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Directeur de la publication Jacques Richardson

Correspondants A . A . Buzzati-Traverso, Milan Nobuyuki Fukuda, Sakura (Japon) Ignacy Malecki, Varsovie Mircea Malitza, Bucarest Jean-Claude Pecker, Paris Carol A . Tavris, N e w York

Collaboration rédactionnelle de Charles Marine

Illustrations Pierre François

Préparation de copie Jacques Lagrue

Secrétaire de rédaction Ariette Pignolo

Abonnement annuel : [A] 4 0 F deux ans : 66 F

Le numéro : [A] 12 F

Les articles paraissant dans impact expriment l'opinion de leurs auteurs et non pas nécessairement celles de l'Unesco ou de la rédaction

Les références supplémentaires de la rubrique intitulée « Pour approfondir le sujet », qui apparaît à la fin de la plupart des articles, sont normalement choisies par la rédaction de la revue

tttf!& Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, 7 , place de Fontenoy 75700 Paris (France)

et • * * * * •

Imprimerie des Presses Universitaires de France, Vendôme

ISSFAF 28 (4) 321-396 (1978)

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Vol. 28 , n° 4 , octobre-décembre 1978

Transfert de technologie intégré — 2

Surendra J. Patel Présentation 323

Manfredo Macioti Technologie et développement : ce que l'histoire nous enseigne 333

H . - C . de Bettigntes L a gestion des transferts de technologie est-elle une science ? 341

Abderrahmane Benazzouz et Albert Baez L e transfert des connaissances en électronique : une expérience réalisée en Afrique d u N o r d 349

J. Frank da Costa L e nouvel ordre économique et les problèmes de développement 355

Harry Z. Tabor D e l'utilisation de l'énergie solaire pour le dessalement de l'eau 359

James E. Clay son L'innovation locale : source méconnue d'autonomie économique 371

Michael W. Jackson L a science et la dépolitisation 383

Lettres 393

Appel aux lecteurs

Nous serons heureux de publier des lettres contenant des avis motivés — favorables ou non — sur tout article publié dans impact ou présentant les vues des signataires sur les sujets traités dans notre revue. rf

Prière d'adresser toute correspondance à : Rédacteur, impact : science et société, Unesco, 7, place de Fontenoy, 75700 Paris (France). © Unesco 1978.

ISSN 0304-2944

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Avis aux lecteurs

impact : science et société est publié régulièrement en anglais par l'Unesco. L a revue est aussi publiée en espagnol par la Oficina de Educación Iberoamericana, Ciudad Universitaria, Madrid 3 (Espagne).

AI ' u m a wa-almujtama' est publié en arabe par le Centre de publications de l'Unesco au Caire (Unesco Publications Centre in Cairo), 1 Talaat Harb Street, Tahrir Square, L e Caire (Egypte).

Notre périodique est maintenant publié en portugais . sous le titre impacto da ciência na sociedade. Cette édition peut être obtenue auprès d'Impacto-Editorial e Serviços Ltda, rua João Caetano 218, P . O . Box 665, 25600 Petrópolis — R J (Brésil).

Les lecteurs désireux de s'abonner à impact dans l'une de ces langues peuvent entrer en contact directement avec ces bureaux.

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Présentation

Veditorial qua sert d'introdtiction à la seconde partie de cette série sur le transfert intégré de technologie est présenté par Surendra J. Patel, chef de la Division du transfert de techno­logie, Conférence des Nations Unies sur le commerce et le déve­loppement (CNUCED), Palais des Nations, 1211 Genève 10 (Suisse)1.

Vers la transformation technologique

du tiers monde

N o u s vivons aujourd'hui dans une atmosphère de crise — la crise de l'équité. Les pays en développement, qui repré­sentent près de 75 % de la population mondiale, ne contri­buent que pour 20 % à son revenu et leur part du potentiel scientifique et technologique n'atteint m ê m e pas 5 %. L a crise de l'équité imprègne non seulement les rapports entre pays développés et pays en développement, mais aussi ceux qui existent entre les différents groupes sociaux au sein de chaque pays en développement. L'inégalité règne donc à la fois entre les pays et au sein d'un m ê m e pays. Son élimination est le problème central de ce dernier quart de siècle.

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale nous avons vécu, presque sans solution de continuité, l'âge d'or de la croissance des pays industrialisés ; une partie de cette crois­sance s'est d'ailleurs répercutée sur le tiers m o n d e . Mais dans l'ensemble, grâce à l'adoption de la planification en tant qu'instrument de développement et à l'initiative du secteur public, les pays en développement ont enregistré des taux de croissance annuels deux à trois fois supérieurs au taux

1. L'auteur précise que le présent article exprime son opinion, et non pas nécessairement celle de la C N U C E D . ( N D L R . )

impact : science et société, vol. 28 (1978), n" 4 323

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d'expansion traditionnel des économies capitalistes indus­trialisées — taux sans doute bien supérieur à celui que tout économiste ou planificateur était prêt à accepter c o m m e possible dans les années cinquante.

Cet âge d'or a brutalement pris fin. Par ailleurs, la c o m m u ­nauté mondiale s'est fixé des tâches ambitieuses visant à instaurer u n nouvel ordre économique international. Leur réalisation suppose un rééquilibrage du pouvoir industriel beaucoup plus important que celui qui s'est produit dans le dernier quart du xrxe siècle. L a part des pays en déve­loppement dans la production industrielle mondiale doit augmenter de 10 à 25 %•; pour cela,", il faudrait multiplier la production industrielle de ces pays par sept à dix. Les apports technologiques correspondants devraient être au moins équivalents, sinon plus importants, si l'on tient compte de l'obsolescence et des technologies nouvelles. Il n'est guère concevable que de telles conditions puissent ' être remplies uniquement par des emprunts. L e tiers m o n d e devra donc obtenir ce qu'il peut aux meilleures conditions possibles, tout en développant ses propres capacités tech­nologiques. • ' : . , : .

Ainsi, le thème choisi pour la série représentée par le présent numéro de cette revue est fondamental pour l'élu-cidation des questions essentielles du développement. N o u s commençons seulement à comprendre les liens complexes existant entre la science, la technologie et les besoins de développement d u tiers m o n d e . L'étude du « transfert intégré de technologie » vient également à point en ce sens qu'elle permet d'identifier certaines questions sous-jacentes et de formuler des politiques à divers niveaux en rapport avec toute la série des conférences qui doivent avoir lieu prochainement — C N U C E D V (1979), Conférence des Nations Unies sur la science et la technique au service du développement (aussi en 1979), Conférence de l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (1980) et session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies, pour ne mentionner que les plus importantes.

Transfert de technologie et développement

L a technologie joue u n rôle décisif dans le processus de développement. O n pensait dans les années soixante que son transfert des pays riches vers les pays ; pauvres assurerait

324 Présentation

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la transformation socio-économique rapide des « retarda­taires », ce qui permettrait d'harmoniser le niveau de bien-être économique. L a connaissance technique est.en effet cumulative dans son développement, transnationale par son origine, transmissible à travers les frontières naturelles et irréductible dans son transfert.

Mais l'expérience acquise depuis vingt-cinq ans en matière de développement du tiers m o n d e ne porte pas à l'optimisme. L e transfert de technologie vers les pays pauvres, notam­ment par l'intermédiaire du marché privé des sociétés trans­nationales, n'a pas contribué à la lutte contre la pauvreté et la faim dans le tiers m o n d e . Certes, une stratégie de développement axée sur le transfert massif de ressources, notamment de technologie, a parfois facilité l'augmentation dé la production. Mais, la plupart du temps, ce:transfert massif n'a pas entraîné d'amélioration sensible (absolue où relative) des conditions de vie de la majorité de la population. Dans la plupart des pays du tiers m o n d e les gens sont mal nourris, mal vêtus, mal logés et analphabètes. L e changement économique et social qui s'est produit récemment peut au mieux être décrit c o m m e un développement dépendant. "

Cet échec s'explique par un certain nombre de facteurs historiques et socio-économiques qu'il est facile d'énumérer. O n peut dire à la décharge de la technologie qu'elle ne compte au nombre des conditions du développement que depuis une date relativement récente. Elle ne figurait m ê m e pas à l'ordre du jour de la Conférence de Bretton W o o d s en 1944. Et, dans les instances où elle était évoquée, on préférait traditionnellement la laisser aux forces d u marché. Lorsqu'on en'a parlé, on ne l'a fait que de façon ponctuelle. Mais le transfert de technologie n'est pas une opération isolée, unique. Dans u n milieu social donné, il doit se faire en intégration avec le développement. .

Ainsi, il est vrai que la technologie n'a pas résolu les problèmes de développement du tiers m o n d e . Cet échec s'explique en partie par l'absence ou les insuffisances d'une approche intégrée des politiques et des institutions aux niveaux national et international ; il s'explique aussi par le fait qu'on n'a pas abordé c o m m e il convenait le problème de l'équilibre entre le transfert de l'étranger et le développe­ment de capacités technologiques endogènes permettant de prendre des décisions rationnelles dans l'intérêt national — et évitant au pays d'être envahi par. des copies de l'étranger.

Présentation 325

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Les limites du marché

Si la technologie suivait les lois de la pesanteur, elle coule­rait, c o m m e un fluide, du haut vers le bas ; lés différences de technologies et de revenus seraient des phénomènes passagers et tous les pays seraient u n jour ou l'autre écono­miquement égaux. Mais la technologie ne semble pas se comporter.de cette façon. Son transfert se heurte à un certain nombre d'obstacles, étudiés dans le présent numéro. Les plus graves sont les limites d u marché et le faible pou­voir de négociation des pays en développement.

L e transfert de technologie a lieu dans u n marché intrin­sèquement imparfait. Il est imparfait en raison des avantages monopolistiques des fournisseurs de technologie — princi­palement les sociétés transnationales — protégés par des droits tels que les brevets et les marques de fabrique. E n outre, l'acheteur est en position d'infériorité, car ce qu'il achète est la technologie, qui n'est rien d'autre que le savoir sur le savoir — dont il est totalement démuni.

A ce jeu, les pays en développement sont, au départ, défavorisés. Puisque la technologie se déplace dans une seule direction, les limites d u marché jouent au détriment des acheteurs, et non l'inverse. E n réalité, il n'y a pas de marché mondial, pas d'échange mondial, pas de cours mondial pour la technologie.' Les études réalisées par la C N U C E D et d'autres organismes ont souligné que les schémas actuels du transfert ont intensifié, qualitativement du moins, la dépen­dance technologique des pays du tiers m o n d e . Lorsqu'un pays en développement dépend technologiquement des pays développés d'une façon tout à fait asymétrique, il s'agit manifestement d'une relation de subordination et non de gain mutuel. C'est cette asymétrie omniprésente qui place la notion de dépendance technologique au cœur d u pro­blème ; c'est elle qu'il faut d'abord supprimer pour instaurer un nouvel ordre économique international.

Les coûts

de la dépendance technologique

L'origine de cette dépendance et ses nombreuses consé­quences pour le développement ont été longuement étudiées. Répétons que la dépendance technologique résulte de la répartition asymétrique, entre les pays industrialisés et les

326 Présentation

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pays en développement — et parmi les pays en dévelop­pement — de la maîtrise d u savoir technique, des c o m p é ­tences, des ressources financières, de l'initiative, des liens commerciaux, des produits de base et des moyens de pro­duction. C e caractère asymétrique entraîne des coûts impor­tants (directs et indirects) pour les pays en développement. A eux seuls, les coûts directs, relatifs au paiement par l'ensemble des pays en développement d u droit d'utiliser les brevets, le savoir-faire, les marques de fabrique et les services techniques, s'élevaient à près de 1,8 milliard de dollars en 1968, ce qui correspond à 8 % des importations de machines et de capitaux et à 40 % du service de la dette des pays en développement. Aujourd'hui, ces coûts sont sans doute de l'ordre de 9 à 10 milliards de dollars. Ils ont donc sextuplé en dix ans, augmentant deux fois et demie plus vite que la production manufacturée.

Toutefois, ces coûts monétaires directs représentent une faible partie de l'ensemble des coûts. L a dépendance ne peut guère se mesurer en termes monétaires, quelle que soit l'habileté de celui qui mesure. Les coûts indirects sont beaucoup plus importants : « surprix » des produits inter­médiaires et d u matériel importés, bénéfices sur la capita­lisation d u savoir-faire, majorations de prix, etc. Bien que ces coûts indirects soient difficiles à mesurer, les études disponibles indiquent qu'ils sont beaucoup plus élevés — de trois à dix fois — que les coûts directs. E n outre, il existe d'autres coûts réels ou manques à gagner, qui ne sont pas facilement perçus. Us résultent d'un transfert retardé, ou inadéquat, d u transfert d'une technologie inappropriée et, surtout, d u non-transfert de la technologie, phénomène beaucoup plus répandu qu'on ne le croit généralement. Dans la plupart des cas, les « investissements étrangers » ne sont rien d'autre qu'un changement de l'implantation géogra­phique d'une usine; ils impliquent rarement — et c'est encore beaucoup dire — u n transfert réel de technologie vers le pays où se trouve l'usine.

Il est assurément difficile de réunir ces divers éléments afin d'obtenir une estimation d u coût de la dépendance technologique. E n hypothèse non vérifiée, on pourrait dire qu'il est de l'ordre de 30 à 50 milliards de dollars par an. Il faut noter, pour souligner l'importance de ce chiffre, que cela correspond à une proportion allant d u tiers à la moitié des investissements nets effectués dans les pays en dévelop­pement. Par comparaison, les pays du tiers m o n d e affectent

Présentation 327

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2 milliards de dollars seulement à la recherche et au déve­loppement-— soit,moins d'un vingtième d u coût de leur dépendance technique. Il est manifeste que le choix entre dépendre d'entreprises étrangères et élaborer une armature technologique interne n'est ni u n sujet de palabres pour universitaires irritables ni une occasion; pour des h o m m e s politiques stupides, de faire leur propre apologie.

Il est; donc nécessaire d'élaborer de nouvelles politiques; tant au niveau national qu'international. O n peut c o m m o ­dément y distinguer deux grands axes : la restructuration d u cadre juridique existant et le renforcement de l'armature technologique d u tiers m o n d e .

Restructuration du cadre juridique

A u risque de démontrer l'évidence, précisons que la tech­nologie est très différente de;la terre : et, pourtant, les rapports qui régissent le transfert de technologie sont, à maints égards, proches de ceux qui existaient dans le régime foncier de l'époque féodale. E n ce temps-là, les seigneurs possédaient des terres que cultivaient des serfs, des métayers ou des fermiers, selon le cas. L e cultivateur n'avait aucune sécurité d'affermage ; il n'était pas Ubre non plus de planifier à son gré les cultures, de planter des haies ni, de façon générale, d'investir ¡ son travail et ses ressources dans la bonification des terres. Rien d'étonnant, dans ces conditions, qu'une restructuration complète d u tissu juridique d u régime foncier dût précéder la modernisation et des techniques de production agricole et de la gestion des exploitations. L a révolution industrielle n'aurait pas trouvé de milieu favo-r rabie à son essor en Europe si les rapports agraires féodaux n'avaient pas été profondément révisés.

Contrairement à la terre aussi, la technologie résulte de la quête cumulative d'esprits insatisfaits qui, au fil des siècles et dans tous les continents, ont cherché à faire mieux ou à faire autre chose. L a technologie a été engendrée par le développement de l'esprit scientifique et, dans ce, sens, elle peut être considérée c o m m e u n bien public à plus juste raison que la terre. Cependant, elle est louée à des conditions qui sont, à maints égards, encore plus dures que celles du régime féodal. Par exemple, les dispositions actuelles en la matière imposent au destinataire de la technologie les diffé­rents types de restrictions ci-après, qui figurent dans le texte provisoire d u C o d e international de conduite pour le transfert

328 Présentation

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de technologie, en cours de négociation à la C N U C E D (voir document TD/AC.l/15, annexe I, p . 10-15). [Restrictions concernant l'utilisation de la technologie] après

l'expiration ou la fin de l'accord. Obligation de verser des redevances après l'expiration des

droits de propriété industrielle. Obligation de rétrocéder au fournisseur, avec la techno­

logie transférée, les perfectionnements qui y auraient été apportés (clauses de licences en retour).

Interdiction de contester la validité d'un brevet ou d'autres droits.

Restriction de la liberté de contracter des accords de ventej de reproduction ou de fabrication relatifs à des technolo­gies analogues ou concurrentes ; limitation de la recherche et d u développement de la partie acquérante ; obligation pour la partie acquérante d'employer le personnel désigné par la partie concédante ou limitation de l'emploi de personnel national.

Restrictions relatives aux prix à pratiquer. : Restrictions empêchant l'adaptation de la technologie . importée aux conditions locales. Acent mis sur les droits exclusifs de vente ou de reproduction: Clauses relatives aux ventes liées, limitant les sources d'ap­

provisionnement en technologie, biens ou services. Restrictions imposées aux exportations par des limitations : territoriales et quantitatives ou par l'obligation d'obtenir

une approbation préalable. Accords de mise en c o m m u n de brevets ou de conces­

sion réciproque de licences entre les fournisseurs de ; technologie. • ' ; Restrictions relatives à la publicité que peut faire la partie

acquérante. Limitation de l'étendue, du volume ou:de la capacité;de . production ou d u domaine d'activité. Obligation d'utiliser des marques de fabrique. Obligation de participer au capital ou à la gestion. Durée illimitée ou indûment longue des accords. •_'> Limitation de la diffusion ou de l'emploi continu de la

technologie déjà importée.

Mettre la théorie en pratique

Par conséquent, lés transactions portant sur. la technologie montrent souvent (pour paraphraser R. ' H . T a w n y ) , de la

Présentation 329

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part du fournisseur, u n e virtuosité dans la poursuite sans scrupule du profit qui — m ê m e lorsqu'elle n'est pas inter­prétée c o m m e un péché.personnel — peut.découler des conditions actuelles du transfert de technologie. Il est difficile de voir comment la transformation du tiers m o n d e pourrait se faire sans une réforme.technologique fondamentale qui correspondrait, à maints égards, aux réformes agraires effec­tuées en Europe au xixe siècle.

Voilà le type de préoccupations qui a trouvé u n vibrant écho dans les travaux de la C N U C E D sur la restructuration du cadre juridique actuel du transfert de technologie. D e u x initiatives ont retenu l'attention de la communauté inter­nationale : tout d'abord la révision du régime de la propriété industrielle (brevets, marques de fabrique, etc.) aux niveaux national'et régional et de la Convention de Paris qui en justifie les pratiques ; et ensuite la création d'un code inter­national de conduite pour le transfert de technologie, auquel il a déjà été fait allusion.

L e secrétariat de la C N U C E D a effectué u n grand nombre d'études de base sur ces sujets. Les deux initiatives m e n ­tionnées plus haut ont été examinées de façon approfondie dans le cadre de plusieurs réunions intergouvernementales. Elles font actuellement l'objet de négociations, la première dans le cadre de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et la deuxième à la C N U C E D . Bien qu'on ne puisse pas en examiner les détails, il importe de souligner que, pour les mener à leur terme, il faudra faire preuve ( c o m m e dans le cas des réformes agraires européennes du siècle dernier) de courage et de fermeté.

E n ce qui concerne le code de conduite pour le transfert de technologie, le Groupe intergouvememental d'experts chargé de la question s'est réuni à Genève l'été dernier pour la sixième et dernière fois afin de négocier un projet de code. Les résultats de ces travaux sont actuellement examinés à la Conférence des Nations Unies pour l'élabo­ration d'un code international de conduite pour le transfert de technologie, qui se tient également à Genève.

Renforcement de l'armature technologique

du tiers monde

Il ne fait aucun doute qu'une modification d u cadre juri­dique permettrait d'obtenir le type d'accès, assorti de condi-

330 Présentation

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rions adéquates, dont les pays en développement ont besoin. Mais les instruments juridiques, à eux seuls, ne suffisent pas. C e qu'il est primordial de créer, c'est une force technolo­gique au niveau national. Les débats sur ce sujet sont souvent assombris par le constat déprimant de l'impuissance du tiers m o n d e . - Toutefois, il est bon de rappeler certains des changements positifs qui se sont produits depuis 1950 dans les pays en développement : L e revenu national a presque quadruplé, avec un taux de

croissance deux fois plus élevé que celui qu'ont enregistré les pays développés pendant leur industrialisation.

L e revenu par habitant a plus que doublé. L a production industrielle a été multipliée par sept ou huit ;

elle est aujourd'hui trois à quatre fois supérieure à celle du m o n d e en 1900. Initialement limitée aux textiles, au sucre et aux chaussures, elle porte actuellement sur des secteurs aussi importants que les biens d'équipement, la chimie, l'électronique et l'ingénierie.

U n e véritable explosion de l'éducation a transformé les profils des professions ; les inscriptions dans les universités et les autres établissements d'enseignement supérieur atteindront 15 millions en 1980, soit quelque 30 % du total mondial. Les bases de la production des compétences requises pour la fabrication des biens d'équipement, eux-

- m ê m e s indispensables à la production de produits de base, sont d'ores et déjà établies.

L a part de la formation de capital dans la production natio­nale est passée de 11 % à peine en 1950 à quelque 17 % — soit à peu près la m ê m e proportion que dans les pays développés.

Les exportations des pays en développement sont passées de 18 milliards de dollars en 1950 à quelque 200 milliards de dollars aujourd'hui.

N o n contents de se fonder sur le profit privé pour produire le bien-être public, les pays en développement ont adopté la planification du développement c o m m e instrument de politique.

Tel est le cadre des initiatives récentes prises par la C N U C E D pour créer des secteurs nationaux, sous-régionaux et régionaux pour le transfert et le développement de la technologie. Ces secteurs formeraient le noyau d'un réseau de mécanismes intégrés et autonomes de prise de décision.

Plus de trente pays en développement — l'Algérie, l'Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Chine, la

Présentation 331

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Colombie, la République de Corée, PÉgypte, l'Equateur, l'Espagne, l'Ethiopie,.la Guyane, l'Inde, l'Irak, l'Iran, le Mexique, le Pakistan, le Pérou, les Philippines, Sri Lanka, Trinité-et-Tobago, le Venezuela, le Viet N a m et la Yougoslavie, pour n'en citer que quelques-uns — ont déjà créé à cet effet u n type quelconque de mécanisme national. Us comptent à eux tous plus de 2 milliards d'individus — ce qui représente quelque 75 % de la population de l'ensemble des pays en développement — et contribuent pour près de 95 % à la production industrielle du tiers m o n d e .

Des centres sous-régionaux et régionaux ont été créés pour l'Asie et l'Afrique et l'on s'efforce d'établir des organes analogues pour l'Asie occidentale et l'Amérique latine. L a période de l'après-guerre, caractérisée par le libre essor des investissements extérieurs, est terminée. Elle est remplacée par de nouvelles politiques et de nouvelles structures qui commencent à tenir compte de la nécessité de renforcer les capacités technologiques nationales.

Transformation technologique

du tiers monde

L e prochain quart de siècle verra u n rééquilibrage du pou­voir industriel beaucoup plus important que celui dont ont témoigné les bouleversements enregistrés de 1875 à 1913. Mais un tel rééquilibrage sera impossible à réaliser dans la dépendance à l'égard de l'étranger.

Plus encore que.la République fédérale d'Allemagne, les États-Unis d'Amérique, le Japon et l'Union soviétique, les pays en développement devront créer leur propre capacité nationale d'importer, de négocier, d'adapter et de diffuser, de moderniser et d'inventer des technologies.

L'autodépendance nationale et la coopération avec ceux qui les aideront dans cette voie devront constituer la pierre angulaire des politiques requises. .

Surendra J. P A T E L

332 Présentation

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Technologie et développement ce que l'histoire nous enseigne Manfredo Macioti

Les spécialistes ¿Le l'histoire économique ont coutume d'affirmer que l'industrialisation du monde en développement ne saurait être calquée sur le modèle établi par l'Occident et le Japon au XIXe siècle. Bien que ce postulat soit à mettre en relation avec le nouvel équilibre des forces industrielles et financières dans le monde, l'expérience des nations industrialisées d'aujourd'hui ne doit pas être rejetée sous prétexte qu'elle ne correspond pas aux besoins actuels. Dans le présent article, on a tenté, à partir d'une évaluation de processus d'industrialisation et de développement qu'ont jadis connus les sociétés contem­poraines, de définir les aspects de cette évolution dont le tiers monde semblerait pouvoir tirer des enseignements utiles. .

Notre exposé commence au xvnie siècle en Grande-Bretagne, pays qui, en l'an 1750, avait une population d'environ 6 millions d'habitants. A cette époque, la Chine, l'Inde et la Russie disposaient d'une bonne techno­logie et d'un marché gigantesque; néan­moins, ce fut en Grande-Bretagne que la révolution industrielle eut Heu. L a percée s'effectua dans trois secteurs techniques es­sentiels : les cotonnades (la mule-jenny de Crompton était au point en 1779), la métal­lurgie du fer (le procédé de puddlage de Coït date de 1784), et la machine à vapeur (le condenseur séparé de Watt a été breveté pour la première fois en 1769). A ces trois innovations s'ajoutent de grandes améliora­tions dans le domaine des transports (par exemple, le canal de Francis Egerton en 1761 et les premières routes macadamisées dans les années 1790), ainsi qu'une nouveauté capitale par ses incidences sociales : l'orga­nisation du travail au sein de grandes unités alimentées par une source d'énergie centrale (la filature d'Arkwright en 1771). Enfin, et ce n'est pas le moins important, une inven­

tion médicale majeure allait constituer u n jalon dans l'histoire de l'industrialisation bri­tannique : la première vaccination effectuée par Jenner en 1796.

Les ressources naturelles qui devaient se révéler indispensables aux nouvelles tech­nologies industrielles — le sel, le kaolin, le fer et surtout le charbon — abondaient en Grande-Bretagne. E n outre, l'empire colo­nial britannique offrait une grande variété de matières premières, ainsi que des débouchés pour la vente des produits manufacturés. Par la suite, la révolution française et les guerres napoléoniennes donnèrent le temps aux nouvelles industries britanniques de s'affermir et furent elles-mêmes à l'origine d'autres progrès techniques.

Il est intéressant de noter que plusieurs des inventions essentielles qui ont permis les progrès rappelés ci-dessus aient pris nais­sance en France et non dans les îles britan­niques. Mais comparés aux Britanniques, les Français s'intéressaient peu à l'entreprise privée ; ils se préoccupaient davantage d'en­courager les manufactures royales et autres

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• Manfredo Macioti

Manfredo Macioti est diplomé en génie chimique et en droit des brevets de l'Université de Rome. Après avoir travaillé dans l'industrie, l'auteur a exercé des fonctions à la Communauté européenne de l'énergie atomique et à la Communauté européenne du charbon et de l'acier avant de devenir consultant en matière de recherche à l'Organisation européenne de coopération et de développement économiques. De 1971 à 1973 il a dirigé le Bureau européen de coopération scientifique de l'Unesco. Depuis lors, M . Macioti occupe le poste de directeur de la politique scientifique, à la Commission des communautés européennes. Il s'intéresse depuis longtemps aux transferts de technologie et aux aspects historiques de la science et dela technique. Son adresse au siège du Marché commun : 200, rue dela Loi, 1049 Bruxelles (Belgique).

fabriques de produits de luxe auxquelles étaient concédés des privilèges. D ' u n e m a ­nière générale le système socio-économique de la Grande-Bretagne était beaucoup moins centralisé que celui de la France, si ce n'est peut-être que le gouvernement y intervenait fréquemment dans les amures navales et dans la politique de la marine marchande. Il est curieux qu'en Grande-Bretagne les classes supérieures ne croyaient pas déchoir de leur rang en faisant des travaux méca­niques, en se salissant les mains dans l'agri­culture ou m ê m e en jouant u n rôle actif dans le négoce, alors qu'en France une coutume appelée « dérogation » pénalisait les aristocrates qui participaient à des entre­prises commerciales et industrielles de moin­dre prestige que les grandes compagnies coloniales d'État.

Les Néerlandais étaient entreprenants,

mais leurs efforts étaient orientés vers lé commerce et les finances, plutôt que vers la production manufacturière. L'Allemagne était encore au stade du mercantilisme prin­cier. Les jeunes États-Unis se consacraient, conformément aux principes de Jefferson, à renforcer la base agricole de leur économie. Quant à l'Autriche et à la Russie, l'industria­lisation y était considérée c o m m e une entre­prise de subversion sociale et politique. N o u s constaterons ici encore que les conditions favorables au décollage industriel semblaient n'exister qu'en Grande-Bretagne!

Le bois, le fer et l'agriculture

L a pression exercée par la demandé sur les modes de production eut une grande impor­tance. Si A b r a h a m Darby inventa dans la première moitié d u x v m e siècle.un haut fourneau permettant de fondre du fer d'ex­cellente qualité en grande quantité, le progrès a été suscité dans une mesure non négligeable par la baisse des réserves de bois de la Grande-Bretagne. Par contre, en Suède, pays disposant de vastes étendues de forêts, le charbon de bois servit encore pendant long­temps de combustible à la sidérurgie locale, ce qui retarda le développement économique du pays. > - ,

L'importance du facteur d'innovation que constituent les débouchés apparaît dans les effets de la révolution agricole (amorcée en Angleterre vers 1770) sur le processus d'in­dustrialisation. L a disparition progressive des terres en jachère, le défrichement, l'ap­parition de matériel plus perfectionné et de nouveaux outils, une utilisation accrue des chevaux et du ferrage furent autant de causes contribuant à accroître considérable­ment la demande de fer. E n particulier, les nouvelles charrues mises au point aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne (peut-être l'in­vention la plus importante de la révolution agricole) ne pouvaient se répandre dans les exploitations paysannes du nord de l'Europe tant que le seul charbon de bois servait à l'obtention d u fer.

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A u lendemain des guerres napoléoniennes, les nations de l'époque étaient confrontées à un problème économique fondamental très semblable à celui auquel font actuellement face les États en développement : comment des pays, qui se trouvent au départ Han<? une position d'infériorité, peuvent-ils assi­miler des technologies mises au point ail­leurs ? L a Belgique, la France, l'Allemagne, la Hongrie, l'Italie, les Pays-Bas, la Russie, la Suède, le Canada, les États-Unis et le Japon surmontèrent, les uns après les autres, leur handicap : leurs économies « décollè­rent » au cours du xrxe siècle, et cela malgré une résistance initiale de la Grande-Bretagne qui prit successivement la forme d'une inter­diction d'émigrer pour les artisans britan­niques (jusqu'en 1825) et d'une interdiction d'exporter des machines textiles de grande valeur (jusqu'en 1842).

L'État innovateur

Examinons le cas de l'Allemagne. Elle ne possédait pas de bourgeoisie sûre d'elle-m ê m e c o m m e la Grande-Bretagne et la France à la fin du xixe siècle. Appliquer les idées « modernes » était une tâche incombant aux services gouvernementaux qui à paitir de 1820 abandonnèrent leur libéralisme du début d u siècle pour une politique officielle d'encouragement au commerce (en parti­culier dans le Brandebourg et la Prusse). Cette politique comportait quatre volets principaux : a) la création d'écoles profes­sionnelles (inaugurées avec 4 professeurs et 13 élèves à Berlin, en 1821) ; b) la fondation d'associations industrielles et commerciales (telles que l'Association pour la promotion de l'activité industrielle en Prusse, créée également en 1821); c) l'organisation de voyages d'information dans les pays voisins technologiquement développés (la Belgique, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas), et 1' « im­portation » de spécialistes étrangers ; d) l'ac­quisition, l'essai et l'amélioration de m a ­chines étrangères.

O n pourrait ajouter à ces mesures une

politique généreuse d'investissements de l'État dans l'industrie (routes, chemins de fer, manufactures diverses), politique menée à bien par des institutions telles que la Seehandlung. Les résultats furent specta­culaires. L'Allemagne parvint à rattraper u n retard industriel de plus d'un demi-siècle en l'espace d'une vingtaine d'années. Par la suite, l'essor économique allemand fut faci­lité par la création de l'Empire allemand en 1871 et par l'annexion de l'Alsace et de la Lorraine avec leurs importants gisements de fer et de charbon.

Mais, dès 1834, avec la création du Zoolverein (union douanière), qui permit, grâce à l'abolition des barrières tarifaires, d'instituer u n marché unifié, le développe­ment industriel avait reçu une impulsion vigoureuse. Soit dit en passant, l'établisse­ment d'une union douanière entre la Norvège et la Suède en 1873 joua le m ê m e rôle positif dans l'industrialisation de la Scandinavie.

Le cas remarquable du Japon

Également intéressant de ce point de vue est l'exemple du Japon, première nation non occidentale à s'industrialiser. L e Japon avait en l'occurrence u n retard de plus de cent ans qu'il parvint néanmoins à combler en l'espace, relativement court, de trois gé­nérations (1880-1960). L e cas du Japon est édifiant : il démontre comment des in­vestissements systématiques de l'État dans l'enseignement, la science, l'ingénierie et l'innovation — ou le transfert de techno­logie — peuvent permettre de ne pas e m ­prunter la voie pénible d'une croissance abandonnée à la loi du marché.

Après la restauration Meiji de 1868, le gouvernement japonais appliqua une poli­tique énergique pour encourager la mise sur pied d'une infrastructure industrielle et fi­nancière autochtone. Pour l'essentiel, cette politique comportait une demi-douzaine de mesures.

E n premier lieu, le gouvernement libéra l'agriculture de ses entraves féodales. E n

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conséquence, les agriculteurs appliquèrent de nouvelles. méthodes. d'irrigation, recou­rurent plus largement aux engrais et entre­prirent d'améliorer les variétés de riz. (L'une des plus célèbres « bourses aux semences » vit le jour à la préfecture d'Akita en 1879 ; elle existe encore aujourd'hui.) , ;

E n deuxième lieu, des usines modèles furent créées grâce aux deniers publics. Exploitées par le gouvernement, elles per­mirent la démonstration des nouvelles tech­niques de production européennes (pour l'acier, le ciment, le verre à vitre, la brique réfractaire, les textiles de laine et la filature d u coton). Après 1880, la plupart de ces usines pilotes furent vendues à très bas prix aux industriels intéressés.

Troisièmement, l'État subventionna les industries (surtout l'industrie lourde, la construction ferroviaire et les chantiers navals), faisant ainsi du placement de capi­taux dans l'industrie u n substitut acceptable des achats fonciers ou des investissements commerciaux. , 1

Quatrièmement, la politique des marchés publics donna la préférence aux industries nationales sur les fournisseurs étrangers cha­que fois que cela était possible. Sans cette politique d'achats, la plupart des industries nationales (électricité, papier, verre, cuir, ciment, brique, etc.) n'auraient pas survécu aux premières années de l'industrialisation japonaise.

E n cinquième lieu, le gouvernement en­couragea la mise en place d'un réseau de banques nationales, parmi lesquelles des banques spécialisées dans l'industrie, qui devaient consentir des prêts à long terme et à faible taux d'intérêt pour financer des in­vestissements dans les industries modernes.

E n sixième lieu, plutôt que de faire appel à des capitaux étrangers, les capitaux néces­saires à la modernisation pendant les années cruciales précédant 1890 furent réunis au Japon m ê m e (en mobilisant les recettes tirées de l'agriculture). L a seule exception notable fut u n emprunt d'un million de livres sterling contracté en Grande-Bretagne afin de lancer

en 1870 l'industrie japonaise des chemins de fer. . :

Enfin, l'État s'intéressa de très près aux systèmes de communication — chemins de fer, télégraphe et poste — et encouragea la création d'une presse quotidienne. Les ré­sultats de ce dernier effort sont encore visi­bles ; aujourd'hui: : plus de: 30 journaux fondés au cours du siècle dernier continuent de prospérer, tandis que seulement une demi-douzaine de journaux lancés à la m ê m e époque subsistent au Brésil.

Quelques aspects uniques de l'expérience japonaise

A u x mesures spécifiques que l'on vient d'énumérer, il faut ajouter le soin apporté à l'élaboration d'une politique nationale de la science et de la technologie. Celle-ci débuta par l'importation sélective de technologies et de spécialistes étrangers, par la suite rem­placés progressivement par des produits na­tionaux. L a réussite de cette politique devint évidente au cours des années trente, les centrales électriques japonaises pourvoyant alors à 90 % des besoins en énergie de l'indus­trie (grandes, moyennes et petites usines).

L e stade d'évolution représenté par l'uti­lisation de la vapeur c o m m e force a ainsi été « court-circuité », ce qui est u n bon exemple de progrès technologique accéléré.

Les conséqueces sociales de l'avènement de l'électricité — forme d'énergie d'applica­tion bien plus souple que la vapeur — furent également importantes. U n e nouvelle divi­sion du travail entre grandes et petites unités permit de contrecarrer la tendance précé­dente à la concentration des activités indus­trielles au sein de vastes usines. E n fait, la réussite actuelle du système japonais de sous-traitance qui unit grandes et petites firmes trouve son origine dans ce phénomène 1 .

1. Voir l'article de J. Clayson, c L'innovation locale, source méconnue d'autonomie écono­mique », dans le m ê m e numéro SImpact : science et société, p. 371. [ N D L R . ]

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L'industrialisation aujourd'hui : . un processus complexe

L e rôle joué par la science et la technologie dans le développement de nos sociétés s'est accru à mesure que la croissance économique prenait de l'ampleur. Si la dette de James Watt envers la théorie scientifique était assez indirecte (Watt a lui-même raconté c o m ­ment ses inventions furent facilitées par les théories de Joseph Black sur la chaleur latente), les interactions entre la science et le progrès technique se sont depuis lors multipliées.

A u cours des deux ou trois dernières géné­rations, la science est devenue une entre­prise beaucoup plus complexe et coûteuse, cependant que les découvertes scientifiques se traduisent, à u n rythme accéléré, en inno­vations technologiques. Il suffit de se référer (par ordre chronologique) au cas du télé­phone,' de la radio, de la pénicilline, du tube électronique de télévision, d u Nylon, du radar, de l'avion à réaction, du réacteur nucléaire, de l'ordinateur, d u laser, de la « pilule », du circuit intégré, des fibres optiques, pour prendre conscience d u « m a ­riage » intime qui unit le scientifique, l'in­venteur, l'ingénieur et le chef d'entreprise.

L e rapport de forces entre pays indus­trialisés et pays en développement a changé de façon spectaculaire depuis la fin du xrxe siècle : le « N o r d » développé détient aujourd'hui plus de 80 % des capacités m o n ­diales de production, 85 % des armements et plus de 95 % d u potentiel de recherche. D ' u n autre côté, le nombre des technologies non protégées par des brevets et donc acces­sibles à tout le m o n d e a considérablement augmenté depuis le début de la révolution industrielle, et le réseau de moyens de c o m ­munication s'est lui aussi beaucoup étendu.

E n fin de compte, s'il faut bien admettre que le problème de l'industrialisation des actuels pays en développement est beaucoup plus difficile à résoudre qu'il ne le fut au xrxe siècle pour l'Europe, les États-Unis ou le Japon, peut-être vaut-il néanmoins la

peine de se demander si des indications utiles peuvent être retirées de l'histoire in­dustrielle de nos sociétés.

N o u s allons tenter d'apporter un début de réponse à cette question.

Esquisse du processus de développement

L'industrialisation en Grande-Bretagne fut une affaire d'initiative individuelle. Celle des pays économiquement arriérés ( c o m m e la Prusse au début d u xrxe siècle et le Japon pendant la seconde moitié d u m ê m e siècle) peut être accélérée par l'intervention de l'État. O n pourrait soutenir que plus grand est le retard d'un pays, plus importante devrait être l'intervention des pouvoirs p u ­blics pour stimuler le commerce et l'indus­trie. L e degré de leur participation à de telles activités devrait être directement fonction de la complexité technologique de l'industrie en cause et de l'ampleur des investissements né­cessaires. (Les exemples vont de la Tennessee Valley Authority, aux États-Unis, au canal de la Volga au D o n , en Union soviétique.)

Pour compléter cette intervention « d'en haut », il faudrait que se développent « d'en bas » les efforts propres des agriculteurs, des négociants, des ingénieurs et des entrepre­neurs. Rappelons, à titre d'illustration, le rôle important de l'association industrielle de l'État allemand de Bade, qui fut fondée en 1841 à la suite d'une initiative privée dans le but d'encourager les branches tradition­nelles de l'industrie. .

L'importance de l'industrie lourde dans l'industrialisation ne devrait pas être sures­timée. E n Grande-Bretagne, en Amérique du N o r d , au Danemark , au Japon et plus récemment en Chine, les faits ont montré que la modernisation de la base agricole de l'économie pouvait être une option judi­cieuse. A cet égard, il faut se rappeler le rôle clé joué aux États-Unis en matière d'expéri­mentation agricole, de diffusion des connais­sances pratiques et: d'orientation technique par les land-grant collèges (établissements

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d'enseignement créés en vertu du Morrill Act de 1862 grâce à une dotation foncière d u gouvernement fédéral), et par les stations agricoles expérimentales (fondées en appli­cation du Hatch Act de 1887). D e m ê m e , au Japon le système d'instructeurs agricoles iti­nérants et les écoles d'agriculture mis en place par le gouvernement de la période Meiji entre 1875 et 1885 se sont révélés très utiles.

L'éducation et la formation sont des préa­lables importants de l'industrialisation1. Cela apparaît particulièrement vrai si l'on pense à la formation professionnelle des techni­ciens de niveau m o y e n et aussi à la formation acquise dans certains cas à l'occasion du service militaire ( c o m m e l'ont démontré les progrès de l'alphabétisation, de l'hygiène, de la ponctualité et de la discipline qui.ont suivi l'introduction de la souscription en Allemagne par Scharnhorst)2. U n e société relativement alphabétisée, c o m m e celle du Japon à la veille de la restauration Meiji de 1867-1868, est u n facteur vital du pro­cessus de développement.

Importation sélective de technologie

L'information et la démonstration présen­tent une grande importance pour la familia­risation des chefs d'entreprise et des ouvriers avec l'industrie moderne. Elles regroupent des activités telles que l'organisation de mis­sions d'étude ou l'acquisition d'une forma­tion à l'étranger, le recrutement de spécia­listes étrangers, l'importation sélective de nouvelles machines, l'exposition de modèles et maquettes étrangers et d'inventions lo­cales, et la publication d'ouvrages de vulga­risation techniques. E n particulier, l'essai de prototypes de machines étrangères et l'ingé­nierie « à l'envers » qu'il permet (démontage, exécution d'épurés, réassemblage, reproduc­tion à petite échelle), ainsi que la diffusion des résultats (sous forme de croquis tech­niques, d'épurés, de maquettes) apparaissent c o m m e des services publics.importants. Il en est de m ê m e de la remise à titre gracieux de prototypes à des fabricants qui acceptent

de les reproduire à l'usage d'autres chefs d'entreprise.

U n e technologie peut être importée, mais on a intérêt à ce qu'elle ne le soit qu'une seule fois. Cela implique que l'on conclue des transactions portant sur l'achat d'en­sembles de procédés techniques (systèmes complets ou usines « clés en main »), plutôt que sur la réalisation de projets limités dont la gestion échappe au pays acquéreur. L'his­toire économique du Japon et l'expérience chinoise actuelle paraissent probantes de ce point de vue.

L a réduction des obstacles aux échanges interrégionaux ou mondiaux stimule forte­ment l'expansion. Les exemples vont de l'allégement des restrictions et des taxes sur le trafic dans le. Sund danois et sur le D a n u b e (1857), sur le Rhin (1861) et sur les autres voies d'eau importantes, aux pre­mières formes de zones de libre-échange, aux unions douanières (le Zollverein de 1834), et aux zones monétaires (le thaller allemand de 1857, le florin autrichien unique de 1858 et l'Union latine de 1865), enfin à l'abais­sement substantiel des.droits de douanes entre nations industrielles (entre la Grande-Bretagne et la France en i860, entre la France et la Belgique en 1861, entre la France et la Prusse en 1862).

Alors que le libre-échange et la division internationale du travail ont apporté la pros­périté aux sociétés industrielles avancées, l'histoire de plusieurs pays montre que la préservation de l'identité nationale et, en particulier, la protection des marchés natio-

1. Voir aussi l'article de K . Rao , « L'enseigne­ment scientifique et technique pour le déve­loppement à l'université », Impact : science et société, vol. 28, n° 2 (avril-juin 1978), p . 127. [NDLR.]

2 . L e général Gerhard Johann D . von Scharn­horst (1755-1813), officier et écrivain prussien, fut l'un des premiers administrateurs militaires à émettre l'idée d'une armée « nationale > (par opposition à une armée de métier). Il mourut à Prague d'une blessure reçue quelques jours auparavant pendant la bataille de Liitzen. [NDLR.]

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naux, le développement des achats de l'État et les autres incitations prodiguées à l'in­dustrie nationale sont autant d'éléments qui jouent u n rôle vital dans le développement industriel. L'esprit d'indépendance dans le­quel le Japon de l'ère Meiji conduisit sa politique de modernisation (wakon yõsai : esprit japonais, savoir occidental) offre u n contraste frappant avec la pénétration de l'Occident en Chine sous la dynastie Ch'ing.

Rôle d'autres facteurs économiques et sociaux

L'assistance technique et l'aide en capital fournies à des industriels soucieux d'innova­tion peuvent se solder par des résultats posi­tifs. Il existe d'autres modes judicieux d'aide publique, c o m m e l'application de politiques fiscales appropriées, la concession de pri­vilèges exclusifs, l'octroi d'abattements et d'exonérations des droits de douane sur cer­taines importations, l'attribution de prêts à faible taux d'intérêt, etc. Citons, à titre d'exemple, le double rôle joué dans l'indus­trialisation nationale par la loi sur le m o ­nopole des brevets promulguée au Japon en 1885. D ' u n e part, cette loi permit l'im­portation de technologies étrangères parti­culièrement utiles ; d'autre part, elle stimula les inventeurs nationaux.

L e développement des communications est une condition première du développe­ment industriel. Cela est attesté par le rôle des canaux à usage industriel construits pen­dant la révolution industrielle en Grande-Bretagne et en Amérique du Nord , par celui des chemins de fer qui permirent en Allemagne de relier les différentes zones de production (ce qui permit de constituer entre 1850 et 1870 u n marché unique) et, en Ukraine, de relier le fer de Krivoï R o g au charbon d u Donets entre 1878 et 1885, ainsi que par les conséquences de l'invention du télégraphe par Morse et d u téléphone par Bell aux États-Unis après 1839.

L a santé publique et l'hygiène sont elles aussi des éléments importants du processus de modernisation, c o m m e en témoignent les

efforts déployés de bonne heure par le gou­vernement japonais : en 1876 fut décrétée l'obligation de la vaccination contre la va­riole, puis en 1880 — pour la première fois dans le m o n d e — celle de déclarer tous les cas de choléra, de dysenterie, de typhoïde et autres maladies contagieuses.

L a révolution financière d u XIXe siècle (qui détourna les capitaux du négoce au profit du secteur industriel) fut u n puissant stimulant de la transformation technologique de l'industrie. L ' « invention » dans les an­nées 1820 en Belgique de la banque d'affaires et de dépôts est u n exemple particulièrement pertinent en ce sens qu'elle marquait le début d'une évolution qui allait voir les capitaux provenant de la masse de la population se substituer au cercle restreint de bailleurs de fonds auxquels on faisait appel jusqu'alors.

Les minorités peuvent apporter u n concours précieux au décollage économique d'un pays : que l'on pense au rôle des Écossais et des quakers pendant la révolution industrielle britannique ; à celui des hugue­nots et des juifs dans l'industrie et la banque sur le continent européen; à celui, enfin, des parsis dans la création d'entreprises lo­cales en Inde et des samouraïs dans la moder­nisation du Japon. L a contribution que les Chinois d'outre-mer apportentaujourd'hui au développement industriel de l'Asie d u Sud-Est est une autre illustration de cette fonction utile remplie par des minorités dynamiques.

U n e dernière remarque

Bien que, dans le passé, l'aventure coloniale et les impératifs de la guerre aient sans aucun doute contribué à élever le niveau technolo­gique de nombre de pays occidentaux (ainsi l'Américain Eli Whitney introduisit en 1798 dans sa fabrique d'armes la notion de c o m p o ­sants échangeables pour la production en série), l'exemple des pays Scandinaves et de la Suisse—et l'exemple inverse de l'Espagne et du Portugal — montre que le dévelop­pement ne passe pas obligatoirement par l'existence d'industries d'armements. D

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Pour approfondir le sujet

Q P O L L A , C . (dir. publ.). The Fontana economic history of Europe (vol. 3). Londres, Fontana •

• Books, 1973. Encyclopaedia Britannica, vol. 6. Chicago,

111-» 1975-Japan in transition: one hundred years of

modernization. Tokyo, Ministère des affaires étrangères, 1973.

L A N D E S , D . The unbound Prometheus. Cambridge, Cambridge University Press, 1972.

M O U L D E R , F . Japan, China and the modern -'- world economy. Cambridge, Cambridge : University Press, 1977.

P L U M , W . German trade promotion in the first half of the 19th century. Bonn-Bad Godesberg, Friedrich Ebert Stiftung, 1974.

R o S T O W , W . How it all began. Londres, Methuen, 1975.

340 Manfredo Macioti

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La gestion des transferts de technologie est-elle une science ? H . - C . de Bettígnies

Chaque décennie a son maître mot qui polarise ses problèmes et sert aussi à attirer les spécialistes aux conférences internationales. Après V « écart » (notamment technologique et en matière de gestion) des années soixante et la « crise » (écologique ou de Venvironne­ment) des premières armées soixante-dix, le maître mot semble être aujourd'hui le «.transfert de technologie », question dont l'examen rassemble des fonctionnaires, des hommes d'affaires et des spécialistes des pays riches et des pays pauvres. Pourquoi cette question occupe-t-elle maintenant une place de premier plan dans le débat Nord-Sud, et dans les relations entre les pays industrialisés et les pays moins développés, et passionne-t-elle à ce point leur dialogue ?

Les transferts de technologie ne constituent en Europe des techniques d'importance ca-nullement u n phénomène nouveau et, s'il est pitale, celles, par exemple, qu'a énumérées surtout question aujourd'hui de transferts Nicolas Jéquier [ï]1 (tableau ï). dans le sens Nord-Sud , il ne faut pas oublier Les transferts de technologie entre l'Orient le rôle majeur qu'ils jouèrent autrefois dans les transactions allant dans le sens Est-Ouest. x L e s Mffrps œ t I e aochets renvoient à la C'est e n effet d e C h i n e q u e furent importées bibliographie à la fin de l'article.

T A B L E A U r. Rappel historique des transferts de technologie dans le sens Est-Ouest

D e Chine E n Europe (date selon la ire preuve (date approximative

Principaux transferts documentaire) de la diffusion)

Étrier E n v . 300 ans ap. J . - C . E n v . 700 ans ap. J . - C . Harnais à collier VIe siècle X e siècle Gouvernail sur étambot Ier siècle Vers 1180 Poudre à canon Vers l'an 900 Après 1280 Horloge à m o u v e m e n t mécanique Vers l'an 700 Vers 1300 Boussole marine Vers 1050 x m e siècle Moulage de la fonte X e siècle ; xtve siècle Jonque à voile (caravelle) Ier siècle xrve siècle Imprimerie Vers l'an 1000 X V e siècle. Vaccin antivariolique XIe siècle x v m e siècle

Principaux agents de transfert : Arabes, Turcs, Portugais, marchands et voyageurs, Pas Mongólica, croisades.

impact : science et société, voL 23 (1978), n° 4 34I

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Henri-Claude de Bettígnies

Vauteur est diplômé de VËcole de psychologues praticiens (Paris) et de V Université Harvard. Il enseigne la psychosociologie des organisations et dirige les Activités Euro-Asie à l'Institut européen d'administration des affaires (INSEAD), boulevard de Constance, 7730$ Fontainebleau (France). Il a été assistant de recherche à VInstitute of Industrial Relations (University of California), et maître de conférences invité dans un institut analogue de V Université Rikkyo, à Tokyo. Il a également travaillé pour Miferma (en Mauritanie) et pour I B M , ainsi qu'en qualité de consultant auprès de divers organismes en Europe, en Asie et aux États-Unis d'Amérique. En juillet et septembre de cette année, il a organisé à ï'INSEAD des séminaires pour cadres supérieurs à F intention d'experts d'Indonésie et de la République de Corée.

et l'Occident se sont échelonnés sur des siè­cles, mais les transferts importants des pays industrialisés vers les pays peu développés ne sont pas eux non plus u n phénomène

nouveau, c o m m e le montre le tableau 2 qui en cite quelques exemples parmi beaucoup d'autres [2].

L e transfert de technologie a donc une longue histoire ; ses courants ont eu u n ca­ractère dynamique, tout en variant dans leur direction et leur intensité. Si le débat auquel il donne lieu s'est élargi et fait aujourd'hui quelque bruit, c'est notamment parce que ce transfert est u n facteur clé d u processus de développement, « le développement étant le seul m o t propre à caractériser l'époque où nous vivons » [3]. Cela dit, ce transfert, en tant que a m o d e de communication, d'une entité de production à une autre, d u savoir-faire nécessaire à l'exploitation efficace d'une certaine technique » [4],'est u n sujet presque inépuisable de débats et d'études, car la technologie est loin d'être « neutre » : in­dépendamment de ses incidences économi­ques, son transfert d'un lieu à u n autre a des répercussions sociales et politiques profondes.

Le transfert de technologie, processus de négociation

L e transfert de technologie est générateur d'évolution dans la société et la population dont celle-ci est faite. Lorsqu'elle est i m ­portée, la technologie a des effets perturba­teurs. C o m m e son transfert déclenche dans

T A B L E A U 2. Transferts importants de technologie des pays industrialises aux pays en développement

Technologie Mise au point en Europe ou aux États-Unis

Transfert aux pays en développement

Éducation de masse Sulfamides Pénicilline D D T Transistors Télévision .

Après i860 Années trente Années trente 1939 1947 Années vingt

Après 1920 Après 1945 Après 194s Après 1945 Après 1953 Après i960

Principaux agents de transfert : Sociétés pharmaceutiques, forces armées des États-Unis, Organisation mondiale de la santé, missions d'assistance technique, entreprises de matériel électronique, gouvernements nationaux.

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les sociétés des modifications en chaîne et des déséquilibres, on ne saurait le considérer c o m m e u n processus neutre. Il modifie la répartition du pouvoir dans les sociétés, et les différents acteurs de la scène sociale en tirent parti plus ou moins explicitement à des fins politiques. Il existe des liens d'inter­dépendance complexes, d'une part entre les systèmes politiques et leurs valeurs et, d'au­tre part, entre la nature de la technologie transférée et le processus de transfert. C'est ce qui fait que le transfert international de technologie a u n caractère beaucoup plus politique que certains de ses agents ne sont disposés à l'admettre, et que la négociation devient un facteur d'importance capitale au niveau opérationnel du transfert. Dans son étude sur la façon dont les États-Unis d'Amérique font des transferts de techno­logie u n instrument de leur politique étran­gère, Henry R . N a u a très bien dégagé les motivations et les objectifs politiques aux­quels ils répondent : a) dans le contexte militaire stratégique ; b) dans le contexte de l'aide extérieure; et c) dans le cadre de l'industrie privée [5].

Puisque la technologie est au cœur m ê m e du processus de développement et que son transfert résulte d'un processus de négocia­tion impliquant u n choix entre plusieurs techniques envisageables (par exemple selon leur degré de sophistication), on comprendra le caractère éminemment politique d'un transfert de technologie, surtout lorsqu'il in­tervient entre deux pays qui sont loin d'avoir atteint le m ê m e niveau de développement. C e qui complique encore les choses, c'est que le nombre des partenaires à u n transfert international n'est pas limité à la société (transnationale ou non) qui vend et à l'or­ganisme (public ou privé) qui achète, mais que l'opération fait intervenir d'autres par­ties, telles que les gouvernements, les concur­rents et les organisations internationales.

L'issue de la négociation dépendra donc, dans une large mesure : a) de l'aptitude de chacun à déterminer quelles sont ces autres parties et la nature exacte des intérêts en jeu

pour chacune ; et b) du talent de négociateur de chaque partenaire. C'est là précisément que le transfert de technologie devient u n enjeu d'importance critique dans le « dé­sordre » économique international de notre temps. A la différence des transferts de produits, il ne conduit pas, c o m m e le fait remarquer H y u n g Ki K i m , à l'épuisement des ressources technologiques du fournis­seur. « Bien au contraire, ces ressources res­tent intactes et peuvent m ê m e s'enrichir d'un apport en retour provenant du pays qui reçoit [6]. » C e pays, surtout s'il s'agit d'un pays en développement, sent que quelque chose ne va pas dans cette situation, qu'elle est entachée d'injustice. Pourtant, au stade du diagnostic, une analyse multicausale abou­tit à des conclusions différentes, ou m ê m e contradictoires (selon celui qui la fait). Face à la discordance dans les diagnostics des causes on peut envisager toutes sortes de remèdes.

Améliorer l'aptitude à gérer le transfert de technologie

Les relations Nord-Sud sont caractéristiques du problème dont le dialogue ouvert il y a six ans entre la Commission des c o m m u ­nautés européennes (Marché c o m m u n ) et l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est1 a mis en lumière au moins une di­mension.

Soucieux de renforcer leurs relations exté­rieures, les neuf pays du Marché c o m m u n et les cinq de P A S E A N ont engagé u n dialogue grâce auquel ils prennent des décisions concernant leur coopération. H y a quatre ans, des délégués de P A S E A N ont demandé à leurs homologues de la Commission des communautés européennes (à une réunion du groupe d'étude mixte) d'organiser en Asie du Sud-Est u n séminaire destiné à faciliter les transferts de technologie. L a

1. L ' A S E A N comprend cinq pays : l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande.

L a gestion des transferts de technologie est-elle une science ? 343

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Commission a ensuite demandé à l ' I N S E A D — Institut européen d'administration des affaires — en 1976, d'élaborer, d'exécuter et d'évaluer u n programme de trois semaines à l'intention de cadres supérieurs des secteurs public et privé, et de fonctionnaires supé­rieurs de tous les pays de l ' A S E A N 1 .

Dès que nous eûmes engagé le débat dans chacun des pays de l ' A S E A N pour déter­miner comment était perçu et défini le problème du transfert de technologie, on nous tint les propos suivants : « N o u s , pays de l ' A S E A N , achetons beaucoup de savoir-faire aux pays développés et nous sommes souvent grugés par des vendeurs qui gon­flent les prix, nous laissent acquérir (ou m ê m e nous incitent à acquérir) des techniques inappropriées ou m ê m e ne procèdent pas à u n véritable transfert du savoir-faire. N o u s voulons développer notre aptitude à gérer le processus complexe du transfert de tech­nologie. U n séminaire réunissant 35 cadres supérieurs de l ' A S E A N pourra nous aider à améliorer notre position dans les négocia­tions, et à éviter d'être grugés par des grou­pes internationaux importants et habiles vendeurs. » <

Cela voulait dire en substance : « L e transfert de technologie est u n processus complexe ; nous croyons à la possibilité de le gérer. Il est possible de s'y préparer, no­tamment en développant notre aptitude à négocier les conditions du transfert avec les organisations étrangères. A vous de concevoir u n cours dont les enseignements puissent nous éviter d'être exploités par les trans­nationales. »

Pour tenir compte de la spécificité des conditions de chaque pays de l ' A S E A N , on demanda à chaque candidat retenu pour participer au séminaire de rédiger u n m é ­moire ou une monographie mettant en lu­mière certains des problèmes que créait pour lui u n transfert de technologie. Cette demande avait pour but : a) de préparer cha­que participant au séminaire en lui imposant l'effort d'exposer ses problèmes par écrit; b) de familiariser les enseignants européens

— et ceux des pays de l ' A S E A N — avec les différents types de problèmes qui se posent en Asie du Sud-Est; c) de réunir une do­cumentation, éventuellement d'un haut inté­rêt pédagogique, dont on tirerait parti au séminaire ; d) de juger de la façon dont les responsables des différents pays concevaient les problèmes selon les fonctions qu'ils exerçaient.

L a documentation recueillie était de va­leur inégale, mais elle a beaucoup aidé à déterminer l'orientation du programme d u séminaire. Il fallait évidemment élargir l'ap­proche conceptuelle des participants afin qu'ils soient, dans u n transfert de technolo­gie, autre chose qu'un simple « marchan­dage » entre riches et pauvres, grands et petits, qualifiés et non-qualifiés. Il fallait étudier l'intérêt que pouvaient présenter — au-delà de leurs dimensions techniques —• d'autres mécanismes de transfert (combi­naisons d'investissement, licences) faisant intervenir des concessions en termes réci­proques bien calculées, réparties sur une durée plus ou moins longue, sur la base des aspects qualitatifs de l'analyse de coût-utilité. Il ne nous échappait pas non plus qu'il importait de se doter de moyens per­mettant d'analyser l'environnement, d'éla­borer des stratégies et d'exercer les fonctions générales de gestion.

Intérêt du séminaire, ses difficultés et ses limites -

O n a p u à ce séminaire, en développant la faculté d'analyse des participants et leur ap­titude à négocier, et en leur apprenant à se servir d'un petit nombre d'instruments de gestion appropriés,, dégager la valeur, les difficultés et les limites d'un tel effort. ;

1. U n séminaire de trois semaines,, intitulé : . « T h e management of technology transfer », a

eu lieu à Singapour en septembre 1977. U n sé­minaire analogue est prévu pour octobre 1978, à Kuala Lumpur.*

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La valeur

U n tel séminaire, si Ton y tire parti d'une série d'instruments d'enseignement choisis avec soin et s'accordant avec le caractère spécifique du groupe, peut être u n excellent m o y e n de développer l'aptitude des parti­cipants à gérer lé transfert et le développe­ment de la technologie. Les participants, qui avaient fait l'objet d'une sélection minutieuse, ont estimé que la valeur du programme se situait à deux niveaux interdépendants.

L e premier est celui de l'apprentissage au niveau individuel : le participant a la possi­bilité de mieux comprendre le processus de transfert de technologie et l'interdépendance de ses aspects économiques, sociaux et poli­tiques. Il peut aussi déterminer les corréla­tions dont doit faire état toute stratégie m i ­sant sur une technologie « appropriée », en pleine conscience des éléments à prendre en ligne de compte (explicitement ou implicite­ment) dans la définition du m o t « appro­prié ». L e participant arrive à se constituer une série d'outils indispensables pour le calcul du rendement de l'investissement, l'analyse de coût-utilité, l'évaluation des dé­penses de capital ou des coûts sociaux, l'ana­lyse des corrélations, etc. C'est ainsi qu'il améliore, sur le plan technique, son aptitude à la négociation.

A u niveau national ou régional, le partici­pant se crée u n réseau de nouveaux contacts professionnels qui permettront d'établir des courants d'information et, par-là m ê m e , de créer ou d'élargir des relations bien néces­saires entre les établissements de recherche de P A S E A N ' e t - d e s centres de transfert de technologie de types divers, et de conduire éventuellement à la mise en place de « gar­diens aux portes de l'arsenal des techno­logies » [7]. L a participation à trois semaines de travail intensif de ce genre devrait aboutir à la création d'un service d'échange d'infor­mations entre les conseils d'investissement. (Dans tous les pays de P A S E A N , ces conseils ont de ce fait été amenés à revoir leur politique en matière d'investissements étran­

gers et leur façon de concevoir le transfert de technologie.) E n s o m m e , on assiste à tout u n processus générateur d'idées fécondes qui m e t en perspective les politiques natio­nales et leurs résultats.

Les difficultés

Certaines difficultés, telles que le m a n q u e de temps, l'hétérogénéité des profils éducatifs des membres du groupe, de l'expérience ac­quise par eux et des espérances de chacun, sont évidentes. Mais le principal obstacle à l'apprentissage est l'attitude ambivalente du participant à l'égard de l'investissement étranger, inséparable de sa conception dû problème du transfert de technologie. Lors­qu'on examine certaines des questions es­sentielles liées à ce transfert, celles qu'évoque J. de Cubas [8]1, par exemple, on perçoit aisément le caractère ambigu de l'attitude à l'égard de l'investissement étranger, d u choix des technologies et des moyens de les acquérir.

Ces questions, ainsi que l'examen d'une étude comparative des réglementations de l'investissement étranger dans les différents pays de P A S E A N (leur caractère novateur, les mesures visant à stimuler l'introduction des technologies et leurs conséquences), sont à l'origine de nombreuses discussions qui s'accompagnent d'une ambivalence intellec­tuelle et d'une incertitude personnelle très marquées. L e débat est centré implicitement sur la question : « C o m m e n t nous procurer toute la technologie que nous jugeons appro^ priée, sans être liés par les règles du jeu imposées par l'étranger ? ». Aucune réponse satisfaisante ne pouvant être donnée à cette question, il faut se résoudre à regret à consi­dérer que le problème consiste à nous pro­curer (au lieu d'élaborer) la « meilleure » technologie possible, aux conditions aussi peu « injustes » que possible.

1. Qui possède la technologie ? Qui paie qui et comment ? C o m m e n t définir un < juste » prix ? D'après quels critères définit-on le m o t

- t approprié • ?

L a gestion des transferts de technologie est-elle,une science î 345

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Il va sans dire que la diversité des attitudes à l'égard de cette dépendance se reflète dans les déclarations faites à ces réunions, ce qui ne fait que rendre la question plus confuse. O n s'aperçoit, pour peu qu'on scrute les problèmes, de l'extraordinaire ambivalence qui règne dans l'esprit des élites des pays moins développés dès qu'il s'agit d'investis­sements étrangers et du transfert de techno­logie. Mais cette ambivalence est inhérente à la situation, et elle est peut-être moins dys-fonctionnelle dans l'acquisition des connais­sances qu'on ne le pense. Elle tient peut-être à ce que les participants se trouvent confrontés à des problèmes fondamentaux, plus profonds que les simples problèmes d'instruments et de techniques. Quoi qu'il en soit, ils font eux-mêmes le point de leurs conceptions et de leur comportement et prennent position, peut-être en vue de re­mettre en question leurs perceptions et leurs modèles.

Les limites

L a plupart des limites inséparables de ces séminaires sont évidentes et peuvent se ré­sumer en quelques questions : Quel pouvoir les participants ont-ils d'influer sur la situa­tion dans leurs pays ? C o m m e n t pourront-ils transmettre les connaissances acquises en trois semaines de travail intensif ? S o m m e s -nous certains que les moyens conceptuels proposés par le groupe d'experts d'Europe et de chaque pays de l ' A S E A N permettront d'appréhender les réalités spécifiques de cha­que pays et seront effectivement utilisés à cet effet ?

A la suite du premier séminaire, les parti­cipants se montrèrent très satisfaits dans leur travail, de l'efficacité de l'expérience ainsi acquise et de ses retombées dans leur environnement. Mais cela ne constitue qu'un élément des rapports complexes en raison desquels le processus de transfert de tech­nologie fait intervenir les questions du ren­dement de l'investissement et des avan­tages économiques et sociaux. C o m m e l'écrit

J. Baranson [9] : « Les conséquences écono­miques d'un transfert de technologie donné dépendent de tout u n ensemble de facteurs intimement liés, qui comprennent : a) les motivations, les stratégies et les possibilités des fournisseurs de technologie, elles-mêmes en partie conditionnées par la politique des gouvernements et la situation économique ; b) la sagacité, le pouvoir de négociation et la capacité d'assimilation des entreprises ache-teuses — renforcés ou conditionnés par l'ac­tion et la politique économique d u gouver­nement ; et c) la nature, l'importance relative et la complexité de la technologie transférée.

Dans des séminaires tels que le nôtre, nous utilisons surtout le paramètre b de Baranson, qui est u n seuil critique. C o m m e les pro­grammes de ce genre sont sans doute appe­lés à prendre de l'extension, nous comptons toucher progressivement (par capillarité) u n nombre croissant de décideurs dans chaque pays de l ' A S E A N . N o u s pourrions alors espérer voir les pays passer,. grâce à une perspicacité accrue et à une meilleure apti­tude à tirer parti d'une stratégie et à gérer u n projet, d u transfert de technologie à une maîtrise de la technologie, ce qui conduirait à mettre au point, localement, une techno­logie méritant mieux d'être qualifiée d' « ap­propriée ».

Nécessité d'une conception lucide du transfert de technologie

Des séminaires de ce genre, où ont été étudiés plusieurs cas de transfert en dehors de, cette partie de la région de l'Asie (en République populaire de Chine, au Japon, en République de Corée, en Inde, en Algérie et en Côte-d'Ivoire), ont fait apparaître que la façon de gérer ces transferts variait consi­dérablement d'un pays à l'autre, donnant des résultats eux-mêmes très différents, qui dé­pendent de facteurs très divers et étroitement liés, et avant tout des options politiques des élites qui gouvernent. O n pourrait citer de nombreux exemples illustrant l'effet déter­minant du choix politique. L a création d'un

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Ministère des sciences et de la technologie en République de Corée en est u n particuliè­rement significatif, à en juger par la défini­tion de sa mission [10] : « L e Ministère des sciences et de la technologie est chargé de l'élaboration des politiques de base, de l'in­tégration et de la coordination des plans de développement scientifique et technologique, de la coopération technique avec les insti­tutions internationales et les pays étrangers, d u développement et de l'application de l'énergie atomique et d'autres questions in­téressant le développement scientifique et technique. »

Certes, il faut une conception d'ensemble bien claire et associée à une stratégie d u transfert de technologie, mais cela ne surfit pas, car, pour qu'une politique technologique donne d'heureux résultats, elle doit être adaptée aux schémas sociaux et psycholo­giques d u pays. C'est ce qu'on a fait au Japon. A u x Philippines, on constate au­jourd'hui [n ] à plusieurs égards les avan­tages d'une politique de transfert qui encou­rage les initiatives axées sur une technologie appropriée, adaptée aux conditions locales.

U n e gestion efficace des transferts de tech­nologies suppose que l'on comprenne mieux qu'on le fait maintenant les données socio-

Bibliographie

ï. JÉQUIER, N . Technology transfer and appropriate technology (communication), p. 7, Singapour, Seminaire I N S E A D sur la gestion du transfert de technologie, 1978.

2. Ibid. 3. K I M , H . Transfer of technology from

developed to developing countries—New dimensions on old problems, p. 1. Séoul, PBEC International Management Seminar 78 Proc.

4. T E E C E , D . The multinational comparative and the resource cost of international technology transfer, p. 17. Cambridge, Mass . , Ballinger, 1976.

5. N A U , H . Technology transfer and U.S. foreign policy, p. 9-19. N e w York, N . Y . , Praeger, 1976.

politiques du processus. L e transfert n'est pas u n processus neutre et la technologie ne l'est pas non plus ; elle est porteuse des valeurs des sociétés capitalistes dont elle est issue. D e m ê m e , la technologie ne saurait être transmutée en produits que les écono­mistes néo-classiques verraient circuler libre­ment sur u n marché ouvert. L e transfert de technologie est, au contraire, u n mécanisme privilégié des pays industrialisés, qui leur permet de régler les relations dont ils sont le centre et dont ils ont la maîtrise. C'est donc en considérant ces processus que nous pourrons créer, pour l'avenir, d'autres scé­narios envisageables.

Enfin, le transfert de technologie doit être assorti d'un processus d'adaptation dans le passage d'une culture à une autre. C'est pourquoi cette capacité d'adaptation — si féconde pendant la révolution industrielle — doit être l'un des éléments clés d u processus de gestion appliqué aux transferts de techno­logies. Cette gestion devrait permettre de passer du simple transfert des technologies à leur maîtrise. Sinon, les scénarios que nous concevrons n'auront guère d'avenir. Mais avons-nous vraiment le désir d'accroître, en nous adaptant, notre aptitude à innover ?

D

6. K I M , op. cit., p . 12. 7. C U N N I N G H A M , P . Technology transfer and

the gatekeeper function. Design notes, mars 1976.

8. D E C U B A S , J. Technology transfer and the developing nations, p . 28. N e w York, N . Y . , Fund for Multinational Management Education, 1974.

9. B A R A N S O N , J. Should U . S . restruct exports of sophisticated technology?. The Wall Street journal (édition asiatique), 12 avril 1977.

10. The Ministry of Science and Technology: an introduction to its organization and functions, p. 2. Séoul, Ministère des sciences et de la technologie, 1978. (En anglais.)

11. The manufacture oflow-cost vehicles in developing countries, p. 31. Vienne, Organisation des Nations Unies pour

L a gestion des transferts de technologie est-elle une science ? 347

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le développement industriel, 1978. (Development and transfer of technology series, n° 3.) B O S T O N , J. W h o gets the technology? Asian business and industry, ' novembre 1976. B H A T T A S A L I , B . Transfer of technology among the developing^ countries, p . 94. Tokyo, A . P . O . , 1972. (Anon.). Intra-national transfer of technology, p. 161. Tokyo, A . P . O . , 1976.

Pour approfondir le sujet

Appropriate technology. Teheran, Center for Science Policy, Institute for Research & Planning in Science and Education, 1977. (Actes d'un séminaire.)

M Y E R S , S . ; S W E E Z Y , Ë . W h y innovations fail. Tecknol. Rev., vol. 80, n° 5, mars/avril 1978.

National policies and priorities for research in science and technology^ Lagos, Nigerian Council for Science and Technology, décembre 1975. Voir en particulier p. 124 et suiv., Research in manufacturing, mining, télécommunications and construction industries.

N O Y C E , R . Innovation: the fruit of success.-Technol. Rev., vol. 80, n° 4, février 1978.

R O B E R T S , E . ; F R O H M A N , A . Strategies for

improving research utilization. Technol. Rev., vol. 80, n° 5, mars/avril 1978..

W H I T E , G . Management criteria for effective innovation. Technol. Rev., vol. 80, n° 4, février 1978.

348 H . - C . de Bettignies ;

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Le transfert des connaissances en électronique : une expérience réalisée en Afrique du IMord Abderrahmane Benazzouz et Albert Baez

Les auteurs relatent une entreprise visant à doter l'Algérie d'une des institutions néces­saires à la formation d'ingénieurs et de techniciens à partir de l'expérience d'un pays hautement développé. Ils relatent l'expérience de l'une de ces institutions deformation en Algérie.

Introduction

L a technologie s'est développée à partir de la nécessité de résoudre des problèmes as­sociés aux besoins de l ' h o m m e dans le m o n d e réel. L e but qu'elle vise n'est pas nécessaire­ment de connaître et de comprendre, mais de résoudre d'une manière ou d'une autre de véritables problèmes. L e mot « technologie » couvre non seulement les produits que nous fabriquons pour satisfaire nos besoins, mais aussi le savoir-faire qui leur est associé pour les faire fonctionner, pour les réparer et pour en assurer la maintenance.

Lorsque nous parlons de « transfert de technologie » (ou de transfert de techniques), nous entendons par là qu'il ne s'agit pas de transférer seulement des équipements ou le savoir-faire afférent, mais une certaine connaissance des concepts scientifiques de base sur lesquels la technique est bâtie — de m ê m e que la motivation requise pour suivre l'évolution de ces connaissances, ainsi que l'attitude qui rend possible cette motivation. . L e transfert de techniques ne peut se faire sans une certaine adaptation. Il s'agit de savoir ce qu'on transfère et comment on le transfère. Ainsi une bonne communication est absolument nécessaire. Cette c o m m u n i ­cation doit aller au-delà des mots. Pour

mieux se comprendre, ces mots doivent re­présenter les m ê m e s idées pour les personnes impliquées dans le processus de transfert.

C e que nous allons essayer de décrire dans cet article est une approche pragmatique pour tenter de répondre aux deux questions déjà citées : quoi transférer, et comment transférer ? L'expérience relatée ici — et dont la phase de réalisation a débuté en mars 1976 — consiste à mettre en place en Algérie, en collaboration avec des universités et des entreprises industrielles des États-Unis d'Amérique, u n institut de technologie adapté aux besoins algériens : l'Institut natio­nal d'électricité et d'électronique ( I N E L E C ) .

Les données du problème

L'Algérie, après avoir conquis son indépen­dance politique en 1962, a engagé u n pro­cessus de développement où l'industrie tient une place importante (43,5 % du total des investissements pour le second plan qua­driennal, 1974-1977). U n effort parallèle tout aussi important a été fait pour développer les. structures d'éducation (primaire, se­condaire, supérieure) et de formation pro­fessionnelle (9 % des investissements pour le plan 1974-1977). . C e qui a été demandé aux partenaires

impact : science et société, vol. 28 (1978), n° 4 349

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• Abderrahmane Benazzouz, Albert V . Baez

M . Benazzouz, directeur général de l'Institut national d'électricité et d'électronique (INELECJ algérien, a fait ses études à l'École nationale d'électricité et de mécanique de Nancy et il a enseigné (assistant) à l'Université de Paris-VI, à l'École centrale de Châtenay-Malabry et à l'Institut universitaire de Cachan. Il est ancien directeur des études à l'École nationale d'ingénieurs et de teclmiciens d'Algérie (ENITA) et ancien directeur de projet à la Société nationale de fabrication et de montage de matériel électrique et électronique ( S O N E L E C ) . M . Baez, né au Mexique et actuellement associé au Lawrence Hall of Science, Université de Californie à Berkeley, est ancien président de la Commission sur renseignement des sciences-auprès du Conseil international des unions scientifiques et ancien directeur de la Division de renseignement des sciences auprès del'Unesco. Membre du Education Development Center de Newton, Massachusetts (États-Unis d'Amérique), M . Baez vient de terminer ses activités comme directeur de projet à l'INELEC, sur le terrain en Algérie.

étrangers ne s'est pas limité à la fourniture d'usines « clés en main », mais s'est étendu à la formation du personnel algérien nécessaire au bon fonctionnement de ces usines, et ce à tous les niveaux.

Pour l'implantation d'une industrie élec­tronique, l'Algérie s'est tournée vers le par­tenaire possédant la technique la plus avan­cée dans ce domaine. C'est ainsi que deux contrats importants ont été signés : a) d'une part, avec la General Telephone and Electric International pour la réalisation du Complexe

électronique grand public de Sidi-bel-Abbès1

et b) d'autre part, avec la filiale espagnole de l'International Telephone and Telegraph pour la réalisation du Complexe téléphone de Tlemcen2 . Ces deux complexes, dont la m a ­jorité des produits sont fabriqués sur place (taux d'intégration de l'ordre de 8 0 % ) , viennent d'être mis en route.

L'Université algérienne, malgré une ex­pansion très importante (3 718 étudiants en 1962/63, 35 671 en 1974/75), ne pouvait satisfaire à elle seule l'ensemble des besoins d u secteur industriel — d'autant que les disciplines scientifiques et techniques ne. bénéficiaient pas de la faveur des étudiants :. en 1973/74, 24,7 % des étudiants se consa­craient aux sciences, mais 1,6 % seulement suivaient une formation d'ingénieurs.

C'est dans cette situation que l ' I N E L E C , en tant qu'outil de formation au service d u secteur industriel, est venu s'ajouter à cinq autres instituts de technologie du m ê m e type créés auparavant : hydrocarbures, mines, métallurgie, industries légères et industries mécaniques.

Phase initiale

U n contrat d'étude a été signé en 1974 avec u n organisme américain, Education Development Center ( E D C ) , qui a regroupé une dizaine d'universités et- d'entreprises industrielles américaines pour définir les programmes d'enseignement, déterminer les équipements et locaux nécessaires au futur institut et fixer les coûts estimatifs de l'en­semble du projet.

Afin de permettre au groupe d'étude a m é ­ricain de se familiariser avec les besoins algériens, une série de visites et de réunions ont été organisées en Algérie. L e groupe a p u

1. Fabrique de composants électroniques ; récep­teurs de radio (portatifs : 280000 par a n ; autres : 120 000) ; téléviseurs noir et blanc : 190 000 ; téléviseurs couleur : 50 000.

2. Capacité annuelle: 80 000 lignes publiques, 20000 lignes privées, et 140000 postes de toute nature, y compris d'intercommunication.

350 Abderrahmane Benazzouz et Albert Baez

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ainsi visiter quelques usines antérieures à l'indépendance ou nouvellement réalisées, et discuter, des projets de développement avec les principales sociétés nationales1 dont les besoins en électriciens et électroniciens sont les plus importants.

Les données de base du futur institut ont été communiquées au groupe d'étude : Capacité. Élèves ingénieurs — ï ooo élèves

en 5 années d'études ; élèves techniciens supérieurs — 2 0 0 0 en quatre années d'études.

Niveau d'entrée. Élèves ingénieurs — bacca­lauréat (treize années d'école primaire et

. secondaire) ; élèves techniciens supérieurs — brevet d'enseignement m o y e n (dix ans d'école primaire et secondaire).

Implantation. Définitive à Tlemcen, à 4 kilo­mètres du Complexe téléphone et à 80 kilo­mètres du Complexe électronique grand public ; provisoire à Boumerdès, au sein d'autres instituts.

Utilisation de la langue anglaise comme langue d'enseignement. D e la sorte, on peut re­cruter des professeurs américains compé­tents sur u n marché non limité par la contrainte linguistique et les futurs di­plômés de l'institut peuvent suivre plus facilement les développements de la tech­nique électronique.

L e groupe d'étude a reçu les explications nécessaires sur le niveau d'entrée de chaque filière de formation, sur les lacunes existantes en matière d'expérience manuelle, sur la pauvreté de l'environnement technologique, et sur les objectifs essentiels qu'il convenait d'assigner à la formation de futurs diplômés de l'institut, en particulier : être « productifs » dès leur sortie de l'institut ; pouvoir résoudre par eux-mêmes des problèmes concrets ; avoir u n m a x i m u m d'habileté manuelle ; être en mesure de suivre les développements de la technique dans leur domaine.

Les résultats de la première phase de l'étude font ressortir les points suivants : a) les programmes d'enseignement proposés' sont similaires aux programmes de licence B S E E ou B S E T 2 des universités américai­

nes ; b) du point de vue pédagogique, le pro­g r a m m e prévoit de s'inspirer des meilleures méthodes utilisées dans les universités de l'Amérique du N o r d (en particulier ensei­gnement très pratique, en contact permanent avec le milieu industriel) et d'équiper les labo­ratoires avec u n matériel moderne ; c) quant aux installations nécessaires à l'institut de Tlemcen, l'analyse propose la construction d'un campus universitaire semblable à ceux existant aux États-Unis d'Amérique.

Phase de réalisation

U n contrat d'assistance technique, pour une période de quatre ans, a été conclu en mars 1976 avec E D C , qui devait regrouper autour de lui u n comité de direction du pro­g r a m m e en signant des sous-contrats avec les universités et firmes industrielles améri­caines3 qui ont accepté de passer de la phase initiale d'étude à la phase de réalisation. L e Comité de direction représente l'essentiel des moyens nécessaires à la mise en place du programme en Algérie : Recrutement de professeurs. Formation du personnel enseignant algérien. Définition du programme architectural et

1. Ces entreprises comprennent la S O N E L G A Z , chargée de la production de l'énergie électrique et de sa distribution ainsi que la distribution du gaz ; la S N S , responsable pour la fabrication et la distribution des produits sidérurgiques ; la S O N A C O M E , chargée des constructions mécaniques ; la S O M E L E C , qui fabrique et distribue des matériels électriques et électro­niques ; et la S O N A T R A C H , chargée de l'en­semble des activités du pétrole et de ses dérivés depuis la recherche jusqu'à la commercia­lisation.

2. B S E E : bachelor of science in electrical en­gineering; B S E T : bachelor of science in engineering technology.

3. Case-Western Reserve University (Case Insti­tute) ; Oklahoma State University ; Stevens In­stitute of Technology ; University of Houston, College of Technology ; University of Missouri, Rolla ; University of Wisconsin, Stout ; W e n t -worth Institute of Technology; GTE-Sylvania; Harris Corporation; Raytheon.

L e transfert des connaissances en électronique : une expérience réalisée en Afrique d u N o r d 351

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spécifications techniques pour les locaux à construire. .

Constitution d'un centre de documentation et accès de F I N E L E C à toute information utile pour suivre l'évolution de la tech­nique dans les domaines de l'électricité-électronique.

Spécifications des équipements requis et as­sistance pour l'acquisition et l'installation de ce matériel.

Mise à la disposition de l ' I N E L E C de toute connaissance susceptible d'aider l'institut dans son développement.

Assistance pour la rédaction de documents pédagogiques destinés à l'ensemble des cours enseignés à l'institut : a) pour le

' professeur, afin d'assurer une certaine continuité de programme ; b) pour Tétu-

• diant, afin de compléter les livres appro-- priés aux cours quand ils existent et de lui

fournir u n document de travail quand les textes nécessaires n'existent pas.

Contrôle de la qualité du programme. ' -

E D C devait assurer la coordination de l'en­semble de ces moyens afin d'être en mesure de répondre à tout m o m e n t à u n besoin précis exprimé par le programme en Algérie! . L'administration de l'institut - est algé­rienne dans sa totalité. L e directeur général, algérien, devait être aidé dans la mise en place d u programme par u n chef de projet américain, n o m m é par le Comité de direc­tion; ce chef de projet devait être assisté essentiellement par u n adjoint administratif et par trois conseillers pédagogiques — u n pour la filière ingénieurs, u n pour la filière techniciens supérieurs, u n pour les problè­m e s liés à l'utilisation de la langue anglaise.

U n programme de formation d u personnel enseignant algérien devait démarrer aussitôt que possible (figure ï) pour permettre une meilleure communication sur le plan acadé­mique et améliorer l'adaptation des pro­grammes d'enseignement aux besoins algé­riens. Cette formation, dont la durée aux États-Unis est limitée en moyenne.à deux

197619771978.'1979 ,1980'198Ï1982'1983 ,1984'1985 ,1986 ,.1987' "1976'1977'1978

3 Total professeurs I H R Professeurs algériens tiSBfl Étudiants

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Nombre d'étudiants

F I G . I. Évolution prévue de la distribution de professeurs et d'étudiants de l ' INELEC, 1976-1987.

352 Abderrahmane Benazzouz et Albert Baez

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ans pour éviter aux futurs enseignants une éventuelle coupure avec la réalité algériennej comporte trois volets : académique, indus­triel, pédagogique.

L'importance des facteurs sociaux

C'est durant la phase de démarrage effectif du programme que vont se présenter des diffi­cultés de toutes sortes, liées essentiellement à l'existence de cultures, d'habitudes et d'en­vironnements différents. Parmi les problèmes les plus délicats, on peut citer les suivants : Programmes d'instruction inadaptée pour la

filière techniciens supérieurs. Il a fallu que commencent les enseignements pour qu'on se rendît compte que, pendant deux ans, l'expression « technicien supérieur » n'avait pas la m ê m e signification pour les uns et pour les autres. Ainsi les programmes sup­posaient que le niveau d'entrée des élèves était plus élevé qu'il ne l'était en réalité (deux ans de différence).

Langue de communication. L a quasi-totalité d u personnel américain ne connaissait que l'anglais, alors que les rares Algériens connaissant cette langue ne la pratiquaient pas parfaitement. Il faut ajouter à cela les difficultés liées à une première expérience ; en effet, l ' I N E L E C est le premier institut en Algérie où la langue d'enseignement est l'anglais1. Signalons cependant que les étu­diants se sont adaptés facilement à cette situation.

Conditions de vie. Il est toujours difficile de s'adapter à u n milieu auquel on n'est pas habitué. Lorsqu'on n'a aucune idée de ce qu'il peut représenter, les choses les plus simples peuvent devenir des problèmes insurmontables. Les familles américaines ont été perturbées surtout par les éléments suivants : a) le logement : il est difficile d'avoir u n appartement où tout fonctionne normalement et de le maintenir en bon état ; b) la réglementation algérienne pour les étrangers : les circuits aclministratifs se sont révélés trop longs, qu'il s'agisse de l'obtention d'une carte de résident perma­

nent, de l'autorisation d'importer u n véhi­cule, ou d'introduire des affaires per­sonnelles.

L e facteur temps. Les délais ne correspon­dent que rarement aux prévisions établies.

Conditions de travail. L e fonctionnement de l'institut a souffert de la pénurie de per­sonnel algérien qualifié.

D u point de vue organisation, il a été difficile d'éviter le déséquilibre créé par le fait que tous les enseignants sont américains, alors que toute l'administration est algérienne. Par ailleurs, l ' I N E L E C ne disposant que de locaux provisoires dans cette phase de démar­rage, il n'a pas été possible de procéder à une planification rigoureuse.

Résultats de l'expérience

O n peut affirmer qu'en deux ans beaucoup de choses ont été réalisées. L ' I N E L E C en 1978 a 300 étudiants, dont 83 en troisième année, 105 en deuxième année,.et 112 en première année. L e n o m b r e des professeurs à l'institut est passé de 18 en mars 1976 (exclusivement en anglais) à 45 actuellement, dont la moitié environ pour les enseigne­ments techniques. L a majorité des labora­toires nécessaires ont été installés, de m ê m e que l'embryon de la future bibliothèque.

L e processus de recrutement des élèves est bien rodé, et les examens utilisés donnent des résultats satisfaisants. L e niveau d'entrée des élèves algériens est maintenant mieux connu et les programmes initiaux ont subi les retouches nécessaires, en particulier le programme proposé pour les élèves techni­ciens supérieurs. L ' I N E L E C a envoyé, au mois de juillet dernier, u n sixième groupe de candidats choisis pour la formation d'ensei­gnants aux États-Unis, ce qui a porté le total des candidats à 113.

Il faut noter à l'actif de l'expérience entre­prise que nombre de problèmes ont été cer­nés et qu'ensemble Algériens et Américains

1. Les langues utilisées par ailleurs sont l'arabe et le français.

L e transfert des connaissances en électronique : une expérience réalisée en Afrique du N o r d 353

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ont travaillé à les aplanir. L a communication s'est améliorée. U n certain engagement c o m ­m u n et une démarche c o m m u n e c o m m e n ­cent à s'établir, à partir d'un effort d'adap­tation nécessaire. Ainsi, par exemple, des cours d'anglais sont organisés maintenant pour le personnel algérien ; les professeurs américains, avant de venir en Algérie, se soumettent à une préparation qui vise à faci­liter leur intégration dans le milieu algérien ; des efforts ont été faits en vue d'un rappro­chement entre les professeurs américains et l'administration algérienne ; d'autre part, on a complété le personnel de soutien dont les professeurs avaient besoin par du personnel d ' E D C quand il s'agissait d'une main-d'œuvre très spécifique et qui n'était pas disponible en Algérie.

Perspectives d'avenir

L a sortie des premiers dip'.ômés de l ' I N E L E C est prévue en mars 1980 pour les techniciens supérieurs et en mars 1981 pour les ingénieurs. C'est seulement lorsque ces diplômés auront commencé à travailler qu'il sera possible de dire si les programmes pro­posés répondent aux besoins de l'industrie algérienne.

D e m ê m e , le retour des premiers ensei­gnants algériens au mois de septembre 1977 permet maintenant d'évaluer la formation qu'ils ont reçue et leur capacité à prendre la relève des enseignants américains. Ces pro­fesseurs algériens seront membres à part entière du corps enseignant de l ' I N E L E C et

seront intégrés au sein d'une m ê m e organisa­tion ayant à sa tête pour l'instant des chefs de division américains (ingénieurs, techniciens, langue) et u n directeur des études algérien.

A long terme l ' I N E L E C développera u n autre type de relation avec les universités américaines du Comité de direction, essen­tiellement en mettant sur pied u n échange régulier de professeurs dans les deux sens — participation à des conférences nationales et internationales, publications, statut de professeur « invité », etc., et en maintenant des relations étroites entre sa bibliothèque et les différentes bibliothèques d u consortium.

E n ce qui concerne la réalisation de l'ins­titut à Tlemcen, les propositions initiales ont été revues de manière à intégrer les données sociales algériennes. Ainsi la conception des bâtiments a été confiée à des architectes américains (The Architects Collaborative, Cambridge, Mass.) qui ont reçu du C o ­mité de direction les données fondamentales concernant les besoins du programme acadé­mique, tandis que les autorités algériennes définissaient le cadre de vie dans lequel de­vait s'installer le futur institut.

Cette réalisation, dont une partie d u fi­nancement (environ 60 %) provient d'un prêt accordé à l'Algérie par la Banque m o n ­diale, a démarré cette année. L a réception des premiers bâtiments est prévue en sep­tembre 1980, pour une capacité de 1 000 étu­diants. O n sera alors à m ê m e de juger dans quelle mesure ces immeubles et une bonne partie d u programme entier répondent aux besoins des étudiants algériens. D

354 Abderrahmane Benazzouz et Albert Baez

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Le nouvel ordre économique et les problèmes de développement1

J. Frank da Costa

O n trouvera dans ce texte les grandes lignes des objectifs d'un nouvel ordre économique international, une esquisse de Vactivitè des scientifiques, et un rappel des liens existant entre la science et la culture de Vhumanité dans son ensemble.

Objectifs et analyse de la problématique

E n ce qui concerne plus particulièrement la science et la technique, le nouvel ordre éco­nomique international devrait garantir : a) la coopération des pays développés et des pays en développement à l'établissement, au ren­forcement et à l'extension de l'infrastructure scientifique et technique des pays en déve­loppement; b) l'accroissement sensible de l'aide des pays développés destinés à appuyer directement les programmes scientifiques et techniques des pays en développement, pour atteindre des objectifs accessibles à arrêter d'un c o m m u n accord; c) l'augmentation substantielle de la part de la recherche-développement que les pays développés consacrent aux problèmes qui intéressent au premier chefies pays en développement et à la création de techniques locales appropriées, également pour atteindre des objectifs acces­sibles à arrêter d'un c o m m u n accord ; d) l'ex­tension de la coopération internationale fon­dée sur des principes et des règles visant à adapter les relations scientifiques et tech­niques entre États aux besoins et aux intérêts particuliers des pays en développement, no­tamment en ce qui concerne le transfert des techniques. - Jusqu'à présent, ces objectifs ne sont pas

très éloignés de ce qui est énoncé aux para­graphes 60 à 64 de la Stratégie internationale d u développement [résolution 2626 ( X X V ) de l'Assemblée générale, en date du 24 oc­tobre 1970] ni des objectifs définis ultérieu­rement par les deux organes principaux qui s'occupent de ces questions aux Nations Unies : le comité consultatif sur l'application de la science et de la technique au déve­loppement et le Comité de la science et de la technique au service du développement. Permettez-moi de souligner que les recom­mandations de ces deux organes, composés d ' h o m m e s de science et de représentants des gouvernements, ont eu encore peu d'effet.

Mais il faut noter que les aspects scienti­fiques et techniques du nouvel ordre écono­mique international, qui intéressent directe­ment la conférence, ont été précisés dans diverses autres résolutions, décisions et re­commandations où sont exposées des concep­tions nouvelles, dont celles-ci : Coopération internationale pour résoudre des

problèmes qui, vu en particulier la nature finie du m o n d e et les pressions de plus en

1. L e présent article est une version abrégée de la déclaration présentée au début de cette année au Comité préparatoire de la Conférence des Nations Unies sur la science et la technique au service du développement (deuxième session), qui s'est réuni à Genève (Suisse).

impact : science et société, vol. 28 (1978), n° 4 355

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• João Frank da Costa

Titulaire de plusieurs doctorats, historien, juriste, administrateur de la fonction publique internationale, archéologue ¿intéressant à F époque précolombienne, sculpteur, M . da Costa est secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur la science et la technique au service du développement depuis 1976. On peut entrer en contact avec Fauteur à F adresse suivante : c\o U N C S T D , P . O . Box 20, United Nations, New York, NY10017 (États-Unis d'Amérique).

plus lourdes qui s'exercent sur ses res­sources et son environnement, transcen­dent les frontières et exigent une réflexion à l'échelle de la planète.

Reconnaissance d u fait que les objectifs gé­néraux à l'échelle de la planète doivent

, être fractionnés de manière qu'on puisse prêter une attention particulière aux ob­jectifs et aux stratégies des pays en dé­veloppement.

Nécessité de faire jouer à la science et à la technique u n rôle plus direct et plus im­portant dans la stimulation d u dévelop­pement et la réduction des inégalités sur le plan international aussi bien que dans les régions et les pays.

Distribution des bienfaits de la science et de la technique à toute la population, et pas seulement à quelques secteurs privilégiés, dans les zones aussi bien rurales qu'ur­baines restées à l'écart de la croissance

. économique. Nécessité de voir dans la science et la techni­

que non pas des agents indépendants, mais des éléments du développement d'ensem-

: ble entraînant des changements d'orien­tation intérieurs ou internationaux et des réformes de structure.

Reconnaissance de la particularité et de la diversité d u développement suivant les

caractéristiques de chaque pays non sue-Iement en ce qui concerne la production et la croissance économique générale, mais aussi dans les domaines de la politique, du social, de l'environnement, de la culture et de la psychologie, y compris la qualité de la vie, la liberté individuelle et la paix et la sécurité.

Nécessité, tout en maintenant le principe du « fossé à combler » (qui prend u n sens nou­veau dans une situation de diversification), de chercher aussi à créer des techniques locales correspondant à des formes origi­nales de développement fondées sur l'au-tosuffisance et la croissance endogène.

Insistance sur la nécessité d'engendrer la volonté politique et les moyens d'action requis pour que certaines politiques et des programmes internationaux concrets puis­sent être exécutés dans u n esprit de véri­table coopération mondiale, régionale et sous-régionale.

E n s o m m e la tâche essentielle de la confé­rence sera d'analyser et de traduire en ob­jectifs précis les composantes scientifiques et technologiques du nouvel ordre économi­que international.

Le rôle de la communauté scientifique

D e u x grandes caractéristiques de la confé­rence ne semblent pas être pleinement ap­prouvées par les milieux scientifiques, à savoir : a) les travaux se situent aux niveaux gouvernemental et intergouvememental ; et b) les débats ne porteront pas sur le fond de la science et de la technique. Il convient de souligner que ces deux caractéristiques de la conférence découlent des décisions perti­nentes de l'Organisation des Nations Unies, sous les auspices de laquelle est convoquée la conférence.

L e véritable objectif de la prochaine confé­rence, c'est précisément d'allier dès le com­mencement à la volonté politique des gou­vernements les instruments scientifiques et technologiques du développement et d'éli­miner les obstacles qui, jusqu'à présent, ont

356 J. Frank da Costa

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empêché que la science et la technologie contribuent réellement au développement de tous les pays et principalement, bien en­tendu, à celui des pays en développement.

Si les h o m m e s de science ne prétendent pas être les seuls à pouvoir définir les moyens d'appliquer avec succès la science et la tech­nique au développement, pas plus qu'ils ne souhaitent écarter les gouvernements et le public de cette entreprise, il leur est parfois difficile d'admettre que l'application effective des connaissances à la solution des problèmes de la société dépend d'un processus de déci­sion qui se situe normalement au niveau gouvernemental. Q u e cela soit souhaitable ou non, l'État est aujourd'hui la seule entité capable d'assumer, avec la vision globale nécessaire, la responsabilité d u bien-être de la société. Les obstacles qui s'opposent à l'application de la science et de la technique au développement ne sont pas, en général, de nature scientifique et technique ; ils ont u n caractère politique, social, institutionnel, culturel ou psychologique. Les choix techno­logiques ne peuvent pas s'appuyer unique­ment sur des connaissances scientifiques ; m ê m e une politique scientifique nationale qui soit exhaustive, globale et indépendante ne permet pas de faire les choix nécessaires. Les choix stratégiques entre les grandes orientations s'inspirent généralement de cri­tères non scientifiques, par opposition au traitement tactique des problèmes dans les domaines circonscrits qui se fonde essentiel­lement sur des critères scientifiques.

C'est pourquoi le rôle des h o m m e s de science dans la conférence et dans ses pré­paratifs m e paraît très clair; il consiste : a) à participer, au niveau national, à la définition des objectifs, à l'élaboration des plans et des politiques globales dont les gouvernements sont responsables au premier chef; b) à jouer un rôle essentiel dans le débat social qui, d'une manière géné­rale, peut être considéré c o m m e une activité tripartite (gouvemement-public-homme de science) ; c) à collaborer à l'analyse des contri­butions nationales, régionales et autres.

Science et culture

U n dernier problème est celui que pose l'intégration de la science dans la culture nationale des pays en développement sans que cela entraîne pour eux un amoindrisse­ment de leur personnalité et de leur spécifi­cité. L e m o n d e en développement veut assi­miler et non pas être assimilé et veut éviter d'être u n amalgame d' « h o m m e s à l'esprit vide et aux mains pleines ».

N o u s dépassons ici les problèmes pure­ment scientifiques et techniques pour attein­dre le stade d'une réflexion critique sur les problèmes aigus que pose la problématique de la science au service de l ' h o m m e . L a solution ne se trouve pas naturellement dans le négativisme ni dans le nihilisme, forme de pensée qu'on rencontre trop fréquemment dans la philosophie et dans la société d'au­jourd'hui. D

L e nouvel ordre économique et les problèmes de développement 357

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D e l'utilisation de l'énergie solaire pour le dessalement de l'eau1

Harry Z . Tabor

L'un des grands spécialistes mondiaux de l'énergie solaire présente ici le distillateur solaire classique du type serre et examine les conditions de son utilisation optimale. Simple et bien adapté à la production en faible quantité, ce système produit de l'eau très chère. Pour des volumes plus importants, les procédés conventionnels de dessalement alimentés par l'énergie solaire sont plus indiqués, car leur coût est notablement moins élevé. Quand ils peuvent être mis en œuvre, ils offrent une solution technique simple aux problèmes de l'alimentation en eau des zones les plus arides du monde en développement. Le lecteur trouvera enfin une comparaison des coûts correspondant aux divers procédés.

Introduction

D e vastes étendues de la surface terrestre sont considérées c o m m e « extrêmement ari­des », à savoir celles où il peut ne pas pleuvoir plus d'une fois par an, ou c o m m e « arides », à savoir celles où les précipitations sont inférieures à l'évapotranspiration de l'eau. D'autres régions, bien que n'étant pas normalement classées dans les zones arides, n'ont pas assez d'eau pour satisfaire les be­soins croissants de la population. Dans toutes ces régions, le développement économique et social progresserait si l'eau douce était dis­ponible en plus grande quantité. D ' o ù l'in­térêt croissant porté depuis une vingtaine d'années aux procédés de dessalement.

Dans l'hypothèse où de l'eau de m e r ou de l'eau saumâtre est disponible (ou peut être captée), il faut, pour la transformer en eau douce, d'une part, pouvoir investir dans la construction des usines nécessaires et, d'au­tre part, disposer d'une énergie produite à bon marché. A u début, l'utilisation du soleil c o m m e source d'énergie pour la distillation était surtout une question de commodité lo­

cale. Aujourd'hui, en raison de la hausse du prix des combustibles, l'exploitation de cette forme d'énergie pour accroître l'approvision­nement en eau potable revêt une importance croissante.

Par définition, les zones extrêmement sè­ches bénéficient d'un grand ensoleillement (et ont également de grandes étendues de sol inutilisé), d'où il résulte que le dessalement par l'énergie solaire ne s'y heurte pas à une insuffisance d'énergie. C'est là une situa­tion radicalement différente de celle des zones très peuplées et développées où le dessalement par l'énergie solaire ne serait guère praticable.

L a consommation d'eau varie Hans des proportions considérables. Dans certaines parties de l'Afrique et de l'Asie, elle est inférieure à 20 litres par habitant et par jour, mais une consommation de 50 à 150 litres

Cet article est une adaptation de « Dessalement par l'énergie solaire », document présenté au Symposium international sur les sources et l'exploitation de l'énergie, qui s'est tenu à Barcelone (Espagne) en octobre 1977.

impact : science et société, vol. 28 (1978), n° 4 359

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• Harry Z . Tabor

Harry Zvi Tabor est né à Londres, où il obtient un premier diplôme de physique. Après avoir émigré en Israël en 1949, il devient docteur en physique appliquée de l'Université hébraïque de Jérusalem. Il entre au Conseil national de la recherche et crée le Laboratoire national de physique, qu'il dirige jusqu'en 1974. Il a consacré ses recherches principalement à l'énergie, et en particulier à l'énergie solaire. Le travail de pionnier de M . Tabor est connu dans le monde entier. L'auteur s'est vu notamment décerner le prestigieux Energy Award de la Royal Society de Londres et la médaille d'or de la Fondation Diesel (République fédérale d'Allemagne). Il est actuellement directeur scientifique de ia Fondation de la recherche scientifique de l'Université hébraïque, Boîte postale 3745, Jérusalem (Israël).

par jour constitue une n o r m e plus cou­rante [ï]1. Ces chiffres portent à la fois sur les utilisations domestiques et les utilisations agricoles. A titre de comparaison, on peut indiquer que la consommation par habitant dans les villes des États-Unis d'Amérique peut dépasser 1 000 litres [2]. U n pays semi-aride c o m m e Israël, qui pratique l'irrigation intensive, consommait, en 1964, 1 500 litres par habitant et par jour [1], dont quatre cinquièmes pour les besoins de l'agriculture.

Les réalités de l'énergie solaire

L'énergie solaire disponible dans les régions faisant l'objet d u présent article varie de 2 X 1 0 ' kilocalories (kcal) environ par mètre carré et par an pour les zones les plus enso­leillées (Mauritanie, Inde centrale), à la moitié environ de ce chiffre pour les moins ensoleillées. L e centre de l'Australie, le sud

de l'Afrique et une grande partie de l'Afrique d u N o r d atteignent presque la limite supé­rieure; le sud de l'Espagne se situe à m i -échelle, avec 1,5 X io8 kcal/ma par an.

Étant donné que 500 à 600 kilocalories sont nécessaires pour faire évaporer u n litre d'eau, u n procédé de distillation à simple effet ayant u n rendement de 40 % et bénéficiant d'une insolation de 1,5 x io6 kcal/ma produit en­viron 1 mètre cube par mètre carré et par an, soit une moyenne de 3 litres par jour. Si toute l'eau devait être produite par distilla­teur solaire, une population qui c o n s o m m e ­rait 100 litres par jour et par habitant aurait besoin d'une superficie de 30 mètres carrés environ par habitant. Et si les besoins de l'agriculture pour l'irrigation étaient, par exemple, de 7 500 mètres cubes par hectare, environ 40 % de la surface d u sol seraient couverts de distillateurs solaires ! D e toute évidence, l'agriculture a besoin de systèmes de dessalement ayant u n rendement beau­coup plus élevé par unité d'énergie. Certains d'entre eux seront passés en revue ci-après.

L'utilisation de l'énergie solaire pour des­saler l'eau est d'autant plus tentante qu'il s'agit, dans le cas de la distillation simple, d'un procédé à basse température. D e plus, l'intermittence de l'insolation n'est pas u n obstacle important puisque l'eau produite peut être stockée.

Les premiers systèmes

Les premiers systèmes utilisaient tous le procédé de la distillation à simple effet, dont l'application la plus connue a été le grand distillateur solaire de dessalement de Las Salinas (Chili). M i s en service en 1872, il a fonctionné pendant quarante ans environ, couvrant 5 000 mètres carrés et produisant u n m a x i m u m de 19 mètres cubes d'eau par jour [3]. . ' , , - •

L e distillateur solaire à simple effet du type serre est bien connu et l'on peut en

1. Les chiffres entre crochets renvoient à la bibliographie à la fin de l'article. ;

360 Harry Z . Tabor

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trouver les caractéristiques dans les ouvrages classiques sur la question [4]. Il se compose d'une cuve noire horizontale surmontée d'une couverture vitrée dont la pente doit être de 10 degrés au moins pour éviter que le pro­duit de la condensation ne tombe dans la cuve. Les bords de la cuve sont soudés à la couverture pour retenir hermétiquement la vapeur d'eau qui, s'élevant au-dessus de l'eau chauffée, se condense sur la face intérieure de la couverture vitrée et est recueillie par gravité dans une gouttière transversale.

Si l'on prend soin d'éviter une condensa­tion excessive de la saumure, qui entraînerait la précipitation du sel, le système est simple et ne requiert pas d'entretien. Les matériaux de construction doivent être choisis avec soin. Si l'on utilise pour la couverture des feuilles de matière plastique au lieu de verre, plus généralement employé, il faut s'assurer de la longévité du plastique (en général, l'expérience sur ce point n'a pas été encou­rageante; les grands distillateurs des îles grecques semblent avoir cessé de fonctionner à la suite de la détérioration de leur couver­ture en feuilles de plastique). L'armature doit être rigide et Fétanchéité durable, car le rendement de l'ensemble baisse en cas de fuites de la vapeur d'eau.

L a température est d'une importance ca­pitale pour le rendement des distillateurs solaires de ce type. Si la température a m ­biante ou la température de l'eau dans la cuve s'élève, le débit augmente. Cette consi­dération permet d'orienter les études de construction destinées à améliorer le ren­dement.

L a chaleur transférée (q) par convection et radiation (qr -f- qc) de la surface de la cuve à la surface de couverture du distillateur est presque proportionnelle à la différence de température, selon la formule

(?r + ?J = C ( T i — T c )

où T est la température de l'eau, T la tem­pérature de la couverture et C une constante dont la valeur est de 1,6 environ et qui ne varie que faiblement en fonction de la tem­

pérature. E n pratique, la chaleur transférée augmente nettement dès que la température dépasse 17 °C environ.

Moyens d'améliorer le rendement

Pour calculer le rendement réel, il faut tenir compte des pertes dues à la transmission et à la réflexion aussi bien que celles imputables au fond de la cuve ; celles-ci peuvent être réduites à des proportions raisonnables par isolation thermique du fond. Très souvent, cette isolation n'est pas réalisée parce qu'il est difficile de maintenir secs les isolants courants. Dans u n cas type, sur une période de vingt-quatre heures, les rapports entre les gains et les pertes se présentent c o m m e suit :

Énergie reçue Pertes dues au fond Pertes par conduction et

radiation Transfert d'énergie (ge) Pertes dues à la

transmission et à la réflexion

BTIP

2 555 572

396 829

758

Pourcentage

IOO 22,4

15,5 32,4

29.7

L a formule et la table ont été calculées toutes deux en utilisant les mesures impé­riales (britanniques). Il faut faire des conver­sions pour exprimer les valeurs en unités du système métrique ou I S O . Si l'eau de conden­sation est recueillie, le rendement est de 32,4 % quand on prend pour base la surface de la cuve et légèrement moindre quand on prend pour base la surface vitrée, qui est généralement supérieure à la surface de la cuve. Si l'on peut réduire de moitié la perte imputable au fond, la production journalière se trouve augmentée de 30 % environ.

D e ces observations, on peut conclure que : à) le rendement augmente avec la tem­pérature ambiante, car une élévation de tem­pérature de la surface vitrée entraîne une élévation presque égale de la température de

1. BTUCBritish Thermal Unit): unité calorifique du système de mesure britannique.

D e l'utilisation de l'énergie solaire pour le dessalement de l'eau 361

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la cuve; b) pour la m ê m e raison, le ren­dement augmente quand le vent diminue, encore que, dans l'ensemble, ce facteur ne soit pas très important ; c) quand l'intensité du rayonnement solaire s'accroît et fait fonc­tionner le système à des températures plus élevées, non seulement la production aug­mente, mais le rendement s'élève aussi dans une certaine mesure ; d) conséquence de ce qui vient d'être dit : l'emploi de miroirs fixes d'appoint, augmentant légèrement la radia­tion incidente, accroît plus que proportion­nellement la production ; e) une grande capacité calorifique, ayant pour effet de pro­longer le temps de travail d u distillateur, réduit u n peu la production puisque la valeur maximale de Te — liée à une faible capacité calorifique — produit u n transfert de chaleur par evaporation supérieur à celui obtenu pour la valeur plus faible et plus uniforme de Te en cas de grande capacité calorifique. Il est donc préférable d'utiliser une couche d'eau peu profonde, à condition que le sel ne risque pas de précipiter.

Production saisonnière et stockage

Pendant u n temps, on a cru que le refroidis­sement naturel du condenseur (la surface vitrée) constituait une limitation et l'on en était arrivé à penser que la condensation ne devrait pas se produire à l'intérieur du sys­tème, c'est-à-dire que celui-ci devrait servir de capteur solaire et de producteur de vapeur d'eau, laquelle serait ensuite condensée dans u n autre appareil. Cette opinion est mainte­nant largement tombée en discrédit.

Pour les distillateurs décrits dans diffé­rents ouvrages, la production annuelle est de l'ordre de ï mètre cube par mètre carré, ce qui représente une production journalière u n peu supérieure à 4 litres par mètre carré en été et égale ou inférieure à 1 litre par mètre carré en hiver. Lorsque l'eau de pluie peut être recueillie par le distillateur et dans les espaces séparant les unités, le débit annuel total augmente, en particulier dans les ré­gions où il pleut surtout pendant les périodes

peu ensoleillées. C e dernier facteur tend à égaliser les productions d'été et d'hiver.

L a demande ne correspondant pas tou­jours à la production, il faut prévoir le stockage sous peine de manquer d'eau à cer­tains m o m e n t s et de la gaspiller à d'autres. L e stockage à court terme ne présente géné­ralement pas de problèmes, mais le stockage pour l'année (destiné à faire face au désé­quilibre des besoins entre l'été et l'hiver) peut être onéreux. Cependant, si le coût de stockage est très élevé et que le distillateur est particulièrement bon marché, il peut être rentable d'utiliser u n distillateur plus grand (pour couvrir une plus grande partie des besoins de l'hiver) et u n réservoir plus petit. Toutefois, les études d'optimisation m o n ­trent d'habitude qu'il n'est pas avantageux d'avoir u n distillateur trop grand.

Coût de l'eau distillée

L e coût de l'eau produite par des distilla­teurs du type serre est toujours élevé et ne se justifie qu'à défaut d'autres solutions. L a principale raison en est que le distillateur est une machine à effet simple de sorte que les besoins en énergie, et par conséquent les surfaces de captage, sont grands. Cela nous conduira à étudier u n peu plus loin les sys­tèmes à effets multiples.

L e coût de l'eau distillée dépend d'un certain nombre de facteurs dont les princi­paux sont : à) l'amortissement annuel du distillateur; b) les frais d'exploitation et d'entretien ; c) l'incidence solaire ; d) le ren­dement de la distillation. L e facteur a se compose de la dépense d'investissement, I, pour le capteur, multiplié par u n pourcen­tage C A , tenant compte des charges annuel­les. C A n'est pas seulement fonction du taux d'intérêt local, mais aussi de la durée totale d'utilisation du distillateur. O n peut ainsi espérer que, sauf accident, u n distillateur bien conçu, construit avec du ciment, d u verre et de l'asphalte durera vingt ans. Dans l'état de nos connaissances, les matières plas­tiques ne durent que quelques années. A u -

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jourd'hui, tous les usagers sont favorables aux distillateurs couverts de vitres.

E n ce qui concerne b, il est évident que le distillateur doit être conçu pour n'avoir pour ainsi dire pas besoin d'entretien. Si des fuites ou d'autres avaries exigent des répa­rations fréquentes, le coût devient prohibitif car les frais de main-d'œuvre dépassent les autres dépenses.

L e coût de l'eau produite, C , est alors :

. ICA/ C = SR(i + a ) ^

où I C A est le coût annuel du distillateur, / un coefficient tenant compte de coûts ad­ditionnels non spécifiés ( / > ï), S l'incidence solaire annuelle, R le rendement moyen an­nuel, v la chaleur latente de vaporisation par mètre cube d'eau, p la partie de la pro­duction annuelle effectivement recueillie et a la fraction représentant l'augmentation de la production annuelle imputable à la col­lette de l'eau de pluie. I et S peuvent être exprimés par unité de surface, le cas échéant, ou pour toute la surface du distillateur. O n peut indiquer 0,3 c o m m e valeur courante de R . Dans une région ensoleillée :

S # 1,5 X io« kcal/m2 ; v = 580 x 10s kcal/m3,

donc - = 0,387 m - 1 ; / ) # 1 , 0 ; / # 1,25 et a #0,1.

L a valeur de I, coût du distillateur par mètre carré, varie considérablement d'un lieu à l'autre, selon qu'on trouve ou non les matériaux sur place et selon le coût de la main-d'œuvre. Vers 1965, la valeur de I oscillait entre 10 et 20 dollars des États-Unis ; aujourd'hui, ce chiffre a probable­ment plus que doublé. Si I est égal à 30 dol­lars par mètre carré et C A à 0,15 (intérêt de 8 % et durée d'utilisation de 10 ans), C est égal à 6,6 dollars par mètre cube. M ê m e en adoptant pour les paramètres des valeurs un peu différentes, la valeur de C resterait élevée sauf s'il était possible de réduire radicalement la valeur de I.

Ces coûts élevés donnent à penser que les distillateurs du type serre ne conviennent que jusqu'à une certaine dimension au-delà de la­quelle il conviendrait d'utiliser des systèmes plus sophistiqués permettant d'abaisser le coût de l'eau distillée. L a taille limite dépend davantage des systèmes de remplacement que du distillateur du type serre lui-même.

Par quoi remplacer les distillateurs du type serre

S'il était possible d'utiliser la chaleur de condensation pour accroître la quantité d'eau évaporée, le distillateur aurait u n plus grand débit par unité de surface. Plusieurs sugges­tions ont été présentées pour réaliser une opération à effets multiples dans des distilla­teurs qui resteraient pour l'essentiel du type serre. Toutefois, les complications inhérentes à de tels systèmes entraînent une augmenta­tion des dépenses d'investissement, d'entre­tien et d'exploitation qui annule l'avantage obtenu par l'augmentation du débit. O n ne connaît d'ailleurs pas de systèmes de ce type qui soient exploités commercialement.

L'autre approche consiste à utiliser tout procédé connu et acceptable de dessalement de l'eau faisant appel à la chaleur c o m m e source d'énergie et à obtenir cette chaleur en utilisant le soleil. L a visibilité du système dépend du coût de la chaleur, solaire par rapport à celui des autres sources d'énergie disponibles sur place. Il s'agit donc en l'oc­currence d'envisager les aspects techniques et économiques de l'utilisation de la chaleur solaire. Cependant, dès l'instant que l'ins­tallation est perfectionnée et que sa bonne gestion exige qu'elle soit utilisée en tout temps à un niveau proche de sa capacité théorique, l'adéquation de la source de cha­leur à l'installation devient importante. Il s'agit en s o m m e de rationaliser la distillation solaire. O r , s'il est relativement facile de stocker l'eau produite pendant u n temps assez long, il reste très difficile d 'emmaga­siner la chaleur solaire pendant les diverses phases d'un cycle annuel.

D e l'utilisation de l'énergie solaire pour le dessalement de l'eau 363

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Il est bien connu que le rendement de la captation dans toute installation thermique solaire diminue à mesure qu'augmente la température produite. Il faut donc recher­cher dans toute la mesure possible des pro­cédés de dessalement à basse température. Jusqu'à il y a quelques années, les installa­tions commerciales de dessalement à effets multiples fonctionnaient à des températures très supérieures à ioo ° C , ce qui nécessitait l'emploi de capteurs solaires focalisants. A u cours de la dernière décennie, des unités à effets multiples opérant à basse température ont été mises au point. Elles fonctionnent à des températures de 70 à 80 °C et ont u n rendement économique (consommation de vapeur/masse de l'eau produite) de 10 à 1. L ' u n de ces procédés est la colonne d'alu­minium à fins multiples ( A T M E ) , mise au point par la société Israel Desalination E n ­gineering Ltd, et déjà disponible dans le commerce. Autre méthode en cours de mise au point : le procédé Kogan-Rose, au Tech-nion de Haifa ; ce procédé utilise la conden­sation par contact direct, et devrait donner des résultats similaires, mais il n'est pas encore sur le marché.

L e coût de l'énergie est u n facteur déter­minant dans tout procédé de dessalement. E n conséquence, les concepteurs d'instal­lations de dessalement de tous types se sont efforcés de réduire la consommation d'éner­gie par divers perfectionnements, le procédé étant optimisé en fonction du coût total de l'installation et de l'énergie. Q u a n d l'énergie est fournie par u n combustible à prix stable, quand la source de chaleur peut être libre­ment choisie et enfin quand la régulation de la source d'énergie ne présente pas de difficultés, la tâche du concepteur est rela­tivement aisée.

Bassins solaires et écrêtement

Q u a n d l'énergie est fournie par une instal­lation solaire, il faut tenir compte de la température de la source et de l'irrégularité de l'approvisionnement en énergie. U n e m é ­

thode consiste à associer une unité de dessa­lement à répétition du type A T M E à la production thermique d'un bassin solaire1. ( U n bassin solaire est u n réservoir dans le­quel les couches d'eau salée les plus concen­trées, et donc les plus lourdes, retiennent la chaleur du soleil plus près du fond que de la surface.) E n l'occurrence, on a choisi le bassin solaire c o m m e source de chaleur à basse température parce qu'on a estimé qu'il était compétitif avec le fuel. Si celui-ci n'est disponible qu'à u n prix exorbitant et si les conditions locales ne conviennent pas à l'ins­tallation d'un bassin solaire, il faut alors avoir recours aux capteurs solaires conventionnels. L a méthodologie est essentiellement la m ê m e .

L a méthode repose sur 1' « écrêtement » : le collecteur est u n peu plus grand qu'il serait nécessaire pour couvrir les besoins annuels médians et le surplus d'énergie pro­duit pendant les mois d'été est inutilisé. Malgré ce gaspillage apparent, le procédé permet de faire fonctionner une installation coûteuse à u n niveau beaucoup plus proche de son rendement théorique, réduisant ainsi les dépenses d'investissement par rapport au débit annuel total. L a figure 1 représente la production d'un bassin solaire dans le cas où les pointes de l'été sont à peu près quatre fois supérieures au creux de l'hiver. Les variations journalières sont de faible ampli­tude en raison de la capacité calorifique du système. L a surface du bassin nécessaire pour obtenir ce résultat serait, sur la base du rendement indiqué, d'environ 0,23 k m a .

1. L e procédé à répétition ou à étapes multiples fonctionne c o m m e suit. L a condensation de la vapeur d'eau produit u n important dégagement de chaleur. Dans des conditions particulières, à savoir quand on réduit la pression, cette cha­leur peut être utilisée pour faire évaporer une quantité supplémentaire d'eau, et le processus est répété. C'est ainsi qu'un système à dix étages produit, pour une quantité de chaleur donnée, presque dix fois plus d'eau distillée qu'un distillateur à phase unique. L'installa­tion est naturellement plus coûteuse et le nombre optimal d'étages dépend du coût de l'énergie.

3 6 4 Harry Z . T a b o r

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Surplus de la production d'été stockée: 279 000 m 3

400

F I G . ï. Débit d ' un bassin solaire dont la production d'été est quatre fois celle de l'hiver.

L a figure 2 montre ce qui se passe quand la surface du bassin est multipliée par 1,37 ; cette surface est alors de 0,31 k m 2 et le débit d'été inutilisé d'environ 27 %.

L a capacité théorique de l'installation est réduite à 4 700 mètres cubes et la capacité de stockage, pour une demande également répartie sur l'ensemble de l'année, est ré­duite de près de la moitié. Les résultats, récapitulés dans le tableau, montrent que le système optimisé (abstraction faite de toute

économie sur les dépenses de stockage) coûte environ 13 % de moins et fournit une pro­duction beaucoup mieux équilibrée.

L'entretien d'un capteur plat est coûteux

L e tableau montre que le coût de l'eau dessalée par u n tel système est le dixième environ de celui de l'eau produite par les distillateurs du type serre. Cela est d û au rendement plus élevé de l'installation plus

n m

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4

<#1-—....,, ^ - Surplus de'chaleur *•* ^ N . j/^ inutilisée

S ^^ \ s^ Surplus de la production d'été / ' } \ stockée: 155 000 m 3

-/mm^à^mm^A^ 000 \

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! 365 ¡ours ' U -+4

4

198

'

700

F I G . 2 . Résultat obtenu quand la surface d u bassin solaire est augmentée d ' u n tiers environ.

D e l'utilisation d e l'énergie solaire p o u r le dessalement d e l'eau 3 6 5

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T A B L E A U ï. Installation de dessalement à étages multiples, alimentée par u n bassin solaire et ayant une production annuelle médiane de 4 000 m 3

Élément de production Sans écrêtement Optimisé par écrêtement

Surface du bassin Importance de l'installation (production de

pointe en été) Production minimale d'hiver Capacité de stockage (pour une demande

uniforme au cours de l'année) Coût annuel du bassin" Coût annuel de l'installation* Charges annuelles totales d'investissement Charges d'investissement pour 1 m 3 d'eau Composante énergie (bassin)6

Composante installation

0,226 k m 2

6 400 m3/jour 1 600 m3/jour

279 000 m 3

237 000 dollars 892 OOO dollars

1 129 000 dollars 77,3 cents 16,2 cents 61,1 cents

a) Coût estimé du bassin, 7 dollars par mètre carré ; charges annuelles 15 %. b) Coût de l'installation, 700 dollars par m3/jour (1974) ; charges annuelles 20 %. c) N e comprend pas l'énergie pour les pompes .

0,31 k m s

4 700 m 3 / jour ; 2 198 m 3 / jour

155 000 m 3

325 000 dollars 655 000 dollars 980 000 dollars

67.1 cents 22 .2 cents 44,9 cents

perfectionnée et au coût du capteur estimé à 7 dollars par mètre carré contre 30 dollars pour le distillateur du type serre.

Si l'on utilise des capteurs plats aux lieu et place de bassins solaires, et dans l'hypo­thèse où le coût de ces capteurs (installés) est de l'ordre de 100 dollars par mètre carré, on voit que leur rendement est supérieur de 50 % à celui des bassins solaires. Les charges d'investissement pour les capteurs et l'ins­tallation s'élèvent à u n peu moins de 2 dol­lars par mètre cube, soit environ trois fois moins que pour u n distillateur du type serre. E n raison d u coût beaucoup plus élevé des capteurs, l'optimisation se traduira par des écrêtements beaucoup plus faibles.

Il est donc clair que les distillateurs du type serre ne conviennent qu'aux petites installations, et ce lorsque les circonstances ne se prêtent pas à l'adoption de systèmes plus élaborés. Dans les cas où il serait pos­sible d'utiliser ces derniers, le coût de l'eau distillée serait moitié moindre avec u n bassin solaire et 25 % moindre avec des capteurs métalliques. Toutefois, dans ce dernier cas, il n'est pas tenu compte du problème redou­table que posent l'entretien et le nettoyage de capteurs plats de très grande surface.

ni des problèmes connexes soulevés par la tuyauterie.

Procédés sans distillation

L a distillation extrait l'eau d'une solution saumâtre. E n conséquence, le procédé ne varie guère en fonction de la concentration en sel. Il existe cependant d'autres procédés qui permettent d'extraire le sel de solutions concentrées par transfert d'ions. L a quantité d'énergie nécessaire augmente alors avec le taux de concentration en sel si bien que les procédés en question peuvent convenir pour le traitement d'eaux saumâtres, mais sont généralement prohibitifs dans le cas de l'eau de m e r . Toutefois, les Japonais ont mis ré­cemment en service une installation à électro­dialyse pour le dessalement de l'eau de mer .

L'échange d'ions par régulation thermique

O n a mis au point des résines qui absorbent les ions à la température ambiante et les rejettent à des températures plus élevées (80-90 °C). Cela n'implique aucun change­ment de phase, et l'énergie thermodyna-

366 Harry Z . Tabor

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mique nécessaire pour extraire les ions d'une eau à faible concentration de sel est extrê­m e m e n t réduite ; en principe, le procédé ne nécessite presque pas d'énergie puisque la saumure chaude peut être refroidie dans des échangeurs de chaleur afín de réchauffer la saumure nouvelle.

U n e étude relative à une eau où les sels dissous étaient à une concentration de 2 ioo millionièmes ramenée par le procédé utilisé à 500 millionièmes a fait apparaître un coût de 47 cents environ par mètre cube, basé sur le coût effectif de l'expérience réalisée en Israël, auquel il faut ajouter une quantité d'énergie représentant l'équi­valent de 24,4 k W h de chaleur pour le m ê m e volume.

L e coût de la chaleur produite par le fuel est d'environ 1 cent par k W h (t)1 dans le cas où ce combustible coûte 100 dollars la tonne. L e traitement complet revient à environ 71 cents par mètre cube (sans compter la fourniture de l'eau à dessaler, le rejet des résidus et le coût des équipements). L a cha­leur produite par u n bassin solaire, sur la base des chiffres déjà cités, revient à 0,23 cent par k W h (t). Par conséquent, les 2 4 4 k W h (t) exigés par ce procédé coûtent 5,6 cents et le traitement de l'eau 52,6 cents par mètre cube. Cela revient moins cher que le coût du procédé à étages multiples dont l'éner­gie serait fournie par u n bassin solaire. Il convient de noter, cependant, que l'instal­lation à étages multiples peut traiter l'eau de mer alors que le système à résine ne le peut pas.

Électrodialyse

Il s'agit d'un procédé destiné essentiellement au traitement de l'eau saumâtre et utilisant l'électricité c o m m e source d'énergie. Aussi faut-il, si l'on envisage d'utiliser l'énergie solaire, que celle-ci soit convertie en élec­tricité qui, lorsqu'elle provient de la chaleur, est beaucoup plus coûteuse par k W h . C e n'est donc que si l'ensemble du processus est très bon marché qu'on peut envisager

de substituer Pélectrodialyse au procédé thermique.

Des résultats relativement satisfaisants ont été signalés dans le cas de l'installation japo­naise déjà mentionnée. L e coût d'exploita­tion de cette unité conçue pour dessaler l'eau de mer était de 230 yen par mètre cube, dont 150 yen pour l'électricité. Il faut ajouter 163 yen au titre des charges d'investissement (15 % ) , soit u n total de 393 yen par mètre cube. Si une usine identique traitait de l'eau saumâtre, la consommation d'électricité se­rait réduite de moitié. A u cours de 250 yen pour 1 dollar, le coût de ce procédé dépasse 90 cents au mètre cube, en sus du coût de l'électricité nécessaire au traitement soit de l'eau saumâtre, soit de l'eau de mer .

Si l'électricité pouvait être fournie par u n bassin solaire, le coût de l'énergie thermique dans le cas déjà étudié serait de 0,23 cent par k W h . A 90 ° C , le rendement de la conversion est de 10 % environ, mais seu­lement de 8 % si l'on tient compte du matériel auxiliaire, le coût de l'énergie étant d'environ 2,875 cents par k W h (e). Si l'on tient compte, là encore, de l'équipement utilisé (turbogénérateurs, condenseurs, etc.), l'électricité provenant d'un bassin solaire reviendrait à 4 ou 5 cents par k W h (e). L e coût de l'eau traitée par électrodialyse uti­lisant l'énergie solaire serait ainsi de l'ordre

1. Jusqu'à l'introduction d u système I S O dans différentes parties d u m o n d e , il n 'y avait guère de confusion sur l'expression k W h ; elle s'ap­pliquait presque toujours à l'énergie électrique. Aujourd'hui, cependant, l'abréviation k W h est utilisée universellement c o m m e unité de m e ­sure à la fois pour la chaleur et pour l'électricité. Étant donné que 1 k W h d'énergie électrique exige environ 3 k W h d'énergie primaire (pro­venant d u pétrole, d u charbon ou d u gaz) dans des centrales électriques ayant u n rendement de 33 %, o n a l'habitude de faire une distinc­tion très nette entre les deux. Four l'énergie électrique, nous utilisons le sigle k W h (e) et pour l'énergie thermique celui de k W h (t). Cela est indispensable dès qu 'on parle d'énergie solaire étant donné que la transformation de chaleur en électricité peut se faire avec u n rendement très inférieur à 33 %.

D e l'utilisation de l'énergie solaire pour le dessalement de l'eau 367.

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de 1,50 dollar par mètre cube pour l'eau de m e r et de 1,20 dollar par mètre cube pour l'eau saumâtre.

Il y a lieu de noter que la consommation d'électricité (qui représente une part impor­tante du coût total) peut être réduite si l'on chauffe l'eau d'alimentation d u système. O n peut estimer la diminution du coût à 2 % chaque fois que la température s'élève d'un degré. O n a proposé d'utiliser l'énergie so­laire dans ce but, mais les calculs montrent que l'avantage financier serait négligeable ou nul, sans compter que le processus s'en trouverait compliqué.

Osmose inverse

C'est u n autre traitement de l'eau saumâtre qui paraît l'emporter sur l'électrodialyse. C o m m e cette dernière, l'osmose inverse re­quiert de l'énergie mécanique (électrique), mais non de la chaleur. C e procédé devrait connaître u n grand développement au cours des prochaines années et l'on envisage de l'adapter au traitement de l'eau de mer. L a méthode consiste essentiellement à faire pas­ser la saumure à travers une membrane per­méable aux molécules d'eau, mais largement imperméable aux molécules de sel. D e très hautes pressions (plusieurs centaines d'atmo­sphères) sont nécessaires pour surmonter la pression osmotique qui se forme à travers la membrane . C'est ce qui absorbe la majeure partie de l'énergie. L e système se prête aussi bien aux petites qu'aux grandes installations, contrairement au processus à étages multi­ples qui n'est pas vraiment adapté aux ins­tallations de petites dimensions.

U n e étude préliminaire en vue d'une installation ayant une capacité annuelle de 5 millions de mètres cubes a montré que le prix du mètre cube d'eau serait de 29 cents environ, sans compter l'énergie, et avec des charges d'investissement calculées à 15 % par an. L a consommation d'énergie est de l'ordre de 2 k W h (e) par mètre cube.

C o m m e on l'a vu précédemment, u n bas­sin solaire peut produire de l'électricité à 4

ou 5 cents par k W h , ce qui met le prix du mètre cube d'eau traitée à moins de 40 cents. Mais, m ê m e si l'électricité de source solaire devait coûter le double ou plus d u chiffre indiqué plus haut, la très faible consomma­tion d'énergie qu'exige l'osmose inverse fe­rait encore probablement de celle-ci le plus avantageux de tous les procédés passés en revue pour ce qui est d u coût de l'eau obtenue.

Conclusion

Pour les petites installations, le distillateur solaire du type serre, équipé de préférence avec u n toit en verre, constitue u n procédé pratique et simple, en particulier dans les régions éloignées du réseau électrique. T o u ­tefois, l'eau produite coûte cher : environ 6 dollars le mètre cube.

Les installations plus grandes peuvent être des usines de dessalement convention­nelles perfectionnées utilisant l'énergie so­laire. Dans cette catégorie, on peut distinguer les procédés qui utilisent mie chaleur assez faible, c o m m e par exemple la distillation à étages multiples et les résines régénérées par la chaleur, et ceux qui ont besoin d'énergie mécanique ou électrique, à savoir l'électro­dialyse ou l'osmose inverse (je n'ai pas m e n ­tionné la méthode à compression de vapeur en raison du coût élevé de l'électricité néces­saire). Parmi les systèmes thermiques, le système à résine régénérée nécessite beau­coup moins d'énergie et paraît plus intéres­sant que le procédé à étages multiples, mais celui-ci a déjà fait ses preuves alors que l'expérience acquise avec l'autre est très limitée. D e plus, le système à résine n'est pas applicable au traitement - de l'eau de mer.

Parmi les systèmes électriques, le procédé le plus récent, celui de l'osmose inverse, paraît le plus attrayant en raison de sa faible consommation d'énergie. Si l'électricité peut être produite à partir du soleil à u n prix rai­sonnable, l'osmose inverse fournira de l'eau

368 Harry Z . Tabor

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douce à un prix inférieur à celui des meilleurs procédés thermiques. L e procédé semble avoir fait ses preuves pour l'eau saumâtre et son adaptation au traitement de l'eau de mer est en cours.

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locales, avant d'en choisir un. D

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D e l'utilisation de l'énergie solaire pour le dessalement de l'eau 369

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L'innovation locale : source méconnue d'autonomie économique James E . Clayson

L'auteur analyse certains facteurs peu visibles, mais réels, de la croissance économique endogène. Il montre, à l'aide de plusieurs exemples, comment des succès obtenus au niveau microéconomique dans des pays en développement peuvent avoir un effet multiplicateur sur toute V'économie nationale de ces pays.

Dans les pays industrialisés, on considère généralement que c'est l'innovation techno­logique qui est le stimulant le plus efficace de la croissance économique, et, d u point de vue statistique, ses effets sont m ê m e supé­rieurs à ceux d'une augmentation des apports de capitaux ou de main-d'œuvre. Mais il ne suffit pas de reconnaître que l'innovation technique peut favoriser la croissance, il convient également d'en étudier la nature, ainsi que l'origine.

Et, dès l'abord, il faut se rendre compte que l'innovation ne se limite pas à la techno­logie : il ne s'agit pas uniquement de la mise au point et de l'introduction sur le marché de produits et de procédés nouveaux (ainsi que des machines et techniques de fabrication qui les accompagnent) ; elle comprend aussi toutes les améliorations apportées à l'organi­sation, à la formation professionnelle et à la motivation des travailleurs, dans la mesure où elles améliorent la productivité ainsi que le moral de la main-d'œuvre. L'innovation concerne donc tout autant les techniques de gestion, de commercialisation et d'organisa­tion du personnel que l'amélioration de la conception des produits ou l'ingénierie. Tout cela revient à dire que l'innovation est u n phé­nomène d'une grande complexité, mais dont il est indispensable de comprendre les m é ­

canismes si l'on veut déterminer les meilleurs moyens défavoriser la croissance économique.

Certes, les économistes ont exploré les di­verses facettes de l'innovation, mais ils l'ont fait généralement dans le contexte des pays développés. Fort peu de travaux ont porté sur le potentiel d'innovation endogène des pays en développement et sur les possibilités qu'offre l'innovation de favoriser le progrès économique de ces pays. A u contraire, tous les ouvrages d'économie qui traitent du dé­veloppement continuent de prôner le trans­fert technologique en tant que stimulateur de croissance et ne prennent pas en considé­ration le potentiel d'innovation considérable que recèle l'initiative locale. M ê m e la doc­trine relativement nouvelle de la technologie « appropriée » a eu des résultats décevants, car elle ne tient pas compte du fait que la seule technique qui convienne réellement est celle qui résulte directement des besoins lo­caux et qui se développe en fonction de ces besoins..La technologie appropriée néglige u n des enseignements fondamentaux d u dé­veloppement « occidental » : étant donné qu'une relation de cause à effet paraît exister entre la capacité d'innovation d'un pays et son taux de croissance économique, l'expan­sion voulue ne peut être réalisée que si l'on encourage l'innovation locale.

impact : science et société, vol. 28 (1978), n° 4 37I

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• James E . Clayson

Ses quinze années d'expérience auprès d'importantes sociétés multinationales dans les domaines de la recherche opérationnelle et des études de marché ont amené l'auteur à s'intéresser aux possibilités très réelles des petites entreprises de contribuer au développement économique. Il a été frappé notamment par leur ingéniosité, leur souplesse et leur aptitude à innover — avec un investissement souvent minime — qualités particulièrement précieuses dans une économie en développement. M . Clayson est licencié es sciences (construction mécanique) du Massachusetts Institute of Technology et diplômé en administration des entreprises de l'Université de Chicago. Il va soutenir prochainement sa thèse de doctorat à la School of Oriental and African Studies (Université de Londres), sur la base des recherches sur le terrain qu'il a faites au Kenya. Adresse : 23, rue Tholozé, 75018 Paris (France).

La petite entreprise en tant qu'institution sociale

Si les sociétés industrialisées semblent plus novatrices que les autres, c'est, à m o n avis, que leurs institutions soutiennent et encou­ragent beaucoup plus systématiquement la créativité individuelle. Il importe donc d'étu­dier le fonctionnement de ces institutions dans les sociétés développées, afin de trou­ver le m o y e n de mettre en valeur le poten­tiel d'innovation correspondant dans les pays en développement. E n effet, l'existence de cadres institutionnels ou de systèmes des­tinés à stimuler l'innovation semble être la condition indispensable d'une croissance in­dustrielle, autodépendante. Pour examiner la validité de cette hypothèse, il convient d'abord de comprendre les différences qui

existent entre l'innovation, l'invention et la technologie, et de se rendre compte d u rôle spécifique de la petite entreprise en matière d'innovation. Je présenterai ensuite trois étu­des de cas pour illustrer certains des méca­nismes de l'innovation quand elle est encou­ragée par des moyens institutionnels. Ces trois études portent sur des sociétés entière­ment différentes, qui présentent néanmoins des éléments c o m m u n s .

L'histoire de l'industrie des machines-outils aux États-Unis d'Amérique au cours d u X E S « siècle fait apparaître u n mécanisme fondamental appelé convergence technolo­gique : des industries sans rapport apparent emploient les m ê m e s outils, les m ê m e s m a ­chines ou les m ê m e s procédés, et sont donc en convergence. D e ce fait, des améliorations apportées à telle ou telle machine c o m m u n e peuvent avoir des répercussions qui dépas­sent de loin le domaine d'application indus­trielle immédiate de cette machine. (L'in­dustrie des machines-outils se trouve être u n régulateur extrêmement,efficace de l'inno­vation, puisque la plupart des industries convergent précisément vers des utilisations presque identiques de ces machines-outils.)

M a seconde étude de cas portera, c o m m e nous le verrons, sur une petite, entreprise japonaise, et montrera que l'innovation est tout autant fonction de la vitesse à laquelle se constituent de nouvelles petites entreprises — et des rapports qui les lient aux grandes — que des caractéristiques des entreprises consi­dérées. L'exemple japonais montre aussi c o m m e n t de petites unités qui fonctionnent en corrélation avec des entreprises plus im­portantes donnent. lieu à une : technique permettant d'employer une main-d'œuvre abondante, '. m ê m e lorsque la '. concurrence étrangère est. très. vive. Il : s'agit là d'une convergence à plus grande échelle.! . :

Il ne faudrait certes pas déduire de; ces exemples qu'il convient à toute force, d'in­troduire dans tous les pays en développement l'industrie des machines-outils ou de petites firmes à la japonaise. Chaque pays doit bien évidemment élaborer ses propres schémas.

372 James E . Clayson

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Mais il faut reconnaître que les États-Unis c o m m e le Japon ont réussi à mettre au point des systèmes qui encouragent les innovations individuelles et en répercutent les effets au m a x i m u m dans l'ensemble de leur industrie. Et l'enseignement non négligeable que peu­vent en tirer les pays en développement est le suivant : en examinant la structure de leur industrie, ils pourront découvrir des possi­bilités analogues de favoriser la mise au point d'un tel système, mais fondé sur les conditions locales.

L e Kenya est u n pays en développement qui possède, selon toute apparence, le po­tentiel d'innovation autochtone requis et susceptible d'avoir une fonction économique importante s'il est stimulé par des moyens appropriés. L'étude de l'exemple d u Kenya sera abordée dans la dernière partie du pré­sent article.

Invention, innovation et technologie

L'invention, selon l'acception officielle des différents offices nationaux de la propriété industrielle depuis la fin du xrxe siècle, est un modèle, u n produit ou u n procédé nou­veaux, issus d'une idée originale et ingénieuse d'un inventeur individuel ou u n groupe de personnes travaillant ensemble dans u n labo­ratoire de recherches. Bien que toutes les inventions ne fassent pas l'objet d'un brevet, certains spécialistes considèrent les brevets c o m m e l'étalon — bien qu'imparfait — de la capacité d'invention d'un pays.

Mais qu'une invention ait été brevetée ne signifie pas que cette invention soit effecti­

vement disponible. Les brevets sont délivrés pour des prototypes en état de marche, et tout ingénieur sait qu'il y a souvent une grande distance entre la fabrication artisa­nale d'une machine unique en atelier et la construction d'un modèle de machine sus­ceptible d'être produite industriellement à u n prix de revient acceptable et répondant aux normes de qualité voulues. Il est vrai qu'avant de pouvoir assurer la production industrielle d'une invention il faut résoudre toute une série de problèmes d'ingénierie, d'organisation, de financement et de c o m ­mercialisation. L'étendue et la complexité de ces problèmes, que ne fait pas ressortir le document d u brevet, déterminent pourtant les conditions qui rendront l'invention c o m ­mercialement viable.

Q u a n d l'invention quitte le laboratoire pour être mise sur le marché, on a alors affaire à une innovation. L e tableau ci-après montre quelques grandes inventions très re­présentatives et indique le délai qui a séparé l'invention proprement dite de l'innovation. U n très long délai est parfois nécessaire pour qu'une invention devienne une innovation. L'exemple du roulement à billes en témoigne. U n manuscrit de la Bibliothèque nationale de Madrid découvert il. n'y a pas long­temps (1967) montre que Léonard de Vinci étudiait déjà les roulements à billes dès les années 1490. Mais Vinci fréquentait plus les bibliothèques que les ateliers, de sorte qu'il n'a pas indiqué dans ses carnets comment fabriquer ces roulements. Il a fallu atten­dre 1900 pour qu'on utilise couramment des roulements à billes ou à rouleaux dans les machines, ce qui représente une période de

Évolution de quelques inventions très largement utilisées. (.Source : N . Rosenberg.)

Produit Inventeur, date Innovateur, date

L a m p e fluorescente

Télévision Fermeture à glissière

(fermeture Éclair)

Becquerel, 1859

Zworykin, 1919 Judson, 1891

General Electric C o . , Westinghouse Corp., 1938 Westinghouse, 1941 Automatic H o o k & Eye C o . , 1918

L'innovation locale : source m é c o n n u e d'autonomie économique 373

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gestation de 400 ans. C'est parce que l'in­dustrie de la bicyclette cherchait à produire des moyeux à frottement réduit et u n méca­nisme rendant le pédalage plus facile, et qu'existaient déjà des machines-outils de précision, que l'innovation représentée par la fabrication du roulement à billes a p u être réalisée.

Invention ou innovation ?

L a concurrence entre les entreprises, bien qu'elle soit difficile à évaluer en termes quan­titatifs, exerce également une influence sur les inventions. Il arrive que des entreprises différentes mettent au point, sans avoir eu aucun contact, des inventions analogues et m ê m e des produits analogues. L a concur­rence ne présente pas seulement l'avantage de réduire les bénéfices par rapport à ceux que réaliserait u n monopole, elle permet éga­lement d'apporter de nombreuses solutions différentes à des problèmes analogues de mise au point d'un produit. O r chaque entre­prise, quelle que soit son importance, a rarement le temps, le désir ou les ressources nécessaires pour mettre à l'étude plus d'une ou deux solutions d'un problème donné de mise au point. Par conséquent, plus il y a d'entreprises en concurrence, plus les chan­ces de trouver la solution la plus efficace, la plus esthétique ou m ê m e la plus specta­culaire se trouvent augmentées.

L'arrivée d'une nouvelle entreprise sur le marché représente également une innova­tion. Ainsi le rythme de création d'entre­prises tout c o m m e l'importance et le dyna­misme du secteur des petites entreprises traduisent bien la capacité d'innovation d'un pays dans les domaines de la technique et de la gestion. Dans les pays industrialisés, bien que la part de leur budget qu'elles consacrent à la recherche et au développement ( R - D ) soit assez faible, les petites entreprises ont montré qu'elles étaient particulièrement ap­tes à élaborer de nouveaux produits et à créer des compétences nouvelles.

Mais u n pays ou une société qui innove

n'est pas nécessairement une société inven­tive. Si l'on prend, par exemple, c o m m e in­dice de la capacité d'invention d'un pays le rapport entre le nombre de prix Nobel ob­tenus par ce pays et le nombre de ses habi­tants, le R o y a u m e - U n i est infiniment plus « inventif » que le Japon. Mais il serait aisé de montrer qu'actuellement le Japon innove davantage dans le domaine industriel que la Grande-Bretagne.

L a technologie, pour sa part, recouvre tout u n ensemble de méthodes d'organisation, de compétences et de machines (c'est-à-dire, en fait, toute une série d'innovations) qui servent à résoudre des problèmes techniques déterminés. D e manière générale, on intro­duit une technologie nouvelle dans l'indus­trie d'un pays soit parce qu'elle permet de résoudre u n problème existant avec plus d'efficacité, soit parce qu'elle fournit l'infra­structure nécessaire à la réalisation écono­mique de modèles, procédés ou produits nouveaux. Les problèmes techniques extrê­m e m e n t divers qui reçoivent ainsi une solu­tion peuvent aller de l'alimentation en eau d'un village à la construction de modules lunaires. Mais les solutions techniques ainsi trouvées auront presque à coup sûr, à la longue, des répercussions dans des domaines très éloignés de celui où le problème s'était posé à l'origine.

L'innovateur est un catalyseur

Pour Joseph A . Schumpeter, qui est sans doute l'un des auteurs les plus en vue en la matière, l'innovation est d u ressort d u chef d'entreprise. Schumpeter définit le chef d'en­treprise c o m m e celui qui découvre les inven­tions susceptibles de trouver des applications et construit de nouvelles usines ou crée de nouvelles branches commerciales pour im­poser cette invention sous forme d'innova­tion. Et, bien que cette théorie n'indique ni les critères qui permettent au chef d'entre­prise d'opérer la sélection des inventions ni les moyens de résoudre les problèmes pra­tiques de production, elle définit néanmoins

374 James E . Clayson

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un certain type d'individu chez qui le flair en matière d'innovation est affaire de déci­sion plus que de réflexion. . L e rôle innovateur des entreprises nou­velles et toute la g a m m e des innovations produites par le vaste secteur des petites entreprises viennent confirmer la thèse de Schumpeter sur la fonction innovatrice du chef d'entreprise. Mais l'auteur a omis d'ana­lyser une autre dimension d u phénomène, qui tient au rôle joué par l'ensemble du sys­tème industriel, dans la mesure où celui-ci soutient les efforts des chefs d'entreprise et amplifie ainsi leurs effets.

L'industrie américaine des machines-outils montre c o m m e n t les perfectionne­ments techniques les plus minimes peu­vent servir l'ensemble du développement industriel. Et u n tel système, une fois institutionnalisé, se développe ensuite de lui-même. Venons-en maintenant à notre premier exemple.

La convergence technique dans le domaine des machines-outils

A u x États-Unis, la fabrication des machines-outils est née du besoin de disposer d'appa­reils pour couper, polir, percer, meuler et façonner des pièces de métal destinées à certaines industries c o m m e le textile et l'ar­m e m e n t . E n 1820, l'économie américaine ne comportait pas de secteur de fabrication de machines-outils ou d'autres outillages. Les machines qui y étaient produites l'étaient en fonction des besoins, par les utilisateurs eux-mêmes . Vers le milieu du siècle, ceux qui les fabriquaient ainsi pour leur propre usage se sont aperçus que ces machines — tours, perceuses, fraiseuses — faisaient l'objet d'une demande croissante de la part d'industries très diverses, et ils ont alors créé des entreprises indépendantes. Par la suite, un m ê m e atelier fut en mesure d'équiper des industries aussi différentes que celles de la bicyclette ou des locomotives.

O n définit souvent l'industrialisation c o m m e u n processus de spécialisation et de

L'innovation locale

complexité croissantes. Mais , c o m m e nous l'avons vu, une de ses caractéristiques est également la convergence technologique, c'est-à-dire l'introduction d'un nombre assez restreint de procédés de production très similaires dans tout u n ensemble d'indusr tries. E n raison de cette convergence, l'indus­trie des machines-outils, pour ne citer qu'elle, se trouve reliée à une infinité d'applications différentes. E n outre, cette industrie occupe une position stratégique dans le processus d'apprentissage qui accompagne l'industria­lisation, étant donné que les compétences techniques requises pour la construction des machines peuvent être transférées aux indus­tries convergentes.

L e tour-revolver illustre bien ce phéno­m è n e . Il a d'abord été mis au point en 1845 par une entreprise fabriquant des pistolets pour l'armée américaine. Par la suite, il a été modifié et adapté à de nombreux usages : production de pièces pour machines à cou­dre, montres et horloges, machines à écrire, locomotives, bicyclettes et finalement pour les automobiles, les avions et les vaisseaux spatiaux. L a multiplication, dans la seconde moitié du xtse siècle, de pièces standardi­sées et interchangeables est due à l'invention et à l'utilisation du tour-revolver et de la fraiseuse.

C'est bien à cause d u phénomène de la convergence que l'industrie de la machine-outil occupe une position centrale dans tou­tes les sociétés industrielles. Mais il faut que les clients de cette industrie soient eux-m ê m e s enclins à innover — et réclament toujours des machines améliorées et des pro­cédés nouveaux — pour que l'industrie de la machine-outil puisse remplir sa fonc­tion spécifique de diffuseur de l'innovation technique.

L'apport des petites entreprises japonaises

L e Japon est l'un des rares pays où l'indus­trialisation ait reposé sur l'utilisation d'une abondante main-d'œuvre et sur le secteur de

: source méconnue d'autonomie économique 375

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petites entreprises novatrices. Cette évolu­tion a été rendue possible par les relations spéciales qui liaient les petites et les grandes entreprises. O r de nombreux pays en déve­loppement disposent d'un potentiel écono­mique analogue.

Il est intéressant de noter que la petite entreprise japonaise opère dans des domaines qui sont habituellement l'apanage d'entre­prises plus importantes, l'outillage électri­que, les instruments de précision, le matériel de transport, tout autant que dans les do­maines traditionnels de la petite entreprise —'• travail du bois, ameublement et vêtement. Par rapport aux autres pays industrialisés, au Japon, le taux de création de petites entre­prises est exceptionnellement élevé. Il s'agit donc manifestement, par rapport à l'en­semble de l'économie nationale, d'un secteur dynamique et qui innove. Mais comment expliquer la formation de ces petites entre­prises et le fait qu'elles puissent soutenir la concurrence d'entreprises beaucoup plus im­portantes ?

L a raison en est simple. Dans nombre de secteurs de production, les petites entreprises évitent simplement la concurrence directe en travaillant en sous-traitance pour les grandes firmes. E n 1966, plus de 5 0 % des petites et moyennes entreprises (employant moins de 300 personnes) travaillaient en sous-traitance, alors qu'au R o y a u m e - U n i le pour­centage correspondant est de 6. A u Japon, plus le niveau de technicité d'une production est élevé, plus il est fait appel au système de la sous-traitance. Près de 8 0 % des petits fabricants d'outillage électrique, par exem­ple, en bénéficient. D ' u n e manière générale, les petites entreprises les plus prospères sont celles qui sont liées à de grandes firmes par des rapports de sous-traitance.

A u Japon, petites et grandes entreprises entretiennent également u n autre type de relation qui permet à ce pays de mobiliser et de répartir de manière particulièrement ren­table des ressources par ailleurs assez limi­tées. Il s'agit ici d u réemploi des machines d'occasion. Avant la deuxième guerre m o n ­

diale, les petites entreprises japonaises n'uti­lisaient que du matériel de seconde main. Actuellement la proportion de leur matériel d'occasion est légèrement supérieure à 50 %. Il ne faudrait pas en déduire que l'utilisation de ce type de matériel constitue en elle-m ê m e une solution économique appropriée pour les pays en développement, car ce m a ­tériel n'a de valeur que si des rapports convenables existent entre fournisseurs et utilisateurs.

L'enseignement qu'on peut tirer de l'exemple japonais est que les machines d'oc­casion trouvent leur utilité quand les entre­preneurs qui les fournissent participent en m ê m e temps aux bénéfices du produit fini manufacturé par les sous-traitants. E n l'ab­sence de ce rapport étroit, ou d'un rapport équivalent, les machines d'occasion peuvent se révéler moins rentables que des machines d'importation neuves et coûteuses (ou qu'un modèle fabriqué sur place, mais bien moins efficace)1.

Marchand ou chef d'entreprise ?

L e dernier trait caractéristique de l'économie japonaise, qui implique également des rap­ports particuliers entre grandes et petites entreprises, c'est l'omniprésence des so­ciétés commerciales (au sens de sociétés de vente). Depuis le siècle dernier, la plupart des industriels japonais confient leurs ser­vices et leurs produits à d'importantes so­ciétés de vente et de commercialisation. E n effet, ces sociétés permettent aux petites entreprises, qui peuvent avoir d u mal à écouler leurs produits, d'effectuer des écono­mies d'échelle et d'accéder ainsi à moindres frais aux marchés mondiaux.

Étant donné que l'orientation de la poli-

1. Les pays en développement, où l'on a parlé parfois de « transfert de technologie d'occa­sion » à propos du transfert technologique, devraient tirer profit de cet exemple. L e m o ­dèle japonais pourrait également être pris en considération quand on cherche à attirer des investissements étrangers. ( N D L R . )

376 James E . Clayson

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tique économique au niveau national limitait la participation étrangère dans l'industrie, ceux qui parmi les industriels japonais dési­raient acquérir des machines étrangères de­vaient soit les acheter à forfait (en achetant les brevets), soit les faire construire sous li­cence. Cette politique reposait sur l'hypo­thèse qu'à long terme le coût des brevets et des droits de licence serait inférieur aux intérêts et aux pourcentages exigés par les compagnies étrangères. Elle a eu pour autre conséquence d'obliger toutes les innovations — c'est-à-dire la conversion des brevets en produits — à s'intégrer à l'économie japo­naise, et ce dès le début de son industrialisa­tion, il y a u n siècle.

C'est en raison de cette pratique japonaise de l'innovation locale que l'introduction d'in­dustries grosses consommatrices de capitaux n'a pas entraîné la désagrégation d u secteur industriel déjà en place. A u contraire, ces industries ont contribué à accroître le ren­dement de l'industrie autochtone par le biais d'un processus lent mais continu de méca­nisation, dû aux accords de sous-traitance. Cette réussite exceptionnelle souligne la spé­cificité d u Japon par rapport à d'autres pays d'Asie en voie d'industrialisation — l'Inde en particulier — où l'arrivée des techniques étrangères modernes a entraîné la destruc­tion de l'industrie artisanale. L e Japon a donc réalisé ce que les Britanniques en Inde, les Néerlandais à Java et les Américains aux Philippines n'ont pas su ou pas voulu faire : adapter les structures traditionnelles à des productions et des objectifs nouveaux.

L'ingéniosité dont a fait preuve le Japon dans l'organisation et la gestion d u processus national d'innovation fait apparaître toute l'importance des formes non techniques d'in­novation. O r bien des éléments dont le Japon a su ainsi tirer profit se retrouvent dans les pays en développement, qui, s'ils les intégraient dans leur planification écono­mique nationale, pourraient accroître leur ca­pacité de création technologique autonome.

Nécessité d'une gestion appropriée -

C e sont toujours les innovations d'ordre technique qu'on met en avant. Tel est encore le cas de la doctrine actuelle de la technologie « appropriée » ou intermédiaire, qui se préoc­cupe plus de la conception des machines que de l'organisation des h o m m e s . Il n'existe pas de discipline parallèle qui soit consa­crée à la « gestion appropriée », et pour­tant une telle discipline est à m o n avis nécessaire.

L'Intermediate Technology Development Group Ltd., de Londres, soutient que c'est la forme de la machine — ou la complexité de son agencement — qui détermine en fin de compte la quantité de main-d'œuvre re­quise pour son fonctionnement. Pour obtenir l'utilisation la plus rationnelle possible de la main-d'œuvre, il faut donc rechercher, pour u n outil ou une machine, la forme la plus appropriée : c'est l'objet de l'étude des formes industrielles (design). Mais ce point de vue ne tient pas compte de l'organisation et de la rémunération du travail, qui peuvent être tout aussi déterminantes que la conception de la machine elle-même lorsqu'il s'agit d'évaluer le nombre de personnes employées par machine. D'ailleurs, une des caractéris­tiques essentielles de la vie industrielle dans les pays développés est le fait que les écarts considérables de productivité d'une entre­prise à l'autre et d'un pays à l'autre ne peu­vent plus s'expliquer par des considérations purement techniques, relatives aux différents types ou formes de machines.

N o u s avons déjà analysé les modes d'or­ganisation et de gestion qui ont permis aux Japonais de renforcer le secteur des petites entreprises grosses consommatrices de main-d'œuvre, secteur qui continue à contribuer activement à la croissance économique. Les études de cas qui vont suivre, qui portent sur des pays africains en développement, présentent trois exemples de gestion locale efficace. Ces exemples montrent la capa­cité d'innovation des petites entreprises. U s

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surprendront peut-être m ê m e les écono­mistes qui n'admettent pas aisément l'exis­tence de ce potentiel d'innovation.

La pêche côtière au Ghana

Les pêcheurs de la côte sud-est du Ghana utilisent une seine dont le maniement de­m a n d e beaucoup d ' h o m m e s , de femmes et d'enfants — jusqu'à 200 par filet — dont la participation à ce travail d'ensemble paraît à première vue assez désordonnée. Mais u n examen plus attentif révèle une organisation hautement structurée et une répartition bien définie des tâches et des responsabilités. L e filet central, en forme de poche, comporte deux longues cordes de traction fixées à chaque extrémité. O n charge d'abord le filet sur une pirogue, puis celle-ci est conduite par douze h o m m e s jusqu'à 1 600 mètres de la côte. L'une des cordes demeure solidement attachée au rivage pendant que la pirogue avance. Celle-ci progresse ensuite parallèle­ment à la côte et libère ainsi la poche centrale du filet. Q u a n d le filet a été déployé, le bateau revient vers la côte en tirant la se^ conde corde. A la fin, le filet est ramené à terre par deux équipes de tireurs, près de quatre-vingts tireurs de tous âges qui tra­vaillent ainsi pendant quatre à cinq heures. ;

Malgré les chants, le tam-tam, les cris et sifflets, la pêche au Ghana est une af­faire complexe et hautement organisée. Tout d'abord, les rapports des propriétaires de filets, des organisateurs et des travailleurs sont définis par une série d'accords et de règlements qui peuvent changer toutes les fois qu'une nouvelle compagnie de pêche se forme. Ceux qui manœuvrent le filet se sont engagés officiellement à travailler pour le propriétaire pendant une durée déterminée. C e propriétaire peut être u n pêcheur (ou, plus souvent, u n groupe de pêcheurs), u n fermier, u n commerçant, u n enseignant ou une f e m m e appartenant à une famille sans héritier mâle. L'équipe de travail est sous les ordres d'un professionnel, le bos'n, qui peut être le fils du principal propriétaire. C e

chef n o m m e u n comité d'anciens dont la fonction est d'arbitrer les litiges éventuels pendant toute l'existence de la compagnie.

Chaque compagnie a u n secrétaire profes­sionnel chargé de la comptabilité, qui est parfois assez compliquée. Avant le début du travail, chaque travailleur perçoit une avance en espèces. Il ne touchera le reste de sa r é m u ­nération qu'en fin de saison, car le montant final dépend de plusieurs paramètres : l'im­portance de la prise, la formule de répartition adoptée et l'estimation de la contribution ap­portée par chacun. Les travailleurs sont en outre nourris, logés et suivis du point de vue médical pendant toute la période de travail. Certaines compagnies fournissent le tabac et des boissons.

Les h o m m e s sont incités à se faire ac­compagner de leurs épouses, qui jouent u n rôle essentiel dans la structure : elles consti­tuent la section de l'entreprise chargée de la manutention et de la commercialisation. E n effet, les femmes achètent la prise du jour à u n prix fixé conjointement par le bos'n et leurs mandataires élues. Elles vendent en­suite le poisson, frais ou séché, au prix du marché, et conservent les bénéfices en es­pèces. Cette méthode astucieuse limite les risques de chapardage, car les femmes ser­vent de « banque » à la compagnie.

Il serait possible de compliquer le schéma d'organisation en introduisant des accords de leasing et de location-vente pour des filets et des bateaux neufs. Par ailleurs, on a essayé d'utiliser des appareils de traction méca­nique et des bateaux à moteur, mais, jusqu'à présent, le système de la pirogue et de la traction manuelle au rythme des tam-tams et des sifflets s'est révélé plus rentable.

La distribution du vin de palme au Kenya

Les Giriamas du Kenya vivent à l'intérieur des terres, à une cinquantaine de kilomètres de M o m b a s a , le grand port d'Afrique orien­tale. O n les considère souvent c o m m e le groupe le plus pauvre d u Kenya (d'après le

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revenu par habitant). O r ils ont mis au point pour distribuer le vin de palme une technique complexe et extrêmement perfectionnée. L e commerce du vin de palme n'a jamais été particulièrement encouragé par les autorités et il a m ê m e parfois été proscrit dans cer­taines parties du pays. Pourtant, les Giriamas ont discrètement mis au point leur propre système peur résoudre les problèmes de dis­tribution de ce produit et ce système est tout à fait remarquable.

Il faut savoir que le vin de palme ne se met pas en bouteilles et ne se conserve pas plus d'une journée. O n ne peut donc pas le stocker pour en tirer ultérieurement u n prix plus avantageux. L e prix en est évidemment soumis à des variations régionales, mais ce sont surtout les variations en volume de la production des palmiers qui déterminent les principales différences de prix. Les problè­m e s techniques posés par la nécessité d'assu­rer une distribution rapide du vin exigent la mise en place d'un réseau compliqué de main-d'œuvre expérimentée : pour extraire le vin des palmiers, mettre le vin recueilli dans des calebasses non bouchées, le porter jusqu'à l'arrêt d'autocar le plus proche afin qu'il soit transporté vers des régions dépour­vues de palmiers, le vendre et remettre le produit de la vente — commission déduite — au producteur.

Il est manifeste que ce système repose essentiellement sur une combinaison d'orga­nisation et de comptabilité comparable à celle que j'ai décrite dans le cas des pêcheurs ghanéens. Il est peu probable qu'un diplômé en gestion des entreprises de l'Université Harvard ou u n expert-comptable sorti de la London Business School auraient réussi à mettre au point, dans des conditions ana­logues, u n système aussi efficace.

î t

Les fabricants de porte-bagages de bicyclette à Nairobi

L a dernière activité aux allures fausse­ment anodines que j'aimerais étudier à titre d'exemple se situe dans u n terrain vague

contigu à la zone industrielle et au stade de football de Nairobi. Des h o m m e s et des garçons, au nombre de neuf, s'affairent au­tour de plusieurs assemblages métalliques d'allure primitive fixés à de gros poteaux de bois solidement plantés dans le sol. Il n'y a pas d'établis, on n'aperçoit ni matériau brut, ni produits en cours de finition, ni articles finis. L e travail s'effectue à l'air Ubre et per­sonne ne semble diriger les opérations.

E n fait, les assemblages métalliques sont u n exemple de la construction mécanique locale : ce sont des machines à couper et à cintrer le métal fabriquées à Nairobi. Trois h o m m e s partagent la possession de ces m a ­chines et les louent à d'autres groupes. Ici, cinq h o m m e s travaillent à titre individuel et deux autres travaillent ensemble, et les uns et les autres emploient des écoliers de temps en temps. Leur matière première est c o m p o ­sée de déchets métalliques récupérés dans les industries voisines du secteur organisé1. Quant au produit, il a été conçu par les propriétaires des machines : ce sont des porte-bagages de bicyclette qui, fixés à une bicyclette de type courant, la transforment en un mini-engin de livraison. C e modèle est résistant et durable, il est vendu à u n prix raisonnable et il est supérieur aux modèles fabriqués par le secteur « moderne » et très élaboré qui occupe maintenant au Kenya la plus grande partie d u marché.

Cette étude de cas et celles qui l'ont pré­cédée ne sont pas des études d'économistes : les deux premières ont été rapportées par des anthropologues et la dernière par un historien. Ces chercheurs ne se préoccupaient pas de formuler leurs résultats sous forme de modèles économiques et aucun d'eux n'a prononcé le m o t d' « innovation ». Et pour­tant, ces études décrivent des formes de tra­vail originales, qui témoignent d'un sens

ï. O n trouve une analyse détaillée de la fonction du secteur « inorganisé > de l'économie dans : M . S A R I N , « Les établissements humains et l'organisation sociale de la production », Im­pact : science et société, vol. 27 (l977)> n° 2.

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certain de l'innovation dans le domaine éco­nomique et d'une grande ingéniosité or-ganisationnelle.

Si ces exemples sont vraiment représen­tatifs — et il y a tout lieu de croire qu'ils le sont — il est manifeste que les pays en déve­loppement font preuve de plus d'originalité et d'esprit d'innovation et d'une productivité plus élevée qu'on ne le croyait. Seulement, il faut savoir les y rechercher. Et si nombre d'études seront encore nécessaires, déjà les économistes se préoccupent du secteur dit inorganisé, dont on est fondé à dire que c'est une source prometteuse d'innovations.

Une source méconnue d'innovation locale

E n 1972, un rapport de l'Organisation inter­nationale du travail ( O I T ) concernant le Kenya a provoqué u n vif émoi, car il y était déclaré que 40 % de la main-d'œuvre e m ­ployée au Kenya dans l'industrie m a n u ­facturière et les services n'avait pas été re­censée jusqu'alors et que non seulement les personnes non recensées travaillaient, mais qu'elles produisaient des biens et des services très largement utilisés. C e secteur informel (c'est le terme qui fut alors forgé) a donc vu le jour il y a six ans pour les be­soins du recensement. C e terme excluait tous les individus que les autorités du Kenya pouvaient recenser pour T O I T par le biais des registres d u commerce et des rôles d'im­position ; tous les autres entraient donc dans le secteur « informel ».

Il n'y a rien d'étonnant à ce que ce secteur économique du Kenya ait p u passer aussi longtemps inaperçu. Les catégories établies en Occident pour décrire les petites entre­prises (petits commerces, artisanat, indus­tries familiales, petites fabriques) sont ina­déquates face à l'étendue et à la variété des activités d'un pays c o m m e le Kenya. C o m m e ces catégories sont issues d'une autre culture, leur grille ne s'accorde pas aux réalités éco­nomiques locales.

L a catégorie du petit commerce comprend, par exemple, les tenanciers de petites bou­

tiques, de restaurants, de bars et de garages. Mais doivent aussi y figurer les commerçants ambulants : camelots, colporteurs, répara­teurs, récupérateurs de déchets. Les contre­bandiers, les braconniers, les trafiquants de drogue et les prostituées appartiennent vrai­semblablement à ce secteur aussi : tous ces métiers font appel à beaucoup de main-d'œuvre, permettent de réaliser des bénéfices et financent certaines activités du secteur « légal ».

O n considère en général l'artisan c o m m e u n fabricant qualifié de marchandises tradi­tionnelles : tapis, bijoux, poteries. Cette dé­finition classique est par trop restrictive. A l'heure actuelle, au Kenya , u n grand n o m ­bre de travailleurs indépendants, qu'on pour­rait qualifier plutôt d'artisans-entrepreneurs, exercent leur activité dans les zones urbaines et produisent des objets ménagers non tradi­tionnels ainsi que des vêtements pour le vaste marché que constituent les classes pauvres des villes. O r ces artisans ont plutôt tendance à innover. Ils désirent manifes­tement accroître leur surface économique et réaliser des bénéfices plus importants.

Quelques conclusions

Les catégories traditionnelles de l'industrie artisanale et des petites entreprises ne s'ap­pliquent guère à des pays c o m m e le Kenya. E n effet, on n'y trouve pratiquement pas d'industrie artisanale, et les manufactures du secteur « organisé » emploient en moyenne bien plus de 50 ouvriers. Les économistes ont néanmoins tenu à appliquer la catégorie d'industrie artisanale, qui n'est pas perti­nente, et, dans le m ê m e temps, ils ont complètement négligé une autre catégorie qui représente au Kenya l'équivalent des pro­fessions libérales : il s'agit de ceux qui pra­tiquent la médecine traditionnelle, les sages-femmes , les herboristes, les fabricants de fétiches, les prêtres, les spécialistes d u droit coutumier tribal, les marieurs et entremet­teurs, les prêteurs sur gages, les maîtres de l'enseignement religieux et les scribes.

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O n ne saurait plus longtemps laisser de côté le secteur non organisé. D e s études ré­centes menées par l'Organisation internatio­nale du travail et d'autres organisations ont montré l'importance de ce secteur qui crée des emplois, produit des biens et fournit des services. Je pense que des études ultérieures feront apparaître que ce secteur non orga­nisé est également générateur de nouvelles méthodes de commercialisation et de gestion

Pour approfondir le sujet

Bolton report on the role of the small firm in Britain. Londres, H M S O , 1972.

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M A R R I S , P . ; S O M E R S E T , A . African

businessmen : a study of enterpreneurship

qui peuvent trouver de nombreuses applica­tions. Il s'agit maintenant de mettre à profit toutes ces ressources locales pour qu'elles servent l'ensemble de l'économie des pays en développement. Pour cela il faut que le secteur non organisé et ses petites entreprises novatrices soient directement reliés au sec­teur organisé. L'exemple d u Japon permet d'affirmer qu'une telle transition est possible.

D

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L'innovation locale : source m é c o n n u e d'autonomie économique 381

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La science et la dépolitisation Michael W . Jackson

Dans les pays développés comme dans les pays en développement, on a cherché dans la science, liée à la politique par notre crainte de la pauvreté, de nos ennemis et de la mort, la solution de beaucoup des problèmes les plus pressants de politique des pouvoirs publics. L'industrialisation, la défense et la médecine — créées en tout ou en partie par la science — pourvoient à nos besoins essentiels. Discuter de la science et de la politique des pouvoirs publics dans l'optique du transfert intégré de la technologie nécessite un élargissement de la conception de la science, associant la technologie à la recherche fondamentale et appli­quée sur le développement. L'intérêt de l'approche scientifique apparaît immédiatement si on la compare à l'approche législative dans le cas, par exemple, de la distribution de ressources insuffisantes. Alors que l'approche législative ne peut aboutir qu'au partage des ressources existantes, la science a le pouvoir d'en créer de nouvelles pour répondre à des besoins nouveaux.

Il n'existe pas d'organisation politique qui recoure exclusivement à l'une de ces ap­proches des problèmes. L a plupart donnent plus de poids à l'une ou à l'autre, quoiqu'on prétende réaliser entre elles u n juste équi­libre. L e déterminant principal de la place faite à la science dans la politique des pou­voirs publics est incontestablement la nature et la portée de l'activité scientifique dans la société dont il s'agit. L a science prévaut donc en tant qu'instrument de la politique du gouvernement dans une société indus­trielle. Mais l'approche scientifique de la gestion des affaires publiques ne sera nulle­ment négligée dans une société en dévelop­pement si l'État s'attache à réaliser u n trans­fert intégré de technologie.

Préconiser un transfert intégré de la science et de la technologie constitue une sorte de proclamation d'indépendance scien­tifique, grâce à laquelle une économie en développement espère se doter d'une infra­

structure répondant à ses besoins. L e pays va donc cesser d'être tributaire de l'impor­tation de connaissances techniques coûteuses, notamment Har^ le domaine de l'ingénierie et des découvertes scientifiques. L a réalisa­tion de cet objectif suppose à la fois u n effort du pays et une aide extérieure.

U n e fois la décision prise de moins faire fond sur la science étrangère en créant une base scientifique nationale, il convient d'exa­miner l'intérêt que présente la science, à cer­tains égards, pour les responsables de la politique générale. Il faut faire son profit des leçons à tirer des caractéristiques de la science et des conséquences de son emploi c o m m e instrument de la politique générale dans les pays industrialisés pour éviter des erreurs dans d'autres pays.

Déjà, fort épineux, les problèmes i m m é ­diats de transfert de technologie s'accom­pagnent des problèmes à long terme non moins délicats que pose la façon dont il faut

impact : science et société, vol. 28 (1978), n" 4 383

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Michael W . Jackson

L'auteur, jeune politologue titulaire d'un P h . D . de théorie politique décerné par l'Université à"Alberta (Canada), fait partie du conseil de rédaction d'une nouvelle série de monographies sur la théorie sociale et politique publiée par l'Université nationale australienne. Il est membre du Comité de recherche sur la science et la politique de l'Association internationale de science politique et a fait partie de l'Association des scientifiques, ingénieurs et technologues du Canada (SCITEC). Adresse : c\o Department of Government, The University of Sydney, N S W , 2006 (Australie).

concevoir les relations entre la science et là politique. U n transfert de technologie destiné * à atteindre les objectifs d'une politique offi­cielle peut s'accompagner du transfert d'un certain état d'esprit technocratique. Cet éthos technocratique mérite u n examen aussi cri­tique que' la technologie elle-même. D e m ê m e qu'il existe plus d'une technologie, il existe plus d'un type d'attitude technocra­tique. Je voudrais examiner ici u n genre par­ticulier de perspective technocratique carac­téristique de pays tels que l'Australie, le Canada et les États-Unis d'Amérique. Elle n'est pas leur privilège exclusif, car elle intervient aussi plus ou moins dans les rela­tions entre la science et la politique dans d'autres pays.

Substituts de l'action politique

Les deux approches — scientifique et poli­tique — des problèmes liés au choix d'une politique générale procèdent de perceptions différentes de ces problèmes et appellent des lignes d'action différentes. V u e sous cet angle, une science vraiment féconde promet de mettre u n terme aux conflits, et non pas

simplement de les gérer. O r mettre u n terme aux conflits, c'est mettre u n terme à la politique. Si l'on juge possible de mettre u n terme aux conflits, on devra, au Heu de cher­cher l'articulation, l'agrégation, la conver­sion et la mobilisation de la politique propres à déterminer les priorités, promouvoir une coopération rationnelle pour faire progresser la science et, par là, résoudre nos problèmes. N o u s n'aurons plus la responsabilité morale de protéger jalousement et d'affirmer nos intérêts dans le domaine politique.

Il y a de très bonnes raisons pour que l'ap­proche scientifique paraisse une méthode séduisante de formulation de la politique gé­nérale. L e postulat de base dont on part alors est que la science — en tant que connais­sance — est génératrice de richesse, et que la richesse est génératrice de bonheur. L à connaissance, la richesse et le bonheur sup­priment la cause des conflits : la politique. U n e ville heureuse est une ville dépolitisée. Cette conception de la politique générale postule que les conflits résultent, directe­ment ou indirectement, d'un m a n q u e . Faire disparaître ce m a n q u e grâce à la production rendue possible par la science ôte toute raison d'être à la politique en tant que fac­teur d'ordre.

D a n s son rôle d'instrument pratique et conceptuel de détermination de la politique des pouvoirs publics, la science apporte avec elle bien des choses (par exemple, l'ingénierie et d'autres aspects de la technologie) que ni u n physicien ni u n philosophe n'assimile­raient à la science, mais avec lesquelles il faut compter pour explorer l'interface de la science et de la politique. L a science et les activités connexes sont donc présentées, quand l'accent est mis sur la science dans la politique des pouvoirs publics, c o m m e étant d'abord des compléments, puis dès substi­tuts des activités politiques de conflit,: de coercition, de conversion, de compromis et de consensus. - Préconiser la science c o m m e solution des problèmes liés au choix d'une politique des pouvoirs publics, c'est considérer le m a n q u e

384 M . W . Jackson

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c o m m e la cause des problèmes, et la richesse c o m m e le m o y e n d'y remédier. L a politique générale, pour ce qui est de ses effets, se ramène alors à l'action en termes économi­ques et l'économie, érigée en politique, est alors conçue en fonction de la science. L'in­suffisance des biens n'est sans doute que l'un des nombreux problèmes dont la poli­tique doit trouver d'urgence la solution, mais elle devient le seul quand l'art de la politique se ramène à la science de l'écono­mie. Depuis, seules les insuffisances d'ordre économique auxquelles la science est à m ê m e de remédier peuvent être atténuées par son application.

Les insuffisances auxquelles la science ne peut porter remède sont innombrables. Cer­tes, les progrès de la recherche peuvent être accélérés, mais elle suit sa logique à elle, qui a des racines profondes. L'approche scien­tifique de la politique des pouvoirs publics fait abstraction de certaines possibilités m o ­rales qui lui sont offertes en l'assujettissant, d'abord, aux dictats de l'économie et de l'insuffisance et, ensuite, à ceux d'une ap­proche technologique censée obéir à des règles bien définies et totalement amorales, c'est-à-dire aux lois de la nature et aux impératifs de la méthode scientifique.

Valeurs positives et vues optimistes

Les partisans enthousiastes d'une approche scientifique dans la politique des pouvoirs publics (telle qu'on l'évoque ici) prédisent qu'en ramenant la politique à l'économie et l'économie à la science on réalisera des pro­grès matériels qui faciliteront, par la suite, le progrès moral. Cette assurance de progrès va permettre, en politique, u n relâchement des principes moraux, avec la conviction que ces principes ne seront pas vraiment oubliés, mais simplement placés moins haut dans la hiérarchie des priorités. Ces valeurs, aux­quelles on va maintenant dénier toute ex­pression, en retrouveront une quand les be­soins matériels auront été satisfaits [ï]1. Cette

façon de voir des enthousiastes a u n côté positif et optimiste : positif parce qu'ils sont convaincus que cette démarche en deux étapes est souhaitable, optimiste parce qu'ils la croient réalisable.

Dans les développements qui suivent, nous considérons que la question d'opportu­nité doit avoir le pas sur la question de possibilité. Pour définir bien exactement les contours de l'approche scientifique de la politique des pouvoirs publics, nous divi­serons le reste de cet essai en six parties.

L a première apportera une toile de fond en évoquant certains aspects du libéralisme et de l'individualisme. O n examinera, dans la deuxième, la question de la politisation de l'administration et de la dépolitisation de la politique dont elle s'accompagne, l'une c o m m e l'autre procédant du libéralisme-individualisme. O n conclut, dans la troisième, que les conditions d'exercice du pouvoir changent à mesure que la politique se dépo­litise. L a quatrième partie analyse le phéno­m è n e de réduction de la politique à l'éco­nomie, et la cinquième étudie celui de la réduction de l'économie à la science. L a dernière partie énonce une série de conclu­sions à tirer.

L'individualisme

Si l'on considérait le m a n q u e c o m m e sans remède, il échapperait, c o m m e les dieux, à la maîtrise de l ' h o m m e et ne pourrait donc pas donner lieu à une politique des pouvoirs publics. Mais, c o m m e l'industrialisation re­met en question les limites fixées de la productivité, on peut considérer que les insuffisances ne sont pas sans remèdes. L'in­dustrialisation peut alors donner naissance à des idéologies, des mouvements et des or­ganismes voués à les faire disparaître. Alors que les idées traditionnelles liaient les conflits sociaux aux limitations m ê m e s de la nature humaine, les idéologies génératrices de l'ère

ï. Les chiffres entre crochets renvoient à la bibliographie à la fin de l'article.

L a science et la dépolitisation 385

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de l'industrialisation (ou qui en sont le pro­duit) reconnaissent que les limites où s'ins­crivent les insuffisances ont bien plus d'im­portance.

Pourvoir aux insuffisances, c'est apaiser les conflits. Engels rejoint les idées de n o m ­breux libéraux lorsqu'il écrit que son but était de remplacer « le gouvernement de personnes », rendu nécessaire par l'existence d'insuffisances, par T « administration des choses » que permet l'abondance [2]. Sous la contrainte de l'insuffisance, la distribution des biens et des services est une opération dont le bilan est nul. D e ce fait, le jeu nécessite u n arbitre doté d'autorité qui i m ­pose le respect des règles et assure le main­tien de l'ordre. L'arrivée de l'abondance permettrait une distribution dont le bilan serait positif, et la perspective d'avantages pour tous qu'elle ouvrirait met la coopéra­tion à l'ordre d u jour.

L a doctrine des droits individuels est une source de fierté dans le libéralisme. Ces droits de l ' h o m m e définissent le rôle d u citoyen et. protègent en m ê m e temps ses intérêts. Leur rôle principal — c o m m e celui de la vie publique dans le libéralisme — est, c o m m e l'a dit John Stuart Mill, non pas de faire en sorte que leurs bénéficiaires puissent gouverner, mais de faire en sorte qu'ils ne soient pas mal gouvernés [3]. L'exercice de ces droits doit donc aboutir non pas à diriger la planification, mais à en prévenir les excès.

L a vie publique — et par suite la politique des pouvoirs publics — est axée dans de nombreuses sociétés sur les intérêts privés et individuels des citoyens. L 'une des carac­téristiques du service ainsi assuré est l'im­portance reconnue à la propriété privée [4]. O n admet de façon générale que tous les problèmes de la collectivité sont susceptibles de solutions allant dans le sens des intérêts de l'individu; or il s'intéresse avant tout à ce qu'il soit mis fin aux insuffisances de l'intérêt principal. L e rang de priorité élevé accordé à l'action visant à y remédier est justifié par le fait que ces insuffisances peu­vent être génératrices de conflits.

Avantages moraux ou avantages matériels ?

Les intérêts individuels sont considérés c o m m e étant ceux des consommateurs de biens et de services. C o m m e on estime que le bien-être matériel est la condition nécessaire du bien-être moral, on lui donne la priorité dans l'élaboration de la politique. L a zone frontière où passe la transition entre la poli­tique du bien-être matériel et celle du bien-être moral paraît cependant se situer sur u n horizon lointain qui recule à mesure qu'on s'en approche. Entre-temps, le confort m a ­tériel fait son chemin, qui ne conduit pas vers cet horizon.

Si l'on souscrit à l'idée libérale selon la­quelle la liberté est synonyme d'efficacité et de productivité, on n'envisage pas d'action extérieure orientant la condition matérielle vers la santé morale. Tant que la prospérité matérielle continue à croître, nous restons libres de la poursuivre. D e plus, c o m m e la politique est axée sur les intérêts de l'indi­vidu, on doit respecter la préférence pour le progrès matériel.

Les biens moraux et les biens matériels ont cela de c o m m u n que leur jouissance sup­pose une communauté d'efforts, mais ils diffèrent du fait que les valeurs morales ne peuvent être appréciées que collectivement (alors que les biens matériels sont en grande partie consommés dans le privé). O n peut consommer des biens matériels en tenant compte d'autrui, ou, c o m m e le dernier sur­vivant de la Terre évoqué dans la littérature d'anticipation, sans en tenir compte. Mais il n'en est pas de m ê m e pour les biens moraux de la communauté , qui ne peuvent être ni consommés ni appréciés dans le privé. L a valeur morale, c o m m e la vertu, qui s'attache à attendre son tour dans une file ou à assister une personne âgée, n'est envisageable et ne donne satisfaction qu'en public.

L e souci de reculer indéfiniment les li­mites d u bien-être matériel, au n o m d'un éventuel bien-être moral, procède d'une poli­tique individualiste et la nourrit. C e sont les droits de l'individu, et non les responsabilités

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de groupe, qui ont la primauté. C e genre d'individualisme, qui n'est nullement l'apa­nage d'une culture particulière, trouve très souvent un terrain où il peut prospérer [5].

La dépolitisation

L a fin détermine les moyens. Si l'objectif est de faire disparaître l'insuffisance, la création de richesse est le m o y e n de l'atteindre. Puisque l'abondance est censée conduire au bonheur, la croissance économique exerce une fascination qui fait qu'elle comporte un élément de fraternité [6]. L a société m o ­derne, ravie de cet appel à la fraternité, semble avoir adopté c o m m e principal impé­ratif la nécessité de produire le plus possible en domestiquant la nature [7]. Cette maî­trise de la nature exige u n effort concerté de tous les citoyens : la coopération rationnelle remplace l'esprit de parti en tant que pré­cepte régissant la vie moderne.

Il vaut la peine de noter en détail la description que donne de ce genre d'or­ganisation politique non partisane u n de ses plus ardents promoteurs. U n e organi­sation dépolitisée doit posséder « certaines caractéristiques épistémologiques ». Celles-ci comprennent « des catégories de pensée plus fécondes », « une dissociation de l'ego vis-à-vis du m o n d e extérieur et intérieur », des rêves inconciliables avec le réel, l'abstraction réfléchie, la variabilité des critères d u vrai et, de façon générale, une nouvelle philosophie de la connaissance. Ces changements d'ordre épistémologique entraînent aussi des change­ments dans les processus d'élaboration de la politique des pouvoirs publics. O n y retient plus souvent des critères scientifiques, de préférence à des critères politiques ou idéo­logiques [8]. L'idéologie est dépassée par la science, presque de la façon dont M a r x voyait l'État finalement dépérir. N o s ambi­tions trouvent leurs chances de se réaliser grâce au processus ordonné de la science et non au processus désordonné de la politique.

L e libéralisme individualiste, convaincu de l'utilité de la vérité en politique, s'emploie

à ouvrir des voies à la science. U n régime traditionnel pourra supprimer complètement l'enquête scientifique, u n régime radical pourra la réorienter, mais u n régime libéral se refait lui-même à l'image de la science. Les problèmes et les priorités de la politique des pouvoirs publics sont repensés en fonc­tion des possibilités de la science, qui exige la clarté et la rationalité. L a technique est le m o y e n de résoudre les problèmes.

Les connaissances apparemment solides qu'apporte la science chassent les idées plus nuancées, démentant ainsi la loi de Gresham [9]. C e sont les techniques et non les idées qui ont la vedette dans la vie p u ­blique [10]. O n peut citer, parmi les n o m ­breux indices de la priorité de la technique, l'autoréglementation des professions, où l'au­torité est déléguée à des spécialistes du droit, de l'ingénierie ou de la médecine. Plus im­portante encore est la mainmise de la techno­cratie sur les partis politiques et le gouverne­ment lui-même. "

Experts et technocratie

L ' u n des rôles que les manuels assignent traditionnellement aux partis politiques est de simplifier et de communiquer les pro­blèmes. Les partis politiques s'en sont peut-être préoccupés dans le passé, mais il ne semble pas qu'ils s'y attachent aujourd'hui. L'une des formes que revêt fréquemment la dépolitisation consiste à invoquer des prin­cipes juridiques et constitutionnels [11], ainsi qu'à neutraliser les problèmes politi­ques délicats par des arguments économiques compliqués. D'autre part, les partis poli­tiques, c o m m e les gouvernements qu'ils forment, ont pris conscience de l'importance de la recherche. O n a autant de chances de trouver, au siège d'un parti politique na­tional, une section de recherche qu'une section de politique (la première pouvant tenir lieu de la seconde).

Submergé de problèmes complexes, u n gouvernement qui adopte une approche scientifique pour déterminer sa politique est

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très vite accablé de tâches qui dépassent ses possibilités. Il fait alors appel à des experts pour y faire face, sériant ainsi les problèmes pour s'y attaquer et les résoudre plus facile­ment. M ê m e les éléments du gouvernement directement élus, les détenteurs du pouvoir exécutif par exemple, revêtent le manteau de la technocratie. Qu'il s'agisse du cabinet, du premier ministre ou du président, l'exécutif s'entoure d'experts. Et cette transformation des questions politiques en questions tech­niques intervient non seulement au sein du gouvernement, mais aussi dans la c o m m u n i ­cation du gouvernement avec le public U n observateur a pu écrire que les Commissions royales britanniques servaient surtout, au­trefois, à sonder l'opinion publique au m o y e n d'auditions auxquelles chacun pouvait par­ticiper, mais que ce rôle s'était amenuisé parce qu'elles consacraient beaucoup plus de temps à la recherche [12].

Plus le conflit dans une société est profond, plus on cherche, aussi bien en Europe que dans le tiers m o n d e , à lui trouver des solu­tions technocratiques. U n État marqué par u n cloisonnement irréductible et qui va s'aggravant en matière de langue, de religion, de culture et de géographie — le Canada par exemple — est confronté à de graves problèmes. L e fait que le Canada vit à l'ombre peu revigorante des États-Unis n'en facilite pas la solution. L e Parti libéral, longtemps dominant au Canada, cherche dans la technocratie des solutions à deux des principaux problèmes politiques du pays : l'unité et l'indépendance. Si, c o m m e l'a dit un observateur, les libéraux canadiens sont u n parti centriste à l'européenne à l'œuvre dans le Nouveau M o n d e , il se peut qu'il se soit tourné vers la recherche pour découvrir où se trouvait le centre dans l'éventail des partis politiques [13].

Donner la primauté à la connaissance est la donner aux experts. Lorsque les respon­sables de l'élaboration de la politique font confiance aux experts de sa mise en œuvre, ils associent deux notions distinctes. Cela n'est pas sans quelques avantages, mais la

distinction entre la politique et l'adminis­tration se perd avec le temps. Dans de petites sociétés, lorsqu'un m ê m e groupe reste long­temps au pouvoir, les politiciens et les admi­nistrateurs qui vivent et travaillent long­temps en contact en arrivent à une certaine communauté d'idées supposant des conces­sions de part et d'autre, un peu c o m m e le fait un couple marié depuis longtemps [14]. Sinon, l'efficacité aurait beaucoup à en souf­frir. D e plus, c o m m e c'est le cas dans la plupart des mariages, il est rare que la découverte de ce terrain d'entente résulte de concessions égales de part et d'autre ; il s'agit plutôt, en quelque sorte, d'un plus petit c o m m u n dénominateur. Pour la poli­tique et l'administration, ce dénominateur est la technique qui définit les conditions d'exercice du pouvoir.

Conditions d'exercice d u pouvoir

Dans la mise en œuvre d'une politique scientifique, on cherche aux problèmes des solutions à bilan positif de façon que, sans que changent nos valeurs, nous puissions changer les faits pour les maintenir. N o u s ne changerons pas ; c'est le m o n d e qui chan­gera. Q u a n d les faits s'opposent à la réalisa­tion de ces valeurs, il s'agit de les modifier en développant nos connaissances au lieu de modifier nos priorités (ou nos valeurs). Cela étant, la politique ne peut pas cheminer plus vite que la recherche.

A mesure que les questions de politique des pouvoirs publics se trouvent ramenées à des questions de connaissance, deux change­ments notables interviennent. Premièrement, l'identité du questionneur n'est plus la m ê m e . C e sont les experts techniques — et non pas l ' h o m m e de la rue ou les notabilités — qui posent les questions. Deuxièmement, quand le questionneur change, la question cesse d'être une question de valeur pour devenir une question de fait1.

1. Cette notion évoque les analogies entre la théo­rie de la relativité d'Einstein et le principe d'in­certitude, ou d'indétermination, d'Heisenberg.

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Les questions liées à la politique des pou­voirs publics portent sur des faits et/ou des évaluations. Les questions techniques posées aux experts ne portent généralement que sur des faits. Dégager des faits est la condition imposée aux experts pour qu'ils puissent participer à la décision. L a recherche est u n moyen de trouver des réponses non arbi­traires [15]. C o m m e la technocratie ne peut répondre qu'à des questions de fait, on ne peut lui en poser d'autres. L a politique est ainsi ramenée à la technocratie ; les questions normatives ne trouvent plus d'interlocuteur.

L a mise au point laborieuse d'un consen­sus sur des questions normatives entre les chefs et leurs partisans risque d'être un effort inutile quand la technocratie c o m ­m a n d e . Dans l'hypothèse où le consensus se dégage de la recherche scientifique ( c o m m e aux urnes) au lieu d'être le résultat d'une action politique, le libéralisme technocratique a les yeux tournés vers l'avenir.

Comment la politique peut se ramener à l'économie

U n e fois dépolitisée, la politique devient une activité technique semblable à toutes les autres [16]. Cette forme de technocratie a acquis droit de cité dans une grande partie de l'Europe, où des questions autrefois dé­battues par les partis politiques sont main­tenant confiées à des experts [17]. Les influences matérielles et économiques sont les principales données concrètes dont traite la technocratie. Elle fait fi des idées et des idéologies, de sorte que, par exemple, les révolutions sont considérées c o m m e résul­tant de la pression d'insuffisances et non d'un élan de l'idéologie.

C'est ainsi qu'on arrive à la « théorie de la convergence », selon laquelle, par exemple, les ressemblances de l'Union soviétique et des États-Unis du point de vue industriel ont plus d'importance que leurs différences d'idéologie dans la détermination de leurs politiques intérieure et étrangère [18]. D e m ê m e , les facteurs matériels ont le pas sur

les idées en politique intérieure, par exemple dans le cas de la délinquance juvénile [19]. « N o u s s o m m e s si habitués à ce qu'on expli­que les problèmes politiques par des causes d'ordre économique ou par l'influence de la structure des classes, des relations sociales ou des conditions culturelles que nous fer­m o n s avec agacement le livre d'un auteur qui pense différemment [20]. »

Il n'y a rien d'étonnant à ce que dans une organisation politique entichée de science quand il s'agit de déterminer une ligne d'ac­tion, c o m m e c'est le cas aux États-Unis, un enquêteur ait constaté, après une analyse linéaire d u contenu des thèmes de pro­pagande électorale, qu'il y était beaucoup moins question de moralité et beaucoup plus de bien-être matériel que dans le passé [21].

O n relève des phénomènes analogues dans des régimes expressément voués au maté­rialisme [22].

Comment l'économie peut se ramener à la science

L a mobilisation de la science au service de la politique pendant la deuxième guerre m o n ­diale a laissé derrière elle une tendance irré­pressible à faire de la science un instrument de la politique. C'est ainsi qu'en 1967 le doyen d u Collège des sciences de l'ingénieur d u Massachusetts Institute of Technology a p u dire : « Je doute qu'il puisse exister là une crise urbaine, mais, s'il y en avait une, le M . I . T . la résoudrait en procédant c o m m e nous l'avons fait face à la deuxième guerre mondiale [23]. » O u encore, c o m m e l'a dit une sommité très écoutée du public, l'appli­cation de la science à la politique des pou­voirs publics nous permettra de trouver « des solutions à nos problèmes sociaux dont le bilan ne soit pas nul » [24].

D'après George Grant, si la technologie exerce une fascination aussi forte, c'est parce qu'on y voit le m o y e n de libérer Fhumanité du joug de la nécessité. L a science est ainsi considérée c o m m e m o y e n de rachat de notre

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dette envers la nature [25]. L'ethos techno-^ cratique d u libéralisme moderne enseigne, selon Grant, que la puissance de la techno­logie est u n facteur d u progrès de l ' h o m m e . Convaincu que « les questions liées au bien de l'humanité doivent être résolues par la technologie », le libéralisme technocratique conclut que « l'activité humaine la plus importante est l'étude des sciences orientées vers la conquête de la nature, humaine et non humaine » [26]. L a société moderne de­vient ainsi, dans une large mesure, une so­ciété productrice [27]. ' ' ;

C o m m e la connaissance scientifique est censée alimenter, directement ou indirecte­ment, l'expansion économique, elle est la pierre angulaire de la politique des pouvoirs publics. Pour citer les paroles d'un ministre des relations avec le Parlement : « Les pro­blèmes les plus pressants de l'humanité... ne peuvent être résolus que par u n effort judi­cieusement orienté dans le domaine de la science et de la technologie » [28].

Quelques conclusions

Pour éviter tout malentendu, reconnaissons d'abord que la connaissance, la richesse et le bonheur sont choses merveilleuses : il n'est pas une ligne du présent essai qui postule le contraire. D'ailleurs, u n examen critique du rôle de ces concepts dans la détermination de la politique des pouvoirs publics n'aboutit pas à les dénigrer, mais à les mettre en valeur en les démystifiant.

L'ethos technocratique dont nous avons parlé procède d'un certain arrière-plan cultu­rel. Pour autant que celui-ci intervient dans le transfert d'une technologie, il peut être im­porté avec elle. Pour ne citer qu'un exemple dont l'importance est loin d'être négligeable, le manuel d'exploitation d'une machine est écrit dans la langue d u pays exportateur. Importer la machine, c'est donc aussi im­porter u n peu de la langue de ce pays et de ses idées. L'effet cumulatif de l'impor­tation de technologies et de concepts accroît l'intérêt d'un transfert intégré de technolo­

gies qui, à son tour, aide le pays en dévelop­pement bénéficiaire dans son approche de la science (conçue dans son sens général), ce qui fait que le pays finira par ne plus être tributaire de ces deux types d'importation. Il faut donc éviter une importation incons­ciente de technocratie lorsqu'on importe une technologie.

Il est clair que l'ethos technocratique peut apparaître dès qu'on adopte une approche scientifique de la politique des pouvoirs publics. Cela tient plus au souci de tirer parti de ce dont on dispose qu'à une décision délibérée d'adopter u n certain point de vue plutôt qu 'un . autre. L a technologie et la technocratie sont des moyens d'intervention bien tentants. D o n n e z u n marteau à u n très jeune enfant : il va s'en servir à tort et à travers1. D e m ê m e , nous s o m m e s tous u n peu des enfants quand nous s o m m e s armés de l'outil magique de la technologie et nous devons résister à la tentation de l'employer inconsidérément. N o u s avons besoin de l'ou­til, mais il faut se garder d'en abuser.

Solutions rationnelles ou solutions optimales ?

Pour comprendre la nécessité d'une certaine retenue d a m l'usage que nous faisons de la science pour choisir une politique générale, il faut s'arrêter u n instant aux relations entre la connaissance scientifique, la richesse et la satisfaction sur le plan politique. Il est incontestable que la connaissance est très souvent productrice de biens, et que la richesse est très souvent la clé qui ouvre la porte du bonheur. Alais ce n'est pas toujours le cas. L'économie et la: science sont plus complexes qu'elles le paraissent aux enthou­siastes qui veulent en appliquer les techni­ques à la solution des problèmes liés à l'éla-i

1. A propos de cette reaction « réformiste », voir R . C L A R K E , « L'urgente nécessité d'une 'contre-technologie' », Impact : science et société, vol. X X I H (1973), n° 4, p. 283. Voir aussi, W . H A R M A N , « Understanding social change », Futures, vol. 10, n° 2, avril 1978. ( N D L R . )

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boration d'une politique des pouvoirs publics. t Il existe, certes, des rapports entre la b

connaissance, la richesse et le bonheur ; mais ramener l'art de la politique à la science v de l'économie et celle-ci à la science tout e court risque d'être dangereux. L e sage a g toujours su que la solution économiquement s ou scientifiquement la plus rationnelle n'est E pas toujours la meilleure. p

Il existe peut-être u n fil conducteur dans I le dédale des questions apparemment dis- d parates dont fait état la politique des pou- d voirs publics. Les promoteurs de la protec- c tion de l'environnement et les champions p d u développement industriel peuvent, mal- L gré le désaccord profond qui les sépare, être f sincèrement convaincus, les uns et les autres, g qu'il existe des liens entre la connaissance, t la richesse et le bonheur. Il serait bon que s cette foi soit tempérée par une juste appré- r dation de l'incertitude de ces liens. c

- ,'. s

Choix et décision g

Bien plus, on aurait tort de supposer que les / problèmes de base liés à la politique des pou- 1¡ voirs publics comportent nécessairement des p solutions, quoi qu'en ait dit le ministre cité e plus haut. Les différences d'intérêts, d'opi- o nions et de perspectives tiennent à la nature p m ê m e de la société. Ces différences sont gé- q nératrices d'une coopération à la vie sociale, 1: au lieu d'en être des sous-produits malen- p contreux. U n e approche scientifique de la g politique des pouvoirs publics qui nous por- e terait à croire, à tort, que tous nos pro- d

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5. blêmes vont être ainsi résolus ne peut que a brouiller les idées. ; Tant que la connaissance sera considérée e uniquement c o m m e génératrice d'opulence rt et, par là, de bonheur, nos problèmes n'ont a guère de chances d'être résolus. L e confort it matériel nous fera négliger les problèmes ¡t moraux de base. (Le racisme, par exemple,

persiste dans bien des sociétés prospères.) is Les régimes riches ne sont pas des parangons 1- de vertu dans leurs affaires intérieures ou ï- dans les affaires internationales. Si elle m é -:- connaît la nécessité de faire des choix, une is politique générale axée sur la science ou [- la technocratie compromettra (si elle ne la e fait pas disparaître) l'aptitude à prendre les 5, grandes décisions. Si la richesse a des objec-:, tifs qui en dépassent le cadre, c o m m e on e s'est plu à le dire, les sociétés matériellement :- riches ne seront pas préparées à faire des

choix, tant leur volonté de progrès moral se sera amollie au soleil de la technocratie.

Il faut enfin dénoncer deux mythes dan­gereux. L e premier est l'idée reçue en

s Amérique que toute société peut atteindre 1- la perfection pour peu qu'elle sache tirer s parti de la science. L e second est une idée é européenne selon laquelle, si elle met en i- œuvre une politique appropriée, toute société e peut devenir aussi riche et aussi puissante :- que celle des États-Unis [29]. E n effet, ni :, la science, ni le choix d'une politique ne

pourront, pris ensemble ou séparément, être a générateurs de richesse et de bien-être

en l'absence d'autres ressources essentielles >- dans le pays ou dans sa population. . D

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Lettres

La lettre ci-après nous a été adressée par Arnold Kramish, physicien spécialiste des ques­tions d'énergie, qui a exercé des fonctions scientifiques à la R A N D Corporation, à l'Organisation de coopération et de dévelop­pement économiques et à V Unesco. M . Kramish est actuellement chercheur principal chez R and D Associates. Adresse : Suite 500, 1401 Wilson Boulevard, Arlington VA 22209 (États-Unis d'Amérique).

L e premier numéro de votre série sur le « Transfert de technologie intégré » (impact : science et société, vol. 28, n° 2) vient à point n o m m é apporter une utile contribution aux efforts qui sont ou vont être déployés en vue de comprendre et de maîtriser les moyens de faire progresser plus rapidement et plus rationnellement le développement et le bien-être des nations démunies.

Selon M M . Bhaneja et Walker, la compa­raison établie par les dépenses que les pays industrialisés consacrent à la R et D dans les pays en développement démontre de m a ­nière éloquente rindifférence que manifes­tent bon nombre de nations développées à l'égard de la mise au point de technologies qui ne présentent pas nécessairement pour elles u n intérêt immédiat et fondamental, mais qui peuvent être vitales pour les pays moins avancés. Assurément, par-delà les pourcentages, il faudrait déterminer ce que ces données représentent en valeur absolue. Néanmoins, les pourcentages traduisent le degré de priorité accordée aux dépenses en question : la façon dont les pays industrialisés

impact : science et société, vol. 28 (1978), n° 4

perçoivent les priorités est tout aussi révé­latrice, du point de vue de leurs relations avec les pays moins avancés, que les chiffres absolus des dépenses.

Les données relatives aux allocations de ressources, les comparaisons de statistiques et de technologies (appropriées ou non) peu­vent aussi être trompeuses. Les problèmes des économies d'échelle, de la main-d'œuvre qualifiée, des incidences sur l'environne­ment, etc., ne sont pas pris en compte par les pays en développement pour ce qui est tant de leurs propres programmes de re­cherches que des activités multilatérales de recherche auxquelles ils participent. D ' o ù l'importance croissante qui est attachée à l'élaboration des plans pour laquelle des tech­niques c o m m e l'évaluation technologique dé­crite par Eto et Ishida sont nécessaires. Ces auteurs soulignent à juste titre que des ana­lyses de cette nature peuvent devenir coû­teuses et qu'elles font appel à des disciplines spécialisées. Des institutions internationales c o m m e l'Unesco tentent de faire comprendre aux pays tout l'intérêt des techniques en question. U n e des organisations régionales ou mondiales existantes ou u n des organes éventuellement créés à l'issue de la Confé­rence des Nations Unies sur la science et la technique au service du développement (1979) pourrait peut-être trouver le m o y e n de rendre ces techniques et disciplines acces­sibles (y compris financièrement) à u n grand nombre de pays en développement.

Il n'y a pas de raison pour que le transfert de technologie s'effectue toujours des pays

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développés vers les pays en développement ; les premiers doivent s'employer à faciliter ce processus dans les deux sens. L e m o m e n t viendra bientôt où le transfert technologique cessera d'être unilatéral. Les premiers exem­ples frappantsdecetteévolutionserontproba-blement offerts par l'exploitation de l'énergie solaire et des technologies apparentées (éner­gie éolienne, gradients thermiques des océans, production alimentaire) et par les vastes pos­sibilités que recèle la microbiologie ; ces techniques devraient contribuer à la solution des problèmes non seulement énergétiques; mais aussi nutritionnels et démographiques.

L'article de M M . D a Silva, O l e m b o et

Ordinateurs et services juridiques :

L'auteur de la lettre ci-après — M . Rahat Nabi Khan — est un spécialiste indien des sciences économiques et politiques avec lequel impact entretient des relations de longue date. Il nous fait part des observations que lui a inspirées le vol. 28, n° 3, consacré aux « Ordinateurs et options sociales » (juillet-septembre 1978). On peut entrer en contact avec lui en écrivant aux bons soins du directeur de la publication.

L e progrès rapide de la technologie de l'or­dinateur ouvre, dans le domaine d u stockage et de la recherche de Pinformation, des pos­sibilités immenses qui, si l'on sait prendre des options novatrices, pourront être mises à profit pour améliorer le m o d e de vie de l'individu. O n songe tout particulièrement à la relation entre les pouvoirs publics et le citoyen et entre les h o m m e s de loi et leurs clients au niveau de l'application de la loi et de l'administration de la justice. : Chacun sait que l'ignorance de la loi ne peut être invoquée c o m m e excuse d'une infraction puisque nul n'est censé ignorer la loi, mais on sait aussi que c'est là une utopie. L a plupart des gens n'ont pas m ê m e une connaissance rudimentaire des principes d u droit, sans parler de la législation dans toute

Burgers illustre de manière éclatante les as­pects de technologie « douce » et de techno­logie « dure » que comporte l'exploitation des processus microbiens. Ces techniques four­niront sans aucun doute la preuve que les activités de R et D jugées prioritaires par les pays en développement peuvent contribuer u n jour à la satisfaction des besoins des pays industrialisés. Si la prochaine Conférence des Nations Unies sur la science et la technique au service du développement parvient à ré­duire l'étendue d u « désert de la recherche », elle aura fait la démonstration de son utilité.

Arnold KRAMISH

sa complexité. Par ailleurs, la justice est souvent lente et très coûteuse, m ê m e si en théorie elle est accessible à tout u n chacun. L e métier de juriste est très absorbant et exige des compétences spécialisées y dans cette profession, la productivité, en termes économiques, est.à peine plus élevée qu'il y a cent ans.

L'application de la loi exige aussi l'aide et le concours d'un réseau hautement spécia­lisé de maisons d'édition, de bibliothèques et de services de documentation, ce qui accroît encore le coût des services juridiques. C e réseau travaille avec rapidité et efficacité, c o m m e d'ailleurs il le doit pour que les avocats disposent sans tarder des renseigne­ments dont ils ont besoin pour plaider une affaire ; mais les services juridiques ne sont guère devenus moins coûteux pour autant, ou plus accessibles à la population dans son ensemble.

Avec l'automatisation- massive de l'infor­mation, l'appareil juridique va nécessai­rement acquérir une efficacité et une pro-ductivité nouvelles:et le prix des services diminuera obligatoirement. L a technologie de l'ordinateur a déjà fait baisser spectaculai-rement le prix de revient (en valeur réelle) d u stockage des données et, le progrès aidant,

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contribuera à le réduire encore. Cette ten­dance à la baisse des prix est également observée dans le domaine des télécommu­nications.

L'ordinateur va transformer la relation entre le citoyen et l 'homme de loi

Plusieurs pays sont en train de doter leurs banques de données juridiques d'un système de recherche documentaire automatique. A u Royaume-Uni , la L a w Commission a prévu de stocker la totalité des lois en vigueur sous une forme assimilable par la machine. E n République fédérale d'Allemagne, le réseau Juris va couvrir l'ensemble des lois adoptées au niveau fédéral et à celui des Länder. A u x États-Unis d'Amérique, les h o m m e s de loi ont accès, en direct, à toutes les lois de l'État de POhio, et le système va être étendu.

L'introduction de l'ordinateur est impor­tante en ce sens qu'elle améliore la qualité des services juridiques disponibles en dehors des grandes villes. Elle devrait aussi aider les petites agences et les jeunes avocats à devenir plus compétitifs, par rapport aux grandes agences solidement établies, du point de vue de la rapidité, de l'éventail et du prix des services fournis. U n système de connexion directe à u n ordinateur exploité en temps partagé à l'aide d'un terminal, tel que terminal à écran de visualisation, télé­phone, etc., pourrait bientôt devenir aussi courant dans les agences juridiques que l'est aujourd'hui l'abonnement au téléphone.

D e m ê m e qu'il faut u n m i n i m u m de connaissances pour pouvoir utiliser u n ca­talogue de bibliothèque, u n dictionnaire ou u n ouvrage de référence quelconque, il sera bientôt indispensable de connaître le système d'indexation et les descripteurs employés pour pouvoir retrouver une information ou u n document donné. O n peut dire que la recherche documentaire automatique n'est qu'une extension des instruments et des tech­niques traditionnels, qui permet de retrouver l'information plus rapidement, plus effica­

cement et de façon plus complète qu'avant. Il est donc à prévoir qu'elle apportera des changements d'ordre qualitatif aussi : bien que quantitatif. 'J -

Sans prétendre remplacer les h o m m e s de loi par la machine, l'introduction de l'ordi­nateur n'en promet pas.moins de trans­former le rapport de forces entre le conseil juridique et son client, en le faisant pencher de plus en plus en faveur d u client. L'ordi­nateur permettra en effet à ce dernier d'éva­luer la probité et la compétence de l ' h o m m e de loi qu'il a consulté, de vérifier si celui-ci s'est occupé avec sérieux de l'affaire qui lui était confiée, s'il n'a pas omis d'exploiter telle ou telle possibilité, etc. Il permettra aussi au non-spécialiste qui tient à son indépen­dance de s'occuper lui-même de ses affaires, c o m m e il en a théoriquement le droit. D ' u n e façon générale, l'ordinateur devrait contri­buer à élargir les connaissances juridiques des individus et permettre à chacun d'ac­complir lui-même certains actes juridiques à meilleur compte.

Les grands gagnants seront peut-être les pays en développement

L a loi autorise généralement l'individu à assurer lui-même sa défense dans les affaires civiles ou pénales. C o m m e le prix des ser­vices juridiques est souvent élevé et que les systèmes d'assistance judiciaire sont géné­ralement insuffisants, l'individu n'a parfois pas d'autre ressource que d'accomplir lui-m ê m e tous les actes de la procédure s'il ne veut pas renoncer à exercer le droit qui est le sien de saisir la justice. L'introduction de l'automatisation dans ce domaine fera le plus grand bien sur le plan social, en optimisant l'accès à la justice et en supprimant le sen­timent d'impuissance ou d'aliénation si sou­vent éprouvé par l ' h o m m e en présence de forces impersonnelles.

L e dédain avec lequel u n grand nombre d ' h o m m e s de loi considèrent actuellement les particuliers qui défendent eux-mêmes leurs

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intérêts en justice, qu'ils accusent d'obstruer par leur amateurisme la machine judiciaire, pourrait bien être l'un des premiers éléments à disparaître de la scène juridique. Mais cela ne se fera que si la généralisation de l'utili­sation de l'ordinateur conduit à mettre à la disposition d u public u n nombre süffisant de services de recherche et d'information de tous ordres.

Je crois qu'on peut raisonnablement s'at­tendre que la technologie nouvelle, dont le prix de revient baisse constamment, gagnera progressivement tous les pays. J'entends par

là les pays en développement aussi bien que les pays industrialisés. Chaque diminution d u prix de revient qui interviendra sous l'effet d'un progrès technique de plus en plus rapide devrait profiter proportionnellement davantage aux pays en développement. Ces pays ont besoin tout autant que les autres d'une administration rapide et moins coû­teuse de la justice, c o m m e d'une gestion efficace des affaires de l'État et des secteurs public et privé de l'économie.

Rabat Nabi K H A N

396 Lettres

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Pour célébrer le centième anniversaire de la naissance du plus grand physicien de notre siècle, impact : science et société publiera dans son volume 29, n° 1 des articles de

A . D . Barinberg Jacob Bronowski J. E . H . L . Demaret David A . Mathisen Yuval Ne 'eman I. L. Povh Mohammed-Allal Sinaceur Hans-Jürgen Treder Jorge A . Vargas J. L . Vandermeulen

qui tous analyseront l'évolution des idées scientifiques — ainsi qu'une grande partie du changement intervenu dans la pensée sociale — caractérisant

Le siècle d'Einstein

Date de parution : 15 février 1979

A l'agent de vente pour m o n pays (ou à l'Unesco, PUB-Ventes, 7 , place de Fontenoy, 75700 Paris, France) :

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Conférence mondiale sur la formation continue des ingénieurs

Mexico, avril 1979

L a première Conférence mondiale sur la formation continue des ingénieurs se tiendra à Mexico du 25 au 27 avril 1979. L a réunion aura lieu sous les auspices de l'American Society for Engineering.' . ';: . Education, avec la collaboration de l'Université de . ; Mexico, de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco), et de la Unión Panamericana de Asociaciones de Ingenieros ( U P A D I ) .

L'allocution d'ouverture sera prononcée par Alvin Toffler, auteur du Choc du futur. Des orateurs de plus de 25 pays présenteront des études de cas reflétant leur expérience tant collective qu'à l'échelle : . mondiale.

Cette conférence ne manquera pas d'intéresser les spécialistes de l'industrie et de la fonction publique, ainsi que les établissements d'enseignement et les associations professionnelles.

Pour obtenir des informations sur le programme complet et les formalités d'inscription, prière de s'adresser à :

D r John P . Klus, University of Wisconsin — Extension, Department of Engineering and Applied Science, 432 North Lake Street, Madison W I 53706 (États-Unis d'Amérique) - -

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En réponse aux demandes de lecteurs...

. . . impact : science et société traitera les thèmes suivants au cours des quinze mois à venir.

Vol. 29, n° 2 (avril-juin 1979) Les ressources de la mer

Vol. 29, n° 3 (juillet-septembre 1979) Recherche et objectifs sociaux

Vol. 29, n° 4 (octobre-décembre 1979) L'énergie provenant du noyau atomique

Vol. 30a n° 1 (janvier-mars 1980) F e m m e s de science

dans les pays en développement

Vol. 30, n° 2 (avril-juin 1980) Recherche et développement . militaires

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Vient de paraître...

tendances principales de la recherche

dans les sciences sociales et humaines

Deuxième partie

. T o m e ï : Sciences anthropologiques et historiques; Esthétique et sciences de Fart

T o m e 2 : Science juridique ; philosophie

Sous la direction de Jacques Havet Préface de Amadou-Mahtar M ' B o w

Tome ï : L'anthropologie sociale et culturelle (Maurice Freedman) ; L'archéologie et la préhistoire (Sigfried J. de Laet) ; L'histoire (Geoffrey Barraclough) ; L'art et la science de l'art aujourd'hui : Situation et signification de l'art aujourd'hui (Mikel Dufrenne, Bêla Köpeczi) : L e paysage philosophique (Mikel Dufrenne) ; Les approches scientifiques (Bêla Köpeczi, Etiemble, Jacques Leenhardt, Robert Frances, Mikel Dufrenne, Albert Wellek, Marie-José Baudinet, Jean-François Lyotard, A . A . Gerbrands, Louis Marin, Abraham A . Moles) ; L'étude actuelle des principaux problèmes esthétiques et des différents arts : L'étude des problèmes généraux (Mikel Dufrenne, Jacques Leenhardt) ; L'étude des différents arts (Giulio Carlo Argan, Jean Starobinski, Claude V . Palisca, André Veinstein, Gianfranco Bettetini, Françoise Choay, Gillo Dorfles) ; Conclusion (Mikel Dufrenne).

Tome 2 : L a science juridique (Viktor Knapp) : Considérations d'ordre général ; Les grands courants théoriques contemporains ; Tendances principales ; Épilogue. L a philosophie (Paul Ricœur) : L a pensée et les ordres de réalité ; L ' h o m m e et ses savoirs : penser ; L ' h o m m e et la réalité naturelle ; L ' h o m m e et la réalité sociale. L e langage, l'action, l'humanisme : L ' h o m m e et le langage ; L ' h o m m e et l'action ; L ' h o m m e et le fondement de l'humanisme. Index.

1978 1645 p. Les deux tomes : 425 F

Tendances principales de la recherche dans les sciences sociales et humaines. Première partie : Sciences sociales est toujours disponible (175 F )

Publié conjointement par l'Unesco et Mouton (La Haye et N e w York)

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. Librairie • A u Boul* Mich' >, ï, rue Perrinon et 66, avenue du Parquet, 97200 F O R T - D E - F R A N C E (Martinique). G . C T . Van Dorp-Eddine N . V . , P . O . Box 200, W I L L E M S T A D (Curaçao N . A . ) . E D I L Y R S . R . L . , Tucumân 1699 (P.B. t A »)> 1050 B U E N O S A I R E S . Publications : Educational Supplies Pty. Ltd., P . O . Box 33, B R O O K V A L E 2100, N . S . W . Périodiques : Dominie Pty Ltd., P . O . Box 33, B R O O K V A L E 2100, N . S . W . Sous-agent : United Nations Association of Australia, Victorian Division, 2nd Floor, Campbell House, 100 Flinders Street, M E L B O U R N E 3000. Dr . Franz Hain, Verlags- und Kommissionsbuchhandlung, Industriehof Stadlau, Dr. Orto-Neurath-Gasse 5,1220 W I E N . Bangladesh Books International Ltd., Ittefaq Building, 1 R . K . Mission Road, Hatkhola, D A C C A 3. Jean D e Lannoy, 202, avenue du Roi, 1060 B R U X E L L E S . C e p 000-0070823-13. Librairie nationale, B P . 294, P O R T O N O V O . Trade Corporation no. (9), 550-552 Merchant Street, R A N G O O N . Los Amigos del Libro : casilla postal 4415, L A P A Z ; Perú 3712 (Esq. España), casilla 450, C O C H A B A M B A . Fundação Getúlio Vargas, Editora-Divisão de Vendas, caixa postal 9.052-ZC-02, Praia de Botafogo 188, Río D E JANEIRO RJ (CEP 20 000). Hemus , Kantora Literatura, bd. Rousky 6, SoFijA. Renouf Publishing Company Ltd., 2182 St. Catherine Street West, M O N T R É A L (Qué. H 3 H 1 M 7 ) . Bibliocentro Ltda., Constitución n.° 7, casilla 13731, S A N T I A G O (21). « M A M », Archbishop Makarios, 3rd Avenue, P . O . Box 1722, N I C O S I A . Editorial Losada Ltda., calle i8A, n.°" 7-37, apartado aéreo 58-29, B O G O T Á . Sous-dépôts : Edificio La Ceiba, oficina 804, calle 52, n.°* 47-28, M E D E L L Í N . J. Germán Rodríguez N . , calle 17, 6-59, apartado aéreo 463, G I R A R D O T (Cundinamarca). Librairie populaire, B .P . 577, B R A Z Z A V I L L E . Korean National Commission for Unesco, P . O . Box Central 64, S É O U L . Librería Trejos S.A. , apartado 1313, S A N JOSE. Téléphonos : 2285 y 3200. Centre d'édition et de diffusion africaines, B.P . 4541, A B I D J A N P L A T E A U . Instituto Cubano del Libro, Centro de Importación, Obispo 461, L A H A B A N A . Ejnar Munksgaard Ltd., 6 Ngrregade, 1165 K O B E N H A V N K . Librería Blasco, avenida Bolívar n.° 402, esq. Hermanos Deligne, S A N T O DOMINGO. National Centre for Unesco Publications, i Talaat Harb Street, Tahrir Square, C A D K > . Librería Cultural Salvadoreña S.A. , calle Delgado n.° 117, apartado postal 2296, S A N S A L V A D O R . R A Y D de Publicaciones, García 420 y 6 de Diciembre, casilla de correo 3853, Q U I T O . Casa de la Cultura Ecuatoriana, Núcleo del Guayas, Pedro Moncayo y 9 de Octubre, casilla de correo 3542, G U A Y A Q U I L . Mundi-Prensa. Libros S.A. , apartado 1223, Castelló 37, M A D R I D I. Ediciones Liber, apartado 17, Magdalena 8, O N D Á R R O A (Vizcaya). D O N A I R E , Ronda de Outeiro 20, apartado de correos 341, L A C O R U Ñ A . Librería Al-Andalus, Roldana 1 y 3, SEVILLA 4. L I T E X S A , Librería Técnica Extranjera, Tuset 8-10 (Edificio Monitor), B A R C E L O N A . Unipub, 345 Park Avenue South, N E W Y O R K , N . Y . I O O I O . Ethiopian National Agency for Unesco, P . O . Box 2996, A D D I S A B A B A . Akateeminen Kirjakauppa, Keskuskatu 1,00100 H E L S I N K I 10. Librairie de l'Unesco, 7, place de Fontenoy, 75700 P A R I S ; CCPParis 12598-48. Presbyterian Bookshop Depot Ltd., P . O . Box 195, A C C R A . Ghana Book Suppliers Ltd., P . O . Box 7869, A C C R A . The University Bookshop of Cape Coast. The University Bookshop of Legon, P . O . Box 1, L E G O N . Grandes librairies d'Athènes (Eleftheroudakis, Kauffman, etc.).

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Comisión - Guatemalteca de Cooperación con. la Unesco, 3 . a avenida 13-30, zona i, apartado postal 244, G U A T E M A L A . Librairie • A l a Caravelle », 26, rue R o u x , B . P . i n , P O R T - A U - P R I N C E . Librairie Attie, B . P . 64, O U A G A D O U G O U . Librairie catholique « Jeunesse d'Afrique », O U A G A D O U G O U . Librería Navarro, 2.a avenida, n.° 201, Comayaguela, T E G U C I G A L P A . Federal Publications ( H K ) Ltd., 5A Evergreen Industrial Mansion, 12 Yip Fat Street, Wong Chuk Hang Road, A B E R D E E N . Swindon Book Co. , 13-15 Lock Road, K O W L O O N . Akadémiai KSnyvesbolt, Váci u. 22, B U D A P E S T V . A . K . V . Konyvtárosok Boltja, Népkoztársaság utja 16, B U D A P E S T VI.

• Orient L o n g m a n Ltd. : K a m a n i M a r g , Ballard Estate, B O M B Â T 400038; 17 Chittaranjan Avenue, C A L C U T T A 1 3 ; 3 6 A A n n a Salai, M o u n t Road, M A D R A S 2 ; B-3 /7 Asaf Ali Road, N E W D E L H I I. 80/1 M a h a t m a Gandhi Road, BANGALORE-560001 ; 3-5-820 Hyderguda, HTDERABAD-500001.

• Sous-dépôts : Oxford Book and Stationery C o . , 17 Park Street, C A L C U T T A 700016 ; Scindia House, N E W D E L H I I I O O O I . Publications Section, Ministry of Educa­tion and Social Welfare, 511 C-Wing, Shastri Bhavan, N E W D E L H I I IOOOI. Bhratara Publishers and Booksellers, 29 JI. Oto Iskandardinata III, J A K A R T A . Gramedia Bookshop, JI. Gadjah Mada 109, J A K A R T A . Indira P . T . , JI. Dr. Sam Ratulangi 37, J A K A R T A P U S A T . McKenzie's Bookshop, Al-Rashid Street, B A G H D A D . Commission nationale iranienne pour l'Unesco, avenue Iranchahr Chomali n" 300, B.P. 1533, . T E H E R A N . Kharazmie Publishing and Distribution C o . , 28 Vessal Shirazi Street, Shahreza Avenue, P . O . B . 314/1486, T E H E R A N . The Educational Company of Ireland Ltd., Ballymount Road, Walkinstown, D U B L I N 12. Snaebjörn Jonsson & C o . , H . F . , Hafnarstraeti 9, R E Y K J A V I K . Emanuel Brown, formerly Blumstein's Bookstores : 35 Allenby Road et 48 Nachlat Benjamin Street, T E L A V I V ; 9 Shlomzion HamalkaStreet, J É R U S A L E M . L I C O S A (Librería Commissionaria Sansoni S.p.A.), via Lamarmora 45, casella postale 552, 50121 FntENZB. Agency for Development of Publication and Distribution, P . O . Box 34-35, T R I P O L I . Sangster's Book Stores Ltd., P . O . Box 366,101 Water Lane, K I N G S T O N . Eastern Book Service Inc., C . P . O . Box 1728, T O K Y O 100 92. East African Publishing House, P . O . Box 30571, N A I R O B I . The Kuwait Bookshop Co. Ltd., P . O . Box 2942, K U W A I T . Mazenod Book Centre, P . O . M A Z E N O D . Librairies Antoine A . Naufal et Frères, B.P . 656, B E Y R O U T H . Cole & Yancy Bookshops Ltd., P . O . Box 286, M O N R O V I A . Enrocan Trust Reg., P . O . Box 5, S C H A A N . Librairie Paul Brück, 22, Grand-Rue, L U X E M B O U R G . Commission nationale de la République démocratique de Madagascar pour l'Unesco, B.P . 331, T A N A N A R I V E . Federal Publications Sdn. Bhd., Lot 8238 Jalan 222, Petaling Jaya, S E L A N G O R . Librairie populaire du Mali, B .P . 28, B A M A K O . Sapienza's Library, 26 Republic Street, V A L L E T T A . Toutes les publications : Librairie « Aux belles images >, 281, avenue M o h a m m e d - V , R A B A T (CCP 68-74). • Le Courrier » seulement (pour les enseignants) : Commission nationale marocaine pour l'Unesco, 20, Zenkat Mourabitine, R A B A T (CCP 324-45). Nalanda Co . Ltd., 30 Bourbon Street, P O R T - L O U I S . S A B S A , Insurgentes Sur n.° 1032-401, M E X I C O 12 D . F . British Library, 30, boulevard des Moulins, M O N T E - C A R L O . Instituto Nacional do Livro e do Disco ( I N L D ) , avenida 24 de Julho 1921, r/c e ï.» andar, M A P U T O . . ) -Librería Cultural Nicaragüense, ralle 15 de Septiembre y avenida Bolivar, apartado 807, M A N A G U A , • Librairie Mauclert, BJ?. 868, N I A M E Y ; ' The University Bookshop of Ife. The University Bookshop of Ibadan, P . O . Box 286, I B A D A N . The University Bookshop of Nsukka. The University Book­shop of Lagos. The A h m a d u Bello University Bookshop of Zaria. Toutes les publications : Johan Grundt T a n u m , Karl Johans gate 41/43, O S L O I. < Le Courrier » seulement : A / S Narvesens Litteraturtjeneste, Box 6125, O S L O 6. Reprex S A R L , B . P . 1572, N O U M E A . Government Printing Office, Government Bookshops : Rutland Street, P . O . Box 5344, A U C K L A N D ; 130 Oxford Terrace, P . O . Box 1721, C H R I S T C H U R C H ; Alma Street, P . O . Box 857, H A M I L T O N ; Princes Street, P . O . Box 1104, D U N E D I N ; Mulgrave Street, Private Bag, W E L L I N G T O N . .

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Uganda Bookshop, P . O . Box 145, K A M P A L A . Mirza Book Agency, 65 Shahrah Quaid-e-azam, P . O . Box 729, L A H O R E 3. Empresa de Distribuciones Comerciales S.A. (EDICO), apartado postal 4456, P A N A M Á Zona 5. Agencia de Diarios y Revistas, Sra. Nelly A . de García Astillero, Pte. Franco n.° 580, A S U N C I Ó N . N . V . Martinus Nijhoff, Lange Voorhout 9, ' S - G R A V E N H A G E . Systemen Keesing, Ruysdaelstraat 71-75. A M S T E R D A M 1007. Editorial Losada Peruana, Jirón Contumaza 1050, apartado 472, L I M A . The Modern Book C o . , 926 Rizal Avenue, P . O . Box 632, M A N I L A D-404. Ars Polona - Ruch, Krakowskie Przedmiescie 7, 00-068 W A R S Z A W A . O R P A N -Import, Palac Kultury, 00-901 W A R S Z A W A . Dias & Andrade Ltda., Livraria Portugal, rua do Carmo 70, L I S B O A . Librairies internationales ou Buchhaus Leipzig, Postfach 140,701 LEIPZIG. Le secrétaire général de la Commission nationale de la République unie du Cameroun pour l'Unesco, B . P . 1600, Y A O U N D E . Textbook Sales (PVT) Ltd., 67 Union Avenue, S A L I S B U R Y . I L E X I M , Romlibri, Str. Biserica Amzei n° 5-7, P . O . B . 134-135, B U C D R E S T L Abonnements aux périodiques : Rompresfilatelia, calea Victoriei n° 29, B U C U R E S T I . H . M . Stationery Office, P . O . Box 569, L O N D O N , SEi 9 N H . Government bookshops : London, Beirast, Birmingham, Bristol, Cardiff, Edinburgh, Manchester. La Maison du livre, 13, avenue R o u m e , B P . 20-60, D A K A R . Librairie Clair-afrique, B . P . 2005, D A K A R . Librairie c Le Sénégal », B . P . 1594, D A K A R . N e w Service Ltd., Kingstate House, P . O . Box 131, M A H E . Fourah Bay, Njala University and Sierra Leone Diocesan Bookshops, F R E E T O W N . Federal Publications (S) Pte Ltd., N o . 1 N e w Industrial Road, off Upper Paya Lebar Road, S I N G A P O R E 19. Modern Book Shop and General, P . O . Box 951, M O G A D I S C I O . AI Bashir Bookshop, P . O . Box 1118, K H A R T O U M . Lake House Bookshop, Sir Chittampalam Gardiner Mawata, P . O . Box 244, COLOMBO 2. Toutes les publications : A / B C . E . Fritzes Kungl. Hovbokhandel, Fredsgatan 2, Box 16356,103 27 S T O C K H O L M 16. < Le Courrier > seulement : Svenska FN-Förbundet, Skolgrãnd 2 , Box 15050, S-104 65 S T O C K H O L M . Europa Verlag, Rãmistrasse 5, 8024 Z U R I C H . Librairie Payot, 6, rue Grenus, 1211 GENÈVE II. Librairie Sayegh, Immeuble Diab, rue du Parlement, B . P . 704, D A M A S . Dar es Salaam Bookshop, P . O . Box 9030, D A R ES S A L A A M . S N T L Spalena 51, P R A H A I (Exposition permanente). Zahranícni literatura, 11 Soukenicka, P R A H A I. Pour la Slovaquie seulement : Alta Verlag, Publishers, Hurbanovo nam. 6,893 31 B R A T I S L A V A . Nibondh and Co . Ltd., 40-42 Charoen Krung Road, Siyaeg Phaya Sri, P . O . Box 402, B A N G K O K . Suksapan Parût, Mansion 9, Rajdamnern Avenue, B A N G K O K . Suksit Siam Company, 1715 Rama IV Road, B A N G K O K . Librairie évangélique, B . P . 378, L O M E . Librairie du Bon Pasteur, B . P . 1164, L O M É . Librairie moderne, B . P . 777, L O M B . National Commission for Unesco, 18 Alexandra Street, St. Clair, T R I N I D A D W . I. Société tunisienne de diffusion, 5, avenue de Carthage, T U N I S . Librairie Hachette, 469 Istiklal Caddesi, Beyoglu, I S T A N B U L . Mezhdunarodnaja Kniga, M O S K V A G-200. Editorial Losada Uruguaya, S .A. , Maldonado 1902, M O N T E V I D E O . Librería del Este, avenida Francisco de Miranda 52, Edificio Galipán, apar­tado 60337, C A R A C A S . La Muralla Distribuciones S .A. , 4.* avenida entre 3.* y 4.» transversal, Quinta < I R E N A L I S », los Palos Grandes, C A R A C A S 106. Jugoslovenska Knjiga, Trg. Republike 5/8, P . O . B . 36,11-001 B E O G R A D . Drzavna Zalozba Slovenije, Titova C 25, P . O . B . 50-1, 61-000 L J U B L J A N A . La Librairie, Institut national d'études politiques, B . P . 2307, K I N S H A S A , Commission nationale zaïroise pour l'Unesco, Commissariat d'État chargé de l'éducation nationale, B . P . 32, K I N S H A S A .

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