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INFORMATIQUE ET

RELATIONS DE TRAVAIL

Actes des Quatrièmes Entretiens de Nanterre

de Droit de l'Informatique,

organisés le 31 janvier 1985 par l'Université de Paris X

ECONOMICA

49, rue Héricart, 75015 Paris AGENCE DE L'INFORMATIQUE

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@ Ed. ÉCONOMICA, 1986

Tous droits de reproduction, de traduction, d'adaptation et d'exécution réservés pour tous les pays.

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Avant-propos

Les Entretiens de Droit de l'Informatique de Nanterre démontrent la nécessité d'appréhender cette technique, et ses prolongements, selon des approches variées afin d'en saisir les multiples implications juridi- ques. Si l'on devait inventorier la diversité des questions qu'elle pose, (Émergence du droit de l'informatique, deuxièmes Entretiens, éd. des Par- ques, 28 rue Vicq d'Azir, Paris 75010), examiner les textes qu'elle suscite pa r ses développements nouveaux (Télématique et communication, un nouveau droit '?, troisièmes Entretiens, éd. Economica), il fallait aussi prendre une vue transversale du monde professionnel où elle évolue : tel était l'objectif des quatrièmes Entretiens consacrés à l'informatique et aux relations de travail.

D'autres études pourront être menées, qu'elles soient sectorielles, et l'on songe à l'informatique dans le domaine bancaire, ou globales, dont un des objets pourrait être l'assurance et le risque informatique.

Alain Bensoussan Avocat à la Cour,

chargé d'enseignement à l'Université de Paris X-Nanterre Jérôme Huet

Professeur agrégé à la faculté de droit de Rouen Conseiller juridique de l'Agence de l'informatique

Herbert Maisl Professeur agrégé à l'Université de Paris X-Nanterre

Conseiller juridique de la Commission nationale de l'informatique et des libertés

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Préface

Au premier chef, l'informatique intéresse l'entreprise, qu 'elle soit uti- lisatrice ou productrice de cette nouvelle technologie.

Les relations de travail sont donc un terrain d'élection p o u r observer les multiples conséquences qu'engendre l'informatisation et particulière- ment les problèmes juridiques qu'elle suscite : fichiers de salariés, contrô- les exercés sur le personnel et l'exécution des tâches, modification des conditions de travail et licenciement, rôle des représentants du personnel lors de l'introduction de nouvelles technologies, fourniture de prestations informatiques et délégation du personnel, télé-travail, conception de logi- ciels p a r des salariés, protection du patrimoine intellectuel de l'entre- prise... Dans ce microcosme, la plupart des grands thèmes du droit de l'informatique trouvent un point de convergence : libertés publiques, sta- tut des logiciels, relations contractuelles.

Pour traiter des aspects aussi divers, les quatrièmes Entretiens de Droit de l'Informatique de Nanterre devaient faire appel, ainsi qu'à l'habitude, à des patriciens comme à des théoriciens : membres de la CNIL, observateurs qualifiés et hommes de terrain, juristes d'entreprise, avocats, universitaires.

Les actes de ce Colloque sont enrichis, en annexe, de données qui lui sont parfois postérieures: délibérations de la CNIL, décisions sur l'expertise technologique, loi du 3 juillet 1985 protégeant les logiciels...

Jérôme Huet

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Ouverture de la journée par

Jean-Maurice Verdier Professeur agrégé à l'Université de Paris X-Nanterre

Président honoraire de l'Université

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Le Président. Nous avons un programme très chargé. Nous allons essayer de le tenir. Mais, organisant ces entretiens depuis maintenant près de quatre ans, avec mon collègue Jérôme Huet et Me Bensoussan, je vou- drais d'abord remercier l'équipe des spécialistes de droit du travail de cette université, le Président Verdier, également mes collègues Philippe Lan- glois et Antoine Lyon-Caen qui nous ont aidés à monter le schéma de cette journée.

Certains suivent régulièrement ces entretiens et se souviennent sans doute que, lors des Deuxièmes entretiens, nous avions cherché à montrer comment ce droit de l'informatique commençait à émerger (1). L'un des volets de ces deux substantielles journées avait été précisément « Droit du travail et informatique ». Philippe Langlois y relevait que «l'infor- matique est présente actuellement dans tous les débats du monde du travail ». Et il posait la question suivante : « Le droit, qui suit toujours les faits avec un certain retard, prend-il ou non en compte cette réalité ? » La réponse, il y a deux ans, était assez nuancée. Je crois qu'aujourd'hui, elle sera très positive et que la matière devient de plus en plus impor- tante.

Ce matin, deux thèmes sont à l'ordre du jour : d 'une part, informati- sation et libertés et, d'autre part, informatique, conditions de travail et emploi. Ce sont deux problématiques, deux approches, qui se caractéri- sent grossièrement par deux lois : la loi « Informatique, fichiers et liber- tés » de 1978, d 'un côté, et puis les lois Auroux, de l'autre. Il y a en effet, me semble-t-il, d 'un côté l'approche de la gestion informatique et de ses éventuels risques d'atteinte pour les libertés, les libertés individuelles notamment ; et puis, de l'autre côté, il y a l'approche du recours aux nou- velles technologies, avec ses incidences sur les droits des travailleurs. Ces problématiques sont-elles différentes ou complémentaires ? Quels sont leurs points de contact ? Ce sera là certainement un thème pour notre débat.

(1) Université de Paris X : l'émergence du droit de l'informatique, ed. des Parques, 18 rue Vicq d'Azir, Paris 75010.

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Le thème que nous avions retenu en 1981 (l'entreprise et les libertés publiques) était très vaste, peut-être trop vaste d'ailleurs. Son ambition était grande : rechercher ce que la notion de libertés fondamentales, ce que la problématique des libertés publiques, peut apporter au droit du travail, et plus spécialement aux règles qui concernent les rapports de tra- vail dans l'entreprise. Les salariés doivent-ils, en entrant dans celle-ci, lais- ser au vestiaire les droits et les libertés qu'ils possèdent comme citoyens, parce qu'ils devraient s'incliner devant les droits et prérogatives de la direction, liés au droit de propriété, à la fonction du chef d'entreprise, à la subordination juridique que consacre le contrat de travail ? Beaucoup d'idées avaient alors été remuées. Les conclusions étaient demeurées pour beaucoup incertaines. Mais les participants de ce colloque de 1981 s'étaient séparés avec l'espoir et l'intention de continuer dans cette voie.

Ces entretiens leur fournissent — un certain nombre d'entre eux sont ici — l'occasion de le faire. Une des vertus des nouvelles technologies, de l'informatique en particulier, est d'inciter, et même d'obliger à définir des garanties, des droits et des libertés jusque là étrangers à l'entreprise ou du moins tenus en lisière. La surveillance des salariés, pour ne prendre qu'un seul exemple, risque d'atteindre un degré intolérable avec l'intro- duction de l'informatique. Et l'appréciation qui doit en être faite ne peut l'être qu'en référence à des libertés essentielles jusque là souvent mises en marge : aller et venir sans entrave ; entretenir des relations interperson- nelles de type privé et non pas exclusivement professionnel, dans l'entre- prise ; le droit à une certaine opacité de la personnalité du travailleur vis-à-vis de ses supérieurs et de son employeur, etc. S'il a très justement été dit qu'avec l'informatique devait arriver la deuxième génération des droits de l'homme, c'est très vrai pour les relations de travail.

La tâche n'est certes pas facile ; mais comment ceux qui s'intéressent aux problèmes du travail ne saisiraient-ils pas l'occasion que l'introduc- tion des nouvelles technologies, et de l'informatique en particulier, leur fournit ? S'ils ne le faisaient pas, ce serait sous peine d'accepter que ces changements technologiques, qui portent un tel potentiel de moyens d'atteindre la vie privée, de contrôler la vie de travail, de la juger de manière abstraite et aussi de décupler la contrainte disciplinaire, s'opèrent sans concertation, sans participation de ceux qu'ils concernent au pre- mier chef. Ce serait risquer de revenir à l'époque du pouvoir arbitraire de l'homme étranger à son travail, et ce serait risquer d'effacer, à certains égards, presqu'un siècle de progrès social, certes peut-être limité mais appréciable quand même.

Il est vrai que, dans une large mesure, l'informatique et son introduc- tion grossissent des problèmes qu'elles ne créent pas et qui ne sont pas toujours nouveaux : la surveillance oculaire, vocale, gestuelle est une vieille affaire dans l'entreprise. Il n'est pas toujours certain que la surveil- lance de l'ordinateur soit plus pesante ou importune que celle du contre- maître ou du vigile. Mais même dans le cas où une technique plus sophistiquée ne fait que se substituer à une autre, la technologie nouvelle,

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souvent plus discrète et donc moins « franche », a le « mérite », en aggra- vant les problèmes, d'obliger à les poser ou même de les révéler.

Le spécialiste du droit du travail ne saurait toutefois se dispenser de souligner un risque : celui de tout prévoir, de tout appréhender, de cher- cher à tout protéger à cause des nouvelles technologies, alors que des pro- blèmes, semblables sinon identiques, qu'il ne faut ni oublier ni sous-estimer, subsistent pour une grande masse de travailleurs dans un cadre plus classique, plus traditionnel. En revanche on peut espérer que seront trouvées, pour les nouvelles technologies, des solutions dans une large mesure transposables, dont on pourra s'inspirer pour l'ensemble des problèmes des libertés dans l'entreprise.

Car c'est bien cela, je crois, que l'on attend. Il y a déjà un certain nombre d'années, un auteur avait fort bien écrit que le problème des liber- tés publiques, des droits fondamentaux, dans les relations de travail, qui se posait au XIXe siècle uniquement dans les rapports des syndicats et de l'État, se trouve transposé aujourd'hui au sein même de l'entreprise. Et il est clair qu'il l'est encore plus avec l'informatique. Aussi me permettra- t-on, pour finir, d'évoquer quelques idées, quelques orientations qui avaient permis d'achever le colloque de 1981, malgré leurs incertitudes.

Toutes les libertés sont en cause et méritent l'attention. Non seule- ment les libertés individuelles, les plus élémentaires et les plus sensibles à certains égards, mais aussi les libertés collectives, tant il est vrai que les premières risquent de rester lettre morte sans un exercice effectif des secondes jusqu'à l'intérieur de l'entreprise. L'organisation générale d'une entreprise privée, telle qu'en décide l'employeur ou la direction, n'est pas d'ordre public, sauf en matière d'hygiène et de sécurité, comme l'a d'ail- leurs si bien dit un commissaire du gouvernement, dans une affaire désor- mais célèbre dont a eu à connaître le Conseil d'État. L'intérêt matériel et moral de l'entreprise peut justifier des contraintes mais non des restric- tions aux libertés fondamentales.

Pour parvenir à garantir celles-ci, il faut des sanctions adaptées, sou- vent pénales, d'application rapide ; il faut aussi des procédures idoines, une prévention externe et interne ; il faut surtout l'acceptation de la négo- ciation, de la concertation, avec une difficulté propre à la matière : c'est qu'il est un noyau dur de libertés fondamentales intouchables, peut-être non négociables. De sorte qu'un droit conventionnel des libertés fonda- mentales, estimé nécessaire, en particulier en matière de nouvelles techno- logies, doit être celui de leur application non de leur restriction.

Nous avons la chance aujourd'hui d'attendre des rapports dont les auteurs ont tous des titres éminents à les présenter, ce matin comme cet après-midi : collaborateurs de la Commission nationale Informatique et Libertés, praticiens ou juristes d'entreprise spécialistes de ces problèmes, délégués syndicaux, chercheurs et universitaires qui travaillent sur ces questions. En outre, deux membres ou anciens membres de la Commis- sion nationale Informatique et Libertés, M. Guy Georges, ancien secré-

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taire général du Syndicat national des Instituteurs, et M. Sarrazin, pré- sident directeur général de La Redoute, tireront les conclusions de la matinée. Enfin, en clôture de ces entretiens, le professeur Simitis, de l'Université de Francfort, apportera la dimension internationale et com- parative ainsi que l'expérience d'une législation nationale très élaborée et efficace.

Je ne veux pas vous faire languir davantage.

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PREMIÈRE PARTIE

Informatisation de l'entreprise, libertés,

conditions de travail et emploi

Présidence : Herbert Maisl Professeur agrégé à l'Université de Paris X - Nanterre

Conseiller Juridique de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés

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C'est pour plusieurs raisons que j'ai grand plaisir à ouvrir ces entre- tiens et je me permets de vous les exprimer rapidement. D'abord parce que l'honneur m'en est fait, qui est très immérité, et dans un établissement qui m'est évidemment très cher et qui, depuis sa création, a toujours porté une attention particulière aux problèmes actuels du monde contempo- rain, à son environnement et aux innovations.

J'essaie, en outre, depuis un certain nombre d'années, avec une équipe très dynamique, de développer une réflexion sur les fonctions et l'évolution du droit du travail et de l'emploi. Ce qui est explique d'ailleurs que le premier rapport que vous entendrez tout à l'heure sera présenté par un chercheur de l'Institut de recherches sur l'entreprise et les relations professionnelles dont j'ai la responsabilité.

Mais ensuite, et davantage encore, parce que ces entretiens se situent dans la ligne d'un colloque organisé ici même, à la fin de l'année 1981, sur « l'entreprise et les libertés publiques » par l'Association française de droit du travail, même si ces entretiens font, à l'évidence et avant tout, suite aux trois précédents entretiens de droit de l'informatique de Nan- terre, qui sont largement dus, vous le savez, à l'activité et à la compétence de mon collègue le professeur Maisl.

C'est la raison pour laquelle, du reste, l'Association française de droit du travail dont je suis encore président, qui avait organisé ce collo- que sur l'entreprise et les libertés publiques en 1981, a été associée à l'organisation de ces entretiens. Il y a une filiation entre ces deux réu- nions.

Mais je dois m'en féliciter aussi parce que le thème de ce colloque s'intègre à l'évidence dans les orientations du Programme mobilisateur « Technologie, Emploi, Travail » auquel sont affectés, certains d'entre vous le savent certainement, des moyens importants et dont un grou- pe thématique se préoccupe particulièrement des transformations du travail, de l'organisation des entreprises et des relations profession- nelles.

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Pour en venir donc au premier thème, Informatisation et Libertés, je crois qu'il y a une évolution dans la réflexion. Et c'est un thème que je soumets à la discussion. Au départ, l'individu qu'on voulait protéger dans sa vie privée, était un homme abstrait ; de plus en plus, l'individu que l'on cherche à protéger est, je dirais, un « homme situé » dans ses occupations, dans sa profession.

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A. Informatisation et libertés

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1. Les nouveaux modes de contrôle de l'activité des salariés :

bilan d'une enquête Nadine Chauvet

Avocat à la Cour

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Dans le cadre d'une action exploratoire de recherche sur « la techno- logie et les libertés du travail » menée par le Ministère de la Recherche et de l'Industrie, nous avons été chargés, Xavier Barrès, Fabrice Signo- retto et moi-même de faire une pré-étude sur :

Les nouveaux modes de contrôle des salariés et les atteintes aux liber- tés du travail qu'ils peuvent entraîner en France et dans plusieurs pays européens.

De cette étude, il ressort :

1) La constatation de cas d'atteintes caractérisées aux droits des salariés. 2) Des réponses juridiques existantes en France et surtout à l'étranger. 3) Des lacunes et la nécessité de définir des zones de droits nouveaux en

réponse à la montée du quadrillage électronique de la vie en entreprise.

I. Le renforcement du contrôle e t l e s a t t e i n t e s a u x d r o i t s e t a u x l i b e r t é s

Une véritable chasse à l 'information se manifeste dans les entre- prises.

L'évolution technologique a bouleversé les moyens de contrôle des salariés et le sens même du contrôle, en particulier grâce aux facteurs sui- vants :

— miniaturisation et discrétion des systèmes, — faibles coûts, — précision instantanée, — centralisation de la surveillance, — exhaustivité de la surveillance, — traitement et mémorisation des informations.

Ce potentiel électronique a développé au sein des entreprises ce que certains auteurs ont appelé la « sécuritique », c'est-à-dire le besoin crois-

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sant de contrôles et d'informations, non pas justifié par l'accroissement d'un risque quelconque mais en rapport uniquement avec l'opportunité de l'offre sur le marché.

Nous avons également constaté que cet équipement en moyens de contrôle est le plus souvent associé à un processus de rationalisation du travail.

Cette démarche porte inévitablement atteinte au fragile édifice cons- titué par les droits des salariés.

Une typologie des systèmes de contrôle et de la spécificité des problè- mes qu'ils posent à été possible. Nous avons ainsi déterminé trois grandes catégories :

— les systèmes assurant un contrôle disciplinaire, — les systèmes assurant un contrôle de la prestation individuelle de tra-

vail, — les systèmes assurant un contrôle de type administratif de la personne

privée du salarié dont l'ancêtre était la fonction de gestion du per- sonnel.

Il existe également des systèmes polyvalents qui remplissent l'ensem- ble des fonctions et permettent de constituer de véritables banques de données sur les travailleurs. La finalité originelle des informations recueillies et des contrôles effectués disparait dans ces vastes réseaux d'informations. Ces systèmes sont particulièrement développés en RFA.

Les exemples retenus :

CONTRÔLE DISCIPLINAIRE :

— badges, — auto-commutateurs, — vidéo surveillance.

CONTRÔLE DE LA PRESTATION DE TRAVAIL :

— CESAR, — système de gestion du temps et de la productivité, — écran.

A. LES BADGES MAGNÉTIQUES ET LE CONTRÔLE DES ACCÈS

Partant d'un principe simple généralement admis par les salariés : il est normal que les Entreprises s'assurent de l'identité des personnes pénétrant dans leurs locaux, certains employeurs, ont rendu obligatoires le port de systèmes électroniques permettant d'enregistrer et de contrôler tous les déplacements du personnel.

Il devient donc possible de reconstituer et de mémoriser les allées et venues de chacun et de limiter l'accès de certains lieux de l'entreprise, à certains salariés préalablement sélectionnés.

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Ils sont préoccupants pour quatre raisons principales :

1) Ils sont considérés comme relevant du pouvoir disciplinaire et règlementaire du chef d'entreprise et en conséquence, échappent totale- ment à la négociation collective, alors qu'ils modifient souvent et profon- dément les conditions de travail.

Les RI des différents établissements d'IBM France comportent une clause rendant obligatoire l'usage des badges électromagnétiques pour le contrôle des accès et le contrôle des horaires.

En conséquence, tout manquement à cette obligation peut constituer une faute sanctionnée.

2) Ces badges constituent une atteinte manifeste à la liberté fonda- mentale d'aller et venir.

Toutes restriction à une liberté individuelle au sein de l'Entreprise doit rester exceptionnelle, et doit être préalablement justifiée par des besoins impératifs de sécurité ou de production.

Ces justifications n'existent pas dans le plupart des entreprises ayant adopté le système de badges. Aucune concertation n'a eu lieu sur le prin- cipe de la légitimité de la contrainte.

3) La plage magnétique du badge porte un code individuel mais non communiqué par l'employeur afin de ne pas révéler les clefs d'accès. En conséquence, et bien que le badge enregistre des données individuelles, le droit d'accès ne peut s'exercer.

Sur intervention de la CNIL, IBM s'est engagé à faire la dissocia- tion entre le n° de code individuel qui doit être communicable et le n° de clef qui ne permet pas l'enregistrement des données et qui peut rester secret.

Mais de toutes façons la firme s'oppose à l'exercice de droit d'accès aux données ainsi collectées en affirmant que seules les anomalies relati- ves aux accès seraient traités et conservées, c'est-à-dire les tentatives d'entrée dans une zone non autorisée, l'entrée hors des horaires normaux, les absences, les retards.

De plus, la déclaration du fichier nominatif d'IBM à la CNIL corres- pondant à ce système qui porte le nom « ACEP » (Access Control Enhan- cement programm) est incomplète. Les informations mentionnées dans la déclaration sont :

— l'identité, — la classe d'accès autorisée

et non tous les renseignements susceptibles d'être collectés par le système (déplacements, retards...).

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4) L'atteinte la plus grave concerne les représentants du personnel et les délégués syndicaux.

Leur mission exige un droit absolu de circuler librement et sans limite dans l'entreprise.

Il ne disposent pas de badges multisites et doivent obtenir l'autorisa- tion du responsable local pour pénétrer dans un Établissement ou dans un secteur qui ne correspond pas à leur badge.

Nous sommes véritablement en présence d'un délit d'entrave. Deux garanties fondamentales doivent être rétablies:

— l'absolue liberté d'accès ; — l'anonymat des déplacements, des entrées et des sorties et l'impossibi-

lité d'enregistrer et de traiter ces déplacements.

B. LES CONTRÔLES TÉLÉPHONIQUES

Nous avons constaté la même démarche que pour le contrôle des accès : à partir d'une légitime préoccupation de l'Entreprise de protéger ses intérêts financiers, se mettent en place des systèmes abusifs de contrôle des appels téléphoniques.

Un ordinateur appelé autocommutateur gère les appels internes et externes. Chaque mois l'ordinateur sort pour chaque poste un listing des communications : jour, heure, n° d'appel, durée et coût.

Une première recommandation de la CNIL sur ce problème datant de juillet 1982, a préconisé l'occultation des quatre derniers chiffres du n° d'appel afin de préserver l'anonymat du destinataire.

Il subsiste malgré tout la possibilité pour l'employeur d'exercer un contrôle supplémentaire des salariés à travers l'usage du téléphone.

Le Contrôle est unanimement ressenti, comme une atteinte à la liberté individuelle et à l'autonomie professionnelle.

Le contrôle des appels téléphoniques des représentants du personnel et des délégués syndicaux est également lourd de menaces pour l'exercice normal de leur mission.

La CNIL a adopté une deuxième recommandation, le 18 septembre 1984, en vue de limiter les abus.

Cette recommandation vise l'ensemble des problèmes rencontrés à propos de tous les systèmes de contrôle :

— nécessité d'une consultation préalable du CE application de l'article L.432-2 du Code du travail) ;

— diffusion d'une large information parmi les salariés sur le fonctionne- ment du système et l'exercice du droit d'accès ;

— pas de mémorisation des informations au-delà du temps nécessaire à la facturation des appels téléphoniques ;

— pas d'entrave au fonctionnement des représentants du personnel.

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Toutefois subsiste le problème de la légitimité de ce type de contrôle dont le principe semble admis, sans que l'obligation soit faite à l'employeur d'en justifier la nécessité pour les besoins de la production ou les charges financières de l'Entreprise.

La reconnaissance d'un droit nouveau devrait constituer un préala- ble à l'introduction de ce mode de contrôle :

— le droit à la négociation d 'un seuil de tolérance en matière d'appels téléphoniques sur le lieu de travail.

C. LE CONTRÔLE DE LA PRESTATION INDIVIDUELLE DE TRAVAIL

Deux systèmes :

1) CESAR SNECMA DE CORBEIL : collecte efficace et sûre de l'activité réalisée. Des terminaux reliés à l'ordinateur central son dissémi- nés dans chaque atelier.

Chaque phase de déroulement du travail est enregistré : achèvement d'une pièce, durée de réalisation, ce qui permet de calculer automatique- ment la productivité individuelle, mais aussi d'enregistrer les pauses, les retards, les absences prolongées et les motifs correspondants.

2) LES SYSTÈMES DITS « G.S.D. » : les systèmes de gestion du temps de travail et de la productivité.

Nous avons observé la mise en place de ces systèmes dans des entre- prises textiles et de fabrication de vêtements des pays de Loire (Région Loire-Atlantique, Vendée).

Dans ce secteur la rationalisation du travail passe par la réduction des temps de manutention. Dans le cadre de contrats emplois investisse- ments, passés avec l'État de nombreux chefs d'entreprise ont donc intro- duit des systèmes de convoyeurs aériens qui suppriment toutes les manutentions de pièces de tissus pendant les travaux de piqures. Un système de contrôle du travail produit est intégré à ces robots.

Chaque ouvriere possède au-dessus de sa machine un petit terminal auprès duquel elle s'identifie et qui lui permet de contrôler à tout moment son rendement.

Le système enregistre en effet pour chaque poste le nombre de pièces traitées, le temps écoulé et les temps de pause. Le contremaître peut égale- ment suivre de sa place le rendement de chaque ouvrière à partir d'un tableau central.

L'ordinateur calcule le taux de rendement moyen et le processus peut éventuellement être accéléré.

Les problèmes posés :

Il ne faut pas négliger le stress engendré par ce contrôle permanent et le désir de suivre le rythme de la production.

Le salaire des ouvriers du textile est pour partie fonction du rende- ment ; l'enregistrement de la productivité et du temps de travail permet à

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Attendu qu'en ce qui la concerne, la Sociét SYSLAB, créée à l'initiative de ces parties, a notamment pour objet la réalisation, la conseil d'études de logiciels, l'assis- tance technique et toutes formes de prestations de service destinées à mettre en place, compléter ou auditer les systèmes électroniques de traitement des informations des sociétés financières, industrielles et commerciales, des administrations et services publics et de tout autre type de clientèle ;

Attendu que le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 14 février 1984 dans les conditions prévues à l'article 66 de la loi du 11 mars 1957 a établi que, dans le cadre de l'activité qu'ils avaient exercée pour le compte de la Société SYSTEM ASSIST, vingt-quatre des vingt-cinq personnes physiques assignées par cette par- tie ont mis au point un programme informatique de transfert de fichiers dénom- mée « Transnet »... qu'elles ont ensuite créé « leur propre société » qui a pour déno- mination sociale celle de SYSLAB et que, dans le cadre de l'activité de celle-ci, elles ont mis au point en août 1983 un nouveau programme de fichiers dénommé « Xnet » ;

Attendu qu'il est égalemement établi que dès le 16 avril 1983, la Société Le Crédit du Nord avait acquis le logiciel mis au point par la Société SYSLAB et que la définition qui en est fournie par cette partie démontre que ce moniteur de télétraitements répond exactement aux mêmes caractéristiques que «Transnet»; qu'en effet, le Crédit du Nord, qui avait été initialement intéressé par l'achat de celui-ci, comme le démontre la lettre de celui-ci du 22 juin 1983 écrite par Mme Perriquet qui était alors directrice de la Société SYSTEM ASSIST a ensuite renoncé à cet achat et lui a préféré le « Xnet » mis au point par la Société SYSLAB ;

Attendu qu'il est donc ainsi démontré que ce logiciel était en concurrence directe et avait les mêmes caractéristiques et les mêmes fonctions que celui divulgué par la Société SYSTEM ASSIST et que sa mise au point, loin d'être l'utilisation d'un certain savoir-faire a en réalité consisté en la contrefaçon servile de celui dont la Société SYSTEM ASSIST est propriétaire ;

Que dans ces conditions, et contrairement aux affirmations des défendeurs, il y a lieu, par application de la loi du 11 mars 1957, de dire que la Société SYSTEM ASSIST est bien fondée en l'action qu'elle a formée de ce chef contre tous les défen- deurs, Mme Philippot exceptée ;

Attendu en effet que, s'il est constant que les programmes d'ordinateur ne sont pas perceptibles dans les mêmes conditions que les œuvres littéraires ou artisti- ques, ils sont néanmoins accessibles et intelligibles grâce à leur transcription sur divers supports matériels tels que les listings, les écrans ou les enregistrements magné- tiques ;

Que si leur lecteur n'est effectivement pas facilement accessible et requiert une technicité particulière, ce seul fait n'apparaît cependant pas suffisant pour permettre de les exclure de la catégorie des œuvres de l'esprit qui sont réglementées par les dispo- sitions de l'article 2 de la loi du 11 mars 1957 ;

Que l'antériorité du logiciel mis au point par la Société « SYSTEM ASSIST » n'étant pas contestable, il y a lieu de faire droit à la demande formée par cette partie, les défendeurs auxquels incombait la charge de cette preuve n'ayant pas établi que « Transnet » était dépourvu de toute originalité ;

Attendu d'autre part qu'il est établi par les circonstances de la cause, que cette œuvre a été créée collectivement dans les conditions prévues aux articles 9 et 13 de la loi de 1957 ;

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Que c'est en effet au sein, à l'initiative et au service de la Société SYSTEM ASSIST dont c'était l'objet social et qui poursuivait ce but, que, hormis Mme Philippot, tous les défendeurs ont été préposés à cette tâche sous l'autorité hiérarchique de Mme Perri- quet et qu'ils ont ainsi réalisé une œuvre collective qui a consisté à mettre au point le logiciel « Transnet » divulgué par et au nom de la Société SYSTEM ASSIST ;

Attendu que le fait que le Crédit du Nord, qui en avait manifesté l'intention, ait renoncé à l'achat de celui-ci pour acquérir celui dénommé « Xnet » établit d'ailleurs la similitude de ces deux œuvres et par voie de conséquence celle de la contrefaçon ;

Attendu que le procès-verbal de saisie qui a été dressé le 14 février 1984 dans les conditions prévues à l'article 66 de la loi de 1957 apparaît donc régulier et conforme à l'esprit et aux dispositions de ce texte ; qu'il n'y a pas lieu d'en prononcer la main- levée ;

Attendu d'autre part que, dans la mesure où les préposés de la Société SYSTEM ASSIST estimaient que celle-ci n'avait pas rempli les obligations qu'elle avait contrac- tées à leur égard, il leur appartenait de le faire établir par les moyens de droit appro- priés ; qu'ils ne peuvent en effet valablement, a posteriori et pour excuser des actes de contrefaçon, arguer de faits absolument indépendants de la réalisation de ce délit et qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner les moyens qu'ils ont soulevé de ce chef ;

Attendu d'autre part que les contrats de travail versés aux débats établissent que tous les employés de la Société « SYSTEM ASSIST » qui se sont regroupés, Mme Phi- lippot comprise, au sein de la Société SYSLAB, étaient tenus au secret professionnel sur les travaux qu'ils avaient effectués pour le compte de leur ancien employeur ;

Qu'il est évident que cette clause leur interdisait d'utiliser ou de divulguer à leur profit ou à celui d'une entreprise concurrente, les résultats des divers travaux auxquels ils pouvaient participer ainsi que les connaissances techniques précises et à des fins bien déterminées qu'ils pouvaient acquérir au cours de l'exécution de ces contrats ;

Qu'en se regroupant pour former une société concurrente à celle de la Société SYSTEM ASSIST en proposant en pleine connaissance de cause leurs services à la clientèle de celle-ci, qu'ils ont sciemment supplantée, les vingt-quatre défendeurs per- sonnes physiques qui ont tous démissionné de leurs fonctions à quelques semaines d'intervalle, ont donc ainsi et à dessein, tout comme la Société SYSLAB, désorganisé les structures et le fonctionnement de la Société SYSTEM ASSIST commettant ainsi des actes fautifs de concurrence déloyale distincts de ceux de contrefaçon qui sont comme ces dernières dans un lien de causalité directe avec le préjudice évident subi par la Société SYSTEM ASSIST ;

Attendu cependant qu'il est établi par l'acte intitulé « Projet de filialisation » rédigé en avril 1982, que la Société SYSTEM ASSIST avait à cette date atteint une masse critique et suscité des concurrences ;

Qu'il est également précisé que celle-ci était au courant des offres « intéressées » qui étaient formulées à son personnel par des entreprises qui effectuaient les mêmes travaux de recherche que les siens ;

Que dans ces conditions, le Tribunal possède les éléments d'appréciation suffi- sants pour fixer à cent soixante mille francs le montant des dommages-intérêts répa- rant le préjudice subi par la Société SYSTEM ASSIST du fait de la contrefaçon, et à cent quarante mille francs correspondant au préjudice qui lui a été occasionné du chef de la concurrence déloyale ;