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"Influences culturelles sur des comportements managériaux d’entrepreneurs algériens" Azzedine TOUNÉS Groupe ESC Chambéry Savoie Docteur en Sciences de Gestion, Enseignant-chercheur [email protected] Khalil ASSALA Université du Sud Toulon Var Doctorant Laboratoire Ermmes [email protected] Résumé L’entrepreneuriat devient un levier important pour pallier le chômage en Algérie. Il fait partie des politiques de reconversion que l’Etat veut impulser grâce à une réserve en devises dépassant les 70 milliards de dollars US. L’émergence d’entrepreneurs est teintée de l’influence culturelle propre au contexte algérien. Nombreux sont les chercheurs qui soulignent l’importance de l’impact de la culturelle nationale sur les comportements managériaux des entrepreneurs. Nous voulons étudier cette proposition dans le contexte algérien. Pour répondre à cette question, nous avons adopté un protocole qualitatif utilisant la technique de l’entretien individuel semi-directif. Nous interrogeons 12 jeunes entrepreneurs dans le secteur des services. Pour appréhender l’impact culturel sur certains comportements, nous avons effectué deux entretiens pour chaque entreprise, un avec l’entrepreneur et un autre avec un salarié. Nous appuyons nos réflexions en nous référant au modèle de Hofstede (1980). Notre recherche se situe dans le prolongement des modèles des dimensions sociales et culturelles de l’entrepreneuriat. Nous nous focalisons sur l’étape post-engagement du processus entrepreneurial. L’analyse de contenu thématique nous permet de construire une carte de représentation synthétique de comportements managériaux d’entrepreneurs algériens influencés par des dimensions culturelles en référence au modèle d’Hofstede.

Influences culturelles sur des comportements … · Influences culturelles sur les comportements managériaux des entrepreneurs algériens Azzedine Tounés et Khalil Assala. 5ème

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"Influences culturelles sur des comportements managériaux d’entrepreneurs algériens"

Azzedine TOUNÉS

Groupe ESC Chambéry Savoie

Docteur en Sciences de Gestion, Enseignant-chercheur

[email protected]

Khalil ASSALA

Université du Sud Toulon Var

Doctorant

Laboratoire Ermmes

[email protected]

Résumé

L’entrepreneuriat devient un levier important pour pallier le chômage en Algérie. Il fait

partie des politiques de reconversion que l’Etat veut impulser grâce à une réserve en devises

dépassant les 70 milliards de dollars US. L’émergence d’entrepreneurs est teintée de

l’influence culturelle propre au contexte algérien. Nombreux sont les chercheurs qui

soulignent l’importance de l’impact de la culturelle nationale sur les comportements

managériaux des entrepreneurs. Nous voulons étudier cette proposition dans le contexte

algérien.

Pour répondre à cette question, nous avons adopté un protocole qualitatif utilisant la

technique de l’entretien individuel semi-directif. Nous interrogeons 12 jeunes entrepreneurs

dans le secteur des services. Pour appréhender l’impact culturel sur certains comportements,

nous avons effectué deux entretiens pour chaque entreprise, un avec l’entrepreneur et un autre

avec un salarié. Nous appuyons nos réflexions en nous référant au modèle de Hofstede

(1980). Notre recherche se situe dans le prolongement des modèles des dimensions sociales et

culturelles de l’entrepreneuriat. Nous nous focalisons sur l’étape post-engagement du

processus entrepreneurial.

L’analyse de contenu thématique nous permet de construire une carte de représentation

synthétique de comportements managériaux d’entrepreneurs algériens influencés par des

dimensions culturelles en référence au modèle d’Hofstede.

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Mots clés : comportement managérial ; entrepreneur algérien ; entrepreneuriat ; influences

culturelles ; modèle d’Hofstede.

Introduction

A l’heure de l’économie de marché et de la libre entreprise, nombreux sont les pays, à

l’instar de ceux post-communistes, qui vivent un événement historique dans lequel la culture

et l'économie connaissent des changements radicaux. En Algérie, une rapide revue de

l’histoire économique et politique depuis l’indépendance en 1962 nous rappelle un système

politique basé sur un parti unique et un modèle économique centralement dirigé. L’Etat a été

pendant plus de 30 ans le principal entrepreneur et employeur. Ce n’est qu’à la suite de

multiples crises énergétiques - les hydrocarbures sont les principales sources de revenus - que

l’Etat, en cessation de paiement en 1993, a autorisé l’émergence du secteur privé dans des

conditions difficiles d’investissement.

La mutation fût très rapide. La société algérienne est passée de la paysannerie

traditionnelle au salariat socialiste de "l’industrie industrialisante", puis à l’économie de

marché. C’est dans un contexte de transition économique inachevée que le secteur privé

évolue aujourd’hui grâce principalement à la création d’entreprises par des jeunes.

Cette transition bouleverse profondément la politique économique. L’entrepreneuriat,

levier de la création de richesses et d’emplois, fait partie des stratégies de reconversion en

Algérie. Celles-ci ne peuvent s’affranchir des dimensions culturelles affectant les

comportements des entrepreneurs. Nombreux sont les chercheurs qui soulignent l’importance

de l’influence culturelle sur les comportements économiques (Tsika, 1990 ; Kombou et

Saporta, 2000). "Si nous devons retenir quelque chose de l’histoire du développement

économique c'est que la culture fait toute la différence" écrit Landes (1998). Les

entrepreneurs des pays émergents, avec leurs propres valeurs cultuelles, sont devenus aussi

entreprenants que ceux des pays développés. Torrès (2000) montre que l’entrepreneuriat est

un phénomène mondial qui revêt des formes différentes à travers les pays.

Si l’on admet que la culture influence les entrepreneurs dans ce qu'ils sont, comment

influence-t-elle ce qu’ils font ? Nombre de chercheurs pense que la culture, profondément

ancrée, inconsciente et irrationnelle, conditionne les pensées et les actes des entrepreneurs

tout au long du processus entrepreneurial. Depuis l’intention jusqu'au au développement des

entreprises, la culture fait partie du système entrepreneurial et est au cœur de la dialogique

individu/création. Ainsi, notre problématique s’interroge sur l’influence de la culture

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nationale, bâtie sur des valeurs différentes de celles encourageant l’esprit d’entreprise, sur des

comportements managériaux des entrepreneurs.

Pour tenter de répondre à cette interrogation, nous étudions 12 jeunes entrepreneurs

algériens dans le secteur des services. Nous appuyons nos réflexions en nous référant au

modèle de Hofstede (1980). Notre recherche se situe dans le prolongement des modèles des

dimensions sociales et culturelles de l’entrepreneuriat. Nous nous focalisons sur l’étape post-

engagement du processus entrepreneurial.

Nous organisons notre communication en trois parties. La première se consacre à la

compréhension des composantes de la culture et ses influences sur les comportements

managériaux. La deuxième partie présente le cadre empirique utilisé pour expliquer ces

influences. Pour mettre en lumière ces dernières sur certains comportements managériaux

dans le contexte algérien, la dernière partie décrit et analyse les résultats de l’étude

exploratoire menée auprès de jeunes entrepreneurs activant dans le secteur des services.

1. Déclinaisons de la culture dans un contexte entrepreneurial

Kroeber et Kluckhohn (1962) dénombrent plus de 150 définitions scientifiques du concept

de culture. Historiens, anthropologues (Levi-Strauss, 1958), économistes et sociologues

(Weber, 1934), psychologues (McClelland, 1961) l’étudient depuis longtemps. En sciences de

gestion, de nombreux chercheurs se sont intéressés à ce concept (Hofstede, 1980 ; Bottger et

al, 1985 ; Boyacigiller et Adler, 1991 ; Hampden-Turner et Trompenaars, 1997). La majorité

d’entre eux s’accorde sur quatre caractéristiques principales de la culture : une construction

historique, multidimensionnelle, durable et génératrice.

Pour Kluckhohn et Strodtbeck (1961), la culture est constituée de "construits mentaux

collectifs, partagées au sein d’un groupe ou d’une nation". Ces construits, qui influencent les

organisations et les systèmes, se décomposent en cinq dimensions interagissant pour former le

comportement1. S’inspirant des travaux d’Hofstede (1980, 1993), Hampton-Turner et

1 Ces dimensions sont : orientation de la nature humaine (bon-bon et mauvais-mauvais), rapport à la nature (recherche de la maîtrise ou de l’harmonie), rapport au temps (passé-présent-futur), orientation de la nature humaine (être, faire ou devenir) , le type de relation aux autres (individualiste, égalitaire, hiérarchique).

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Trompenaars (1994) proposent d’étudier la culture en utilisant différentes dimensions,

similaires à celles précédemment citées2.

La définition que nous adoptons dans le cadre de cette recherche est celle d’Hofstede

(1980). Celui-ci désigne la culture comme un système de valeurs collectives. Ces dernières

portées collectivement par les individus, en fonction de leur intensité (importance pour

l’individu) et de leur direction (bonne ou mauvaise), vont déterminer les croyances et les

comportements. Son étude peut s’appliquer à des collectivités humaines telles que

l’entreprise, la profession ou la famille. L’auteur stipule que la culture est une

"programmation collective de l’esprit humain qui permet de distinguer les membres d’une

catégorie d’hommes par rapport à une autre". Le programme mental de Hofstede (1980) est

très proche du concept d’habitus développé par Bourdieu (1963).

Cette programmation mentale se décline à trois niveaux différents et non disjoints :

universel, collectif et individuel. Le premier concerne toute l’humanité et renvoie au

fonctionnement biologique de l’espèce. Le deuxième désigne un nombre réduit de personnes

appartenant à des groupes plus ou moins homogènes les distinguant des autres groupes

(régions, pays..). Le dernier niveau est propre à chaque individu. Sociologues et

anthropologues débattent de la difficulté à déterminer l’indépendance de chacun des niveaux.

S’agissant de notre problématique, nous considérons la culture à l’échelle nationale, le

pays (culture nationale). Nous situons la culture au niveau collectif/national en intégrant de

possibles interactions avec le niveau individuel (figure 1). Dans un contexte entrepreneurial, il

est question donc d’étudier l’impact des différentes dimensions culturelles dominantes

(niveau collectif/national) sur des comportements managériaux de jeunes créateurs

d’entreprise (niveau individuel) algériens. Pour mieux appréhender cet impact, nous passons

en revue les composantes de la culture, nous recherchons des influences culturelles sur

l’entrepreneuriat et sur des comportements managériaux.

2 Universalisme ou particularisme, esprit analytique ou intégrant, individualisme ou communautarisme/collectivisme, conservatisme ou ouverture, le rapport au temps (synchronisé ou linéaire), égalitarisme ou hiérarchie.

Niveau d’analyse

Niveau individuel

Niveau collectif

Niveau universel

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Figure 1 - La programmation mentale des hommes (Bollinger et Hofstede, 1987)

1.1. Les composantes de la culture

Smith (1992), Triandis (1994) et Sinha et al. (2002) considèrent la culture comme une

construction historique. Ils identifient plusieurs groupes d’éléments la constituant. Liés

principalement aux événements historiques se déroulant dans un espace géographique, ces

groupes d’éléments produisent des espaces culturels particuliers. Dans une synthèse de la

littérature, Singh et Parashar (2005) décrivent l’ensemble des composantes culturelles à

travers cinq groupes d’antécédents (tableau 1). Les éléments les plus marquants de la culture

sont représentés par les deux premières colonnes (l’histoire et la géographie) auxquels

s’ajoutent des éléments contemporains tels que l’identité sociale, les paramètres économiques

et les facteurs institutionnels.

Contexte historique Géographie Identité sociale Paramètres

économiques

Facteurs

institutionnels

Mythes.

Mémoire collective.

Territoire ou patrie

historique.

Colonisation.

Ampleur des

influences externes.

Climat.

Topographie.

Langage.

Religion.

Instruction.

Rapport de sexe.

Mobilité

territoriale.

Système économique.

Développement

économique.

Développement

technologique

Industrie principale.

Système de

gouvernance.

Système légal.

Droits et devoirs.

Règles et lois.

Tableau 1 - les antécédents de la culture (Singh et Parashar, 2005)

Cette synthèse s’éloigne du modèle de formation et de stabilisation culturelle de Hofstede

(1980). En effet, cet auteur considère l’identité sociale, les facteurs institutionnels et

économiques comme des conséquences des normes sociales ou des systèmes de valeurs et non

pas des antécédents de la culture. Selon Hofstede (1980), ce sont les valeurs, partagées par le

plus grand nombre d’individus et de groupes dans une société, qui constituent le socle

fondamental de la culture. A l’origine de ces systèmes de valeurs, il existe des facteurs

historiques, géographiques, économiques, génétiques et technologiques qui affectent

l’environnement. Les valeurs créées par ces facteurs sont non seulement à la base du

développement de la société, mais déterminent la structure et le mode de fonctionnement des

institutions. Elles influencent la famille, le système éducatif, la législation et la politique.

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Hofstede (1980) différencie les valeurs de la société représentant la culture nationale, de

ses conséquences (différenciation des rôles dans la société, stratification sociale,

comportements, religion…). Il note cependant, que ces dernières jouent un rôle dynamique

dans la stabilisation de la culture ; les conséquences renforcent à la fois les origines et les

valeurs. Son modèle dynamique (figure 2) implique que la culture nationale est durable ; elle

ne peut être modifiée que par des forces extérieures intenses.

Figure 2 - Modèle de stabilisation culturelle (Hofstede, 1980)

Avant d’aborder l’influence de la culture sur les comportements managériaux, nous

présentons ci-dessous une revue de la littérature sur l’influence de la culture dans des

contextes entrepreneuriaux.

1.2. A la recherche des influences culturelles sur l’entrepreneuriat

Indéniablement, l’entrepreneuriat est un moteur de la croissance économique. Cependant,

ce dynamisme, diffère d’un pays à un autre, voire d’une région à une autre, en fonction de

l’environnement culturel. Davidsson (1995) montre que l’impact des variables

institutionnelles et macro-économiques sur la vitalité entrepreneuriale est modéré par les

spécificités culturelles. Deux courants de recherche étudiant l’impact de la culture sur

l’entrepreneuriat sont résumés dans le tableau 2.

Renforcement

Influences extérieures - forces de la nature - forces de l’homme - commerce et conquêtes - découvertes scientifiques

Origines : facteurs : écologiques ; géographiques ; économiques ; démographiques ; génétiques/hygiéniques ; historiques ; urbanistiques.

CULTURE

=

Normes sociales

=

Systèmes de valeur dela plupart des groupes de population

Conséquences : structure et fonctionnement des institutions : structure familiales ; différenciation des rôles ; stratification sociale ; définitions de comportement ; éducation ; religion ; structure politique ; législation ; architecture ; développement de la science.

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Le premier courant de pensée, dit l’approche par les traits, explore le rapport entre la

culture et les caractéristiques des entrepreneurs. Selon Scheinberg et MacMillan (1988),

Shane et al. (1991 ; 1992), les motivations et les objectifs des créateurs d’entreprises varient

systématiquement selon les spécificités culturelles ; ces variations s’expriment en dépit des

caractéristiques communes à tout entrepreneur - par rapport au non entrepreneur - (Mac Grath

et al., 1992). Dans une approche cognitive, Muller et Thomas (2000) confirment que les

caractéristiques des entrepreneurs de neuf pays (contrôle interne, la prise de risque et l’énergie

déployée) sont davantage différentes que les dissemblances culturelles entre ces pays sont

grandes.

En examinant les "scripts cognitifs"3 des entrepreneurs de sept pays différents, Mitchell et

al. (2000) renseignent que ceux-ci sont fortement corrélés aux valeurs culturelles. Les auteurs

associent les scripts cognitifs du comportement entrepreneurial aux valeurs de

l’individualisme et de la distance hiérarchique confirmant ainsi les résultats d’Abramson et al.

(1993). Ces scripts expliquent les différences des styles cognitifs par la variété de

l’environnement culturel.

Pour expliquer la relation entre les facteurs institutionnels et économiques et le

développement de l’entrepreneuriat, Hayton et al. (2002) identifient le rôle modérateur des

dimensions culturelles qui sont les croyances, les besoins, les motivations, la cognition et les

comportements. Ces manifestations culturelles transforment le contexte institutionnel pour

influencer l’activité entrepreneuriale. Busenitz et Lau (1996) considèrent que les valeurs

culturelles4 et les caractéristiques individuelles5 déterminent, dans un contexte social donné, la

cognition qui est à l’origine de l’intention entrepreneuriale, et par la même, la décision. Leur

modèle s’inscrit dans le prolongement des travaux de Shapero et Sokol (1982) qui accordent

une place prépondérante aux variables socioculturelles dans l’explication de la désirabilité de

l’acte de création d’entreprise.

Le deuxième courant s’intéresse aux liens entre la culture nationale et la vitalité

entrepreneuriale (taux de créations d’entreprise, taux d’innovation) ; c’est l’approche par la

création de valeur ou innovation. Plusieurs études indiquent que le niveau et le taux de

création d’entreprises sont inégaux d’un pays à l’autre (Shane, 1992 et 1993) ou d’une région

à l’autre (Davidsson, 1995 ; Davidsson et Wiklund, 1995). Ces recherches renseignent que la

3 Ce sont des représentations mentales des concepts induisant des inclinaisons à penser et à agir. 4 Mesurée par les 5 dimensions de la grille d’Hofstede (1993) 5 La prise de risque, le besoin d’achèvement et le niveau de contrôle (locus of control)

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vitalité entrepreneuriale est corrélée avec certaines caractéristiques culturelles mesurées par la

grille d’Hofstede (1980)6.

Entrepreneuriat (création d’entreprise)

Approche

Approche par les traits (caractéristiques

des entrepreneurs)

Approche par la création de

valeur/innovation (niveau

d’entrepreneuriat)

Recherches

empiriques

Baum et al (1993).

Shane et al (1991).

MacMillan (1988).

Shane et al (1991).

McGrath et MacMillan (1992).

Mueller et Thomas (2000).

Mitchell et al (2000).

d’Abramson et al (1993).

Shane (1992).

Shane (1993).

Davidsson (1995).

Davidsson et Wiklund (1995).

Question ou

objet de

recherche

- Différences/similitudes dans les :

- Intentions.

- Motivations.

- Perception.

- Valeurs.

Taux de création.

Taux d’innovation.

Terrain International International ou national

Culture

Mesures de

la culture

Variables d’Hofstede (1980,1993)

Orientation des valeurs entrepreneuriales (locus of control, besoin d’achèvement,

recherche indépendance, prise de risque, etc.)

Tableau 2 - Etudes de l’influence de la culture sur l’entrepreneuriat

1.3. Les impacts culturels sur les comportements managériaux

L’intégration des dimensions culturelles dans les théories des organisations s’est faite de

différentes façons et à divers niveaux d’analyse. Deux approches sont distinguées ; la

première, dite unidimensionnelle, s’est focalisée sur une seule caractéristique culturelle. Une

seule variable est étudiée pour mesurer son impact sur des aspects de la vie de l’entreprise.

L’œuvre de Weber (1934) est l’une des recherches les plus célèbres ; la religion protestante

6 Le taux de création est positivement corrélé avec les dimensions individualisme, tolérance face à l’incertitude et distance hiérarchique.

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valorisant le travail est à l’origine du développement de l’esprit du capitalisme. S’inspirant de

cette thèse, Tribou (1995) étudie l’influence de l’islam sur l’esprit entrepreneurial. L’analyse

de la philosophie islamique à travers des textes sacrés combinée à des entretiens qualitatifs

montre qu’il n’existe pas d’antinomie entre le dogme musulman et l’esprit d’entreprise.

La deuxième approche, multidimensionnelle, trouve un large champ d’application en

sciences de gestion. De très nombreuses recherches comparent les manifestations des

comportements managériaux selon des différences culturelles nationales (Fukuyama, 1995 ;

Hall et Hall, 1990 ; Hofstede, 1980 ; Lawrence et Yeh, 1994 ; Lewis, 1992 ; Schwartz, 1999 ;

Smith, Trompenaars et Dugan, 1995 ; Triandis, 1995). "La culture d’un pays détermine

implicitement un modèle spécifique de management" (Hofstede, 1980). D’après Newman et

Nollen (1996), "il n’y a pas de management idéal… Les différences dans la culture nationale

appellent à des différences dans les pratiques managériales".

L’enquête d’Hofstede (1980) demeure la référence en sciences de gestion. Pour étudier

l’impact de la culture sur les comportements managériaux, l’auteur a étudié un échantillon de

116.000 salariés de la société IBM répartis dans 72 pays. La culture est déclinée en 4

dimensions supposées collectives : la distance hiérarchique, le contrôle de l’incertitude,

l’individualisme et la masculinité7. Les résultats indiquent qu’en fonction des indices de

chaque dimension, il est possible de dessiner une carte culturelle du monde (Hofstede et

Bollinger, 1987).

L’avantage du modèle d’Hofstede, soulignent Hayton et al. (2002), est l’agrégation de ses

composantes rendant compte de plusieurs attitudes caractérisant l‘esprit entrepreneurial

(l’innovation, la prise de risque, l’external locus of control…). Le modèle a été testé avec

succès au niveau national par Shackeleton et Abbas (1990), Chow, Shileds et Chan (1990),

Nasierowski et Boguze (1998) et Naumov et Puffer (2000). En utilisant partiellement la grille

d’Hofstede (1980), plusieurs auteurs s’intéressent à l’impact des cultures nationales sur des

7 La distance hiérarchique signifie le degré d'acceptation par une société de la distribution inégale du pouvoir dans les institutions et les organisations ; le contrôle de l'incertitude renvoie à la propension d'une société à se sentir menacée par des situations incertaines ou ambigües ; l’individualisme est la disposition des membres d'une société à se prendre en charge ainsi que leur famille proche ; enfin la masculinité est la tendance d'une société à valoriser l'avancement, l'héroïsme, l'affirmation de soi et la réussite matérielle plutôt que les relations, la modestie, l'attention aux faibles et la qualité de vie. Plus tard, une cinquième dimension est intégrée dans la grille caractérisant particulièrement la culture chinoise (Bond et Hofstede, 1988) : l’orientation à long terme associée la persévérance, le respect du rang, le sens de l’économie et du déshonneur. La revue de la littérature relève plus de 40 dimensions de la culture. Osland et Bird (2000) résument l’essentiel en 22 dimensions ; 6 dimensions tripolaires et 16 dimensions bipolaires.

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aspects managériaux spécifiques. Ainsi, cet impact se focalise sur le leadership (Dorfman et

Howell, 1988), l’orientation stratégique (Schneider et DeMeyer 1991 ; Tan, 2002), la gestion

des ressources humaines (Luthans et al, 1993), les conflits au sein de l’entreprise

(Trompenaars et Wooliams, 2003) et la performance (Newman et Nolle, 1999). Le tableau 3

résume les études les plus significatives traitant de l’influence culturelle nationale sur le

management. Ces études montrent le rôle modérateur de la culture sur le management et

l’entrepreneuriat.

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Tableau 3 - principales recherches traitant de l’impact culturel sur le management

Auteurs Question Mesure de la culture Mesures du management Terrain Réponses

Shackleton et Abbas (1990)

Est-ce que la perception et les valeurs du travail diffèrent en fonction des racines culturelles ?

- Distance hiérarchique - Contrôle de l’incertitude

- les valeurs de travail et perception. 7 entreprises de nationalités différentes en Grande Bretagne

Confirme Hofstede, mais le contexte national l’emporte sur les prédispositions culturelles.

Chow, Shields et Chan (1991)

Est-ce la culture affecte la performance et la qualité du management ? (management de la qualité)

- Individualisme -Interdépendances des travailleurs - dépendances du salaire (primes)

Entreprises asiatiques Oui, mais de façon différentes selon la culture (pas de convergence)

Hofstede, Frank et Bond (1991)

Est-ce qu les racines culturelles affectent la performance ?

Les 4 Dimension d’Hofstede + 5ème

dimension : Orientation à long terme La performance des entreprises mesurée par la croissance économique

Groupes de pays d’extrême orient

Oui

Berrel, Wright et Van Hoa (1999)

Est-ce qu’il y a une différence dans le comportement managérial selon la culture ?

- Relations à l’environnement - Relations interpersonnelles - Le Mode d’activité - Le rapport au Temps - Cognition

-Processus de décision (participative, inclusive) - Planification stratégique - Structures management (hiérarchique/égalitaire) - Communication (verbal/formelle)

36 entreprises en joint-venture

Oui

Newman et Nollen(1999)

La culture en harmonie avec la management affecte-t-elle la performance ?

Les 5 dimensions d’Hofstede(1993) Performance (financière) et - Participation des salariés - Politique (objectif) claire - Encouragement participation - Mérite et récompense du travail - Résolution des problème long terme/ court terme - Sécurité de l’emploi

18 pays La performance est d’autant plus grande que le management est en harmonie avec la culture

Tan (2002) Selon la culture, est ce que l’orientation stratégique est différente ? La Perception de l’environnement est-elle différente ?

Nationalité - Orientation stratégique - Prise de risque - Innovation - Pro activité - Agressivité - Perception de l’environnement

2 pays- 110 entrepreneurs aux Etats-Unis en en Chine (chinois-américains /caucasien-américains et chinois)

Oui, mais le contexte national prends le pas sur la culture d’origine

Trompenaars et Woolliams (2003)

Comment résoudre les tensions et pour s’adapter à la culture ?

-Rapports entre les employés dans l’entreprise - rapports hiérarchiques - perception de l’organisation par le personnel

- Niveau de formalisation - niveau de centralisation

Echantillon de 5500 employés dans plusieurs pays

4 styles de management (missile guidé, familial, incubateur et tour Eiffel) avec 6 scénarios de tensions fonction de la culture.

Lu et Lee (2005) Les différences culturelles entraînent elles des styles de management différentes ?

-distance hiérarchique - individualisme - Supervision style(stress task-

oriented) - Prise de décision (centralisée/participative) - Communication (direct/indirecte) - Mécanisme de contrôle (fort et autoritaire ou faible) - Orientation paternaliste (+/-) par rapport aux employés

82 managers au Japon et Taiwan

Oui

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Appliquer au contexte entrepreneurial algérien, et suite à la revue de la littérature, nous

retenons les valeurs et les attitudes suivantes : la créativité, l’attitude face au risque/échec, la

recherche de l’indépendance, le besoin d’achèvement, la perception des opportunités, le lieu

de contrôle, l’image et le statut social de l’entrepreneuriat et l’importance du travail dans la

société (Busenitz et al, 2000 ; Davidsson, 1995 ; Davidsson et Wicklund, 1997 ; McGrath et

al, 1992 ; Shane et al, 1991 ; Wennekers et al, 2001). Avant de présenter les résultats et les

analyse de l’influence culturelle algérienne sur des comportements managériaux de jeunes

entrepreneurs, décrivons notre approche empirique.

2. Protocole empirique adopté

Pour répondre à notre question de recherche, à savoir l’influence culturelle sur des

comportements managériaux d’entrepreneurs naissants algérois, nous avons adopté un

protocole qualitatif utilisant la technique de l’entretien individuel semi-directif. Pour

appréhender l’impact culturel dans les dimensions recherchées sur ces comportements, nous

avons effectué deux entretiens pour chaque entreprise, un avec l’entrepreneur et un autre avec

un salarié ; celui-ci se proposait volontairement avec l’accord de son patron.

Nous nous inspirons de la taxinomie d’Hofstede (1980) validée dans différentes recherches

pour appréhender l’influence des cultures nationales sur des comportements managériaux

(Newman et Nollen, 1996 ; Sondergaard, 1994). Bien qu’elle ne soit pas spécifiquement

développée pour des dimensions entrepreneuriales, soulignent Kostova (1997) et Busenitz et

al (2000), la grille d’Hofstede (1980) peut en contenir quelques unes (Hayton et al, 2002).

Pour exemple, l’innovation reflète la volonté d’avoir des attitudes déviantes par rapport au

groupe et peut être rapprochée de la dimension "d’individualisme". Le lieu de contrôle (locus

of control) représente la "valeur de masculinité" ; la prise de risque dénote un faible niveau

d’incertitude. D’autre part, selon une certaine configuration8, les dimensions de la grille sont

propices à l’éclosion d’entrepreneurs potentiels (Shane, 1992 ; et Mueller et Thomas, 2000)9.

Nous avons interviewé 12 entrepreneurs opérant dans le secteur des services ; pour retenir

des entreprises en phase d’émergence organisationnelle, nous avons choisi des entreprises

créées depuis 5 ans au plus ; ceci permet par ailleurs de minimiser l’effet négatif de la

mémoire,. Les entrevues avec les entrepreneurs ont duré en moyenne une heure. Le guide

8 La configuration est une faible distance hiérarchique, un fort individualisme, une forte masculinité et un faible niveau d’incertitude., 9 Les cultures entrepreneuriales sont caractérisées par un fort "individualisme" et "masculinité", une faible "distance hiérarchique" et une faible "maîtrise de l’incertitude".

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d’entretien, articulé en 5 points, interroge sur les mobiles qui ont conduit à la création

d’entreprise, la mobilisation des ressources pour concrétiser cette dernière, et enfin,

l’exercice de comportements managériaux qui sont : la gestion des ressources humaines, le

management du système d’informations, les conditions de travail et la vision entrepreneuriale.

En vue de mieux cerner l’influence de la culture algérienne sur ces comportements, nous

avons questionné parallèlement 12 salariés, soit 1 par entreprise. Les entretiens se sont centrés

sur les conditions de travail - temps libre, stress au travail, rapports interpersonnels et

coopération, rapports hiérarchiques, participation aux décisions - et la perception du milieu de

travail à travers l’entreprise, les objectifs qui lui sont assignés et le patron.

Pour chacune des populations, nous avons atteint une saturation thématique au bout du 9ème

entretien ; aucune nouvelle idée n’a émergé par la suite. Nous avons procédé à une analyse de

contenu thématique en découpant tout d’abord le corpus en unités d’enregistrement ; celles-ci

sont regroupées en catégories pour faciliter l’élaboration de la grille d’analyse. Nous avons

effectué une analyse horizontale pour étudier en profondeur chaque entretien ainsi qu’une

analyse verticale pour comparer les différents discours. La présentation des résultats débute

par la mise en avant de caractéristiques sociodémographiques. Nous décrivons les logiques de

création d’entreprise (logiques entrepreneuriale ou d’insertion sociale). Ensuite, nous passons

en revue la mobilisation des ressources (humaines et financières) dans la mise en œuvre des

projets d’entreprise. Enfin, l’influence de la culture nationale est analysée sur les

comportements managériaux suivants : la gestion des ressources humaines, le management

des systèmes d’information, les conditions de travail et la vision entrepreneuriale.

3. Résultats et analyses de l’étude exploratoire

Les entrepreneurs interrogés sont de sexe masculin, âgés entre 27 et 35 ans. Leur niveau

d’instruction est variable ; 6 ont au moins un bac+4 ; 2 sont titulaires d’un bac+2 ; 3 ont un

niveau secondaire et 1 le niveau primaire. Les entreprises étudiées sont globalement des TPE ;

seule une d’entre elle dépassent la dizaine de salariés10 ; l’effectif moyen de 6 salariés. Les

secteurs d’activité, au nombre de 8, vont des nouvelles technologies à la mécanique

automobile. Le tableau ci-dessous reprend ces principales informations.

10 Il s’agit d’une entreprise du secteur informatique ; l’entreprise de formation emploie 13 salariés avec des contrats différents ; nous n’avons pas pu calculer l’équivalent temps plein.

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Secteur

d’activité

Nombre

d’entreprise

Effectif Age depuis

l’année de

création

Formation du(des)

créateur(s)

Initiales

du(des)

créateur(s)

Installations

techniques

1 6 4 Niveau primaire R.D

Informatique 3 12-6-5 3-4 et 5 2 ingénieurs / 1 technicien

supérieur

M.B, R.B, S.S

Electronique 1 5 2 Ingénieur J.L

Transport 1 4 4 Niveau secondaire H.B

Formation 1 13 4 Maîtrise de physique A.M

Mécanique

automobile

2 4-5 3-2 Niveau secondaire/technicien

supérieur

B.K et F.M

Internet 2 4-4 2-4 Maîtrise en sociologie /

biologie

S.G

Immobilier 1 5 3 Niveau secondaire H.R

Tableau 4 - Principales caractéristiques socio-démographiques

3.1. L’engagement processuel et la mobilisation des ressources

8 entrepreneurs déclarent avoir développé l’intention de création d’entreprise lorsqu’ils se

rapprochaient d’une situation inéluctable d’absence d’emploi. Selon Shapero et Sokol (1982),

le déclenchement de l’événement entrepreneurial est la conséquence de "déplacements"

négatifs (ou positifs) qui marquent un changement dans la trajectoire de vie des individus. "A

la fin de mon cursus universitaire", relate un entrepreneur, "j’ai passé plusieurs mois à

chercher un travail. N’ayant rien trouvé, j’ai décidé de faire comme tout le monde,

transformer le garage de la maison en local commercial. J’aurais aimé travailler dans une

grande entreprise, avoir un bon poste, mais c’est le destin ; je n’avais pas le choix, j’ai créé

la boite".

Ces entrepreneurs considèrent la création de leur entreprise comme seule alternative à leur

situation de chômage. L’engagement dans le processus entrepreneurial, après une période plus

ou moins longue d’inactivité, est motivé par le désir de créer son propre emploi. Nous

sommes alors en présence d’une logique d’insertion sociale. "C’est pour me procurer un

revenu que j’ai ouvert l’atelier de réparation ; il s’agissait de "gagner mon pain" et de ne

plus dépendre de mes parents".

Deux entrepreneurs de niveau secondaire ont repris l’affaire familiale qui "ne rapportait

pas beaucoup" en changeant l’activité de l’entreprise. "J’ai repris le taxiphone et je l’ai

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transformé en cyberespace et salle de jeux" affirme un des interviewés. "Il y avait trop de

superettes et l’épicerie tenue par mon père ne marchait plus", constate le chef de cet atelier.

"Alors j’ai convaincu le vieux (le père) de me laisser faire mon atelier et de subvenir à sa

place aux besoins de la famille".

Deux entrepreneurs se sont mis à leur compte dans une perspective entrepreneuriale

contrastent avec ces "déplacements négatifs". Ainsi, M.B. avait développé une intention

entrepreneuriale depuis une longue période. Dans une narration imprégnée d’une implication

affective, nous citons : "j’ai décidé au début de mes études en informatique de créer ma boite.

L’idée d’être fonctionnaire (comme le père) ne m’a jamais séduite. En outre, il y avait de

belles opportunités dans le secteur (informatique)". Associant l’entrepreneuriat au rêve, plus

que "pour gagner ma vie", s’exclame R.B. "j’ai toujours rêvé de ça pour devenir quelqu’un!".

La concrétisation de l’acte d’entreprendre n’aurait pu devenir réalité sans le double soutien

moral et financier de la famille. Aucun entrepreneur n’avait éprouvé des difficultés à

convaincre les proches. Les propos de trois entrepreneurs témoignent d’un soutien moral sans

faille. "Mon père m’a encouragé" affirme le créateur de l’entreprise d’électronique ; "mes

parents m’ont laissé sans hésiter utiliser les locaux ; faute de quoi, je restais chômeur" ; "tout

le monde m’a aidé d’une façon ou d’une autre". Toutefois, ces soutiens obligeaient les

entrepreneurs à "rassurer les parents que ça allait marcher", que "c’était une bonne affaire"

qui "n’était pas risquée". Ces justifications expliquent peut être le choix de secteurs d’activité

peu risqués et peu innovants.

La mobilisation des ressources s’est faite avec le concours des parents, oncles et cousins.

Les contributions pour lancer le projet ont pris des formes numéraires (dons et prêts sans

intérêts) ou en nature (mise à disposition de locaux). "Si mon père ne m’avait pas laissé le

garage", affirme R.D. "je n’aurai pas eu de local commercial, et je n’aurai pas pu créer ma

boite". "C’est parce qu’on avait ce local que j’ai eu l’idée d’y installer l’atelier (de

réparation), autrement c’est impossible de louer autre part" constate R.D. Pour lancer son

activité de transport, c’est "grâce à différents prêts (sans intérêts et sans échéance précise)"

que H.B. a pu "démarrer en achetant un minibus pour faire le transport de voyageurs".

Les entrepreneurs restent toutefois psychologiquement dépendants de leur famille dans le

sens où ils perçoivent le partage des revenus générés par leur activité comme un devoir moral

de solidarité, compte tenu du soutien important qu’ils ont reçu, ou simplement au nom de la

solidarité familiale.

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La phase de démarrage s’est faite exclusivement grâce à la mobilisation de réseaux sociaux

se limitant à l’entourage proche. "C’est le père d’un employé qui s’occupe (gratuitement) de

la comptabilité" nous annonce R.B. "J’ai des crédits fournisseurs parce que mon oncle se

porte garant pour moi", tient à nous signaler S.S. H.R, créateur de l’agence immobilière, a

réussi à obtenir un crédit bancaire grâce aux relations familiales. "La banque a fait passer

mon dossier (de demande de crédit) car l’instructeur connaissent bien la famille (père et

oncle sont entrepreneurs en bâtiment)".

Au final, la création d’entreprise est pour la plupart des entrepreneurs une réponse à une

situation non désirée ; elle répond davantage à un besoin de création de son propre emploi

qu’à une volonté d’accomplissement ou une recherche d’indépendance. La famille joue un

rôle essentiel dans la désirabilité et la faisabilité de l’acte entrepreneurial.

3.2. La gestion des ressources humaines

La mobilisation des ressources humaines lors du démarrage de l’entreprise s’est opérée

autour de l’entourage immédiat. Sur la population totale interrogée, 11 individus déclarent

avoir embauché des personnes issues de leurs cercles familial (frère, cousin), amical (ami,

voisin, collègue d’université) ou recommandées par un proche. Les canaux classiques de

prospection des ressources humaines sont d’ailleurs très peu développés sur le marché

algérien et se réduisent aux annonces de presses. "Pourquoi faire une annonce quand tu

connais plein de gens au chômage ?". Pour J.L, il suffit d’interroger des gens pour savoir

"s’ils connaissent des fils de bonne famille qui ne travaillent pas".

Evoquées spontanément, les motivations d’embauche sont tout d’abord liées à la confiance

et ensuite à la compétence et au devoir. "Je n’ai pas fait d’entretien d’embauche ; je le

connais depuis son enfance, et puis c’est un bon ingénieur" argumente R.B. "Pour tenir la

caisse", confie S.S, "j’avais besoin de quelqu’un de confiance ; alors qui de mieux que mon

frère pour le faire ?". Pour la fonction d’ingénieur-commercial, M.B. avait embauché une

ancienne connaissance car "c’est un camarde de fac et il est très débrouillard". Selon B.K, "à

compétences égales, il est naturel de prendre mon cousin au chômage. Que dirait la famille si

je ne le fais pas entrer (dans l’entreprise) ?". Pour gérer les factures, "il ne faut pas être de la

NASA" annonce A.M, "j’ai pris une personne que je connais (l’amie d’une cousine) plutôt

qu’une étrangère (au cercle de connaissances) comme ça je suis tranquille".

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Ce comportement managérial relatif à l’embauche caractérise une culture collectiviste par

opposition à une culture individualiste. Les entrepreneurs prennent en charge des membres de

leur famille ainsi que leurs amis. Un seul entrepreneur fait exception à cette pratique ;

toutefois, il reconnaît implicitement le poids de la pression sociale à travers ces propos : "je

n’ai pas voulu embaucher des proches, mes cousins ou mes voisins ; ça détériore toujours les

relations, et puis je ne veux pas que tout le monde sache combien je gagne… En plus après je

vais leur devoir quelque chose et ils vont dire que je ne donne pas assez ... Je sais que je suis

obligé d’aider ma famille, mais je veux le faire à ma façon". En embauchant en dehors des

cercles familial et amical pour plus de liberté dans ces pratiques managériales, cet

entrepreneur fait preuve d’une culture individualiste. Il exprime ainsi un certain degré de

liberté par rapport à son groupe social.

Les salariés expriment une relative satisfaction concernant leurs conditions

professionnelles. Celles-ci sont jugées souples et flexibles. Ce salarié de l’entreprise

d’installation technique déclare : "globalement je fais mes heures de travail. Il y a des jours

où je travaille beaucoup, des fois jusqu'à minuit, et d’autres où je prends mon après-midi ;

c’est plutôt souple". Les employés perçoivent l’entreprise comme une espace agréable où sont

réunies de bonnes conditions de travail. Même si les conditions matérielles laissent parfois à

désirer, la majorité des employés déclarent que les relations de travail restent détendues,

dénotant une tendance à la "féminité" et à l’harmonie.

Pour M.B., directeur de l’entreprise d’informatique, "on travaille dans une bonne

ambiance, on s’entend bien et on se ménage les uns les autres...". La dimension sociale est

toujours prise en considération ; "quand quelqu’un a un truc à la maison (obligation

familiale), on s’arrange toujours. C’est important la famille, ça passe avant tout".

Les employés ne ressentent pas d’appréhensions particulières concernant la sécurité de

l’emploi. Tout au contraire, nombre d’entre eux quitterait l’entreprise pour une meilleure

rémunération. D’après R.B., développeur de la société d’informatique, "bien sur, si IBM me

propose de les rejoindre, j’irai sans hésiter". Ce salarié installateur-réseau estime que : "je

suis bien ici. Mais si je trouve un poste au Sahara (dans les multinationales installées dans le

sud du pays), je partirai car c’est mieux payé".

S’agissant des conflits sociaux, ils sont peu nombreux et rarement exprimés ouvertement,

disent les entrepreneurs et les salariés. Il y a des situations "où si je ne m’en mêle pas, le

travail n’est pas fait. Je ne peux renvoyer personne ; je répartis les tâches de travail

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clairement… En général, avec le temps, les petits conflits se règlent d’eux-mêmes". L’attitude

exprimée est "l’apaisement des relations avant tout". Ce comportement des entrepreneurs

peut-être expliquée par la dimension collectiviste exprimée lors de la phase d’embauche ; la

distance hiérarchique est fragilisée par une marge de manœuvre étroite face à des proches

dans le cadre de relations professionnelles (personnelles) conflictuelles.

Aux niveaux de la sanction et du licenciement des ressources humaines, le sentiment de

"honte", lié au devoir de solidarité vis-à-vis des proches, est particulièrement prégnant chez

les entrepreneurs. Même s’ils sont économiquement justifiés, la pression sociale rend la

sanction et le licenciement difficiles. Concernant l’employé F., 59 ans et sans formation, un

entrepreneur déclare l’avoir recruté informellement pour le gardiennage et l’accueil. Il estime

que son apport au fonctionnement de l’entreprise n’est plus nécessaire depuis le recrutement

d’une assistante. Il affirme n’avoir "licencié personne… Pour l’instant, hamdoulliah (louange

à dieu) cela marche, et puis F. a l’âge de mon père ; il a trois enfants et sa femme ne travaille

pas". Le chef d’entreprise justifie le maintien de F. par l’accomplissement d’autres tâches pas

toujours liées à l’activité de l’entreprise ; en effet, dit-il, "ce n’est pas grave, il me rend plein

de petits services telles que des courses pour le domicile et des démarches administratives

diverses". Le désir d’une présence masculine au sein de la structure bénéficie également à F ;

pour le chef d’entreprise, "c’est bien qu’il y ait un homme (aux côtés de l’assistante)" quand il

est absent.

Cette préférence masculine est très marquée chez les entrepreneurs. H.B. considère que le

travail en entreprise est "une affaire d’hommes", sauf pour "les métiers féminins, comme le

secrétariat". Dans ce cas dit-il, il convient "d’encadrer et de protéger les femmes, source de

problèmes dans une société machiste". Pour H.R., "dans l’interface avec le client, il vaut

mieux éviter les femmes. Ca pose des problèmes avec les conservateurs et les hommes

traditionnels… Ils se sentent plus à l’aise avec des hommes". Dans le choix du sexe lors des

recrutements, les entrepreneurs ont fait ainsi preuve d’une culture féministe (par opposition à

"masculiniste"). En se conformant aux normes sociales, ils n’ont pas valorisé et contribuer à

l’affirmation de soi et à la réussite matérielle de la femme.

3.3. Le management des systèmes d’information

L’exercice du pouvoir est perçu par les employés comme étant partagé. Pour M.B., "tout le

monde est patron ici (dans l’entreprise)" ; R.D. constate que "c’est le patron qui prend la

responsabilité finale, mais nous donnons tous notre opinion". A.M., directeur de

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l’établissement de formation, "n’aime pas trop les entreprises avec plein de formalisme et de

procédures" ; "je fais mon travail à ma façon, l’essentiel c’est de faire le travail, ça marche

bien comme ça" poursuit-il. Pour ce salarié de l’entreprise d’électronique, "le règlement et la

loi c’est une chose, mais la réalité c’est autre chose".

Le modèle patriarcal décrit par Bourdieu (1977), Gillet (2003) et Kadri-Messaid (2003) où

la mère obéît au père qui domine, les enfants obéissent à leur tour à ces derniers et les plus

jeunes font de même avec les plus âgés, est difficilement reproductible dans les entreprises

enquêtées. Pire encore, il est démenti par une distance hiérarchique faible renforcée lorsque le

patron est jeune et le salarié est senior. A cet égard, H.B. nous confie : "qu’est ce que tu

veux ? Je ne peux pas lui (le salarié) crier dessus. Tu lui dis de faire ça, il te fait autre chose.

Il est gentil et il me fait de la peine". Les réponses des entrepreneurs sont toutes aussi

tempérées. Pour exemple, H.R. estime qu’"il faut être ferme sur le travail, mais toujours

rester humain et à la portée des employés… L’Algérien est susceptible, il faut être politique

avec lui et se mettre à son niveau pour le convaincre".

La taille des entreprises et la faible différence d’âge entre les entrepreneurs et leurs salariés

rendent la communication interne peu formelle, et de ce fait l’absence totale de systèmes

d’information. Ceci s’explique par la tradition orale de la communication et le contact basés

sur "la parole donnée". La communication externe est quasiment inexistante. Aucune

entreprise ne pratique le suivi de clientèle ou des opérations marketing particulières ; "le

bouche à oreille suffit". Dans un marché où la concurrence est peu menaçante et la demande

forte, "pourquoi se casser la tête à essayer d’améliorer quelque chose ; qu’est ce que ça me

rapporte ?", s’interroge S.G.

Le caractère oral de la communication et l’absence de systèmes d’information ne semblent

pas gêner particulièrement les entrepreneurs. Le patron de l’agence immobilière estime

qu’"une entreprise n’est pas une administration ; il n y a pas besoin d’un papier pour savoir

ce qui se passe dans mon entreprise". Pour ce gérant d’atelier électronique, "tout le monde

sait quoi faire ; au final ça marche" ; pour F.M., "il n y a pas besoin de règles rigides et

compliquées". Tout en gardant "toujours un œil sur la caisse…, la confiance et la

responsabilité" sont des valeurs certaines,

Bien que formulant un rejet des procédures et des textes contraignant l’organisation du

travail, les salariés déclarent que des lacunes dans les circuits informatifs provoquent parfois

des anxiétés. Elles engendrent des surcharges de travail. Tout en reconnaissant l’importance

"de la parole donnée (par le patron)", un salarié déclare que "ça fatigue parfois de ne pas

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savoir… Le patron s’arrange oralement avec des clients ou des fournisseurs, mais nous ne

sommes pas toujours au courant". Un autre salarié affirme que "ce n’est pas le travail qui est

stressant, c’est le manque d’informations". Pire encore, "des fois, je ne comprends plus qui

fait quoi ; tout le monde se mêle, et il faut que je pose plein de questions pour comprendre",

constate une salariée de l’agence immobilière.

S’agissant du management des circuits informatifs, les comportements managériaux de 10

entrepreneurs renseignent donc une faible distance hiérarchique avec un partage du pouvoir et

de l’information perçu comme égalitaire par les salariés. Les propos de ces derniers

l’indiquent clairement.

3.4. La vision entrepreneuriale

Pour analyser les visions entrepreneuriales, nous nous appuyons sur les travaux de Tan

(2002). Premièrement, nous nous intéressons à la mise en place de stratégie particulière, au

mode de management (réactif ou proactif), à la vision du marché et à la prise de risque.

Deuxièmement, nous étudions les perceptions des chefs d’entreprise de l’environnement

institutionnel. Les objectifs de maximisation des profits, sans définition de stratégie

particulière pour y arriver, dénotent une vision entrepreneuriale à court-terme. Les

entrepreneurs se fient plus à leur intuition et à leur expérience en pratiquant un management

plutôt réactif. La majorité des entrepreneurs montrent un pessimisme quant aux opportunités

et aux perspectives de croissance du marché. La prise de risque est faible et l’énergie est

dépensée à gérer de façon prudente le petit patrimoine.

Il n’en demeure pas moins que ces entrepreneurs expriment des tendances "masculines" en

rapport avec leur affirmation de soi et leur réussite. Plusieurs expressions en témoignent : "je

veux réussir et je me bagarre" ; "je veux la croissance de l’entreprise" ; "il faut que j’arrive à

avoir des contrats avec les grandes entreprises" ; "il faut être dur pour réussir". Cependant,

les chefs d’entreprise montrent parallèlement une tendance à l’humilité et à la modestie. "Il ne

faut pas être trop gourmand", constate J.L., créateur de l’entreprise de l’électronique. "Dans

ce pays", insiste B.K., dirigeant de la société de mécanique, "vivons heureux, vivons cachés ;

il ne faut pas trop se montrer". Pour H.B., "si tu deviens trop gros, on te "casse" ; il ne faut

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pas essayer de faire le malin". S.S, regrette que si l’on ne "connait pas les bonnes personnes,

il vaut mieux rester tranquille" et "tant qu’on ne dérange pas les "makla"11, ça va".

Des raisons développées sous la pression des contraintes environnementales peuvent

expliquer cette tendance à l’humilité et à la modestie. Une méfiance par rapport aux

institutions de l’Etat, particulièrement le fisc, corrompues, bureaucratiques et regardant d’un

mauvais œil la "bourgeoisie exploiteuse". La crainte d’un contrôle dévoilant des pratiques

informelles (travail au noir, déclarations fiscales frauduleuses…) tempèrent la "masculinité"

des chefs d’entreprise. D’après S.S., "on sait tous que personne ne vend et n’achète avec des

vraies factures ; les impôts aussi le savent et ne nous embêtent pas… Mais si tu commences à

trop te montrer, tu devras leur "tchiper" (payer un pot de vin)... et moi je n’aime pas ça".

Relatant l’expérience du fameux homme d’affaires Khalifa12 refugié en Grande-Bretagne, S.S.

annonce qu’il est "l’exemple à ne pas suivre… Regarde où il en est ; lui qui était l’ami des

puissants et des stars".

La comparaison entre une TPE et un grand groupe est peut être inappropriée, mais montre

bien que la tendance à la grandeur et à la croissance reste mitigée dans les esprits des

entrepreneurs. L’environnement institutionnel reste négativement perçu malgré tous les

efforts déployés par l’Etat pour encourager l’entrepreneuriat. La TPE présente la particularité

d’être particulièrement soumise à l’environnement et au marché (Julien et Marchenay, 1988),

il n’en reste pas moins qu’"à travers l’importance du dirigeant qui va insuffler une vision

stratégique... L’entreprise de petite dimension peut réduire l’influence du contexte sur son

fonctionnement" (Gueguen, 2004).

Dans l’échantillon interviewé, un entrepreneur réduit partiellement le risque

environnemental vis-à-vis de l’administration fiscale. "Je déclare tout et je paye mes impôts,

mes factures sont transparentes et en règle puisque je travaille beaucoup avec des grosses

boites étrangères pour la plupart", raconte-il. "Cela m’évite de devoir magouiller... Cela

présente même des avantages auxquels je ne m’attendais pas du tout ; la banque vient de

téléphoner pour me proposer des crédits, alors qu’au début j’aurais payé pour les avoir…".

Cet entrepreneur est le seul à présenter une vision entrepreneuriale à long-terme. "Depuis

le début, j’avais l’idée de développer plusieurs savoir-faire et un concept particulier. J’ai fait

des choix sur l’avenir et pris un cap précis… D’emblée, j’ai orienté l’activité sur les chantiers

11 Mot populaire qui signifie "casserole". Il désigne "les puissants", les hommes d’influence appartenant aux grands corps de l’Etat tels que l’armée, la police, les assemblées élues… Ce vocable a été utilisé par 3 entrepreneurs. 12 Propriétaire d’un grand groupe industriel et financier liquidé suite à de nombreux scandales financiers impliquant des hautes personnalités du pouvoir algérien.

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(du bâtiment) des grandes entreprises en proposant de faire mes installations réseaux

pendant la construction". En outre, poursuit-il, "j’offre un service après vente gratuit…

J’avais estimé ce concept plus porteur que les simples prestations de services de dépannage

et réparation pour les particuliers ; c’est ce que tout le monde fait aujourd’hui d’ailleurs". Ce

chef d’entreprise a réussi à transformer sa TPE en PME au bout de 5 ans. Il pense même à

"développer des activités à l’international, mais ce n’est pas encore possible faute d’une

règlementation encore restrictive".

En somme, les entrepreneurs étudiés ne manifestent pas de vision entrepreneuriale. La

(cinquième) dimension culturelle de Hofstede et Bond (1987) relative à l’orientation à long-

terme ne trouve pas d’application dans notre recherche.

4. Une représentation synthétique

Nous schématisons dans la figure 4 une représentation de l’influence culturelle algérienne

sur certains comportements managériaux d’entrepreneurs afférant à l’engagement processuel,

à la mobilisation des ressources de montage et de démarrage, à la gestion des ressources

humaines, au management du système d’informations et à la vision entrepreneuriale ; cette

synthèse est construite en nous appuyant sur le modèle de Hofstede (1980).

L’apport indéniable de la famille en numéraire et en nature lors de la phase du montage du

projet met l’entrepreneur dans une situation de dette morale. Celle-ci se traduit par le bénéfice

de la famille des revenus générés par l’activité. Une tendance collectiviste se manifeste ainsi

chez les chefs d’entreprises étudiés. Celle-ci se confirme lors de la mobilisation des

ressources humaines lors de la phase de démarrage ; l’embauche s’est faite dans l’entourage

familial et amical dans le but de prendre en charge des membres de la famille ainsi que des

amis. Le collectivisme se prolonge lorsqu’il s agit de sanction et de licenciement ; ceux-ci

sont inhibés par la pression sociale et le devoir de solidarité.

L’ambiance générale de travail est positivement appréciée par les salariés ; l’entreprise est

perçue comme un espace agréable d’exercice professionnel. Les entrepreneurs sont considérés

comme étant souples et flexibles ; ils prennent en compte des préoccupations sociales et

familiales de leurs employés ; ils attachent une certaine importance à leur qualité de vie

faisant ainsi preuve d’une forme de "féminité" manifeste.

Le conservatisme et la tradition s’exprime fortement dans le choix du sexe lors de

l’embauche. La préférence masculine conforme les entrepreneurs à la norme sociale

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dominante ; ces derniers manifestent une dimension de féminité (par opposition masculinité)

en ne contribuant pas à la valorisation, l’affirmation de soi et la réussite de la femme. Pour ce

qui est de leur propre affirmation et de leur besoin de réussite, les entrepreneurs font preuve

d’un sentiment mitigé. Une masculinité prônant les succès personnel et de l’entreprise est

tempérée par une perception négative de l’environnement institutionnel.

La gestion des conflits sociaux met à nu l’influence d’une dimension culturelle importante,

la distance hiérarchique. Celle-ci est faible car les embauches se sont faites dans l’entourage

proche et réduisent de la sorte, l’exercice du pouvoir de direction. Cette distance demeure

fragile dans des conditions normales de fonctionnement car l’inexistence de management du

système d’informations n’assoit pas le rang de pouvoir qui revient aux chefs d’entreprise.

La vision entrepreneuriale indique l’influence culturelle sur l’orientation à long-terme

manifestée par les entrepreneurs. Cette dernière est la cinquième dimension mise en avant par

Hofstede et Bond (1987). Cette vision est absente des comportements managériaux des jeunes

entrepreneurs algériens. Ils pratiquent le profit à court-terme et le management réactif.

Figure 3 - Représentation de comportements managériaux d’entrepreneurs algériens

influencée par des dimensions culturelles en référence au modèle d’Hofstede

Distance hiérarchique

Orientation à long terme

Mobilisation des ressources

Individualisme/collectivisme Masculinité/féminité

GRH - embauche GRH- conditions professionnelles

GRH- sexe lors de l’embauche

GRH - conflits sociaux

Management du système d’informations

Vision entrepreneuriale

Affirmation de soi, réussite

GRH- sanction

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Conclusion

Nos analyses sur des jeunes entrepreneurs algériens rejoignent globalement les conclusions

de Gillet (2003) et de Kadri-Messaid (2003). Des valeurs culturelles fortes comme le

collectivisme, la féminité et l’absence de vision entrepreneuriale marquent les comportements

managériaux des entrepreneurs. Toutefois, la faible distance hiérarchique résultant de notre

étude contraste avec les travaux cités.

Les répercussions de l’impact culturel sur les comportements, et in fine, sur les pratiques

managériales se manifestent à différents niveaux de l’entreprise, particulièrement celui de la

gestion des ressources humaines, du management de l’information et de la vision

entrepreneuriale. S’il est vrai que plusieurs études renseignent que le management est d’autant

plus performant lorsqu’il est adapté à la culture nationale, l’examen fait de quelques

comportements managériaux indique que l’entrepreneur algérien est loin de cette

performance. La culture prime sur les standards reconnus de management ; des choix sociaux

devancent des réalités économiques.

L’absence de culture (de connaissances même) managériale fait que les entrepreneurs

ignorent l’existence d’outils de gestion leur épargnant des problèmes basiques (la confusion

entre les disponibilités et la trésorerie nette par exemple). Pire encore, ils se privent de la

saisie d’opportunités de croissance et de développement ; l’endettement et son effet de levier

financier est considéré comme négatif et non désiré ; les avantages fiscaux de l’amortissement

dégressif ne sont pas utilisés... Les perceptions négatives de l’environnement institutionnel

réduisent les tendances des entrepreneurs à rechercher la croissance, voire à manquer de

vision entrepreneuriale. Les variables externes (environnementales) jouent un rôle important

sur les attitudes entrepreneuriales et les ambitions déclarées ; elles prennent le pas sur les

variables internes (individuelles) selon le modèle (Covin et Slevin, 1991).

Une question se pose alors, en tenant compte d’objectifs entrepreneuriaux, quels dispositifs

mettre en place pour améliorer le management "algérien" en répondant à ses spécificités

culturelles ? Les systèmes d’appui et de soutien pratiqués un peu partout dans le monde

peuvent être d’un apport indéniable pour l’amélioration des aptitudes entrepreneuriales

algériennes. Nous avons espoir que dans le flot des réformes engagées par l’Etat, ce dernier

mette en place des structures de soutien aidant les entrepreneurs dans l’exercice de leur

métier. Nous voulons croire en l’exemple de M.B qui, en dépit des difficultés de

l’environnement et de la culture dominante, fait preuve d’une vision entrepreneuriale

orientant ses pratiques managériales vers un objectif ambitieux.

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