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INITIATION MATHEMATIQUE ET EPREUVES OPERATOIRES La rénovation de l'enseignement mathématique à l'école primaire, effective depuis une dizaine d'années déjà dans les classes expérimentales, a amené les psy- chologues généticiens à poser un certain nombre de questions nouvelles, en particulier Le dévelopR pement de la pensée logique, repéré par l'accès aux stades opératoires successifs, n'est-il pas accéléré Ou tout au moins modifié chez les enfants qui reçoivent cette formation mathématique? La difficulté Qui s'attache à la définition de ladite formation mathématique ainsi qu'à celle des stades, fait qu'il ne semble guère possible de donner une réponse directe à ceUe question. Cela exigerait, d'ailleurs, un imposant dispositif expérimental qui n'est pas à notre portée dans l'état actuel des choses. Le but des gations que nous allons rapporter ci-dessous est donc bien plus modeste. Il s'agissait simplement de déterminer si l'entralnement à une structure mathématique donnée avait une influence sur des épreuves psychologiques por- tant sur des opérations intellectuelles faisant appel à cette structure et, parallèlement, sur l'accès au stade opéra- toire correspondant à ces épreuves. les structures retenues ont 'été: le gro,upe" de Klein et le produit cartésien' qui ont fait l'objet de deux ches distinctes confiées à des stagiaires psychologues scolaires, dans le cadre· de leur «mémoire ». La dure s'est déroulée en trois temps; - pré-lest: - entrainement (pour le groupe expérimental seule- ment) ; - post-test. Les tests ont été individuels et l'entraTnement collec- tif. Les épreuves du pré-test ont donné lieu à une petite étude statistique visant à vérifier que les deux groupes (le groupe expérimental et le groupe témoin) étaient bien comparables. Nous avions tout d'abord pensé utiliser des classes expérimentales, celles des écoles annexes des écoles normales de Chambéry et de Grenoble. Mais, d'une part, l'entraînement à ces structures y. était étalé sur trop longtemps pour nous permettre d'appliquer valablement les mêmes épreuves pour le pré-test et le Et si on avait décidé de s'en tenir à la seule étape finale de l'enseignement, le pré-test aurait alors été faussé par le début de l'entralnement. D'autre part, il était pratiquement impossible de constituer un groupe témoin rigoureusement comparable à un tel groupe expérimental, puisque même s'il l'avait été sur le plan socio-culturel, la ·différence d'attitude entre les professeurs aurait creusé un décalage trop important entre les deux groupes. Nous avons donc finalement opté pour des classes non encore touchées par le renouveau mathématique' preprement dit. C'est F. Longeot qui a choisi les épreuves et C. Hug qui a conduit les séances d'entrainement. Nous nous proposons de présenter pour chacune de ces investigations, tes épreuves utilisées, le type d'en- tralnement auquel ont été soumis les enfants du groupe ex.périmental et les résultats obtenus. Nous livrerons ensuite nos commentaires avant de conclure sur l'intérêt de ces recherches. 1. - LE GROUPE DE KLEIN Les deux stagiaires psychologues scolaires (1) qui se sont intéressés à ce thème ont intitulé leur « mémoire .. : « Effets de l'enseignement du groupe de Klein à l'école primaire, sur la formation du groupe INRC et le passage au stade opératoire formel ». La recherche a été effec- tuée en 1969-1970 sur un échantillon de 84 filles de 8 à 12 ans, élèves d'une école primaire de la banlieue de Grenoble, réparties en quatre classes; deux C.E. 2 et deux C.M.1. Bien que, d'après la directrice de l'école, (1) Mme et M. Terme. 5

INITIATION - Site de l'Institut Français de l'Educationife.ens-lyon.fr/.../revue-francaise-de-pedagogie/INRP_RF032_3.pdf · La rénovation de l'enseignement mathématique ... tai

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INITIATIONMATHEMATIQUEETEPREUVESOPERATOIRES

La rénovation de l'enseignement mathématique àl'école primaire, effective depuis une dizaine d'annéesdéjà dans les classes expérimentales, a amené les psy­chologues généticiens à poser un certain nombre dequestions nouvelles, en particulier celle~ci: Le dévelopRpement de la pensée logique, repéré par l'accès auxstades opératoires successifs, n'est-il pas accéléré Ou

tout au moins modifié chez les enfants qui reçoivent cetteformation mathématique?

La difficulté Qui s'attache à la définition de laditeformation mathématique ainsi qu'à celle des stades, faitqu'il ne semble guère possible de donner une réponsedirecte à ceUe question. Cela exigerait, d'ailleurs, unimposant dispositif expérimental qui n'est pas à notreportée dans l'état actuel des choses. Le but des in\!esti~

gations que nous allons rapporter ci-dessous est doncbien plus modeste. Il s'agissait simplement de déterminersi l'entralnement à une structure mathématique donnéeavait une influence sur des épreuves psychologiques por­tant sur des opérations intellectuelles faisant appel à cettestructure et, parallèlement, sur l'accès au stade opéra­toire correspondant à ces épreuves.

les structures retenues ont 'été: le gro,upe" de Kleinet le produit cartésien' qui ont fait l'objet de deux recher~

ches distinctes confiées à des stagiaires psychologuesscolaires, dans le cadre· de leur «mémoire ». La procé~

dure s'est déroulée en trois temps;

- pré-lest:- entrainement (pour le groupe expérimental seule-

ment) ;

- post-test.

Les tests ont été individuels et l'entraTnement collec­tif. Les épreuves du pré-test ont donné lieu à une petiteétude statistique visant à vérifier que les deux groupes(le groupe expérimental et le groupe témoin) étaient biencomparables.

Nous avions tout d'abord pensé utiliser des classesexpérimentales, celles des écoles annexes des écolesnormales de Chambéry et de Grenoble. Mais, d'une part,l'entraînement à ces structures y. était étalé sur troplongtemps pour nous permettre d'appliquer valablementles mêmes épreuves pour le pré-test et le post~test. Et sion avait décidé de s'en tenir à la seule étape finale del'enseignement, le pré-test aurait alors été faussé par ledébut de l'entralnement. D'autre part, il était pratiquementimpossible de constituer un groupe témoin rigoureusementcomparable à un tel groupe expérimental, puisque mêmes'il l'avait été sur le plan socio-culturel, la ·différenced'attitude entre les professeurs aurait creusé un décalagetrop important entre les deux groupes. Nous avons doncfinalement opté pour des classes non encore touchéespar le renouveau mathématique' preprement dit. C'estF. Longeot qui a choisi les épreuves et C. Hug qui aconduit les séances d'entrainement.

Nous nous proposons de présenter pour chacunede ces investigations, tes épreuves utilisées, le type d'en­tralnement auquel ont été soumis les enfants du groupeex.périmental et les résultats obtenus. Nous livreronsensuite nos commentaires avant de conclure sur l'intérêtde ces recherches.

1. - LE GROUPE DE KLEIN

Les deux stagiaires psychologues scolaires (1) quise sont intéressés à ce thème ont intitulé leur « mémoire .. :« Effets de l'enseignement du groupe de Klein à l'écoleprimaire, sur la formation du groupe INRC et le passageau stade opératoire formel ». La recherche a été effec­tuée en 1969-1970 sur un échantillon de 84 filles de 8 à12 ans, élèves d'une école primaire de la banlieue deGrenoble, réparties en quatre classes; deux C.E. 2 etdeux C.M.1. Bien que, d'après la directrice de l'école,

(1) Mme et M. Terme.

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les classes parallèles aient été formées de la façon laplus homogène possible, nous souhaitions partager cha~

que classe en deux pour constituer le groupe expérimen­tai (G.E.) et le groupe témoin (G.T.). En effet, cela auraitpermIs des comparaisons Intra-classes éliminant la varia­ble «professeur... Malheureusement, pour des raisonspurement matérielles, cette nouvelle répartition des élèvesn'a pas été possible au moment olt a débuté l'entrajne~

ment, si bien que le groupe expérimentai et le groupetémoin ont été formés chacun des élèves de deux classes,une de C.E.2 et une de C.M.1.

1) Epreuves :

Trois épreuves ont été choisies pour cette étude:

- coordination des couples;- quantification des probabilités;- logique des propositions.

a) Coordination des couples (2):

On présente à l'enfant quatre tableaux de huit caseschacun organisés comme le montre la figure ci~dessous :

, , {2 ~1

• ~ 53 f

G, t f$ ~

t , ~ œ(Hachuré: rouge, Non hachuré: bleu1: identique, G : grandeur, C : couleur, D : les deux)

(2) Voir Piaget (J), Grize (J.~e.), Szeminska (A.) et Vlnh 8ang.- E~lstémologle et psychologie de la fonction, PUF, 1968, chapitrepremier.

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On présente à l'enfant ces tableaux comme des« magasins >f qui permettent de changer de fleurs. Aprèslui avoir exposé la consigne et l'avoir entratné à fairedes échanges, on lui demande comment on peut s'y pren­dre dans quatre cas successifs:

- J'ai une petite rouge, je veux une grande bleue. S'iltrouve D, on dit « D est fermé, comment fais-tu? .., s'iltrouve, « Peux~tu faire autrement? >f, si « Non >f, « Com­ment sais-tu? »

- J'ai une grande rouge, je veux une petite rouge (fer­mer G), etc.

- J'aî une petite bleue, je veux une petite rouge (fer~

mer C), etc.- La grande fleur bleue est fanée, alors je veux la

changer maîs je veux toujours une grande fleur bleue(fermer 1). etc.

b) Quantification des probabilités:

On montre à l'enfant des jetons jaunes (12) et d'autresjetons jaunes (8) portant une croix noire sur l'une desfaces. On lui explique qu'on va faire deux tas avec des

D • ~ tE t !

~ ES ~ "1

jetons de ces deux sortes et que, quand ils seront tournéstous du côté jaune, il faudra qu'il désigne celui des deuxtas qui est le plus avantageux, c'est-à-dire le tas danslequel on a le plus de chance de prendre un jeton avecune croix du premier coup.

On explique les consignes à "enfant, on lui fait fairedeux exemples puis on lui présente les huit items dutest, dans l'ordre:

On demande à chaque item une justification duchoix.

c) Logique des propositions:

On dispose devant le sujet une feuille représentantles cinq raisonnements plus l'exemple et on lui commu­nique les consignes. Il doit indiquer la ou les conclusionsqu'il juge valables. Les cinq raisonnements proposés sontles suivants:

Premier raisonnement:

o Le champignon appelé arominia fait partie desrhodomes.

-0 Les rhodomes sont des champignons vénéneux.

Conclusions;

1 - L'arominia est un champignon vénéneux.2 - L'arominia n'est pas un champignon vénéneux.3 - On ne peut pas le savoir.

Deuxième raisonnement:

• Si vous faites du canot, alors il fait beau.

• Finalement vous faites du canot.

Conclusions:

1 ~ Il fait beau.2 - 11 ne fait pas beau.3 - On ne peut pas le savoir.

Troisième raisonnement:

• Si le concierge était complice, alors la porte del'appartement était ouverte,

• Si le cambriolage a eu lieu à minuit, alors leconcierge était complice.

• On a pu prouver que la porte de l'appartementn'était pas ouverte.

Conclusions:

1 ~ Le concierge n'était pas complice.2 - Le concierge était complice,3 - Le cambriolage a eu lieu à minuit.

1) 1/4 - 2/42) 3/5 - 3/73) 2/4 - 1/24) 1/2 - 1/3

5) 2/4 - 3/76) 2/6 - 1/37) 2/6 - 3/88) 3/9 - 2/6

4 - Le cambriolage n'a pas eu lieu à minuit.5 - On ne peut pas savoir si le cambriolage a eu lieu

à minuit.

Quatrième raisonnement:

• S'il fait beau jeudi, alors ou vous allez vous baignerou vous allez à la pêche.

• Jeudi vous n'êtes pas allés vous baigner et vousn'êtes pas allés à la pêche.

Conclusions:

1 - Il a fait beau jeudi.2 - Il n'a pas fait beau jeudi.3 - On ne peut pas le savoir.

Cinquième raisonnement:

• Si la police suit une mauvaise piste, alors les jour­naux annoncent de (ausses nouvelles.

• On est maintenant sûr que les journaux annoncentde fausses nouvelles.

Conclusions:

1 - La police suit une mauvaise piste.2 - La police ne suit pas une mauvaise piste.3 - On ne peut pas savoir si la police suit une mau­

vaise piste.

Les items de chaque test ont été choisis en fonctionde difficultés qui correspondent au stade opératoireconcret, préformel et former, c'est-à-dire que feur réso­luUon ne devrait être accessible qu'à des sujets ayantatteint le stade correspondant.

Le stade concret est caractérisé par:

- coordination des couples avec manipulation ettransformations directes si les tableaux sontcachés;

- quatre items de probabilité: 1/4 - 2/4, 3/5 - 317,1/2 - 1/3, 2/4 - 3/7 ;

- le premier et le deuxième raisonnement de logiquedes propositions.

Le stade préformel est appréhendé par les items:

- 1/2 - 2/4 et 2/4 - 3/7 (selon la réponse) ;- coordination des couples, transformations indirec-

tes tableaux cachés.

Le stade formel:

A : - deux items de probabilité: 2/6 - 1/3, 3/9 - 2/6 ;

- Je troisième et le quatrième raisonnement delogique des propositions.

B : - un item de probabilité: 2/6 - 3/8;

- le cinquième raisonnement de logique des propo­sitions.

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2) Entralnement (groupe expérimental):

L'enseignement du groupe de Klein a consisté en deuxséances d'une heure. Il serait trop long et hors de notrepropos d'en faire un compte rendu exhaustif. Il est toute­fois n.écessaire d'en présenter les principales étapes afind'éclairer l'analyse qui suivra. Nous adopterons l'abrévia­tion M pour la Maîtresse et E pour les Elèves.

On distribue à chaque enfant une grande feuille surlaquelle est dessiné un rectangle et une petite feuille dela taille de ce rectangle avec un coin marqué d'une tachede couleur, très nette d'un côté, juste perceptible del'autre.

M, montrant la petite feuille: «Si c'était une vitre et ça(montrant le rectangle de la grande feuille) une fenêtre,de combien de façons pourrait-on mettre la vitre enplace? .,

E: 2.M : «Viens montrer comment. Qui en trouve d'autres?"E : «11 y en a quatre.»

L'élève présente les quatre façons à ses camaradeset explique qu'il n'yen a plus d'autres.

M : «Maintenant on va déplacer la petite feuille d'uneposition à une autre. Pour s'y retrouver, on va choisirune position de départ.»

M présente les quatre déplacements a, b, e, c à partirde la position de départ.

E : «C'est comme si on n'avait rien fait.»

E : «C'est comme si on avait fait e.»

M : «Essayez d'écrire cela. »

Les enfants n'étant pas habituées à manier des éga~

lités, beaucoup ne proposent rien. Une fillette écrit cepen­dant au tableau:

a a = eM demande alors de compléter d'autres égalités:

a b = ? b b = ? etc.

Quand on commence à en avoir plusieurs, M suggèrede les consigner dans une table à double entrée qu'elleprépare au tableau. Les enfants, non habituées à ce typede présentation, éprouvent des difficultés à la simplelecture de la table, ne sachant pas dans quelle case ellesdoivent écrire, par exemple, le c de :

ab = cCes difficultés provisoirement surmontées, les élèves

remplissent toutes les cases et font des remarques:

- a b ça fait la même chose que b a (intuition de lacommutativité),

- dans les lignes et les colonnes du e on a les mêmeslettres que dans les marges (e est élément neutre),

- sur la diagonale il n'y a que des e (chaque élémentest à lui~même son propre symétrique).

Aucune intuition de l'associativité, celle-ci n'étant pas

ce,b11

a

~l:':~position dedépart

,,,,~~~

M entraîne les élèves à effectuer ces déplacements,déjà à partir de la position conventionnelle de départ puisà partir de n'importe quelle position. Quand les enfantssemblent à l'aise dans ces manipulations, M poursuit:

M : « On reprend la position de départ, on fait a etencore a, qu'est-ce que ça fait?"

directement décelable sur la table de composition. Cettetable est vite connue par cœur par les enfants qui ontremarqué: "quand on prend deux lettres autres que e,il y en a une qui reste et c'est celle-là qu'il faut mettredans la case du tableau ",

M : «Maintenant nous avons a et une lettre qu'on ne

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connait pas, on va mettre x, on sait que: a x :::::: b, quipeut dire quelque ·chose sur x? ..

E: «x :::::: C, on le trouve dans le tableau si on ne s'ensouvient plus...

D'autres équation simples sont facilement résolues parles enfants.

La deuxième séance a lieu quinze jours plus tard.Après un rapide rappel de ce qu'on avait désigné par a,b, e, c la première fois, les élèves ont facilement recons­titué la table de composition des déplacements. Elles sesouvenaient très bien des diverses remarques faites àpropos de ceUe table. La séance a été presque entière­ment consacrée à des résolutions d'équations dans cegroupe. Les enfants ont découvert que, dans le cas oùon compose plusieurs déplacements Identiques, le résul­tat est ce déplacement si leur nombre est impair et e sileur nombre est pair.

Pour x x :::::: a, elles ont eu tendance à donner deuxvaleurs différentes à x pour que cela soit possible etn'ont accepté que difficilement qu'il n'y ait pas de solu­tion.

Pour x x == e, en confrontant mutuellement leursréponses, les élèves ont trouvé les quatre solutions:

x a

x ;::;: b

x ;::;: c

x ::; e

Le préMtest avait eu lieu au cours de la deuxièmequinzaine de février, l'enseignement s'est effectué en deuxséances d'une heure à chaque classe du groupe expéri­mental, en avril, enfin le post-test a eu lieu au cours dela première quinzaine de juin.

3) Résultats:

Les stagiaires ont procédé pour chacun des troistests à des comparaisons de fréquences. AttachonsMnoustout d'abord à l'épreuve de coordination des couplespuisque, en tout état de cause, c'est la seule qui ait unlien direct avec le groupe de Klein. Pour répartir l'effectifen deux classes: réussites et échecs, ils ont utilisé lamédiane de la distribution de l'ensemble des deux groupesqui se trouve être sensiblement la même pour [e préMtestet le post-test. Elle est située entre les scores 3 et 4(le barème de notation permettait des scores allant deo à 13). L'épreuve statistique de comparaison de fréMquences entre le GE et le GT par un calcul de khi deuxdonne un résultat non significatif tant pour le pré-testque pour le post-test. L'épreuve de comparaison des résul~

tats du pré-test et du posHest à l'intérieur de chaquegroupe aboutit également à un khi deux non significatif.

La médiane étant située à la même hauteur dans lesdifférentes distributions, on pouvait s'attendre, en prati­quant là la coupure, à des khi deux non significatifs.C'est pourquoi F. Longeot a suggéré de recommencerles calculs en coupant cette fois entre les scores 5 et 6,la coupure correspondant au seuil où l'enfant passe dustade concret à un stade postérieur au stade concret.Voici le tableau ainsi obtenu:

Coordination des couples

GE GT

préMtest r.:>st-test pré·test !.)OSHdst

Stade concret ........ 34 30 35 33

Stade postérieurau stade concret ... 9 13 6 8

Totaux ....... '3 43 41 41

Les comparaisons de fréquences calculées à partirde là donnent des valeurs du khi deux un peu plus élevéesmais sans qu'aucune n'atteigne toutefois le niveau designification, même au seuil de .10. Manifestement on nepeut rien conclure sinon que l'enseignement du groupede Klein n'a apparemment pas eu d'effet sur les perfor­mances à l'épreuve de «coordination des couples ".

Il en va de même pour les autres épreuves. Aucundes calculs portant sur des comparaisons de fréquencesn'a abouti à une valeur du khi deux qui soit significativeà un seuil convenable. Finalement, l'intérêt de cette cOUMpure est dévié sur une comparaison entre les trois épreu­ves qui met en évidence des décalages sensibles d'acces­sion aux stades préformel et formel comme le montrentles tableaux ci-dessous:

Quantification des probabilités

GE GT

préMtest post·test p'é-t." 1 po"-""---Stade concret '2 " 41 40

------Stade postérieur

au stade concret 1 1 0 1

--- ---Tolaux 43 43 " 41

9

Logique des propositions

GE GT

pré~test post-test pré-test post~test---Stade concret ........ 29 24 27 22

Stade postérIeur

'" stade concret ... 14,. 14 ,.

Totaux ....... 43 43 41 41

Il. - PRODUIT CARTÉSIEN

Ce travail a été intitulé: « Etude de l'effet d'un entraî­nement scolaire du produit cartésien sur le stade opéra­toire auquel se trouvent les enfants" par les deuxstagiaires psychologues scolaires (3) qui en ont fait leur« mémoire". L'échantillon a été constitué de 73 enfants(36 filles, 37 garçons) d'une école primaire de la banlieuede Grenoble répartis en quatre classes de C.M. 1. Lesâges s'échelonnaient de 9 ans à 11 ans 10 mois. Lepartage de la population en deux groupes comparablesa été effectué à partir des résultats au pré-test. Le groupeexpérimental (GE) comprend 37 élèves et le groupe témoin(GE) en comprend 36, garçons et filles étant harmonieuse­ment répartis entre les deux.

1) Epreuves:

Quatre épreuves ont été choisies pour ce travail:

matricesintersection

combinatoire avec des chiffrescombinatoire avec des jetons.

a) Matrices:

On soumet à l'enfant huit dessins représentant:- deux hommes: • un bOcheron

• un monsieur avec un cartabledeux dames "une dame qui fait les commissions

• une élégante qui se promènedeux garçons • un garçon accroupi jouant aux billes

• un garçon revenant de ['écoledeux filles • une fille sautant à la corde

• une fille avec une balle

, Ces dessins sont présentés mélangés, en tas, devantJenfant. Il s'agit pour lui de distribuer librement cesimages en quatre classes, puis en deux classes et à

(3) Mlle Auzan et Mme Riboud.

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nouveau en deux autres classes. On considère, en effet,que les personnages peuvent être classés selon deuxcritères différents: J'âge et le sexe. Les questions sontainsi posées:

oc Fais quatre tas avec tous les dessins en mettantensemble ceux qui vont bien ensemble."

oc Maintenant, fais deux tas avec tous les dessins enmettant ensemble ceux qui vont bien ensemble."

oc Refais autrement. fais deux autres tas en mettantensemble ceux qui vont bien ensemble."

A ['issue de chaque classification, on demande àl'enfant: « Pourquoi as-tu mis ces images ensemble?"en montrant chaque tas.

b) Intersection:

On présente à l'enfant, d'une part une rangée de desw

sins d'objets verts (une tulipe, un livre, une poire, unecasquette) et, d'autre part, une rangée de feuilles d'arbresde couleurs différentes (jaune, rouge, marron, orange).L'une des rangées est perpendiculaire à l'autre, selon ladisposition ci-dessous:

vert

jaune marron

rouge orange

Il s'agit de remplir, en imagination, la case vide (pointde jonction des dessins), c'est-à-dire de choisir un élé­ment commun aux deux classes. Après la passation dela première épreuve, on contrôle la réponse de l'enfanten lui présentant à nouveau un matériel presque identique(une rangée d'objets jaunes et une rangée de fleurs dediverses couleurs). On lui demande de justifier son choix.

c) Chiffres:

On présente à l'enfant une quarantaine de cartes

(une dizaine portant le chiffre 1, une dizaine d'autres le 2,une dizaine le 3 et d'autres le 4). Ces cartes sont dispo­sées devant l'enfant en quatre tas espacés et dansl'ordre:

, 2 3 4

On dit à l'enfant: «Avec deux de ces cartons tupeux faire un nombre de deux chiffres. Tu vas essayer,avec ces chiffres, d'écrire tous les nombre différents ayantdeux chiffres chacun." Après avoir laissé travailler l'en­fant, on lui pose des questions du genre: «Est-ce quetu les as tous? Pourquoi?»

d) Jetons:

Cinq tas de jetons, alignés, assez espacés, sontposés sur la table devant l'enfant: un rouge, un bleu, unjaune, un vert, un blanc. On dit à l'enfant: «Avec cesjetons, tu vas faire tous les couples de deux couleursdifférentes ne se répétant pas.» On lui pose le mêmegenre de questions que dans l'épreuve précédente, quandil a terminé son travail.

Pour la détermination du niveau, les stagiaires ontutilisé une notation en trois stades: 0, l, Il, le stade 1illustrant le stade opératoire concret, le stade Il définis­sant le début des opérations formelles:

- le stade 0 : est caractérisé, dans chaque épreuve, parun score inférieur à celui qui autorise la classificationau stade 1 ;

le stade 1: correspond:

9 pour les matrices, à la réussite complète

• pour les intersections, à la réussite complète éga~

lement

• pour les chiffres, à la construction de tous lesnombres, sans méthode apparente

• pour les jetons, à la découverte des 10 couplessans méthode apparente;

le stade Il : correspond pour les chiffres, comme pourles jetons, à la réussite complète avec une méthodesystématique.

Signalons que l'ordre de passation a été le suivant:

1. Matrices, 2. Chiffres, 3. Intersection, 4. Jetons.

2) Entraînement (groupe expérimentai):

L'enseignement a consisté, là aussi, en deux séancesd'une heure. En voici les principales étapes:

M : « On va dessiner des petits bateaux. On a le droit deprendre une coque bleue, une coque rouge, une coqueverte. On a droit à une voile noire et à une voile jaune.Pour chaque bateau, il faut une coque et une voile. SurvoIre feuille, dessinez tous les bateaux possibles.,.

E: «Est-ce qu'on peut prendre plusieurs fois la mêmecoque? »

M : «On peut prendre plusieurs fols la même coque oula même voile mais on n'a pas le droit de répéter plu­sieurs fois le même bateau."

Cette explication a' été suffisante pour permettre àla quasHotalité des élèves de dessiner les 6 bateaux.

M : «Essayez de disposer les bateaux pour qu'on com­prenne bien comment on les a tous trouvés. »

Un élève vient au tableau proposer la diSposition ci~

dessous:

Aussitôt après, un autre vient dessiner "une autrefaçon» (disposition verticale).

M : «Pour qu'on voie bien les lignes et les colonnes, quapourrait-on faire?»

E: «Un tableau» et cet élève vient le tracer au tableau,sur l'exemple précédent.

M efface alors tout ce qui se trouve dans les casesdu tableau en ne conservant que le cadre et les margeset, montrant successivement quelques-unes des cases:«Quel bateau mettrait-on ici? Pourquoi? Et là? etc.»

M propose ensuite aux enfants de compléter, toujoursavec les mêmes bateaux, un tableau où, seules, deuxcases sont remplies.

L'exercice suivant porte sur un ensemble de troisvases et un ensemble de trois fleurs. Les élèves sontinvités à fnire tOlIS les dessins d' « un vase avec unefleur" possibles. La première séance s'achève sur lareconstitution, avec les mêmes éléments, d'un tableauincomplet pour lequel Il se trouve qu'il y a deux solutions.

La deuxième séance commence par un rappel dutravail précédent avec, cette fois, la constitution de petitesmaisons à l'aide d'un mur (de 3 couleurs au choix) etd'un toit (de 4 formes possibles).

M, avant que les enfants ne commencent les dessins:«Avez-vous une idée du nombre de maisons que vousallez construire?"

11

E: 12

M : Pourquoi?

E : «A chaque mur on pourra mettre 4 toits différents,ça fait en tout 3 fols 4 maisons, douze maisons.»

M : «Autre chose, maintenant: c'est la fête, des filles etdes garçons vont danser ensemble. Il y a 5 filles: Isa­belle, Françoise, etc. et 4 garçons: Michel, etc. On vamettre un garçon avec une fille. Maintenant on ne faitplus de dessins, on écrit. On met le garçon d'abord. l'

M interroge les élèves sur le nombre de choix de chaquedanseur, précise les conventions d'écriture et demanded'écrire tous les couples.

Il y a deux types de réponses, suivant que [e tableau aété présenté «horizontalement» ou «verticalement", laplus fréquente ayant été la première. Les couples ont étéécrits correctement.

M propose ensuite un tableau à compléter dans uneautre situation: Il y a un ensemble d'enfants désignéspar des lettres et un ensemble de jeux repérés par desnuméros, il s'agit d'écrire tous les couples (un enfant,un jeu). Deux exercices rapides terminent la séance etvisent à contrôler que tous les enfants savent trouver lenombre de couples, éléments du produit cartésien dedeux ensembles, dès qu'ils connaissent le nombre d'élé­ments de chacun de ces ensembles.

Le pré-test a eu lieu fin février-début mars 1971, lapremière séance d'entraînement s'est déroulée fin marset la deuxième, quinze jours plus tard, en avril. Lesenfants ont été soumis au post-test fin mai-début juin 1971.

3) Résultats:

Voici le tableau d'ensemble des résultats:

Groupe Groupe

Epreuves Stadestémoin expérimental

pré-test post-test pré-teilt po:::t~test

Matrices 0 25 22 24 181 11 14 13

"---Intersection 0 21 ,. 22 18

1 15 17 15 19

Chiffres 0 • 7 10 61 • 8 13 6IJ 18 21 14 25- ---

Jetons 0 7 5 10 71

"11 15 14

" 15 20 12 16..-

Rappelons que pour les épreuves (, Matrices" et" Intersection ", le stade 1 représente la réussite complète,

12

tandis que cette même réussite est sanctionnée pour lesépreuves «Chiffres" et «Jetons .. par le stade II.

Apparemment, les deux groupes semblent avoir pro­gressé entre le pré-test et le post-test pour les quatreépreuves. En ne tenant compte que des réussites complè~

tes, les «gains ~ entre le pré-test et le post-test sont lessuivants:

EpreuvesGroupe Groupetémoin expérimental

Matrices + 3 + 6

Intersection + 2 + 4

Chiffres +3 +11Jetons + 5 + 4

Oans ['ensemble des épreuves, on constate que lesenfants du Groupe Expérimental ont progressé en plusgrand nombre que ceux du Groupe Témoin, en particulierà l'épreuve «Chiffres ...

Ces progrès sonHls dus au hasard ou sont-ils signi­ficatifs ? Les deux stagiaires ont procédé, pour chacunedes quatre épreuves et chacun des deux groupes, à unecomparaison de fréquences aboutissant au test statistiquedu khi deux. Sur les huit calculs ainsi effectués, septconduisent à un khi deux non significatif, même au seuilde .10. La seule excepton concerne le GE, pour l'épreuvedes Chiffres, où le khi deux obtenu: 5,26 est significatifà .05. Quant aux différences entre le GT et le GE aupost-test, elles ne sont significatives pour aucune desépreuves. L'effet de l'entraînement qui apparatt pourl'épreuve des Chiffres n'a donc pas été suffisant pourdifférencier les deux groupes.

III. - COMMENTAIRES

A) POINT DE VUE DE COLETTE HUG

1) Sur la méthode s,ulvIe:

La brièveté de l'entraînement a nui à ces deux tra­vaux et plus particulièrement au premier. Si l'enseigne~

ment a été suffisant pour permettre aux enfants de résou~

dre allègrement des équations dans le groupe de Klein,il a été trop bref pour leur donner de cette structure unemaîtrise assez grande pour autoriser des transferts aussilointains que ceux qui étaient demandés dans les épreu­ves. Dans le deuxième cas, cet inconvénient a été mini­misé. En effet, j'avais initialement prévu de présenter auxenfants directement la notion de couple et de produitcartésien comme il est tout à fait possible de le faire auniveau du C.M. 1. Mais lorsque j'ai pris connaissance dudétail des épreuves et que j'ai pu mesurer à quel pornt

elles faisaient plus appel à des paires qu'à des couples,il m'a semblé nécessaire de reconsidérer mon projetd'enseignement. J'ai alors tout simplement opté pour lavoie que nous abordons couramment avec les tout-petitsdans les classes expérimentales. Il s'ensuit que la pré­sentation qui a été faite était très élémentaire pour desélèves de C.M. 1. Ils ont d'ailleurs suivi très aisément.En deux heures iL a été faclle de faire acquérir à cesenfants ce qU'acquièrent en quelques séances des petitsdu C.P. ou du C.E.

L'analyse des résultats est décevante car l'outil sta­tistique choisi ne semble pas adapté à l'objet auquel onl'applique. Ce qui frappe en regardant ces résultats, c'estla cascade de « non significatif ". La comparaison defréquences et l'épreuve du khi deux ont l'inconvénient,dans des cas comme ceux-ci où les variations sontminimes, de fondre l'ensemble des résultats et d'effacerles éventuelles aspérités de la distribution. Pour essayerd'y voir un peu plus clair dans ce qui s'est passé, il peutêtre intéressant d'examiner les résultats de chaqueenfant du Groupe Expérimental au pré-test et au post-testafin de mettre en évidence leur «gain" ou leur « perte ".Pour l'épreuve de coordination des couples, par exemple,alors que l'ensemble des gains est de 42 points et letotal des pertes de 39 points seulement, l'examen détaillémontre qu'il n'y a que 15 enfants qui ont gagné pour 19qui ont perdu, comme le fait apparaître l'histogrammeci-dessous:

Coordination des couples. G,E. (43 sujets)

« Gains» et « pertes .. entre le pré-test et le post-test.

109B7654321o

-7-6-5-4-3-2-10 +1+2+3+4+5+6+7+8

Si la distribution est, en gros, normale, elle culmine ducôté des pertes, ce qui tendrait à montrer, si effet il ya eu, que cet effet a plutôt été négatif...

Il convient de signaler encore un point qui concernela deuxième recherche et qui a, d'ailleurs, été soulevépar les stagiaires: après le pré-test, les enfants ont pu

s'entrainer tout à loisir à ('épr,e.lJve des chfffres et, dansune moin'dre mesure, à celle des jetons. En effet, pourcette dernière Il faut du, matériel mais pour les chiffreson n'a besoin de rien d'autre que d'un papier et d'uncrayon ét la consigne est des plus taclles à mémoriser.On' peut même aller plus loin, Non seulement les enfantsont pu s'amuser à chercher la solution en dehors dutemps d'épreuve mais ils ont pu s'entr'aider abondam­ment lors des passations, C'est l'inconvénient des testsaux consignes trop faciles à retenir lorsqu'ils doivent êtresoumis, individuellement, à une population d'enfants quiont, à côté, tout le loisir d'en discuter librement. Celapourrait expliquer à la fois le nivellement des résultatsentre les deux groupes au post-test et la supériorité desprogrès aux épreuves «chiffres» et «jetons", les deuxautres étant, du fait des Images, moins faciles à rapporter.

Il ressort de tout cela que ces deux expériences n'ontpas pu vraiment atteindre leur but. Mais elles sont intéres­santes surtout par la confrontation qu'elles introduisententre l'aspect mathématique et l'aspect génétique à proposd'une même structure.

2) Sur l'adéquation entre les épreuves et l'entraîne­ment:

A l'origine il n'avait été question que d'épreuvesconstruites à partir de la structure choisie. L'extension duthème de recherche au stade opératoire correspondantà ces épreuves a provoqué l'adoption d'autres épreuves.Il importe de voir comment les unes et les autres sesituent par rapport au côté mathématique de ces investi­gations.

a) Epreuves en rapport avec J'entralnement mathé­matique:

Coordination des couples (Groupe de Klein)

Dès que le test des magasins a été choisi, j'ai décidéd'éviter de présenter le groupe de Klein à partir d'unesituation trop voisine de celle de ce test. C'est pourquoij'ai éliminé, en particulier, la présentation de ce groupeà l'aide des « machines» (opérateurs) à changer la forme,la couleur, etc... Je me suis reportée sur les isométriesdu rectangle dont le ( dispositif» est bien distinct del'autre. L'ensemble considéré est t'ensemble des quatre« déplacements" a, b, c, e, chaque déplacement étant,en fait, une bijection de l'ensemble des sommets durectangle sur lui-même. Muni de la loi de composition desbijections, li a une structure de groupe commutatif qui,de plus, présente la particularité que chaque élément està lui-même son propre symétrique. Il s'agit bien d'ungroupe de Klein.

Même chose pour la « coordination des couples» où,soit dit en passant, li ne s'agit pas de couples au sensmathématique du terme mais des bijections de l'ensemble

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des quatre fleurs sur lui-même. L'ensemble de ces bijec­tions appelées «magasins \0> : l, G, D, C, muni de ta toide composition des bijections, a également une structurede groupe de Klein. Voici les tables de chacun de cesdeux groupes:

La similitude entre les deux situations, sur le plan:nathématique, va, même plus loin que l'isomorphismeentre ces tables. Dans l'un et l'autre cas, en effet, il3'agit d'opération (loi de composition des biiejCtiOns) da~s

un ensemble (respectivement {e, a, b, cl et l, G, C, 0 Pdont les éléments agissent sur un autr ensemble (res­pectivement : l'ensemble des 4 sommets du rectangle etl'ensemble des 4 fleurs).

La divergence entre les deux situations, sur le planpratique, est que les enfants n'ont pas été amenés àtravailler au même niveau. A aucun moment, dansl'épreuve des magasins, ils n'ont été invités à composerdes bijections même si cela pouvait être demandé avecun autre vocabulaire. Toutes les questions portent surl'échange entre une fleur et une autre, c'est peut-êtred'ailleurs pour cela que l'épreuve a été appelée impro­prement «coordination des couptes". l'attention desenfants a été presque exclusivement attirée sur les fleursquand elle n'a pas été détournée ailleurs. Je pense, parexemple, à l'influence perturbatrice de phrases commecelles-ci dans les consignes (nous n'avons présenté plushaut qu'un aperçu des consignes et non le textecomplet) : «A présent, le magasin D est fermé, commentfais~tu ?» si «Je ne peux pas .., dire «Quand tu vas àl'école et que ta route est barrée, que fais-tu? - undétour 1 Eh bien, essaie ici de' faire un détour!" Mêmesans insister sur le côté non dépouillé de ces invitationsqui tendent à éloigner l'enfant du domaine dans lequelon voudrait le placer, il faut bien reconnaitre que cetteépreuve présente une différence de fond avec ce qui aété enseigné.

Au cours des deux séances de mathématiques surle groupe de Klein, le «dispositif" n'a été utiliséqu'assez peu, au début. juste pour donner une illustration

! e a b c

e e a b c

a a e c b

b b c e a

c c b a e

Î 1 G C 0

r 1 G C D,G G 1 0 C

C C 0 1 G

0 0 C G 1

à la structure abordée. Cette Illustration n'était d'ailleurspas nécessaire pour "étude mathématlque du groupe. Onaurait très bien pu le présenter sans le moindre habillage« concret ... J'en avals pris un pour rester plus près dumodèle de l'épreuve des magasins. Toutes les questionsposées aux enfants ont visé exclusivement à les fairetravailler dans le groupe, c'est-à-dire lei, à composer desbljectlons. Pour mettre en relief la distinction entre lesdeux plans auxquels a été situé le travail dans les deuxcas, disons que si j'avais procédé comme pour l'épreuvedes magaslns, j'aurais da faire regarder les coins durectangle et poser des questlons du type: «Le coin enhaut à gauche, je voudrais qu'il soit en bas, à droite,quel déplacement je dols faire?.. et si la réponseétait c: «Le mécanisme du déplacement c ne marchepas, comment peut-on faire autrement? Il

A mon avis, ce genre de question fait appel à autrechose qu'à la simple possibilité de composer des bijec­tions. Et pour qu'une compétence, aussi indiscutable soit­elle, dans ce dernier domaine, aide à répondre sansentraînement spécifique à des questions de ce type, il mesemble indispensable qu'elle aille de pair avec le pouvoirde «dépouiller.. les situations proposées. Assez peud'élèves de notre échantillon ne possédaient ce pouvoirqui semble relever du stade formel classique. Cette inter­prétation pourrait expliquer à la fois que la majoritéd'entre elles aient été classées pour cette épreuve austade concret et que l'entraînement mathématique à uneopération de groupe n'ait pratiquement pas eu d'effet surdes échanges de fleurs, même régis par le même groupe.

Chiffres (Produit cartésien)

Rappelons que «deux ensembles E et F étant donnés,on appelle produit cartésien de Epar F l'ensemble descouples (x, y) où x appartient à E et y appartient à F".Seule l'épreuve des chiffres mettait en œuvre la structurede produit cartésien. Encore cela concernait·11 un casparticulier, celui du produit cartésien d'un ensemble parlui-même, en l'occurrence lei, l'ensemble des chiffres1, 2, 3, 4. Ce cas n'est pas premIer chez. l'enfant et it estprobable que les élèves auraient mieux réussi à un pro­duit cartésien de Epar F avec E différent de F. Parailleurs cela aurait mieux correspondu à l'enseignementdonné. Mais peu importe, l'épreuve des chiffres et l'entraî­nement mathématique reposaient sur la même structure etont été abordées au même niveau, c'est là l'essentiel.Ce n'est donc pas un hasard si cette épreuve est la seulepour laquelle les progrès du Groupe Expérimental ont étésignificatifs.

b) Autres épreuves:

Les deux autres épreuves utilisées avec l'entraînementau groupe de Klein n'avaient rien à voir, du polnt de vue

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mathématique, avec ce groupe. Elles devaient simplementpermettre de situer le niveau opératoire des enfants. (f

reste qu'on peut s'Interroger sur leur contenu mathéma­tique.

Quantification des probabilités

Il s'agit, Ici, du rapport du nombre de cas favorablesau nombre de cas possibles. Noto'ns que cette épreuveest la plus sévère pour le partage des enfants selon lesstades puisqu'elle les situe presque tous au stade concret.

logIque des propositions

Les trois derniers raisonnements sont donnés commecaractérisant le stade formel classique. Or celui-ci doitaller de pair avec le «groupe INRC ". On sait que cegroupe a une parenté de structure avec le groupe deKlein. Il se trouve, pourtant, que l'entraînement n'a euaucune influence sur les résultats à cefte épreuve. Nousnous y. attendions, d'ailleurs. En effet, le groupe 1 N R Csert aux psychologues généticiens à décrire un mode depensée révélateur d'un certain niveau mais, en général,sa structure de base n'est pas présente dans les épreuvescorrespondant à ce niveau. En tout cas, elle ne l'est pasici.

Il s'agH d'une épreuve de déduction pour laquelleon ne voit pas très bien, d'ailleurs, quelle peut être ladémarche des enfants. Ils n'ont reçu aucune initiation aumodus tof/ens ou â la négation de la disjonction. Hs nepossèdent donc pas les outils nécessaires. Comment pour­raienHls procéder, sinon empiriquement, avec une cau­salité dans Je vague et le flou? L'épreuve semble plutôtde nature à révéler un certain «flair ...

Cette remarque est susceptible d'éclairer le fait, notépar les deux stagiaires à propos de Jeur expérIence, Quecette épreuve ait donné des résultats non homogènesavec ceux des autres tests en ce qui concerne le stadeformel. Alors que pour la «coordination des couples» ily avait relativement peu d'enfants ayant dépassé le stadeconcret et encore moins pour la «quantification des pro~

babilités ", il Y en avait presque la moitié pour la «logi­que des propositions ". Nous avons remarqué, en outre,que certains sujets, très bien classés dans les deux pre~

mières épreuves étaient situés presque en bas de l'échelledans cette épreuve et inversement.

D'autres chercheurs ont signalé des décalages dumême type, ce qui renforce la remarque. A propos desmoyennes obtenues aux épreuves de développement logi­que chez des enfants qui ont ou n'ont pas bénéficié depédagogie moderne des mathématiques, ils constatent;« Une évidence ressort de la lecture de ce tableau, cellede l'inégalité de fa relation entre fa durée d'applicationde la pédagogie moderne et chacune des épreuves logi-

ques. CeUe relation est très marquée pour les Combina­toires, Inexistante pour (a logique des Propositions (4)...A mOn avis, l:m peut émettre les hYPothèses explicativessuivantes: tout d'abord, les élèves ayant bénéficié de lapédagogie moderne ont presque à coup sOr été Initiésaux activités combinatoIres, d'où un effet probable d'en­trainement. Mais ce n'est pas tout. L'épreuve Combina­toires peut révéler des possibllités d'organisation logiquede la pensée. Tandis que l'épreuve de Logique des Pro­positions, en l'absence de règles, ne peut pas jouer cerôle. Les mêmes chercheurs annoncent un peu plus loin:« Nous avons ici une variation significative, celle de laLogique des Propositions, mais elle concerne un écartdans lequel l'échantillon témoin a un progrès supérieurà l'échantitton expérimental (5)... Cette constatations'accorde avec ce que'- nous avons avancé plus haut.

Il convient également d'examiner les trois autresépreuves utilisées avec le produit cartésien pour volr cequ'elles représentent sur le plan mathématique.

Matrices

L'épreuve dite « matrices .. n'a rien à voir avec les ma­trices en mathématiques. Sans doute ce terme est-il utiliséau sens du langage courant, toutefois il risque d'introduireune ambiguïté. Il s'agit, dans cette épreuve, d'une situa­tion de tri comme on en propose couramment dans lesécoles maternelles. Encore celle~ci n'est-elle pas ce qu'ilest Convenu d'appeler une «bonne Il situation de trI. Eneffet, perceptlvement, il y a 4 catégories d'individus. Lechoix des attributs n'est pas des plus heureux: il estdifficile pour un enfant de prendre les grands et les petitsd'après ce genre d'images; plus difficile encore de sépa­fer selon les sexes car dans la vie courante, en Europeoccidentale du moins, il n'y a guère de situation commecelle-là. Les stagiaires ont bien remarqué que les attributsimposés n'étaient pas prégnants et qu'II existait de mul­tiples partages possibles. Certains enfants ont mis d'uncôté les personnages qui portent quelque chose et del'autre ceux qui n'ont rien dans les mains, d'autres ontfait des familles (un homme, une femme, un garçon, unefille), etc. Les situations de tri constituent habituellementdes initiations aux classifications mathématiques et auxrelations d'équivalence.

Du point de vue mathématique, on n'est donc pas làdans le domaine du produit cartésien. Or, du point de vuepsychologique, certains voient, au contraire, une parentéentre l'épreuve des chiffres (produit cartésien) et l'épreuve

(4) J. Pelnard·Considère et J. Levasseur, Pédagogie nouvelleen mathématiques et développement Intellectuel. - ln RevueFrançaise de Pédagogie, NI> 23, avril·mai-jufn 1973, p. 14.

(5) Ibid .• p. 20.

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des matrices (situation de tri) parce qu'elles nécessjte~ttoutes deux « ta structure de groupement de la muttipll~cation bi:-univoque du stade opératoire concret... Oettedifficulté de vocabulaire illustre les problèmes de langageauxquels on est con1ronté du fait de la distance ent~e lesconcepts mathématiques et les concepts psychologiques.Le passage des termes d'un domaine à l'autre est souventsource de confusion.

Intersection

L'épreuve appelée « intersection ~ se situe égale.me~tau niveau perceptif. Du point de vue mathématique II n ya pas grand~chose dessous. Il n'y a pas, à proprementparler de notion ensembliste donc pas d'intersection d'en~sembl~. Ces deux rangées de dessins ne constitueraientd'ailleurs pas un bon préalable aux ensembles du fait quetoute l'attention est attirée sur l'attribut commun. Or leséléments d'un ensemble n'ont pas d'attribut commun sinond'appartenir à cet ensemble. La disposition contraignanteet trop chargée ne se prêterait guère non plus à uneinitiation aux paires (une forme, une couleur). Pas plusque les «matrices» cette épreuve ne semble susceptiblede révéler une compétence mathématique ou d'être faci­litée par une telle compétence.

Jetons

L'épreuve des jetons qui a l'air très VOisine de celledes chiffres est en réalité bien distincte de celle:CÎ SUT

le plan matttématique. On a un ensemble de 5 couleurs,il s'agit de former toutes les paires de couleurs possibles.Rappelons qu'une paire est un ensemble de deux éléments(pas d'ordre entre les deux éléments) alors qu'un coupleest ordonné. Avec deux. éléments a et b, on a une seulepaire: {a. b} := {b, a} et deux couples (a, b) ~ (b, a).Cette épreuve est la recherche de toutes les parties àdeux éléments d'un ensemble à cinq éléments. L'enfantqui vient d'acquérir une méthode à propos du produitcartésien et qui croit qu'il s'agit ici de la même choseest plutôt gêné. Les stagiaires l'ont remarqué dans uncertain nombre de cas.

Les épreuves en jeu, ici, ne sauraient définir, à ellesseules, les stades opératoires, toutefois, eUes y partici­pent. Dès lors qu'on s'interroge sur l'effet éventuel d'unentraînement mathématique sur la compétence révéléepar ces épreuves, il est légitime de se demander quellepart de cette compétence relève des mathématiques etquel éclairage cela donne sur le stade génétique corres­pondant. L'essai d'analyse ci~dessus n'avait pas d'autrebut.

Qu'on le veuille ou non, il faut bien reconnaîtrequ'entre la progression de la formation mathématique etla succession des stades opératoires, les points de jonc-

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tion sont loin d'être toujours clairement définis.- Pour unerecherche aussi modeste que celle relatée cl-dessus, nousavons vu que sur 7 épreuves, une seule présentait uneréelle parenté avec l'entrainement mathématique corres~

pondant. Les autres épreuves apparaissent si étrangèresà l'enseignement donné qu'on 'imagine mal en quoi ellesauraient pu en être influencées. Nous n'ignorons pas quele caractère ponctuel de la recherche a renforcé cetaspect. Une Investigation du même type mais portant,cette fols, sur des années d'enseignement expérimental.aurait probablement moins sou1fert de la non-adéquationentre les épreuves et la formation mathématique. Encoreque la disparité entre les deux puisse resurgir commeon l'a vu à propos de la recherche évoquée p. 15.

pour que ce genre d'investigations soit plus valide,il conviendrait d'approfondir les questions de vocabulaireafin de parvenir, au moins sur certains points, à un lan~

gage commun dépourvu d'ambiguïté. Il Y a là, n'en dou­tons pas, «du paÎn sur la planche 1>. tant pour les ensei­gnants de mathématiques que pour les psychologuesgénéticiens.

Bl POINT DE VUE DE FRANÇOIS LONGEOT

a) Epreuves en rapport avec l'entralnement mathématique(coordination de coupfes et chiffres).

S'il faut toujours employer le langage mathématiquepur des leçons pour espérer que les enfants comprennentles nouvelles situations qu'on leur présente, c'est queJ'enseignement n'est pas immédiatement généralisable,contrairement à ce que l'on affirme parfois. Remarquonsd'ailleurs qu'on ne change le langage et qu'on ne parlede «détours l> dans l'épreuve dite de coordination decouples qu'après l'échec initial du sujet qui n'a pas pureconnaître la similitude des deux situations (celle de lavitre et celle de l'échange des fleurs).

Le dépouillement du langage et des situations mathé­matiques est sans doute souhaitable dans l'enseignement.On ne saurait ex.iger que l'univers physique et social del'enfant respecte un tel dépouillement. Dans sa vie quoti­dienne non scolaire et même dans ses activités scolairesnon mathématiques l'enfant rencontre des situations quil'obligent à raisonner. Le psychologue pose la questionainsi: pourra-t-il mathématiser, raisonner sur ces situa­tions imprévues mais réelles? La transitivité, par exempte,peut être acquise grâce à un enseignement mathéma­tique pur, mais l'enfant s'en servira-t-il pour comprendredes phénomènes physiques tels que la transmissionmédiate d'un mouvement (une bille vient frapper la pre­mière de trois billes accolées et seule la troisième part) ?Les études de psychologie génétique montrent que lors­qu'on n'enseigne pas spécialement cette notion logique

l'enfant la const~uit en passant par certains stades et peutensuite l'utiliser dans des situations diverses. Oes recher~

ches du genre de celle qui est présentée Ici montrentque si les notions sont enseignées à des enfants qui neles ont pas encore élaborées par eux-mêmes, elles nepeuvent pas être employées en dehors du cadre scolaireet de ses situations mathématiquement pures.

On a parfois justifié la réforme des mathématiquesen invoquant l'importance grandissante dans le mondemoderne du pouvoir de mathématiser ou de formaliser lessituations. C'est déjà un résultat intéressant de savoirque l'enseignement rénové des mathématiques ne permetpas aux enfants de mathématiser mieux et plus rapidementle réel, que cette formalisation du réel ne s'accomplit pasdirectement à partir de l'enseignement. Ce dernier n'ap~

prend pas à passer du monde intelligible des idées puresau monde sensible dans lequel s'exercent à tous momentsnos activités intellectuelles. le problème qui se pose àla psychologie génétique de l'intelligence est d'établir lesconditions qui permettent aux enfants de progresser dansleur compréhension logique des situations réelles ou pro­ches du réel. C'est à cette étude qu'est consacré parexemple l'ouvrage d'Inhelder (B), Sinclair (H), Bovet (M) :Apprentissage et structure de la connaissance (P.U.F.,1974).

b) Autres épreuves

La quantification des probabttltés est pour l'essentielune épreuve de propo.rtionnalité. On peut montrer que lesproportions, quand elles sont présentées sous cette formed'un rapport à établir entre deux rapports de cas favo~

rables à des cas possibles, mettent en jeu des raisonne­ments dont la structure est le groupe INRC. L'impressioncontraire provient de ce que la démonstration qu'en donnePiaget, dans De la logique de l'enfant à ra logique del'adolescent, n'est pas satisfaisante.

Une fois admis ce point, il reste à en signaler deuxautres concernant la structure de groupe INRC, iso~

morphe à celle du groupe de Klein: 1) elle est moinsfaciiement reconnaissable dans les proportions et parconséquent elle ne pourra pas être utilisée par l'enfantsi celui-ci ne l'a acquise que scolairement au lieu d'endisposer déjà pour l'avoir construite en dehors d'un ensei~

gnement spécialisé; 2) d'après les travaux de Piaget, elleest décalée génétiquement (stade formel) par rapport augroupe de Klein (stade concret) parce qu'elle consistepsychologiquement en opérations sur des opérations(négation de la réciproque ou réciproque de ia négation),c'est-à-dire en une coordination des deux formes deréversibilité opératoire, ce qui n'est pas le cas du groupede Klein. Les deux groupes sont mathématiquementparents puisqu'ils sont isomorphes mais ils sont psycho~

logiquement fort différents.

La logique des propositions pose effectivement unproblème dans notre expérimentation. Sur le plan théo~

rique, il est exact que les items retenus n'exigent pastoujours la mise en œuvre du groupe INRC mais, par3xemple à l'item 3, seulement le modus tolleos à partir::le l'implication: p~ q ; or q ; donc p. L'item 5 demandeje ne pas confondre implication et équivalence, en l'oc­currence de ne pas conclure illégitimement de p ~ q:Jue deux cas sont possibles, p A q et P A q, commesi on avait posé p~ q, par suite de ne pas tirer p dela seule affirmation de q. Le groupe INRC n'est pasdirectement en jeu ici non plus. C'est d'autre part, danstoutes les recherches utilisant ce genre d'épreuves, l'itemle plus tardivement réussi. Dans notre étude, pratique­ment aucun enfant ne l'a réussi. On pourrait en revanchesoutenir que l'item 4 fait appel à une connaissance dugroupe INRC puisqu'il est présenté sous la forme d'uneimplication suivie de la corrélative de la réciproque. Pourrépondre à la question le sujet doit en principe compren~

::tre que cette corrélative de la réciproque est la néga~

tion: CR = N = RC. Le groupe INRC fonctionne dansl'item 4 de la manière suivante : r~ (p V q) ; or p 1\ q :donc p V q ; donc r. A partir de 1 == P V q, la transforma~

tion de V en A est la corrélative (C = P A q), la trans­formation de p en p et de q en q est la réciproque(R .= pV q) et les deux transformations ensemble sont lanégation (N = fi 1\ q ::; p V q). On tire alors par modustotlens la fausseté de r dans r~ (p V q), puisque p V q.La structure du groupe INRC parait donc présente danscet item, mais à condition que le raisonr'lement du sujetsoit bien celui qui vient d'être décrit. Si c'est te cas, lapsychologie génétique de J'intelligence a précisémentétabli qu'à un certain moment du développement intellec~

tuel et en relation avec d'autres conquêtes opératoiïesil n'est nullement besoin de fournir des règles au sujetpour qu'il raisonne de la sorte. Il en dispose en effet sansles avoir apprises au sens scolaire du mot, c'est la défi~

nition même du stade formel.

Malheureusement pour ce test dans la présenterecherche, C. Hl!g a certainement raison quand elle faitremarquer que les sujets s'y sont pris autrement, ont uséd'intuition ou de flair. La relative facilité du test le montrepar comparaison avec d'autres études dans lesquelles ila été utilisé aussi. La nature du raisonnement employé parles enfants n'a pas été contrôlée ici, si bien qu'il vautmieux ne pas tenir compte de cette épreuve.

Matrices. Cette épreuve, empruntée à Piaget etInhelder (La genèse des structures logiques élémentaires,page 169), présente en effet les inconvénients signaléspar C. Hug : les classifications sont compliquées par latentation de recourir à des critères secondaires (porterquelque chose, etc.) qui interfèrent avec les critères prin­cipaux (âge et sexe). Nous sommes d'accord avec elle sur

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le principe qu'il vaut mieux se servir de situations pluspures pour évaluer la posslblllté des enfants de réaUs.erdes classifications multiplicatives réversibles (structure degroupement de la multiplication bl~univoque des classeslogiques). Ce n'est pas que nous revenions sur l'intérêtde contrôler si l'enfant est susceptible de loglciser _desdonnées empiriques. Mais encore fautRil que les épreuveschoisies permettent d'évaluer les processus que l'ondésire étudier et ce n'était pas le cas avec ces matrices.Dans des recherches ultérieures nous avons adopté unesituation beaucoup plus simple, à savoir des cartonsreprésentant des formes (cercles et carrés) et deux cou~

leurs (bleu et rouge), en conservant les mêmes consignes.L'épreuve est considérablement améliorée comme l'amontré son analyse hiérarchique.

Quant à sa structure mathématique, elle nous paraîtbien consister en un produit cartésien d'un ensemble de2 formes par un ensemble de 2 couleurs: carré, cerclex rouge, bleu déterminant des couples = carrés rouges,carrés bleus, etc., même si l'ordre n'intervient pas Ici.Quand on cherche les couples d'un produit cartésien, Ilfaut en général tenir compte de l'ordre: le couple (x, y)n'est pas, en général, le même couple que (y, x). Engénéral seulement, car dans l'épreuve des matrices Ilrevient au même d'écrire A x B et B x A. Nous avonsnéanmoins affaire à un authentique produit cartésien. Lesconcepts mathématiques et les concepts psychologiquesne sont pas si éloignés qu'on pourrait le penser, mais lesdifftcultés de vocabulaire sont réelles, comme le remar­que C. Hug. Il vaudrait mieux sans· doute que le psychoRlogue parle de produit cartésien à propos de cette épreuvepJutôt que de multiplication bi~univoque de classes 10giRques.

Intersections. Nous n'admettons pas entièrement laremarque suivant laquelle «les éléments d'un ensemblen'ont pas d'attribut commun sinon d'·appartenir à cetensemble ". On peut définir un ensemble par une propriétécommune aux éléments qui en font partie. Cette définitionen compréhension est fournie aux élèves tout autant quela définition en extension, d'après le programme d'Initia­tion aux mathématiques. On peut dès lors soutenir quedes notions ensemblistes figurent dans cette épreuve,empruntée comme la précédente à la Genèse des struc­tures logiques élémentaires (page 178), dans laquelle ils'aglt de concevoir l'intersection d'un ensemble de feuilleset d'un ensemble de verts. On pouvait s'attendre à cequ'un entrainement du produit cartésien donne auxenfants une compétence pour découvrir des intersections.Or, il n'en est rien.

Jetons. Nous sommes tout à fait d'accord pour décrirecette épreuve comme la recherche de toutes les partiesà deux éléments d'un ensemble à cinq éléments. C'estun aspect des opérations combinatoires qui caractérisent

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le début du stade formel. CeluÎRcj .est défini par Piagetcomme la p'ossibllité de construire méthodiquement, J'en.semble des parties d'un ensemble. Demander, seulementau sujet le,s parties à deux éléments est une tâche plusfacile dont la réussite est observée au stade préformelc'estRàRdire à un niveau du développement qui dépass~les opérations concrètes mais auquel l'usage des Opéra~

tions formelles est encore limité à des cas simples. Nousavions choisi à dessein d'appliquer aux enfants cetleépreuve avec celle des matrices et celle des chiffres quisont des produits cartésiens compréhensibles déjà austade des opérations concrètes et avec l'épreuve d'Inter.section qui suppose un produit logique réussi au mêmeniveau. Nous faisons l'hypothèse que dans le cas oùl'acquisition scolaire du produit cartésien entralnerait desprogrès aux matrices, à l'intersection et aux chiffres, ellen'en susciterait aucun à l'épreuve des jetons qui supposaune structure logique appartenant au stade suivant.

Nous désirions éprouver cette hypothèse en pensanten particulier à l'Idée de Piaget· d'une filiation génétiqueentre les classifications, accessibles au stade concret, etla combinatoire, accessible seulement au stade formelparce qu'elle consiste en une généralisation des classîfiRcaUons, en une espèce de classification des classifications(toutes les classifications de deux éléments possibles dansun ensemble de cinq éléments). En laissant de côté lesmatrices que leur dispositif défectueux rendent inutiliRsables, on ne constate certes aux jetons aucun progrèsdu groupe expérimental par rapport au groupe témoinmais on n'en constate pas non plus à l'intersection. Lesseuls progrès enregistrés concernent les chiffres, épreuveprésentée dans les termes mêmes de l'entraînementmathématique, comme le fait observer C. Hug. A notreavis, ces résultats rejoignent ceux de l'étude sur le groupede Klein dans laquelle aucun progrès n'était enregistré,même à l'épreuve de coordination de couples (échangesde fleurs) dont la structure est bien celle du groupe deKlein mais que l'on présente aux enfants en des termesdifférents de ceux de l'enseignement qu'lis reçoivent. Celasuffit pour leur rendre la tâche Irréalisable alors que s'ilsdisposent déjà du groupe de Klein avant l'expérience ilssavent l'utiliser dans cette épreuve.

Pour conclure, nous souScrivons aux deux remarqu,esfinales de C. Hug. Il convient en effet d'élucider le vocaRbulaire afin de parvenir dans une mesure suffisante à unlangage commun aux mathématiciens et aux psycholoR

gues. Il faut surtout faire porter l'Investigation sur leseffets d'un entraînement mathématique de plus longue:durée, comme l'ont fait J. Peinard et J. Levasseur et tout:récemment R. Boshî (6). L'absence de progrès opératoire,

(6) Boshl (R.). - Apprentlssage des .. mathématiques rr."·:d~rnes » et développement de la pensée logique C~~Z l'enfant"thèse de 3e cycle, Université de Lyon Il.

dans les raisonnements d'enfants soumis à une, influencepédagogique d'une durée aussi brève ne prouve pasgrand-chose, nous en sommes bien' conscient. Elle atoutefois le mérite. de montrer que le niveau intellectuelde l'enfant ne dépend pas uniquement ni directement niimmédiatement d'un enseignement même particulièrementbien conçu dans son programme et dans ses méthodes.L'opinion inverse que nous avons entendu soutenir par­fois par des pédagogues enthousiastes est démentie parl'expérience. Les stade opératoires décrits par la psycho­logie génétique existent, ils ne son.t pas bouleversés dansleur apparition et dans leur succession par un enseigne­ment ponctuel. Au contraire ils permettent ou non detirer parti de cet enseignement, c'est-à-dire de généraliserou non les connaissances nouvelles qu'il apporte.

C) COMPLËMENT, PAR COLETTE HUG

Il me semble que cette présentation des points devue a suffisamment mis en évidence les problèmes sansqu'il soit besoin d'expliciter les arguments avancés depart et d'autre. Sans doute est-if préférable, au stadeactuel de nos recherches, de laisser cette discussionouverte. Il est cependant un point sur lequel je souhaitedonner tout de suite un complément d'information pouréviter un malentendu, c'est celui qui concerne le dépouil­lement des situations.

«On ne saurait exiger, dit F. Longeot, que l'universphysique et social de l'enfant respecte un tel dépouille­ment. » Il n'en est, bien sûr, pas question. C'est aucontraire parce que la réalité est complexe et embrouil­lée et parce que l'enfant la rencontre telle quelle qu'ildoit être armé pour y faire face. Les outils mathématiquesdont il peut disposer sont d'autant plus efficaces qu'lien possède une idée claire ou, en d'autres termes, quel'image mentale à laquelle il se réfère est partlculière­ment nette.

Or il nous est apparu que cette image mentale deréférence, longtemps liée à la situation où la structurea été découverte, est d'autant plus précise que la situa­tion était préalablement dépouillée de sa gangue. Cedépouillement, d'ailleurs, est non seulement bénéfiquepour l'image mentale qui restera, il est souvent Indispen­sable pour que la découverte puisse avoir lieu. D'où la

visée pédagogique suivante: dépouiller les situations lors­qu'il s'agit de présenter les structures afin que celles-cisoient abordées dans la clarté et non dans 'la confusion.Par la suite, progressivement, faire utiliser les outils clai­rement dominés dans les situations complexes de laréalité.

Il s'agit donc là d'un souci d'ordre didactique. Lesapplications des mathématiques. à l'univers physique etsocial de l'enfant sont innombrables. Encore faut-il quecelui-ci possède quelques outils mathématiques pour pou­voir les utiliser. Qu'il' soit capable d'en découvrir de lui­même, dans la réalité brute qui l'entoure, nous n'endoutons pas. Mais pour ceux qu'il n'aura pas découvertsseul, bien qu'il aurait pu le faire, mieux vaut ['aider enlui épurant les situations plutôt que de le laisser enre­gistrer des pseudo-connaissances embrouillées, plus oumoins erronées et, à coup sûr, inefficaces.

Cela dit, au niveau où s'opère la recherche commecelle qui nous préoccupe ici, s'il existe une exigence àrespecter c'est d'accorder le vocabulaire afin de parlerde la même chose tant en psychologie qu'en mathéma­tique lorsqu'on fait porter l'investigation sur une structuredéfinie dens ce dernier domaine. Il ne saurait être ques­tion d'espérer que telle structure soit perçue par l'enfantdans une situation faisant manifestement appel à uneautre structure. C'est le point essentieL

Cette exigence respectée, il reste que la structure enquestion n'est peut-être pas encore assez clairementdominée par l'enfant pour qu'il soit en mesure de lapercevoir n'importe où. Mais cela ne veut pas dire qu'ifsoit incapable de la manier. C'est pour en juger qu'il peULêtre intéressant de présenter des situations dépouillées.On y constate alors souvent que la difficulté ne résidaitpas dans la structure en elle-même mais dans la tâche·de dépouillement, ce qui incite à une grande prudence:dans les conclusions.

On voit qu'il reste beaucoup à faire pour approfondir."les liens entre l'initiation mathématique et le niveau opé­ratoire ce qui est, somme toute, fort encourageant.

Colette HUG, François LONGEOT,U.E.R. de psychologie et des

sciences de l'éducation de Grenoble.

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