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MASTER SCIENCES DE LA MATIÈRE Stage 2014–2015 École Normale Supérieure de Lyon Charles-Edouard LECOMTE Université Claude Bernard Lyon I M2 Physique Instabilité washboard : formation de rides mécaniques sur un lit de sable Résumé : Nous avons étudié au cours de ce stage l’instabilité de tôle ondulée, c’est-à-dire la for- mation de rides sur un lit de sable à la suite du passage répété de véhicules. Nous présenterons dans un premier temps le contexte de l’étude puis les méthodes expérimentales et numériques que j’ai développées durant ce stage pour l’étude du phénomène. Nous présenterons ensuite les résultats obtenus dans le cas d’un milieu granulaire sec. Au-delà d’une vitesse critique, des modes instables se développent exponentiellement aboutissant à la saturation de ces rides et à un régime stationnaire. Puis nous mettrons ces résultats en lien avec ceux obtenus pour un milieu granulaire humide donc cohésif. Une expérience simple de rhéologie nous permettra de caractériser la cohésion au sein de ces milieux granulaires. Nous verrons alors que la cohésion abaisse la vitesse critique de l’instabilité. L’ajout de cohésion semble accélérer la formation des rides dans les expériences, alors qu’elle la ralentit dans les simulations numériques. Ces der- nières observations seront précisées dans la thèse qui commencera en septembre prochain. Mots-clés : instabilité, milieux granulaires, phénomènes nonlinéaires, rides Stage encadré par : Nicolas Taberlet [email protected] / Tel. 04 72 72 85 32 Laboratoire de Physique de l’ENS de Lyon 46, allée d’Italie 69007 LYON www.ens-lyon.eu Avril à juillet 2015

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MASTER SCIENCES DE LA MATIÈRE Stage 2014–2015École Normale Supérieure de Lyon Charles-Edouard LECOMTEUniversité Claude Bernard Lyon I M2 Physique

Instabilité washboard : formation de rides mécaniquessur un lit de sable

Résumé : Nous avons étudié au cours de ce stage l’instabilité de tôle ondulée, c’est-à-dire la for-mation de rides sur un lit de sable à la suite du passage répété de véhicules. Nous présenteronsdans un premier temps le contexte de l’étude puis les méthodes expérimentales et numériquesque j’ai développées durant ce stage pour l’étude du phénomène. Nous présenterons ensuiteles résultats obtenus dans le cas d’un milieu granulaire sec. Au-delà d’une vitesse critique, desmodes instables se développent exponentiellement aboutissant à la saturation de ces rides età un régime stationnaire. Puis nous mettrons ces résultats en lien avec ceux obtenus pour unmilieu granulaire humide donc cohésif. Une expérience simple de rhéologie nous permettra decaractériser la cohésion au sein de ces milieux granulaires. Nous verrons alors que la cohésionabaisse la vitesse critique de l’instabilité. L’ajout de cohésion semble accélérer la formation desrides dans les expériences, alors qu’elle la ralentit dans les simulations numériques. Ces der-nières observations seront précisées dans la thèse qui commencera en septembre prochain.

Mots-clés : instabilité, milieux granulaires, phénomènes nonlinéaires, rides

Stage encadré par :Nicolas [email protected] / Tel. 04 72 72 85 32Laboratoire de Physique de l’ENS de Lyon46, allée d’Italie69007 LYON

www.ens-lyon.eu

Avril à juillet 2015

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Avant-propos

Le projet de ce stage de quatre mois effectué sous la direction de Nicolas Taberlet a eu pour but d’étudierl’instabilité de tôle ondulée (ou instabilité washboard). Ce travail est un préparatif à la thèse que je com-mencerai en septembre 2015.Un des principaux travaux a été le remontage complet du dispositif expérimental – celui-ci est décrit dansla partie 2.1 –, ainsi que la prise en main et l’écriture de routines dans une simulation de dynamique mo-léculaire – le code est décrit dans la partie 2.2–. Les résultats obtenus ensuite sont présentés dans la partie3.

Remerciements

Je tiens à remercier les nombreuses personnes qui ont fait en sorte que ce stage de M2 soit le plus instructifet le plus agréable à vivre. Je souhaite d’abord remercier mon maître de stage et futur directeur de thèse, Ni-colas Taberlet. Il m’aura laissé une grande liberté tout en me guidant et en supervisant régulièrement et effi-cacement mon travail. Je le remercie également pour la relecture de ce rapport. Je remercie également toutel’équipe technique, l’atelier d’électronique et le service informatique du Laboratoire de physique, pour êtretoujours disponible et efficace dès que j’avais besoin d’un renseignement ou de matériel. Merci enfin à toutle laboratoire de physique, les doctorants, post-doctorants, stagiaires, et autres compagnons de pause-café,pour m’avoir si bien accueilli. J’espère passer trois ans de thèse aussi agréables et conviviaux que ces quatremois de stage.

Table des matières

1 Introduction 11.1 Milieux granulaires et instabilités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.2 Instabilité de tôle ondulée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.3 Instabilité de tôle ondulée : état de l’art . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2

2 Méthodes expérimentales et numériques 32.1 Méthodes expérimentales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32.2 Méthodes numériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

2.2.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52.2.2 Algorithme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52.2.3 Détection des collisions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52.2.4 Modèles de force . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62.2.5 Méthode de Verlet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72.2.6 Cas des simulations de tôle ondulée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

3 Résultats expérimentaux et numériques 83.1 Principaux problèmes expérimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83.2 Instabilité de tôle ondulée sur un milieu granulaire sec . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93.3 Instabilité de tôle ondulée sur un milieu granulaire humide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

3.3.1 Présentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143.3.2 Rhéologie des milieux granulaires humides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143.3.3 Instabilité de tôle ondulée sur un milieu granulaire humide . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

A Diagrammes spatio-temporels dans les simulations 23

B Évolution de la vitesse au cours du temps 24

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1 Introduction

1.1 Milieux granulaires et instabilités

Milieu granulaire On appelle milieu granulaire un ensemble de particules solides dont la taille est typi-quement supérieure à 100µm [BR70, GT94]. Dans ces conditions, les interactions de Van der Waals ainsi quel’agitation thermique sont négligeables [RSS89]. Les milieux granulaires sont très divers et on les rencontredans de nombreuses situations : agroalimentaire (céréales), industrie (béton, activité minière, compriméspharmaceutiques), écoulements géologiques... [Bat06, Dur97]

La physique des milieux granulaires suscite un très vif intérêt depuis une trentaine d’année [AFP11], tantpour l’ingénieur que pour le physicien. En effet, bien que la dynamique à l’échelle du grain soit bien com-prise (collisions inélastiques, frottement solide) et qu’elle soit régie par les lois de la mécanique classique,le grand nombre de grains (de l’ordre d’un million dans une poignée de sable fin) complique beaucoup leurdescription. Ainsi, un milieu granulaire peut se comporter comme un solide (tas de sable à l’équilibre), unliquide (avalanche) ou un gaz (lit fluidisé par exemple).

Instabilités Si le comportement statique (empilement, compaction) ainsi que la dynamique (écoulements,avalanches) d’un milieu granulaire est un sujet de recherche actif, il peut également être intéressant d’étu-dier l’interaction d’un milieu granulaire avec un fluide, ou avec un solide en mouvement. Cette interactiondonne lieu à des comportements très riches et notamment à des instabilités : dunes, bancs de sable, ridessous-marines. Ces phénomènes posent le problème du cisaillement du milieu granulaire et/ou du transportde grains par le fluide.

De nombreuses études se sont intéressées à la formation des dunes, qu’elles soient expérimentales[ACD02a, RSW04, Her04], numériques [NYA05, HAS+05] ou analytiques [Blo90, VR99, RB01, ACD02b, CMA02,Lan05, LV05]. Ainsi, le mécanisme a été identifié par l’étude du transport à l’interface fluide/grain. Il a no-tamment été mis en évidence que ces rides ne se forment qu’au dessus d’une certaine vitesse critique dufluide. Un autre comportement bien connu est que les rides avancent dans le sens de l’écoulement du fluide,posant des problèmes matériels aux villes situées à proximité des grands déserts.

1.2 Instabilité de tôle ondulée

L’apparition de rides à la surface de sable n’est pas réservée à l’interaction d’un milieu granulaire avecun fluide. On observe en effet que, sur les pistes en sable ou en gravier, le passage répété des véhiculesentraîne la formation de rides à la surface de la piste. Ce phénomène est qualifié de "tôle ondulée" ou de"washboard road". Comme on le voit sur la photographie ci-dessous, on observe un motif régulier de ridestransverses à la piste qui s’étend sur toute sa longueur. La hauteur des rides atteint typiquement une dizainede centimètres et sa longueur d’onde est comprise entre 30 cm et 1 m. Cette longueur d’onde dépend de

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la vitesse des voitures, de leurs masses et de différentes caractéristiques mécaniques (pression des pneus,amortisseurs, etc.). Il a également été observé que ces rides peuvent se déplacer le long de la piste, dansle sens de la circulation ou dans le sens inverse. Rouler sur ce type de route est très gênant et peut en-dommager les véhicules. Une stratégie consiste alors à rouler suffisamment vite pour flotter sur les rides.Cependant, l’adhérence est considérablement diminuée dans ces conditions. Pour l’instant, le seul moyende s’en débarrasser est d’utiliser un bulldozer pour aplanir la piste.

Au-delà des aspects pratiques, l’étude de la formation de motifs réguliers constitue un problème intéres-sant pour le physicien. Ce phénomène, s’il présente des analogies avec les rides éoliennes ou sous-marines,est néanmoins différent car le transport se fait de façon totalement différente.

1.3 Instabilité de tôle ondulée : état de l’art

Ce phénomène de tôle ondulée a été étudié expérimentalement dans les années 1960 par Keith Mather[Mat63] à l’université de Melbourne, puis par Riley et Furry [RF73] qui proposèrent par ailleurs une modé-lisation ad hoc du phénomène.

L’étude de l’instabilité ne reprend qu’au début des années 2000, mais les modèles proposées n’étaientpas très convaincants. Puis ce phénomène a été étudié expérimentalement par N. Taberlet et J. McElwaineà l’université de Cambridge. Une expérience analogue a ensuite été montée à Lyon par B. Percier et N. Ta-berlet.

Ils ont mis en évidence qu’il existe une vitesse critique pour le développement de l’instabilité. Ils ontégalement montré que le phénomène était très robuste, que ce soit de par le véhicule (roue libre, rouebloquée, simple patin) ou le type de grain (sable, riz, billes de verre) [TMM07]. Il a également été mis enévidence que cette vitesse critique dépend de la masse M du patin, de sa largeur w et de la densité dusable ρ [BTMM09]. Cette vitesse ne dépend pas de la taille des grains ni de la longueur du patin. La vitessedépendant a priori de l’accélération de la pesanteur g , on peut définir un nombre adimensionné, appelénombre de Froude, défini par :

Fr =v 2

g

ρw

M(1)

On en déduit l’évolution de la vitesse critique :

vc =(

Frc g)1/2

(

M

ρw

)1/4

(2)

Pendant sa thèse [Per13], B. Percier a étudié en détail l’instabilité de tôle ondulée créée par un patin :il a obtenu un diagramme de bifurcation donnant l’amplitude des rides en fonction de la vitesse, mon-trant l’existence d’une vitesse critique. Il a également obtenu les taux de croissance des différents modes enfonction de la vitesse. Ensuite, en se basant sur des mesures de forces de portance et de traînée [PMM+11],et en modélisant le transport du sable par le patin, il a mis au point un modèle de stabilité linéaire ren-dant compte d’une part de l’existence d’une vitesse critique et d’autre part de la longueur d’onde des rides[PMT13]. Dans l’optique d’une modélisation plus réaliste, différentes études ont été entreprises. Il a d’abordétudié l’interaction entre différents patins aux caractéristiques différentes, puis a entrepris des études préli-minaires sur l’étude de l’instabilité de tôle ondulée créée par une roue. Les mesures de forces faites ici n’ontpas permis la réalisation d’un modèle de stabilité linéaire satisfaisant à cause de problèmes expérimentaux.Il a enfin fait des études préliminaires expérimentales et numériques sur l’instabilité de tôle ondulée surun milieu granulaire humide : il est apparu que la vitesse critique diminuait avec la cohésion, mais que letemps d’établissement des rides augmentait.

L’objectif de ce rapport sera d’étudier expérimentalement et numériquement l’instabilité de tôle ondu-lée créée par une roue sur un milieu granulaire sec, puis humide. Nous présenterons dans un premier tempsles méthodes expérimentales et numériques utilisées pour l’étude de l’instabilité de tôle ondulée avant deprésenter les résultats obtenus, d’abord sur un milieu granulaire sec, puis humide.

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2 Méthodes expérimentales et numériques

Au cours de mon stage, j’ai étudié expérimentalement et numériquement l’instabilité de tôle onduléecréée par une roue sur un milieu granulaire sec puis cohésif. Les méthodes utilisées sont exposées danscette partie. Les résultats obtenus par les deux méthodes seront mis en parallèle dans la suite.

2.1 Méthodes expérimentales

Le dispositif expérimental que j’ai utilisé pendant le stage est photographié et schématisé sur la figure1. Il est constitué d’un bac circulaire contenant le sable, de diamètre extérieur égal à 62 cm et d’épaisseur

Moteur

roue

h

D

e

Télémètre

FIGURE 1 – À gauche, schéma très simplifié du dispositif expérimental. La plaque en PVC servant à aplanirle lit n’est pas représentée pour la clarté du schéma. À droite, photographie du dispositif expérimental.

e =7,5 cm. La profondeur du bac h est de 7 cm. Le bac contient environ 7 kg de sable, ce qui correspond àune hauteur de sable située entre 3 et 4 cm.

Le sable utilisé dans toutes les expériences est du sable utilisé pour décaper les façades des bâtiments.Il présente l’avantage d’être tamisé (les grains ont une taille comprise entre 250 et 500 µm) et égalementd’être lavé des poussières.

Un bras est mis en rotation avec un moteur à courant continu couplé à un réducteur (Crouzet 24V, 5Nm,104tr/min) via deux poulies et une courroie crantée. Sur ce bras sont fixés plusieurs éléments :

– Une roue dont l’angle avec le bras est ajusté de façon à ce qu’elle soit tirée orthoradialement sur lapiste.

– Une pièce en PVC qui vient couper une fourche optique fixée au support de l’expérience. L’analysedu signal de la fourche optique laisse apparaître des pics permettant de connaître le temps nécessairepour effectuer chaque tour de piste.

– Un télémètre laser associé à un conducteur ohmique, qui délivre une tension reliée à la hauteur leséparant du lit de grain. L’étalonnage du télémètre laser est représentée sur la figure 2. Le télémètreétant en rotation, le signal électrique est récupéré au moyen d’un collecteur rotatif.

– Une plaque de PVC dont la hauteur est réglable grâce à un pas de vis, pour niveler et aplanir le lit desable.

Les signaux issus du télémètre et de la fourche optique sont récupérés sur une carte d’acquisition NI6259pilotée par un programme que j’ai réalisé avec le logiciel Labview.

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50 60 70 80 90 100 110 120 130 140

0.8

1

1.2

1.4

1.6

1.8

2

2.2

Tension(V

)

Distance a l’obstacle (mm)

FIGURE 2 – Droite d’étalonnage du télémètre laser : la hauteur séparant le télémètre de l’obstacle est mesu-rée au pied à coulisse, l’incertitude retenue étant celle sur le placement de ce dernier (0.5 mm). La tensionest mesurée au moyen d’un multimètre, l’incertitude étant celle donnée dans le manuel (0.8% + 1 digit).

La vitesse de rotation d’une machine à courant continu dépendant du couple appliqué, il a été néces-saire de faire un asservissement de vitesse. Le principe est le suivant :

– On récupère sur le logiciel Labview le temps nécessaire pour faire un tour par l’analyse du signal issude la fourche optique.

– On corrige en conséquence la tension de consigne délivrée par la carte d’acquisition. Cette tension deconsigne commande un générateur DC (Isotech IPS303DD) qui alimente le moteur CC.

Travail effectué – Baptiste Percier avait conçu pendant les derniers mois de sa thèse un montage pour desétudes préliminaires sur les milieux granulaires humides. Cependant, il comportait plusieurs défauts et nousl’avons entièrement remonté durant la première moitié de mon stage.

Tout d’abord, la cuve circulaire contenant les grains était plus petite et plus fine : nous en avons conçuune autre plus grande et plus large. Cela permet d’éviter la formation de bourrelets de grains humides seformant le long des parois, qui, lorsqu’ils s’écroulent, perturbent la dynamique de la roue et l’instabilité.Agrandir la piste permet de réduire le confinement et élargit donc la plage des longueurs d’onde possibles.La cuve que j’ai fabriquée était également plus haute pour éviter la perte de grains par débordement desbourrelets.

Le bras supportant la roue et le télémètre laser était à l’origine mû par un moteur pas à pas. L’utilisationde ce moteur facilitait le contrôle de la vitesse à l’échelle du pas, mais posait des désagréments sonoresd’une part, et la commande de celui-ci par un logiciel Labview était difficile. Nous l’avons donc remplacépar un moteur à courant continu, nécessitant l’asservissement décrit préalablement.

Nous avons également démonté et remonté entièrement le collecteur rotatif afin de minimiser le frot-tement à son niveau d’une part, et de pouvoir utiliser les douze pistes possibles d’autre part (seuls troisfonctionnaient encore à mon arrivée en stage).

Le support de la roue a également été modifiée pour que la roue soit tirée orthoradialement sur la piste.

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Nous avons également entièrement modifié le principe de détection du passage d’un tour avec la fourcheoptique.

J’ai enfin conçu et fabriqué le dispositif permettant d’aplanir et de lisser le lit de sable.

2.2 Méthodes numériques

2.2.1 Introduction

Grâce à la montée en puissance des capacités de calcul des ordinateurs, les simulations numériques ap-portent un nouveau moyen d’étude de nombreux phénomènes. Elles permettent de contrôler parfaitementles paramètres expérimentaux, mais également d’avoir accès à des grandeurs physiques inaccessibles ex-périmentalement. Il existe de très nombreuses méthodes de simulation numérique de milieux granulaires(automates cellulaires, dynamique moléculaire) [Wol96]. Ici, l’approche consiste à résoudre les équationsfondamentales de la physique appliquées à chaque grain dans le but de calculer explicitement leurs trajec-toires individuelles. Ces simulations nécessitent de considérer chaque grain de façon individuelle, et sontainsi nommées méthodes d’éléments discrets (discrete element methods, DEM). On utilise ici un code dedynamique moléculaire de sphères molles à deux dimensions [AT87] : pour chaque grain, on calcule lesdifférentes forces et couples qu’il subit de la part des autres grains et de la roue, et on intègre ensuite leséquations du mouvement.

2.2.2 Algorithme

On se donne N particules, numérotées par un indice i variant de 1 à N . La simulation se fait à deuxdimensions : les disques sont placés dans un plan de dimensions L ×H . On note

(

xi , yi)

leur position et ri

leur rayon. On note mi = ρπr 2i leur masse.

1. Pour chaque particule i , on détermine les forces ~Fi et les moments~Γi auxquels elle est soumise.

2. Le principe fondamental de la dynamique ainsi que le théorème du moment cinétique sont intégréssur un temps dt , qui doit être petit devant le temps typique de variation des forces. Nous reviendronssur ce point dans la suite.

3. Les nouvelles positions et vitesses remplacent les anciennes, et on incrémente le temps de dt .

On répète ces trois étapes autant de fois que nécessaire, pour que le système évolue jusqu’à l’état souhaité.

2.2.3 Détection des collisions

Dans une simulation de dynamique moléculaire, les interactions n’impliquent que des particules encontact. Une manière naïve de détecter les collisions entre deux grains i et j est de calculer pour chaque

paire la distance les séparant, c’est-à-dire√

(

xi −x j)2 +

(

yi − y j)2 et de la comparer à la somme des rayons

des deux particules ri + r j . Cependant, cette méthode est très coûteuse en temps de calcul puisqu’elle im-plique de calculer N 2 distances. Or, on sait qu’un grain est en contact au plus avec 6 autres (à 2D) : l’essentieldes calculs réalisés est donc inutile.

On va donc utiliser une méthode plus subtile pour gagner en temps de calcul : la méthode des cellulesliées. Pour ce faire, on définit une grille, on note grid son pas. Le pas de la grille est choisi de telle manièreque, si deux grains sont en contact, leurs centres sont situés soit dans la même cellule, soit dans deux cellulesadjacentes. Il s’agit maintenant de repérer quels grains sont présents au voisinage du grain considéré. Onprocède pour ce faire de la façon suivante :

– On crée un tableau à deux dimensions HoC[Nx ][

Ny]

(pour head of cell). Nx et Ny désignent le nombrede cellules dans les directions x et y . On initialise ce tableau à 0. On crée également une liste à unedimension list_link[N ], initialisée également à 0.

– Pour chaque grain, on identifie la cellule dans laquelle il se trouve. Pour cela, il suffit de prendre lapartie entière de xi /grid et de yi /grid.

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– On attribue à list_link[i ] la valeur précédemment contenue dans HoC[

E(

xigrid

)][

E(

yi

grid

)]

puis i à

HoC[

E(

xigrid

)][

E(

yi

grid

)]

.

Pour obtenir la liste des grains présents dans une case (nx ,ny ) de la grille, on regarde la valeur deHoC[nx ][

ny]

.Si c’est 0, il n’y a pas de grain, si c’est i , le grain i est dans la cellule. On déroule ensuite la liste list_link[i ]

pour trouver les autres particules présentes dans la case. On effectue alors le test√

(

xi −x j)2 +

(

yi − y j)2 <

ri + r j sur les particules présentes dans la cellule et dans les cellules voisines.Maintenant que les collisions sont détectées, il s’agit de calculer les forces s’exerçant entre les grains.

2.2.4 Modèles de force

Force élastique Pour modéliser la répulsion entre deux disques, on utilise la théorie de l’élasticité linéaire.Si deux grains (à deux dimensions) sont en contact, ils subissent une force de répulsion que l’on peut écriresous la forme :

F =−kδ

Il s’agit de la loi de Hertz dans le cas de deux disques. Nous avons en outre choisi une raideur k indépendantedu rayon. On prend également en compte de façon empirique la dissipation lors de la collision par l’ajoutd’un frottement visqueux de la forme −γδ. Il est possible de prendre en compte la dissipation autrement,en prenant par exemple des valeurs de la constante d’élasticité k différentes dans le cas d’une compressionou d’une détente, ou encore sous la forme −γδδ. Ces différentes méthodes sont détaillées dans [SDW96].Lors d’un choc, l’équation du mouvement est donc :

mδ+γδ+kδ= 0 (3)

À condition que γ ne soit pas trop grand, on peut montrer que la collision dure :

∆tcoll =π

m

k

1√

1− γ2

4km

(4)

et que le coefficient de restitution des grains vaut par conséquent :

e = exp(

−γ

2m∆tcoll

)

= exp

−π

2

1√

kmγ2 − 1

4

(5)

On constate que la durée d’une collision ne dépend pas de la vitesse des particules avant le choc : ceciprésente un avantage numérique important. En effet, on obtient une limite pour l’incrément de temps va-lable pour toutes les collisions : il faut que dt ≪∆tcoll.

Force de frottement On utilise les lois de frottement d’Ammontons-Coulomb.– Partant du repos, il faut que la norme de la réaction tangentielle

∣ ~RT∣

∣ atteigne µs∣

∣ ~RN∣

∣, pour mettre enmouvement un grain par rapport à l’autre ( ~RN est la réaction normale). En l’absence de glissement, laréaction tangentielle est a priori indéterminée. Seule l’inégalité

∣ ~RT∣

∣≤µs∣

∣ ~RN∣

∣ est vérifiée.– Lorsqu’il y a glissement,

∣ ~RT∣

∣=µd

∣ ~RN∣

∣.On prendra les coefficients de frottement statique et dynamique égaux : µs = µd ≡ µ. Il est alors facile decalculer la force de frottement lorsqu’il y a glissement. En revanche, si la vitesse de glissement est nulle, laforce est indéterminée. On utilise alors un modèle empirique pour régulariser la loi de Coulomb [CS79].

|Rt | = min(

‖kt ut‖ ,∥

∥µRN∥

)

(6)

ut désigne le déplacement tangentiel d’un grain par rapport à l’autre, et kt est la constante de raideur asso-ciée. L’avantage de ce modèle réside dans le fait que la force de frottement dépend de l’histoire du contact,et que la force est non nulle dans le cas d’un frottement presque statique.

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2.2.5 Méthode de Verlet

Connaissant maintenant toutes les forces agissant sur un grain donné, il faut intégrer les équations dumouvement pour chaque grain ainsi que pour la roue. On peut penser d’abord à la méthode d’Euler, maiselle est peu pertinente pour obtenir la position à partir des forces (donc de l’accélération) puisque l’erreurcommise est en dt 2. On utilise alors la méthode de Verlet, dont le principe est le suivant. On a :

r (t −dt )= r (t )−dt∂r

∂t+

dt 2

2

∂2r

∂t 2−

dt 3

6

∂3r

∂t 3+O (dt 4)

r (t +dt )= r (t )+dt∂r

∂t+

dt 2

2

∂2r

∂t 2+

dt 3

6

∂3r

∂t 3+O (dt 4)

Ainsi :

r (t +dt )+ r (t −dt )−2r (t ) = dt 2∂2r

∂t 2+O (dt 4)

L’erreur commise est donc de l’ordre de dt 4. On doit en contrepartie stocker les valeurs de r en t et en t −dt .On procède donc ainsi pour le calcul de la position :

rnouveau = 2r − rancien +F

mdt 2

rancien = r

r = rnouveau

(7)

2.2.6 Cas des simulations de tôle ondulée

Afin de simuler le passage répété de la roue sur la piste, on impose des conditions aux limites pério-diques : les grains sortant d’un côté de la piste sont réintroduits de l’autre. Les grains aux extrémités de lapiste peuvent être en contact avec ceux de l’autre extrémité : cela est pris en compte dans le processus dedétection des contacts.

L’état initial est créé en positionnant les grains sur un réseau carré avec un léger bruit dans leur posi-tion. On laisse ensuite relaxer l’ensemble sous son propre poids. Afin d’éviter toute cristallisation, les grainssont légèrement polydisperses : leur rayon est distribué de façon aléatoire et uniforme autour de 0.8 et 1.2.Le fond de la piste est constitué d’une couche de grain maintenue à une altitude nulle (les équations dumouvement ne sont pas intégrés pour cette couche).

La roue utilisée est simplement un grain de taille plus grande et de masse plus importante que les autresgrains. Son rayon est de 12.5 fois celui d’un grain et sa masse 125 fois celle d’un grain. Sa masse volumiqueest beaucoup plus faible que celle des grains pour éviter qu’elle ne s’enfonce dans le sable. La roue est traitéeà part dans le processus de détection des collisions du fait de sa taille.

On enregistre alors tous les 50 pas de temps la position de la roue, sa vitesse, les forces et le moment exer-cés sur elle, et le nombre de grain en contact avec cette dernière. Dès que la roue fait un tour, on enregistrele profil du lit de grain.

Le but de ces simulations n’est pas de reproduire quantitativement les résultats expérimentaux, maisde fournir un autre outil d’analyse du phénomène. On peut également tester certaines hypothèses et avoiraccès à des grandeurs inaccessibles expérimentalement.

Travail effectué – L’architecture du code en C existait déjà avant, elle a été mise au point pendant la thèsede Nicolas Taberlet pour l’étude d’écoulements gravitaires de grains. Elle a été reprise par Baptiste Percieret Nicolas Taberlet pour l’étude de l’instabilité washboard, ajoutant les spécificités décrites plus haut.

Pendant mon stage, toutes les grandeurs du code ont été adimensionnées (le diamètre moyen des grains,leur masse et l’accélération de la pesanteur ont été pris égaux à 1).

J’ai rajouté une routine enregistrant la hauteur moyenne des grains ainsi que le nombre de grains dansune colonne de largeur 1. Ceci permet d’enregistrer directement la hauteur du lit de grains, à la différencede la roue qui peut décoller de la piste.

7

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3 Résultats expérimentaux et numériques

3.1 Principaux problèmes expérimentaux

Une première difficulté rencontrée lors de nos mesures expérimentales est le problème de la compac-tion. En effet, la rhéologie du sable en dépend fortement. En décompactant le lit entre chaque acquisition,les mesures montraient un fort manque de reproductibilité.

La figure 3 montre la hauteur moyenne du lit de sable en fonction du nombre de tours effectués aprèsavoir décompacté manuellement le lit de sable : on constate aux premiers tours une compaction rapide dulit de sable d’environ 5%.

0 50 100 15039

39.5

40

40.5

41

41.5

42

Nombre de tours n

Hau

teurdulith(enmm)

FIGURE 3 – Évolution de la hauteur de sable mesurée au moyen du télémètre laser en fonction du nombrede tours effectués sur la piste. On observe une forte compaction dès les premiers tours avant d’atteindre unrégime stationnaire.

On remarque également que cette courbe de compaction présente de fortes analogies avec [RND+05].L’évolution n’est pas surprenante : plus l’empilement est compact, plus la probabilité de gagner encore enfraction volumique est faible, d’où la saturation de la hauteur de sable. Il est complexe de modéliser cettecompaction : elle dépend de nombreux facteurs : taille du récipient, forme des grains, sollicitation due à laroue. On essayera simplement dans la suite de préparer un état du lit de sable qui soit reproductible.

Dans toute la suite, le protocole adopté sera le suivant :– Après chaque acquisition, on décompacte manuellement le lit de sable.– On aplanit le lit à l’aide de la plaque en PVC conçue pour.– On laisse tourner la roue à une vitesse bien inférieure à la vitesse critique pendant 150 tours (seuil

choisi arbitrairement).La dernière phase présente également l’avantage d’éliminer la plupart des modes de petites longueurs

d’onde qui ont pu être créés à la suite d’un dépôt imparfait du sable lors de la phase d’aplanissement du lit.On observe par ailleurs dans les simulations numériques une faible compaction du lit de grain, comme

le montre la figure 4. Elle est cependant relativement plus faible car le nombre de grains moyen sur la hau-teur n’est que d’une vingtaine dans les simulations, contre quelques milliers expérimentalement.

Comme nous le verrons plus tard, la cohésion entre les grains modifie significativement les propriétésde l’instabilité de tôle ondulée. Une première source possible de cohésion entre les grains est l’humidité del’air. En effet, la vapeur se condensant facilement sur les aspérités des grains, il peut s’établir des ponts ca-pillaires assurant une faible cohésion entre les grains. Ne pouvant atteindre un niveau d’hygrométrie nul, les

8

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0 50 100 150 200 250

10.83

10.84

10.85

10.86

10.87

10.88

10.89

10.9

Nombre de tours n

Hauteurdulith(adim

ensionnee)

FIGURE 4 – Évolution de la hauteur moyenne du lit de grains en fonction du nombre de tours effectués surla piste dans les simulations numériques. On observe une légère compaction pendant les premiers toursavant d’atteindre un régime stationnaire.

mesures faites ici pour un milieu granulaire sec sont faites à un taux d’hygrométrie à peu près constant entreles acquisitions, assez faible, entre 29% et 31%. Ce taux d’humidité a été mesuré au moyen d’un hygromètrecommercial, dont l’incertitude relative est, selon le fabriquant, de 5%, correspondant à une incertitude ab-solue de 1 à 2 % d’hygrométrie.

3.2 Instabilité de tôle ondulée sur un milieu granulaire sec

Dans les études expérimentales qui vont suivre, la roue est tirée sur la piste de sable à une vitesse vconstante. Dans les simulations numériques, la vitesse de la roue est imposée à chaque pas de temps etcelle-ci reste constante tout au long de la simulation.

Pour représenter l’évolution du profil de la piste au cours du temps, on utilise un diagramme spatio-temporel : un exemple est représenté à la figure 5. On représente en abscisse la position sur la piste, et enordonnée le nombre de tours effectués : la couleur traduit alors la hauteur du sable au tour N à la positionx, la couleur bleue correspondant aux valeurs les plus basses, la couleur rouge aux valeurs les plus impor-tantes. Pour réaliser un tel diagramme, il suffit de découper le signal issu du télémètre laser pour chaquetour (grâce au signal issu de la fourche optique).

Ensuite, pour caractériser la tôle ondulée, en particulier la transition route lisse/route ondulée, ainsique l’amplitude des rides formées, on calcule pour chaque tour l’écart-type du profil de hauteur, donnant

l’amplitude A =p

2×√

i(

yi − y)2, si le profil est sinusoïdal et uniformément réparti sur la piste.

Observations qualitatives La figure 5 représente le diagramme spatio-temporel ainsi que l’amplitude enfonction du nombre de tours effectués sur la piste, pour une vitesse de la roue égale à 1,15 m.s−1. On observeplusieurs phases dans le développement de l’instabilité :

1. On observe dans un premier temps un développement exponentiel de l’instabilité. Cette phase duresur la figure jusqu’au tour n°500 environ.

2. Une fois que l’amplitude totale des rides devient suffisamment importante, la roue décolle de la piste.S’en suit alors une forte augmentation de l’amplitude localement, avant que ces rides de grande am-

9

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0 500 1000 1500 20000

2

4

6

8

10

12

Nombre de tours n

Ecart-type(enmm)

FIGURE 5 – À gauche, on représente le diagramme spatio-temporel de la piste, l’amplitude étant en mm,l’abscisse en m et l’ordonnée indiquant le nombre de tours effectués. L’aspect non lisse provient des légèresvariations de la vitesse. À droite, on représente l’amplitude en mm (

p2 fois l’écart-type). La vitesse de la

roue est de 1.15 m.s−1.

plitude n’envahissent toute la piste (croissance linéaire de l’écart-type). Cette phase dure jusqu’autour n°600 environ, atteignant un écart-type de 4 mm environ.

3. Le système finit par chercher le mode maximisant son amplitude au cours d’une dynamique haute-ment nonlinéaire et assez complexe. On observe finalement une saturation de l’amplitude au bout de1600 tours de piste environ.

Amplitude à saturation On a représenté sur la figure 6 l’amplitude à saturation des rides en fonction de lavitesse de la roue. On observe qu’une fois que l’instabilité de tôle ondulée est bien développée, l’amplitudedes rides ne varie pas en fonction de la vitesse. La roue ne décolle que si le rayon de courbure maximal estsuffisamment petit. Pour un profil sinusoïdal d’amplitude A et de longueur d’onde λ, le rayon de courbureest maximal aux extrema. Il vaut :

R =λ2

4π2 A(8)

Le critère de décollement de la roue dépend donc de la longueur d’onde et de l’amplitude des rides. Unefois que la roue a décollé de la piste, elle est en chute libre, elle parcourt pendant le temps de chute unedistance d égale à :

d = v t = v

4A

g(9)

On s’attend alors à ce que la longueur d’onde des rides soit d’autant plus grande que la vitesse l’est. Lesystème étant frustré (la longueur d’onde doit être un multiple de la longueur de la piste), on ne peut pasobtenir précisément la longueur d’onde finale en fonction de la vitesse. On observe néanmoins que la lon-gueur d’onde choisie par le système est d’autant plus grande que la vitesse l’est, ce qui est en accord avec ceque l’on attend, l’amplitude des rides étant constante.

Dans le cas des simulations numériques, la situation est différente. La figure 7 représente l’évolution del’amplitude des rides en fonction de la vitesse de la roue (les grandeurs sont adimensionnées par le diamètredes grains, l’accélération de la pesanteur et la masse des grains). L’amplitude des rides à saturation n’est pas

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1.1 1.15 1.2 1.25 1.30

2

4

6

8

10

12

Vitesse (en m.s−1)

Amplitude(enmm)

FIGURE 6 – Représentation de l’amplitude des rides (en mm) en fonction de la vitesse (en m.s−1). On observeque l’amplitude est à peu près constante une fois que l’instabilité s’est développée (courbe rouge).

constante en fonction de la vitesse : on constate qu’elle est d’autant plus grande que la vitesse l’est. Onn’observe pas par ailleurs la dynamique complexe du choix des modes consécutif aux rebonds de la roue :il est donc logique de s’attendre à une évolution différente.

Baptiste Percier a observé dans sa thèse [Per13] que la bifurcation était supercritique dans le cas d’unpatin, et que l’amplitude suivait une loi en racine carrée en fonction de l’écart au seuil. On réalise donc unajustement des données par une loi en racine carrée au-delà du seuil, cet ajustement est représenté sur lafigure 7.

6 6.5 7 7.5 8

0.5

1

1.5

2

2.5

Vitesse (adimensionnee)

Amplitude(adim

ension

nee)

FIGURE 7 – Représentation de l’amplitude des rides (adimensionnée par le diamètre des grains) en fonctionde la vitesse (adimensionnée par

g d) dans les simulations numériques. Un ajustement en racine carréede l’écart au seuil est également proposé.

Cet ajustement permet d’obtenir la vitesse critique de l’instabilité v = 6.53√

g d . Néanmoins, on observeque la roue décolle aussi dans le cas des simulations numériques. On enregistre à chaque pas de temps lenombre de grains en contact avec la roue. Si ce nombre est nul, cela veut dire que la roue a perdu le contactavec la piste. La figure 8 représente la proportion de temps en vol de la roue en fonction de la vitesse, unefois le régime stationnaire atteint. Nous n’avons pas interprété plus amplement ces données.

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6 6.5 7 7.5 8 8.50

10

20

30

40

50

60

Vitesse (adimensionnee)

Proportiondetempsen

vol(en%)

FIGURE 8 – Représentation du temps de vol de la roue en fonction de la vitesse (adimensionnée par√

g d)dans les simulations numériques. Un ajustement linéaire pour les vitesses supérieures à la vitesse critiquea été réalisé.

Développement de l’instabilité Il est difficile d’interpréter plus amplement l’instabilité une fois que laroue décolle : on se limitera désormais à l’étude du régime initial de développement de l’instabilité. Onconstate expérimentalement que l’instabilité se développe à partir de certains modes instables. On a repré-senté sur la figure 9 un de ces modes (longueur d’onde 10,6 cm, vitesse de la roue 1,15 m.s−1). Cette courbeest obtenue en prenant le module de la transformée de Fourier du signal de hauteur pour chaque tour.

0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800

−2

−1

0

1

2

3

4

Nombre de tours n

log(A

16)

FIGURE 9 – Représentation du logarithme de l’amplitude du mode de vecteur d’onde égal à 16Lpiste

en fonction

du nombre de tours effectués. On ajuste la partie où la croissance est exponentielle pour obtenir le taux decroissance. On n’interprète pas cette courbe au-delà du régime linéaire.

On constate que ce mode se développe de façon exponentielle à partir d’une amplitude très faible cor-respondant au diamètre des grains. On peut ajuster la représentation logarithmique par une droite pourainsi obtenir un taux de croissance.

Lorsque la vitesse devient assez grande, plusieurs modes se développent exponentiellement de façon

12

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simultanée : on peut alors calculer les taux de croissance lorsque ces derniers sont positifs. La figure 10représente les résultats obtenus.

0.095 0.1 0.105 0.11 0.115 0.12 0.125 0.130

0.005

0.01

0.015

0.02

λ (en m)

σ(entour−

1)

FIGURE 10 – Représentation des taux de croissance des différents modes en fonction de la longueur d’ondepour différentes vitesses (1,115 m.s−1 en bleu, 1,132 m.s−1 en vert, 1,149 m.s−1 en noir, 1,166 m.s−1 en rouge,1,183 m.s−1 en cyan, 1,20 m.s−1 en magenta et 1,267 m.s−1en jaune). L’incertitude sur la vitesse, consécutiveà l’asservissement, est de 0,05 m.s−1. Les barres d’erreurs n’ont pas été affichées pour ne pas rendre illisiblela figure.

On attend, si on a encore une bifurcation supercritique, une évolution du temps de réponse en 1/(v −vc)2. On représente ce taux de croissance (l’inverse du temps de réponse) du mode le plus instable au carréen fonction de la vitesse sur la figure 11. L’ajustement de ces données par une droite permet d’obtenir la

1.08 1.1 1.12 1.14 1.16 1.18 1.2 1.22 1.24 1.260

1

2

x 10−4

Vitesse (en m.s−1)

σ17

2(entour−

2)

FIGURE 11 – Représentation du carré du taux de croissance (en tour−2) du mode le plus instable en fonctionde la vitesse. L’ajustement linéaire de ces données est tracé en rouge.

vitesse critique de développement de l’instabilité.

vc = 1,11±0,5 m.s−1

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L’incertitude choisie sur la vitesse est l’amplitude des variations de la vitesse (corrigée par l’asservissement) :voir représentation de la vitesse en fonction du temps en annexe B.

On a montré par ailleurs que la hauteur de sable n’influait pas la vitesse critique aux incertitudes demesure près.

3.3 Instabilité de tôle ondulée sur un milieu granulaire humide

3.3.1 Présentation

Comme l’ont montré nos mesures ainsi que les études précédentes, l’instabilité de tôle ondulée est unphénomène robuste et il est difficile de s’en prémunir. Dans certains pays, le sable est humidifié afin deprévenir l’apparition des rides sur la piste. Pour ce faire, une solution de chlorure de calcium, formant unliquide épais s’évaporant assez peu, ou des résidus de l’industrie pétrolière sont épandus sur les pistes.

La présence d’un liquide au sein d’un milieu granulaire affecte fortement ses propriétés rhéologiques.En effet, cela permet la création de ponts capillaires entre les grains ajoutant une force cohésive entre eux[BCR02]. Pour des grains parfaitement sphériques, cette force de cohésion ne dépend pas du volume lorsquedeux grains sont en contact [Res00]. En pratique, les grains du sable que l’on utilise sont loin d’être sphé-riques et le volume de liquide influe sur le nombre de ponts capillaires et donc sur les contraintes de cohé-sion au sein du milieu granulaire.

Le but de l’étude qui va suivre est d’étudier l’instabilité de tôle ondulée sur un milieu granulaire humide,d’observer et de comprendre l’effet de la cohésion entre les grains.

Nous avons réalisé une série d’expérience en ajoutant une quantité variable d’huile silicone au sable,cette dernière s’évaporant peu au contraire de l’eau. La sous-partie qui suit expose le protocole expérimen-tal utilisé pour caractériser la rhéologie du milieu granulaire humide.

Dans les simulations numériques, on a pris en compte l’apparition de ponts capillaires en ajoutant sim-plement une force constante fc entre les grains en contact. Nous savons que la force de cohésion dépenden outre de l’écartement entre les grains, et n’implique de ce fait pas seulement des grains en contact, maisnous n’avons pas souhaité rentrer dans un tel niveau de détail. Le but des simulations est surtout d’offrir unautre point de vue, de tester certaines hypothèses, sans pour autant reproduire des résultats quantitatifs.

3.3.2 Rhéologie des milieux granulaires humides

Bien que la piste soumise au passage répété des véhicules soit un milieu granulaire, et par conséquentdiscontinue, on peut étudier celui-ci par une approche basée sur la mécanique des milieux continus. Si lacontrainte de cisaillement est trop élevée, ce matériau peut se briser, le critère de Coulomb donne cettecondition :

|τ| <µσ

Si de plus, le matériau est cohésif, le critère de rupture devient :

|τ| <µσ+c (10)

Les constantes µ et c sont intrinsèques au matériau considéré et sont nommées respectivement frictioninterne et cohésion. En dessous, le milieu se comporte comme un bloc solide, les contraintes n’étant passuffisantes pour le briser.

On peut enfin définir la contrainte de cohésion σc = cµ

, telle que le critère de rupture devienne τ =µ (σ+σc ). C’est l’analogue de la force de cohésion ajoutée dans les simulations numériques.

Pour compresser et cisailler un milieu granulaire, et ainsi obtenir ses propriétés rhéologiques, différentesméthodes sont envisageables [Con05]. Nous avons effectué une expérience très simple, schématisée sur lafigure 12. Une plaque de PVC de 10 cm×12 cm, sur laquelle sont collées plusieurs cornières régulièrementespacées, est enfoncée dans le milieu granulaire. Le but est de créer un plan de rupture localisé au sein dumilieu granulaire, une simple plaque glisserait sur le lit de sable sans le rompre. Une fois la plaque et lescornières enfoncées, le sable présent à l’avant et sur les côtés est délicatement retiré afin de ne mesurer que

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T

N

dynamomètreplaque en PVCcornière

plan de rupture

FIGURE 12 – Schéma du dispositif expérimental pour mesurer la rhéologie du milieu granulaire. Les cor-nières sont enfoncées dans le sable. On mesure la force T au moyen d’un dynamomètre en fonction de laforce N =mg , pour différentes masses m ajoutées sur la plaque.

la contrainte de rupture du milieu. On compacte ensuite le sable en frappant légèrement la plaque de sablede façon répétée. On tire ensuite la plaque avec une force croissante mesurée à l’aide d’un dynamomètre eton mesure la valeur de la force de cisaillement à la rupture du milieu.

On ajoute ensuite des poids sur la plaque de PVC afin de faire varier la contrainte normale, et on mesurede nouveau la force nécessaire pour rompre le matériau. On relie la contrainte normale σ à la masse majoutée sur la plaque de PVC par :

σ=mg +M∗g

S

où S désigne la surface de la plaque de PVC, M∗ la masse de la plaque et des grains situés entre les cornièreset g l’accélération de la pesanteur.

La contrainte de cisaillement τ quant à elle s’obtient simplement ainsi : τ = T /S, où T est la force tan-gentielle mesurée au dynamomètre.

0 2 4 6 8 10 120

2

4

6

8

10

12

T(N

)

N+M*g (N)

FIGURE 13 – Résultats expérimentaux montrant l’évolution de la force de cisaillement nécessaire pour frac-turer le milieu granulaire, en fonction de la force normale. Le fit est réalisé en forçant le coefficient directeurde la droite µmoy = 0.8915.

15

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On trace donc la contrainte de rupture τR = TR /S en fonction de la force normale exercée sur la plaquesur la figure 13. Chaque mesure a été répété deux fois dans le but de vérifier la reproductibilité (problèmede compaction, de retrait du sable).

Interprétation On constate que l’évolution est linéaire dans les barres d’erreurs, conformément à ce quel’on attendait. On obtient la valeur de M∗ en forçant le passage à 0 de la droite établie dans le cas sec.

En ajustant séparément les quatre droites, on constate que le coefficient de friction interne est à peu prèsconstant, quelle que soit la concentration massique en huile. Par ailleurs, la masse ajoutée sur la plaque dePVC est au maximum du même ordre que M∗ (la masse de la plaque et du sable entre les cornières) : celainduit une incertitude très forte sur la contrainte σc qui résulte de l’ordonnée à l’origine interpolée pourune masse M∗ nulle. On a donc choisi d’imposer la friction interne à la valeur moyenne des quatre mesures,µmoy = 0.8915, pour obtenir la contrainte de cohésion σc . Les valeurs obtenues sont présentées sur la figure14.

0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.60

10

20

30

40

50

60

70

w (% en masse)

σc(P

a)

FIGURE 14 – Résultats expérimentaux montrant l’évolution de la contrainte de cohésion σc en fonction dela concentration en masse d’huile.

3.3.3 Instabilité de tôle ondulée sur un milieu granulaire humide

Nous allons maintenant observer comment est modifiée l’instabilité lorsque le milieu granulaire devienthumide.

La tension de surface variant avec la température, les valeurs faites pour une quantité donnée d’huileajoutée étaient faites à la même température à 2°C près. Pour des raisons météorologiques, il n’a pas étépossible de réaliser l’ensemble des mesures pour différentes quantités d’huile ajoutée à la même tempéra-ture. Les mesures de rhéologie ont été faites à la même température. Cependant, la grande incertitude surla détermination de σc ne permet pas de caractériser l’influence de la température.

Tout d’abord, on fait les mêmes observations qualitatives que pour les grains sec : des modes de Fourierse développent exponentiellement, et si l’amplitude atteinte est assez importante, la roue décolle de la pisteet s’ensuit alors une dynamique non-linéaire complexe aboutissant à la formation de rides d’amplitudeassez importante.

Comme dans la partie précédente, nous allons développer plus précisément la phase initiale de l’insta-bilité, à savoir la croissance exponentielle de l’amplitude de certains modes de Fourier. On calcule de lamême façon les taux de croissance des modes les plus instables (voir figure 9). Les résultats obtenus sontprésentés sur la figure 15 pour une valeur de contrainte de cohésion égale à 22±10 Pa (à droite) en rapportavec ce que l’on avait obtenu pour du sable sec (à gauche). Nous pouvons faire plusieurs observations. Tout

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0.09 0.1 0.11 0.12 0.13 0.140

0.005

0.01

0.015

0.02

λ (en m)

σ(entour−

1)

0.05 0.1 0.15 0.20

0.01

0.02

0.03

0.04

0.05

λ (en m)

σ(entour−

1)

FIGURE 15 – À gauche, on représente les taux de croissance des différents modes en fonction de la longueurd’onde pour différentes vitesses (1,115 m.s−1 en bleu, 1,132 m.s−1 en vert, 1,149 m.s−1 en noir, 1,166 m.s−1

en rouge, 1,183 m.s−1 en cyan, 1,20 m.s−1 en magenta et 1,267 m.s−1en jaune) pour du sable sec. À droite, onreprésente les taux de croissance des différents modes en fonction de la longueur d’onde pour différentesvitesses pour du sable humide (0,937 m.s−1 en bleu, 0,9462 m.s−1 en vert, 0,963 m.s−1 en noir, 0,98 m.s−1 enrouge, 0,997 m.s−1 en cyan et 1,014 m.s−1 en magenta). Les barres d’erreurs n’ont pas été affichées pour nepas rendre illisible la figure.

d’abord, les longueurs d’onde apparaissant sont plus petites et beaucoup plus nombreuses. Pour les autresvaleurs de cohésion, cet effet est encore plus accentué. On observe ensuite que les taux de croissance sontplus importants dans le cas humide que dans le cas sec (temps de réponse de l’ordre 60 à 400 tours dans lepremier cas, de 20 à 100 tours dans le second).

Ce second résultat est en contradiction avec ce qu’avait obtenu Baptiste Percier [Per13] au cours desétudes préliminaires qu’il a effectué en fin de thèse. Cependant, la méthode utilisée n’est pas la même : ilcalculait le temps de réponse à 50 % pour des vitesses proches de la vitesse critique. Le principale défautest que cela dépend fortement de la propreté de l’état initial. Le calcul des taux de croissance permet des’affranchir de cette difficulté.

Je n’ai pas présenté ici les taux de croissance obtenus pour des valeurs de contrainte de cohésion plusélevée, car la zone où la croissance est linéaire devient de plus en plus restreinte (quelques dizaines de tours)et la réalisation d’un ajustement linéaire qui fait sens devient impossible. Néanmoins, on peut obtenir lavitesse critique de développement de l’instabilité dans le cas des quatres valeurs de cohésion. Les résultatssont présentés sur la figure 16.

On observe que la vitesse critique diminue lorsque le milieu granulaire devient cohésif, cela est en ac-cord avec les résultats préliminaires déjà obtenus [Per13].

Cas des simulations numériques Le comportement observé est analogue au cas sec : on observe le déve-loppement d’une instabilité, où les rides sont d’autant plus grandes que la vitesse l’est. La figure 17 présenteles résultats obtenus pour quatre valeurs de forces de cohésion inter-grains différentes. Un ajustement enracine carrée de l’écart au seuil permet de la même façon d’obtenir la vitesse critique de développement del’instabilité.

On observe dans un premier temps que la vitesse critique diminue d’autant plus que la cohésion entreles grains est grande. Cela est en accord avec les résultats préliminaires déjà obtenus, et avec l’expérience.

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0 10 20 30 40 50 600

0.2

0.4

0.6

0.8

1

1.2

σc (Pa)

Vitesse

critique(enm.s−1)

FIGURE 16 – Représentation de la vitesse critique (en m.s−1) en fonction de la contrainte de cohésion (enPa) dans les expériences.

3.5 4 4.5 5 5.5 6 6.5 7 7.5 8 8.5 90

1

2

3

4

Vitesse (adimensionnee)

Amplitude(adim

ension

nee)

FIGURE 17 – Représentation de l’amplitude des rides (adimensionnée par le diamètre des grains) en fonc-tion de la vitesse (adimensionnée par

g d ) dans les simulations numériques, pour différentes valeurs decohésion (0 en bleu (cas sec), 5 en bleu, 10 en vert et 20 en noir). Un ajustement en racine carrée de l’écartau seuil est tracé : il permet l’obtention de la vitesse critique.

L’évolution de la vitesse critique en fonction de la force de cohésion entre les grains est représentée à lafigure 18.

Enfin, nous avons étudié l’évolution du temps de formation des rides en fonction de la force de cohésion.Contrairement à l’expérience, il n’a pas été possible de calculer des taux de croissance pour certains modes,l’évolution n’étant pas vraiment exponentielle. Nous avons donc calculé les temps de réponse à 50 % entrel’amplitude initiale et l’amplitude finale, pour des vitesses égales à 1,1 fois la vitesse critique. L’avantage decette méthode dans le cas des simulations est que l’état initial de la piste est toujours rigoureusement lemême, au contraire des expériences. Les résultats obtenus sont présentés à la figure 18.

18

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0 5 10 15 203.5

4

4.5

5

5.5

6

6.5

7

fc (adimensionnee)

Vitesse

critique(adim

ension

nee)

0 5 10 15 200

10

20

30

40

50

60

70

fc (adimensionnee)

Tem

psderepon

sea50

%(entour)

FIGURE 18 – À gauche, on représente la vitesse critique (adimensionnée) en fonction de la cohésion dansles simulations numériques. Un ajustement linéaire de ces données est représenté en rouge. À droite, onreprésente le temps de réponse à 50 %, pour des vitesses égales à 1,1vc , en fonction de la force de cohésionentre les grains.

On observe, comme l’a fait Baptiste Percier pendant sa thèse, et au contraire des observations expéri-mentales, que le temps de réponse augmente lorsque l’on ajoute une force de cohésion entre les grains.Cette contradiction sera à éclaircir au début de ma thèse.

Conclusion

Pour conclure, nous avons étudié l’instabilité de tôle ondulée créée par une roue, de façon expérimen-tale et numérique. Nous avons commencé notre étude par des milieux granulaires secs, laissant apparaîtreune formation de rides en plusieurs étapes assez complexe. La première peut s’interpréter comme le déve-loppement exponentiel de modes instables : nous avons calculé leurs taux de croissance lorsque ces der-niers sont positifs. Nous en avons déduit une vitesse critique pour cette instabilité. Numériquement, l’am-plitude atteinte dépend de la vitesse et les résultats sont compatibles avec une évolution en racine carréede l’écart au seuil.

Nous avons confronté ces résultats obtenus avec le cas d’un milieu granulaire humide. Les expériences,comme les simulations ont clairement fait apparaître que la cohésion entre les grains engendrait une baissede la vitesse critique. En revanche, expérience et simulation semblent en contradiction en ce qui concerne letemps d’apparition des rides : la cohésion accélère la formation des rides expérimentalement, alors qu’ellela ralentit dans les simulations numériques.

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Perspectives

Le travail que j’ai effectué durant ce stage a soulevé de nombreux points intéressants dont certainsdoivent encore être éclaircis.

Dans un premier temps, nous préciserons ce qui a été fait dans le cadre de l’étude expérimentale des mi-lieux granulaires humides. Nous voulons également alléger le bras qui supporte la roue dans le but d’abais-ser la masse du système, donc la vitesse critique (voir [BTMM09]) : cela permet d’éviter les rebonds de laroue dès que l’instabilité apparaît et ainsi d’analyser plus amplement l’amplitude des rides, en lien notam-ment avec les simulations numériques.

Nous étudierons ensuite la possibilité d’une mesure des propriétés rhéologiques plus précise. Nous sou-haitons également réaliser encore quelques séries de mesures pour une plus grande gamme de valeur decohésion inter-grains. Cela permettrait en particulier de confirmer ou d’infirmer ce que l’on a observé surles taux de croissance, qui semblait en contradiction avec les simulations numériques et les expériencespréliminaires déjà effectuées.

Enfin, un des principaux objectifs de ma thèse est de remplacer les milieux granulaires par des fluidescomplexes dont les propriétés rhéologiques sont connues et calibrées afin de mettre en évidence les méca-nismes fondamentaux responsable de l’instabilité de tôle ondulée, mais également de l’usure ondulatoiredes rails ou de la formation de bosses sur un piste de ski (voir [Per13] pour une description de ces différentsphénomènes).

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A Diagrammes spatio-temporels dans les simulations

La figure 19 représente le diagramme spatio-temporel calculé à partir de la hauteur de la roue pour unvitesse supérieure à la vitesse critique (v = 6.9

g d , sable non cohésif). On représente une image du lit de

FIGURE 19 – Représentation d’un diagramme spatio-temporel obtenu numériquement.

sable à différents instants sur la figure 20. Ces images sont générées en connaissant la position de chaquegrain et de la roue.

FIGURE 20 – Repésentation du diagramme spatio-temporel dans le cas des simulations numériques auxtours n°60, 120 et 180.

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B Évolution de la vitesse au cours du temps

Le développement de rides à la surface de la piste engendre un couple supplémentaire : un asservis-sement de vitesse du moteur à courant continu a donc été nécessaire. La figure 21 représente la vitessemoyenne sur un tour en fonction du temps.

0 500 1000 1500 2000

1.12

1.13

1.14

1.15

1.16

1.17

1.18

1.19

Nombre de tours n

Vitesse

(enm.s−1)

FIGURE 21 – Représentation de la vitesse (en m.s−1, moyennée sur un tour) en fonction du temps.

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