8
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Revue du Rhumatisme 75 (2008) 755–762 Injections cortisonées radioguidées du rachis cervical (ce que je fais, ce que je ne fais plus) Cervical spinal steroid injections under fluoroscopic guidance (what I am still doing, what I do no longer) Marc Wybier a,b,a Service de radiologie ostéoarticulaire, hôpital Lariboisière, 5, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France b Cabinet radiologique de l’appareil locomoteur, 5, rue Alfred-Bruneau, 75016 Paris, France Accepté le 23 mai 2008 Disponible sur Internet le 3 ao ˆ ut 2008 Mots clés : Rachis cervical ; Douleur ; Injection cortisonée ; Effets indésirables Keywords: Cervical spine; Neck pain; Steroid injection; Side effects L’injection thérapeutique sélective du rachis cervical consiste à déposer, sous le contrôle de l’image, un dérivé cortisoné à proximité d’une structure anatomique choisie précisément pour sa responsabilité présumée dans les symptômes à traiter. En pratique clinique, ce type de traitement s’applique aux cervical- gies sous-occipitales et à la névralgie cervicobrachiale rebelles, moins souvent à la douleur commune du rachis cervical infé- rieur. L’arthrose intervertébrale et les hernies discales sont les causes habituelles de ces symptômes. Comme celui des injections cortisonées du rachis en général, l’usage des injections radioguidées du rachis cervical remonte à plusieurs dizaines d’années, sur la base d’un consensus professionnel. Cependant, la nécessité de justifier les actes médicaux par des preuves statistiques se fait pressante : dému- nie à ce jour de preuves pour les injections cortisonées du rachis, voici la communauté médicale confrontée à la gravité de certaines complications exceptionnelles, révélées par la lit- térature scientifique récente, et désarmée pour peser le pour et le contre. Ces complications sont la justification du présent travail. Les techniques passées en revue ici sont exclusivement liée au guidage par la scopie télévisée. Elles peuvent être toutes ambulatoires. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected]. 1. Ce que je ne fais pas 1.1. L’injection épidurale cervicale inférieure L’aiguille est placée, sous anesthésie locale, dans la par- tie dorsale du canal cervical central par voie paramédiane interlamaire C7-T1, sur un patient en procubitus [1]. Une épi- durographie opaque première vérifie l’absence de la moindre résistance mécanique au passage du liquide injecté sous faible pression, la répartition prévisible (verticale postérieure de part et d’autre du point de ponction) du liquide injecté et l’absence d’opacification vasculaire. Dans ces conditions favorables, une ampoule de dérivé cortisoné peut suivre le même chemin. Une étude rétrospective, censée paraître prochainement dans J Vasc Interv Radiol, fait état d’une « diminution de la douleur à dix jours dans environ 80 % des cas », sans plus de précision à ce jour [2] sur l’intensité et l’ancienneté initiales de la douleur et le mode d’évaluation du résultat. 2. Ce que je ne fais plus 2.1. L’injection intradiscale d’acétate de prednisolone Décrite en 1957 par Smith et Nichols [3], la discographie cervicale peut être suivie d’une injection thérapeutique, prin- cipalement dans le traitement de la névralgie cervicobrachiale rebelle. Certaines équipes ont couramment pratiqué en leur 1169-8330/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2008.05.004

Injections cortisonées radioguidées du rachis cervical (ce que je fais

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Injections cortisonées radioguidées du rachis cervical (ce que je fais

M

K

àpspgmrc

làpmnrdtet

aa

1d

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Revue du Rhumatisme 75 (2008) 755–762

Injections cortisonées radioguidées du rachis cervical(ce que je fais, ce que je ne fais plus)

Cervical spinal steroid injections under fluoroscopic guidance(what I am still doing, what I do no longer)

Marc Wybier a,b,∗a Service de radiologie ostéoarticulaire, hôpital Lariboisière, 5, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France

b Cabinet radiologique de l’appareil locomoteur, 5, rue Alfred-Bruneau, 75016 Paris, France

Accepté le 23 mai 2008

Disponible sur Internet le 3 aout 2008

ots clés : Rachis cervical ; Douleur ; Injection cortisonée ; Effets indésirables

1

1

tidrpedaéIjjl

2

eywords: Cervical spine; Neck pain; Steroid injection; Side effects

L’injection thérapeutique sélective du rachis cervical consistedéposer, sous le contrôle de l’image, un dérivé cortisoné à

roximité d’une structure anatomique choisie précisément poura responsabilité présumée dans les symptômes à traiter. Enratique clinique, ce type de traitement s’applique aux cervical-ies sous-occipitales et à la névralgie cervicobrachiale rebelles,oins souvent à la douleur commune du rachis cervical infé-

ieur. L’arthrose intervertébrale et les hernies discales sont lesauses habituelles de ces symptômes.

Comme celui des injections cortisonées du rachis en général,’usage des injections radioguidées du rachis cervical remonte

plusieurs dizaines d’années, sur la base d’un consensusrofessionnel. Cependant, la nécessité de justifier les actesédicaux par des preuves statistiques se fait pressante : dému-

ie à ce jour de preuves pour les injections cortisonées duachis, voici la communauté médicale confrontée à la gravitée certaines complications exceptionnelles, révélées par la lit-érature scientifique récente, et désarmée pour peser le pourt le contre. Ces complications sont la justification du présentravail.

Les techniques passées en revue ici sont exclusivement liée

u guidage par la scopie télévisée. Elles peuvent être toutesmbulatoires.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected].

2

ccr

169-8330/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.rhum.2008.05.004

. Ce que je ne fais pas

.1. L’injection épidurale cervicale inférieure

L’aiguille est placée, sous anesthésie locale, dans la par-ie dorsale du canal cervical central par voie paramédianenterlamaire C7-T1, sur un patient en procubitus [1]. Une épi-urographie opaque première vérifie l’absence de la moindreésistance mécanique au passage du liquide injecté sous faibleression, la répartition prévisible (verticale postérieure de partt d’autre du point de ponction) du liquide injecté et l’absence’opacification vasculaire. Dans ces conditions favorables, unempoule de dérivé cortisoné peut suivre le même chemin. Unetude rétrospective, censée paraître prochainement dans J Vascnterv Radiol, fait état d’une « diminution de la douleur à dixours dans environ 80 % des cas », sans plus de précision à ceour [2] sur l’intensité et l’ancienneté initiales de la douleur ete mode d’évaluation du résultat.

. Ce que je ne fais plus

.1. L’injection intradiscale d’acétate de prednisolone

Décrite en 1957 par Smith et Nichols [3], la discographieervicale peut être suivie d’une injection thérapeutique, prin-ipalement dans le traitement de la névralgie cervicobrachialeebelle. Certaines équipes ont couramment pratiqué en leur

Page 2: Injections cortisonées radioguidées du rachis cervical (ce que je fais

756 M. Wybier / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 755–762

Fig. 1. Représentation schématique de la technique de la discographie cervicalep(d

tblcdlfisa

g(àjClràss

2f

21srCfst

aq

Fig. 2. Technique du cathétérisme foraminal. (A). Vue axiale scanographiquedl(

ulfdppvns

ar la voie antérolatérale. Le doigt de l’opérateur est à proximité de l’aiguilletêtes de flèche). L’œsophage (flèche longue) est à quelques millimètres en avantu disque.

emps la nucléolyse cervicale à la chymopapaïne, qui leur sem-lait donner des résultats au moins aussi bons que la nucléolyseombaire (cette dernière étant la seule cependant à avoir bénéfi-ié d’une autorisation officielle). Notre expérience de l’injection’acétate de prednisolone ou, antérieurement, de cortivazol danse disque cervical n’a fait l’objet d’aucune évaluation scienti-que ; selon notre expérience passée (non publiée), le taux deuccès dans le traitement de la névralgie cervicobrachiale tourneutour de 40 %.

Cependant, la ponction radioguidée du disque cervical estrevée d’un risque de spondylodiscite infectieuse estimé à 1 %contre 0,1 % à l’étage lombaire), ce qui tient vraisemblablementla voie d’abord, obligatoirement antérolatérale entre paquet

ugulocarotidien en avant et artère vertébrale en arrière (Fig. 1).ette voie d’abord oblige le doigt de l’opérateur à appuyer

e plan cutané contre la surface du rachis, ce qui expose auisque de contact avec l’aiguille ; par ailleurs, l’œsophage est

proximité du trajet de l’aiguille, laquelle peut donc traver-er un imprévisible et non exceptionnel diverticule œsophagieneptique.

.2. L’injection foraminale stricte par cathétérisme duoramen

L’injection foraminale cervicale est pratiquée depuis plus de0 ans (Warfield et al. 1988, Cicala et al. 1989, Ferrante et al.993 in [4]), selon des techniques diverses. Cette longévité laisseupposer, comme pour l’ensemble des injections cortisonéesachidiennes, que l’expérience clinique y trouve son compte.ependant, à notre connaissance, aucune technique d’injection

oraminale cervicale n’a fait, à ce jour, l’objet d’une évaluationelon la norme scientifique actuelle (prospective contre groupe

émoin) [5].

La technique classique, recommandée par de nombreuxuteurs en particulier nord-américains [6], vise l’épinèvre, ceui suppose le cathétérisme partiel du foramen (Fig. 2). Sur

fpfis

es artères carotide (c) et vertébrale (v). La flèche indique le trajet idéal de’aiguille selon cette technique, au ras du bord osseux postérieur du foramen.B). Vue oblique sur os sec montrant la position de l’aiguille en profondeur.

n patient en décubitus oblique, après une anesthésie localeimitée à la peau, on vise la partie postérieure et inférieure duoramen, pour arriver au contact osseux de la paroi postérieureu foramen [6–12], puis l’aiguille est glissée le long de cettearoi de facon à se trouver en arrière du nerf spinal, enrésumant, selon l’anatomie classique, que toutes les structuresasculaires éventuelles du foramen se situent en avant duerf [7]. L’aiguille d’infiltration est poussée sur environ 2 mmans dépasser la ligne médiane de l’articulation postérieure de

ace [7,13] ou jusqu’au déclenchement d’une douleur ou dearesthésies symptomatiques [6]. Après avoir éventuellementxé une tubulure sur l’aiguille pour éviter son déplacementecondaire, on aspire pour vérifier l’absence de reflux de sang et
Page 3: Injections cortisonées radioguidées du rachis cervical (ce que je fais

M. Wybier / Revue du Rhumati

Tableau 1Séries non compliquées d’injections foraminales cervicales radioguidées

Cyteval et al. [21] : 30 casVallée et al. [19] : 43 casBush et Hillier [15] : 68 casHuston et al. [22] : 89 cas consécutifsSS

oep

e(lHlcd[c9prcpphntédcspprn

flpd

TC

ACHIBPSIIBM

lcemcmmcc(emdlcl2Càdcd[dl2qt

2

atta[lled

érie collégiale de plus de 300 cas en pratique libérale (non publiée)érie collégiale de l’hôpital Lariboisière de plus de 350 cas (non publiée)

n opacifie l’espace épineural, qui apparaît comme une imagen rail. Enfin, un dérivé cortisoné en suspension (acétate derednisolone en France) est injecté.

Plusieurs études ouvertes font état d’un taux de très bonst bons résultats d’environ 60 % de la population traitéeTableau 1) [14–19], avec une amélioration comparable poura douleur radiculaire et la douleur cervicale [19]. Bush etillier disent avoir évité un traitement chirurgical à 100 % de

eurs 68 patients [15]. À titre de comparaison, le traitementhirurgical de la névralgie cervicobrachiale donne 64 à 96 %e bons résultats selon une revue de la littérature de 199420]. Rappelons aussi que l’évolution naturelle de la névralgieervicobrachiale commune se fait vers la guérison dans 80 à0 % des cas [20], information qu’il est loyal de donner auatient avant une injection cortisonée dirigée ou traitement chi-urgical (Tableau 2). Cependant, le risque d’échec de l’injectionortisonée est aussi influencé par l’ancienneté de la douleur : ilasse de 40 % pour les douleurs de moins de six mois à 80 %our celles de plus de 18 mois [19], ce qui fait évidemmentésiter à laisser l’évolution naturelle suivre son cours sur unombre excessif de mois. De plus, la douleur radiculaire àraiter est souvent très pénible, son niveau moyen sur unechelle visuelle analogique étant supérieur à 6 [16,21]. Le liene cause à effet entre l’injection cortisonée et l’améliorationlinique est suggéré par le bref délai qui les sépare, une à deuxemaines [16,19], et l’absence d’amélioration supplémentaire,assé ce délai initial [19]. On ne sait pas si l’échec d’uneremière injection peut être suivi du succès d’une seconde. Laeproduction de la douleur symptomatique au cours du geste’a aucune valeur prédictive pour le résultat clinique [19].

Les complications de l’injection cortisonée radioguidée du

oramen cervical sont exceptionnelles. Dans notre série col-égiale non publiée de 650 cas ambulatoires consécutifs (enratique libérale ou hospitalière), aucune complication n’est àéplorer à ce jour. L’étude prospective des effets secondaires de

ableau 2omplications de la chirurgie discale cervicale par voie antérieure [3,28]

ggravation d’une myélopathie pré-existante : 3,3 %ontusion médullaire sévère : 1 casématome (1 %) ou abcès (0,2 %) épidural

nfection locale : 1 %lessure d’une racine nerveuse : 1 %aralysie du récurrent : 1 à 8 %yndrome de Claude-Bernard-Horner : 1 %nsuffisance respiratoire : 1 %nstabilité intervertébrale : 1 %lessure du pharynx (0,2 %) ou de l’œsophage (0,4 %)éningite par perforation durale : 0,2 %

5eàlcsilbtdpirtan

sme 75 (2008) 755–762 757

’«injection sélective radioguidée des racines nerveuses cervi-ales » avec évaluation en insu contre groupe témoin de Hustont al. ne fait état d’aucune complication traumatique ni isché-ique dans une série de 89 injections foraminales cervicales

onsécutives [22] ; dans cette étude, aucune complication mêmeineure n’a été observée dans 91 % des cas ; les désagrémentsineurs du geste sont, à côté du réveil transitoire de la cervi-

algie et de la radiculalgie, un « étourdissement » (13,5 % desas), une nausée (3,4 % des cas), une céphalée non spécifique4,5 % des cas). À trois mois, il n’y avait aucune différencentre le groupe traité et le groupe témoin au regard des évène-ents indésirables. Dans une série de 134 injections dirigées

’un foramen cervical entre C3 et T1 comprenant une stimu-ation mécanique du nerf par l’aiguille destinée à un travail deorrélation radioanatomique, aucune complication n’est signa-ée [23]. Le risque d’un malaise vagal transitoire peut atteindre5 % quand le geste est pratiqué sur un patient vertical [19].ependant, les publications sur des complications graves liéesl’injection dirigée d’un foramen cervical se sont succédées

ans la littérature médicale, principalement anglophone à notreonnaissance, depuis 1999 [8,10–13,24]. Il peut s’agir d’un syn-rome de l’artère spinale antérieure, par infarctus médullaire8,11,24] ou d’un infarctus cérébelleux [10,12,25], entraînant leécès du patient ou de lourdes séquelles neurologiques. Danses deux types d’accidents, les complications s’installent en4 heures, les premiers signes apparaissant au cours des minutesui suivent l’injection, ce qui exclut la mise en cause d’un éven-uel effet démyélinisant du dérivé cortisoné ou d’un excipient.

.2.1. Le syndrome de l’artère spinale antérieure cervicaleLe syndrome de l’artère spinale antérieure cervicale

ssocie paralysie motrice des quatre membres, insensibilitéhermoalgésique et conservation de la sensibilité propriocep-ive ; il s’accompagne d’images IRM d’infarctus médullairentérieur étendu verticalement en amont du niveau de l’injection7] (Fig. 3) et, exceptionnellement, étendu aux cordons médul-aires postérieurs [26] ; il pourrait être en rapport avec’obstruction d’une artère par un embole médicamenteux ; enffet, les cristaux d’acétate de méthylprednisolone, d’acétonidee triamcinolone et de dexaméthasone ont un diamètre de plus de0 � (la bétaméthasone a des cristaux de diamètre très inférieur)t sont susceptibles de phénomènes de coalescence secondairel’origine d’agrégats de plus de 100 � pour les deux derniers ;

a taille de ces cristaux ou de leurs agrégats est à comparer aualibre des artères à destinée spinale : 0,2 à 0,5 mm pour l’artèrepinale antérieure [27], un calibre inférieur pour ses branchesntramédullaires ; de tels agrégats sont donc à même d’obstruere réseau artériolaire terminal qui irrigue les cornes ventrales, laase des cornes dorsales et une grande partie des tractus ven-rolatéraux de la moelle (Fig. 4). L’embolie médullaire supposeonc une injection intra-artérielle accidentelle : elle ne concerneas l’artère vertébrale, dont la piqûre accidentelle donne desnfarctus non pas médullaires, mais cérébelleux (cf. infra). Le

isque est lié à la piqûre d’une artère inhabituelle située à la par-ie postérieure du foramen [28], là où, inspirée par les donnéesnatomiques classiques, la technique du cathétérisme forami-al prétend placer l’aiguille d’injection. Il ne s’agit jamais des
Page 4: Injections cortisonées radioguidées du rachis cervical (ce que je fais

758 M. Wybier / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 755–762

Fsml

atqlvpigddCvrl

F(

Fig. 5. Vue oblique schématique des artères cervicales (d’après [28]). L’artèreclo

ig. 3. Infarctus médullaire antérieur en IRM-T2 (flèches). À gauche, coupeagittale montrant l’extension de la lésion en hauteur ; à droite, la coupe axialeontre la localisation électivement antérieure de l’infarctus (clichés dus à

’obligeance du Dr Jean-Pierre Guichard, hôpital Lariboisière).

rtères segmentaires, radiculomédullaires, nées des artères ver-ébrales, qui passent dans la partie antérieure du foramen (encoreue ces artères pourraient aussi siéger chez certains individus àa partie postérieure du foramen [29]). En revanche, l’artère cer-icale ascendante (Fig. 5) peut donner une branche spinale, quiénètre dans le foramen C3-4 ou C4-5 à sa partie postérieure etnférieure, et l’artère cervicale profonde (Fig. 5), qui donne enénéral des branches pour le plexus brachial, peut aussi donnere larges branches spinales qui pénètrent la partie postérieureu foramen, juste en arrière de la racine nerveuse, en C5-6,

6-7 ou C7-T1. Ces variations anatomiques sont le plus sou-ent impaires, de sorte qu’un antécédent d’injection foraminaleéussie sans problème n’est pas une garantie d’innocuité pour’injection du côté opposé au même étage cervical [11]. Au cours

ig. 4. Vue axiale schématique des artères spinales antérieure (a) et postérieurep) et de leurs branches intramédullaires.

dnaduillc

2

vodm(lp

litt

ervicale ascendante (a) donne des branches foraminales en C3-4 ou C4-5 ;’artère cervicale profonde (p) donne des branches foraminales en C5-6, C6-7u C7-T1 (v : artère vertébrale).

u placement d’une aiguille dans la partie postérieure, rétro-erveuse, d’un foramen cervical entre C3 et T1, des variationsnatomiques imprévisibles exposent à un risque de piqûre acci-entelle d’une artériole estimé à 7 % [28]. Heureusement, seulene fraction (à notre connaissance non chiffrée) de ces artériolesmprévues contribue à alimenter l’artère spinale antérieure. Danse cas compliqué d’un infarctus médullaire de Brouwers et al.,e patient avait même subi sans difficulté une première injectionortisonée dans le même foramen cervical trois mois plus tôt [8] !

.2.2. L’infarctus cérébelleuxL’infarctus cérébelleux résulte de la piqûre de l’artère

ertébrale, suivie d’une possible embolie médicamenteuse [19]u d’une dissection de la paroi artérielle [10]. Dans l’un de ceseux cas [12], la piqûre accidentelle de l’artère vertébrale a étéise sur le compte d’un trajet artériel anormalement tortueux

Fig. 6), ce qui montre qu’il est indispensable de disposer avante geste d’une imagerie en coupes de la région cervicale afin derévoir les variations anatomiques les plus grossières [16].

À notre connaissance, ces complications graves sont toutes

e fait d’auteurs américains adeptes expérimentés du placementntraforaminal franc de l’aiguille. Initialement, notre propreechnique aussi consistait à venir au contact de l’articulation pos-érieure, puis, par le jeu d’un retrait–réorientation de l’extrémité
Page 5: Injections cortisonées radioguidées du rachis cervical (ce que je fais

M. Wybier / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 755–762 759

Fvfe

dclms2cpHlce[liat5cidpetdddQdllsr

2

c

Fig. 7. Technique sécurisée de l’infiltration foraminale cervicale (d’après 16).(A). Vue oblique sur os sec : l’aiguille (flèches) vient s’appuyer latéralementspd

ejlumapsppncnppcs

ig. 6. Trajet aberrant d’une artère vertébrale. À droite (flèche longue), l’artèreertébrale fait une longue boucle orientée horizontalement dans le grand axe duoramen ; à gauche (tête de flèche), trajet vertical normal de l’artère vertébralen avant du foramen (Cliché dû à l’obligeance du Dr V. Vuillemin).

e l’aiguille, à glisser sur 1 ou 2 mm en avant du massif arti-ulaire au pied du foramen, mais sans chercher, comme dansa technique nord-américaine, à arriver sur la « ligne sagittale

édiane de l’articulation postérieure ». Tous les accidents gravesont survenus avec l’utilisation d’aiguilles à ponction fines, de5G (soit 0,5 mm), sauf dans un cas où l’aiguille n’avait qu’unalibre de 22G [8], encore supérieur cependant à celui que nousréconisons (20G, soit 0,9 mm). Or le travail anatomique deuntoon montre que les artères susceptibles d’être accidentel-

ement croisées sur la route de la partie postérieure du foramenervical ont un diamètre de 0,8 à 1,2 mm et sont donc davantagexposées au cathétérisme accidentel si l’aiguille est trop fine28]. L’injection préalable d’un produit de contraste hydroso-uble non neurotoxique est a priori une sage précaution : destinéenitialement à obtenir l’opacification de l’épinèvre, elle permetussi de vérifier que l’aiguille n’est pas dans un vaisseau, éven-ualité rencontrée dans presque un cas sur cinq d’une série de04 injections foraminales cervicales par Furman et al. [9] ;ependant, cette précaution ne garantit pas contre un accidentschémique grave, puisqu’elle avait été prise dans bon nombrees cas de complications publiés [8,11,12] : l’explication résideeut-être dans la survenue d’un léger déplacement de l’aiguillentre l’injection du produit de contraste et celle du dérivé cor-isoné ; par ailleurs, on se souvient que l’injection d’un produite contraste iodé comporte en elle-même un risque, très rare,e choc cardiovasculaire mortel. L’opacification préalable n’est’ailleurs pas recommandée par tous les auteurs américains.uant à l’aspiration préalable, à faire juste avant d’injecter leérivé cortisoné pour vérifier que du sang ne remonte pas dans’aiguille, sa sensibilité est inférieure à la moitié de celle de’injection d’un produit opaque [9]. Il n’est cependant pas impos-ible que l’embolie médicamenteuse passe par voie veineuseétrograde, à travers les riches plexus veineux de la région.

.3. L’injection juxtaforaminale [16]

Elle vise le bord latéral de l’articulation postérieure, sanshercher à cathétériser le foramen (Fig. 7). Le patient est installé

adrd

ur l’interligne articulaire postérieur. (B). Vue axiale schématique : l’aiguille enlace se situe juste en arrière de l’orifice latéral du foramen, sans cathétériser ceernier.

t préparé comme précédemment. L’aiguille est ici pousséeusqu’au contact osseux du processus articulaire supérieur dea vertèbre inférieure. Ce contact provoque inconstammentn réveil douloureux plus ou moins complet, donc plus ouoins facilement identifiable à la douleur symptomatique. Une

spiration vérifie l’absence de reflux de sang dans l’aiguille,uis on injecte quelques gouttes de produit de contraste iodéous contrôle scopique télévisé permanent, pour écarter laossibilité d’une opacification intravasculaire (Fig. 8); leassage du contraste vers le foramen n’est pas une conditionécessaire à la poursuite du geste. L’opacification du récessusrânial de l’articulation interapophysaire postérieure (Fig. 9)’est pas non plus requise, mais elle est une garantie aosteriori qu’il n’y aura aucun passage intra-vasculaire duroduit thérapeutique ! L’injection du produit opaque, puiselle de l’acétate de prednisolone peuvent éveiller une douleurymptomatique plus ou moins complète (le patient est prévenu,

u fur et à mesure, de toutes les étapes pouvant éveiller uneouleur, afin de lui éviter une inutile inquiétude). Le patienteste sous surveillance médicale pendant environ une heure enécubitus ou semi-décubitus. Il lui est recommandé de porter un
Page 6: Injections cortisonées radioguidées du rachis cervical (ce que je fais

760 M. Wybier / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 755–762

Fig. 8. Technique sécurisée de l’infiltration foraminale cervicale. A. L’aiguilleeoD

c4Mqi

3

3

nd

Fd

Fig. 10. Technique de l’infiltration atlanto-axoïdienne latérale. (A). Arthropa-tdl

st posée contre le massif articulaire postérieur. B. L’injection de contraste iodépacifie un vaisseau cervical profond (flèches) (clichés dus à l’obligeance dur Bassam Hamzé).

ollier cervical et de limiter les mouvements de la tête pendant8 heures pour favoriser le séjour in situ du dérivé cortisoné.alheureusement, notre expérience la plus récente nous suggère

ue cette voie aussi expose à des injections intra-vasculairesmprévisibles.

. Ce que je fais

.1. L’injection atlanto-axoïdienne latérale

Elle est indiquée dans les douleurs (éventuellement uneévralgie d’Arnold) imputées à une arthropathie C1-2 latéraleémontrée par l’imagerie (Fig. 10). Il s’agit, en règle générale,

ig. 9. Technique sécurisée de l’infiltration foraminale cervicale. Opacificationu récessus crânial (flèche) de l’articulation zygapophysaire.

dlrssfvlplllopc

3C

asp

hie évoluée à gauche (flèche noire). L’aiguille (flèche blanche) arrive au contacte l’interligne articulaire par voie ascendante postérieure. (B). Opacification de’interligne articulaire (têtes de flèche).

’une arthrose (qui ne se voit, selon notre expérience, que commee couronnement d’une arthrose postérieure évoluée et étagée duachis cervical inférieur), d’une arthropathie chondrocalcino-ique ou encore rhumatoïde. Sur un patient placé en procubitustrict, en délordose cervicale maximale, la tête appuyée par leront sur la table de radiologie et la bouche grande ouverte, onise le milieu de l’interligne par un abord postérieur parasagittal,e point d’entrée cutané de l’aiguille étant suffisamment bas situéour permettre à cette dernière de monter vers l’interligne articu-aire sans jamais se projeter plus crânialement que lui, ce qui esta garantie de ne jamais croiser l’artère vertébrale (Fig. 11), dont’image a été évidemment préalablement vérifiée sur un scanneru une IRM. La confrontation de l’âge avancé du patient et duositionnement qui lui est demandé sur la table de radiologieonstitue la principale difficulté de ce geste.

.2. L’injection zygapophysaire (articulaire postérieure)2-3

Si l’injection précédente n’apporte pas d’amélioration, lesnastomoses nerveuses postérieures rendent licite l’injectioneconde de l’articulation postérieure C2-3 homolatérale. Laosition du patient est analogue à la précédente, avec cependant

Page 7: Injections cortisonées radioguidées du rachis cervical (ce que je fais

M. Wybier / Revue du Rhumati

Fig. 11. Représentation schématique de la zone de sécurité dans l’abord percu-tané de l’interligne articulaire atlanto-axoïdien latéral, au regard de la situationde l’artère vertébrale (têtes de flèches).

Fpe

mgvpdlglqAmr

4

s

«ncqcmtePddeldm

R

ÉrdcrpgS

R

[

[a complication of CT-guided transforaminal cervical nerve root block.

ig. 12. Représentation schématique de l’abord percutané de l’interligne zyga-ophysaire au rachis cervical inférieur. L’aiguille est représentée par la flèche ;lle vise le récessus articulaire caudal (rond noir inférieur).

oins de rigueur dans la délordose cervicale et la possibilité dearder la bouche fermée. Selon un trajet ascendant, l’aiguilleise le pied de l’interligne articulaire (Fig. 12), l’injection desremières gouttes de contraste permettant de silhouetter immé-iatement le récessus crânial de l’articulation. La progression de’aiguille dans un plan parasagittal suffisamment médial est unearantie certaine contre la piqûre de l’artère vertébrale. Quant àa pénétration accidentelle dans le canal médullaire, elle est prati-uement impossible, notamment à ce niveau du rachis cervical.u rachis cervical inférieur, cette voie intra-articulaire stricteérite d’être proposée aussi pour le traitement de la névralgie

ebelle.

. Conclusion

Les injections cortisonées radioguidées du rachis cervicalont quotidiennement pratiquées en France, sur la base d’un

[

sme 75 (2008) 755–762 761

consensus professionnel fort », selon la terminologie admi-istrative. Elles sont une des réponses thérapeutiques à laervicalgie ou à la cervicoradiculalgie communes, symptômesue leur fréquence fait peser sur l’économie de la santé. Desomplications très rares, mais très graves se sont fait jour, notam-ent au cours des injections foraminales strictes. L’exigence de

ransparence à l’égard des patients impose une confrontationntre le risque encouru et l’espérance de bénéfice thérapeutique.our chiffrer cette dernière, les sociétés savantes concernéesoivent obtenir de la tutelle financière la possibilité de meneres études selon les normes scientifiques en vigueur. Notrexpérience nous a appris que le caractère subjectif de la dou-eur, notamment radiculaire, du patient mais aussi de son mode’évaluation par le clinicien constitue la principale difficultééthodologique à laquelle est exposé ce projet.

emerciements

L’auteur remercie M. Dominique Torreilles, directeur desditions Sauramps-médical (Montpellier), qui a autorisé la

eproduction de larges extraits et des illustrations de l’articlee l’auteur « Injections cortisonées radioguidées des foramenservicaux comme traitement de la névralgie cervicobrachialeebelle. Indications, techniques, résultats et complications »,ublié dans le numéro 9 de la collection Savoir Faire en Radiolo-ie Ostéoarticulaire, (coordonné par J.-D. Larédo et M. Wybier),auramps-médical, Montpellier, 2007, pp. 143–50.

éférences

[1] Watanabe AT, Nishimura E, Garris JK. Image-guided epidural steroid injec-tions. Tech Vasc Interv Radiol 2002;5:186–93.

[2] Stub W, Stainken B. Non-surgical treatment for reducing neck pain. IntervNews 2007;27:8.

[3] Smith GW, Nichols P. The technique of cervical discography. Radiology1957;68:718–20.

[4] Hodges SD, Castleberg RL, Miller T, et al. Cervical epidural steroidinjection with intrinsic spinal cord damage: two case reports. Spine1998;23:2137–40.

[5] Chazerain P, Thomas P. Revue critique des infiltrations cortisoniques durachis cervical. In: « Imagerie du Rachis Cervical », Opus XXVII duGETROA, Sauramps-médical Éd., Montpellier, 2000, pp. 175–84.

[6] Kaplan PA, Dussault RG. Image-guided selective nerve blocks in the spine.Semin Musculoskelet Radiol 1997;1:231–40.

[7] Baker R, Dreyfuss P, Mercer S, et al. Cervical transforaminal injection ofcorticosteroids into a radicular artery: a possible mechanism for spinal cordinjury. Pain 2003;103:211–5.

[8] Brouwers PJ, Kottink EJ, Simon MA, et al. A cervical anterior spinalartery syndrome after diagnostic blockade of the right C6-nerve root. Pain2001;91:397–9.

[9] Furman MB, Giovanniello MT, O’Brien EM. Incidence of intravas-cular penetration in transforaminal epidural injections. Spine 2003;28:21–5.

10] Rozin L, Rozin R, Koehler SA, et al. Death during transforaminal epiduralsteroid nerve root block (C7) due to perforation of the left vertebral artery.Am J Forensic Med Pathol 2003;24:351–5.

11] Suresh S, Berman J, Connel DA. Cerebellar and brainstem infarction as

Skeletal Radiol 2007;36:449–52.12] Tiso RL, Cutler T, Catania JA, et al. Adversecentral nervous system seque-

lae after selective transforaminal block: the role of corticosteroids. Spine J2004;4:468–74.

Page 8: Injections cortisonées radioguidées du rachis cervical (ce que je fais

7 umati

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

62 M. Wybier / Revue du Rh

13] Rathmel JP, Aprill C, Bogduk N. Cervical transforaminal injection of ste-roids. Anesthesiology 2004;100:1595–600.

14] Berger O, Dousset V, Delmer O, et al. Évaluation de l’efficacité des infil-trations foraminales de corticoïdes guidées sous tomodensitométrie dansle traitement des radiculagies par conflit foraminal. J Radiol 1999;80:917–25.

15] Bush K, Hillier S. Outcome of cervical radiculopathy treated with per-iradicular/epidural corticosteroid injections: a prospective study withindependent clinical review. Eur Spine 1996;5:19–35.

16] Mathieu, P, Morvan G, Wybier M, et al. Efficacité des infiltrations fora-minales cervicales radioguidées. In: « Imagerie du Rachis Cervical »,Opus XXVII du GETROA, Sauramps-médical Éd., Montpellier, 2000, pp.103–11.

17] Slipman CW, Lipetz JS, Jackson HB, et al. Therapeutic selective nerve rootblock in the nonsurgical management of atraumatic cervical spondyliticradicular pain: a retrospective analysis with independent clinical review.Arch Phys Med Rehabil 2000;81:741–6.

18] Strobel K, Pfirrmann CW, Schmid M, et al. Cervical nerve rootblocks: indications and role of MR imaging. Radiology 2004;233:87–92.

19] Vallee JN, Feydy A, Carlier RY, et al. Chronic cervical radiculopa-thy: lateral approach periradicular corticosteroid injection. Radiology2001;218:886–92.

20] Ellenberg MR, Honet JC, Treanor WJ. Cervical radiculopathy. Arch PhysMed Rehabil 1994;75:342–52.

[

[

sme 75 (2008) 755–762

21] Cyteval C, Thomas E, Decoux E, Sarrabere MP, et al. Cervical radiculopa-thy: open study on percutaneous periradicular foraminal steroid infiltrationperformed under CT control in 30 patients. AJNR 2004;25:441–5.

22] Huston CW, Slipman CW, Garvin C. Complications and side effects ofcervical and lumbosacral selective nerve root injections. Arch Phys MedRehabil 2005;86:277–83.

23] Slipman CW, Plastaras CT, Palmitier RA, et al. Symptom provocationof fluoroscopically guided cervical nerve root stimulation: are dynatomalmaps identical to dermatomal maps ? Spine 1998;23:2235–42.

24] Ludwig MA, Burns SP. Spinal cord infarction following cervical transfo-raminal epidural injection. Spine 2005;30:266–8.

25] Lavie F, Rozenberg S, Bourgeois P. Complications sévères au décoursd’infiltrations rachidiennes de corticoïdes. In: « L’Actualité Rhumatolo-gique 2002 », sous la direction de MF Kahn, D Kuntz, O Meyer, T Bardin,P Orcel. Elsevier Éd., Paris, 2002, pp. 293–30.

26] Suh DC, Kim SJ, Jung SM, et al. MRI in presumed cervical spinal arteryterritory infarcts. Neuroradiology 1996;47:321–30.

27] Sheehy NP, Boyle GE, Meaney JFM. Normal anterior spinal arterieswithin the cervical region: high-spatial-resolution contrast-enhanced three-dimensional MR angiography. Radiology 2005;236:637–41.

28] Huntoon MA. Anatomy of the cervical intervertebral foramina: vulne-rable arteries and ischemic neurologic injuries after transforaminal epiduralinjections. Pain 2005;117:104–11.

29] Crock HV. An atlas of vascular anatomy of the skeleton and spinal cord.London: Martin Duntz; 1996. pp. 31–32.