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In Vodka Veritas n°11

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IVV numéro 11.

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Page 1: In Vodka Veritas n°11

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Rock my isoloir, les élections syndicales �008 p 3 Les masques derrière la plume p 9

Et pendant ce temps à Sciences Po p �0

La bibliothèque rouge p �5

Hasta Siempre la Consommation p �7

Téléchargement, piratage : de Peer en Peer p �8

Au seuil de la Forteresse Europe p �0

Edito SOMMAIRE

Les membres de La rédaction

Denis CarlierUne 3A de grève

Louis MoulinDirecteur de la publication

Sébastien ChavignerAide-soignant

Antoine CaulletChien méchant

Naïké DesquesnesFiille de pub

Viviane GraveyDorade l’exploratrice

Nedal JounaidiRahan

S. Andre-BrecoviciL’Ami Fritz

Béatrice CointeAnother brick in the Wall(ace)

Nathanel AmarArrive à pied par la Chine

Maud BoriePapa Tango Charlie

Jacques Attali...l’herbe ne repousse pas

Carla BruniPremier drame de France

Benazir BhuttoButée

CarlosTerroriste

Et voilà, on a beau avoir essayé d’y échapper, 2008 est quand même arrivée. Heureusement, la nouvelle année a trainé dans son sillage le numéro 11 d’In Vodka Veritas ! La bienséance voudrait d’ailleurs qu’on vous la souhaite bonne, la nouvelle an-née, chose que nous ne ferons pas. Pourquoi ? Les raisons sont pourtant simples...

En premier lieu parce qu’il faut bien qu’on soigne notre statut de pseudo-rebelles révolutionnaires : c’est le fond de commerce de la maison, la marque de fabrique, un peu comme le mauvais goût graphique des tracts de l’UNEF. Sans on serait perdu. On pourait se mettre à digresser sur le fait que souhaiter la bonne année, c’est se laisser enfermer dans le cadre oppresseur d’une défini-tion du temps totalement arbitraire et profondément injuste, mais non. Quoique dans les faits, c’est ce qui vient d’être fait : c’est le miracle de la prétérition.

Mais quand on y pense, c’est surtout que ce cérémonial un peu pathétique des voeux est en soit un peu flippant. Vous ne vous êtes jamais senti mal quand on vous souhaite la bonne année ? “Pourquoi on me la souhaite bonne, il est possible qu’elle ne le soit pas ? Et dans quelle mesure ? Et si c’était la fin du monde ? Etc.”. Mais en plus, vous n’avez jamais remarqué que plus l’on souhaite de choses à quelqu’un en début d’année, moins il y a de chances objectives qu’elles se produisent. N’est-ce pas aux personnes en fin de vie que l’on souhaite, avec insistance, “avant toute chose la santé, hein ?”.

In Vodka Veritas n’ayant pas envie de perdre son précieux lec-torat (surtout les sommes faramineuses en jeu derrière qui vont permettre à tous les membres de la rédaction de finir rentiers), le journal ne peut donc que se refuser de vous souhaiter la bonne année pour éviter de vous porter la poisse.

Par contre, on ne peut que vous souhaiter une bonne lecture de ce numéro 11, avec son gros dossier sur les élections syndicales qui ont encore tourné au grand-guignolesque, les habituelles brèves sur Sciences Po également très fournies dans cette édi-tion, et plein d’autres articles tout aussi intéressants que birlla-ment rédigés (et surtout superbement mis en page). A dans un mois !

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Rock my Isoloir,Les elections syndicales 2008

Tous les ans au mois de janvier, telles les galettes des rois (quoiqu’un peu moins digestes), les élections syndicales reviennent à Sciences Po. Comme d’habitude les irrégularités et les coups de pute intersyndicaux sont venus ajouter un peu de piment à un débat politique plutôt plat et qui, au fond, a aussi peu de portée qu’il n’intéresse pas grand monde. Rapport de bataille...

Inside SUD

Avant d’entrer dans le vif du sujet, un petit avertissement semble nécessaire. Non pas qu’il y ait à la suite du contenu susceptible de choquer les âmes sensibles (quoique) mais parceque la déontologie journalistique l’impose. Des membres de la rédaction d’IVV se sont présentés sur les listes SUD, des membres de SUD sont rédacteurs à IVV. Mais on pourrait ajouter pour être précis que tous les membres de la rédaction d’IVV ne sont pas à SUD et a fortiori que la plupart des membres de SUD ne sont pas à IVV.

Concrètement qu’est-ce que ça veut dire ? Premièrement que le cœur d’IVV penche plutôt à gauche (simple logique anatomique cela dit) ce qui n’est pas une nouveauté. Deuxièmement que vous pouvez légitimement suspecter le journal de partialité dans son récit des élections syndicales. Troisièmement que nous avons tout fait pour vous prouver le contraire, et la lecture des colonnes qui suivent devrait normalement vous convaincre.

De plus, tout comme l’année dernière, les quelques railleries sur les élections paraissent après coup donc le journal ne peut être considéré comme un instrument de propagande électorale.

Forces en présence

Tout comme l’année dernière, six syndicats différents se sont présentés face au scrutin des étudiants. On retrouve donc, de droite à gauche :

• L’UNIRappel à l’Ordre• Nouvelle DonneEncubés d’entrebrises• Interzaide-Fac VerteFacilite le transit• La CéBigorgne approved• L’UNEFGoliath• SUD EtudiantLa lutte c’est classe

Le palmarès des propositions originales

Tous ces joyeux syndicats ont affuté leurs argumentaires pour convaincre (ou pas) les étudiants, noyés pendant une semaine sous une montagne de tracts. Aussi, dans son habituelle mansuétude, In Vodka Veritas vous livre dans le désordre la quintessence, la substantifique moelle, bref, le best-of des propositions qui nous ont le plus fait rire.

Nouvelle Donne :• L’”incubateur d’entreprises”(sic). Plutôt que d’attendre 30 ans pour pouvoir reprendre la boîte de papa, autant en créer une tout de suite avant même la sortie de l’école. Cette idée très originale est en fait inspirée jusqu’au nom par la direction1. Voilà donc une proposition qui ne coûtera pas grand chose à défendre aux droitiers mous. Heureusement, ce n’est de loin pas la seule.• Plus de prises électriques pour nos Macs et des fours micro-ondes en cafét’. Ce sont là les seules revendications originales (qui ont été pensées par les gens de Nouvelle Donne eux-mêmes !) de ce syndicat-think tank-association-lobby-camembert. C’est dire s’ils sont combatifs : on les imagine bien scander “Micro-ondes, micro-ondes, ouais, ouais !” ou, “Tous ensemble, tous ensemble, prises électriques !”. Le plus drôle, c’est que la revendication des micro-ondes a une bonne dizaine d’années d’existence et qu’elle rencontre toujours la même impossibilité de mise en place pour des raisons réglementaires. Mais bon, ça ne coûte rien de le re-proposer en ignorant (ou pire en feignant d’ignorer) que ça n’aboutira jamais, c’est toujours des voix de prises.• Allez, on est pas si cruels (méchants oui, cruels pas encore) on veut bien dire un truc sympa : il est tout à fait étonnant et remarquable que Nouvelle Donne ait été le seul syndicat - avec SUD - qui ait publiquement soutenu le projet “C.A.F.é.S” d’une cafétéria étudiante, gérée par des étudiants, au 13, rue de l’Université.

La Cé (lire “Confédération étudiante”) :On a cherché, recherché, creusé, déterré, tourné, retourné leurs tracts et sites ouèb… et on a rien trouvé. Même leur stratégie de critique permanente de l’UNEF qui leur tient lieu de programme n’est pas originale puisque tout le monde le fait déjà.

On notera tout de même l’organisation d’un référendum proposant de choisir 2 propositions sans grand intérêt parmi 4. C’est ça la démocratie directe ! Notre prise de position personnelle : pour plus de PQ aux toilettes du 27 (cocher “proposition 2”) et pour la destruction de l’UNEF (cocher “proposition 4).

SUD Etudiant :• Quelle ne fut pas notre déception à la lecture des tracts SUDistes : cette année SUD ne propose plus la suppression du capitalisme ! En revanche ils proposent la suppression du concours d’entrée, des droits de scolarité et du financement privé de SciencesPoPoint… C’est peut être leur façon de remplacer le concept abstrait du “capitalisme” par ses applications concrètes. En tous cas les propositions, à défaut l’enthousiasme, on soulevé nombre de commentaires notamment sur lapéniche.net.

1 cf. “Sciences Po, un vivier de jeunes patrons ?”, Le Monde, 17 décembre 2007

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• Un autre point qui nous a profondément choqué, mais nous ne pourrons pas en parler longtemps à cause de l’émotion et de la rage qui nous tenaillent au seul fait d’y penser : bien que soutenant publiquement le projet “C.A.F.é.S” de l’association P.A.V.é.S., ils n’ont pas repris le projet d’une distribution gratuite de binouzes en ce lieu !

UNI :Cette année l’UNI a bouffé du lion. Rendez-vous en compte vous même, voici ce qu’on pouvait lire sur quelques unes de leurs affiches de campagne :• “Marre des sèches-mains cassés dans les toilettes? Votez et faites voter UNI-ON !”• “Tu trouves que les murs de la péniche manquent terriblement d’un coup de peinture? Vote et fait voter UNI-ON !”

On vous épargnera les autres propositions tout aussi originales et courageuses que celles-ci. Ce qui est sûr, c’est qu’en proposant des choses aussi ambitieuses et idéalistes, l’UNI s’est mis dans une posture périlleuse : allait-on les suivre ? D’où l’idée de renommer l’UNI en UNI-”ON”, et ainsi, se placer sur le creneau de la construction d’un “Ordre Nouveau” à SciencesPoPoint. Ca rendait les choses plus claires quoi (en revanche l’idée de nommer la liste au Conseil Scientifique “Etudiants-Chercheurs.com” et non plus “UNI” reste toujours inexpliquée, mais les plus grands savants du CEVIPOUF se penchent sur la question).

UNEF :A l’UNEF trouver des propositions originales n’est pas une chose simple : • premièrement parce qu’ils sont en permanence en train de rappeler leurs bilans passés “On a fait ça hier, votez pour nous aujourd’hui, on le refera demain”.• deuxièmement parce qu’ils mettent un point d’honneur à toujours présenter des propositions qui sont déjà plus ou moins en train d’être traitées ou qui sont réalisables à court terme, afin de pouvoir les inscrire dans leur sacro-saint bilan (et ainsi le système s’auto-alimente).

Interzaides - Fac Verte :Au détriment de pouvoir trouver dans leurs nombreux tracts une proposition qui ne soit pas un projet déjà préparé par la direction ou commun à plusieurs syndicats (cf. Ecocampus), c’est dans le nom de leur syndicat que l’on peut constater une légère originalité…• Originalité 1 : le “Fac Verte” adossé à “Interzaide”. Sans trop qu’on sache pourquoi, les gens de Fac Verte, pourtant plutôt à gauche au niveau national, restent avec ceux d’Interzaide, et ce même si le syndicat en lui-même ne se bouge pas plus que d’autres sur les questions écologiques.• Originalité 2 : leur leitmotiv “International, Indépendant, Ecologiste”. “International” on comprend, ils sont presque tous étrangers et leur rêve c’est que Sciences Po ressemble à une université nord-américaine, mais “écologiste” on se dit que c’est juste un argument de campagne, vu leur activisme en la matière.

Par contre “indépendant” fait rire tout le monde, c’est pourquoi ils gagnent la première place du classement IVV des meilleures blagues de campagne.• Originalité 3 : leur slogan pour cette année. “Présent, Proactif, Innovant”. C’est un des éléments qui ont fait qu’ils remportent le trophée de la blague. On a craqué sur le “proactif” : comme les yaourts Activia®, ils facilitent le transit des idées de la direction vers les étudiants.

Les fausses professions de foi

Toujours sur la brèche, IVV a pu se procurer les vrais-faux (ou faux-vrais) brouillons des professions de foi de chaque syndicat. Nous vous les livrons pour votre édification personnelle de jeune pipoteur-citoyen. Encore une fois c’est en vrac :

Nouvelle Donne :• Suppression des masters recherche, trop coûteux et peu efficaces, à l’exclusion des mentions “Gouvernance économique” et “Sociologie de l’action : organisation et marché”.• Cotation de Sciences Po en bourse et autonomie financière.

• L’adoption du label “Sciences Po School of International Business” pour attirer des investisseurs.• Installation d’un distributeur de produits Fauchon et Ladurée en cafétéria.

UNEF :• Adoption d’un système à syndicat unique, pour mieux défendre vos intérêts. • Erection d’une statue en bronze de Jean-Baptiste Prévost (mais juste de sa statue l’érection), car c’est pas tous les jours qu’un établissement a la chance d’avoir parmi ses étudiants le président de l’UNEF.

La Cé :• L’UNEF fait des trucs pas bien, nous on va pas faire comme eux car on est cool.• L’UNEF c’est des méchants, alors que nous à la Cé on fait des dessins de South Park.

• L’UNEF ils vous mentent, alors que nous à la Cé on vous aime bien.

UNI :• Réforme de la maquette pédagogique, pour l’instauration d’un cours de théologie équivalant à 2 crédits ECTS.• Ouverture de la bibliothèque tous les jours 7j/7j en continu de 07h à 00h sauf Noël et lundi de Pâques. Et le 15 août, bien sûr !• Ouverture d’un site délocalisé en Vendée, parce que la terre (natale) ne ment pas.

SUD :• Le marquage au fer rouge de tous ceux ayant des quartiers qu’ils estiment de noblesse.• L’expropriation des bourgeois parvenus des locaux de l’AS et du BDE.• Un distributeur de bières gratuites dans feu la cafèt fumeurs, comme déjà revendiqué l’an dernier.

Emouvant tableau de la démocratie étudiante à Sciences Po.

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InterZaide - Fac Verte :• Mettre des fleurs dans le jardin.• Proposer des thés à la menthe dans les cafétérias.• Gaspiller pas trop de feuilles pour l’écologie.• Inviter Nicolas Hulot pour une grande conférence internationale• Transformer la rue Saint-Guillaume en allée cavalière.• Adoption de l’anglais comme langue officielle à SciencesPo (prononcer “saïencepôô”) et remettre les drapeaux en Péniche car on est “international”, merde.

La Campagne

Qui a fait quoi ? Qui a dit quoi ? Quels ont été les enjeux ? Qu’est ce qu’on vous a caché pendant cette campagne ? IVV vous raconte toutes les petites et grandes histoires de cette campagne 2008.

Lefevre utile

Les ennemis de classe de la section Sciences Po de l’UNI sont en quête de reconnaissance. Finie la tentation de l’extrême droite. Chaque militant vous le dira sur tous les tons, tel le philosophe post-scatologique Michaël Youn dans “Les Onze Commandements” : “Chai pocou chanché”.

Et pour le prouver, après l’échec lamentable du lancement d’une association-paravent ne s’assumant pas, voici l’opportuniste qu’on vient chercher pour prouver qu’on est plus rassembleurs.

Son nom : Gallien Lefevre, ancien élu et secrétaire général de l’UNEF, écarté il y a deux ans de la course à la tête de l’exécutif dans les guéguerres internes et qui, au retour de sa troisième année, décide en bon opportuniste de retourner sa veste pour aller à l’UNI.

Selon Alexis Prokopiev, élu IZFV (http://ap.ecopolit.eu), il lui aurait déclaré “J’ai toujours critiqué l’UNEF pour leurs positions trop dogmatiques, je suis beaucoup plus consensuel” et “l’UNI n’est pas hardcore et puis ils sont venus me chercher avec les dents et m’ont proposé des choses intéressantes. Les autres ne m’ont rien proposé donc j’ai choisi l’UNI”. Ce sont là des paroles privées rapportées sur la place publique, certes, mais au moins elles éclaircissent les choses quant aux motivations de Gallien Lefevre.

Celui-ci s’est ainsi vu attribuer une place d’honneur en étant numéro 2 sur la liste pour la commission paritaire, avec la quasi-certitude qu’il ne serait pas élu (l’UNI avait eu du mal l’année précédente à conserver un élu dans chaque conseil) mais avec déjà une grande satisfaction pour son ego : il allait être au cœur de la campagne du syndicat, puisque sa simple présence faisait que la liste s’est appelée UNI-ON (appréciez le jeu de mot).

Mes raisons profondes de cette démarche de soi-disant “ouverture” restent très obscures. Hormis bien sûr l’hypothèse d’un phénomène d’imitation quelque peu puéril, pour “faire comme les grands”…

Quant à cette illusion de rassembler en prenant les éléments les plus volatils du camp d’en face… Elle ne tient pas vraiment quand on note qu’alors que le président de la section UMP est “traditionnellement” à la tête d’une des deux listes de l’UNI, ce n’est pas le cas cette année. La bonne nouvelle pour l’UNI c’est que Camille Bedin n’est pas non plus sur les listes de Nouvelle Donne.

Anonymat, nonymat et demi

“La preuve est faite”, nous dit “Matthieu” (Creux) de ND sur lapéniche.net. On n’en verra jamais la couleur, mais c’est sûr et certain, l’UNI “[est] un scandale (sic)” et comme d’habitude à Nouvelle Donne on envisage de “porter plainte”.

L’objet du “scandale” est un mail envoyé de manière anonyme le 14 janvier de l’adresse [email protected] aux étudiants de Sciences Po dont le message était :

Voilà les fiers guerriers de Nouvelle Donne qui veulent nous représenter en Conseil à Sciences Po…

ARRETONS L’AMATEURISME!!!”

Suivaient quatre liens vers des vidéos sur Dailymotion, supprimées en quelques minutes. “Benoît Mathieu” (Nouvelle Donne), principal intéressé, intervient sur le forum pour dire que “ces vidéos concernent [s]es voyages ou encore des délires où on [l]e voit faire du playback sur ‘Video Killed the Radio Star’ ou ‘Afrique Adieu’ de Sardou. Bref, rien de très sérieux”. Merci donc à Benoît Mathieu de nous avoir épargné ses “délires”.

A noter que certains à Nouvelle Donne ont pu user auparavant de cette méthode stupide et contre-productive du mail anonyme, nous en savons quelque chose... Il convient donc de relativiser le “scandale” dont fait état Creux. Quant à l’auteur du mail : le faisceau de présomptions semble tourner vers le plus blond des membres de l’UNI...

FacouillageLire le titre en mode dyslexique

La seule chose qu’il y a de bien dans les élections syndicales, c’est que l’on ne s’ennuie jamais. D’abord grâce aux syndicats et leurs infatigables militants toujours prêts à vous donner dix fois la même feuille pour vous convaincre que c’est eux qui ont tout fait et vont tout faire à Pipo.

Mais aussi grâce à notre direction aussi bien-aimée que bienveillante. Oui car, au delà des apparences, à la direction on aime bien faire des grosses blagues qui tâchent ! En voici un exemple parmi les innombrables qu’on ne peut vous raconter ici...

Jeudi 10 janvier, en pleine campagne électorale, une rumeur circule dans les rangs syndiqués : la direction aurait remplacé le mode de scrutin proportionnel à la “plus forte moyenne” par le scrutin proportionnel au “plus fort reste”. “De quoi ça s’agit ?” me direz-vous… Lisez plutôt :

“La méthode du quotient fixe le nombre de voix à obtenir pour avoir un siège (quotient électoral). Le nombre de sièges attribués à chaque liste est ensuite défini en divisant le total des voix obtenu par chaque liste par le quotient électoral. La première répartition effectuée, les restes [de voix, NDLR] sont répartis, soit selon la méthode du plus fort reste qui favorise les petits partis (une fois déduites les voix ayant permis la première attribution, les listes ayant le plus de restes l’emportent), soit selon celle de la plus forte moyenne qui favorise les grands (rapport entre les voix restantes et le nombre de sièges restant à pourvoir).”2

2 Voir http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/differents-modes-scrutin-leurs-effets.html]

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Autrement dit, cela change radicalement la donne. Et les militantes (et militants) du principal syndicat de Sciences Po, à savoir l’UNEF, d’enrager : mathématiquement l’UNEF pourrait perdre entre 2 et 4 sièges… or ils y sont très attachés à ces sièges.

De leur côté les autres syndicats plus petits - en taille autant qu’en bilan - jubilent. C’est un coup de pouce inattendu qui leur tombe du ciel (ou plutôt des bureaux de la direction du 3e étage, ce qui dans l’absolu revient au même).

Pour la petite histoire, le mode de scrutin jusque là en vigueur à SciencesPoPoint, le scrutin proportionnel à la plus forte moyenne, n’était pas conforme au décret régissant les élections étudiantes au niveau national qui, lui, instaurait le scrutin “au plus fort reste”3.

Mais grâce à des voix impénétrables en Conseil d’Etat (chez les potes de Richie), un décret de celui-ci autorisait Sciences Po à déroger au décret de 1985. Or, la loi Péc(h)resse modifiant pas mal de choses dans le domaine universitaire (si, si), et annulant les lois et décrets précédants, on a cru évident de penser que la dérogation dont bénéficiait SciencesPoPoint avait été zappée. Du moins c’est ce que croyait la direction à 5 jours du vote.

Quand soudain, coup de tonnerre, un éclair de lucidité (lire : un mail de l’UNEF qui avait fait les vérifications) frappe le 1er étage de la Rue St Guillaume : la loi LRU ne s’applique pas en ce point à Sciences Po ! Donc : si la loi Pécresse pour Sciences Po n’a pas d’effet sur la réglementation électorale, alors elle n’annulle pas le décret du Conseil d’Etat permettant la dérogation au décret de 1985 (qui n’existe plus vu qu’on est sous le régime de la LRU).

En français : ben y’a rien qui change. Et donc la direction a toujours le choix dans le mode de scrutin, et pour pas changer les bonnes habitudes (lire : grâce au lobbying de l’UNEF) elle décide de rester sur le scrutin “à la plus forte moyenne”. Nous étions le lundi 14 janvier, soit à un peu moins de 48h avant le début du vote…

Si l’on peut donc se réjouir que la direction découvre toute seule la loi, on peut légitimement douter de l’intérêt qu’elle porte à ces élections si elle s’en préoccupe 5 jours avant le scrutin, à moins bien sûr, qu’elle y voit avant tout une formalité règlementaire qui ne change pas grand chose au schmilblick.

UNI-Nouvelle Donne effet 2 en 1

Les rares personnes qui se sont amusées à comparer les différents tracts ont pu constater qu’en plus de proposer la même chose, les tracts allaient même pour l’UNI et Nouvelle Donne jusqu’à présenter un candidat commun, Maxime van Lierde. Un concept des plus originaux s’il en est... Maxime van Lierde est ainsi classé n°8 sur la liste de la Commission Paritaire de Nouvelle Donne et n°3 sur la liste du Conseil de Direction de l’UNI.

Comme il l’a été dit pour le mode d’élection, Sciences Po a, comme d’habitude, tous les pouvoirs donc il serait parfaitement

3 Il s’agit du Décret n°85-59 du 18 janvier 1985, l’article 20 du Titre III étant celui qui fixe le mode de scutin.http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Ajour?nor=&num=85-59&ind=1&laPage=1&demande=ajour

possible que la direction décide, par exemple, qu’un étudiant puisse siéger dans plusieurs conseils, ce qui est interdit par le décret régissant les élections universitaires (III-art. 19).

Sur le forum de Sciences Po (http://forum-scpo.com/forum-scpo/viewtopic.php?id=6038&p=3), (Vincent) “Uher” de l’UNI commence par la jouer tellement diplomatique que cela en est louche… Ce n’est qu’une petite erreur de la part de Nouvelle Donne, “pas de nature à altérer suffisamment la sincérité du scrutin pour que la liste ND soit invalidée”, Maxime van Lierde est bien sur la liste de l’UNI. Quand un type comme Uher prononce le mot “sincérité”, on a des raisons de se méfier… Le décidement révolté “Matthieu” (Creux) de Nouvelle Donne lâchera d’ailleurs sur lapéniche.net que “ils [l’UNI] ont tenté de faire X recours a deux francs pour contrer des listes sur un plan juridique plus que sur un plan programmatique. Evidemment, ça n’a pas marche”. Difficile d’attaquer un programme qui n’existe pas, il est vrai.

Après qu’un courageux anonyme a rappelé sur le forum que Maxime van Lierde est censé être vice-président de Nouvelle Donne, Uher complète en précisant que, même si le nom de van Lierde a été effacé du site Internet, ce dernier “est bien vice-président de ND (cf leur tract rédigé sur l’AG organisée à ScPo), poste dont il ne peut être démis que par un vote en AG de ND (qui n’est à ma connaissance pas encore intervenu)”.

Il n’en faut pas plus à Matthieu Creux de Nouvelle Donne (que nous apprécions particulièrement à IVV pour sa maîtrise de lui-même et son sens de la mesure) pour détailler le mode de fonctionnement stalinien de l’organisation : “Maxime Van Lierde a été exclu de nos membres lundi 7 janvier au soir, suite à une décision de tous les autres membres de Nouvelle Donne [Creux ne précise pas par quel biais]. Par définition de Nouvelle Donne (sic), nous ne pouvons pas accepter qu’un membre de notre association soit apparenté d’une quelconque manière à l’UNI”. Mieux encore : “Cette décision lui a été communiquée par email”. On lui a donc pleinement laissé la possibilité de justifier sa démarche. Et pour parachever le tout, Creux explique tout simplement que la raison principale pour laquelle van Lierde a été viré est parce qu’il ne pense pas comme la majorité des gens à l’UMP : “Je tiens également à jouer avec vous la transparence : ce dernier a quitté nos membres en désaccord profond avec nos idées sur les Conventions d’Education Prioritaire à Sciences Po. Maxime refuse en effet la présence de ceux-ci dans nos murs, alors que nous l’acceptons, nous”. Normal, le grand timonier l’a dit : “Nicolas Sarkozy […] est d’accord pour les discriminations positives sociales de la sorte”.

Et “pol” de l’UNI de conclure en demandant si “ce sont les mêmes qui prétendent ‘donner un nouveau souffle à la vie syndicale en sortant des stéréotypes habituels’”.

On a bien rigolé, mais cela ne fait en fait que commencer ! Car entre en scène “MvL” (Maxime van Lierde) lui-même ! “Je suis partagé entre le désire profon (sic) de te mettre mon poing ds (sic) la figure ou de toute (sic) simplement ne faire aucun commentaire” s’exclame-t-il en choisissant de ce fait une troisième voie, “Je ne pensais pas que le MENSONGE était désormais une des tactiques de combat de ND, mais nous savons TOUS que pour parvenir à ses fins matthieu creux est capable de tout, n’est ce pas Matthieu ?”. N’est-ce pas ? Et enfin viennent les menaces qui font monter la tension dramatique : “Fais moi encore dire quelque chose que je n’ai

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jamais dit et tu peux être certain que tu le regretteras…”

Mais au final, il convient de préciser que ce type d’irrégularités ne porte pas à conséquence. Non seulement chaque liste en a son lot (SUD avait par exemple des irrégularités concernant les candidatures de 3A l’année passée (un papier manquant)) mais l’attention portée au respect des règles des élections est directement liée au pouvoir effectif des élus étudiants. Le changement à deux reprises du mode de scrutin est une autre illustration de je-m’en-foutisme presque affiché de la direction.

Les débats les plus intenses

Le labo de langues (sur lapéniche.net)Nouvelle Donne est en colère car le laboratoire est vieillot et en plus tout est sur cassette et pas sur DVD ! Mais “oulà” nous informe que ce labo est fermé. “Non! Il est encore ouvert deux jours par semaine !” réplique Matthieu (Creux) de Nouvelle Donne. “ouaissss” réplique que la dame du labo elle a dit que ça allait fermer et que les cassettes partent peu à peu à la poubelle. Personne ne s’interroge sur l’impact écologique de toutes ces cassettes jetées. Eve (Robert) de l’UNEF dit que l’UNEF a obtenu pour le budget 2008 la création de 100 nouvelles places dans un nouveau labo tout neuf donc que bon c’est un peu facile de faire ce genre de propositions. Tout ça ne nous dit pas s’il y a vraiment des gens qui vont se faire chier régulièrement dans ce machin.

La signification du nom de la liste de l’UNI (sur le forum)“Neige” demande ce que signifient les lettres “ON” de “UNI-ON”. “Gwénolé” (Buck) de l’UNEF répond “Ordre Nouveau”. “Jacky” propose quelques autres solutions : “Oder - Neisse”, “Otto - Nacht”, “Occident - Nebel”, “Orianenburg - Nurnberg”. Mais “Trèfle” est catégorique : “Ordre Nouveau”. Pour élever le débat, (Vincent) “Uher” de l’UNI a entre temps annoncé son numéro de carte UMP, afin de prouver qu’il n’était pas au MNR : “02 075 015 000628355”.

Kikafékoi (sur le forum)Sous son pseudonyme, Alexis Prokopiev d’IZFV se félicite du succès de l’option “alternance” en master AP. “Inutile de rappeler que ce sont les élus IZFV qui, en 2006, avaient proposé cette réforme”. “Gwénolé” (Buck) de l’UNEF s’emporte : c’est l’administration qui l’a proposé en premier lieu. “C’est l’un des deux modes de génération possible pour une idée d’IZFV, l’autre étant de la piocher directement dans le bilan de l’UNEF”. (Vincent) “Uher” de l’UNI intervient alors, sournois : “C’est curieux, ça me rappelle l’incubateur d’entreprises et une autre liste [Nouvelle Donne]”. Puis complète : “Pardon: à la différence près qu’IZFV va généralement en groupe de travail”.

Perles de campagne

Nouvelle Donne :L’équipe de Nouvelle Donne au complet, dans une interview à lapéniche.net

• “C’est plus qu’une polémique, c’est un problème.” : C’est plus qu’une phrase vide de sens, c’est un modèle de pseudo rhétorique politicarde• “On habite dans le VIIème, et rien n’est à vendre dans le coin pour le moment.” : Hélas tout le monde n’habite pas dans le VIIe arrondissement, et pas seulement parce que rien n’est à vendre dans le coin.

Interzaide-Fac Verte :Sarah Fathallah, pour Interzaide-Fac Verte, dans une interview à lapéniche.net

• “il faut que les revenus des deux parents soient pris en compte [pour l’établissement du montant des frais de scolarité] dans les familles monoparentales, en cas de parents divorcés” : Vote pour moi et tu paieras plus !

UNI :“Marion” (Cannone), dans un commentaire d’interview à lapéniche.net

• “[…] j’affirme qu’aucun de nous n’est affilié à un quelconque parti d’extrême-droite ou ne partage leurs idées” : La phrase qu’on a le plus entendu de la part de l’UNI depuis le

début de l’année scolaire.

Profession de foi

• “Mouvement politique non partisan, l’UNI est associé à l’UMP”On n’aurait pas fait plus belle antiphrase.

La Cé :Dans une interview à lapéniche.net

• “Nous soutenons le système actuel de droits de scolarité qui permet de faire vivre au sein de Sciences Po la solidarité et la justice sociale.” : On rigole un bon coup et on imagine Bourdieu se retournant dans sa tombe.• “Cette année encore, nous votons pour élire nos représentants dans les instances de décision de Sciences Po” Et le pire c’est qu’ils y croient !

UNEFsur le blog de campagne de l’UNEF

• “Son budget [celui de la commission sociale] est ainsi passé de 30 000€ (somme prévue initialement) à 10 000 € suite à l’intervention des élus UNEF.” C’est Descoings qui doit être fier d’eux ! Pour être honnêtes, précisons que le budget est en fait passé à 100 000 €.

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Les résultats commentés par le CEVIPOUF

Inscrits : 7134 (CS&CP) et 2193 (CS).Nombre de votes : 1788 (CD) & 1777 (CP) et 234 (CS)Suffrages exprimés (blancs et nuls exclus) : CD : 1691, CP : 1689, CS : 227Abstention : 75% (+3 points par rapport à 2007), et 89,3% pour le Conseil Scientifique!

Conseil de Direction :

UNEF :33% en CD soit 3 sièges (562 voix) (-2,2 points ; -1 siège)Nouvelle Donne :18% en CD soit 2 sièges (299 voix) (+2,1 points ; +1 siège))InterZaide-Fac Verte :18% en CD soit 1 siège (297 voix) (+0,4 points)Cé :13% en CD soit 1 siège (227 voix) (-0,3 points)UNI :10% en CD soit 1 siège (167 voix) (-1,3 points)SUD :8% en CD soit 0 siège (139 voix) (+1,3 points)

Commission Paritaire :

UNEF :30% en CP soit 3 sièges (508 voix) (-3,7 points)InterZaide-Fac Verte :19% en CP soit 2 sièges (328 voix) (+0,5 points)Nouvelle Donne :18% en CP soit 2 sièges (310 voix) (+1,8 points ; +1 siège)Cé :14% en CP soit 1 siège (243 voix) (+0,8 points)UNI :9% en CP soit 0 siège (153 voix) (-2,2 points ; - 1 siège)SUD :9% en CP soit 0 siège (148 voix) (+1,8 points)

Conseil Scientifique :

UNEF :34% en CS soit 2 sièges. (77 voix) (-4,5 points ; - 1 siège)InterZaide-Fac Verte :23% en CS soit 2 sièges. (53 voix) (-1,6 points ; + 1 siège)SUD :16% en CS soit 1 siège. (37 voix) (+3,3 points)Nouvelle Donne :12% en CS soit 1 siège. (28 voix) (-0,7 points)Cé :9% en CS soit 0 siège. (21 voix) (+9 points)UNI :5% en CS soit 0 siège. (11 voix) (-6,5 points)

Grâce à une application de la méthode par régression linéaire validée par un taux de significativité du V de Cramer élevé, les chercheurs du CEVIPOUF peuvent affirmer avec une marge d’erreur de 5% que, ceteris paribus, l’UNEF et l’UNI ressortent perdants (respectivement 2 sièges et 1 siège en moins), Nouvelle Donne et Interzaide gagnent du terrain (respectivement 2 sièges et 1 siège en plus), la Cé et SUD restent stables. Une question légitime se pose alors : à quels facteurs peut-on imputer la baisse des deux syndicats traditionnels à Sciences Po ?

• La stratégie d’ouverture de l’UNi (cf. Gallien Lefevre) : bizarrement, là où l’UNI a perdu un siège - en Commission Paritaire - c’était là également que la tactique de l’ouverture façon papa Sarko avait été jouée… sauf que papa Sarko, lui, il avait joué cette carte une fois élu (pas totalement fou le gars). Après cela, les chercheurs du CEVIPOUF n’ont pu identifier de corrélation significative entre les deux variables (le taux de Pearson étant relativement faible), mais bon.• La tentative de rendre “fun” l’UNI : visiblement les électeurs et les électrices n’ont pas été séduits par l’humour UNIen : “UNI-ON”, liste “Etudiants-chercheurs.com” (pour le CS), mots croisés et pseudo-blagues dans Tribord, etc.• Blitz Krieg vs. Matracash : ça n’aura échappé à personne : la différence de tractage entre l’UNEF et Nouvelle Donne. Alors que l’UNEF avait choisi, comme il est de tradition, la stratégie de la Blitz-Krieg (bombarder Sciences Po de tracts 24h/24 - 7j/7, en changeant toutes les 24h de type de tracts, pendant qu’un nombre toujours plus grand de militants de Sciences Po ou d’ailleurs viennent prendre position dans les lieux stratégiques), à Nouvelle Donne, on avait pris une toute autre stratégie: le matracage tactique (diffuser pendant toute la campagne le même tract avec le seul recto rempli d’idées très simples et de 2/3 projets passe-partout ou déjà en cours, et ce aux heures les plus denses). Apparemment l’une a mieux marché que l’autre…• L’intensité de la campagne : les chercheurs du CEVIPOUF sont unanimes pour accréditer la thèse de la campagne merdique. Nous laissons justement ce thème pour la conclusion...

75% d’anarchistes à Sciences Po !

Permettez nous, en guise de conclusion, de nous gausser grassement de l’ensemble de cette campagne syndicale. Nous aurions pu le faire en introduction, mais ça aurait cassé le suspense. En réalité, qu’est-ce que cette campagne, sinon une tempête dans un verre d’eau ?

Tempête qui n’intéresse que les différents opposants, qui peuvent s’écharper pendant une semaine et demi entre eux, mais dont tout le reste de Sciences Po se contrefout. Il n’y avait qu’à voir le Grand Débat organisé le lundi 14 janvier dans l’amphithéâtre Boutmy : il y a eu, aux plus fort des échanges, une quarantaine de personnes dans le public, quasimment toutes syndiquées. Autant dire que ce n’est pas là qu’on allait faire changer d’avis les gens... Et cette indifférence totale, marquée également par les signes d’agacement des gentils pipoteurs à chaque remise de tract, elle se retrouve dans les urnes. 75% d’abstention : vive la démocratie étudiante. Certes c’est moins que dans beaucoup d’autres université, mais à SciencesPoPoint, là où l’on se gargarise en permanence des vertus du débat démocratique et où l’on se targue d’être en prise sur le monde et ses enjeux politiques, ça prend une saveur tout à fait particulière.

Et c’est bien parceque cette tempête à lieu dans un verre d’eau que tout le monde s’en fout : si les élections syndicales changeaient radicalement les choses, ça se saurait. Si les élus étudiants avaient un réel poids dans les différentes instances, peut être que la donne serait différente. Si les différents syndicats parvenaient à plus informer les étudiants sur les orientations que prend leur école et sur la nécessiter de se mobiliser, peut être qu’il y aurait du changement.

Ca ressemble au programme de SUD ça ? Ahlala, décidemment, la collusion nous rattrape toujours !

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Les masques derrière la plumeEgotrip

Le numéro 10 a été l’occasion d’un léger accrochage avec le très centriste Nicolas Vinci, irrité par une brève certes méchante à son encontre (ne le nions pas), même si sa visée était plus générale : rendre compte de la division d’une droite mollassonne réduite en miettes. Lorsque, comme à chaque fois devant ce type de cas, l’intéressé a réclamé de connaître le nom de l’auteur des lignes incriminées, il lui a été répondu le message habituel pour nous selon lequel In Vodka Veritas constitue une publication collective dont la responsabilité est depuis le numéro 3 assumée par un directeur de publication.

Sauf que nous avons alors constaté qu’aucun article explicatif sur ce mode de fonctionnement n’avait été publié dans nos pages et donc que ce mode de fonctionnement qui nous paraissait si « naturel » à force de le répéter aux mécontents, était donc dans les faits pour les « non initiés » un mode relativement obscur de procéder. Et comme avec les élections syndicales nous citons dans ce numéro un certain nombre d’étudiants (pour certains relativement sanguins), il n’est pas plus mal de les exposer au grand jour.

Ce qui est présenté ici est une théorisation de l’après-coup, la justification d’une pratique de fait en fonction d’éléments qui nous sont favorables, mais après tout c’est sur ce type de bases que repose la théorie libérale (ah, le contrat social !) et peu de monde à Sciences Po la remet en cause, donc on peut bien se le permettre à notre tour.

Les faits sont donc que dès le premier numéro, les articles n’ont pas été signés. Il ne s’agissait pas là d’un choix quelconque, du moins pas que je sache. Cela était j’imagine naturel, au vu de la façon dont le journal avait été réalisé. Il s’agissait comme cela a déjà été expliqué dans ses pages du festival Expresso, ce qu’on pourrait définir comme un marathon de presse (dont nous avions bien sûr eu le premier prix à l’occasion) et la rédaction des articles s’est faite à deux, quatre ou six mains (jusque huit ?) pour palier les contraintes de temps, et puis tout simplement parce que c’était bien sympa de faire cette expérience là.

La décision a ensuite été prise de perpétuer cet état de fait. « Qu’importe qui parle, quelqu’un a dit qu’importe qui parle », a dit l’autre, cité par dans un livre.

La volonté d’origine était de perpétuer la collaboration dans l’écriture. Devant les difficultés constatées pour le numéro 2 à ce que ce soit le cas a émergé l’idée du guide de rentrée pour le numéro 3, qui a été réalisé par le biais de l’outil wiki qui ne nous quitte plus depuis. Les articles écrits à plusieurs sont donc plus rares, hors occasions spéciales (comme les élections syndicales pour ce numéro), mais ils existent. Le wiki permet également compléments et correctifs, en concertation.

C’est également pour le numéro trois qu’In Vodka Veritas s’est doté d’un directeur de publication, dont le poste n’est pas hiérarchique : il ne peut pas, par exemple, refuser la publication d’un article. La façon dont le poste a été pensé dès le début est celle d’un paratonnerre des mécontentements. La raison en est simple : il était évident que tout le monde n’allait pas aimer le guide de rentrée.

Soyons clair : il s’agit bien de faire qu’individuellement les rédacteurs ne soient pas responsables du contenu des articles, en particulier ceux vis-à-vis de la direction. A cela deux raisons principales : la proximité physique géographique avec les personnes dont il est question et le rapport d’autorité de la direction sur les étudiants.

L’anonymat est relatif puisque nos noms sont cités dans l’ours, et de plus souvent avec des indices sur qui a pu écrire quoi. Mais il est tout de même un moyen de dépasser les limites qui nous sont imposées. In Vodka Veritas vise à briser un certain unanimisme,

donc autant s’en donner les moyens !

Mais attention, cela ne signifie pas pour autant l’abandon de toute responsabilité, puisqu’il y a bien collectivisation de celle-ci. Chacun assume concrètement les écrits des autres, non qu’il soit forcément d’accord avec tout ce qui est dit dans un article – point de centralisme démocratique ! – mais simplement il/elle ne le trouve pas spécialement choquant et accepte de voir son nom y être associé dans l’ours.

Dans une situation concrète de conflit, ce choix rédactionnel permet de renvoyer le mécontent au contenu de l’article pour lui demander ce qui spécifiquement ne va pas pour en demander contradiction. Il a été plusieurs fois admis (parfois avec un certain

retard, avouons-le), que nous nous étions trompés. Rien ne nous empêche de le reconnaître à nouveau.

Ramener au fond a pour but clair d’éviter toute personnalisation du conflit qui ne mène pas bien loin, en témoigne certains propos de notre droitier préféré, Matthieu Creux, rapportés dans le numéro 8.

Au niveau de la direction, cela peut donner un Richard Descoings s’exclamant que si un certain étudiant voulait passer encore deux ou trois ans de plus à l’étranger, cela ne le gênerait pas le moins du monde. C’était en décembre dernier, alors qu’approchent entre parenthèses le moment de la validation de la troisième année et celui du choix des masters.

A tous les mécontents de Sciences Po, voilà donc au moins un avertissement, la remise en cause des conventions établies, c’est la base du progrès humains mes amis… Entrons dans l’ère post-égotique !

Comité de rédaction d’In Vodka Veritas. Fous ta cagoule !.

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Et pendant ce temps, à Sciences PoLes acheteurs de Richard le vendu

Après Lagardère qui s’est offert à la fin 2007 une formation sur mesure pour ses petits sportifs, c’est au tour de France Télécom de créer un cursus spécifique pour former ses acheteurs, c’est-à-dire ceux qui font gérer ses achats.

Le communiqué de presse le dit le plus clairement du monde : « France Télécom choisit Sciences Po Paris » (nous soulignons). Où est donc parti Descoings le conquérant ? Sciences Po est reléguée au rang de sous-traitant, simple fournisseur de main d’œuvre.

Notons également que cette filière, telle que présentée, est condamnée à disparaître à une certaine échéance. La flexibilité, toussa. Or cette formation sera on suppose très spécialisée puisque dirigée directement vers une entreprise. Quel intérêt pour France Télécom en effet de former à autre chose que le poste auquel elle destine l’étudiant. On aura donc des étudiants tout rigides, prêts à casser en deux à la moindre évolution du marché du travail.

Non, vraiment, ce projet de formation représente « le futur et toutes les raisons d’y croire », comme le résume si bien le slogan de France Télécom.

Devoir de mémoire

Le 10 janvier dernier, c’était la Saint Guillaume, rendez-vous traditionnel de début d’année des personnels, professeurs et responsables associatifs de SciencesPoPoint. C’était l’occasion pour certains de vos serviteurs de récuperer un peu de leurs frais de scolarité sous forme de sushis. Pour autant, nous n’avons pas fait le déplacement pour rien puisqu’à l’occasion de son allocution, Richard Descoings nous en a sorti une belle :

“Un campus délocalisé, qui s’intéresserait aux pays en développement, aux relations Sud-Sud et Nord-Sud est à l’étude. Il serait situé à Nantes pour des raisons historiques évidentes”.

On y apprendra le commerce triangulaire équitable ? Et pourquoi ne pas déplacer le cycle Franco-Allemand à Oradour-sur-Glane ?

Youkaï-DAIE, Youkaïda !

Voici pour vous quelques compléments d’information sur la 3e

année par rapport à l’article du mois dernier, juste assez en retard pour qu’elles ne vous servent à rien, amis 2A. Mais au moins les nioubs de 1ère année seront prévenus sur le calvaire qui les attend dans un an.

Tu partais le sourire aux lèvres te renseigner sur les destinations les plus sympathiques à retenir ? Mais que comptais-tu faire, misérable ? La direction elle-même prévient constamment que son site n’est « pas tout à fait » à jour. Ne t’a-t-on pas averti des liens morts que tu découvres quand tu crois pouvoir enfin te réjouir d’avoir accès au rapport que tu désirais consulter ? Quant à aller lire la version papier, eh bien bon courage avec une salle ouverte 4 heures par jour (on n’est pas encore au niveau du help-desk informatique, mais bon). En désespoir de cause, tu décides d’aller demander avis à un responsable de la DAIE… Mais te rends compte avec horreur que c’est comme à la Fnac, le « produit » qui t’es présenté comme le meilleur est surtout celui qui doit être refourgué en priorité, par exemple parce qu’il n’y a pas eu d’échange l’année précédente et qu’il faut donc bien envoyer quelqu’un pour montrer la force du lien établi…

Mais si tu en as marre des informations contradictoires de l’administration, de la gestion désastreuse du TOEFL (je peux en dire quelque chose), et des réunions d’information où l’on apprend rien, il reste toujours une solution : la solidarité. Ecrase ta larme, ô camarade d’infortune. Car voici Globe Trotter, enfin une asso un peu utile (en tout cas en théorie).

Pour de l’aide sur la troisième année, trois possibilités : • le site Internet, encore très en travaux mais avec déjà quelques fiches : www.globetrotterscpo.org • le mail : [email protected] • le thread 3A du forum Sciences Po (ce sont les mêmes personnes) : http://forum-scpo.com/forum-scpo/viewtopic.php?id=5706.

Pour la petite histoire, Globe Trotter souhaitait s’appeler Sciences Po International, mais la direction a refusé que l’association se nomme ainsi, au cas où il serait par exemple décidé d’un rebranding dynamique de la DAIE sous ce nom, ou alors la création d’une compagnie Descoings Airlines en utilisant « Sciences Po International » pour désigner la classe affaire. On n’est jamais trop prudent

Quiz jobardise

Avec qui la direction de Sciences Po a-t-elle négocié pour une conférence qui n’a finalement pas eu lieu ?

1) Mouammar Kadhafi, parce que c’est un dictateur sanguinaire2) Barack Obama, parce qu’il refusait de voyager en classe touriste3) Jean-Marie Le Pen, par peur de la nouvelle section de Sud-étudiants4) Bernard-Henri Lévy, parce qu’il y a des limites à tout5) Pierre Pujo, pour cause de décès prématuré

(réponse : la première, mais uniquement parce qu’il a refusé un débat contradictoire).

La Connerie de RichieRichie fait son mea culpa

« Message personnel…pour éviter les pensées possiblement méchantes des grognons…Mon épousée chérie et mes beaux-enfants adorés me prient de vous indiquer que je ne suis pas un “sans-ami” qui passe tout son temps de Noël à poster avec plus ou moins de talent. » (25 décembre)

Richie, tous les mois dans IVV et tous les jours sur son blog !

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La déontologie, ce n’est pas leur tasse de thé

Nous en avions fait la promesse dans le numéro 9, que nous n’avions pas honorée dans le numéro 10 : voici enfin le récit du séjour des étudiants de 4ème année de l’école de journalisme de SciencesPoPoint au Maroc. Pendant que les autres étudiants étaient en pleine “semaine de lecture et de réflexion personelle” (les vacances de la Toussaint quoi), nos futurs journaleux partaient se la couler douce dans le royaume chérifien. Que le contribuable potard se rassure, tout était aux frais de l’Ambassade du Maroc en France. Il n’en a donc rien coûté à SciencesPoPoint, sauf sa crédibilité…

En effet, puisque l’Ambassade finance, l’Ambassade organise, planifie, encadre, surveille. Et voici nos wanabePullitzer embarqués dans une vaste opération de com’ en faveur du Royaume du Maroc, de Tanger à Casablanca en passant par Rabat, où il aura plus été question de prestige et de propagande que de journalisme. Nous n’exagérons rien (comme si c’était notre genre), le ministre de la Communication l’a même déclaré tout de go aux invités : “Il s’agit de donner une image positive du Maroc à vous, futurs journalistes dans des grands médias français”.

Et pour donner cette image positive, l’Ambassade s’est donnée du mal. Au programme : quatre ministères, plusieurs “chantiers de développement”, des institutions financières à la pelle, deux ou trois médias et quelques associations histoire de. Le tout sous le regard bienveillant et omniprésent de deux officiels, par

ailleurs sympathiques, qui ont accompagné les étudiants tout le long du voyage. Petit florilège de ces visites…

Nos chers étudiants ont pu admirer le chantier du nouveau port de Tanger, mais sans qu’on parle des problèmes environnementaux et des conditions de travail des ouvriers (“Ils viennent du sud, parceque là bas ils

sont habitués à travailler dur” (sic)). On leur a vanté les mérites de la candidature de Tanger pour l’Exposition universelle de 2012 et le “soutien populaire spontané” qui l’entourait (la ville s’est finalement révélée moins méritante que prévu). Ils ont été admirer les locaux du Comité Consultatif (tout est dans le “consultatif”) des Droits de l’Homme. Ils se sont doré la pilule sur la plage privée de l’Amphitrite, un des plus beaux palaces du Maroc, après s’être gavés sous l’invitation du directeur de la télé nationale. On leur a présenté le chantier d’aménagement du Bouregreg, le fleuve qui sépare Rabat de Salé, véritable Disneyland de béton réservé aux riches.

Ils ont pu visiter Tanger Free Zone, une zone franche, véritable paradis du MEDEF où les entreprises étrangères sont exemptées de tout, tout en profitant de la moins-disance sociale et de la modération salariale (expression pudique) du Maroc. Regardons la plaquette de la plaquette de présentaiton de Tanger Free Zone. Outre le blabla sur “Tanger aux portes de l’Europe” et “le Maroc terre d’acceuil des investissements extérieurs”, la partie “Quelques atouts de Tanger” énumère : “temps légal de travail

de 44 heures/semaine”, “Congé payé 1 journée et demi par mois travaillé” “Niveau des salaires attrayant : ouvrier non spécialisé 0,87€/heure ; ouvrier spécialisé 0,95€/heure ; ouvrier qualifié 1,1€/heure ; cadre moyen 500€/mois ; cadre 1000€/mois”. Laurence Parisot en frétille encore.

Mais le meilleur reste encore cette réception à la Tour Hassan, un des meilleurs restaurants de la capitale, organisée par le Crédit Agricole du Maroc. Bien entendu, le fait que le PDG de la banque soit le frère de Son Excellence l’Ambassadeur du Maroc en France n’a rien à voir dans la programmation de ce colloque dînatoire. Les étudiants ont en tous cas pu papoter avec leurs interlocuteurs de la situation difficile du monde rural -dont la malnutrition- autour d’indécents tajines et autres plats sans fond de patisseries. Votre serviteur se doit d’ailleurs de faire son autocritique (façon procès de Moscou) et de signaler qu’il n’a pas été le dernier à se compromettre en faisant un honneur certain à la table de ses hôtes tout en les félicitant pour les grandes réussites de leur si joli pays. Bilan : 3 kilos en une semaine et après ça se permet de cracher dans la harira...

Bien sûr, les vaillants étudiants ont pu poser des questions, mais la réponse à souvent été la même : “Vous savez ce que c’était les années de plomb1 ? Bon, ben c’est mieux aujourd’hui non ?”. Argumentaire implacable… A noter la réponse assez fendarde du Ministre des Affaires Générales à une question sur le fort taux d’abstention aux dernières élections : “C’est un signe très encourageant pour la démocratie, ça veut dire que les gens ont le droit de ne pas aller voter”. Il n’y a eu à proprement parler qu’une visite (sur une vingtaine) qui ait apporté un point de vue critique sur le Maroc : une réunion à la fondation Bouabid (du nom d’un des fondateurs de l’USFP, le parti socialiste marocain) en présence de journalistes de Tel Quel. Visite trop courte en comparaison des autres, qui ont semblé souvent bien trop longues…

Quoiqu’il en soit, les visites se sont succédées à un rythme démentiel, à raison de trois ou quatre par jour (et autant de thés à la menthe et de buffets), ce qui n’a laissé que peu de temps aux étudiants pour faire ce qu’ils sont pourtant supposer faire : du journalisme. Aussi, les effectifs ont commencé à fondre au fur et à mesure que la semaine avançait. Tant et si bien qu’un soir, ils ont eu le droit à une réunion passage-de-savon avec la directrice exécutive de l’école, Agnès Chauveau, et son télévisuel bras droit Bernard Volker. Hors de question de fuir les prochaines visites sous prétexte de reportages : il ne faudrait pas froisser les hôtes…

Au final, les étudiants n’auront vu du Maroc que ce qu’on aura voulu leur montrer : les salles de réunion des ministères ou les halls des grands hôtels de trois villes de la côte. Le Maroc moderne, le Maroc glamour. Ils auront ignoré au passage la moitié de ses habitants qui vivent en zone rurale, les millions qui vivent dans les bidonvilles, le Maroc qui a faim, le Maroc qui a froid. Heureusement, la plupart d’entre eux a gardé un point de vue critique tout au long du séjour, du moins on l’espère. A noter que l’Ecole de Journalisme de Sciences Po n’en est pas à son coup d’essai en matière de voyages de communication : le voyage d’une précédente promo en Israël avait déjà fait couler beaucoup d’encre2…

1 Période du règne d’Hassan II marquée par des emprisonnements arbitraires et des assassinats politiques. Sorte de nirvana dictatorial.2 Lire notamment http://www.monde-diplomatique.fr/ carnet/2006-02-21-Sciences-Po

Portrait presque fidèle des deux accompagnateurs

marocains.

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Retour sur “l’enquête sur les enjeux de la bibliothèque”

Peu de jours après la parution du dernier IVV, nombre de nos lecteurs se sont empressés de multiplier les commentaires élogieux sur l’article concernant la bibliothèque. Même si “pour un journal d’extrême gauche il était bien écrit” (sic), cet article nous a laissé comme un sentiment de frustration : nous n’avions pas fait le tour du sujet.

Manquantes à l’appel, des informations sur le projet de rénovation de la bibliothèque auraient été nécessaires à la conclusion de l’article. Et c’est grâce aux informations données par Michel Gardette, le dirlo de “la bib” que nous pouvons enfin satisfaire notre libido sciendi !

Le projet de rénovation de la bibliothèque est en réalité un projet de ouf. C’est le seul terme recevable pour décrire les travaux qui concerneront le bâtiment du 27, à savoir le RDC (actuelle salle des profs, locaux associatifs et syndicaux), le 1er étage (actuelle salle d’actu), le 2e étage (actuelle salle des collections) ainsi que le 3e étage (les salles info resteront telles quelles)

Au total, la nouvelle bibliothèque du 27 comprendra 5 niveaux dont une mezzanine, et permettra d’apporter un gain de 150 places assises ainsi que des espaces de travail en groupe (“quarrels”). Le design très moderne du nouvel espace et les quelques lieux de détente (des répliques des sofas actuellement monopolisés par BDE et BDA) pourront donner l’illusion qu’aller à la bibliothèque c’est trop Feng Shui.

Le petit bijou s’élève tout de même à 4.000.000 d’euros pour des travaux s’étalanj de Juin 2008 à juin 2009, financés par l’Etat principalement (n’en déplaise à nos amis des jeunesses sarkozistes c’est encore lui qui fait tourner la baraque), et des fonds seraient en cours de négociation auprès de la Région d’Huchon, à moins que quelques milliers d’euros défiscalisés ne proviennent du réseau des Anciens de SciencesPoPoint.

Quant aux travaux… vous connaissez le principe de base de tout travaux : “on sait toujours quand ça commence…”. Souvenez-vous : 2005, des travaux de rénovation assez rapides débutent dans l’amphi Boutmy, et soudain c’est le drame : un ouvrier polonais découvre d’un coup de pioche de l’amiante dans le corps du bâtiment des grands amphis, c’est la panique à la direction de SciencesPoPoint qui ne voit plus la fin des travaux.

Pour ce qui concerne le bâtiment du 27, nous n’en sommes heuresement pas là ! Mais qui sait ? Quoiqu’il en soit, on est déjà sûr. qu’il faudra compter avec une bibliothèque fonctionnant avec un nombre total de places réduit pendant un an.

Les salles d’actu et de collection ne seront cependant pas totalement fermées mais délocalisées : dans la salle Eugène d’Eichtal, aux Magasins et en poussant les murs de la bibliothèque du 30. La direction est même en train d’essayer de négocier avec l’Institut de Droit Comparé (le truc juste à côté de la bibliothèque) pour que plus de pipotards puissent y avoir accès.

Mais que nos lecteurs signataires de la pétition UNIenne soient rassurés : grâce à ces travaux - et non pas grâce à la pétition comme les gens de l’UNI ne manqueront pas de le revendiquer -, les nouvelles salles de la bibliothèque du 27 seront ouvertes aux mêmes heures que le bâtiment du 27 (8h - 21h en gros), et il sera

possible d’emprunter et rendre les bouquins accessibles depuis ces salles grâce à deux automates de prêt (des machines ultrapuissantes qui peuvent lire un code-barre) disposés de façon stratégique. Pourra-t-on y emprunter des éditions d’In Vodka ?

Descoings Wasmer fête

Etienne Wasmer, vous avez pu en profiter pendant un semestre, mais contrairement à ce qui semblait être prévu, il a préféré ne pas assurer l’enseignement d’analyse économique pour le second semestre.

Certaines rumeurs, colportées notamment sur Internet par le très ingrat forum Sciences Po (qui nous permet tout de même de rapporter la rumeur sans nous mouiller), prétendaient que dans les faits, personne ne désirait reprendre le cours, ni Généreux, ni Schlachter, ni…, et que Wasmer allait devoir rempiler quelques mois supplémentaires.

Celui-ci, sur son blog (http://ew-econ.typepad.fr), s’est insurgé contre ces allégations. « Dites vous bien que pour ce cours, l’offre est excédentaire », s’est-il ainsi emporté, car « réfléchir à sa discipline et l’exposer, c’est un exercice très exigeant et infiniment stimulant », même s’il concédait que « il est vrai que la taille du cours n’est pas anodine » (l’auteur de ces lignes peut en témoigner).

C’est finalement un certain Yann Algan (http://www.cepremap.cnrs.fr/algan) qui prendra le relais pour « le deuxième volet du grand cours d’économie auquel Dominique Strauss-Kahn, professeur des Universités à Sciences Po, et actuel directeur général du FMI, a donné ses lettres de noblesse », dixit Descoings, dans un très bel exercice de flagornerie. Ô monsieur du Algan, si votre jeune âge (33 ans) ne tient pas du trucage, vous êtes l’idée fixe de notre hôte aux abois.

La Connerie de RichieRichie se pose trop de questions

« Leibniz ? Pascal ? Léonard de Vinci ? Kant ? Condorcet ? Descartes ?

Matématiciens ? Ingénieurs ? Physiciens ? Astronomes ? Philosophes ? Politiques ? Visionnaires ? Calcul intégral et cité idéale ? Pensées et machine à calculer ? Calcul différentiel et intégrales ? Géométrie analytique et coordonnées cartésiennes, loi de la réfraction optique, description de la circulation du sang ?

Amis antimatheux, où voyez-vous que la politique et la science s’opposent, que philosophie et mathématiques font mauvais ménage ? » (3 janvier)

Richie, tous les mois dans IVV et tous les jours sur son blog !

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Logo-rrhée

Sciences Po n’est plus, bienvenue (ou pas) à “SciencesPo.”. Ou “SciencesPoPoint”. Voire “SciencesPoDot” pour se la jouer bilingual (nous lui préférerons cependant “SciencesPoFist”). SciencesPoPoint a changé de logo et de nom à l’occasion. Et, à moins de l’avoir vraiment fait exprès, vous n’avez pas pu le manquer : le nouveau logo s’affiche désormais partout. Il flotte fièrement au vent sur les bannières médiévales qui encadrent l’entrée du 27, il s’étale à l’entrée de la bibliothèque, de la librairie, de l’amphi Boutmy, au dessus de la loge des appariteurs, etc. Il a même remplacé l’ancien logo en fer forgé qui trônait au dessus de l’entrée (qu’on retrouvera sûrement dans quelques mois sur eBay).

Ce changement d’identité visuelle, comme on dit dans le merveilleux monde de la communication, on l’avait vu venir. Grâce à qui ? A notre inégalable directeur qui a innondé depuis des semaines son blog de billets concernant de près ou de loin ce fameux logo. Une façon de faire monter le suspense sur des enjeux souvent aussi fondamentaux que de savoir si le lion et le renard seront encore dans un carré, encore en vis à vis, si on va enfin les laisser copuler comme nous le suggérons depuis si longtemps3.

Et puis vint le jour J, la grande r é v é l a t i o n , toujours sur le blog de Coin coin : le 20 décembre les yeux ébahis du monde entier peuvent contempler le nouveau logo de SciencesPoPoint. Ce qui ne change pas : le lion et le renard sont toujours là, se font toujours face, sont toujours dans un carré. rouges. Ce qui change : le bleu fâlot a laissé sa place à un rouge assez vif. “Un rouge éclatant, choisi non pour sa connotation politique mais plus simplement parce qu’il est marquant, associé au leadership et à l’esprit de conquête“ nous rassure Richie : le drapeau rouge ne flotte toujous pas au dessus du 27. Les animaux sont désormais juchés sur une forme indéfinissable dont il sera précisé qu’il s’agit d’un parchemin. Ils tiennent ouvert ce qui apparaît être un livre, sûrement “De la Courneuve à Shangaï”. Et puis à côté, il y a bien sûr ce fameux “SciencesPoPoint”. Sans nul doute une façon de faire cyber-branché, Web2.0 et compagnie.

Quoiqu’il en soit, ce nouveau logo a entraîné une foule de commentaires sur internet. 42 commentaires ont été postés en répnse au sujet consacré au logo sur le blog de Descoings, 98 commentaires à l’article dédié sur LaPéniche.net... Et les étudiants de s’écharper sur “Pourquoi le nouveau logo est pas bien”, “Pourquoi il est plus joli que l’ancien”, “Pourquoi le “point” et l’absence d’espace sont contraires à la grammaire française” et autres vraies questions de fond comme celles-ci. En tous cas, voir ces étudiants bien plus prompts à commenter le nouveau logo de leur école que la politique du gouvernement, les élections

3 Voir la couverture du numéro 2.

syndicales ou la LRU en dit bien long sur l’état de conscience politique du vénérable Institut d’Etudes Politiques.

Mais le nouveau logo, tout illusoire qu’il soit, a un coût. Selon une estimation livrée par l’ineffable Didier Schlacter en conf d’éco, la réalisation du nouveau logo (par une boîte privée, of course) aurait coûté “de quoi équiper une salle d’une grosse vingtaine d’ordinateurs dernier cri avec tous les logiciels nécessaires pour pouvoir travailler dessus”. 30.000€, à la louche, et sans compter les frais d’installation. Tout ça alors que la rédaction d’IVV aurait volontiers mobilisé son service “gribouillages de lendemains de cuite” pour le prix d’une trentaine de bières. A bon entendeur…

LA SECTION PS-SCIENCES PORugissante comme un flamby qu’on démoule.

Le lion de Belfort n’est pas mortLu sur le blog de la section PS : “les socialistes de Sciences Po ont mangé du lion !”. Renseignement pris, Jean-Pierre Chevènement est toujours en vie. En attendant les agneaux bèlent fort.

Socialo-libéralismeLe blog de la section PS de Sciences Po est vachement intéressant pour qui souhaite préparer une fiche techniquement

creuse ou un exposé bâteau. Sur leur blog, donc, les “socialistes de Sciences Po” écrivaient des articles pour préparer “ intel lectuel lement “les étudiants à une conférence sur “les socialistes et le marché” (expression par essence antinomique).

On pouvait y lire une brillante réflexion en

2 parties 2 sous-parties, dont voici des extraits choisis : « Le libre échange est donc à géométrie très variable et ce sont les Français et plus largement les Européens qui sont largement les dindons de la farce en la matière [car en respectant le libre-échange alors que d’autres ne le font pas, on perd des contrats et donc du fric, NDLR]. […] Pourtant, plusieurs évolutions économiques récentes viennent renforcer l’idée selon laquelle seule une approche pragmatique du libre-échange, fondée sur un « donnant-donnant » international peut assurer à terme le prospérité de nos pays. […] C’est un cas d’école, mais pourtant rarement étudié dans les cours d’économie prétendument marxistes que l’on enseignerait. »

En plus d’être intéressant pour y trouver des idées creuses mais acceptées par tous pour remplir un exposé au sujet creux mais choisi par le prof, nous vous encourageons à aller lire leur site pour y apprendre des nouvelles que personne ne reprend ailleurs - et pourtant ! - : s’ils peuvent dire que l’on étudie rarement le sujet en question dans les cours “d’économie marxiste”, cela voudrait dire que les socialistes de Sciences Po connaissent l’économie marxiste, ce qui en soit est un scoop ; 2) il existe une nouvelle théorie du libre-échange : “le donnant-donnant international” (ROYAL (S.) Théorie générale de l’ordre juste, Economica, 2007).

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LA POLITIQUE DE RECRUTEMENT DE SCIENCES POLe hasard fait parfois bien les choses. Parfois.

Sans tiare illuminé

Le cycle délocalisé de Poitiers est un repaire de dangereux gauchistes. Vous ne le saviez pas, nous non plus, mais c’est Yves-Marie Adeline qui nous l’apprend. Si vous ne le connaissez pas, c’est une bonne chose, car ce monsieur est le président du groupuscule de l’Alliance royale.

Il sert surtout aux émissions de télévision en mal de sujet. Le rédacteur en chef débarque alors et assène : “il nous faut un taré !”. Et quelques minutes plus tard, on téléphone à Adeline qui est alors trop content qu’on parle de lui (voir par exemple le “reportage” de 66 Minutes : http://www.youtube.com/watch?v=wmbmsHhHcOQ).

Or il se trouve que Sciences Po a embauché ce clown pour le second semestre, selon ce que ce dernier affirme sur son blog (www.pourleroi.fr), puis l’a remercié de manière abrupte. La raison ? Ce sont les communistes ! “Quelques étudiants sud-américains d’extrême gauche”, plus précisément. Car en plus, chez ces sauvages, “là-bas le communisme c’est Chavez, Castro, les Farc, le Sentier lumineux, etc.”. Tout est dans le “etc.”, qu’on peut éventuellement remplacer par un “ma bonne dame”. Un blog royaliste explicite la xénophobie latente du message d’Adeline (le ridicule étant déjà suffisamment visible) : “Nous protestons contre cette nouvelle démonstration de la dictature marxiste à l’Université et contre cette capitulation d’autorités françaises devant des étrangers”.

Mais bref, la section locale des FARC a décidé en collaboration avec les “censeurs totalitaires” de la direction de renvoyer le pauvre déphasé chez lui. “Sciences Po se ferme à la liberté”, s’exclame-t-il en rentrant, avant d’embrasser les huit enfants qu’il a enchaîné à son épouse.

Bon baisers du VIIe

Pour ceux qui n’ont pas suivi l’affaire, Guillaume Dasquié est un journaliste, spécialisé dans le renseignement, qui a été forcé à révéler le nom d’une de ses sources pour un article qui dérangeait le pouvoir, suite à un interrogatoire musclé. Il a été mis en examen pour “compromission et divulgation du secret de la défense”.

Concrètement, il avait obtenu et publié dans Le Monde des extraits de notes classées secret-défense sur le fait que la DGSE avait des informations en 2001 concernant de possibles attentats (du reste cette information était déjà sortie dans les mois qui avaient suivi les attaques terroristes). Rien de plus banal, certes, sauf qu’ici la note n’était visiblement pas censée fuiter, comme c’est le cas habituellement (source : Dasquié interrogé sur @si).

Le rapport avec SciencesPoPoint, c’est que justement Philippe Hayez, qui donne un cours sur le sujet du renseignement en master Affaires Internationales, a été arrêté par la DST le même jour que Guillaume Dasquié (début décembre 2007), sans que son nom ne soit rendu public.

Hayez, haut-fonctionnaire à la Cour des Comptes, ancien cadre

de la DGSE (départ en 2006) a été mis en examen par le juge en charge du dossier. On ne peut que s’indigner de ce “mauvais procès fait à un grand serviteur de l’Etat” (selon l’entité abstraite des “milieux du renseignement”, citée par le blog “Secret Défense” de Libération).

La DGSE précise qu’il n’y a eu aucune sanction “contre des fonctionnaires en activité dans le service”. Et contre ceux qui ne sont plus dans le service ?

La Connerie de RichieRichie aime la poésie

« The

London School of Economics and political science of the university of London ? » (22 décembre)

Richie, tous les mois dans IVV et tous les jours sur son blog !

CHRONIQUE DE L’AMBITION ORDINAIRE - 1A Sciences Po c’est bien connu, on forme les décideurs de demain. Certains étudiants aux dents longues ne l’ont que trop bien compris et s’imaginent déjà sur le perron de l’Elysée aux côtés d’une belle et volage transalpine, jouant à grands coups de blogs nombrilistes à “Et si j’avais du pouvoir” comme on joue à la dînette. Petites perles…

La social-démocratie : la maladie infantile du néolibéralisme

Comme nous aimons à IVV nous faire des ennemis, voici rien que pour vous une revue critique d’un site dont l’adresse nous a été communiquées par quelqu’un de mal intentionné. Mais ne riez pas trop fort, car nous en avons d’autres sous le coude ! Et vous pourriez bien retrouver votre magnifique site dans les pages d’un prochain numéro…

Vous vous souvenez peut-être du foisonnement quelque peu attendrissant de pseudo think tanks sociaux-démocrates lors de la procédure de reconnaissance des associations il y a quelques mois. Il s’agissait semble-t-il pour chaque petite individualité d’y trouver son compte. Eh bien voilà qu’il en ressort aujourd’hui que « Inventons demain » (http://inventonsdemain.unblog.fr) est, c’est promis, « le Think tank de la Gauche à Sciences Po ». Il n’y en a pas deux, non. Enfin si, c’est aussi le nom d’un think tank de Jack Lang, mais celui-ci « n’a rien à voir avec le mouvement de Jack Lang ».

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Enfin nous allons pouvoir parler haut et fort des « QUESTIONS SENSIBLES » pour parvenir avec nos petites mains à « l’émancipation sociale et culturelle de chacun ». Concrètement la réponse n’est pas bien compliquée : acceptation pleine et entière des théories néolibérales, mais masturbation intellectuelle sur comment déguiser ça en quelque chose un minimum de gauche. Ce qui donne par exemple cette magnifique question qui ne pourrait être plus explicite : « Comment la gauche peut-elle être crédible sur le plan économique sans renoncer à ses fondamentaux ? ». Mais n’empêche pas notre brillant cercle intellectuel de se réclamer d’auteurs comme Pierre Bourdieu, Pierre Clastres ou Slavoj Zizeck.

Le Créateur, la personne à l’origine de ce grandiose projet s’appelle Rémy Cérésiani. Il est le seul à être affiché dans la splendide section « Qui sommes-nous ? », apparemment désormais hors-ligne, mais qui apparaît toujours en version cache sur Google. L’intéressé y parle de lui à la troisième personne, à la Alain Delon, et nous offre une véritable autobiographie. On y apprend par exemple qu’il a choisi de partir du privé vers le public – normal il est « engagé à gauche », qu’il se « classe parmi les meilleurs bacs de toute la France » avec 19,97 et qu’il a été quatre fois lauréat du concours général, de quoi régler probablement les « QUESTIONS SENSIBLES ».

Rappelons la définition d’aristocratie, « gouvernement des meilleurs ». Le Dictionnaire de L’Académie française de 1694 donnait pour illustrer ce sens l’exemple suivant : « L’Aristocratie est préférable au gouvernement populaire ». Choisis ton camp, camarade.

La BibliothèqueRouge

En attendant le vote des bêtes sauvagesAhmadou Kourouma

L’Afrique, c’est bien connu est pauvre en tout, sauf en dictateurs. Mais dans le cas présent, c’est une vraie richesse (hé oui) puisque c’est là qu’Ahmadou Kourouma va chercher son inspiration littéraire. En reprenant les formes traditionnelles du récit des griots (conteurs) africains, il raconte dans “En attendant le vote des bêtes sauvages” la vie d’un dictateur pas si imaginaire que ça...

Koyaga a été soldat pour l’armée française en Indochine et en Algérie (comme Bokassa), il a renversé le dictateur installé après la décolonisation, pour instaurer, sous l’égide d’une junte, la démocratie. Sauf que malheureusement et par hasard, il finit par être le seul de ses membres à survivre, il se retrouve donc dictateur bien contre son gré (comme tous les dictateurs africains). Arrivé sur son trône, il va être plusieurs fois la cible de complots ou d’attentats, mais il se maintient au pouvoir grâce à une méthode éprouvée depuis la nuit des temps : la répression (comme tous les dictateurs), avec ici le soutien d’une ex-puissance coloniale européenne (comme tous les dictateurs en Afrique).

Il rencontre également ses « collègues » en qui l’on reconnait facilement Houphouët-Boigny, Bokassa, ou Mobutu, tous aussi fous, despotiques, dangereux, obnubilés par la répression et la gestion de leurs prisons pleines jusque à ras bord, mais qu’ils vident régulièrement à grands coups d’exécutions.

Kourouma se livre à un réquisitoire sans appel contre ces despotes modernes qui, avec l’approbation et l’aide bienveillante de grandes et glorieuses démocraties (comme la France), se maintiennent au pouvoir, répriment tout élan démocratique et pillent leurs pays. Une lecture plus que nécessaire pour qui veut comprendre la Françafrique, toujours pas révolue comme l’a encore prouvé récemment le soutien à la dicatutre tchadienne d’Idriss Déby (avec vente d’armes à la clé) ou la visite de Sarkozy chez ce grand déconneur d’Omar Bongo.

Ps : l’auteur de ces lignes est justement à la recherche d’un stage chez Bolloré ou Bouygues au Congo de l’honorable “président” Omar Bongo. Si quelqu’un avait des contacts adressez vous à IVV, on fera suivre à l’intéressé...

La Connerie de RichieRichie kikoulol !!!!!!!!!!!!!!!!!!

« La Commission de spécialistes d’économie, que préside JPF, a mené une politique active de recrutement d’économistes de haut niveau

Après Marc Flandreau, qui a été major à son concours d’agrégation, Etienne Wasmer et Philippe Weil ont rejoint la rue Saint-Guillaume. Cela ne fait pas le nombre mais la qualité est au rendez-vous !

Même si Etienne est aussi polytechnicien.

Même s’il a fallu se battre avec le Ministère pour pouvoir titulariser Philippe Weil. Rendez-vous compte, cet inconnu a fait ses études aux Etats-Unis et sa carrière à l’international ! Et il n’est pas agrégé !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Et puis il y a des non-agrégés non-professeurs qui ne sont pas mauvais en économie : voyez Elie Cohen au CEVIPOF, Nicolas Jabko et, plus récemment, Jérôme Sgard qui quitte le CEPII pour rejoindre le CERI. » (22 décembre)

Richie, tous les mois dans IVV et tous les jours sur son blog !

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HASTA SIEMPRELA CONSOMMATION Avec la propagande, je bande - 3

Quand l’imaginaire révolutionnaire devient rentable

Nos communicants sont prêts à tout pour faire du fric, rien ne doit s’opposer à la logique du make money, même pas le sens des choses, la logique des idées. Le contenu importe peu, du moment que le client consomme. Leur but : faire qu’un produit soit désirable. Créer le désir de posséder, d’acheter, de flamber. Susciter un comportement standardisé, un reflexe consommateur. Pour cela, l’imaginaire, le symbolique, sont deux éléments incontournables. Les communicants vous diront qu’ils travaillent à “faire rêver les gens”, soit en réalité à créer un désir de consommer dans l’esprit d’une personne par le biais de la propagande commerciale.

Une fois concrétisé, ce non-désir se transforme en faux-besoin. La mécanique consommatrice est lancée. Des faux-besoins créent de nouveaux faux-besoins, que les désirs artificiels viennent promouvoir. Seulement au bout d’un moment les publicitaires commencent à faire le tour des outils de propagande. Certains clichés passent de mode, les gens s’en lassent, ou bien les concurrents trouvent une idée qui rapporte plus. Alors on change de moule.

La ménagère de 40 ans, coiffure années 60 et robe à fleurs poussant son caddie rempli à ras-bords de lessives et pruneaux d’Agen est remplacée par la blondasse aux mamelles protubérantes et fesses standardisées, puis par la brune anorexique aux formes aristocratiques.

Serait-ce enfin la fin? Comme visiblement le dernier modèle commence à trouver ses limites, des publicitaires toujours soucieux du sens et de la profondeur de leurs pub commencent à trouver une nouvelle niche : l’imaginaire révolutionnaire, ou critique, ou intello. Leur idée : rendre le révolutionnaire “tendance”, en faire un élément séducteur, styliser la rébellion.

Capturer le critique, le dénaturer et en faire un élément de la reproduction de l’ordre commercial. Vider l’imaginaire révolutionnaire de son sens et le transformer en condiment, cet ajout qui relève un peu le plat qu’on veut vous faire avaler. Utiliser l’imagerie révolutionnaire pour que les plus grosses boîtes capitalistes en tirent profit…Trois exemples récents de publicités pseudo-révolutionnaires ont retenu notre attention.

Lafayette amuse la galerie

Déjà, en mai 2005, les Galeries Lafayette avaient fait fort. Géante sur nos murs de métro, rappelez-vous de cette poupée Barbie huileuse, en position horizontale, dont le maillot de bain, ôté, pendait négligemment au bout de son pied, attendant l’étape suivante, assurément torride… Oui, l’image de la femme était une nouvelle fois réduite à celle d’une poupée gonflable

prête à accueillir toutes les bites du monde mais finalement, comme dirait l’autre, ce n’était pas bien nouveau1.

Mais le mois dernier, les publicitaires ont changé de registre. Après avoir montré jusqu’où pouvait aller la pub en matière de sexisme et de vulgarité, ils sont délibérément allés jusqu’à l’insulte. La nouvelle affiche des Galeries Lafayette nous a tous fait peur (j’espère) : au centre de l’image, sur fond blanc, le regard torve, la

bouche pincée, le cheveux ondulé, le biceps dégonflé et la main crispé, la figure de l’intello prétendument irrespectueux, Frédéric Beigbeder. Torse nu (et huilé... et photoshopé). Déjà, voir Beigbeder à moitié nu en très très grand, cela donne le renvoi. Mais en plus, de le voir faire semblant de lire La société de consommation de Jean Baudrillard, c’est à rendre malade n’importe quelle personne normalement constituée.

Dans sa critique de l’emprise des objets sur les hommes, Baudrillard écrit en 1970 : « Les objets ne constituent ni une flore ni une faune. Pourtant ils donnent bien l’impression d’une végétation proliférante et d’une jungle, où le nouvel homme sauvage des temps modernes a du mal à retrouver les réflexes de la civilisation » Ainsi, Beigbeder est notre homme sauvage des

temps modernes, tellement sauvage qu’il a une barbe de trois jours et qu’il se balade torse nu (et huilé). Sur tous les murs il est maintenant le symbole de la consommation effrénée, du règne de l’objet, de l’homme-prisonnier. Et la logique de l’objet-roi va jusqu’au bout : sur cette affiche, le livre n’a même plus de contenu, il est réduit à l’état d’objet inerte. C’est d’ailleurs pour cela que Beigbeder ne le regarde même pas. A la limite, il pourrait le tenir à l’envers.

Mais c’est davantage cette utilisation désinvolte de l’œuvre de Baudrillard qui montre jusqu’où nous sommes prêts à aller aujourd’hui: tourner en dérision le savoir pour mieux

1 D’ailleurs, l’été dernier, H&M faisait sa rentrée en fanfare avec femmes en maillots, strings et autres froufrous, exhibées sur tous les murs de la gare Saint-Lazare (entre autres).

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mettre en valeur le factice. Rire du sujet qui pense et qui accuse pour mieux acheter l’objet. Ainsi, puisque les Galeries ont de l’humour et emmerdent le monde des sociologues et de ceux qui pensent, on a choisi ce livre, symbole de la critique du monde de consommation dans lequel nous nageons. Comme un pied de nez irrespectueux, presque vulgaire. Ecrivez ce que vous voulez, nous tournerons tout en dérision, c’est ce que nous dit cette affiche. On a presque envie de lui arracher des mains, ce livre. « rentre chez toi et rhabille toi ». car plus rien n’a de sens. Prochaine publicité : BHL en train de s’essuyer les mains pleines de ketchup sur un livre de Guy Debord ?

Yves Rocher fait la révolution en beauté

C’est le fabriquant de cosmétiques Yves Rocher qui est venu nous éblouir récemment avec un autre exemple de publicité reprenant une esthétique révolutionnaire. Sur un fond noir, un poing fermé, serrant une touffe d’herbe. L’ongle du pouce visible est vernis d’un rouge qui ne vient qu’ajouter une lourdeur symbolique de plus. Enfin, dans une police vaguement destroy histoire de faire encore plus rebelle, le slogan : “Liberté, Egalité, Beauté”. La cerise sur le dégoulinant gateau révolutionnaire en quelque sorte.

On assiste là encore à la reprise d’une esthétique révolutionnaire pour cacher le vrai fond du produit vendu. Maquillons la réalité puisqu’il n’y a rien de plus inutile, accessoire et même honteux que les produits cosmétiques. Masquons qu’il ne s’agit que de caprices bourgeois d’une société d’abonididance. Occultons ces marqueurs d’un monde où le paraître se substitue à l’être, où il faut sans cesse se battre pour être aussi beau que les mannequins retouchés qui s’étalent partout en papier glacé, ou de ces présentateurs surmaquillés, sans âge et sans imperfections, qui s’affichent tous les soirs sur les tubes cathodiques dans toutes les chaumières. Les produits cosmétiques sont une dépense honteuse quand un milliard d’êtres humains meurent de faim, et puisqu’ils sont une dépense honteuse, habillons les justement des oripaux de la révolte.

Il devient ainsi vachement engagé de se maquiller, on est même l’avant garde de la révolution avec son bâton de rouge à lèvres. Oublions la “Fraternité”, nous serons tous libres et égaux lorsque nous serons tous beaux. Merci qui ? Merci Yves Rocher... Nous espérons maintenant que le maquilleur n’en restera pas là et que l’on pourra bientôt mettre du mascara Louise Michel, que l’on pourra troquer son Pétrole Hahn contre du Pétroleuse, que l’on pourra s’asperger de parfum Passionaria...

Arrête ton char, Leclerc

Mais le plus comique reste encore notre ami Edouard Leclerc, qui depuis maintenant plusieurs années multiplie les publicités gauchisantes dans l’image pour mieux masquer ses intentions réelles. Ainsi, personne n’a raté il y a deux ans cette campagne reprenant certaines des plus célèbres affiches de Mai 68 pour servir le message de Leclerc sur le pouvoir d’achat. Le CRS SS est devenu une allégorie de l’inflation, la foule qui voulait que

la lutte continue veut maintenant qu’on arrête d’interdire de vendre moins cher et la célèbre usine est devenue un empilement de boîtes de conserves. Mais derrière les images, quel est le message ?

Leclerc se bat en fait depuis des années pour que soit abrogée la loi Galland qui encadre les

relations entre les enseignes de grande distribution et leurs fournisseurs, en clair empêche que les grandes surfaces

puissent trop abuser de leur position dominante pour préssuriser les fournisseurs sur leurs prix d’achat. Voilà qui ne plaît pas beaucoup à Leclerc, qui voudrait, dans un élan de philanthropie évident, pouvoir vendre moins cher à ses clients adorés.

Rappelons les vertus de la loi Galland : en empêchant la revente à perte, elle protège ce qu’il reste du petit commerce en France, elle assure aux fournisseurs

un certain nombre de garanties quand bien même elles sont constamment mis à mal par la grande distribution. Rappelons

aussi que Leclerc pourrait très bien baisser ses prix s’il cessait de facturer à ses fournisseurs des contrats de commercialisation complètement bidons auxquels ces derniers sont obligés de souscrire sous peine de déréférencement.

Leclerc se bat lui aussi pour notre liberté, notre liberté d’aller consommer encore plus dans ses jolis supermarchés. Notre liberté de participer ainsi encore plus

à la destruction programmée de la planète, à l’insoutenable croissance économique que nous lui faisons subir. La liberté

de s’aliéner encore un peu plus tous les samedis à pousser un caddie dans les rayons, en chantant “I’m lost in the supermarket”.

Mais cette récupération de l’imagerie révolutionnaire à des fins commerciales n’est finalement pas étonnante. La révolte est à la mode par essence, puisqu’elle est une esthétique de singularisation de soi. Tant pis si on bazarde au passage la dimension collective fondamentale de tout mouvement révolutionnaire : c’est

dans l’individu uniquement qu’elle s’exprime, tant que ça permet de lui refourguer des T-shirts du Che...

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TELECHARGEMENT, PIRATAGE : DE PEER EN PEER

Voilà maintenant un petit moment que, chaque fois que vous louez un film, vous avez la chance de devoir vous taper avant celui-ci un petit spot « publicitaire » vous apprenant que télécharger (ici, des films, histoire de pas trop troubler le spectateur, mais c’est le même argument pour les disques), c’est du vol, et que si vous ne volez pas de sacs à main, de voitures ou dans les magasins, alors vous n’avez aucune raison de télécharger des films sur Internet. Télécharger, c’est voler ! Il va falloir vous le mettre dans le crâne, de gré ou de force.

L’argument employé est très simple, et c’est toujours le même : produire de la musique (ou des films, mais ici on va se contenter de la musique) a un coût pour les maisons de disques et les artistes, et ces derniers ne vivent que grâce aux droits d’auteur qu’ils perçoivent sur la vente et la diffusion de leurs chansons. Donc, si vous téléchargez illégalement (entendre : gratuitement, probablement le mot le plus haï par tout ce que le monde compte d’industries), vous privez les maisons de disques des moyens de continuer à faire leur travail, et vous affamez les artistes qui, pourtant, croyaient naïvement que vous les aimiez, la preuve, ils consacrent un peu de leur temps à dédicacer des chansons aux myopathes au moment du Téléthon.

Bref. Si tu ne payes pas, tu voles. Quoi de plus logique finalement ? N’oubliez pas vos cours d’éco : le « passager clandestin » menace à terme la société, puisque si tout le monde se comporte comme lui, plus rien ne peut fonctionner.

Et pourtant… Tous les ans, on nous reparle de la « crise de l’industrie musicale », qui serait tout naturellement corrélée à l’ « augmentation sans précédent du nombre de téléchargements illégaux ». Quelques chiffres, histoire de rigoler un peu et de s’apitoyer sur le sort de Pascal Nègre : en 1968, les ventes de musique dans le monde s’élevaient à 2 milliards de dollars. En 1995, 40 milliards. Après une légère baisse au tout début des années 2000, on est aujourd’hui revenus à ce chiffre. Alors forcément, on veut bien croire que les ventes de disques diminuent depuis une demi-douzaine d’années, mais de là à pleurer pour les majors… Il faut dire qu’ils ont la vue plutôt courte, nos amis d’Universal, BMG ou EMI. En effet, si l’on se donne la peine de se pencher vers le passé, ou de réfléchir au-delà des seules ventes de disques, on s’aperçoit que la photocopie n’a jamais affecté les chiffres des maisons d’édition, et les bibliothèques ont plutôt suscité le désir de lire qu’elles ne l’ont tué. Imaginons qu’on interdise les bibliothèques publiques au nom de la « concurrence déloyale envers les éditeurs »… C’est exactement ce qu’on fait avec le P2P1 ! De même, l’invention de la radio avait provoqué la colère des maisons de disques et des producteurs de concerts. En fait, elle a multiplié la demande. Pareil pour VHS / cinéma. Aujourd’hui les recettes en salles (en hausse) = 25% des recettes du cinéma, contre 50% pour les DVD.

Qui plus est, il existe depuis un certain temps déjà un pacte tacite entre le législateur et le consommateur, puisque celui-ci était laissé libre de copier à sa guise en échange d’une redevance

1 Peer to peer, ou partage de fichiers entre utilisateurs. Mais vous le saviez déjà, n’est-ce pas, voleurs de culture…

perçue sur les supports vierges (et aujourd’hui les disques durs etc…). Autrement dit, lorsque vous vous munissez des moyens de télécharger illégalement, vous versez de l’argent à l’Etat, qui se charge ensuite de le redistribuer (en partie hein, faut pas déconner quand même) aux « acteurs de l’industrie culturelle » pour couvrir le manque à gagner généré par votre acte de forfaiture. En clair, le téléchargement a permis de créer le concept de « vol payant », ce qui en soi est déjà magnifique.

Ce d’autant que les fichiers (tous numériques, forcément) que vous téléchargez ne sont pas exactement comparables aux pots de yaourt que vous pourriez voler au supermarché (oui, je vole des pots de yaourt, chacun son ambition, je vous emmerde). Différence majeure entre pot de yaourt et morceau de musique : ce dernier peut se trouver à deux endroits à la fois. Autrement dit, un morceau copié par l’un peut rester chez l’autre. Donc pas de vol ! Le téléchargement a (quasiment) supprimé l’un des principes fondamentaux de l’économie marchande : la rareté. Lorsque l’on télécharge une chanson, on ne prive personne de son écoute (contrairement à mon pot de yaourt, que je ne peux restituer après l’avoir consommé que sous une forme légèrement dégradée). Conclusion : si vous téléchargez un morceau, vous ne « volez » que l’industrie musicale, en aucun cas votre « prochain ». L’industrie musicale, qui fait payer entre 15 et 20€ des CD qui coûtent en moyenne 3€ à produire. Qui élimine de ses catalogues tout ce qui n’est pas « rentable ». Qui se fait des couilles en or sur des concerts à prix exorbitants et sur les diffusions en boucle opérées par les radios (qui lui appartiennent pour la plupart). Qui touche, donc, de l’argent lorsque vous achetez des supports vierges…

En somme, le téléchargement n’est certainement pas un danger. En revanche, c’est une opportunité, et même un progrès formidable. La quasi-gratuité du processus (faire passer un fichier d’un ordinateur à un autre ne coûte presque rien) permet de télécharger presque à l’infini, et donc d’élargir considérablement son horizon musical (ou cinématographique, littéraire, hein, bon). Le P2P permet à des millions d’internautes d’ouvrir leur catalogue privé à des millions d’autres… Comme si vous étiez au même moment dans le salon de millions d’amis, à piocher tranquillement dans leur bibliothèque sans même risquer de détériorer leurs livres ou leurs vinyles. Génial !

Et vous croyiez qu’on allait vous laisser faire ? Je veux bien qu’on soit naïfs, mais quand même. Alors que les artistes y sont en général favorables (pas fous, les types, ils ne vont pas cracher sur un nouveau public, à quelques exceptions près), le moins qu’on puisse dire, c’est que les marchands, qui ne voient pas plus loin que leurs œillères de comptables et sont des organisateurs de rareté, de péages, de barrières et de rentes, rejettent l’idée même de partage et se sont engagés dans une guerre sans merci contre les « pirates » (plus un compliment qu’une insulte, à mon sens, mais passons).

Un flic offert avec chaque logiciel acheté

Les majors, les multinationales du disque, les sociétés d’auteurs comme la SACEM, les grands magasins comme Virgin ou la Fnac ont donc décidé de mettre des barrières et des policiers pour surveiller. Les barrières sont les verrous sur les CD interdisant la copie, les policiers sont les DRM (logiciels-« flics » intégrés aux fichiers qui les traquent et en interdisent la copie). Les barrières

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sont aussi l’interdiction de transférer des chansons achetées sur un site ailleurs que sur le stockeur approprié, le iPod d’Apple par exemple. L’absence d’interopérabilité – de compatibilité – des logiciels est encore un moyen de compartimenter. Chacun chez soi, et le profit sera bien gardé. Les DRM, fouillant sur les disques durs, y trouveront des infos et y feront circuler des messages. Fait significatif, les administrations (les impôts, la santé, et même l’armée et la police !) s’inquiètent du monopole qui sera donné à ces apôtres de l’obscurantisme technologique dépassés par le progrès technique. Heureusement, pour l’instant, les DRM ne sont pas encore très répandus, même si l’illustre Denis Olivennes n’a pas l’air près à lâcher l’affaire.

C’est d’ailleurs là l’idée majeure d’Olivennes2 : fliquons dès aujourd’hui pour mieux fliquer demain. Rappelons que la principale proposition de son groupe de travail consacré à la question du téléchargement illégal consistait à obtenir des fournisseurs d’accès les noms des gens qui s’y livraient, afin de les avertir puis de suspendre leur connexion Internet. Fournir la liste des «cyber coupables » à l’Etat… Comme Google en Chine, qui dénonce gratuitement les « dissidents » au régime ? Bien évidemment, presque tous les fournisseurs d’accès ont signé l’accord… mais pas Google. A n’y rien comprendre.

En somme, les marchands de musique d’aujourd’hui sont comparables aux marchands de chandelles qui, autrefois, signaient des pétitions contre l’installation de l’électricité : ils sont victimes d’un bouleversement technique qui remet en cause leurs habitudes. Et leur réponse est très claire : ils n’abandonneront pas leur part du gâteau, et ils comptent bien sur l’Etat, toujours prompt à soutenir les plus forts, pour la conserver.

Crachons dans la soupe

Cette réaction est extrêmement regrettable, tant le partage de fichiers représente un élargissement inouï de l’horizon culturel de chacun. Il y a 5 ans, Pascal Nègre, PDG d’Universal3 Music France, déclarait : « si Jim Morrison ou Jacques Brel entraient aujourd’hui dans mon bureau... eh bien ! je ne les signerais pas ». Pas assez faciles d’écoute, pas assez proches du « public ». Autant dire qu’il ne faut pas compter sur les majors du disque pour développer notre culture musicale. De fait, le catalogue des majors est aujourd’hui extrêmement réduit, et diminue de jour en jour. Exit les artistes, bienvenue la soupe. Il faut que tout soit calibré, dans les 3 minutes, le maquillage nickel, on évite les sujets qui fâchent et on sourit aux enfants. A l’heure où Philippe Manœuvre4 rejoint la Nouvelle Star et

2 Dont on ne dira jamais assez qu’il est PDG de la FNAC, ce qui devrait suffire à invalider immédiatement son « rapport » et sa « charte ».

3 Peut-être une nouvelle idée de nom pour une future liste de l’UNI aux élections ?

4 Rédac’ chef de Rock&Folk, qui était jusque récemment le seul organe de presse rock un tant soit peu intéressant.

où l’avenir du rock français s’appelle Naast et Plastiscines, l’accès à une multitude d’autres contenus moins mis en valeur par les radios etc. est le bienvenu.

Surtout en France, pays qui peut se targuer de posséder une bande FM particulièrement exécrable en matière de diffusion de musique, avec une prime à la chanson française molle et bien-pensante et des radios « rock » (Ouï FM, Le Mouv’…) qui ne diffusent qu’une soupe immonde à longueur de journée. D’où la nécessité d’un accès illimité à d’autres formes de musique.

Vous l’aurez compris, l’auteur de ces lignes est résolument favorable au téléchargement, surtout s’il est illégal. Et pourtant, je me ferai l’avocat du Diable, et pas pour les raisons que l’on croit. Il faut continuer à acheter des disques. Plein. Et à télécharger, aussi, pour savoir lesquels acheter, et accessoirement pour soulager son

budget d’étudiant. Mais acheter des disques, c’est avant tout acheter une qualité de son. Le mp3 représente un retour en arrière considérable et pour ainsi dire dangereux pour la qualité d’écoute des générations futures. Jusque récemment, l’histoire de la musique avait été pavée d’avancées techniques et technologiques permettant d’améliorer de façon inouïe la qualité des enregistrements5. Le mp3, en compressant très fortement les fichiers, et donc le spectre sonore qu’ils contiennent, dégrade la qualité d’écoute et agrège des sons autrefois clairement distincts (et hop ! la basse et la grosse caisse disparaissent ensemble dans une bouillie atroce, etc.). Pour cette raison, à la fois nécessaire et suffisante, on ne saurait se priver

des supports physiques, et donc des CD. Evidemment, il convient de cibler ses achats : payer un disque 20€, c’est une connerie. Acheter en CD des albums dont le son est quoi qu’il arrive dégueulasse aussi6.

Et puisqu’il faut bien le dire : oui, il est nécessaire de soutenir les petits labels, dits « indépendants », qui n’ont guère d’autres revenus que ceux générés par les ventes de disques. Achetez donc prioritairement des disques d’artistes 1) vivants7 2) signés sur de petits labels 3) qui font un effort sur la présentation de leur album (ben oui, un CD c’est aussi un bel objet). C’est d’ailleurs là l’intérêt majeur du téléchargement : repérer à peu de frais les artistes qui méritent que l’on achète leurs œuvres. Oublié, le temps où l’on jetait des regards haineux au disque que l’on venait de payer 120 balles et qui ne nous plaisait pas… On ne s’en plaindra pas. Et puis, rien n’empêche de se faire un petit suspense de temps en temps, avec l’argent que l’on aura économisé en n’achetant pas la soupe servie par les majors.

5 Je ne rentrerai pas ici dans le vieux débat vynile vs. CD, dans lequel tout le monde a en fait raison.

6 A-t-on idée d’acheter des disques de rap ? Non pas que le rap soit mauvais, c’est faux ; mais c’est typiquement le genre de son(s) qui ne souffre que peu de la compression, puisque le nombre de pistes y est très réduit.

7 Vous voulez vraiment engraisser Yoko Ono et Courtney Love ?

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Au seuil de la Forteresse Europe

Keep banging on the wallsKeep banging on the walls of Fortress EuropeAsian Dub Foundation - Fortress Europe1

Des ombres se faufilent entre des containers, s’arrêtent, restent tapies plusieurs minutes à l’abri des projecteurs, puis repartent. Il est minuit sur le port de Tanger. Depuis la plate-forme qui surplombe les quais d’embarquement des ferry pour l’Espagne, nous assistons à un étrange manège. L’immigration illégale prend ici un visage très concret, celui des candidats qui tentent sans relâche de franchir les dernières barrières qui les séparent de l’Europe.

Pourtant, jusqu’au terminal de départ, les contrôles de police ne semblent pas très stricts. Nous avons franchi sans encombres les trois barrages établis dans l’enceinte du port, bien que notre présence à cette heure avancée soit plus que suspecte. Le dernier ferry a en effet levé l’ancre il y a plus d’une demi-heure et le prochain ne partira pas avant l’aube.

Les allées, éclairées comme en plein jour, sont presque vides. Quelques rares chauffeurs de camion somnolent dans leur véhicule ou sirotent un thé à la menthe dans les rares gargotes du port encore ouvertes à cette heure. Des Espagnols évidemment, mais aussi des Roumains, des Tchèques, des Grecs, des Bulgares… La terrasse où nous nous trouvons, séparée des quais par un petit fossé et une grille de plus de trois mètres, est le seul endroit où règne un semblant d’activité.

Une dizaine de jeunes hommes sont accoudés à la balustrade qui surplombe le fossé, attendant négligemment comme l’on peut attendre un spectacle. Ils ne parlent pas, ou peu. Parfois, deux ou trois d’entre eux se détachent du groupe et descendent de quelques mètres la pente faible de la terrasse. Ils s’arrêtent tous au même endroit, regardent en contrebas, repartent comme si de rien n’était.

Soudain, un des hommes s’élance par dessus la rambarde, et en un éclair il est passé par dessus la grille et s’est laissé tomber entre deux conteneurs du quai. C’est alors que l’on distingue la fine poutrelle métallique sur laquelle il a couru pour franchir le fossé. Et que l’on

1 Article publié pour la première fois sur http://rihlasciencespo.wordpress.com, blog d’étudiants de l’école de journalisme. Mais comme personne ne lit ce genre de trucs…

comprend tout l’intérêt stratégique du lieu. Ce soir-là, en une demi heure, nous avons vu cinq personnes franchir l’obstacle de la sorte.

Une fois sur le quai, impossible de savoir ce que deviennent les candidats à l’émigration illégale. Certains courent se cacher derrière un autre couvert, en attendant le moment propice pour s’embarquer. D’autres se terrent sous des camions, et tenteront de s’accrocher sous la carrosserie quand le véhicule redémarrera. Comment croire, pourtant, que les quelques agents du port et les policiers qui patrouillent sur le quai, ne voient rien, ne surveillent pas spécifiquement cette faille dans la muraille ?

« Les policiers, si tu ne payes pas ils voient, si tu payes ils ne voient pas » nous confie un des jeunes hommes présents. « J’ai beaucoup d’amis qui sont passés comme ça » ajoute-t-il, en pointant du doigt le passage qu’empruntent les émigrants. « Moi je n’essaie pas de passer, mais ça fait trois ans que j’accompagne des gens qui veulent passer. » Ainsi appartiendrait-t-il à un réseau de passeurs. Impossible d’en avoir la confirmation, mais nous en avons vite la conviction. En effet, nous n’avons guère le temps d’échanger plus de mots qu’un homme plus âgé, d’une quarantaine d’années environ, vient interrompre notre discussion en signifiant à notre interlocuteur d’aller un peu plus loin.

Nous ne nous éternisons pas sur le port, nous en avons déjà beaucoup vu. Rien de sensationnel, que des scènes apparemment ordinaires ici. Mais ce soir-là à Tanger, nous avons pu voir ce que l’on ne fait que fantasmer depuis l’Europe. Nous avons pu mettre des visages sur cette immigration illégale qui n’en semble jamais en avoir.

Moins de 15 kilomètres séparent l’Afrique et l’Europe, Tanger et Gibraltar. Le port marocain est donc un endroit privilégié pour tous les harragas - les brûleurs en arabe dilaectal - c’est à dire les candidats à l’immigation illégale. Récit d’ambiance d’un soir sur les docks...

De l’autre côté du fossé et de la grille, les ferrys en partance pour l’Espagne.

La Connerie de RichieRichie pète un câble

« Finitude ? Alors là, trop c’est trop !Little Bob édition 2007 p. 1051 En mathémathique “Le fait de comporter un nombre fini d’éléments, d’opérations”. Alors yen a marre d’être l’objet de la vindicte des supposés lettrés ! » (21 décembre)

Richie, tous les mois dans IVV et tous les jours sur son blog !