i o n / abduction, entra î n eaussi une flaccidité de la corde immobilisée. Ainsi, les bords libres des deuxcordes ne sont pas du tout au même niveau de tension, et la phonation dans cesconditions est-elle difficile : la corde immobilisée éch appe au contrôle del’autre, par moments au moins. Il en résulte une forte asymétrie des vibrationsdans les deux cordes, aboutissant à la sensation auditive d’une bitonalité. Quandla PLU est due à une atteinte du nerf récurrent, le patient corrige intuitivementen étirant les cordes par action du cricothyroïdien. En effet, ce muscle estinnervé par le nerf laryngé supérieur, et n’est donc pas touché par une paralysierécurrentielle. La vibration est alors meilleure, la tension des bords libres étantdavantage symétrique, mais le son produit est nécessairement plus aigu. C'estpourquoi dans une PLU en fermeture, la voix semble souvent avoir perdu sescapacités en voix de poitrine.

Dans ce contexte, par l'utilisation les chaînes d’occlusions, on peut espé-rer

• améliorer la phase de contact entre les deux cordes : surface, quotient defermeture. C'est avant tout sur la corde valide que la rééducation agira,en développant sa force musculaire dans le mécanisme 1.

• restaurer autant que possible une meilleure tonicité de la corde immobi-l i s é e. Il fa u d ra compter sur la continuité fonctionnelle d’au moinsquelques filets nerveux, ce qui est parfois le cas, soit parce que l’influxnerveux dans le nerf récurrent n’est pas totalement interrompu, soit parun trajet atypique de quelques fibres cheminant dans le nerf laryngésupérieur.

Dans certains cas, il faut avouer que la rééducation seule risque d’êtredécevante, et une correction chirurgicale pourra être indiquée. Elle n’en est pasmoins utile, les résultats combinés de la rééducation et de la correction chirurgi-cale paraissant intéressants.

En somme, dans une para lysie laryngée unilat é rale en adduction, larééducation s’efforce d’abord de favoriser une bonne position des deux cordesvocales en phonation, fût ce au prix d’un décalage vers l’aigu en voix de tête, etde restaurer ensuite le mécanisme de poitrine.

Parmi les différents exercices présentés ci-dessus, toutes les chaînes d’oc-clusions peuvent être utilisées. On pratiquera beaucoup d’exercices utilisant unesonorisation contre résistance. Les chaînes d’occlusions postérieures seront uti-

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lisées plutôt en fin de rééducation : elles sont bien adaptées à la restauration dumécanisme 1 grâce à l’avancée des aryténoïdes qu’elles induisent. On n’utiliseraque ra rement les chaînes d’occlusions glottiques, les aryténoïdes étant enmesure de se toucher.

On tiendra compte des possibilités conservées pour adapter le matérielmélodique au travail des chaînes d'occlusions. De type descendant, il partira dela hauteur à laquelle le patient peut émettre sa voix (en général l’aigu), en utili-sant les exercices recto-tono, les exercices "en dents de scie" (une note aiguë etune grave en alternance), voire les vocalises sur des gammes ou des arpègesdescendants. La progression se fera de demi-ton en demi-ton vers le grave (1).

2. Cas des paralysies en abduction (corde en position écartée)

Généralement, ces patients ont une voix très basse, très soufflée et extrê-mement rauque (bitonale). Ils ont parfois des troubles transitoires de la dégluti-tion des liquides, avec fausses routes. Spontanément, leur voix récupère peu (endehors des cas de récupération neurologique, bien sûr).

Parmi les objectifs proposés classiquement dans la rééducation des para-lysies en abduction figure en premier lieu la reconstruction de la fonction desphincter (6). Ceci est motivé par les éventuels troubles de la déglutition, maisaussi pour la voix. Dans ce but, il a été proposé depuis longtemps de réaliser desexercices dits de fermeture laryngée.

Les chaînes d'occlusions trouvent donc là un emploi légitime. Toutes doi-vent être utilisées, et y compris les chaînes glottiques dont c’est là la meilleureindication. En effet, la pratique de ces dernières aidera à obtenir une bascule del’aryténoïde valide en avant et en dedans au moment de la phonation, ce qui estutile pour obtenir l’affrontement des cordes vocales. Cependant, il n’est généra-lement pas possible de faire les chaînes d’occlusions glottiques au début d’unerééducation. Il faudra donc travailler d’abord les autres types de chaînes d’oc-clusions, particulièrement intéressantes par l’effort développé contre la pressiond’air (cf. supra). Il faudra également soutenir leur réalisation par des manipula-tions laryngées (cf. l’article de Baudelle, Orenstein et Brun dans ce mêmenuméro).

Sur le plan mélodique, la récupération ne passe pas toujours par l’aigu.En effet, les paralysies du X, qui donnent volontiers une PLU en ouverture,affectent également le nerf laryngé supérieur et interdisent donc tout étirementde la corde vocale atteinte. Les données de l’examen et les tests vocaux aiderontà préciser ce qui pourra être obtenu. Dans les cas favorables, la recherche del’aigu sera d’emblée fructueuse. Dans les autres, il faudra solliciter l’étirement

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de la corde controlatérale en demandant au patient de tenter de faire un son aiguen voix de tête ; il n’y parviendra pas, surtout au début, mais cette tentative per-mettra d’améliorer la tension des cordes vocales, et donc leur mise en contact.

Ici aussi, une correction chirurgicale pourra être indiquée : soit d’emblée,quand le chirurgien a été contraint de sacrifier le nerf récurrent, ou quand lesfausses routes pourraient menacer la survie du patient ; soit après, dans les casoù on ne parviendrait pas à créer de compensation efficace avec la rééducation.

♦ Chaînes d’occlusions glottiques et glottagesExercices classiques de fermeture glottique : les glottages

Les classiques exercices de fermeture glottique reposent sur le principedu "glottage" : inspirer, bloquer le souffle si possible par une fermeture glot-tique, et émettre une voyelle débutant par une attaque dure. Il existe diversesvariantes à cet exercice :

- la voyelle peut être chuchotée ou voisée- des adjuvants peuvent être utilisés, dans le but de rendre plus efficace la

fermeture glottique : tirer ou pousser sur ses mains jointes, s'accrocher àson siège en le tractant, tenter de repousser un mur avec les mainsposées à plat dessus, faire mine de soulever un objet lourd... On nommesouvent ces pratiques "pushing".

On peut se demander à ce sujet : • ces exe rcices pourraient-ils être indiqués dans les PLU ? On l’a vu : pas

t o u j o u rs, notamment pas quand l’aff rontement des aryténoïdes est possibl e. • ont-ils des inconvénients importants ? Réponse : oui, à tel point que la

rééducation des PLU, lorsqu’elle fait largement appel à eux, finit paravoir mauvaise presse en ORL

• sont-ils efficaces ? C'est discutable.

En effet, l’examen d’une personne effectuant une série de glottages (pho-tos 9 à 12) montre les faits suivants :

• pendant la fermeture du tractus, le larynx se comporte comme pour deschaînes d’occlusions glottiques (fe rm e t u re antéro - p o s t é ri e u re de laglotte par avancée des aryténoïdes et recul de l’épiglotte)

• l o rs de l’émission, on voit les bandes ve n t ri c u l a i res s’écarter (ellesétaient donc serrées juste avant), les aryténoïdes reculer et se disjoindrerapidement en entraînant les cordes vocales en abduction.

Dans cet exercice, l’étude de la courbe de débit d’air buccal (facile à faireavec la station EVA) montre une élévation rapide et élevée dès le début del’émission, et une décroissance consécutive.

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Ceci a deux conséquences : • un risque de tra u m atisme de la glotte liga m e n t a i re. Il me sembl e

moindre dans les chaînes d’occlusions glottiques, car les cordes vocalesse referment très rapidement après l’émission, limitant les pointes dedébit d’air transglottique.

• un gaspillage d’air expiratoire, lié à leur grande ouverture sitôt aprèsl’émission.

Rq. : notons par ailleurs que sur une longue tenue vocalique, la tenue avecattaque en coup de glotte donne généralement un TMP moins long que celuiobtenu avec une attaque normale.

♦ ConclusionS’appuyant sur les données de la physiologie du larynx et sur l’observa-

tion directe par fibroscopie, les chaînes d’occlusions constituent un élément fortutile de la rééducation des paralysies laryngées unilatérales. Elles permettent untravail d’une grande tonicité, avec une judicieuse distribution de l’énergie dansle temps évitant les maladresses et la relative inefficacité des exercices conçuscomme des séries d’impulsions.

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REFERENCES

(1) AMY DE LA BRETEQUE B. - L’équilibre et le rayonnement de la voix, Solal, 1997, 39, 50, 113-114(2) AMY DE LA BRETEQUE B. - Les techniques de rééducation des paralysies laryngées unilatérales

(PLU), 1998, Les Cahiers d’O.R.L. - T XXXIII - N°2, 68-72(3) GARREL R., AMY DE LA BRETEQUE B., GHIO A., GIOVANNI A., GUERRIER B. - Intérêt de la

t u s s o m é t rie dans les para lysies laryngées unilat é rales, Rev. Lary n gol. Otol. Rhinol., 2002 ;123,5 : 303-306

(4) GIOVANNI A., OUAKNINE M., GARREL R., AYACHE S., ROBERT - Un modèle non-linéaire de lav i b ration glottique. Implications cliniques potentielles, Rev. Lary n gol. Otol. Rhinol. 2002 ;123,5 : 273-277

(5) ROUBEAU B. - Mécanismes vibratoires laryngés et contrôle neuro-musculaire de la fréquence fonda-mentale. Thèse 3e cycle, Université Paris XI Orsay, 1993

(6) LECOQ M., ARIAS C. - Notre attitude phoniatrique devant une immobilité cordale unilatérale, Rev.Laryngol. Otol. Rhinol. 1987 ; 108, 413-415

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43Rééducation Orthophonique - N° 215 - Septembre 2003

Troubles de la déglutition et immobilitéslaryngées

Michel Guatterie

R é s u m é

La perte de la mobilité laryngée, c’est à dire la perte de la mobilité des cartilages aryté-noïdes empêche les cordes vocales de se rapprocher (lors de la toux, de la déglutition, del’apnée, de la phonation …) ou de s’écarter (pour la respiration). Les cordes vocales nes’accolent plus de manière symétrique, la fente glottique, quand elle est trop importantepour produire une vibration sonore, perturbe la voix. Au cours de la déglutition, les consé-quences fonctionnelles sur la protection des voies respiratoires (fermeture laryngée et toux)différent en fonction des étiologies. Les composantes biomécaniques influent sur la qualitéde la fermeture laryngée et sur la facilitation de la déglutition par les postures. Elles condi-tionnent les possibilités de compensation et de ce fait les limites de la rééducation.

Mots clés : Immobilités laryngées, ankylose crico-aryténoïdienne, paralysie récurrentielle,paralysie du X, dysphagie, troubles de la déglutition.

Swallowing disorders and laryngeal immobility

AbstractThe loss of laryngeal mobility, corresponding to a loss of arytenoid cartilage mobility, preventsvocal fold adduction (in situations of coughing, sw a l l owing, apnea, phonation,…) or abduc-tion (breath). Laryngeal adduction is not symetrical and the glottal air flow escape disturbsthe voice. With regard to sw a l l owing, the respirat o ry tract safety mechanism (glottal cl o s u r eand cough) depends on the aetiology of the disorder. Biomechanical components influencethe quality of glottal closure and of the facilitation of sw a l l owing through postures. Theyinfluence possibilities of compensation and consequently the limits of functional treat m e n t .

Key Wo r d s : laryngeal immobility, recurrent nerve paralysis, crico-arytenoid ankylosis, tenthnerve paralysis, dysphagia, swallowing disorders

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Michel GUATTERIEUnité de Rééducation de la DéglutitionService de Médecine PhysiqueUSN Tastet GirardCHU Pellegrin33076 Bordeaux cedex

L es étiologies des immobilités laryngées peuvent être d’origine mécaniqueou neurologique.

Les immobilités laryngées d’ori gine mécanique sont dues à la perte demobilité de l’art i c u l ation cri c o - a ryténoïdienne dans les amplitudes art i c u l a i re sn o rmales. L’ é t i o l ogie la plus cl a s s i q u e, que nous tra i t e rons, est l’anky l o s ec ri c o - a ryténoïdienne après luxation de l’aryténoïde sur le cri c o ï d e. Sansréduction immédiat e, les stru c t u res péri - a rt i c u l a i res cap s u l a i res et liga m e n-t a i res se rétractent et fi xent l’art i c u l ation dans la position luxée. La polya r-t h rite rhumat o ï d e, localisée sur le larynx, peut donner des syndromes infl a m-m at o i res art i c u l a i res avec perte de la mobilité ary t é n o ï d i e n n e. De même, lesfi b roses post-radiques, touchant tous les tissus cap s u l o - l i ga m e n t a i res, maisaussi muqueux et mu s c u l a i res, peuvent donner une diminution notable de lamobilité lary n g é e.

Les immobilités laryngées neuro l ogiques sont représentées par lesatteintes neurogènes périphériques unilatérales et bilatérales ; les atteintes bila-térales engagent le pronostic vital, par la gravité des lésions associées au centrerespiratoire bulbaire. L’atteinte neurogène peut se situer dans le bulbe par AVCet lésion du noyau ambigu des nerfs crâniens IX-X-XI, ou par lésion du nerfr é c u rrent. L’ exécution de la commande motrice vo l o n t a i re, automatique ouréflexe n’est pas réalisée par les muscles dénervés. La mobilité articulaire estdans cette situation, normale. Nous traiterons ces deux cas, car le tableau lésion-nel et les dysphagies sont différentes.

Les atteintes centrales ne donnent pas d’immobilités laryngées, car lesmuscles de la tête et du cou reçoivent une commande corticale bilatérale. En casde lésion unilatérale (hémiplégie), le larynx continue à être commandé par l’hé-misphère cérébral opposé. Dans les atteintes bilatérales de la voie corticale,seuls les mouvements volontaires sont impossibles, mais la motricité réflexe(déglutition, toux, respiration) reste intacte.

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♦ Physiologie de la protection laryngée et la déglutition pharyngée

La protection laryngée au cours de la déglutition des aliments nécessite la fe rm e t u re des cordes vocales, l’appui des aryténoïdes contre le pied de l’épiglotte, et la bascule de l’épiglotte par-dessus le vestibule laryngé. Lebolus passe sur l’épiglotte et dans les sinus piriformes. Les replis ary-épiglot-tiques jouent un rôle important dans la contention des aliments hors du vestibulelaryngé. La fermeture des voies aériennes précède l’arrivée du bolus sur la basede la langue.

Photo 1 : appui aryténoïdien contre le pied de l’épiglotte

Les liquides sont beaucoup plus rapides et arrivent dans les sinus piri-formes et remplissent le pharynx avant que la contraction pharyngée ne sedéclenche. Quand le bourrelet de Passavant se contracte (contraction la plushaute du péristaltisme pharyngien), l’épiglotte n’a pas encore basculé, alors quele liquide a déjà rempli le fond du pharynx, et remonte au-dessus des sommetsdes aryténoïdes. L’étanchéité des voies aériennes n’est réalisée que par l’accole-ment ferme des cordes vocales, et l’appui des aryténoïdes basculés en avantcontre le pied de l’épiglotte (photo 1). Le contenu du vestibule laryngé (tissuadipeux des bandes ventriculaires) est comprimé comme un véritable bouchonoccupant tout l’espace du vestibule laryngé, entre les cordes vocales, les carti-lages aryténoïdes et les replis ary-épiglottiques. Ainsi trois étages assurent lafermeture des voies aériennes sans la participation de l’épiglotte. Avec des gor-gées volumineuses, le liquide peut remplir le pharynx et mouiller l’épiglottesans déclencher de réflexe de toux (photo 2, 3, 4). Quand la déglutition pharyn-

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gée se produit, l’épiglotte bascule et chasse le liquide collecté au-dessus desaryténoïdes.

2

4

3

Déglutition de liquide (café) :Photo 2 : position du larynx avant l’arrivée du liquide.

Photo 3 : début du remplissage du pharynx par le liquide.Photo 4 : le pharynx est plein, l’épiglotte est toujours relevée.

Ainsi le deuxième temps de la déglutition comporte deux actions simulta-nées. La protection laryngée démarre la déglutition par la fermeture des voiesaériennes pulmonaires, avant que le liquide n’arrive dans le larynx. Quelquesmillisecondes à quelques secondes plus tard, la contraction pharyngée propulsele bolus vers le sphincter supérieur de l’œsophage. Ce deuxième temps, véri-table phase laryngo-pharyngée, se caractérise par la fermeture du larynx, puis lacontraction du pharynx.

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♦ Ankylose crico-aryténoïdienneL’ankylose crico-aryténoïdienne est une immobilité traumatique, séquelle

d’une luxation survenue au cours d’une intubation difficile. Dans les situationsd’urgence respiratoire, l’introduction d’une sonde par le nez ou par la bouchevers la trachée (intubation) peut être traumatique et luxer en avant, dans le vesti-bule laryngé, un aryténoïde. Le risque est important quand le rachis est limité enextension, ne dégageant pas suffisamment les voies aériennes. Dans le cas despasme laryngé, les aryténoïdes sont rapprochés et appuyés contre le pied del’épiglotte. Le forçage par la sonde aboutit à une luxation crico-aryténïdienne.Des luxations crico-aryténoïdiennes ont été observées lors d’aspirations trauma-tiques de mucosités pharyngées à l’aide de sondes rigides.

La capsule et les ligaments étirés et déchirés cicatrisent en se rétractantdans la position de luxation. Si la luxation n’est pas réduite immédiatement,l ’ a n kylose s’installe défi n i t ivement. La mobilité art i c u l a i re est limitée vo i reimpossible (photo 5). La respiration n’est pas affectée par la perte de mobilitéd’un aryténoïde, car l’ouverture de la filière respiratoire par l’autre aryténoïdecompense suffisamment. La voix peut être altérée ainsi que la protection desvoies aériennes lors des déglutitions.

Photo 5 : luxation crico-aryténoïdienne

Tous les patients ne se plaignent pas de fausses routes. Certains toussentavec les liquides, quand ils boivent à grosses gorgées ou en extension du rachis,mais aucune description de fausse route aux aliments n’est rapportée. Nousavons vu l’importance du plan glottique et de l’appui aryténoïdien dans la pro-

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tection laryngée pour la déglutition des liquides. Si la luxation est modérée, lais-sant un peu de mobilité aryténoïdienne, les cordes vocales peuvent se rappro-cher et fe rmer efficacement le plan glottique. L’ appui aryténoïdien plus oumoins parfait et la contraction des replis ary-épiglottiques assurent la sécuritédes voies aériennes.

Par contre, si la luxation met l’aryténoïde trop en bascule et rotationinterne, l’apophyse vocale n’est plus en position symétrique par rapport à l’apo-physe opposée. Les cordes vocales ne s’accolent pas complètement, les liquidess’infiltrent dans la fente.

L’apophyse vocale du côté luxé peut être trop basse par rapport au côtéopposé. La corde vocale pat h o l ogique est alors sous décalée par rap p o rt àl’autre corde vocale. Le passage des liquides est plus facile entre les deuxcordes vocales mal accolées, surtout par la commissure postérieure.

La situation la plus préoccupante est l’immobilité aryténoïdienne bilaté-rale. Si les cordes vocales sont en fermeture, la respiration d’effort est gênée.L’indispensable élargissement de la filière respiratoire (par exemple l’écarte-ment du cartilage cricoïde par un greffon cartilagineux, intervention de Rethy)améliore la respiration tout en favorisant les fausses routes par l’écartement descordes vocales.

La résolution des fausses routes aux liquides est simple, et souvent lepatient a trouvé la parade. Il suffit d’éviter le débordement des liquides dans lelarynx, lors du remplissage du pharynx, en diminuant le volume des gorgées.Dans des cas difficiles, la flexion associée à la rotation de la tête du côté luxé,peuvent apporter une suppléance fonctionnelle efficace.

♦ Paralysie du nerf pneumogastrique (Xe nerf crânien),paralysie du nerf récurrent, branche du X

Le larynx est innervé par le Xe nerf crânien, sensitif et moteur, qui sedivise en plusieurs branches. Par le plexus pharyngé, avec des rameaux du IX, leX commande le voile du palais et les constricteurs du pharynx. Par le nerflaryngé supérieur, il donne des branches aux muscles du pharynx, au musclecrico-thyroïdien, et par l’anse de Gallien, il assure la contraction du muscle ary-épiglottique et du muscle inter-aryténoïdien. Son rameau médial est sensitifpour la muqueuse du larynx, jusqu’aux cordes vocales et pour la muqueuse del’épiglotte. Il véhicule aussi les messages gustatifs issus de l’épiglotte.

Le nerf laryngé récurrent inférieur, après un trajet cervical, un contourne-ment de l’artère sub-clavière à droite, et autour de la crosse aortique à gauche,

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remonte entre la trachée et l’œsophage jusqu’au larynx. Il innerve les musclesdu SSO (avec le XI) et les muscles intrinsèques du larynx, mobilisateurs descordes vocales (thyro-aryténoïdien, crico-aryténoïdien latéral et postérieur). Ila s s u re la sensibilité de la muqueuse laryngée et tra chéale sous les cord e svocales.

Les conséquences fonctionnelles d’une atteinte du X et d’une atteinte durécurrent sont tout à fait différentes tant par l’intensité des troubles de la dégluti-tion que le type de dysphagie.

Paralysie récurrentielle

L’atteinte du nerf récurrent entraîne une paralysie de la corde vocale etdes muscles mobilisateurs de l’aryténoïde. Le syndrome neurogène périphériqueréalise le tableau de paralysie, hypotonie et aréflexie. L’aryténoïde immobile pardéficience des muscles moteurs, ne bascule plus contre le pied de l’épiglotte.L’hypotonie du muscle vocal entraîne un sous décalage du côté atteint. La cordevocale incurvée et hypotonique s’atrophie, perd du volume. Les cordes vocalesne s’accolent plus. La mauvaise fermeture glottique est dépendante de la posi-tion de l’aryténoïde. Plus celui-ci est en abduction, moins le plan glottique estfermé. Toutes ces conditions interdisent la bonne protection du larynx à ladéglutition. Il n’y a pas de troubles de la détection des fausses routes, car le ter-ritoire sensitif du vestibule laryngé et de l’épiglotte est pris en charge par le nerflaryngé supérieur, intact. L’efficacité de la toux à glotte fermée est un peu dimi-nuée.

Cliniquement, les patients décrivent plutôt des fausses routes avec degrosses gorgées de liquides. L’appui de l’aryténoïde immobile contre le pied del’épiglotte est insuffisant, ne comprime pas la bande ventriculaire, les cordesvocales ne ferment pas bien la filière laryngée. A grosses gorgées, le liquidedéborde dans le vestibule mal fermé et fuit par les interstices laissés par l’aryté-noïde et la corde vocale immobiles.

Par contre, avec les aliments plus compacts que l’eau, plus lents à pro-gresser par la pesanteur, la bascule épiglottique et la contraction des replis ary-épiglottiques assurent la protection des voies aériennes, malgré l’insuffisance duplan glottique.

La posture de flexion est une bonne position pour améliorer la protectiondu larynx sous la base de langue, car elle fait reculer la langue sur le larynx.Ainsi les liquides se déversent moins au-dessus du larynx mal fermé. La réduc-tion du volume de la gorgée évite aussi le débordement des liquides dans le ves-tibule laryngé.

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La rééducation de la dysphonie, par la recherche de la compensation enfermeture par l’autre corde vocale, améliore la récupération fonctionnelle de laprotection laryngée aux liquides. Dans les cas les plus rebelles (aryténoïde enouverture) hypotonie et amyotrophie de la corde vocale, persistance d’une fenteglottique, le gonflage de la corde vocale par injection (graisse, silicone, colla-gène …) permet d’améliorer la déglutition et la phonation. Ainsi, la paralysie dunerf récurrent est fonctionnellement limitée à la dysphonie et aux troubles dedéglutition aux liquides à gros volumes. Il en est tout autrement de l’atteinte duX.

Paralysie du nerf pneumogastrique

L’atteinte du X est plus grave car le territoire des déficiences est plusétendu que dans l’atteinte récurrentielle (photo 6). A l’immobilité de l’aryté-noïde et ses conséquences fonctionnelles, s’ajoutent d’autres déficiences. Laparalysie du voile du palais entraîne rhinolalie et fausses routes nasales auxliquides. La paralysie d’un hémi-pharynx entraîne une faible propulsion pharyn-gée, des troubles de la sensibilité pharyngée et laryngée, une désorganisation duréflexe de déglutition. La paralysie du repli ary-épiglottique n’assure plus l’effi-cacité de la margelle laryngée. Le repli effondré laisse passer dans le vestibulelaryngé aliments, liquides et salive. Les troubles sensitifs sont plus importantscar ils touchent l’hémi-pharynx, le vestibule laryngé et la trachée sous glottique.

Photo 6 : paralysie du X

Cliniquement, les patients ne peuvent avaler salive, liquides et solides. Aucours de la déglutition, le plan glottique aura les mêmes incompétences que

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dans l’atteinte récurentielle pure. Il s’y ajoute la paralysie du repli ary-épiglot-tique qui ne contient plus le bolus pendant son passage dans le sinus piriformeatteint : les fausses routes se produisent pendant le passage des aliments dans lesinus piriforme atteint. En raison des troubles de la sensibilité laryngée et tra-chéale, la détection des fausses routes est altérée, et la toux n’est pas systéma-tique ou immédiate.

La propulsion pharyngée est faible, voire inexistante, même du côté sain.La perte de la force de propulsion pharyngée et la mauvaise relaxation du SSOne permettent pas le passage du bol dans l’œsophage. La stase résiduelle, si elleest importante déborde dans le larynx à la reprise respiratoire, après la dégluti-tion. A cause des troubles sensitifs pharyngés, le réflexe de déglutition peut êtreretardé (troubles de la perception) et même absent (aréflexie).

Trois mécanismes de fausses routes font la gravité de cette atteinte :fausses routes avant la déglutition à cause des troubles sensitifs, pendant ladéglutition à cause de l’incompétence de fermeture laryngée, après la dégluti-tion par incompétence pharyngée. Les mécanismes accessoires comme la pro-tection sous la base de langue sont perturbés, car l’atteinte du X est rarementisolée. L’atteinte associée du IX et du XI, parfois du V et VII (AVC bulbo-pro-tubérantiel) complète et complique le tableau fonctionnel. Bien sûr, l’intensitéde l’atteinte est variable, et avec le temps, des améliorations peuvent être obser-vées et obtenues.

La perte de la force musculaire pharyngée nécessite des aliments glis-sants, peu collants, peu résistants. Des mixés lisses, crèmes, compotes, pas tropépais sont des bolus de rééducation adaptés, suffisamment fluides pour glisser,peu résistants pour profiter d’un peu de force de propulsion, pas trop collantspour ne pas laisser trop de stase pharyngée, mais suffisamment pour ne pasdéborder trop vite dans le larynx. Les liquides sont bien contenus s’ils sontépaissis. La fluidité favorise les fausses routes, l’épaississement les ralentit enles collant au pharynx.

Les postures en flexion antérieure permettent de profiter d’une bonne pro-tection sous-linguale. La rotation de la tête du côté de l’atteinte (le menton serapproche de l’épaule) en évitant surtout l’inclinaison latérale (l’oreille se rap-proche de l’épaule) permet d’envoyer le bolus dans le sinus piriforme le plusperformant. Une bonne expectoration systématique après chaque déglutitionpermet d’éviter la pénétration d’aliments dans la trachée.

Ces trois exemples montrent que les déglutitions d’aliments et d’eaunécessitent des protections différentes. L’efficacité fine de protecteurs laryngésest requise pour les liquides. L’épiglotte est surtout mobilisée avec les aliments.

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La synchronisation de la fermeture des voies aériennes et de la propulsiondu pharynx est modulable. La déglutition pharyngée peut être retardée, mais lafermeture du larynx doit toujours être la première à être activée surtout pour lesliquides. Les voies aériennes doivent être protégées avant que le bolus n’arrivedans le pharynx. La bascule épiglottique, participant à la protection laryngée,appartient en fait à la phase propulsive pharyngée.

L’efficacité de la protection laryngée est très importante pour protéger lespoumons contre toutes pénétrations dans l’appareil respiratoire de substancesacides gastro-oesophagiennes. Les reflux, vomissements ou mérycismes ont desconséquences redoutables à court et moyen terme dans les situations où lelarynx ne peut se fermer efficacement. L’épiglotte est dans ces cas là totalementinutile, car les aliments et les liquides acides remontent de l’œsophage vers labouche. Leurs passages dans le vestibule laryngé sont inévitables, et sans unefermeture parfaite de la glotte et des aryténoïdes, la fausse route est assurée.Aucune posture, aucune réduction du volume de reflux, ne peut protéger lespoumons. Le plan glottique est le seul protecteur efficace.

♦ ConclusionLa protection laryngée dépend de la texture et du volume du bolus avalé.

Les liquides nécessitent une protection très fine, car ils peuvent s’infiltrer partous les interstices. Que l’immobilité laryngée soit d’origine mécanique ou neu-rologique, les fausses routes sont observées quand la quantité de liquide arrivantdans le pharynx est importante. Le plan glottique est nécessaire mais pas indis-pensable dans ce cas de figure. En cas de reflux gastro-oesophagien, le planglottique est indispensable. La présence des autres protecteurs est un avantagesupplémentaire. L’adaptation du patient à un nouvel environnement moteur estaussi une source d’amélioration fonctionnelle. Les fausses routes sont bien l’ex-pression d’incompétences multifactorielles (lésions, textures, postures, volumes,températures …).

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53Rééducation Orthophonique - N° 215 - Septembre 2003

La médialisation chirurgicale de la cordevocale : résultats vocaux

Isabelle Liesenfelt

R é s u m éAprès un exposé des techniques de médialisation chirurgicale actuellement utilisées, et desrésultats couramment exposés dans la littérature, cet article présente les résultats d’uneétude longitudinale effectuée sur 18 patients traités par thyroplastie de type I ou par injec-tion de graisse autologue. L’analyse de paramètres acoustiques et aérodynamiques à court,moyen ou long terme après intervention, tout en confirmant les résultats de la littérature,pointe une baisse temporaire des performances 3 à 6 mois après intervention, suivie de lareprise de l’amélioration, qui pourrait être une étape normale du processus de récupération.La vibration laryngée se trouve normalisée à long terme. L’amélioration vocale s’accom-pagne d’une reprise de maîtrise, tant qualitative que quantitative, du souffle. Une fois dispa-rus les effets du blocage de la corde en position intermédiaire, il persiste des troubles pluslégers liés à l’immobilité de la corde, empêchant un ajustement fin du flux aérien par laglotte. L’étude met également en évidence une meilleure récupération des femmes pourcertains paramètres.Mots clés : paralysie récurrentielle, médialisation, thyroplastie, injection de graisse auto-logue, voix, acoustique, aérodynamique

Surgical medialization of the vocal folds : vocal results

AbstractAfter reviewing medialization techniques currently in use, along with published results, thisarticle presents results from a longitudinal study conducted on 18 patients treated with typeI thyroplasty or by autologous fat injection. An analysis of acoustic and aerodynamic para-meters before and after surgery (short, middle and long term) points to a transitory decreaseof performances 3 to 6 months after surgery, which is then followed by an increase, possiblyreflecting a normal stage in the recovery process. Laryngeal vibration is normalized in thelong term. Vocal improvement is associated with renewed mastery of breathing, both inqualitative and quantitative terms. After the vocal cord has left its intermediary position,minor disorders remain due to the immobility of the cord which prevents the glottis fromsubtly controlling the air flow. This study also shows that for a few parameters, women havea better recovery process than men.Key Wo r d s : recurrent nerve palsy, medialization, thyroplasty, autologous fat injection, voice,acoustical analysis, aerodynamic analysis

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Isabelle LIESENFELTOrthophonisteService d’Oto-Rhino-Laryngologieet de Chirurgie Cervico-FacialeHôpital Tenon4, rue de la Chine75020 ParisetPlace du Breuil38570 Goncelin

♦ La médialisation chirurgicale : résultats vocaux

Les orthophonistes sont régulièrement amenés à recevoir et à prendre encharge des patients présentant une paralysie récurrentielle unilatérale (PRU),que la cause en soit ch i ru rgi c a l e, tumora l e, tra u m atique ou autre. Il leurincombe souvent, parallèlement à la prise en charge « technique » de la PRU,d’apporter au patient les informations qui lui permettent de comprendre sa situa-tion et les évolutions possibles.

La rééducation orthophonique constitue le traitement de pre m i è re intention ;s’il reste inefficace alors qu’il a été bien suivi pendant plusieurs mois, la ch i ru rgi edoit être env i s agée pour obtenir la médialisation de la corde vocale immobile.

De nombreuses publications ont étudié l’aspect acoustique de la récupéra-tion vocale post-opératoire, quelle que soit la technique choisie pour l’interven-tion. Elles n’ont, pour la majorité, pas abordé le lien entre les paramètres acous-tiques et aérodynamiques de la voix.

Cet article a pour objectif, après un survol des techniques de médialisa-tion et un rappel des données de la littérature, d’explorer ce lien, à travers lesrésultats d’une étude longitudinale menée au service ORL de l’hôpital Tenon àParis entre novembre 1999 et juin 2000, dans le cadre d’un mémoire pour leCertificat de Capacité en Orthophonie.

♦ Les techniques de médialisation

Le chirurgien intervient pour ramener la corde vocale immobile vers leplan médian de la glotte. Il choisit pour cela entre les deux gestes suivants :

- Injection d’un implant fluide directement dans la corde vocale immo-bile, dans le but de la médialiser mais aussi d’augmenter sa masse.

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- Insertion d’un implant solide entre l’aile thyroïdienne et le corps de lacorde vocale immobile ; on parle alors de thyroplastie. Ce geste est engénéral envisagé lorsque la béance glottique est telle qu’une injection nepourrait de toute façon pas procurer une médialisation suffisante.

L’injection intra - c o rdale constitue un moyen de traitement des PRUdepuis 1911 ; l’implant utilisé était alors de la paraffine. Face à la bio-réactivitéde cette substance, les chirurgiens ont testé les matériaux les plus divers afin detrouver le candidat idéal à l’injection, qui satisfasse aux critères définis en1955 : non réactif, non dispersible, non carcinogène.

Le Téflon, en suspension dans de la glycérine, a été la référence desannées 1970, mais on a depuis mis en évidence son potentiel migratoire et lesréactions inflammatoires dont il est la cause. D’autres matériaux inertes, telsque le silicone ou le Gelfoam (initialement utilisé comme hémostatique) ont étéexaminés, puis les regards se sont tournés vers les bio-implants : collagènebovin réticulé (GAX-collagène), non autorisé en France ; collagène, aponé-vrose, et graisse autologues, c’est à dire prélevés sur le patient lui-même. Cesont ces dernières substances qui sont actuellement les plus utilisées.

Injection de graisse autologue

Parmi les bio-implants autologues, les chirurgiens utilisent de préférencela graisse autologue, facile et rapide à prélever et à employer : le patient étantsous anesthésie générale, la graisse est prélevée par liposuccion, puis filtrée afinde la débarrasser des impuretés. Elle est ensuite injectée sous endoscopie dansle muscle thyro-aryténoïdien de la corde immobile (Fig. 1), très lentement, enun point en dehors de l’apophyse vocale, de façon à obtenir une rotation de cetteapophyse qui entraîne la médialisation de la corde. Du fait de la résorbabilité dece matériau, on recherche la sur-correction (affrontement intime des cordesvocales sur leurs 2 tiers antérieurs), et on injectera donc souvent aussi au niveaudu tiers moyen de la corde (Fig. 2).

Fig. 1 : Vue en coupe d’un larynx paralysé avant (A) et après (B) injection de graisseautologue dans le muscle thyro-aryténoïdien de la corde immobile

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Les résultats définitifs sont atteints après en moyenne 2,2 mois ; ils sontstables dans 67 % à 85 % des cas selon les études citées dans la littérature. Pourla majorité des patients, une seule injection suffit. Dans les autres cas, il peutêtre nécessaire de procéder à une seconde injection ou éventuellement de procé-der à une thyroplastie. Contrairement aux injections de toxine botulique effec-tuées dans le cadre d’autres pathologies, l’injection de graisse ne se fait pas defaçon systématique et répétée. Par ailleurs, la graisse injectée ne constitue pasun obstacle à la récupération complète ad integrum.

Thyroplastie

La thyroplastie, décrite pour la 1re fois en 1974 par Isshiki, emploie quantà elle un implant solide, qui se doit également d’être non réactif et non carcino-gène. Les matériaux testés à ce jour sont le Silastic, majoritairement utilisé, leGoreTex couche sur couche, ou l’hydroxylapatite.

Le protocole classique consiste, sous anesthésie régionale, en la posed’un implant triangulaire taillé sur mesure, après que le chirurgien ait incisé lapeau du cou et pratiqué une fenêtre dans l’aile thyroïdienne au regard de lacorde vocale immobilisée.

L’intervention, techniquement plus difficile que l’injection intra-cordale,dure 45 à 90 minutes.

Cette technique est en principe réversible, l’implant pouvant être déposé ;en réalité, il se crée autour de l’implant une capsule fibreuse qui demeure, et lesinterventions de pose et de dépose génèrent un tissu cicatriciel qui rigidifie lacorde vocale et nuit donc aux performances acoustiques. Par ailleurs, il y a unrisque d’extrusion ou au contraire de déplacement médial de l’implant.

Une variante plus aboutie, mise au point par Montgomery, utilise desimplants standards pré-formatés, dont la structure (Fig. 3) garantit contre lesrisques d’extrusion et de déplacement médial, et rend la réversibilité réelle.

Fig. 2 : Sites d’injection dans la corde vocale

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La thyroplastie simple, dite « thyroplastie de type I », peut être complétéepar :

- Une adduction aryténoïdienne en cas de forte béance postérieure et/oude différence de niveau des 2 cordes : on parle alors de thyroplastie detype III.

- Une suture antérieure du thyroïde sur le cricoïde dans le but de retendreune corde vocale trop flasque : on parle alors de thyroplastie de type IV.

Les résultats définitifs sont atteints après résorption de l’œdème opéra-toire, et restent stables 6 mois après l’intervention. La thyroplastie permet,comme l’injection de graisse autologue, une récupération ad integrum.

♦ Comment évaluer l’impact de la PRU sur la voix ?

L’ampleur des troubles vocaux dus à la paralysie, ainsi que l’évolution dupatient en cours de traitement orthophonique ou après intervention chirurgicale,peuvent être évalués à travers un certain nombre de mesures acoustiques et aéro-dynamiques.

A travers les mesures acoustiques, le clinicien cherche à quantifier deuxaspects principaux de la voix.

Tout d’abord, la stabilité vocale, que ce soit sur le plan de la fréquence devibration ou sur celui de l’intensité. On observe les variations de cycle à cycle,et on en note les valeurs absolues (en Hz pour la fréquence, en dB pour l’inten-sité) ou relatives (en % de la fréquence fondamentale moyenne ou en % de l’in-tensité moyenne). Ainsi, le jitter est lié à la fréquence fondamentale et traduit laqualité de la vibration laryngée. Le shimmer quant à lui concerne les variationsd’intensité et traduit la qualité du contrôle de la pression sous-glottique.

Parallèlement, on évalue également la qualité du timbre. Ici aussi, 2 typesde mesures sont effectuées. Le nombre d’harmoniques rend compte de la qualitéde l’accolement des cordes vocales au cours de la phonation ; il est considéra-

Fig. 3 : insertion d’un implant standard de type Montgomery

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blement diminué en cas de PR, et l’énergie du signal acoustique se concentrealors autour du fondamental. Le rapport signal / bruit, lui, donne l’importancerelative dans le voisement du signal périodique (voisement) et de la composantede bruit produite par le frottement de l’air passant dans les structures laryngées.En cas de PR, la composante « bruit » augmente car la mauvaise fermeture glot-tique fait obstacle à la transformation du flux aérien en signal voisé.

Quant aux mesures aérodynamiques, elles permettent d’évaluer le fluxd’air qui traverse le larynx et son contrôle par le sphincter glottique.

Une mesure indirecte en est le temps maximum de phonation, (ou TMP) :après avoir inspiré au maximum de ses capacités, le patient émet le son /a/ leplus longtemps possible ; cette mesure permet d’évaluer le contrôle du soufflephonatoire et notamment la qualité de la fermeture glottique ; il est générale-ment très diminué chez les patients atteints de PR (3 à 9 secondes, contre 15 à35 secondes normalement).

Deux autres mesures permettent une approche plus directe du flux d’airphonatoire : il s’agit du débit aérien phonatoire (rapport entre le volume phona-toire et le temps de phonation, mesuré en dm3/s), qu’on peut mesurer sur un /a/tenu quelques secondes à intensité et hauteur confortables et qui augmente defaçon normale quand l’intensité et/ou la fréquence fondamentale augmente ; ilest très augmenté chez les patients présentant une PR. La mise en rapport de cedébit d’air phonatoire et de l’intensité sonore atteinte constitue la fuite glottique(mesurée en dm3/sec/dB) ; elle est elle aussi augmentée en cas de PR.

♦ Les impacts de la médialisation sur la dysphonie dans la littérature

Tous les résultats rapportés dans la littérature convergent dans le sensd’une grande amélioration de la voix, même si le résultat n’est pas systémati-quement parfait. Quant à la satisfaction des patients, elle dépasse même cequ’on aurait pu attendre au vu des résultats cliniques.

Du point de vue acoustique, les données objectivent :- Une amélioration de la stabilité de la voix et du timbre :

o le shimmer et le rapport signal / bruit sont normalisés,o le jitter et la définition des harmoniques sont très améliorés.

- La normalisation de l’intensité sonore, après une phase post-opératoireoù elle est trop forte du fait du cumul :

o des effets de la médialisation,o du comportement de compensation adopté avant l’intervention pour

pallier les effets de la PRU.

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La composante aéro dynamique de la phonation est également très améliorée :- Forte augmentation du TMP (Temps Maximal de Phonation), qui est

fréquemment doublé voire triplé, en corrélation avec une importantediminution du débit d’air phonatoire,

- Augmentation de longueur des groupes de souffle, même si les prises desouffle restent plus fréquentes que chez les sujets témoins,

- Persistance d’une fuite glottique a minima dans la plupart des cas (seuls26% des patients restent gênés).

♦ Aspects acoustiques et aérodynamiques de la voix, avant et aprèsmédialisation

Populations, matériels et méthode

Cette étude a porté sur 2 populations :- 14 témoins (8 hommes, 6 femmes), ayant une moyenne d’âge de 53,6

ans (entre 28 et 89 ans), exempts de pathologie du larynx, et n’ayantjamais subi d’intervention portant sur la zone pharyngo-laryngée.

- 18 patients (10 hommes, 8 femmes), ayant une moyenne d’âge de 57,6ans (entre 24 et 80,5 ans), ayant subi une intervention (injection degraisse autologue et/ou thyroplastie), l’un des hommes ayant subi les 2interventions à plusieurs mois d’intervalle.

Nous avons procédé à une éva l u ation des perfo rmances vocales etaériennes de chacun des sujets dans les conditions suivantes :

Les mesures acoustiques et aérodynamiques ont été faites en utilisant :

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- des outils de mesure : o un microphone calibré,o embouchures permettant la capture de volumes et de débits aériens

inspirés et expirés,- une interface adaptée,- un micro-ordinateur équipé du logiciel EVA, mis au point par le labora-

toire CNRS « Parole et Langage » de l’Université de Provence et diffusépar SQLab.

Les évaluations ont été faites :- avant intervention (Pré-op)- jusqu’à 3 mois après intervention (CT = court terme)- de 3 à 6 mois après intervention (MT = moyen terme)- plus de 6 mois après intervention (LT = long terme)

Nous avons utilisé différentes techniques statistiques :- moyennes et écarts-types, pour décrire nos résultats,- tests t de Student, pour comparer entre elles les populations,- coefficients de corrélation entre 2 paramètres au sein d’une même popu-

lation.

♦ Les résultatsNotre étude a permis de mettre en évidence quelques points inédits :- Nous avons constaté une différence entre hommes et femmes dans le

degré de récupération du TMP (Fig. 4) et du nombre d’harmoniques(Fig. 5) à long terme : il n’y a plus de différence significative pour lesfemmes entre les témoins et les patients, alors que les hommes restentpathologiques (notons d’ailleurs que cette différence ne se retrouve pasdans l’appréciation que les patients ont de leurs propres troubles).

Fig. 4 : Comparaison hommes / femmes des TMP sur /a/ (sec) dans chaque population :moyennes et écarts-types

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Ces différences pourraient être expliquées par 2 hypothèses :o Le diamètre de la fi l i è re laryngée étant plus grand chez les

hommes, la médialisation ne perm e t t rait pas chez eux de re t ro u-ver un accolement complet des cordes vocales, d’où une fuited’air et une certaine pauvreté en harmoniques. De plus, lesfemmes, du fait de leurs cordes vocales plus fines et plus court e s ,r é c u p é re raient mieux la dynamique d’accolement / ouve rt u re desc o rdes, ce qui va également dans le sens d’un enri chissement dut i m b re.

o Tous les patients (sauf 1) pour lesquels nous avons des résultats àlong terme ont subi une injection de graisse autologue ; on pourraitattribuer les différences de récupération à des résorbabilités diffé-rentes de la graisse chez les hommes et les femmes, éventuellementsous l’effet du contrôle hormonal.

- Nous avons constaté que les témoins adoptent des comport e m e n tvocaux différents en fonction des tâches demandées (/a/ simple ou /a/prolongé au maximum) : ils ajustent leur débit phonatoire, qui est plusélevé sur un /a/ simple que sur un son prolongé, pour lequel il y une exi-gence de performance dans la durée. Chez les patients (en pré- commeen post-opératoire), par contre, les débits phonatoires observés dans les2 circonstances sont très fortement corrélés.

Par ailleurs, en observant les corrélations entre fuite glottique sur /a/simple et volume expiré sur une phrase de 12 syllabes, nous observons égale-ment une différence de comportement entre 3 populations : les témoins (faiblecorrélation), les patients en pré-opératoire (très faible corrélation) et en post-opératoire (très forte corrélation).

Fig. 5 : Comparaison hommes / femmes du nombre d’harmoniques dans chaque population

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Nous avons avancé l’hypothèse que dans les 3 populations, le comporte-ment programmé est différencié en fonction de la tâche à accomplir. Chez lestémoins, cette différenciation est objectivée par les mesures. Chez les patientsen pré-opératoire, la corde paralysée se trouve avant intervention en situationd’abduction plus ou moins forte, et la fermeture glottique inefficace entraînelors de la phonation l’expiration non sonore d’un grand volume d’air. Pour lespatients en post-opératoire, la médialisation améliore cette fermeture, mais nepeut remédier à l’immobilité de la corde, qui fait obstacle aux ajustements sub-tils demandés par les différentes tâches de phonation.

- L’ o b s e rvation des volumes maximaux expiré sur les sons /a/ et /s/(Fig. 6) révèle pour les témoins 2 types de souffle : un souffle « phona-toire » sur /a/ et un souffle « respiratoire » sur /s/, avec un volume maxi-mal expiré supérieur ((Volume maximal expiré sur /a/) / (Volume maxi-mal expiré sur /s/) = 0,78 en moyenne, σ = 0,18).

Fig. 6 : Comparaison des volumes maximaux expirés sur les TMP /a/ et /s/(dm3) dans lesdifférentes populations : moyennes et écarts-types

Chez les patients en pré-opératoire, cette différence est gommée : tout sepasse comme si la fixation en ouverture de la corde vocale immobile transfor-mait le souffle « phonatoire » en souffle « respiratoire », donc entraînait uned é s o rga n i s ation qualitat ive du souffle ((Volume maximal expiré sur /a/) /(Volume maximal expiré sur /s/) = 1,00 en moyenne, σ = 0,36). De plus, lesvolumes mis en jeu sont bien inférieurs à ceux mesurés chez les témoins : il ya u rait donc également une désorga n i s at ion quantitat ive du souffle « respiratoire » lui-même.

En post-opératoire, il y a récupération d’un certain contrôle du souffle : ladifférence de comportement réapparaît ; quant aux volumes mesurés, ils ont des

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valeurs comprises entre celles des témoins et celles des patients en pré-opéra-toire : la médialisation permet donc de récupérer un certain contrôle, tant quali-tatif que quantitatif, de leur souffle (à LT, (Volume maximal expiré sur /a/) /(Volume maximal expiré sur /s/) = 0,84 en moyenne, σ = 0,49).

- On observe la normalisation du comportement vocal sur l’articulation dephrase, avec en particulier disparition des reprises inspiratoires et nor-malisation du volume d’air phonatoire mobilisé (Fig. 7), alors mêmeque les volumes mobilisés sur un /a/ prolongé restent différents de ceuxdes témoins.

Fig. 7 : Moyennes et écarts-types du volume expiratoire sur phrase (dm3) dans les diversespopulations

La longueur de la phrase n’exige pas, en effet, un effort de tenue compa-rable à celui du TMP : la médialisation permettrait donc au larynx du patient der é c u p é rer l’activité art i c u l at o i re (avec son alternance de sonori s ations et dedésonorisations) plus facilement que la performance au niveau de la tenue d’unson.

- Nous avons observé une « rechute » à moyen terme, suivie d’une reprisede l’amélioration : il pourrait s’agir d’une étape normale du processusde récupération. Deux éléments viennent à l’appui de cette hypothèse :

o l’œdème post-opérat o i re, qui re n fo rce tempora i rement l’effet demédialisation, est entièrement résorbé à moyen terme,

o la corde vocale saine apprend progressivement à compenser l’im-mobilité de la corde paralysée, et l’efficacité de cette compensationatteint son maximum après quelques mois.

♦ En conclusionLa paralysie récurrentielle unilatérale est à l’origine de troubles vocaux

réels et massifs, auxquels, lorsque l’orthophonie s’est révélée inefficace, l’inter-

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vention chirurgicale apporte une réelle amélioration, source d’intense satisfac-tion chez les patients.

La médialisation chirurgicale constitue donc une alternative appréciée à laprise en charge orthophonique lorsque celle-ci n’est pas efficace ; c’est parailleurs le traitement de 1ère intention lorsque le pronostic vital est mis en jeu(en particulier, en cas de dysphagie lourde).

Il faut cependant noter qu’il persiste en post-opératoire, dans certainsdomaines, des comportements différents de ceux de la population témoin. Eneffet, le larynx reste anormal, même si l’intervention permet une récupérationglobale de sa fonction aboutissant à la réadaptation fonctionnelle et sociale despatients.

Nos données mettent également en évidence une baisse transitoire desperformances à environ 6 mois après l’intervention, qui pourrait constituer uneétape normale du processus de récupération, et dont le patient devrait être averti.

Par ailleurs, si les effets du blocage de la corde en position intermédiaires’effacent, on observe le maintien de troubles plus légers liés à l’immobilité dela corde, qui rend impossible un ajustement fin du flux aérien par la glotte.

En tout état de cause, l’amélioration des perfo rmances vocales despatients est spectaculaire, et s’accompagne d’une reprise de maîtrise, tant quali-tative que quantitative, du souffle. Les performances sur le plan de la parole setrouvent normalisées à moyen et long terme.

De plus, le sexe du patient semble influer sur ses capacités à normaliserses performances, avec un avantage aux femmes en termes de qualité du timbreet de performance de durée de phonation.

Enfin, l’orthophoniste est souvent la principale source d’information dupatient au sujet de sa pathologie et du traitement adapté. Les éléments exposésici lui permettront d’aider son patient à mettre en perspective traitement ortho-phonique et traitement chirurgical de la PRU. Insistons par ailleurs sur la néces-sité, dans le cadre d’une médialisation chirurgicale, d’une intervention ortho-phonique en pré- comme en post-opératoire ; elle fait acquérir au patient lesréflexes respiratoires et laryngés qui lui apporteront, après intervention, la récu-pération la plus complète et la plus rapide possible.

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Confort de vie des patients avant et aprèsmédialisation de la corde vocale dans le cadred’une paralysie laryngée unilatérale

Géraldine Debono

R é s u m éLa paralysie laryngée unilatérale affecte les personnes touchées dans de très nombreuxdomaines de la vie quotidienne. La passation d’un questionnaire d’auto-évaluation a permisd’étudier l’impact de la pathologie et de son traitement chirurgical par médialisation sur leurconfort de vie.Mots clés : Paralysie récurrentielle, médialisation, auto-evaluation.

Patient’s well being before and after vocal fold medialization

AbstractPatients affected with unilateral vocal fold paralysis are disabled in their daily activities. Theimpact of this type of pathology and its surgical treatment by medialization on the quality oflife was assessed with a self evaluation questionnaire.Key Wo r d s : Vocal fold paralysis, medialization, self evaluat i o n .

Rééducation Orthophonique - N° 215 - Septembre 2003

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Géraldine DEBONOOrthophonisteService d’Oto-Rhino-Laryngologie et deChirurgie Cervico-FacialeHôpital Tenon4, rue de la Chine75020 Pariset9, rue Verte76000 Rouen

P armi les troubles de la voix, la paralysie laryngée unilatérale se distinguepar la triade symptomatique dysphonie - dyspnée - dysphagie. Elle peutdonc provoquer chez la personne atteinte un bouleversement complet de

sa vie quotidienne à tous les niveaux.

En effet, les troubles de la toux et de la déglutition peuvent être sourced'un inconfort permanent qui amèneront le patient à mal vivre son alimentation,voire peuvent constituer un risque vital sous la forme de fausses-routes. La dys-pnée, si elle est peu sensible au repos, mettra cependant le sujet en situation dedifficulté importante (voire d'impossibilité) pour différentes activités qui, pourune personne en bonne santé, ne demandent qu'un effort mesuré (essoufflementau cours de ses déplacements, de différentes tâches ménagères, sans parler dessituations d'effort physique plus intense, comme pratiquer un sport). La dyspho-nie, quant à elle, met le patient dans une situation constante d'effort vocal. L'in-tense difficulté à se faire entendre peut éventuellement aboutir à un retrait socialplus ou moins complet.

L’orthophonie constitue la première indication de traitement et permetgénéralement au patient d‘atteindre une récupération suffisante ; toutefois, dansles cas les plus sévères, la rééducation ne suffit pas. On peut alors proposer aupatient un traitement chirurgical par médialisation, dont le but est de rapprocherla corde vocale paralysée du plan médian de la glotte.

Il nous a semblé intéressant de mener une étude portant sur le re s-senti des patients avant et après médialisation, à trave rs un questionnairep o rtant sur les diff é rents tro u bles engendrés par la para lysie lary n g é e, afi nd ’ é valuer de façon plus globale les répercussions de ce tro u ble sur la vieq u o t i d i e n n e.

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♦ Patients et méthodes

Population

N o t re étude a porté sur 16 patients du service de ch i ru rgie O.R.L. del’hôpital Tenon, présentant une para lysie laryngée unilat é ra l e, dont les âge ssont compris entre 24 ans et 80,5 ans. On compte parmi eux 8 femmes et8 hommes. Ils ont tous bénéficié d’un traitement par médialisation de lac o rde vocale entre juin 1997 et mai 2000 (injection de graisse autologue out hy ro p l a s t i e ) .

Questionnaire

Un questionnaire a été soumis par oral aux patients. Il a pour objet l'auto-évaluation des troubles liés à la paralysie récurrentielle (état pré-opératoire), etde leur correction par médialisation (état post-opératoire). Il est axé sur la respi-ration (au repos, dans les efforts à glotte fermée et dans les activités quoti-diennes) ainsi que sur la voix, la déglutition et la toux.

Les items de ce questionnaire sont regroupés par thèmes (cf annexe 1) :k phonation : évaluation de la voix, niveau de difficulté dans différentes

situations vocales de la vie courante, caractérisation de la difficulté,existence de variations dans le temps ou en fonction des conditionsatmosphériques,

k toux : existence et efficacité,k effort : capacité à l'effort à glotte fermée, existence de problèmes de

dos, essoufflement à l'effort, facilité du retour au calme après effort,capacité à pratiquer un sport,

k souffle : observation de la respiration au repos depuis l'installation de lap a ra lysie récurre n t i e l l e, présence et cara c t é ri s ation d'une éve n t u e l l egêne à l'inspiration au repos, facteurs aggravants,

k essoufflement : situations de la vie quotidienne engendrant un essouf-flement, caractérisation de la sensation d'essoufflement, présence etcaractérisation d'une éventuelle gêne à l’inspiration à l’effort, facteursaggravants,

k déglutition : auto-évaluation de la déglutition depuis l'installation de lap a ra lysie récurre n t i e l l e, existence et cara c t é ri s ation des éve n t u e l l e sgênes, nature des éventuelles fausses-routes, variations du poids depuisinstallation de la paralysie récurrentielle.

k description de l’éventuelle gêne induite sur les plans familial, social etprofessionnel,

k description des modifications de mode de vie induites.

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La plupart des questions sont de type fermé, afin de permettre un traite-ment statistique aisé. Ces questions appellent deux types de réponses :

k Oui / Non : le « oui » sera coté 1, et le « non » sera coté 0,k Positionnement sur une échelle de sévérité : cette échelle est toujours

orientée dans le même sens, le niveau 0 correspondant à l'état normal etle niveau le plus élevé à la difficulté maximum.

Par ailleurs, un certain nombre de questions ouvertes ont été intégrées auquestionnaire de façon à permettre au patient d'exprimer, avec ses propres mots,son ressenti et la nature de sa gêne. Certaines questions sont volontairementredondantes et permettent, par leur insertion dans des contextes diff é re n t s ,d'éclairer autrement le handicap des patients.

♦ Résultats

Phonation

En pré-opérat o i re, les patients signalent une difficulté maximale (2,23/3,5 -E . T. = 0.56) sur tous les cri t è res sauf « voix non soufflée » et toutes les situat i o n svocales sont globalement qualifiées de très difficiles (3,15/5 - E.T. = 0.81) ; lechant est généralement impossible (3,79/5 - E.T. = 0,77) et la conve rs ation simpleelle-même est qualifiée d'assez diffi c i l e. Ces difficultés se manifestent par desrep rises d’air fréquentes, une instabilité et une fatigue vocales, ainsi qu’une fat i g u eg é n é rale et une difficulté de retour à une re s p i ration normale après avoir parl é .

On atteint en post-opérat o i re un niveau global pro che de la norm a l e(0,53/3,5 - E.T. = 0,28) avec une récupération très nette de l’efficacité de la

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voix. Le chant reste difficile, et l'appel assez difficile. Par contre, la conversationsimple ou téléphonique ne pose plus de difficulté. Les patients ne se plaignentplus d’avoir à reprendre fréquemment de l’air, mais l’instabilité reste générale-ment assez marquée. On constate également une variabilité parmi les sujets :certains récupèrent complètement alors que d’autres restent assez fortementgênés.

En ce qui concerne la variabilité de la voix, en pré-opératoire, la moitiédes patients signalent une variabilité selon le moment de la journée. Ils se plai-gnent tous d'une aggravation le soir, qui peut commencer en cours de journée etparfois même dès le matin. En post-opératoire, seul 1/4 des patients sont tou-jours sensibles à cette variabilité.

Les variations dans la semaine ne sont signalées que par très peu depatients et disparaissent totalement en post-opératoire.

Les variations en fonction des conditions atmosphériques (froid, humiditéet pollution) sont plus marquées en post qu‘en pré-opératoire, notamment en cequi concerne la pollution, citée uniquement en post-opératoire.

Respiration au repos et à l’effort

Respiration au repos

En pré-opératoire, la majorité des patients constatent une modification deleur respiration par rapport à ce qu'elle était avant l'installation de la paralysierécurrentielle. Cette modification se manifeste par la sensation de manquer d'air,la nécessité d'inspirer plus profondément et le besoin de respirer plus rapide-ment. Environ la moitié des patients se plaignent d’une gêne à l’inspiration, fré-quemment associée à une sensation de rétrécissement du conduit aérien. Lesfacteurs aggravant ces difficultés sont, par ordre décroissant : la fatigue géné-rale, le stress, l'émotion et le moment de la journée.

Ils ne sont plus qu’un tiers à constater une telle modification en post-opé-ratoire, elle se manifeste essentiellement par la nécessité d'inspirer plus profon-dément. La gêne à l’inspiration n’est quasiment plus citée. Les patients se plai-gnant de facteurs aggravants sont moins nombreux ; ils citent essentiellement lafatigue, le stress et l'émotion.

Essoufflement et activités de la vie quotidienne

En pré-opérat o i re, la plupart des patients sont essoufflés lors d'activ i t é squotidiennes ; ils citent, par ord re décroissant de préva l e n c e, la montée d'escaliers ,la phonation, la march e, mais également d'autres activités quotidiennes (tâch e sm é n ag è res telles que passer le balai, l'aspirateur ou la serp i l l i è re, ou nécessité de

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se dépêcher). La majorité des patients ont la sensation de manquer d'air et ded evoir inspirer plus pro fondément. Ils sont également nombreux à ressentir lanécessité de re s p i rer plus rapidement et doivent s’interro m p re régulièrement dansleur activité. Plus de la moitié des patients se plaignent d'une gêne à l'inspirat i o nen situation d'effo rt, se manifestant autant par une re s p i ration bru yante que parune sensation de rétrécissement du conduit aérien. La fat i g u e, l'émotion ou les t ress sont pour la plupart des patients les principaux fa c t e u rs aggrava n t s .

En post-opératoire, la montée d'escaliers reste la tâche la plus difficile, onnote encore pour certains la sensation de manquer d'air et d’avoir à interromprel'activité en cours et un quart des patients présentent toujours une gêne à l’inspi-ration. Les facteurs aggravants persistent mais de façon minorée.

Respiration et effort physique

En pré-opératoire, l'effort physique à glotte fermée est globalement assezdifficile. La grande majorité des patients se déclarent essoufflés lors d'un effortet la plupart ont des difficultés à retrouver une respiration calme. Cependant,certains continuent à faire du sport (plutôt de type marche, gym, natation oupromenade à vélo).

L'effort physique reste un peu difficile en post-opératoire, un tiers despatients se plaint d'essoufflement. Ils sont cependant plus nombreux à pratiquerun sport et ce de façon également plus intensive.

Toux et déglutition

En pré-opératoire, la moitié des patients ont une toux inefficace voire uneincapacité à tousser. La grande majorité des patients est gênée en situation dedéglutition ; tous les patients font des fausses-routes, et ce plus particulièrementaux liquides. D'autre part, la moitié d’entre eux parlent d'angoisse lors de ladéglutition.

En post-opératoire, tous les patients peuvent tousser mais 3 conserventune toux inefficace. Une petite minorité des personnes reste gênée au niveau dela déglutition et fait encore des fausses-routes.

Retentissement du trouble sur la vie quotidienne :

Les retentissements sur la vie quotidienne se manifestent en pré-opéra-toire par :

k Sur le plan familial (en ordre décroissant de prévalence) : des difficul-tés pour se faire entendre et / ou comprendre, une fatigabilité, une

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m o d i fi c ation de l'attitude de l'entourage et des rap p o rts avec les( p e t i t s ) - e n fants. Ces pert u r b ations peuvent entraîner un ch a n ge m e n tdans la façon de communiquer (écrire, parler à l'oreille, ne plus parler)ou un retrait de la vie familiale.

k Sur le plan social : des difficultés de communication, une altération del'image de soi, une modification de l'attitude de l'entourage (mise àl'écart ou compassion excessive) et de la fatigue. Ces gênes entraînentun retrait de la vie sociale pour près de la moitié des patients et l'utilisa-tion d'un « interprète » pour l'un d'entre eux.

k Sur le plan pro fessionnel : la difficulté d'avoir une commu n i c ation adap-tée à la situation pro fe s s i o n n e l l e. Ces gênes ont pu causer un arrêt det ravail prolongé ou une modifi c ation de poste. Un patient a mis au pointd ive rses prothèses afin de pouvoir pours u iv re son activité pro fe s s i o n-nelle (micro HF, amplifi c ateur pour le téléphone, manipulateur lary n g é ) .

En post-opératoire, il ne reste plus que 2 patients gênés et ce sur le planprofessionnel uniquement.

En résumé...

En pré-opératoire, les patients sont en grande détresse et signalent unedifficulté majeure sur quasiment tous les items.

En post-opératoire, la situation est bien meilleure. Les patients sont glo-balement extrêmement sat i s faits des résultats de l'intervention ; même siquelques situations vocales (chant, voix d'appel) et de la vie quotidienne (mon-tée d'escalier, tâches ménagères) restent assez difficiles pour certains d'entreeux.

On peut signaler que spontanément la grande majorité des patients onttenu à dire qu'ils avaient retrouvé non pas une voix mais leur voix, ainsi que leréseau et la qualité de relation qu'ils avaient auparavant avec leur entourage.

♦ Discussion

La voix

Les patients sont globalement très satisfaits de leur voix en post-opéra-toire, même si l'évaluation objective de certains paramètres acoustiques montrequ'il reste encore des diff é rences signifi c at ives par rap p o rt à la populat i o ntémoin [7].

On peut cependant souligner que l'item concernant le caractère soufflé dela voix a donné lieu à des réponses surprenantes ; en effet, les patients ne s'en

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plaignent pas (y compris en pré-opératoire), alors même que cette caractéris-tique est nettement perceptible à une oreille extérieure et s'objective lors del'évaluation instrumentale du timbre. Il est très probable tout simplement que lespatients n’utilisent pas spontanément ce terme pour qualifier leur voix et parlentplutôt en terme d’efficacité.

En pré-opératoire, toutes les situations vocales donnent lieu à de grandesdifficultés, ce qui restreint la communication des patients au point de provoquerun véritable retrait social voire familial chez certains d'entre eux.

Les patients déclarent ne plus avoir de difficultés en post-opératoire pourtoutes les situations vocales usuelles. Seuls le chant et l'appel, qui demandent unniveau plus élevé de performance vocale, restent source de difficultés, et ce defaçon très inégale, puisque l'un des patients interrogés s'est mis spontanément àfaire des vocalises.

En pré comme en post-opératoire, le patient est fatigable et éprouve plusde difficultés dans la phonation en fin de journée. Ces résultats diffèrent de ceuxque rapportent Laccourreye et al. [4], pour qui la fatigue vocale disparaît immé-diatement et durablement après injection de graisse.

L ' i n t e rvention de médialisation semble enge n d rer une augmentation de l'in-fluence des conditions cl i m atiques et env i ronnementales sur les difficultés vo c a l e s .Par ailleurs, alors qu'en pré-opérat o i re seuls les temps humides et froids ont unimpact, en post-opérat o i re les patients sont également sensibles à la pollution, auxc o u rants d'air et au temps ch a u d. L'intervention fragi l i s e rait-elle le larynx ?

On peut aussi supposer que c'est la paralysie récurrentielle qui rend lepatient sensible à ces variations atmosphériques mais que cet effet est moinsévident en pré-opératoire du fait du caractère massif des troubles vocaux.

Enfin, une troisième hypothèse serait que tout le monde est plus ou moinssensible à ces variations ; en pré-opératoire, les troubles étant massifs, les effetsde ces variations seraient peu sensibles, comme chez les sujets sains pour lesraisons inve rses. Par contre, pour les patients en post-opérat o i re, qui ontretrouvé du fait de la médialisation un équilibre vocal plus ou moins stable, ceseffets seraient maximisés.

Respiration au repos et à l’effort

Respiration au repos

On constate une concordance entre le ressenti de la majorité des patientset les valeurs instrumentales en ce qui concerne leur respiration : les sensationsde manque d'air et de respiration plus rapide s'expliquent par la fuite d'air

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constatée dans les débits phonatoires [7]; le besoin d'inspirer plus profondémentpourrait être dû à l'obstruction causée par la corde vocale immobile lors de l'ins-piration, comme le décrivent Beaty et Hoffman [1], O'Grady et al. [8] et Janas etal. [3]. En post-opératoire, le sentiment d'urgence respiratoire étant nettementmoins fo rt, les patients pourraient être moins sensibles à cette obstru c t i o n .L'obstruction en elle-même est objectivée en pré-op par presque la moitié despatients qui évoque essentiellement une sensation de conduit aérien trop étroit.Une autre hypothèse portant sur ce besoin d'inspirer plus profondément pourraitêtre que, la glotte étant un des éléments de contrôle du souffle, l'altération deson fonctionnement pourrait entraîner une désorganisation de la respiration, ycompris en dehors de la phonation.

Comme on pouvait s'y attendre, la fatigue, le stress et l'émotion sont desfacteurs aggravants avérés.

Les petits efforts de la vie de tous les jours

La médialisation apporte une véritable amélioration au confort de vie despatients, comme le montre dans le questionnaire l'item sur les difficultés de lavie quotidienne. La montée d'escaliers, qui est de toute façon une des activitésles plus fatigantes de la vie quotidienne, reste bien entendue la plus difficile ; deplus, parmi les 30% de patients qui s'en plaignent, on compte deux femmes de75 ans et un cas de nette surcharge pondérale, pour qui cette activité seraitpénible de toute façon.

Les sensations de manque d'air, de respiration plus rapide et d'inspirationplus profonde déjà observées au repos sont ici retrouvées et majorées par l'ef-fort, poussant plus de la moitié des patients en pré-opératoire à s'interrompre encours d'activité. On peut tirer les mêmes conclusion au sujet de la gêne à l'inspi-ration dans les efforts quotidiens.

Respiration à l'effort physique

D'après les réponses fournies au questionnaire, les efforts physiques detype soulever ou pousser ne posent aucun problème dès le pré-opératoire à plusde 35% des patients. Parmi les patients restants, plus de la moitié sont desfemmes pour qui ces efforts ne sont pas habituels.

L ' e fficacité accrue de la fe rm e t u re glottique en post-opérat o i re permet der é s o u d re pour presque deux tiers des patients les pro blèmes d'essoufflement à l'ef-fo rt ; en permettant une meilleure gestion du souffl e, elle donne au patient la pos-sibilité de revenir plus facilement à une re s p i ration calme. Une conséquenced i recte en est la rep rise d'une activité sport ive par deux patients, et l'augmentat i o ndu niveau de perfo rmance pour ceux qui n'avaient pas arrêté du fait de la PR.

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La fermeture glottique est certes améliorée sur la population des patientsprise dans son ensemble ; toutefois, on constate une différence dans la qualité dela récupération entre hommes et femmes : en effet, alors que l'amélioration estpresque significative chez les femmes (résultat du test t de Student entre pré- etpost-opératoire : 0,026), elle ne l'est pas chez les hommes (résultat du test t deStudent entre pré- et post-opératoire : 0,356). Cette différence pourrait s'expli-quer par la différence de taille des larynx féminins et masculins.

Toux et déglutition

L ' i n t e rvention de médialisation permet à tous les patients de re t ro u ver unefe rm e t u re glottique suffisante pour perm e t t re une fo rte élévation de la pre s s i o np u l m o n a i re sous-glottique, ce qui re s t a u re la capacité à tousser. Cette récupérat i o nde la toux est en accord avec les résultats trouvés par Laccourreye et al. [5, 6].

Cependant, pour un peu moins de 20 % des patients, cette occlusion n'estpas suffisante pour que la toux soit efficace ; on peut avancer 2 hypothèses pourexpliquer cet état de fait :

k L'accolement imparfait des cordes ne permet pas à la pression sous-glottique d'augmenter assez pour assurer ensuite un débit expiratoiresuffisamment élevé,

k L'ouverture des cordes dans la toux n'est pas assez rapide pour uneexpectoration satisfaisante.

En ce qui concerne la déglutition, nos données vont dans le sens desvaleurs recueillies par Laccourreye et al. [4-6], Périé et al. [9] et Chevalier et al.[2], qui décrivent des troubles de la déglutition dans des cas de paralysies récur-rentielles unilatérales isolées. En effet, plus de 80% des patients interrogés pré-sentant ce tableau mentionnent ces troubles, qui se manifestent par des fausses-routes, essentiellement aux liquides. Les tro u bles disparaissent ap r è sintervention dans les trois quarts des cas. Ils ont des retentissements psycholo-giques importants puisque la moitié des patients qui en souffrent développentdes angoisses liées à la déglutition, anxiété persistant parfois en post-opératoire,même après disparition des fausses-routes.

Vie quotidienne

Les difficultés liées à la paralysie récurrentielle ont, d'après notre ques-tionnaire, un impact majeur sur la vie des patients à tous les niveaux ; elles peu-vent entraîner en pré-opératoire

k une modification des modes de communication,k une redistribution des relations familiales,k un retrait du patient de sa vie sociale voire familiale,

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k des arrêts de travail, temporaires ou définitifs,k une modification du poste occupé.

Tous les patients ont retrouvé une vie familiale et sociale normale aprèsintervention. L’intervention de médialisation apporte donc un réel confort aupatient, qui retrouve à tous les niveaux un mode de vie similaire à celui anté-rieur à la paralysie récurrentielle.

♦ ConclusionLa paralysie laryngée unilatérale induit chez les patients des troubles

réels et massifs, tant au niveau de la phonation que de la respiration, de la touxet de la déglutition.

Ces tro u bles se répercutent sur l'ensemble de la vie quotidienne dupatient, à la fois sur le plan fonctionnel et sur le plan relationnel.

L'intervention de médialisation apporte une réelle amélioration du confortde vie des patients. Ils sont par ailleurs beaucoup plus satisfaits que ce que l'onaurait pu présager au vu des résultats des études instrumentales acoustiques etaérodynamiques [7] (il est possible que le niveau de récupération atteint soitconsidéré par les patients comme suffisant par rapport à l'usage qu'ils font deleur voix). En ce sens, les techniques de médialisation apparaissent comme desvecteurs de réadaptation fonctionnelle et sociale des patients.

Il est à noter également que tous les patients présentent des troubles de ladéglutition à type de fausses-routes, fréquemment associées à une angoisse quipeut perdurer, et que ces troubles disparaissent presque systématiquement aprèsmédialisation.

Le questionnaire nous paraît être un véri t able outil d’éva l u ation duconfort de vie des patients, qui peut s’ajouter au bilan classique de la phonationainsi qu‘aux résultats instrumentaux, afin d’avoir un idée plus complète des dif-ficultés engendrées par la P.R. pour chaque patient et d’orienter la prise encharge orthophonique de façon plus précise.

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REFERENCES

1. BEATY M.M., HOFMAN H.T., Impact of laryngeal paralysis and his treatment on the glottic apertureand upper airway flow characteristics during exercice, Otolaryngol Head Neck Surg 1999 Jun;120(6) ; 819-23

2. CHAIGNEAU-DEBONO G., LIESENFELT I., Résultats fonctionnels du traitement par médialisationdes paralysies récurrentielles unilatérales : perceptions des patients et évaluation instrumentale.Mémoire pour le certificat de capacité d’Orthophoniste, Université Paris 6, 2000, 126 pages

3. CHEVALIER D., FAYOUX P., PIQUET J.J., L’implant de silastic dans les paralysies laryngées, LesCahiers d’ORL, Tome XXXIII(2) ; 92-3

4. ROSEN CA ., MURRY T., ZINN A., ZULLO T., SONBOLIAN M., Voice handicap change followingtreatment of voice disorders, J Voice 2000 Dec ; 14(4) : 619-23

5. JANAS J.D., WAUGH P., SWENSON E.R., HILLEL A., Effect of thyroplasty on laryngeal airflow,Ann Otol Rhinol Laryngol 1999 Mar ; 108(3) ; 286-92

6. LACCOURREYE O., HANS S., MENARD M., HACQUART N., BRASNU D., CREVIER-BUCH-MAN L., Résultats de l’injection intracordale de graisse autologue dans les paralysies laryngéespost-chirurgicales, Chirurgie 1999 Jun ; 124(3) ; 283-7

7. O’GRADY K.F., IRISH J.C., DOYLE D.J., GULLANE P., BUTANY J., Effects of medialization laryn-goplasty on airway resistance : a pilot study, Laryngoscope 1999 Mar ; 109(3) ; 419-24

8. PERIE S., ROUBEAU B., LIESENFELT I., DEBONO G., BRUEL M., LACAU ST GUILY J., Role ofmedialization in the improvement of breath control in unilateral vocal fold paralysis. Ann OtolLaryngol 2002 ; 111, 1026-1033.

9. PÉRIÉ S., LACCOURREYE O., BOU-MALHAB F., BRASNU D., Aspiration in unilateral recurrentlaryngeal nerve paralysis after surgery, American Journal of Otolaryngology 1998 Jan-Fev ;19(1) ; 18-23

10. SPECTOR BC., NETTERVILLE JL., BILLANTE C., CLARY J., REINISH L., SMITH TL., Qualityof life assessment in patients with unilateral vocal cord paralysis, Otolaryngol Head Neck Surg.2001 Spt ; 125(3) : 176-82

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♦ QuestionnaireToutes les questions sont posées en pré- puis en post-opératoire.

1. PhonationComment qualifieriez-vous votre voix ?- efficace/ assez efficace/ peu efficace/ pas du tout efficace- puissante/ assez puissante/ peu puissante/ pas du tout puissante- pas du tout soufflée/ peu soufflée/ assez soufflée/ soufflée

Quel degré de difficulté rencontrez-vous dans les situations suivantes ?Cette question est cotée selon l’échelle suivante : pas du tout difficile/ assez difficile/ difficile/ très diffi-cile/ impossible.- conversation simple- conversation à distance- conversation en milieu bruyant (dans la rue, au restaurant, en réunion familiale, etc.)- conversation prolongée- conversation téléphonique- chant- voix d’appel

Comment se manifeste cette difficulté ?

Cette question est cotée sur une échelle de 4 niveaux de difficultés : pas du tout / assez / (difficile, fati-gué, forcé, instable) / très (difficile, fatigué, forcé, instable)- reprise fréquente d’air, difficulté à finir les phrases- difficultés à revenir à une respiration normale après avoir parlé- fatigue vocale- fatigue générale- forçage / effort vocal- instabilité

Observez-vous des variations en fonction du moment de la journée (oui / non) ?Si oui, à quel moment avez-vous le plus de difficultés ?- au réveil- le matin- l’après-midi- le soir

Observez-vous des variations en fonction de la période de la semaine (oui / non) ?Si oui, à quelle période avez-vous le plus de difficultés ?- en début de semaine- en fin de semaine

Observez-vous des variations en fonction des conditions climatiques (oui / non) ?Si oui, dans quelles conditions avez-vous le plus de difficultés ?- atmosphère humide- atmosphère sèche- atmosphère chaude- atmosphère froide- courants d’air

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2. Toux / déglutitionPouvez-vous tousser (oui / non) ?Si oui, cette toux est-elle efficace (oui / non) ?Faites-vous davantage attention lors de la déglutition (oui / non) ?Eprouvez-vous une gêne lors de la déglutition (oui / non)?Si oui, cette gêne est de quel type ?- douleurs- fausses routes (aux liquides ou aux solides ?)- angoisse

3. EffortPouvez-vous soulever des objets lourds (valise, panier de provisions, etc.) ?Pouvez-vous pousser des meubles lourds ?Ces 2 questions sont cotées selon l’échelle suivante : aisé / difficile / impossible.Vous sentez-vous essoufflé après un effort (oui / non)?Avez-vous des difficultés à reprendre une respiration calme après un effort (oui / non)?La pratique d’un sport est-elle possible (oui / non) ?Si oui, le(s)quel(s) ? .....................................................................................................................................

4. Souffle / essoufflementAve z - vous l’impression que vo t re re s p i ration est diff é rente de celle qu’elle était avant la PR (oui / non) ?Dans quelles situations de la vie quotidienne vous trouvez-vous plus essoufflé qu’avant ?- marche- escaliers- phonation- autreSi oui (pour ces 2 questions), quelles sont vos sensations ?- manque d’air- respiration plus rapide- inspiration plus profondeAvez-vous une sensation de gêne à l’inspiration (oui / non)?Si oui, de quel type ?- respiration bruyante- conduit aérien trop étroit ou encombréLa sensation est-elle aggravée par d’autres facteurs ?- fatigue générale- émotion- stress- moment de la journéeL’essoufflement peut-il vous obliger à interrompre l’activité en cours (oui / non) ?

5. Vie quotidienneRessentez-vous une gêne au niveau familial / social / professionnel (oui / non) ?Si oui, laquelle ? ..........................................................................................................................................Cette gêne induit-elle une modification de votre mode de vie ? ..............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

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La prise en charge orthophonique desparalysies récurrentielles unilatérales.Enquête auprès des orthophonistes :résultats préliminaires

Christophe Tessier, Bruno Sarrodet, Sylvie Brihaye,Lise Crevier-Buchman, Stéphane Hans, Daniel Brasnu

R é s u m éUn questionnaire a été envoyé en 2003 à plus de 1000 orthophonistes en France métropoli-taine à propos de leur pratique dans le cadre des paralysies récurrentielles unilatérales. Lesrésultats préliminaires montrent une bonne connaissance des techniques classiques decette prise en charge par les orthophonistes. Mais ces praticiens manquent d’informationsconcernant d’une part les chirurgies de médialisation du larynx, et d’autre part l’articulationentre chirurgie et orthophonie. Nous rappelons l’information que l’orthophoniste peut fournir à ses patients sur la thyroplastieet l’injection de graisse autologue, ainsi que les intérêts d’une rééducation orthophonique pré-et post-opératoire, ces deux prises en charge ne s’excluant pas, mais étant complémentaires.

Mots clés : rééducation orthophonique, enquête nationale, PRU, chirurgies de médialisation,voix.

Speech therapy in the treatment of unilateral vocal fold paralysis. Firstresults from a survey conducted on French Speech Therapists

AbstractIn 2003, a questionnaire was sent to over 1000 speech therapists in France (excluding over-seas departments) regarding their practice in the treatment of Unilateral Vocal Fold Paraly-sis. Preliminary results indicate adequate knowledge of the techniques generally used byspeech therapists for treating this disorder. However, therapists lack information regardingmedialization of the larynx on one hand, and collaboration between surgeons and speechtherapists on the other hand.We summarize the information speech therapists can provide their patients regarding surgi-cal procedures (thyroplasty and autologous fat injection) and follow-up. We also emphasizethe advantages of pre- and post-operative speech therapy.

Key Wo r d s : speech therapy, national survey, unilateral vocal fold paralysis, medializationsurgeries, voice.

Rééducation Orthophonique - N° 215 - Septembre 2003

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Christophe TESSIER Bruno SARRODET Sylvie BRIHAYE Lise CREVIER-BUCHMAN Stéphane HANS Daniel BRASNU Service O.R.L. et de chirurgie de la face et du couHôpital Européen Georges PompidouUniversité Paris V20 rue Leblanc 75015 Paris

Suite aux recommandations de la Société d’Oto-rhino-laryngologie et de lachirurgie de la face et du cou publiées en 2002 concernant la prise encharge des paralysies récurentielles, nous avons cherché à préciser la pra-

tique rééducative orthophonique dans le cadre des paralysies récurentielles uni-latérales (P.R.U.). Nous avons lancé une enquête dans le cadre d’un mémoired’orthophonie, auprès de plus de 1000 orthophonistes en France métropolitaine,entre les mois de décembre et avril 2003. Ces orthophonistes ont été choisis auhasard dans l’annuaire d’audiophonologie, en ayant à cœur de respecter unerépartition par région de ces praticiens, de manière à être représentatif de l’en-semble des orthophonistes français.

A partir d’un questionnaire, nous avons cherché à mieux cerner la pra-tique orthophonique, les exercices privilégiés, la durée moyenne d’une rééduca-tion et le nombre de séances proposées, les principales difficultés rencontréespar ces praticiens, leur relation avec les autres professionnels de santé, leursimpressions concernant les résultats de la rééducation sur la voix et la dégluti-tion de leurs patients, et leurs connaissances des techniques chirurgicales demédialisation laryngée.

Cette étude est en cours. Nous avons reçu à ce jour un peu plus de 300réponses, et présentons les résultats préliminaires.

L’ a n a lyse préliminaire des questionnaires montre que la rééducat i o no rthophonique préconisée dans le cadre des PRU est parfaitement connu ecomme outil thérapeutique par les orthophonistes. La majorité des orthopho-nistes est assez d’accord pour accorder à la respiration, aux manipulations laryn-gées et aux glottages une place prépondérante dans cette prise en ch a rge.

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Cependant, une idée clé se dégage : un manque d’information manifeste concer-nant les différentes techniques chirurgicales de médialisation laryngée, et laplace de l’orthophonie comme traitement complémentaire de ces chirurgies.

Il nous paraît donc intéressant dans un premier temps de rappeler les prin-cipes de la rééducation orthophonique en l’absence de traitement chirurgicalconjoint, et de préciser dans un deuxième temps comment peuvent s’articuler laprise en charge orthophonique et les traitements chirurgicaux.

♦ La rééducation orthophonique en l’absence de chirurgie

La rééducation orthophonique propose traditionnellement des exe rcices det o n i fi c ation du plan glottique afin de diminuer les effets de la fuite aérienne due àla PRU et/ou des tro u bles de la déglutition associés. Les principaux exe rc i c e ssont les manipulations laryngées, les glottages, les successions de sons toniqueset brefs, les voyelles piquées, les exe rcices de voix projetée et l’appui re s p i ra-t o i re. Il est cependant important de distinguer l’intérêt des exe rcices dits « enfo rce » en fonction des signes cliniques du patient. Effe c t ivement, dans le cas det ro u bles de la déglutition, ces exe rcices toniques sont à intensifi e r, le pro n o s t i cvital du patient étant en jeu. Mais dans le cas où il n’existe pas de tro u ble de ladéglutition, ces exe rcices « fo rcés » ne doivent pas perd u rer trop longtemps dansla rééducation, sous peine de développer chez le patient une voix de compensa-tion supra - g l o t t i q u e, ou voix des bandes ve n t ri c u l a i res ( avec parfois l’utilisat i o nde l’épiglotte ), étant très fat i gante pour le patient, ayant des qualités acoustiquesm é d i o c res, et interdisant parfois un retour ve rs un autre mode vibrat o i re. De plus,après les ch i ru rgies de médialisation lary n g é e, ces mêmes exe rcices en fo rce nes e ront pas à pro p o s e r, la béance glottique étant « réparée » par l’acte ch i ru rgi c a l .On le voit, la pratique de certains exe rcices n’est jamais neutre, et doit toujoursê t re mise en re l ation avec la situation part i c u l i è re du patient, et non pas en fo n c-tion d’une pat h o l ogie donnée, au risque de re n fo rcer certains mécanismes oud’en créer des vicieux dont on aura du mal à se débarrasser par la suite.

♦ Rééducation orthophonique et chirurgie

La rééducation orthophonique tro u ve toute sa place dans la prise encharge des PRU. Cette place n’est pas contestée par la chirurgie, et celle-ci vients’inscrire en complément, sauf dans des cas bien précis où elle sera proposée enpremière intention, pour des troubles de la déglutition massifs notamment.

Depuis les travaux pionniers d’auteurs comme ISSHIKI dans les années1970, des techniques chirurgicales de médialisation laryngée peuvent être pro-

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posées aux patients, avec un minimum de conséquences tant opératoires (tempsd’hospitalisation bref, anesthésies locales pour certaines) que sur le plan séquel-laire (peu de contraintes particulières en post-opératoire, peu ou pas de cica-trice). De plus, la récupération des fonctions de phonation et de déglutition estla plupart du temps très rapide, voire immédiate. On le voit, ces techniques neremettent pas en cause l’importance de la rééducation orthophonique, mais sont,au contraire, complémentaires, lorsqu’on en comprend bien les indications, lesincidences et qu’on adapte donc son approche rééducative en fonction des actesréalisés.

La rééducation orthophonique trouvera donc sa place en l’absence de chi-rurgie, lorsque celle-ci ne peut pas être proposée pour des raisons médicales,l o rsque le ch i ru rgien pense qu’une rééducation est à pratiquer en pre m i è reintention, ou lorsque le patient refuse une intervention chirurgicale. Mais cetteprise en charge orthophonique est également très efficace avant et après l’inter-vention chirurgicale, ces deux approches thérapeutiques ne s’excluant pas l’unel’autre.

Quels que soient le contenu et le moment de la prise en charge orthopho-nique, celle-ci commencera toujours par un bilan que nous allons présentermaintenant.

♦ Le bilan orthophonique

Qu’il se passe en cabinet libéral ou à l’hôpital, le bilan orthophoniquecomporte les mêmes constantes, tant sur le plan de l’évaluation de la voix et dela déglutition, que sur le contexte de survenue de la PRU, sur le vécu du patientface à ce handicap et sur le retentissement socio-professionnel et physiologiquede celui-ci.

Ce bilan cherche tout d’abord à préciser le contexte de survenue de laPRU, les éventuels antécédents oncologiques et/ou chirurgicaux, ainsi que ladate et le mode de survenue de la PRU.

Connaître la date et le mode de survenue de cette PRU permet de s’inter-roger sur la possibilité d’une récupération spontanée possible (celle-ci est consi-dérée comme peu probable environ 12 à 18 mois après la date d’installation dela PRU).

L’orthophoniste dresse un profil vocal du patient relatif au données acous-tiques de sa voix, en se référant par exemple à l’échelle perc ep t iveG. R . B. A . S. ( H I R A N O, 1981) afin de pouvoir comparer les résultats ap r è squelques séances de rééducation, ou enregistrer ce premier échantillon vocal

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(sans négliger l’intérêt médico-légal que représente un enregistrement) afin d’engarder une trace sonore. L’orthophoniste complète ce profil vocal acoustique parla perception propre du patient concernant sa voix, son « vécu vocal », en termede fatigue, d’efforts, de gêne sociale, familiale ou professionnelle. Il peut s’aiderd’une échelle de qualité de vie spécifique à la voix, le V.H.I.(JACOBSON,1995).

A l’écoute de la voix du patient, l’orthophoniste cherche à cerner le fonc-tionnement laryngé de celui-ci, comme la présence d’un comportement supra-glottique, ainsi que les caractéristiques acoustiques de cette voix, comme la hau-teur (généralement plutôt augmentée), le timbre (souvent rauque, désonorisé,soufflé et parfois bitonal) et l’intensité (réduite en principe par la fuite d’air auniveau glottique).

L’orthophoniste vérifiera de façon très précoce si la voix est amélioréepar les manipulations laryngées, et/ou les postures de tête.

Ce bilan ne doit jamais s’achever sans une analyse fine des éventuelstroubles de la déglutition, de type fausses routes, essentiellement aux liquidesvoire plus rarement à la salive ou à l’alimentation.

Il nous paraît enfin primordial de ré-insister sur l’importance qu’un bilanORL complet soit pratiqué pour tous les patients présentant une PRU, et que desexplications anatomiques précises viennent aider le travail de l’orthophoniste.

♦ L’information au patientAprès le bilan orthophonique, l’information donnée au patient est impor-

tante afin d’installer une relation de confiance mutuelle. Cette information, quifait déjà partie du bilan, mais qui aura à être reprise pendant les séances derééducation suivantes, permettra au patient de prendre conscience des méca-nismes qui induisent son trouble laryngé, ainsi que de comprendre les objectifset la nécessité de la prise en charge. Cette information doit donc comporter deséléments relatifs à l’étiologie, à la physiologie laryngée, aux conséquences surla déglutition et la phonation, ainsi que sur la prévention du forçage vocal parinstallation d’une voix de compensation.

Cette information est différente en fonction du contexte de survenue de laPRU, des éléments cliniques recueillis pendant le bilan orthophonique, et de laproposition thérapeutique faite par le chirurgien ORL ou le phoniatre.

Si une chirurgie de médialisation laryngée est proposée, bien que le chi-rurgien ait préalablement expliqué au patient l’intervention et ses conséquences,il incombe à l’orthophoniste d’informer la patient de façon simple, adaptée et

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accessible sur ces différentes techniques. Ce peut être la possibilité pour lepatient d’aborder des questions auxquelles il n’aurait pas pensé, pas osé poserou une demande de précisions. C’est l’occasion aussi pour lui d’entendre desexplications concernant la chirurgie avec d’autres mots que ceux du chirurgien.

Voici les éléments qui nous paraissent importants d’ab o rder avec lepatient concernant une possible intervention chirurgicale de médialisation laryn-gée :

La thyroplastie

Le principe de la thyroplastie est de placer un implant en silicone dansl’espace paraglottique de la corde vocale paralysée. Pour mettre en place cetimplant, le chirurgien pratique une incision cervicale en regard du cartilage thy-roïde, crée puis extrait une fenêtre dans ce cartilage à l’intérieur de laquelle ilpositionne l’implant.

L’intérêt principal de cette technique ch i ru rgi c a l e, est qu’elle s’effe c t u esous anesthésie locale. La coopération du patient pendant l’intervention estd e m a n d é e, celui-ci devenant pleinement acteur durant la ch i ru rgi e. Effe c t ive-ment, il existe plusieurs tailles d’implants afin d’optimiser les résultat svocaux en fonction de la taille du larynx, des données anatomiques pro p res àchaque patient, et du degré d’at rophie de la corde vocale para ly s é e. Le ch i-ru rgien demandera ainsi au patient de réaliser des voyelles tenues, de comp-t e r, et de donner son avis sur sa qualité vocale afin de choisir l’implant lemieux adap t é .

La thy roplastie nécessite une hospitalisation de 24 à 48 heures, etdemande une antibiothérapie et une corticothérapie courte par mesure préven-tive. Il n’y a pas de consigne ou de précaution vocale particulière à observer enpost-opératoire, l’ondulation muqueuse n’étant pas compromise par le geste chi-rurgical. La récupération vocale est souvent immédiate, et les troubles de ladéglutition disparaissent simultanément.

Selon les données de la littérature médicale, il n’existe pas de dégradationdes résultats vocaux (et de déglutition) à moyen et long terme.

L’inconvénient de cette technique réside dans la cicatrice cervicale laisséepar l’incision.

L’injection de graisse autologue

Cette intervention se pratique sous anesthésie générale, et comporte deuxétapes. Dans un premier temps, le chirurgien prélève de la graisse, le plus sou-vent, au niveau de l’abdomen du patient (d’où le terme de graisse autologue), la

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prépare et va, dans un deuxième temps, l’injecter dans la corde vocale en dehorsdu processus vocal de l’aryténoïde du côté paralysé. Le chirurgien cherche ainsià obtenir une rotation de l’aryténoïde afin de médialiser la corde vocale. L’amé-lioration vocale et de la déglutition est immédiate.

La graisse se répartit dans l’ensemble de la corde vocale paralysée, maison note un phénomène de résorption partielle de la graisse injectée (à peu près30 %), d’où la nécessité d’une sur-correction et la possibilité de ré-injection encas de résorption trop importante. Les données de la littérature médicale mon-trent une dégradation partielle des résultats vocaux à moyen terme, ainsi que laréapparition de troubles modérés de la déglutition, du fait de cette résorptiongraisseuse.

♦ Intérêt d’une rééducation orthophonique en pré-opératoire

On peut constater combien le rôle de l’orthophoniste est important en pré-opératoire pour l’information qu’il apporte au patient. Mais d’autres objectifspeuvent s’offrir alors à l’orthophoniste, notamment autour de la prévention desmécanismes de forçage vocal, et la pratique et l’utilisation des manipulationslaryngées, des postures de tête afin d’améliorer de façon transitoire les troublesde la déglutition ou une absence de voix. Lorsque les troubles de la déglutitionsont présents et importants, l’orthophoniste donnera des conseils pour une adap-tation des textures et pour la mise en place d’une posture de sécurité la mieuxadaptée au patient.

Nous souhaiterions insister sur la prévention nécessaire des mécanismesde compensation vocaux, comme la voix des bandes ventriculaires par exemple.Effectivement, lors de l’utilisation des éléments supra-glottiques pour la phona-tion, ce ne sera plus les cordes vocales qui entreront en vibration pour effectuerla voix. Or, la chirurgie a pour but de rétablir l’affrontement des cordes vocales,et d’une possible vibration de leur muqueuse. Malgré l’injection de graisse ou lathyroplastie, les résultats vocaux risquent d’être de moins bonne qualité par uneutilisation plus ou moins automatisée d’un mécanisme de phonation supra-glot-tique. De plus, lors de l’intervention chirurgicale par thyroplastie, le chirurgiensollicite la participation vocale du patient. Si celle-ci est effectuée par l’intermé-diaire des bandes ventriculaires, le geste peut être rendu plus délicat et la déter-mination du choix de l’implant moins précise. Le mécanisme de comportementsupra-glottique est mal connu : il est soit actif, soit passif, la question resteposée. Il peut être réversible, mais en l’absence de connaissances plus impor-tantes, il convient d’éviter de mettre les patients en comportement supra-glot-tique.

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♦ Intérêt d’une rééducation orthophonique en post-opératoire

Le travail de rééducation en post-opératoire après une chirurgie de média-lisation laryngée doit s’apparenter à une rééducation d’une dysphonie « clas-sique ». Effectivement, la béance due à la paralysie récurrentielle, responsabled’une absence d’affrontement glottique, a disparu du fait de l’intervention chi-rurgicale. Il s’agira donc de ne plus proposer d’exercices « en force », mais bienplus des techniques de placement de la voix, de sonorisations douces, de coordi-n ation pneumo-phonique, de re l a x ation. Le travail consistera également àretrouver une voix projetée non forcée et efficace.

Les techniques de la « paille » présentées par le docteur Benoît AMY dela BRETEQUE peuvent faire partie des exercices à proposer, du fait de leurexcellente adaptation aux modifications progressives de l’affrontement cordal.Les exercices visant à restaurer une ondulation muqueuse correcte par des bour-donnements, des sirènes, l’emploi de phonèmes fricatifs sourds remplacés parleur homologue sonore sur une même expiration, peuvent tout à fait trouver leurplace dans cette rééducation post-opératoire.

♦ Conclusion

La paralysie récurrentielle unilatérale est une pathologie d’actualité. Laprise en charge est multiple et complexe. Les résultats préliminaires de notreenquête montrent que les orthophonistes connaissent bien ce type de prise ench a rge et les exe rcices classiques s’y rat t a chant. Cependant, ces prat i c i e n sreconnaissent manquer d’information concernant les différentes techniques chi-rurgicales proposées dans ce cadre, et peuvent éprouver des difficultés à adapterleur prise en charge en cas de chirurgie.

Cette enquête réaffi rme l’importance de la prise en ch a rge ort h o p h o-n i q u e, que celle-ci soit proposée comme traitement seul ou conjointement àune ch i ru rgie médialisat rice du larynx. Il est important que ces techniques ch i-ru rgicales ne soient pas vécues comme venant se substituer à une prat i q u er é é d u c at ive ort h o p h o n i q u e. Ces interventions ch i ru rgicales peuvent être pro-posées en pre m i è re intention dans des situations où le pronostic vital este n gagé, comme dans les tro u bles de la déglutition sévères. Elles peuvent éga-lement être indiquées en cas d’échec d’une rééducation ort h o p h o n i q u e, ou ent raitement conjoint de celle-ci.

Cette enquête nous a permis de mettre en évidence les difficultés expri-mées par de nombreux orthophonistes concernant le dialogue entre les différentsprofessionnels de santé. C’est pourtant grâce à nos complémentarités thérapeu-

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tiques et au partage de nos savoir-faire réciproques, que nous nous engageronsdans une proposition de soins toujours plus performante et adaptée aux attentesde nos patients.

REFERENCES

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8. LACCOUREYE O., PAPON J-F., MENARD M., CREVIER-BUCHMAN L., BRASNU D., HANS S.,Traitement de la paralysie récurrentielle unilatérale par thyroplastie avec implant de Montgomery.Ann chir 2001 ; 126 : 768-71.

9. Société Française d’ORL et de chirurgie de la face et du cou, Paralysies récurrentielles de l’adulte,Recommandations pour la pratique clinique, Paris, 2002.

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91Rééducation Orthophonique - N° 215 - Septembre 2003

Immobilités laryngées bilatérales.Place de la prise en charge orthophonique

Michèle Puech

R é s u m éLes immobilités laryngées bilatérales, quelle qu’en soit l’origine, peuvent avoir des consé-quences graves car elles mettent en jeu le pronostic vital de l’individu ainsi que sa qualitéde vie à long terme.La réhabilitation de la respiration et de la déglutition nécessite une intervention rapide parune équipe spécialisée qui choisira le traitement le mieux adapté et le moins intrusif. Le plus souvent les complications fonctionnelles sont gérées dans l’urgence et la trachéoto-mie a longtemps été le seul traitement requis des immobilités laryngées bilatérales. Bien que l’évaluation diagnostique et les techniques chirurgicales de réhabilitation aientconnu de nombreuses avancées au cours des dernières années, la prise en charge desimmobilités laryngées bilatérales reste un véritable challenge pour les chirurgiens et pourles orthophonistes. Elle doit être nécessairement organisée de façon pluridisciplinaire.Son objectif est de permettre au sujet de retrouver une qualité de vie correcte en évitant latrachéotomie ainsi que les conséquences liées à la iatrogénie de celle-ci et à son retentisse-ment psychologique.Mots clés : dyspnée, dysphagie, dysphonie, prise en charge.

Bilateral vocal fold immobility. Role of speech therapy

AbstractBilateral vocal fold immobility usually has serious consequences because it compromisesthe individual’s life prognosis as well as his quality of life in the long run.The rehabilitation of breathing and swallowing capacities requires early intervention, by aspecialized team that will select the best and least intrusive treatment.Most of the time, functional complications are managed on an emergency basis. For a longtime, tracheotomy has been the only available treatment for bilateral vocal fold immobility.In spite of the fact that diagnostic evaluation procedures and surgical techniques of rehabili-tation have significantly progressed over the past few years, the management of bilateralvocal fold continues to challenge surgeons and speech therapists. It must use a multidisci-plinary approach.The object of speech therapy is to help the patient recover an adequate quality of life byavoiding tracheotomy and its medical and psychological consequences.Key Wo r d s : dyspnea, dysphagia, dysphonia, management.

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Michèle PUECHOrthophonisteUnité Voix et DéglutitionService d’Oto rhino laryngologieet de Chirurgie cervico facialeCHU Rangueil 1 avenue J. Poulhes31403 Toulouse cedex 4

L ’immobilité bilatérale des cordes vocales peut être définie comme unediminution ou une abolition d’une partie ou de la totalité de la mobilitédes deux hémi larynx. La littérature mentionne aussi bien les termes

d’immobilité laryngée bilatérale que de paralysie bilatérale des cordes vocalesou encore de diplégie laryngée (4-8-10).

Les termes de paralysie laryngée bilatérale ou diplégie laryngée parais-sent mieux définir les immobilités liées aux causes neurologiques, immobilitéslaryngées bilatérales définissant alors des causes mécaniques comme les luxa-tions ou la fixation des articulations crico-aryténoïdiennes et les cicatrices inter-aryténoïdiennes.

Nous ga rd e rons le terme d’immobilité laryngée bilat é rale (ILB) demanière générale dans nos propos pour plus de commodité.

Quelle que soit leur étiologie, elles touchent les trois fonctions du larynxet notamment les fonctions vitales que sont la respiration et la déglutition. Ellesengendrent alors des complications fonctionnelles variables selon le degré de lalésion et les atteintes endo-laryngées ou extra-laryngées associées. Celles-cipeuvent quelque fois mettre en danger le patient et altérer son pronostic vital àcourt terme selon l’importance de la dyspnée et / ou des troubles de la dégluti-tion.

Les conséquences sur la phonation ne sont en général pas au premierplan. La dysphonie peut cependant être très invalidante lorsque l’altération descaractéristiques acoustiques de la voix et de la capacité phonatoire sont impor-tantes.

Le but de ce travail est de fa i re le point sur les possibilités thérap e u-tiques médicales, rééducat ives et ch i ru rgicales offe rtes aux patients. Leurchoix dépend du mécanisme étiologi q u e, du niveau d’évolution et desatteintes associées.

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♦ Bilan étiologiqueIl est similaire à celui pratiqué lors la recherche étiologique d’une paraly-

sie unilatérale de la corde vocale et repose sur un interrogatoire, un examen cli-nique et des explorations para cliniques.

Il ne nous semble pas utile ici de détailler ce bilan mais de donner lesgrandes lignes qui vont permettre de déterminer si la cause de l’immobilitélaryngée bilatérale est d’origine neurologique ou d’origine mécanique.

Il est un des éléments indispensables à l’élaboration de la stratégie théra-peutique à adopter car il donne des informations sur le mécanisme étiologique,sur le caractère transitoire ou définitif de la lésion, sur le pronostic de récupéra-tion et d’évolution du trouble.

L’interrogatoire

Il permet de recueillir les diff é rents symptômes de la gêne ressentie parle patient, le retentissement fonctionnel sur la re s p i ration, la déglutition et lap h o n ation, l’évolution des tro u bles, les antécédents médicaux et ch i ru rgi-caux.

Il détermine le contexte global du trouble et un certain degré de sévérité.

L’examen clinique

Il repose essentiellement sur la laryngoscopie indirecte, au mieux unevidéo-laryngo-stroboscopie qui permet un examen morphologique et dynamiquede l’ensemble du larynx et de l’hypopharynx. Il cherche à déterminer la mobi-lité du larynx en précisant la position des cordes vocales et leurs possibilitésdynamiques, leur trophicité, l’aspect des muqueuses, la position des ary t é-noïdes, ceci lors de la respiration calme, de la respiration forcée, de la phona-tion, de la toux et des reniflements.

L’examen de la cavité buccale, de l’ensemble des paires crâniennes et dupharyngo larynx est indispensable pour préciser les atteintes associées.

Les examens para cliniques

Ne sont rapportés dans la figure 1 (voir page suivante) que les principauxexamens soulignés dans la littérature comme étant nécessaires (5).

♦ Etiologies et mécanismes étiologiques Comme pour les immobilités unilatérales, les mécanismes étiologiques

peuvent être d’origine :

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k neurologique par une atteinte périphérique des différents étages de laXe paire crânienne ou centrale avant l’émergence de celle ci,

k mécanique empêchant une mobilité correcte des cartilages laryngés etsurtout des articulations crico-aryténoïdiennes,

k neuro-musculaire dans les maladies neuro-dégénératives.

Quelquefois l’ILB sera induite dans le traitement des dysphonies spasmo-diques par l’injection de toxine botulinique, on pourra retrouver aussi une ILBfonctionnelle dans certaines dysphonies psychogènes.

Par ordre de prévalence les étiologies sont (8-4) :

Traumatiques

Elles apparaissent être la première cause des immobilités laryngées bila-térales avec la moitié des cas décrits, et représentent 37 % à 38 % des popula-tions étudiées.

On retrouve en premier lieu les traumatismes chirurgicaux de la Xe pairecrânienne notamment lors de la chirurgie thyroïdienne : l’immobilité aryténoï-dienne est plus ou moins importante, les cordes vocales peuvent être toniques et

Figure 1 : schéma du bilan étiologique ; VLS= vidéolaryngostroboscopie ; EMG= électro-myographie ; IRM=imagerie par résonance magnétique ; CV=cordes vocales

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mobiles, quelquefois immobiles et atrophiques, une atteinte de la mobilité et dela sensibilité de l’ensemble du pharyngo larynx peut être constatée.

Ensuite viennent les séquelles d’intubation ou d’endoscopie dige s t ivetraumatiques, les séquelles d’intubation prolongée et les traumatismes externesdu larynx par arme blanche ou strangulation. L’examen révèle alors une cica-trice inter aryténoïdienne, une luxation ou ankylose de l’articulation crico aryté-noïdienne, une synéchie de la commissure antérieure ou un œdème péri aryté-noïdien. Les cordes vocales ne sont généralement pas atrophiques.

La distinction entre une ankylose post intubation et une paralysie laryn-gée bilatérale reste difficile à objectiver.

Carcinologiques

Elle représentent 17 % à 19 % des populations étudiées. Sont incriminéesles tumeurs de l’œsophage, des bronches et du médiastin, les métastases et lestumeurs de la thyroïde lésant le nerf vague.

Neurologiques et neuromusculaires

Elles représentent près de 13% des étiologies. On relèvera parmi elles, lasclérose latérale amyotrophique, les accidents vasculaires cérébraux, la malfor-m ation d’Arnold Chiari, le diabète insulino dépendant, la mya s t h é n i e, lesformes évoluées de la maladie de Parkinson, les séquelles de la polyomyélite, lamaladie de Charcot Marie Tooth, l’atrophie multisystémique, les dystonies, lestumeurs cérébrales, les névrites toxiques.

L’atteinte du nerf vague est bilatérale et généralement symétrique, l’at-teinte de la musculature intrinsèque du larynx se traduit le plus souvent par undéfaut d’adduction des cordes vocales, mais quelquefois comme dans le cadredes dystonies, le mécanisme résultera d’une adduction trop importante.

Inflammatoires

Les troubles sont alors d’origine mécanique et de contexte étiologiquevariable : maladies rhumatologiques (polyarthrite rhumatoïde, goutte), radiothé-rapie, reflux gastro oesophagien.

Idiopathiques

Elles constituent 13 % des cas. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination.Comme dans les immobilités unilatérales, des bilans étiologiques répétés sontnécessaires pour confirmer le diagnostic dans les 6 premiers mois après l’appa-rition des troubles.

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♦ Les mécanismes physiopathologiques- Les immobilités laryngées bilatérales en fermeture ou en position

d’adduction sont les plus fréquentes.

Le mécanisme physiopathologique est une fermeture glottique perma-nente dont le degré peut être variable selon le niveau de l’atteinte et l’étiologie.Les symptômes associés à la diplégie laryngée en adduction sont :

- une dyspnée principalement inspiratoire, souvent bruyante déterminantle degré de sévérité. L’importance du rétrécissement de la filière laryn-gée entrave le pronostic vital de façon péjorative et nécessite une priseen charge chirurgicale urgente en mettant en place en première intentionune trachéotomie,

- les troubles de la déglutition sont rares, ils peuvent survenir lorsqu’ilexiste une atteinte des autres nerfs crâniens associée,

- la dysphonie n’est pas un symptôme majeur dans ce contexte.

- Les immobilités laryngées bilat é rales en ouve rt u re ou en positiond’abduction sont plus rares, le mécanisme est un défaut d’occlusion glottique etplus ou moins sus glottique. Elles entraînent :

- une dy s p h agie dont les risques vitaux sont liés à l’importance desfausses routes. Le degré de sévérité varie selon le niveau de fermeturedu larynx, le niveau de l’atteinte (perte de la sensibilité par lésion dunerf laryngé ou du nerf vague), le contexte étiologique (association à laparalysie d’autres paires crâniennes, maladies neuro musculaires et lespathologies « causales » comme la pneumectomie diminuant la tolé-rance),

- une dysphonie importante pouvant aller jusqu’à l’aphonie selon le degréde l’atteinte des muscles adducteurs de la glotte,

- une dyspnée expiratoire avec des difficultés de gestion du souffle lorsdes activités de la vie quotidienne, une limitation ou une impossibilité àfaire des efforts à glotte fermée (toux, éternuement, port de chargeslourdes, efforts de défécation…).

♦ Le bilan fonctionnelL’évaluation doit porter sur les trois fonctions du carrefour aéro digestif :

la respiration, la déglutition et la phonation. Il doit permettre d’évaluer le handi-cap induit par les conséquences de l’immobilité laryngée bilatérale sur la viequotidienne du patient.

- En ce qui concerne la respiration, il convient de préciser les consé-quences de la dyspnée sur le temps inspiratoire, l’efficacité de la toux et

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du hemmage, sur les efforts à glotte fermée ainsi que le retentissementsur les activités de la vie quotidienne.Il est possible d’objectiver l’importance de la gêne par une ex p l o ration fo n c-tionnelle re s p i rat o i re donnant une courbe débit/volume et une spiro m é t ri e.

- Pour ce qui est de la déglutition, l’interrogatoire précisera l’existencedes fausses routes, l’importance de leur retentissement sur l’état nutri-tionnel et pulmonaire du patient. Il doit être complété par un essai dedéglutition simple ou une observation de repas qui, dans le cadre dubilan orthophonique ne sont généralement pas suffisants pour juger de lasévérité des troubles.Une éva l u ation objective est nécessaire dans les immobilités laryngées enposition d’abduction ; elle se fe ra lors d’un essai de déglutition sous nasofi b roscopie et pourra être complétée par une radioscopie de la déglutitionet pour certains auteurs par une scintigraphie de la déglutition.

- En ce qui concerne la phonat i o n, l’éva l u ation est cl a s s i q u e, comport a n tune analyse subjective des qualités acoustiques de la voix et du geste pho-n at o i re ainsi que des mesures objectives des para m è t res acoustiques, aéro-dynamiques et dynamiques de la voix. Les résultats de ces diff é rentes éva-l u ations seront interprétés en fonction de la dynamique du larynx et / oudu phary n go larynx ainsi que du degré d’évolution de l’immobilité.

Le bilan orthophonique s’inscrit dans la démarche de l’évaluation fonc-tionnelle et sera un des éléments permettant de monter un programme de réhabi-litation des fonctions laryngées.

Cependant les compétences d’analyse subjective de l’oreille et de l’œilsont limitées, et ne suffisent pas à déterminer le mécanisme réel et le risque vitaldans le cadre des immobilités laryngées bilatérales.

Les atteintes associées seront recherchées et l’analyse des observationsrecueillies permettra d’orienter vers des examens complémentaires.

♦ Les stratégies thérapeutiques

La dynamique laryngée n’est pas l’élément déterminant dans le choix dela stratégie de réhabilitation. Il est nécessaire de considérer le degré de sévéritédu trouble, le contexte étiologique (neurologique ou mécanique), le pronostic der é c u p é ration nerveuse et évolutif de l’immobilité ainsi que les possibilitéscognitives et rééducatives du patient (figure 2).

Les diff é rents tableaux cliniques des immobilités laryngées bilat é rales évo-qués et la va ri abilité du degré de sévérité des tro u bles font que l’interve n t i o n

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o rthophonique s’inscrit la plupart du temps dans une prise en ch a rge globale pluri-d i s c i p l i n a i re et interv i e n d ra lorsque la situation sera contrôlée médicalement.

Bien que peu d’études soient rapportées dans la littérature en ce quiconcerne la prise en charge orthophonique, elle reste indiquée pour l’ensembledes auteurs de façon précoce quel que soit le niveau de l’atteinte : laryngéeexclusive ou maladie générale.

Figure 2 : organisation de la prise en charge

L’objectif du programme thérapeutique vise la récupération des tro i sfonctions permettant une qualité de vie acceptable même si la récupérationdynamique n’est que partielle, quels que soient les moyens utilisés. Il s’agitd’améliorer la tolérance à la dyspnée, de permettre une alimentation sans risqueet une communication adaptée.

♦ Les moyens

Chirurgicaux externes ou endolaryngés

Le handicap et les risques vitaux encourus font que le traitement chirurgi-cal est presque toujours proposé dans les ILB.

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Au niveau de la trachée :

Une tra chéotomie sera proposée dans les cas de détresse re s p i rat o i reaiguë. Elle préserve le larynx mais ses conséquences psychologiques et iatro-gènes sont souvent difficiles à supporter.

Au niveau de la filière laryngée :

Les chirurgies d’ouverture proposent soit une abduction définitive parvoie interne ou par voie externe, soit une abduction transitoire lorsque une desdeux codes vocale offre un pronostic de récupération favorable.

Les interventions visant la ré-innervation des muscles dilatateurs de laglotte par greffe nerveuse ont fait l’objet de différents travaux notamment chezl’animal. Les rares travaux publiés chez l’homme montrent que les résultats nesont pas satisfaisants pour l’instant.

Le choix sera déterminé par la cause du blocage, le caractère jugé défini-tif ou transitoire de la lésion et les habitudes de l’opérateur.

Les ch i ru rgies de fe rm e t u re : les procédés de médialisation uni ou bilat é ra l esont généralement proposés pour assurer le rétrécissement de la fi l i è re lary n g é e.

Il peut s’agir d’une thyroplastie mettant en place par voie externe unimplant poussant la corde vocale vers la ligne médiane.

L’ injection endo laryngée de graisse autologue ou d’un produit comme lesilicone dans la corde vocale a pour but de rapprocher celle-ci de la position defermeture. Elle peut être bilatérale ou associée à une thyroplastie contro-latérale.

Rééducatifs

Il s’agit d’un traitement symptomatique s’associant à la chirurgie, en préet post opératoire.

Les outils de la prise en charge diffèrent peu de ceux que nous utilisonsdans le cadre des immobilités laryngées unilatérales.

Le choix des exercices sera organisé en fonction du pronostic de récupé-ration.

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Ceci demande d’intégrer les notions liées à la récupération nerveuse et dela physiologie laryngée (6) :

- le délai de ré-innervation en fonction du type de lésion : traumatisme,sidération par compression ou étirement ou section nerveuse,

- la distance du site de la lésion par rapport aux muscles crico aryténoï-dien postérieur et crico thyroïdien (abduction cordale), aux muscles tyroaryténoïdiens et crico aryténoïdiens latéraux (adduction glottique),

- la qualité de la ré-innervation.

Par conséquent, cela suppose d’adapter le traitement aux réévaluations dela dynamique laryngée et à l’évolution des troubles.

Les exercices analytiques segmentaires visent l’entretien de la trophicitédes cordes vocales et la mobilisation des cartilages crico aryténoïdiens.

Des compensations fonctionnelles vont être mises en place, le rééducateurdoit veiller à ce qu’il ne s’installe pas de compensations inadéquates ou para-sites. La prise en charge des segments neuro musculaires périphériques est leplus souvent nécessaire.

Les exe rcices fo n c t i o n n e l s re n fo rc e ront ou pallieront la fe rm e t u re glottiquel o rs de la déglutition dans les ILB en abduction, améliore ront la tolérance à la dy s-pnée inspirat o i re et optimiseront la production vocale dans les IBL en add u c t i o n .

Ils font appel :- à la capacité de relaxation posturale globale et loco régionale de la mus-

culature extrinsèque du larynx,- aux possibilités de compensation des structures annexes, - au contrôle auditif, ainsi qu’aux possibilités d’auto éva l u ation et de calibra-

tion des productions (principe utilisé dans la prise en ch a rge de la maladiede Pa rkinson de type LSVT : Lee Silve rm a n Vo i c e Th e rapy, pour laquelle let ravail focalisé sur le para m è t re intensité de la production vocale permet lap rise d’un souffle maximal et donc l’ouve rt u re maximale du larynx (13),

- à la mémoire pro p ri o c ep t ive et aux possibilités d’intéri o ri s ation, de « conscientisation » du trajet de l’air dans le tractus vocal.

Les adaptations posturales, comportementales et de l’environnement ali-mentaire seront utilisées dans le but de minimiser voire de faire disparaître lessymptômes de la dysphagie et de réduire les risques vitaux.

Médicaux

Les traitements médicaux prescrits dans le cadre des maladies neuro mus-culaires ne sont en général que peu ou pas efficaces sur l’IBL.

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Cependant le point à souligner ici concerne les effets secondaires liés àleur utilisation, comme l’apparition de mouvements laryngés anormaux (trem-blements, syncinésies) pouvant aggraver le tableau clinique en majorant lestroubles et limitant l’efficacité de la prise en charge rééducative.

L’association des prises en charge orthophonique et chirurgicale est à dis-cuter dans chaque cadre pathologique, elle sera souvent associée à une prise encharge de kinésithérapie respiratoire.

♦ Indications et modalités de la prise en charge orthophonique

Indications

Dyspnée et immobilité laryngée bilatérale

• La dyspnée est la conséquence majeure de l’ILB en position d’adduc-tion.

La prise en charge est indiquée lorsque la situation est contrôlée médica-lement.

Elle sera mise en place précocement dans l’attente d’un traitement chirur-gical, et ce d’autant que la dyspnée est aggravée par un mouvement paradoxaldes cordes vocales à l’inspiration accompagné d’un bruit laryngé. Ce méca-nisme s’apparente au syndrome de dysfonctionnement des cordes vocales et lessymptômes sont majorés par l’angoisse de mort qui l’accompagne.

Les modalités de la prise en charge reposeront sur :- Un soutien psychologique nécessaire pour apprendre au patient à gérer

l’angoisse et à le rassurer sur l’avenir.- Un ajustement des comportements respiratoires dans le but de ne pas se

trouver dans l’urgence inspiratoire : gérer la respiration par rapport àl’effort, éviter les efforts à glotte fermée, éviter de cumuler les effortsphysiques et la parole, adapter le temps de parole et la longueur de laphrase.

- Des exercices spécifiques de respiration costo-diaphragmatique associésà un contrôle proprioceptif du passage de l’air inspiratoire dans tout letractus inspiratoire notamment au niveau de la glotte. L’inspiration estproposée bouche ouverte, de façon non bruyante sans être aspirée, lasensation d’air est fraîche et lente au passage du plan glottique, amenantà une relaxation de la musculature laryngée intrinsèque (12).

- La gestion de l’expiration sera travaillée de façon progressive pour arri-ver à un bon contrôle des débits d’air quelle que soit l’activité physique.

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- Baker and all.(2-3-18) relatent des travaux portant sur l’entraînement dela force et de l’endurance des muscles respirateurs permettant de dimi-nuer la dyspnée alors que la filière laryngée est réduite, sans avoirrecours à la chirurgie (un cas de papillomatose laryngée, un cas de para-lysie congénitale bilatérale des cordes vocales chez l’enfant et deux casIBL en fermeture chez l’adulte).L’ e n t raînement est intensif selon un programme établi sur plusieursséances par jours, 3 à 5 jours par semaine et porte sur plusieurs mois. Ilest basé sur la recherche de l’augmentation du seuil de pression inspira-toire à l’aide d’un dispositif dont la résistance est adaptée au fur et àmesure des résultats.

Si le pronostic de récupération est favorable, des exercices plus spéci-fiques sur la musculature intrinsèque peuvent être entrepris assez rapidement.

Si l’indication d’une ch i ru rgie d’ouve rt u re est posée, la rééducation serad é butée dès que l’état local le perm e t t ra et dev ra tenir compte du type de ch i ru rgi ee ffe c t u é e, de son cara c t è re définitif ou tra n s i t o i re. Elle est axée sur la prévention :

- des complications cicatricielles (synéchies, granulomes…) - de la mise en place d’un comportement de forçage.

Les exe rcices favo risant les mouvements d’adduction et d’ab d u c t i o ndoux sont alors indiqués (reniflements, souffle interrompu, inspiration-expiration forcées langue tirée, glottages doux…).La progression de la rééducation sera organisée de manière à favoriser lacicatrisation :

- direction du flux aérien à des débits variables : souffle dans un paille ouun tube dont on fait varier le diamètre (1-9) plus ou moins associée àdes sonorisations douces au début,

- équilibre des pressions sous et sus glottiques,- recherche d’une sonorisation douce.

Les exercices favorisant l’abduction laryngée restent des pré requis à lasonorisation en favorisant le côté ayant le meilleur pronostic.

A plus long terme, la rééducation orthophonique sera indiquée dans laprise en charge des séquelles éventuelles (ondulation muqueuse, assouplisse-ment des cicatrices).

Si le pronostic de récupération est défavo rabl e, quelle que soit l’étiologi e, etconduit à la mise en place d’une tra chéotomie avec canule à cl apet, la prise ench a rge kinésithérapique de la dyspnée devient plus ap p ro p riée à la gestion dese ffo rts physiques. Cependant, la prise en ch a rge orthophonique peut être pours u iv i epour une gestion optimale de l’air ex p i rat o i re sans fo r ç age lors de la phonat i o n .

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Les dyspnées inspiratoires des maladies neuro musculaires seront essen-tiellement gérées par de la relaxation laryngée (12) tant qu’il n’existe pas d’at-teinte des muscles respirateurs. On recherchera la posture « tête-tronc-bassin »la mieux appropriée à l’expansion pulmonaire et le rétablissement d’un modèlerespiratoire costo diaphragmatique efficace.

Le travail proprioceptif intrinsèque peut être associé au contrôle d’uneseule tâche « respiratoire » : par exemple la production d’un [a] fort, commedans la dynamique utilisée dans la Lee SilvermanVoiceTherapy (13). Le but estd’automatiser ou de banaliser un comportement respiratoire confortable lorsquecelui-ci est appréhendé.

La coordination lors des efforts physiques ou phonatoires est souventdéficitaire, les exercices complexes sont alors à proscrire.

• Dans le cadre des ILB en position d’abduction la dyspnée est expira-toire.

Si degré d’abduction ne nécessite pas de chirurgie de fermeture, la priseen charge repose alors sur la gestion de la colonne d’air à l’effort ( apprentis-sage des blocages diaphragmatiques de manière à pallier le défaut de point d’ap-pui glottique, contrôle des débits lors des efforts physiques et phonatoires). Ellesera associée à une kinésithérapie respiratoire.

Quelle que soit la chirurgie de fermeture, elle pourra être associée à unedyspnée inspiratoire transitoire, les exercices décrits précédemment sont alorsindiqués.

Dysphagie et immobilité laryngée bilatérale

La dysphagie est la conséquence majeure de l’ILB en position d’abduc-tion.

La problématique résulte du degré de fermeture, du pronostic de récupé-ration et de l’étiologie du trouble.

Selon la sévérité de la dysphagie, l’alimentation peut être compromise etl’indication d’une alimentation entérale sera alors posée.

La prise en charge doit être précoce pour minimiser les risques vitaux liésaux fausses routes d’autant plus que le patient peut être asymptomatique.

Si le trouble doit être transitoire, la régression peut être envisagée sponta-nément, les compensations sont généralement faciles à mettre en place. Desadaptations de comportement ( manœuvres de déglutition et postures) serontproposées en attendant la récupération neuro musculaire.

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La prise en charge spécifique donnera des résultats à plus ou moins longterme et sera adaptée au degré de récupération et à l’évolution dynamique dularynx. Elle repose sur des exercices de musculature intrinsèque et extrinsèquedu larynx, de recul de base de langue et des exercices plus fonctionnels commel’entraînement à la déglutition super sus glottique favorisant le fermeture glot-tique et sus glottique (19).

Si l’indication d’une chirurgie d’adduction est posée, la place de la réédu-cation orthophonique reste indiquée en post opératoire.

L’ILB peut être associée à des lésions d’autres paires crâniennes. Uneatteinte motrice de tout l’hémi-larynx, sensitive du pharynx et du lary n x ,motrice du voile et du pharynx majorera les troubles de la déglutition et compli-quera la prise en charge.

Dans le cadre des maladies neuro mu s c u l a i res dégénérat ives, la prise ench a rge rééducat ive des tro u bles de la déglutition liés à une ILB en ab d u c t i o nest diffi c i l e. Ils sont associés à d’autres para lysies phary n go laryngées, quel-q u e fois même à des pat h o l ogies de la commu n i c ation et des fonctions supé-ri e u res qui limitent les capacités rééducat ives et l’adhésion du patient au tra-vail pro p o s é .

Elle se pours u iv ra même si l’indication d’alimentation entérale a étéposée pour entretenir la déglutition de la salive et maintenir la possibilité deprises alimentaires pour le plaisir.

Dysphonie et immobilité laryngée bilatérale

La dysphonie est toujours présente dans les ILB en abduction et peut êtresévère lorsque l’ouverture est maximum.

La rééducation orthophonique spécifique de la musculature intrinsèque etextrinsèque est indiquée en pré-opératoire pour favoriser la récupération ner-ve u s e, entretenir la trophicité mu s c u l a i re et éviter les conduites de fo r ç agelaryngé.

• Après la chirurgie de rapprochement, une trachéotomie transitoire estnécessaire et la prise en charge vocale sera débutée après la fermeture del’orifice de trachéotomie.

• Après une chirurgie d’ouverture, il est observé une période de reposvocal pendant laquelle un travail favorisant la cicatrisation et prévenantles complications est entrepris.Le programme spécifique de réhabilitation de la voix sera abordé dèsque l’état local le permettra.

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Modalités

La stratégie globale de prise en charge a déjà été définie dans un cadre depluridisciplinarité, de précocité et d’adaptation à la récupération nerveuse.

Cependant, il nous semble important de rappeler que le programme spéci-fique de prise en charge orthophonique doit être le fruit d’une réflexion à menerlors de chaque stade évolutif.

L’analyse du geste phonatoire et des signes cliniques recueillis lors dubilan, corrélée à l’état dynamique du larynx au moment où nous recevons lepatient et à nos connaissances des conséquences du geste chirurgical indiquénous permettra d’adapter au mieux les exercices.

Pour exemple, une immobilité laryngée bilatérale en adduction a poursymptôme majeur une dyspnée laryngée. Les signes extérieurs marquant cettedyspnée seront pour nos oreilles un bruit inspiratoire et pour nos yeux un for-çage cervical relatif au « tirage », déplaçant le larynx vers le bas. La voix estgénéralement normale.

Avant l’intervention d’ouve rt u re, les exe rcices seront orientés sur larelaxation laryngée intrinsèque et extrinsèque dans le but de diminuer les consé-quences de l’hyper adduction et favoriser l’ouverture.

La chirurgie d’ouverture plonge subitement le patient d’un fonctionne-ment d’hyper adduction contrôlé dans une hypo adduction réelle. Elle ne doitpas être compensée par un forçage laryngé et les exercices sont alors orientésdifféremment de façon à empêcher ce forçage laryngé tout en favorisant une fer-meture minimum pour maintenir une production vocale.

A l’inve rs e, l’hypo adduction des ILB en adbuction se traduit avant l’inter-vention par un geste phonat o i re de fo r ç age laryngé. La ch i ru rgie de fe rm e t u replace alors le patient dans une situation d’adduction re l at ive et les exe rcices sero n tplutôt orientés sur l’ouve rt u re alors que initialement on re ch e rche la fe rm e t u re.

On voit donc que para d oxalement une immobilité bilat é rale en ab d u c t i o npeut être ab o rdée comme une ILB en adduction après l’intervention et inve rs e m e n t .

♦ ConclusionLes immobilités laryngées bilatérales ont la plupart du temps des consé-

quences vitales sur la respiration et la déglutition. On se souviendra que lessymptômes (dyspnée, dysphagie et/ou dysphonie) peuvent être associés. La ges-tion des problèmes urgents est avant tout médicale, la prise en charge orthopho-nique débutera quand les risques seront contrôlés et réduits à minima ; l’organi-

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sation de celle-ci doit faire l’objet d’une réflexion à propos des signes cliniquesobservés lors du bilan et des informations médicales.

Dans les stades avancés des maladies neuro-dégénératives, la place dutraitement orthophonique reste primordiale pour permettre une meilleure qualitéde fin de vie.

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107Rééducation Orthophonique - N° 215 - Septembre 2003

Paralysie du nerf laryngé supérieur.Sémiologie, diagnostic et traitements

Emmanuel Baudelle

R é s u m éLes travaux sur la paralysie du nerf laryngé supérieur sont peu nombreux en regard de ceuxconcernant la paralysie du nerf laryngé récurrent. Ceci est lié aux difficultés de diagnostic età la moindre incidence de cette affection sur la voix. La majorité des cas est d’origine virale.Les manifestations, liées au défaut d’innervation du muscle crico-thyroïdien, sont essentiel-lement vocales, et variables. On retient un abaissement du fondamental, une réduction del’ambitus intonatif, une fatigabilité vocale, l’impossibilité de chanter. Si la branche interne dunerf est concernée, s’y ajoutent des troubles sensitifs de l’espace laryngé supérieur avecd’éventuelles fausses routes. A l’examen laryngé, la classique configuration de déviation dela glotte du côté paralysé doit être nuancée, et cet article évoque un outil diagnostiquerécent, simple et performant, la confirmation du diagnostic étant réalisée grâce à l’électro-myographie laryngée. Le traitement comprend des antiviraux si l’atteinte est virale, uneéventuelle médialisation chirurgicale, et surtout, une rééducation vocale spécifique, axée enparticulier sur un travail mélodique.Mots clés : nerf laryngé supérieur, paralysie laryngée, dysphonie, rééducation vocale.

Superior laryngeal nerve palsy. Symptoms, diagnosis and treatment

AbstractFew studies have been published on the condition of superior laryngeal nerve paralysis,compared to studies on recurrent nerve paralysis. This discrepancy can be explained interms of diagnostic difficulties and of the milder voice problems it causes. Most cases havea viral origin. The symptoms, linked to a loss of crico-thyroïd muscle innervation, are mainlyvocal and quite variable. A decreased pitch, loss of range, vocal fatigue, and an inability tosing are reported. When the internal branch of the nerve is involved, one may observe disor-dered sensitivity of the upper laryngeal space, with possible aspirations. The laryngoscopicexamination must find the classical configuration of an oblique glottis toward the paralyticside. This paper reports on a recent diagnostic tool which is easy to administer and efficient.C o n f i r m ation of the diagnosis is realised using laryngeal electromyograp h y. Tr e at m e n tincludes the administration of an antiviral agent if the case has a viral etiology, possible sur-gical medialization, and more importantly voice therapy primarily based on melodic work.Key Wo r d s : laryngeal superior nerve, laryngeal paralysis, dysphonia, voice therapy.

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Emmanuel BAUDELLEOrthophonisteService de NeurologieHIA Val-de-Grâce74, Bd de Port-Royal, 75005 Paristél: 01 40 51 41 26fax: 01 40 51 41 [email protected]

L a paralysie du nerf laryngé supérieur (NLS) a fait l’objet de travaux bienmoins nombreux que ceux portant sur la paralysie du nerf laryngé récur-rent (NR), et a même été qualifiée d’entité négligée (1). Cela tient aux

difficultés de diagnostic et à l’absence de consensus la concernant jusqu’à cesdernières années.

♦ Rappels anatomiques et physiologiques

Le physiologiste Longet a été le premier à découvrir l’innervation dumu s cle cri c o - t hy roïdien par le nerf laryngé supérieur (NLS) en 1841. Seulmuscle laryngé intrinsèque à n’être pas innervé par le nerf récurrent, il est ten-seur des plis vocaux et est responsable de la modulation de la fréquence fonda-mentale de la voix (2,3).

Le NLS provient du nerf pneumogastrique (X) à hauteur du ganglionvagal inférieur (ganglion plexiforme) et se divise à hauteur de l’os hyoïde enune branche interne sensitive et une branche externe motrice. La première, dediamètre supérieur, traverse la membrane thyroïdienne supérieure puis se par-tage en rameaux sensitifs innervant la muqueuse laryngée située au dessus desplis vocaux. La branche externe (branche externe du nerf laryngé supérieurNLSBE ou nerf laryngé externe, NLE), plus fine, longe la face postérieure del’artère thyroïdienne supérieure puis aboutit au constricteur inférieur du pharynxpuis au muscle crico-thyroïdien. Le NLS est ainsi étroitement relié au pédiculevasculaire du pôle supérieur de la glande thyroïde et peut être lésé au coursd’une thyroïdectomie (4) (voir fig. 1).

Le muscle crico-thyroïdien s’insère en bas sur la face antéro-externe del’arc cricoïdien, en dehors du tubercule cricoïdien. Il se dirige en haut et enarrière et se termine au bord inférieur du cartilage thyroïde jusqu’au bord anté-rieur de la petite corne du cartilage thyroïde (voir fig.2).

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La contraction des fi b res du mu s cle cri c o - t hy roïdien provoque le rap p ro ch e-ment de l’arc cricoïdien et du bord inférieur du cart i l age thy ro ï d e, ainsi que le déca-l age ve rs l’arri è re de cet arc. La pre m i è re de ces deux actions entraîne le mouve m e n tde bascule du cart i l age thy roïde sur le cart i l age cricoïde grâce à l’art i c u l ation cri c o -t hy ro ï d i e n n e, ce qui a pour effet d’augmenter la tension des plis vocaux (voir fi g.3).

Fig 1. Représentation des branches interne et externe du nerf laryngé supérieur

Fig 2. Le muscle crico-thyroïdien

Fig 3. Action du muscle crico-thyroïdien (d’après Le Huche, 1991)

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♦ Incidence et étiologies

Si les lésions du nerf récurrent sont d’ordinaire aisées à reconnaître enlaryngoscopie indirecte et en fibroscopie, il n’en est pas de même des lésions dunerf laryngé supérieur qui sont souvent sous estimées en raison de la pauvretéou de l’absence de signes cliniques (1,5,6,7).

L’incidence des traumatismes du NLSBE après thyroïdectomie dans lalittérature est fonction des auteurs et des techniques chirurgicales, et varie de 0 à58 % (5).

Récemment, Aluffi et al. (5) obtient une incidence de 14% sur une sériede 45 patient opérés de thyroïdectomie (34 thyroïdectomies totales, 5 subtotales,6 lobectomies).

Mais l’origine iatrogène n’est pas la seule, les cas de paralysie du NLSd’origine virale étant nettement plus nombreux. Dursun (6), sur la plus grandesérie récente (126 patients dont 55 paralysies et 71 parésies du NLS), attribueainsi 93,6 % des cas à une origine virale. (voir Tableau 1)

Tableau 1. Etiologie des atteintes du NLS (126 patients, in Dursun, 1996)

Etiologie Nombre de cas %

Névrite 118 93,6Traumatique 4 3,2Iatrogène 4 3,2

♦ Sémiologie

Les manifestations cliniques de l’atteinte du NLS sont variables, cettevariabilité étant reliée à la diversité des tableaux, aux besoins vocaux du patientainsi qu’à sa conscience du trouble (6). Normalement, l’action du NLS active lemuscle crico-thyroïdien (CT) qui se contracte vivement en falsetto (II) ou enregistre modal (I) pour augmenter la tension des plis vocaux. En cas de paraly-sie ou de parésie du nerf, la déficience de cette fonction peut aboutir à un abais-sement du fondamental et à une altération des performances vocales, en particu-lier dans les fréquences élevées (6).

Les manifestations vocales de la paralysie du NLS les plus constantessont (8) :

- l’impossibilité de chanter - l’abaissement du fondamental de la voix

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- la réduction de l’ambitus intonatif (voix monotone)- une fatigabilité vocale.

S’y ajoutent d’éventuelles fausses routes en cas d’atteinte conjointe de labranche interne du NLS, responsable d’un hypoesthésie de l’espace laryngésupérieur. Une anesthésie sévère est rare même en cas de paralysie complète duNLS (6).

Dans sa série de 126 patients, Dursun décrit un riche éventail de symp-tômes dans lequel prédominent la fatigue vocale (82 % des cas), l’enrouement(75 %), le manque d’intensité (75 %), la réduction des possibilités de modula-tion (69 %) (voir tableau 2).

La fatigabilité vocale (80% des cas dans la série de Dursun 1996) seraitliée à l’effort requis pour élever le fondamental et pour projeter la voix. Lesmanifestations cliniques de l’atteinte du NLS sont particulièrement handica-pantes chez les chanteurs et les professionnels de la voix parlée, qui souventdéveloppent des mécanismes compensatoires hyperkinétiques afin d’augmentertransitoirement l’efficacité de leur voix (dans la série de Dursun 1996 compre-nant 126 patients avec atteinte du NLS, 23,8% des cas présentent une ‘musculartension dysphonia’, MTD).

Tableau 2. Symptômes associés à l’atteinte du NLS (Dursun, 1996, 126 patients)

Symptômes Nombre de cas %

Fatigue vocale 104 82,5Enrouement 95 75,4Trouble de l’intensité 95 75,4Manque de modulation 87 69,0Aspect soufflé 44 34,9Picotements de gorge 36 28,5Douleurs laryngées 12 9,5Étranglements 4 3,2Nécessité d’un ‘échauffement vocal prolongé’ 4 3,2

♦ Examen acoustique objectifSi l’on trouve dans la littérature certaines valeurs (5) (voir tableau 3), il

semble admis qu’il n’y a aucune mesure acoustique objective spécifique de l’at-teinte du NLS, ces données étant néanmoins essentielles pour le suivi du patientet pour apprécier l’efficacité de programmes thérapeutiques.

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Tableau 3. Données acoustiques objectives concernant 3 patients présentant une atteintedu NLS post-thyroïdectomie (Aluffi, 2001)

Paramètre pré-opératoire post-opératoire

Jitter (%) 0,64 1,6Shimmer (%) 3,30 6,3Noise-to-harmonic ratio 0,13 0,19

♦ L’examen laryngéM y ging (15) a montré en 1906 que chez les patients présentant une

atteinte du NLS, la glotte était déviée en phonation ve rs le côté para ly s é .Depuis, certains auteurs ont considéré cet aspect comme le plus caractéristiqueet en ont fait un élément déterminant du diagnostic (1,2,8,9). D’autres, ne leretrouvant qu’irrégulièrement, ont relativisé son importance clinique (10,11).Selon Arnold (12), la contraction du CT du côté sain entraînerait une rotation ducartilage cricoïde contre le cartilage thyroïde, inclinant ainsi la glotte posté-rieure vers le côté paralysé, le degré d’inclinaison étant fonction de l’intensitéde la contraction du CT. En d’autres termes, la déviation de la glotte pourrait nepas s’observer en cas de faible contraction du CT sain. C’est ce que semblentconfirmer les expérimentations animales ( voir fig 4) et cliniques de Tanaka(13).

Fig 4. Tanaka et al, 1994. Présentation shématique de 3 modèles animaux. A) Section duNLS gauche: Pas de rotation de la glotte en et hors phonation B) Section du NLS gauche etstimulation électrique du NLS droit : Rotation de la glotte vers la gauche lors de la stimula-tion C) Section bilatérale du NLS et stimulation électrique du NLS droit : Rotation plusmarquée de la glotte vers la gauche (d’après Tanaka et al.)

L’étude clinique démontre que l’atteinte unilatérale du NLS est d’autantplus manifeste lors de l’examen laryngé que le CT du côté sain est fortementactivé. L’auteur élabore ainsi le test consistant à demander au patient de pro-duire, sous laryngo-vidéo-fibroscopie, successivement un son grave puis un sonaigu, cette technique permettant d’observer chez 9 patients sur 12, ayant uneparalysie unilatérale du NLS, une déviation de la glotte. L’étendue entre les

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deux notes était variable et n’était pas reliée à l’activité du CT du côté paralyséni à la présence d’une rotation de la glotte (voir tableau 4).

Tableau 4. Répartition d’un corpus de 12 patients avec paralysie unilatérale du NLS(D’aprèsTanaka, 1994)

CT muscle crico-thyroïdien.* Paralysie vagale haute! Paralysie du nerf récurrent associée

Outre la déviation de la glotte, d’autres aspects laryngés sont parfoisobservés et notamment les caractères effilé, raccourci, arqué du pli vocal para-lysé sans que l’absence de ces signes ne puisse cependant écarter l’hypothèsed’une atteinte du NLS (6,8). Selon certains auteurs, l’aspect arqué (‘bowedvocal flods’) serait en réalité non pas lié à l’activité du CT, mais à l’atrophie dumuscle thyro-aryténoïdien (TA) (8,14), qui correspond à une atteinte du NR etnon du NLS.

Enfin, des manifestations inflammatoires telles qu’un reflux gastro-oeso-phagien (RGO) peuvent êtres mises en évidence (58,7% des 126 patients de lasérie de Dursun présentent un RGO).

♦ Strobo-vidéo-laryngoscopieCet examen est particulièrement important pour démontrer la présence

d’une paralysie ou d’une parésie du NLS. Le pli vocal paralysé semble le plussouvent ‘lâche’, en deçà du plan normal de vibration, présente une vibrationirrégulière et retardée en phonation (3,13,15). Le pli vocal sain peut recouvrir lepli vocal paralysé ou parétique. La fermeture glottique peut être incomplète. Ces

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observations sont particulièrement manifestes lorsque le fondamental est élevé(6) (voir tableau 5).

Tableau 5. Observations vidéostroboscopiques(D’après Dursun, 1996, 126 patients avec atteinte du NLS)

Des manœuvres spécifiques peuvent mettre particulièrement en évidencel’atteinte du NLS :

- la répétition saccadée et rapide d’un [i] majore le retard de vibration dupli vocal paralysé.

- le sifflement est intéressant car il supprime le comportement supraglot-tique hyperkinétique.

- un glissando dans l’aigu peut montrer le recouvrement du pli vocal para-lysé par le pli sain.

♦ Laryngo-électro-myographie Bien que cet examen soit parfois délicat à effectuer techniquement et

à interp r ê t e r, l’électro - myographie du mu s cle CT est un outil essentielpour confi rmer une suspicion d’atteinte du NLS (16,17,18). La parésie duNLS se traduit par des potentiels polyphasiques avec un fa i ble re c ru t e-

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ment, qui indique une dénervation partielle avec régénération, tandis quedes potentiels de fi b ri l l ation avec une absence de re c rutement tra d u i s e n tune para ly s i e.

L’électromyographie laryngée est en outre utile pour écarter la possibilitéd’une pathologie de la plaque motrice telle que la myasthénie.

♦ Pronostic et traitementL’atteinte virale doit faire l’objet en phase aiguë de traitements par corti-

coïdes et antiviraux. Pour éliminer un comportement compensatoire hyperkiné-tique et pour permettre au patient d’optimiser ses performances phonatoires, unerééducation vocale spécifique est requise. Le gain sera souvent moindre dans lescas de paralysie complète unilatérale ou bilatérale du NLS qu’en cas d’atteinteunilatérale. Un traitement chirurgical pourra éventuellement, après plafonne-ment des résultats avec rééducation, être envisagé, grâce à des procédures dem é d i a l i s ation ou d’injection de graisse autologue ou de collagène (Durs u n ,1996).

La rééducation vocale doit comprendre :- une explication claire et précise de la nature des troubles ainsi qu’une

information sur l’hygiène vocale- un travail visant à réduire le comportement compensatoire hyperkiné-

tique axé sur la détente du geste vocal- des exercices toniques visant à renforcer le côté déficient et à rétablir un

équilibre entre le CT paralysé et le CT sain.- un travail spécifique de la voix chantée utilisant en particulier les exer-

cices permettant de renforcer et d’augmenter l’étendue vocale (gammes,a rp è ges, glissandi…). Citons quelques exemples proposés par F. Estienne (20) et F. Le Huche (19)

- tenir 10, 20, 30 secondes sur une voyelle fermée telle que le [o], surun fondamental de confort, puis reproduire cette tenue un demi-tonplus haut, puis un ton… en essayant de conserver une stabilité detimbre. Même chose en descendant le fondamental (20),

- transitions de voyelles en s’inspirant du triangle vocalique pourcommencer par les voyelles les plus proches ( ou, o, o ouvert, a; a,è, é, i, puis le cycle : ou, o, o ouvert, a, è, é, i, u, ou, o….), cela surun recto-tono à un fondamental de confort, puis plus aigu, puis plusgrave (20),

- ‘les Créneaux’ : Il s’agit d’un comptage mélodié, les nombres pairsétant émis sur une note, les nombres impairs un ton plus haut (19),

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- le ‘Bra-bré-bri-bro-bru’: L’émission de chaque syllabe est réaliséesur une expiration, le ‘r’ étant roulé et la voyelle produite sur unglissando montant (Gravollet in (19)),

- les ‘Gammes comptées’: ce comptage se fait progressivement, sur3, 5, puis sur la gamme entière, l’exercice pouvant être transposé àloisir selon les performances du sujet (19).

♦ ConclusionLa rééducation d’une parésie du NLS prend souvent plusieurs mois. Elle

doit commencer précocément et se prolonger jusqu’à récupération complète oustabilisation afin d’éviter l’émergence de comportements compensatoires dys-fonctionnels. Ces patients sont confrontés à une modification régulière de leurlarynx de semaine en semaine et présentent de hauts risques de développer descomportements dysfonctionnels. Ils doivent faire l’objet d’un suivi régulier de lapart du médecin ORL ou du phoniatre, de l’orthophoniste et, dans le cas deschanteurs, du professeur de chant.

♦ RemerciementsMerci au Professeur F. Flocard, neurologue, et au Docteur E. Roguet,

ORL, pour leur relecture et leurs conseils.

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♦ Services ORL des hôpitaux

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Conduite à tenir dans les immobilités cordales unilatérales. Lecocq M., AriasC., Calas M., Beaucourt S. Revue de laryngologie 1991. 112, 4 : 373-375

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Les techniques de rééducation des paralysies laryngées unilatérales. B. Amy dela Bretèque. (PLU). 1998. Les Cahiers d’O.R.L. - T XXXIII - N°2, 68-72

La voix dans tous ses états. Ortho Edition. 2003

Pa ra lysie récurrentielle et immobilités laryngées. Réhab i l i t ation vo c a l e.Ouvrage collectif coordonné par F. Le Huche et A. Allali. Collection pho-niatrie. Masson, Paris (à paraître)

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