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INITIER LE CHANGEMENT PAR LE TRAVAIL DES CROYANCES EN SEANCE DE COACHING Benoit CELLIER, SingulierPluriel.fr coach formateur, septembre 2015
AVANT-PROPOS
Ce document est extrait d’un mémoire de recherche sur le thème du
changement et des croyances en coaching. L’œuvre complète comprend
une revue de littérature sur ce thème ainsi que l’analyse critique de
séances et de processus de coaching menés par l’auteur non présentés ici
mais disponible sur simple demande.
L’AUTEUR
Ingénieur ECAM de formation, j'ai évolué
pendant plus de 10 ans dans le milieu industriel en tant
que chef de projet et manager sur des postes touchant à
la logistique, aux méthodes industrielles et à
l'organisation.
Issu d'une génération en recherche de valeur et de sens par rapport
au travail, je me suis questionné sur ce que je pouvais apporter aux
salariés et aux entreprises pour une meilleure efficacité et plus de
responsabilité. Cela m'a amené à me former en PNL, en CNV et en
coaching en entreprise à l'Institut d'Administration des Entreprises (IAE
de Lyon).
La pertinence de mes axes d'interventions est issue de mon parcours
professionnel et personnel.
J'accompagne aujourd'hui par le coaching et la formation :
- Les middles managers dans l'amélioration de la gestion de leur
temps, leur organisation et leurs collaborateurs.
- Les porteurs de projets et personnes en reconversion dans
l'élaboration et la concrétisation de leurs buts.
- Les parents et leurs enfants dans l'harmonisation de leurs
relations et l'orientation scolaire.
Pour me contacter :
06 07 83 01 63
http://singulierpluriel.fr
Table des matières
INTRODUCTION ..................................................................................................... 4
1 - Nos croyances formatent notre vision du monde.................................... 6
1.1 - Qu'est-ce qu'une croyance ? ..................................................................... 7
1.2 - Le constrctivisme : nous construisons notre propre réalité ...................... 8
1.2.1 - La construction de la pensée déformante selon Piaget ..................... 8
1.2.2 - Le socioconstructivisme : un apprentissage social ........................... 9
1.3 - L'école de Palo Alto : une réalité construite sur nos croyances .............. 10
1.3.1 - L'impact des croyances : réalité de 1er et de 2nd ordre .................. 10
1.3.2 - Il n'y a pas une réalité mais des réalités complexes basées sur nos
croyances ............................................................................................ 11
1.4 - Les apports de l'approche cognitive et comportemental......................... 12
1.4.1 - Prise de conscience des croyances par les pensées
automatiques ............................................................................................ 13
1.4.2 - Croyances aidantes et croyances contre-productives ...................... 14
2 - Le coaching, facteur de changement, remaniement de nos
croyances ............................................................................................................ 17
2.1 - Deux niveaux de changement n'ayant pas les mêmes effets sur nos
croyances ........................................................................................................ 18
2.1.1 - L'homéostasie : le renforcement des croyances .............................. 18
2.1.2 - Le changement de niveau 2 : une évolution des croyances ............ 19
2.2 - Les obstacles au changement .................................................................. 20
2.2.1 - Pas de changement de ses croyances sans volonté de changer ....... 20
2.2.2 - Les étapes du changement .............................................................. 21
2.2.3 - De bonnes actions pour ne pas changer .......................................... 23
2.3 - Les éléments favorisant le changement .................................................. 24
2.3.1 - Être « client » au sens de la systémique.......................................... 24
2.3.2 - L'importance des préliminaires et l'analyse de la demande ............ 26
2.3.3 - Les prises de conscience du coaché et sa responsabilisation .......... 27
3 - Outils et techniques d'identification et de flexibilisation des
croyances pour initier le changement .............................................................. 28
3.1 - Le questionnement .................................................................................. 29
3.2 - Les techniques issues du coaching cognitif et comportemental ............. 30
3.2.1 - Les techniques d'identification des croyances irréalistes ................ 31
3.2.2 - Les techniques cognitives de travail des croyances irréalistes ....... 32
3.2.3 - Les techniques comportementales de travail des croyances
irréalistes ............................................................................................ 34
3.3 - Les outils provenant de l'approche systémique ...................................... 36
3.3.1 - Le recadrage .................................................................................... 36
3.3.2 - Le paradoxe..................................................................................... 38
3.4 - D'autres outils permettant la prise de conscience de nos croyances ....... 39
3.4.1 - La métaphore .................................................................................. 39
3.4.2 - La médiation par un élément tiers................................................... 40
3.4.3 - Les inventaires de personnalité, une aide à la prise de
conscience ............................................................................................ 42
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................... 43
Benoit Cellier – SingulierPluriel.fr
-4-
INTRODUCTION
Qu'est-ce qu'un coaché ?
Un être humain au bord du changement.
(Blanc-Sahnoun, 2014, p.75)
Pourquoi parler de changement ?
Parce que « rien n'est permanent, sauf le changement »
(Héraclite). Et c'est un fait, dans notre société, tout est toujours en
mouvement, en évolution perpétuelle. Au sein des entreprises, on
demande à chacun de s'adapter : au rythme de travail, aux nouvelles
directives, au nouveau patron, au nouveau projet... Nous sommes
tous, à un moment donné, confrontés à nos propres limites et en
venons à douter de nos capacités :« ce n'est pas possible », « je n'y
arriverai jamais ». Si nous n'y prenons pas garde, les situations
deviennent inconfortables et un cercle vicieux se met en place
générant frustration, dévalorisation et vision négative du monde.
Dans ces cas-là, il est nécessaire d'agir. Le coaching représente l'un
de ces moyens d'actions.
En travaillant sur ses croyances, le coaching offre à voir au
coaché une autre facette de la réalité, un angle de vision qu'il ne
pouvait pas imaginer dans son propre système de pensées. Le
coaching en général, et le travail sur les croyances limitantes en
particulier, lui permettent de lever ses freins, de s'ouvrir et d'adopter
des pensées et comportement plus aidants. Le coaché peut alors
entrer dans une nouvelle dynamique de progression et de
valorisation. Il devient autonome et responsable. Il change.
Benoit Cellier – SingulierPluriel.fr
-5-
Ce document consiste en une revue de littérature sur les
notions de croyance, de réalité et de changement. Nous
commencerons par observer le lien étroit qui existe entre nos
croyances et notre perception de la réalité et comment cette réalité
est en vérité une construction subjective liée à nos schémas de
pensée. Nous parlerons pour cela des apports de deux courants :
l'approche systémique et l'approche cognitive et comportementale.
Dans un deuxième temps, nous approfondirons la notion de
changement, ses différents niveaux, les freins et les éléments
facilitant le changement ainsi que la relation avec le système de
croyances du coaché. Enfin, dans un troisième temps, nous
détaillerons quelques outils et techniques issus principalement du
coaching cognitif et comportemental et de l'approche systémique
permettant la prise de conscience et le travail des croyances du
coaché.
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-6-
1. NOS CROYANCES
FORMATENT NOTRE
VISION DU MONDE
Benoit Cellier – SingulierPluriel.fr
-7-
1.1. QU'EST-CE QU'UNE CROYANCE ?
Les croyances sont des « structures mentales que nous prenons
pour la réalité et qui, de fait, influencent non seulement notre vision
du monde, mais aussi nos actions et nos réalisations » (Cardon,
2008, p.154). Cela rejoint l'idée de Cottraux (2001) que chaque
individu développe des représentations sur lui-même, sur les autres,
et sur le monde qui amène une philosophie de vie particulière. Les
croyances sont élaborées tout au long de notre vie et fabriquées par
chacun selon de nombreux processus tel que l'expérience
personnelle, l'éducation, l'héritage culturel, l'imitation... Elles
permettent à l'individu d'interpréter et d'interagir avec le monde qui
l'entoure. En effet, « dès son plus jeune âge, l’individu se présente
comme une « machine » à fabriquer du sens dans son
environnement. Les croyances ainsi générées ont pour but de tenter
de maîtriser cet environnement, ce qui est adaptatif, afin de
fonctionner en phase avec lui. » (Pichat, 2014, p.32). Ces croyances
sont stockées par l'individu, c'est une « base de données » dans
laquelle il ira chercher les réactions et comportements lui semblant
les plus appropriés à la situation qui se présente à lui.
La notion de croyance n'a rien de récent, le courant du
stoïcisme émettait déjà l'idée que « ce qui trouble les hommes, ce
ne sont pas les choses, mais les opinions qu’ils en ont » (Epictète,
in Pichat, 2013, p.65). Ce trouble vient du fait que la croyance est
tenue pour vraie par l'individu alors qu'elle est une construction de
ce dernier. L'individu appréhende donc la réalité via son système
croyance de manière unique et singulière.
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-8-
1.2. LE CONSTRUCTIVISME : NOUS CONSTRUISONS NOTRE
PROPRE REALITE
Le postulat de base du constructivisme est que la connaissance
de l'individu se construit progressivement au fil de ses interactions
avec le monde s'opposant ainsi à l'innéisme. Chaque individu a sa
capacité propre d'appréhender la réalité qui l'entoure et ainsi de la
reconstruire à partir de son vécu et de ses expériences passées.
La construction de la pensée déformante selon Piaget
Piaget (1968, p.262) démontre que « la connaissance est
constamment liée à des actions ou à des opérations, c'est-à-dire à
des transformations ». Ainsi selon lui, l'être humain n'a pas une
vision objective mais déformante du réel. Il projette les éléments
qu'il perçoit de la réalité au sein de ses schémas de pensée. Ces
éléments vont alors, soit être modifiés et altérés par ces schémas de
pensée par un phénomène d'assimilation ; soit les nouveaux
éléments vont intégrer et changer ces schémas, Piaget parlant alors
d’accommodation. Selon sa théorie, nous oscillons en permanence
entre ces deux phénomènes (accommodation et assimilation) lors
des processus de compréhension et de lecture du monde et nous
passons par différents stades de développement où il sera
temporairement plus souvent fait appel à l'un des deux.
L'individu transforme, voire déforme, les attributs perçus du
réel. Il développe ainsi une perception qui lui est propre, l'amenant
à construire des pensées, des émotions et des comportements
« uniques ». Pour faire le lien avec une séance de coaching, le coach
face à son client doit porter une attention particulière à approfondir
sa demande et ne pas s'arrêter à la seule subjectivité des dires de
celui-ci.
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-9-
Le socioconstructivisme : un apprentissage social
En complément aux théories de Piaget, le psychologue russe
Lev Vygotski (2013) soutient au début du 20ème siècle que le
développement cognitif de l'individu n'est pas simplement une
construction individuel mais est conditionné par la société et
l'environnement dans lequel il s'inscrit. C'est la naissance du
socioconstructivisme.
Pour Vygotski (in Vergnaud, 2000), l'enfant est « un petit
apprenti » qui en situation d'apprentissage à besoin de l'aide des
autres. Il parle de zone proximale de développement (ZPD)
représentant la distance entre ce que l'enfant est capable de réaliser
seul et ce qu'il a la capacité de résoudre avec l'aide d'une tierce
personne (adulte). Dans cette zone, les apprentissages se font donc
par l'apport de nouvelles connaissances mais aussi par un
apprentissage social au contact de l'autre. Une fois que l'enfant aura
appris à faire en collaboration, il pourra accéder à l'autonomie.
L'interaction avec l'environnement social est, par conséquent, non
seulement nécessaire, mais aussi à l'origine même de son
développement.
Nous pouvons faire ici un lien direct avec le coaching. En
effet, le coaching, via le coach, représente une « aide » de l'extérieur
conduisant à modifier et faire autrement ce que le client fait
habituellement seul et qui est inopérant, dans le but d'atteindre
ensuite l'autonomie. C'est par cette démarche d'accompagnement
que le client restructure ses pensées et ses croyances comme l'enfant
en apprentissage pour Vygotski.
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1.3. LES APPORTS DE L'ECOLE DE PALO ALTO : UNE
REALITE CONSTRUITE SUR NOS CROYANCES
L'impact des croyances sur la réalité : réalité de 1er et de 2nd ordre
Bien que la réalité puisse finalement paraître comme quelque
chose d'entièrement personnel car fabriqué sur la base de nos
croyances, nous pouvons distinguer une partie objective et factuelle
d'une partie subjective liée à notre propre interprétation. L'école de
Palo Alto et notamment Paul Watzlawick (1978) parle de réalité de
1er et de 2nd ordre. La réalité de 1er ordre est constituée de la partie
factuelle, vérifiable, basée sur nos perceptions et les signaux que
nous recevons. Par exemple dire : « mon téléphone est tombé, il ne
fonctionne plus » est une déclaration factuelle et vérifiable. La
réalité de 2nd ordre est, elle, basée sur la signification et le sens que
nous donnons aux choses. En reprenant l'exemple précédant si l'on
rajoute « mon téléphone est tombé, il ne fonctionne plus et c'est une
catastrophe », nous avons là une construction personnelle liée à la
valeur et la signification que donne l'individu au fait que son
téléphone ne fonctionne plus (il aurait tout aussi bien pu
appréhender différemment cette situation en disant par exemple :
« ce n'est pas grave, j'en rachèterai un neuf plus performant »).
Kourilsky (2014, p.12) prend quant à elle l'exemple de l'or pour
décrire ces 2 niveaux de réalité. Les propriétés physiques et la
composition de ce matériau s'apparentent à la réalité de 1er ordre.
En revanche, sa réalité de second ordre, c'est-à-dire la valeur et la
signification que nous lui attribuons, fluctue énormément d'une
personne à l'autre.
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Il est également important de souligner que réalité de 1er ordre
ne signifie pas vérité absolue et universelle. Ce que nous percevons
peut être correct ou non (dans l'exemple du téléphone, celui-ci peut
très bien ne pas être réellement cassé). La réalité de 2eme ordre, qui
s'apparente au sens donné aux événements, est une interprétation
personnelle qui peut également décliner de conventions sociales,
rejoignant ainsi les notions vues précédemment sur le
socioconstructivisme et l'influence de notre environnement sur
notre pensée.
Il n'y a pas une réalité mais des réalités complexes basées sur nos croyances
L'individu ne fait donc pas une simple copie de la réalité mais
reconstruit sa réalité, sur la base de ses croyances et de ses pensées
tenues pour vraies et qui sont finalement composées d’informations
à la fois objectives et subjectives. Il existe autant de réalité que de
personnes. Ainsi comme le dit Watzlawick (1978, p.137) «… il
n’existe pas de réalité absolue, mais seulement des conceptions
subjectives et souvent contradictoires de la réalité »
Chacun portant sa propre vérité ou réalité, il paraît donc
absurde dans le cas d'un coaching de discuter de la réalité telle que
perçue par le client et de ce qui est véritablement réel. Celui-ci tient
pour vrai sa réalité de second ordre sans concevoir qu'il puisse s'agir
d'une interprétation. En effet, « les gens persistent à ignorer la
divergence de leurs points des vue et imaginent naïvement qu’il
n’existe qu’une réalité et d’elle qu’une seule vision (à savoir la
leur); avec la conséquence que quiconque voit les choses
différemment doit être méchant ou fou » (Watzlawick, 1978,
p.138).
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Cependant, la réalité étant une fabrication, elle peut être
défabriquée puis refabriquée différemment et de manière plus
aidante. Selon Barreau (2011), la démarche de coaching permet au
client de déconstruire une réalité posant problème et d'en
reconstruire une nouvelle qui sera plus adaptée et source de
satisfaction. Le coach ne cherchera pas la vérité des constructions
de son client mais plutôt leurs caractères opérants et efficaces, c'est-
à-dire répondre finalement à la question « est-ce aidant ? ». Comme
le souligne Kourilsky (2014, p.8), « une théorie sera jugée
meilleure qu'une autre si elle permet une plus grande efficacité pour
l'action. La question n'est donc plus de savoir ce qui est vrai mais
de chercher ce qui est utile et fonctionne. ». Le coach invitera donc
son client à percevoir différemment la réalité en construisant un
modèle plus adapté et aidant pour lui.
1.4. LES APPORTS DE L'APPROCHE COGNITIVE ET
COMPORTEMENTAL
Le coaching cognitif et comportemental a émergé aux Etats-
Unis dans les années 1960 grâce principalement au psychologue
Albert Ellis et au psychiatre Aron Beck, spécialistes des TCC
(thérapies cognitives et comportementales). Il prend sa source dans
les théories constructivistes présentées précédemment mais aussi
dans les courants du stoïcisme et du comportementalisme.
L'approche développée est ancrée dans « l’ici et maintenant » et se
veut fermement opérationnelle. Elle pose le postulat que « la pensée
est première, alors que les émotions et les comportements sont
secondaires […] Il en résulte que produire des changements
émotionnels et comportementaux chez le coaché implique d'aider
celui-ci à modifier ses croyances et processus de pensée sous-
jacents » (Pichat, 2014, p.18).
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Prise de conscience des croyances irréalistes par les pensées automatiques
Pour Ellis et Harper (2007), les ressentis de l’individu sont le
résultat de deux types de pensées : les pensées conscientes ou
rationnelles et les pensées automatiques ou irrationnelles. Les
pensées conscientes sont toutes celles qui se rattachent à des faits
objectifs, elles sont maîtrisées et issues d'un raisonnement. Les
pensées automatiques sont en revanche construites par l'individu et
correspondent à des appréciations ou des jugements subjectifs et
non logiques, qui peuvent être source d'erreurs. Elles sont fugaces
et spontanées, apparaissant en situation et se situant au seuil de la
conscience de telle manière que l'individu ne peut s'en saisir sur
l'instant pour les analyser, il les accepte donc inconditionnellement
(Pichat, 2014). Tout comme les croyances, elles sont tenues pour
vraies (Beck, 1995). Elles sont difficilement perceptibles par le
coaché s'il n'est pas sensibilisé à cette notion et au fait de
« s'écouter » intérieurement comme le souligne Beck (2010, p.37) :
« J’ai remarqué de façon répétitive que, tant qu’un patient n’a pas
reçu l’instruction de se concentrer sur ces pensées automatiques,
celles-ci sont fréquemment ignorées, négligées ».
Bien que non conscientes, les pensées automatiques ne
viennent pas de nulle part, « elles sont la résultante de croyances et
de modes de raisonnement qui ont été mobilisés face à [une]
situation » (Pichat, 2014, p.71). Elles sont difficilement
identifiables mais entraînent des réactions émotionnelles bien
mieux observables. Les « émotions humaines ne surgissent pas
magiquement […] elles dérivent presque toujours d’idées, de
pensées, d’attitudes ou de croyances qui, la plupart du temps,
peuvent changer radicalement, en modifiant notre mode de pensée
» (Ellis & Harper, 2007, p.33). Ainsi donc en coaching,
l'observation attentive et la verbalisation des émotions du coaché,
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soit directement en séance face au coach, soit en se remémorant une
situation passée, pourront révéler les pensées automatiques
dysfonctionnantes du coaché, lui donnant par là-même accès à une
prise de conscience des croyances irréalistes cachées derrière.
Croyances aidantes et croyances contre-productives
Toutes nos croyances ne sont pas néfastes pour notre
développement et notre épanouissement. Certaines sont aidantes et
peuvent être qualifiées de réalistes, nous parlons ici « de la pensée
rationnelle, qui aide à demeurer en vie et à atteindre les buts ou les
valeurs que vous avez choisis pour que le fait de rester en vie soit
une chose agréable, plaisante et qui en vaille la peine » (Ellis &
Harper, 2007, p.47). Des croyances telles que « je suis compétent
dans mon métier » ou « fais à autrui ce que tu aimerais que l'on te
fasse » peuvent par exemple être considérées comme aidantes et
productives et permettre à l'individu de sereinement surmonter les
obstacles. Elles serviront de ressources internes au coaché et le
coach se gardera bien d'intervenir dessus.
A noter toutefois qu'une croyance est toujours une « théorie
singulière » liée à l'individu qui la porte. Une même croyance peut
très bien être aidante pour l'un et contre-productive pour l'autre.
Comme le précise Pierre Blanc-Sahnoun (2014, p.86) « à l'origine,
toute croyance a eu une visée aidante. Mais au fil de la vie, ou des
époques, la finalité de telle ou telle croyance a été oubliée et elle
devient un dogme qui conditionne rigidement le comportement, et
aboutit à produire des stratégies dysfonctionnelles ». Il sera donc
important de toujours interroger en situation, dans le présent, si la
croyance du coaché est aidante pour lui ou pas.
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-15-
A l'opposé des croyances aidantes, nous trouvons les
croyances contre-productives ou irréalistes. Ce sont toutes les
croyances que chacun de nous a construit au cours de sa vie et qui
ont évoluées en un cadre et une théorie trop rigides, devenus source
d'inadaptation, que nous n'apercevons plus et qui ne sont par
conséquent que rarement remis en cause. L'approche cognitive et
comportementale (Pichat, 2014) définit les croyances irréalistes ou
irrationnelles comme étant une « proposition » :
fabriquée par le coaché qui décide de « croire » en cette
proposition.
tenue pour vraie par celui-ci bien qu'elle ne soit pas vérifiée
objectivement par des faits, la personne ne retenant dans les
situations que les éléments renforçant sa croyance.
Elle n'est cependant pas « vraie » dans le sens où elle n'est
pas prouvable et ne décrit pas correctement le monde.
Elle est source d'inadaptation pour le coaché et entraîne des
réactions comportementales, affectives et cognitives
inappropriées ( par exemple : fuir au lieu de faire face à un
collègue qui nous interpelle, stresser très fortement et se dire
que ce collègue nous en veut, etc...).
Albert Ellis (2007) définit 10 croyances les plus fréquentes
dont 3 de premier ordre et les 7 autres qui en découlent. Les 3
premières sont les suivantes :
Vous devez être aimé et approuvé en tout et toujours par tout
le monde
Vous devez avoir du talent et être capable de réussir dans
quelque chose d’important
La vie est une catastrophe si les choses ne vont pas comme
vous le voulez
Benoit Cellier – SingulierPluriel.fr
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Toujours selon Ellis reprit par Pichat (2014), ces croyances
tournent autour de 4 thèmes dont un central et les 3 autres étant
dérivés du premier :
le thème de l'exigence : « il faut absolument que je réussisse
à être bien vu de mon patron »
le thème de la catastrophisation : « les conséquences seraient
vraiment terrible si je ratais ma présentation »
le thème de la faible tolérance à la frustration : « cela m'est
insupportable que mon collègue puisse être mieux vu que
moi »
le thème de l'évaluation globale de soi / autrui / du monde :
« si je fais une erreur pendant ma présentation, c'est que je
suis vraiment un incapable »
Nous avons vu plus haut que l'environnement social dans
lequel évolue le coaché avait une forte influence dans la fabrication
de ses croyances. Il reste cependant responsable et propriétaire de
ses constructions, elles ne lui sont pas imposées par l'extérieur.
« c'est lui qui décide ici et maintenant de croire et de continuer à
croire en cette croyance », il n'est pas « qu'un réceptacle passif,
immédiat et impuissant » (Pichat, 2014, p.33).
Le coaching sera l'occasion pour le coaché, dans un premier
temps d'une prise de conscience de ses croyances aidantes et non
aidantes et, dans un deuxième temps, d'un travail de flexibilisation
des croyances identifiées comme contre-productives. Le coach
cherchera à lui apporter une ouverture sur des façons de penser
différentes et de s'engager ainsi dans la voie du changement.
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2. LE COACHING, FACTEUR DE
CHANGEMENT, REMANIEMENT DE NOS
CROYANCES
Benoit Cellier – SingulierPluriel.fr
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Le changement peut se définir comme le passage d'un état à
un autre. Appliqué à l'être humain, ce passage d'un état à un autre
fait apparaître diverses émotions contradictoires comme l'envie, la
peur, l’excitation ou la crainte. Les individus ne seront donc pas
toujours volontaires au changement. Et cependant, comme le
précise Délivré (2013, p.199) : « on ne peut pas ne pas changer ».
Le simple temps qui passe et les expériences que nous vivons nous
font changer, nous faisant construire et déconstruire nos croyances
au fil de nos apprentissages. Nous changeons bien que nous restions
le même, c’est là le paradoxe du changement.
2.1. DEUX NIVEAUX DE CHANGEMENT N'AYANT PAS LES MEMES
EFFETS SUR NOS CROYANCES
C'est Gregory Bateson, un des fondateurs de l'école de Palo
Alto, qui le premier a défini deux niveaux permettant d'appréhender
les processus de changements dans les systèmes.
L'homéostasie : le renforcement des croyances
L’homéostasie, ou changement de niveau 1, correspond à des
actions de régulation du système. Il s'agit de changement visant à
préserver l'équilibre du système dont la boutade « plus ça change,
plus c'est la même chose » en est une parfaite illustration
(Kourilsky, 2013). Pour illustrer ce phénomène, Watzlawick,
Weakland, & Fisch (1975, p.54) prennent l'image de 2 personnes
tirant chacun d'un coté sur un voilier, plus l'un se penche, plus
l'autre est obligé de se pencher également pour maintenir la stabilité
du navire. Un changement d'état en entraîne systématiquement un
autre visant à réguler l'état du système alors même que chacun tente
de tirer de plus en plus fort. On peut parler de « phénomène de
rétroaction négative grâce à laquelle un système maintient son
Benoit Cellier – SingulierPluriel.fr
-19-
équilibre interne » (Watzlawick, Weakland, & Fisch, 1975, p.56).
Dans de nombreuses situations, ce niveau de changement peut être
une réponse tout à fait adéquate. « Le changement 1 est opportun
lorsque que le client est dans une démarche de projet qui nécessite
de la persévérance et du soutien » (Délivré, 2013, p.212).
Cependant en coaching s'il existe une problématique dans le
système, elle sera conservée voir amplifiée par ces changements de
niveau 1 et le « toujours plus de la même chose », c'est alors une
illusion de changement. Vincent Lenhardt (2002, p.141) parle de «
progrès ou changement fonctionnel où seul le symptôme est
momentanément supprimé ». Pour Malarewicz (2011, p.43),
« l'Homéostasie est l'agent du non-changement » et l'ennemi du
coach. Le coach est cependant fréquemment appelé pour apporter
des solutions de ce type car il est beaucoup plus confortable d'éviter
d'avoir à remettre en question nos croyances et nos modes de
fonctionnement : « Il est plus facile de changer un pansement que
de penser le changement » (Malarewicz, 2011, p.45). Ce n'est que
lorsque toutes les solutions de ce genre auront été tentées par le
coaché et que la situation reste insatisfaisante qu'il est prêt à
changer de niveau.
Le changement de niveau 2 : une évolution des croyances
Le changement de niveau 2 correspond à une modification des
règles de fonctionnement du système entraînant une modification
du système lui-même (Kourilsky, 2013). Il ne vise pas à faire plus,
mais à faire différemment. « Par type 2, on entend un changement
peut-être modeste mais radical, qui consiste dans la mise en œuvre
du changement du système lui-même dans sa structure et dans les
interactions de ses éléments. Il suppose une nouvelle représentation
de la réalité » (Lenhardt, 2002, p.141). En comparaison avec le
Benoit Cellier – SingulierPluriel.fr
-20-
niveau 1, il s'agit de changer sa vision du monde et de remettre en
questions ses croyances et son mode de fonctionnement. Si l'on
reprend l'exemple ci-dessus des deux personnes tirant chacune d'un
côté pour maintenir l'équilibre du voilier, le changement de niveau
2 revient à « lâcher prise » et arrêter de vouloir stabiliser le bateau,
ce qui obligera immédiatement l'autre à diminuer son effort s'il veut
garder l'équilibre (Watzlawick, Weakland & Fisch, 1975, p.56).
Le changement de type 1 peut s'accomplir sans
accompagnement spécifique. En revanche le changement de type 2
est naturellement moins accessible car un système « ne peut pas
engendrer de l'intérieur les conditions de son propre changement ;
il ne peut pas produire les règles qui permettraient de changer les
règles » (Watzlawick, Weakland & Fisch, 1975, p.40). Le coaching
sert alors de révélateur car il « permet d’aborder un regard différent
sur la réalité et d’ouvrir d’autres perspectives de réponses »
(Kourilsky, 2008, p.83). Le coach accompagnera son client dans les
différentes phases de ce changement paradoxal en l'aidant à
« changer de lunettes » et de cadre de référence et ainsi modifier
son système de croyances (Délivré, 2013).
2.2. LES OBSTACLES AU CHANGEMENT
Il n'y a pas de changement de ses croyances sans volonté de changer
Le changement de son système de croyances n'est pas chose
aisé. Il implique nécessairement un deuil du fonctionnement et de
ses mécanismes de pensée précédents. Il faut au coaché une réelle
envie de changement afin de trouver l'énergie et la motivation pour
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-21-
sortir de l'état présent. En effet, « tout système cherche avant tout à
assurer sa propre survivance, à se reproduire, en un mot à ne pas
changer ou à ne changer que dans des conditions et des amplitudes
confortables et favorables à sa conservation. » (Malarewicz, 2011,
p.17). Le coaché doit prendre des risques pour sortir de sa zone de
confort. Selon Blanc-Shanoun (2014, p.53) : « le coaching est
l’accompagnement d’une personne ou d’un groupe de personnes
dans un changement d’une situation A à une situation B,[…] s’il n’y
a pas désir de changement, il n'y a pas de coaching. Que le désir de
changer soit inspiré par la souffrance de la situation A ou par le
plaisir escompté dans la situation B fantasmée n'a pas une grande
importance à ce stade. Le désir de changer est le pivot du coaching,
son alpha et son oméga ». Cette demande de changement est la
pierre angulaire du coaching : « Elle peut s’exprimer partiellement,
confusément, prend souvent la forme d’une plainte ; l’important
c’est qu’elle existe » (Blanc-Sahnoun, 2014, p.78).
Il appartient au coaché de vouloir changer ou non, c'est son
libre arbitre. En ce sens, le coach et le coaching contribueront à la
responsabilisation du coaché dans ses décisions et ses choix vis-à-
vis de l'atteinte des objectifs qu'il s'est fixé. Pichat (2014) parle de
passer d'une attribution causale externe à plus interne. Le coaché
n'est pas simplement un objet qui subit le monde extérieur, mais par
ses propres actions et volonté de changer, il a prise dessus.
Les étapes du changement
Tout processus de changement entraîne la nécessité de faire
face à une perte ou un deuil. En effet, ce n'est pas le changement
qui fait peur mais la transition. On ne peut évoquer l'un sans
évoquer l'autre (Délivré, 2013). Le coaché doit accepter de renoncer
à ce qui ne sera plus, qu'il soit ou non à l'origine de la perte. Certains
deuils peuvent être extrêmement rapides et d'autres plus longs mais
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-22-
ils passent tous par « la vallée des larmes », processus initialement
étudié par Elisabeth Kübler-Ross adapté ci-dessous par François
Délivré (2013) :
Le refus, le déni : le coaché refuse de voir la situation, les
circonstances et s'attache à son ancien système de croyance.
La colère : c'est nécessairement la faute des autres, il y a
recherche d'un bouc-émissaire.
La peur : c'est le sentiment d'abandon, d'incapacité à faire
face, la peur du lâcher prise.
La tristesse : c'est la fin de la lutte contre le changement avec
prise de conscience de ce qui a été perdu et ne reviendra pas.
L'acceptation : le coaché prend actes des événements et
décide de faire face, la conscience de soi repasse au premier
plan et l'objet du deuil en arrière-plan.
Le cadeau caché et la sérénité : le coaché découvre ce qu'il a
gagné dans ce changement, il a changé sa vision du monde et
peut maintenant être au présent et penser au futur.
Dans la première partie de ce processus (la descente)
apparaissent des marchandages, des négociations internes qui vont
faire reboucler les étapes sur elles-mêmes. « Chaque type de
marchandage permet de ne pas aborder l'étape la plus douloureuse
pour la personne. Certains sont quasi automatiques et presque
incontournables, d'autres sont beaucoup plus construits en vue de
maintenir la croyance en une autre réalité plus acceptable. »
(Délivré, 2013, p.220). Ce sont par exemple, la fuite, le sceau du
secret, la minimisation de l'impact de la perte, l'hyperactivité, la
glorification du passé...
Il est important pour le coach de repérer où se situe son client
dans le processus de changement afin de l'accompagner dans les
différentes étapes. Spécifiquement, lors de ces marchandages, « ce
n'est pas par la raison qu'il peut amener son client à renoncer à son
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-23-
blocage à la fois douloureux et sécurisant. C'est plutôt en l'amenant
progressivement à un autre cadre de référence. » (Délivré, 2013,
p.223).
De bonnes actions pour ne pas changer
Watzlawick, Weakland & Fisch (1975) définissent trois façons
d'aggraver un problème plutôt que de le résoudre :
nier que le problème est un problème et opérer de « terribles
simplifications » ou adopter des « ultrasolutions » consistant
à vouloir annuler les problèmes en éliminant les causes
plutôt que de tenter de les résoudre.
intervenir quand on ne le devrait pas en s'efforçant de
changer ce qui est inaltérable et tomber ainsi dans « le
syndrome d'utopie » Ainsi, «si un terrible simplificateur est
quelqu'un qui ne voit pas de problème là où il y en a un, son
contraire philosophique est l'utopiste qui voit une solution là
où il n'y en a pas. » ( Watzlawick, Weakland & Fisch, 1975,
p.66)
se tromper de type logique et intervenir au mauvais niveau
en essayant de provoquer un changement de niveau 1 qui
nécessiterait un changement de niveau 2 ou inversement
créant ainsi des jeux sans fin en tombant dans le paradoxe.
Pouvoir changer implique de ne pas se tromper sur le type de
solutions à mettre en œuvre. Ainsi dans la recherche de ses propres
solutions, le coach aidera le coaché à se méfier des « solutions dites
de bon sens [qui] engendrent paradoxalement un peu plus de
permanence et non pas du changement. » (Kourilsky, 2014, p.59).
Il adaptera son intervention afin de ne pas tomber dans l'un de ces
trois cas.
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-24-
Dans le processus de coaching, le coach doit également être
très attentif à ne pas se laisser « mourir par noyade, par
étranglement ou par les deux à la fois » (Malarewicz, 2011, p.31).
La noyade représente la masse d'information qu'est susceptible
de lui fournir le coaché et que recueille de façon bien intentionné le
coach. Le problème c'est qu'il peut n'y avoir aucune limite à ce
recueil qui ne fera que brouiller un peu plus la stratégie
d'intervention. C'est pourquoi, Malarewicz (2011, p.32), de façon
provocante, écrit que « la meilleur façon d'écouter est de penser à
autre chose ».
La notion d'étranglement renvoie au triangle dramatique de
Karpman et au rôle de sauveur et de protecteur que peut attendre le
coaché de la part du coach qui, s'il n'y prend garde, tombera
rapidement dans le découragement de ne pas réussir à « sauver »
son client.
2.3. LES ELEMENTS FAVORISANT LE CHANGEMENT
Être « client » au sens de la systémique
Dans les interventions systémiques brèves (ISB), est considéré
comme client la personne qui « souffre » de la situation et qui a déjà
tout tenté pour résoudre son problème. Pour le client, cette énième
tentative est considérée comme celle de la dernière chance. Ce point
est important car le modèle d'intervention systémique est un modèle
paradoxal dans lequel le coach va proposer au coaché des
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-25-
prescriptions qui vont à l'inverse de ses tentatives de solutions
précédentes. (Watzlawick, Weakland & Fisch, 1975). Le coaché
devra donc vraiment vouloir changer pour accepter de réaliser ces
choses « bizarres » que lui propose le coach et qui vont à l'encontre
de son expérience et de sa logique. « Le patient, qui d'abord accepte
la conduite qui lui est prescrite, puis revient en disant qu'il n'a pas
eu le temps de s'y conformer, ou qu'il a oublié, ou en y repensant, il
l'a trouvé plutôt bête et inutile, etc., n'a pas de grande chance de
réussite. » (Watzlawick, Weakland & Fisch, 1975, p.137). Dans ces
conditions, c'est que le problème n'est pas assez insupportable et ne
nécessite pas, ou pas encore, un changement de niveau 2.
L'intervention dans le cadre systémique se déroule en 4 étapes
(Watzlawick, Weakland & Fisch, 1975 ; Picard & Marc, 2013) :
1. clarifier et définir l'énoncé du problème en terme concret et
précis
2. lister et explorer les solutions déjà essayées
3. projeter et définir clairement l'objectif du changement auquel
on veut aboutir
4. mobiliser les ressources nécessaires au projet de changement
Les trois premières étapes ne sont en fait que des préliminaires au
véritable processus de changement qui intervient dans la quatrième
étape par des stratégies de recadrage ou de paradoxe (Watzlawick,
Weakland & Fisch, 1975). Ces étapes préliminaires sont néanmoins
essentielles pour favoriser le changement.
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-26-
L'importance des préliminaires et l'analyse de la demande
« Un but chimérique ou impropre est une source d'échec »
(Watzlawick, Weakland & Fisch, 1975, p.137). Ainsi, vouloir
changer est une chose, encore faut-il savoir vers quel objectif
tendre. En ce sens, toute la littérature sur le coaching est unanime,
le premier fondamental du coach et la première étape du processus
de coaching est l'analyse de la demande. Blanc-Sahnoun (2014,
p.131) est très clair là-dessus : « Sans cadre et sans objectif, il n'y a
pas de mission possible. N'allez pas plus loin avec le coaché avant
d'avoir clarifié les choses ». Bien souvent le coaché arrive avec une
idée assez vague de ce qu'il aimerait changer. Il sait globalement
dire ce qui lui déplaît dans la situation présente mais n'a pas
clairement défini ce qu'il souhaite améliorer.
Le coach par son questionnement et l'utilisation de
méthodologie peut amener son client à y voir plus clair. Ses
techniques et méthodologies sont nombreuses : Lenhardt (2002),
utilise le RPBDC (pour Réel, Problème, Besoin, Demande,
Contrat), Whitmore (2012) décrit le GROW (Goal, Reality, Option,
Will), la PNL utilise le modèle de l'état présent et l'état souhaité
ainsi que le SCORE (Situation, Cause, Objectif, Ressource, Effet).
Toute l'habileté du coach est, par ces différentes techniques de
questionnement, d'amener le coaché à verbaliser sa véritable
problématique et à vérifier le bénéfice du changement, c'est-à-dire
qu'il y a plus d'avantages à atteindre la situation désirée que
d'inconvénients à ne pas bouger. Une fois ce « débroussaillage »
initial réalisé, le coaché devient pleinement responsable des buts
qu'il s'est fixé. Plus l'objectif sera clair, plus grande sera la
probabilité de réussite du changement. Le travail sur les croyances
non-aidantes pour atteindre ce but peut alors commencer et
déclencher des prises de conscience chez le coaché.
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-27-
Les prises de conscience du coaché et sa responsabilisation
Délivré (2013) se pose la question de savoir qui détient le
pouvoir du changement. Est-ce le coach ou le coaché ? Il tend à
considérer le coach « comme un catalyseur, cette sorte de substance
mystérieuse qui ne participe en rien à une réaction chimique entre
deux corps, mais grâce à laquelle celle-ci se produit. » (Délivré,
2013, p.206). Le changement arrive « au hasard » du coaching,
c'est-à-dire que, ni le coach, ni son client ne savent à l'avance quand
celui-ci va se produire. C'est par la conjugaison de l'intervention du
coach et de la volonté du client que ce changement arrive.
Une démarche de coaching vise à rendre le coaché autonome
et responsable de la compréhension et de la résolution de sa
problématique. C'est avec la prise de conscience de ses pensées, de
ses comportements, de ses croyances et des capacités internes qu'il
possède que le coaché pourra s'engager dans le changement. La
prise de conscience du coaché est un élément fondateur du
changement, « à partir de cette prise de conscience seulement, il est
possible de développer des stratégies alternatives de
comportement » (Blanc-Sahnoun, 2014, p.140). Beck (1995)
précise qu'un des buts des thérapies cognitives et comportementales
est que le coaché (ou patient) devienne son propre coach
(thérapeute) par la prise de conscience et le travail de ses croyances
irréalistes. Le coach, par un subtil dosage entre « donner du
poisson » et « apprendre à pêcher » (Lenhardt, 2002) amène son
coaché à la prise de conscience et à la responsabilisation. Comme
l'écrit Whitmore (2012, p.232) : « Je dois me libérer de l’emprise
de mes expériences passées.[…] Que l’on me le dise reste sans
grand effet, mais que j’en prenne conscience a une toute autre
efficacité ».
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-28-
3. OUTILS ET
TECHNIQUES
D'IDENTIFICATION ET DE
FLEXIBILISATION DES
CROYANCES POUR
INITIER LE
CHANGEMENT
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-29-
Après avoir détaillé quelques notions théoriques sur les
croyances et le changement, nous allons maintenant aborder des
outils et techniques pratiques que le coach peut utiliser en séance
avec son client. Ses outils « servent à créer, et surtout à maintenir,
l’espace au sein duquel le client progressera de façon autonome
vers son objectif souhaité, vers son résultat espéré » (Cardon, 2008,
p.28). Le coach y a recours pour favoriser une prise de conscience
chez son coaché et amorcer un changement.
3.1. LE QUESTIONNEMENT
Le questionnement est l'un des outils fondamental du coach
que ce soit pour provoquer une prise de conscience, travailler sur
les croyances, ou encore interroger sur un feed-back ou le résultat
d'une séquence de travail. Le rôle du coach n'étant pas d'apporter
des solutions toutes faites mais d'élargir l'angle de vision de son
coaché, il lui est nécessaire de questionner le plus justement
possible. Il n'est pas forcément utile de beaucoup questionner mais
surtout de trouver les « questions puissantes » (Cardon, 2008),
c'est-à-dire celles qui vont bousculer le coaché dans ses
représentations. « Les questions ne sont pas posées pour obtenir
plus d'informations de la part du client mais plutôt pour le
provoquer à sentir, à réfléchir et à réagir autrement. » (Cardon,
2008, p.2). Cela provoque une prise de conscience d'une nouvelle
façon de penser chez le coaché. Le coach par son questionnement
recherchera le "comment faire" en oubliant le plus possible les
questions sur le "pourquoi", « qui vise l'explication de la chaîne des
causes [et] entraîne des rationalisations ou des blocages du
discours » (Blanchet, 2003, p.155) renvoyant ainsi le coaché dans
son problème.
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-30-
« La formulation judicieuse des questions permet de
régulièrement rappeler au client que c’est à lui de piloter son propre
travail. » (Cardon, 2008, p.71). Ainsi, par un questionnement de
type socratique, le coach va également aider son client à formuler
ses propres hypothèses de solutions (Cungi, 2006). Le
questionnement permet donc la responsabilisation et l'autonomie du
coaché.
Dans la même finalité, avant d'émettre des hypothèses sur les
croyances du coaché, le coach a tout intérêt à lui demander
directement selon lui quelles sont les croyances qui le bloquent
(Pichat, 2014). Le coaché peut en effet être entièrement conscient
de ses blocages et être à même de les exprimer. On renforcera
ainsi le travail de collaboration.
3.2. LES TECHNIQUES ISSUES DU COACHING COGNITIF ET
COMPORTEMENTAL
Comme nous l'avons vu plus haut, l'approche cognitive et
comportementale s'attache à rechercher chez le coaché des pensées
automatiques afin de verbaliser et de prendre conscience des
croyances irréalistes sous-jacentes puis, par diverses techniques, de
les flexibiliser en croyances alternatives ou rationnelles plus
aidantes (Beck, 1995 ; Pichat, 2014). Dans un premier temps, le
coach s'assure de la bonne compréhension par le coaché de ce que
sont une pensée automatique et une croyance irréaliste ainsi que du
côté contre-productif de cette dernière avant d'entamer son
identification.
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-31-
Les techniques d'identification des croyances irréalistes
La technique la plus simple – et la première à utiliser – est la
demande directe. Le coaché peut être pleinement lucide sur ses
croyances irréalistes. Le travail du coach consiste alors, dans la
conversation, à faire remarquer l'apparition de ses croyances et
demander au coaché s'il souhaite les travailler. Les autres
techniques consistent à interroger les pensées automatiques du
coaché qui surgissent en situation et de remonter ensuite aux
croyances irréalistes selon l'approche développée par Beck (2010).
En se remémorant une situation précise, le coach questionne le
coaché sur ses pensées automatiques, en vérifiant l'ancrage
situationnel et émotionnel. A la suite de quoi, il est possible que « la
croyance irréaliste soit directement contenue dans une des pensées
automatiques mises à jour » (Pichat, 2014, p.161). Si ce n'est pas le
cas, le coach peut aider son coaché à trouver le point commun et
« le thème convergeant » entre ses différentes pensées
automatiques qui est généralement la croyance limitante.
Une autre technique dite de « la flèche descendante » consiste,
en partant d'une pensée automatique du coaché, à « remonter la
chaîne causale / logique qui l'a généré, jusqu'à atteindre la croyance
sous-jacente impliquée » (Pichat, 2014, p. 163). Les questions du
type : « et si c'était vrai, qu'est-ce que cela impliquerait ? » se
succèdent alors jusqu'à arriver à la croyance. En dernier recours, si
le coaché présente des difficultés à verbaliser ses croyances
irréalistes, le coach peut devenir plus inductif. Il propose, sur la
base de son hypothèse, une croyance limitante au coaché en
l'interrogeant sur son niveau d'adhésion à celle-ci. Comme le
souligne Pichat (2014, p.166), « cette technique est certes inductive
[…], mais il est néanmoins préférable de la mobiliser plutôt que de
parvenir à une impasse... ».
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-32-
Les techniques cognitives de travail des croyances irréalistes
Les techniques cognitives consistent essentiellement en
argumentation et contre-argumentation sur les croyances irréalistes
et leur corollaire, les croyances rationnelles (Pichat, 2014). Elles
permettent de déstabiliser et modifier les croyances irréalistes. Par
le questionnement, elles permettent au coaché une prise de
conscience et une reconsidération de ce qu'il considère comme la
réalité. Elles se décomposent en deux familles : les techniques
scientifiques et les techniques pragmatiques.
Les techniques scientifiques consistent à tester, comme un
scientifique, la croyance limitante en cherchant les preuves de la
véracité de cette croyance. Le coaché est invité à considérer et tester
ses croyances comme des hypothèses dans une logique de vrai/faux
face aux faits puis d'observer les résultats. Selon Beck (2010,
p.186) : « Le patient doit être capable de vérifier des hypothèses
avant de les considérer comme valables ». Soit elles sont
confirmées par les faits et le réel : le monde fonctionne bien ainsi,
les croyances sont alors aidantes, le coaché peut alors les conserver
et les tenir pour vraies. Soit elles sont invalidées par les faits et le
réel : cela ne fonctionne pas pour le coaché de les tenir pour vraies,
elles sont donc à considérer comme « fausses » et à rejeter pour se
tourner vers une formulation plus aidante de la croyance.
Plusieurs techniques scientifiques existent, le coach choisira
celle(s) lui paraissant la(les) plus adaptée(s) à la situation du
coaché :
La dématérialisation des preuves de la croyance irréaliste qui
consiste à chercher des preuves de la croyance puis de
remettre en question le lien de causes à effets.
La confrontation au réel de la croyance irréaliste face à une
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-33-
série de situations.
Le dialogue par jeu de rôle des arguments en faveur des
croyances irréalistes et réalistes.
L'argumentation relative à un tiers doté de la croyance
alternative permettant de trouver les avantages de la
croyance réaliste chez quelqu'un d'autre puis de prendre
conscience que le coaché peut aussi se l'appliquer à lui-
même.
Les techniques pragmatiques interrogent quant à elles les
effets de la croyance, sans se préoccuper du caractère « vrai » ou
« faux » de cette dernière. Elles invitent le coaché à « mobiliser une
posture "pratique" vis-à-vis de ses croyances » (Pichat, 2014,
p.179). Comme pour les techniques scientifiques, deux cas sont
alors envisageables : soit la croyance est aidante et elle est donc à
conserver, soit elle est contre-productive et donc à rejeter.
Ces techniques sont :
L'identification des désavantages de la croyance irréaliste,
quels effets négatifs elle entraîne.
L'imagination d'un tiers doté de la croyance qui permet au
coaché de se décentrer et ainsi prendre du recul par rapport
aux effets de sa croyance.
La comparaison des avantages / désavantages de la croyance
irréaliste.
L'anticipation des avantages de la croyance corollaire réaliste
qui peut faire naître chez le coaché l'envie de changer en
abandonnant sa croyance irréaliste.
Toutes ces techniques – scientifiques et pragmatiques –
peuvent être appuyés par des formulaires de travail que pourra
reprendre le coaché en inter-séance.
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-34-
Les techniques comportementales de travail des croyances irréalistes
Les techniques comportementales consistent « non pas à
travailler "de façon théorique" (argumentation / contre-
argumentation) des croyances mais à "agir" et à tester /
expérimenter effectivement en situation les croyances irréalistes et
leurs corollaires plus rationnels » (Pichat, 2014, p.177). Elles sont
souvent employées à la suite des techniques cognitives après que le
coaché ait compris intellectuellement le bien-fondé de changer sans
pour autant réussir à faire autrement. Ces techniques sont
engageantes pour le coaché puisqu'il ne s'agit plus de penser mais
d'agir. Le coach doit donc veiller à mettre en place un certains
nombres de protections en s'assurant que le coaché est prêt pour
s'engager dans ces exercices. Selon Beck (1995), que la destination
de l’expérimentation soit triste ou heureuse, il est important de la
mener au bout.
Les techniques comportementales se décomposent en trois
familles d'exposition croissante pour le coaché : les techniques de
type imagerie, celle de type simulation et enfin les tests effectifs
(Pichat, 2014).
Les techniques d'imagerie sont dites aussi de reviviscence car
elles consistent à se replonger dans la situation et la revivre comme
si on y était. Le coaché peut soit revivre une occurrence de la
croyance irréaliste, soit imaginer et réécrire le scénario en
mobilisant une croyance plus rationnelle. Dans les deux cas, le
coach place le coaché dans une allure de type hypnotique et lui
demande de décrire la situation « seconde par seconde ». Le coach
note tous les aspects contre-productifs dans le premier cas et aidant
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-35-
dans le second. A la suite de la reviviscence, une restitution est faite
par le coach de l'ensemble des éléments verbalisés par le coaché
pour l'inviter à une prise de conscience.
Les techniques de simulation ou jeux de rôle sont utilisées
lorsque les difficultés sont de type relationnel. Elles consistent à
simuler une situation professionnelle réelle. Dans un premier temps
le coach jouera le rôle du coaché en mobilisant sa croyance
limitante face au coaché qui jouera son interlocuteur dans la
situation choisie. Dans un deuxième temps, les rôles sont inversés
et le coaché joue son propre rôle. Puis dans un troisième temps, le
coaché est invité à rejouer son rôle mais en mobilisant une croyance
corollaire réaliste. Après chacune des trois simulations, lors d'un
débriefing, le coaché est invité à noter les conséquences contre-
productives dans les deux premiers jeux de rôle, et de « constater
empiriquement » le caractère aidant de la croyance rationnelle dans
le dernier cas. En cas de difficulté pour le coaché à mobiliser la
croyance corollaire réaliste, le coach peut lui demander de faire
« comme si » en contournant la résistance par le paradoxe « que l'on
fait complètement semblant ici, que ce qui a été travaillé ne
fonctionne pas et que tout cela n'est pas applicable au coaché dans
sa vraie vie » (Pichat, 2014, p.223).
Pour terminer, les techniques de tests effectifs sont l'une des
finalités du coaching cognitif et comportemental. Elles consistent
« à demander au coaché de tester, en situation réelle, et dans le cadre
de sa vraie vie, une version plus réaliste de sa croyance, afin de
débriefer sa capacité à mobiliser cette croyance alternative ainsi que
les effets aidants de cette mobilisation » (Pichat, 2014, p.223). Ces
techniques étant fortement impactantes pour le coaché, elles sont
utilisées uniquement après que les techniques précédentes aient
donné des résultats significatifs. Le coach peut demander de
manière paradoxale au coaché de tester en situation réelle les effets
de sa croyance irréaliste afin « de provoquer une prise de
conscience forte et flagrante de la nature problématique de [sa]
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-36-
croyance irréaliste » (Pichat, 2014, p.224). Il peut aussi, à l'inverse,
lui demander de tester et noter les effets de l'adoption de la croyance
alternative plus réaliste. Afin de minimiser les risques et de protéger
le coaché, ces tests peuvent se faire graduellement en commençant
dans des contextes à enjeux faibles – dans un cadre personnel par
exemple – et de progressivement arriver à opérer ses tests lors de
réelles situations professionnelles problématiques.
3.3. LES OUTILS PROVENANT DE L'APPROCHE
SYSTEMIQUE
Le recadrage
Le recadrage est une étape majeure du changement. Selon la
définition de Watzlawick, Weakland & Fisck (1975, p.116),
recadrer signifie : « changer le point de vue perceptuel, conceptuel
et/ou émotionnel à travers lequel une situation donnée est perçue
pour la déplacer dans un autre cadre qui s’adapte aussi bien et même
mieux aux « faits » concrets de la situation et qui va changer toute
la signification ». L'hypothèse derrière cette définition est que ce
sont plus les interprétations et significations que nous donnons aux
faits et situations qui nous font souffrir plutôt que les faits eux-
mêmes (Picard & Marc, 2013). Le recadrage est en lien avec notre
vision du monde et de la réalité que nous avons détaillé
précédemment. Il s'agit d'amener le coaché à apercevoir
différemment une situation donnée et de porter son attention sur
d'autres éléments ou de leur donner une autre signification.
En pratique, il entraîne souvent chez le coaché un temps d'arrêt
et d’étonnement créé par la soudaineté de la prise de conscience
d'une autre vision du monde possible. Il est particulièrement
indiqué pour déstabiliser une croyance irréaliste.
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Kourilsky (2014) définit 3 types de recadrage :
Le recadrage de point de vue : changer d'éclairage sur une
situation en faisant par exemple remarquer que d'autres
peuvent penser différemment.
Le recadrage de sens : donner une autre interprétation des
faits en pointant par exemple les effets bénéfiques. A un
manager décrivant la lenteur de son collaborateur, c'est lui
faire remarquer à quel point celui-ci est précis et complet
dans le travail effectué.
Le recadrage de comportement : faire rechercher la fonction
utile et positive d'un comportement jusque-là jugé néfaste par
le coaché.
D'autres classifications sont proposées par les auteurs ,notamment
celle d'Angel & Moral (2009), recadrage de référentiel, de sens et
de point de vue.
Concrètement, il ne s'agit pas de fournir n'importe quel cadre
au coaché, celui-ci doit pouvoir s'y identifier au risque sinon, de le
rejeter complètement et que le recadrage soit inopérant. « Le
recadrage doit être « écologique », c'est-à-dire respecter les valeurs
et le cadre de référence de la personne, et prendre en compte son
environnement » (Devillard, 2008, p.235). Il est nécessaire dans un
premier temps d'amener le coaché à prendre conscience des effets
limitants de son interprétation des faits puis dans un deuxième
temps de lui proposer une vision différente plus aidante, et souvent
moins manichéenne. Le coach, par le recadrage, ne cherche pas la
vérité mais l’efficacité d'un point de vue afin d'extraire le coaché de
l'enfermement de ses modes de pensée (Kourilsky, 2014).
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C'est un outil particulièrement efficace pour aboutir à un
changement de niveau 2 car une fois placé dans un nouveau cadre
avec une vision du monde différente, le coaché ne peut plus ignorer
cette nouvelle version de la réalité et retomber dans les pièges de
ses anciens comportements. L'ancienne façon de voir le problème
est rendue caduque par le recadrage (Watzlawick, Weakland &
Fisch, 1975). Le coaché accède ainsi à de nouvelles ressources
permettant une modification de ses croyances limitantes en
croyances plus aidantes.
Le paradoxe
Le coaché arrive souvent en coaching avec une situation
paradoxale du type : aidez-moi-à changer-mais-j'ai-tout-essayé-je-
ne-peux-pas-changer. On se trouve ici dans un changement de
niveau 1, faire toujours plus de la même chose. Le but de
l'utilisation du paradoxe en coaching est de court-circuiter les
modes de raisonnements chez le coaché, d'introduire de la
confusion. C'est « une sorte de contre-paradoxe visant à déjouer les
communications paradoxales dans lesquelles les [clients] sont
souvent enfermés » (Picard & Marc, p.83). Il consiste à « prescrire
le symptôme », c'est-à-dire demander au coaché de faire
précisément ce qu'il souhaite stopper. En effet, la systémique
montre « combien il est plus efficace de prescrire le comportement
que de le combattre, ce qui a déjà été tenté mille fois, sans succès,
par la personne concernée. » (Kourilsky, 2014, p.236). Le simple
fait de conscientiser un comportement ou une attitude permet de
bloquer le problème car le fait d'y penser oblige le coaché à
contrôler son comportement. Ainsi, à une personne se plaignant
d'être en situation d'échec perpétuel, Kourilsky (2014) lui demande
de réfléchir tous les matins aux échecs qu'elle va réussir dans sa
journée. Un autre exemple est celui de l'insomniaque auquel on
prescrit de lutter contre l'endormissement.
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Le paradoxe ne se définit comme tel que par rapport à la vision
du monde du coaché. Il consiste en effet à aller en sens inverse des
tentatives de solutions déjà réalisées par le coaché qui ne font que
renforcer le problème (Watzlawick, Weakland & Fish, 1975). D'un
point de vue extérieur, il n'y a rien de paradoxal, mais juste
l'adoption d'une solution efficace.
La subtilité de cet outil conditionne sa réussite à une bonne
alliance entre le coach et son client mais aussi à une bonne lecture
du coach de la vision du monde du client et de son cadre de
référence. Cette technique nécessite un grand respect du coaché
pour pouvoir contourner ces résistances car « ce sont justement les
résistances au changement qui servent le plus à le provoquer »
(Watzlawick, Weakland & Fish, 1975, p.126) ainsi « au lieu
d'opposer le bon sens au non-sens, on aura recours à la méthode du
judo qui se sert de la résistance de l'adversaire » (idem, p.158).
3.4. D'AUTRES OUTILS PERMETTANT LA PRISE DE
CONSCIENCE DE NOS CROYANCES
La métaphore
La métaphore s'apparente à une technique de recadrage. Le but
de son utilisation est de contourner les résistances cognitives
premières du coaché, « de court-circuiter l'intellectualisation et les
résistances conscientes » (Cannio & Launer, 2010, p.47), et de
l'amener à percevoir différemment le monde par une histoire, une
fable, un conte, une image ou encore une comparaison.
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Selon Cannio et Launer (2010), pour être efficace, la
métaphore doit partir du problème dans la situation que vit le
coaché et faire appel à la même croyance irréaliste. Elle doit
également arriver à une conclusion différente de celle du coaché
dans sa situation afin qu'il puisse envisager que d'autres solutions à
son problème existe. Elle doit lui permettre d'ouvrir sa perception
et de considérer de nouvelles options possibles.
Par exemple, pour un coaché qui a le sentiment de ne pas être
capable de travailler seul, le coach peut lui faire part de l'image des
abeilles au sein de la ruche qui ne sont efficaces que par leur travail
collectif. Il échange ensuite sur le ressenti de son client. Attention
toutefois, « [l'histoire] ne doit pas blesser la personne. Mieux vaut
se taire que prendre le risque » (Délivré, 2013, p.245).
L'idée derrière l'utilisation de ce type de technique, est de
déconnecter partiellement la partie cognitive et rationnelle du
cerveau (le cerveau « gauche »), et d'aller chercher dans
l'imaginaire et l'émotion. « Le client doit pouvoir comprendre
l'histoire avec sa raison comme avec son cœur » (Délivré, 2013, p.
245). Cela sera particulièrement vrai pour des clients à l'esprit très
cartésien.
Pour Cannio et Launer (2010, p.48), « les métaphores sont les
outils adéquats pour susciter le changement chez les personnes qui
ne le souhaitent pas [...] Elles sont extrêmement utiles pour
effectuer un recadrage puissant, mais en douceur ».
La médiation par un élément tiers
Tout comme la métaphore, l'utilisation d'un élément tiers en
coaching peut permettre chez le coaché de contourner la barrière du
raisonnement logique et structuré et d'être plus en lien avec ses
émotions et ressentis. L'élément tiers peut prendre plusieurs formes,
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nous parlerons ici de deux : le dessin et les photos-images.
Par le dessin, le coaché peut exprimer ce qui est lui est difficile
à évoquer ou à mettre en mots. Il peut mettre en lumière certains
sujets que le coaché n'aurait peut-être pas abordé spontanément.
Dans le dessin émerge une partie inconsciente qui peut provoquer
une prise de conscience de nouveaux faits et éléments dans le
contexte problématique du coaché (Lamy & Moral, 2011). Selon
Cardon (2008, p.128), le dessin « peut permettre à la fois de
provoquer des prises de consciences salutaires, et de rapidement
faciliter des décisions concrètes ».
Concrètement, le coach ne demande pas une œuvre d'art à son
client, il lui demande de dessiner ce qu'il souhaite sur une question
ou un thème précis pour ensuite débriefer de sa représentation. C'est
dans cette phase de restitution et d'échange que peut se révéler une
prise de conscience par le coaché, d'aspects nouveaux, non
envisagés jusqu'à présent dans sa pensée rationnelle. De nouvelles
perspectives et options s'offrent alors à lui.
L'utilisation de carte d'images ou de photos est un moyen
semblable pour parvenir à révéler les parties cachées d'un problème
ou d'un changement chez le coaché. En fonction des traits de
caractères de son client, le coach, en évoquant un thème ou une
question précise (par exemple : ou en êtes-vous par rapport aux
objectifs que vous aviez définis?) peut, soit lui faire choisir une
photo parmi celle visible, soit lui faire tirer une photo au hasard. La
première méthode fonctionnera avec des personnes intuitives, la
seconde méthode, plus guidée, s'adressera plutôt aux réfractaires à
ce genre d'exercice, aux esprits très cartésiens qui se verront obligés
d'établir un lien entre une question et une photo qui n'ont à priori
rien en commun. Par ce biais, comme par le dessin, le coaché peut
accéder à des parties de sa problématique qui lui étaient jusqu'à lors
indisponibles car non conscientisées ni verbalisées. Pour le coaché
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ayant du mal à définir un changement opéré, cela peut aussi
permettre par le choix de plusieurs photos pour le "avant" et le
"maintenant", de prendre conscience, pour lui comme pour le
coach, d'une différence visuelle tangible et d'une progression en
rapports avec ses enjeux.
Les inventaires de personnalité, une aide à la prise de conscience
Il existe de nombreux inventaires de personnalités dont l'un
des plus connus en France et des plus utilisés est le MBTI (Myers
Briggs Type Indicator) développé dans les années 1980. Ils sont
traditionnellement proposés aux personnes pour les aider à mieux
se connaître et comprendre la nature de leur réactions et celles des
personnes qui les entourent. « La connaissance de leurs
"préférences" peut les aider par exemple à faire des choix
d'orientation [et] d'évolution professionnelle » (Halbout, 2009,
p.56). Pour le coaché qui passe ce genre de tests, cela peut lui faire
prendre conscience d'une facette de sa personnalité dont il n'avait
pas conscience et peut lui permettre d'aborder certaine situation
sous un autre angle. Pour le coach, il peut ainsi rapidement entrer
dans la personnalité du coaché et orienté son intervention. Mais
c'est aussi un risque selon l'expression de Délivré (2013, p.134) de
« mettre en boite le client , d'être moins réceptif et de s'enfermer
dans une vision stéréotypé en perdant de vue ce qui fait du coaché
une personne unique et singulière. C'est pourquoi, le coach doit être
formé a l'inventaire de personnalité qu'il pratique afin d'en connaître
ces apports et ces limites. De plus, « ces inventaires doivent être
utilisés comme des pistes de travail possibles, et non comme des
grilles de lecture définitives. C'est le bénéficiaire, celui qui passe
l'inventaire, qui est les plus légitime pour identifier ses préférences
typologiques. L'outil n'est là que pour lui offrir un support de
réflexion » (Halbout, 2009, p.56).
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BIBLIOGRAPHIE
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INITIER LE CHANGEMENT PAR LE TRAVAIL DES
CROYANCES
EN SÉANCE DE COACHING
Résumé :
Le changement est au cœur des organisations actuelles. Il est
nécessaire pour les individus de pouvoir s'adapter à ces
organisations. Ce mémoire traite du changement en cherchant à
répondre à la question suivante : Comment amener le coaché à
changer en faisant évoluer sa vision du monde et donc son système
de croyances ? Deux courants théoriques sont présentés.
Premièrement, le coaching cognitif et comportemental pour
développer la notion de croyances en se basant sur les travaux
d'Ellis, de Beck et de leur reprise par Pichat. Deuxièmement
l'approche systémique sur les concepts de réalité et de type de
changement avec les écrits de Kourilsky, Malarewicz et
Watzlawick. Ce mémoire présente et analyse, par la description de
leur utilisation en séance de coaching, des outils précis issus de ces
deux approches permettant de travailler sur les croyances et les
représentations.
Mots clés :
coaching, changement, croyance, vision du monde, approche
systémique, approche cognitive et comportementale