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INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE RENNES
Approche des théories de l'apprentissage moteur à
travers un cas clinique
Réflexion sur la prise en charge d'un patient hémiplégique en phase séquellaire
Travail personnel présenté par:
BESSIS ALBAN
En vue de l'obtention du diplôme d'état de Masseur-Kinésithérapeute
Année scolaire 2011-2012
INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE RENNES
Approche des théories de l'apprentissage moteur à
travers un cas clinique
Réflexion sur la prise en charge d'un patient hémiplégique en phase séquellaire
PIETTE Patrice, directeur de mémoire
Travail personnel présenté par:
BESSIS ALBAN
En vue de l'obtention du diplôme d'état de Masseur-Kinésithérapeute
Année scolaire 2011-2012
RESUME
Ce travail est le développement d'une réflexion issue d'une prise en charge. Un patient
hémiplégique droit depuis presque deux années était rééduqué dans le but d'améliorer son
schéma de marche. Devant l'inefficacité du traitement proposé est né un malaise autour de ma
conviction à pouvoir le rééduquer.
Qu'est ce qu'est un schéma de marche ? Que sait-on de l'apprentissage moteur ? Une
revue de littérature sur ce sujet a permis de présenter deux des grandes théories : La théorie
cognitive, et la théorie écologique. En comparant le protocole mis en place avec celles-ci, il
était recherché des causes de cet échec.
Les résultats ont permis de mettre en avant trois pistes de réponses : cognitive,
psychosomatique, et celle d'une rééducation mal menée. Ces approches permettent
effectivement de questionner la conception du protocole, ne s'appuyant à priori que sur la
méthode cognitive de l'apprentissage moteur.
Mots clés:
Accident vasculaire cérébral
Apprentissage moteur
Marche
Théorie cognitive
Théorie écologique
ABSTRACT
This work is a reflexion about a patient i met during my internship. A patient suffering
from right-side hemiplegic for almost two years, have been re-educated in order to improve
his walking pattern. Facing the inefficiency of the treatment proposed, i felt helpless.
What is a walking pattern ? What do we know about motor learning ? According to
literature, theories are twofold : the cognitive and the ecological theories. In order to find the
causes to the unsuccess of his treatment, the theories and the medical protocol have been
compared.
Results highlight three different options : cognitive, psychosomatic and a poorly led
re-education. Indeed, these options cast doubt on the credibility of the re-education protocol,
as the protocol only seems to be based on a cognitive methodology for motor learning.
Keywords:
Stroke
Motor learning
Walk
Cognitive theory
Ecological theory
SOMMAIRE
I. Introduction ........................................................................................................................ 1
A. Présentation du cas clinique ........................................................................................... 1
B. Problématisation ............................................................................................................. 3
1. L'accident vasculaire cérébral d'origine ischémique .................................................. 3
2. Plasticité cérébrale ...................................................................................................... 4
3. Définitions de l’apprentissage moteur ........................................................................ 4
C. Problématique ................................................................................................................. 5
II. Revue de la litterature ....................................................................................................... 6
A. Méthodologie ................................................................................................................. 6
B. Résultats ......................................................................................................................... 7
C. Analyses ......................................................................................................................... 9
1. La théorie cognitive de l'apprentissage moteur .......................................................... 9
a) Les vecteurs de l'apprentissage ............................................................................ 9
b) L'information-perception ...................................................................................... 9
c) La mémoire ........................................................................................................ 11
d) La volition .......................................................................................................... 12
e) Synthèse ............................................................................................................. 13
2. La théorie écologique de l'apprentissage moteur ..................................................... 16
a) Couplage perception-action ................................................................................ 16
b) Les contraintes: l'organisme, l'environnement, la tendance ............................... 17
c) L'intentionnalité .................................................................................................. 18
d) L'apprentissage ................................................................................................... 19
e) Synthèse ............................................................................................................. 19
D. Synthèse de la revue de littérature ................................................................................ 21
III. Discussion .................................................................................................................... 23
IV. Conclusion .................................................................................................................... 26
Bibliographie ............................................................................................................................ 27
ANNEXES ............................................................................................................................... 29
1
I. INTRODUCTION
Ce travail de fin d'études sur l'apprentissage moteur est né d'une réflexion de cas
portant sur une rééducation qui n'a pas porté ses fruits. Cette expérience a eu lieu lors d'un
stage à l'Arbizon, un centre de rééducation situé dans les Hautes Pyrénées, aux mois de Mars
et Avril 2011. Mr L., résident de l'établissement, y était suivi pour séquelles d'hémiplégie
droite. Son accident vasculaire cérébral était d'origine ischémique et datait d'Aout 2009, soit
20 mois auparavant. L'objectif était de mener une rééducation de la marche durant les 4
semaines de son séjour.
Cette rééducation paraissait "simple" compte tenu des capacités physiques et de la
bonne récupération du patient. L'expérience non concluante qui en est ressortie, m'a amené à
me questionner sur ma prise en charge, et à chercher une hypothèse explicative à travers les
théories de l'apprentissage moteur.
A. Présentation du cas clinique
A 48 ans, Mr. L. est entré dans le service pour suivre une rééducation à la marche. Il
s'exprimait bien, ne se sentait pas gêné d'un point de vu spatio-temporel, ni au niveau
mnésique. Depuis son AVC, le patient était resté 5 mois en rééducation et avait bénéficié de
67 séances de kinésithérapie à domicile.
Il pointait du doigt l'incompétence de tous les rééducateurs rencontrés précédemment, et
soulignait que "cela [ne lui] avait servi à rien". En effet, malgré une récupération convenable
de ses capacités physiques, Mr L avait une forte limitation d'activité. Pourquoi ne marchait-il
pas convenablement, pourquoi ne réinvestissait-il pas l'espace à portée de sa main droite ?
D'après lui, la faute provenait des praticiens.
Depuis l'accident vasculaire, Mr L. était en arrêt maladie. L'entreprise dans laquelle il
travaillait venait de lui proposer un reclassement sur un poste de bureau. Inquiet quant aux
éventuelles "moqueries de ses futurs collègues", le patient, après entente avec le médecin qui
le suivait, entama 4 semaines de rééducation fonctionnelle à la marche dans le centre en
question.
2
Le bilan kinésithérapique de son début de prise en charge est fourni en ANNEXE 1.
A l'arrivée dans le service, ce patient marchait peu. En position debout, son membre
inférieur droit était en triple flexion. Sa marche s'effectuait sur le bout du pied. Il lui était
impossible de poser le talon au sol.
Pourtant :
Il n'avait pas de rétraction musculaire,
En position allongée, toutes les articulations de son membre étaient libres,
Le peu de spasticité qu'il avait, n'expliquait pas son attitude ni son schéma de marche,
Le schéma corporel était bon,
Les sensibilités étaient correctes,
Peu de syncinésies parasitaient les mouvements,
Sa douleur de cuisse (idiopathique) était très largement traitée (antalgique de grade III
ainsi que par des antidépresseurs).
Je me questionnais sur son déplacement. Le regard des autres avait de l'importance à
ses yeux. L'améliorer lui permettrait d’augmenter considérablement sa qualité de vie et son
contact avec autrui. Suite à ces observations, une réunion avec l'équipe s'est portée sur le
motif de son trouble de la marche et sur la rééducation à suivre.
La HAS ne proposait aucune recommandation concernant cette rééducation. Durant les deux
premières semaines, le travail réalisé de reprogrammation sensori-motrice s'était porté sur son
schéma corporel ainsi que sur celui de la marche. En séance j'utilisais :
Des techniques d'imagerie mentale où le patient devait se représenter les étapes et
paramètres de la tache,
Des techniques sensori-motrices : transferts de centre de gravité, marche les yeux
fermés, avec des obstacles, avec ou sans aides technique (CA), immergé en
balnéothérapie, décompositions de tâches,
Des techniques de feed-back : visuels (miroir, empreintes sur le sol), guidances
verbales.
A la fin de chaque journée, j'avais l'impression que Mr. L. avait été consciencieux et adhérait
à ce type d'exercice malgré une certaine lenteur (les traitements en étaient peut-être la cause).
Il repartait chaque jour avec des acquis, mais revenait à la séance suivante dans son schéma de
marche initial (cf. ANNEXE 1).
3
Finalement sa marche ne s'améliorait pas, puisque les progrès étaient sporadiques.
Devant cette inefficacité, une discussion avec le médecin a été envisagée. Celui-ci m'apprit
qu'il s'interrogeait sur l'éventuelle recherche par le patient de bénéfices secondaires. Il insista
sur le fait que cela pouvait fort bien être inconscient, car Mr L. connaissait très bien l’enjeu de
sa présence ici. Ainsi, fallait-il faire attention de ne pas lui faire de procès d'intentions. Le
bénéfice secondaire est une notion de psychothérapie cognitivo-comportementale, qui est vu
comme le renforcement d'un symptôme pathologique. Le médecin conseilla que la prise en
charge soit poursuivie de la même façon, dans l'espoir qu'un changement positif apparaisse.
Les deux dernières semaines furent semblables aux premières. Le patient quitta le centre, peu
satisfait de sa prise en charge avec un bilan en tout point équivalent à son entrée.
Je n'ai pas été satisfait de cette expérience et me suis senti inefficace.
B. Problématisation
1. L'accident vasculaire cérébral d'origine ischémique
Un accident vasculaire cérébral ou AVC, est un déficit neurologique soudain, d'origine
vasculaire. Le terme ischémique signifie qu'il est du à l'occlusion d'une artère cérébral. Le
cerveau est donc partiellement privé d'oxygène et de glucose. Les conséquences dépendent du
siège et de la durée de l'occlusion ainsi que des possibilités locales de suppléance artérielle.
Lorsque l'apport nutritionnel fait défaut, celui ci conduit rapidement à des dommages
irréversibles des neurones.
Dans les pays occidentaux, 80% des AVC sont d'origine ischémique. Les symptômes peuvent
être très variés selon l'endroit et la taille de la lésion cérébrale. Ceux ci vont de l'absence de
signes visibles, à la perte de la motricité, perte de la sensibilité, troubles cognitifs (apraxies,
reconnaissance, mémoire, humeur, initiative...etc.), perte de la vue, perte de connaissance,
décès, etc.
Une période de récupération spontanée, allant de quelques semaines à quelques mois est
observée. Celle-ci est suivie d'une période d'évolution plus lente pendant plusieurs années.
L'étude de Jorgensen et al. (1995), réalisée sur 1200 patients aurait déterminé qu'environ 12,5
semaines seraient nécessaires aux patients pour que la récupération fonctionnelle soit quasi
4
maximale, c'est à dire que commence la période d'évolution plus lente. Cette valeur est une
moyenne. En effet, ce temps varie selon la gravité initiale de l'atteinte mais aussi de la prise
en charge. La récupération serait de 17 semaines pour une atteinte sévère.
Ainsi, au bout de 80 semaines, la chance de voir des améliorations des déficiences de
Mr L. était très faible. Par contre Yelnik (2005), stipule que même après cette phase aigue
l'apprentissage moteur du patient reste indispensable, et repose sur les règles de
l'apprentissage du sujet sain appliquées à la pathologie.
2. Plasticité cérébrale
Johnston et al. (2004), définissent la plasticité cérébral comme "la capacité que
possède le cerveau à réorganiser ses réseaux synaptiques en fonction des stimuli extérieurs et
des expériences vécues par l'individu, ou d'adapter son fonctionnement suite à un traumatisme
ou à une maladie".
Ce phénomène intervient durant la jeunesse lors de la maturation cérébrale mais aussi à l'âge
adulte. Suite à une ischémie cérébrale, le tissu nerveux va nécroser. Des mécanismes de
compensations vont alors être mis en jeux. En effet ce seront des réseaux neuronaux
disponibles, péri-lésionnels, qui vont se mobiliser afin de remplacer d'autres réseaux
déficients. Ce phénomène est appelé vicariance. De même, Lacour (2004), rapporte qu'une
neurogenèse a été mise en évidence au niveau de l'hippocampe. Ce processus consiste en la
différenciation de cellules souches, conduisant à l'apparition de nouveaux neurones.
La plasticité cérébrale serait donc une modification architecturale, sous l'influence de
l'apprentissage. Elle est maximale pendant la petite enfance, mais durerait toute la vie. Le
cerveau est donc en perpétuel remaniement et la plasticité permet une régression des synapses
non fonctionnelles et un renforcement des synapses et réseaux neuronaux sollicités par
l'apprentissage.
3. Définitions de l’apprentissage moteur
Il existe de nombreuses définitions de l'apprentissage moteur. En effet, il existe
plusieurs théories ainsi que plusieurs courants dans chacune d'entre elles. Deux théories,
cognitive et écologique, attirent l'attention de nombreux chercheurs et font polémiques. Les
autres approches mécaniques ou "traditionnelles" ne font plus office de référence depuis 1967.
Il n'existe pas aujourd'hui de connaissance qui permet d'expliquer comment apprendre un
5
mouvement. Ce n'est que grâce aux récentes avancées sur l'IRM dynamique, que nous avons
pu observer ce phénomène de remodelage neuronale (la plasticité cérébrale).
D'après les théories cognitives :
"L'apprentissage moteur est un processus d'adaptation cognitivo-moteur, relié à la pratique et
à l'expérience, favorisé par des conditions d'apprentissage, qui mènent à des changements
permanents de la performance et de l'habilité motrice" (Chevalier, 2004).
D'après les théories écologiques :
"L'apprentissage moteur est une découverte de solutions motrices d'un système que forme
solidairement l'organisme et l'environnement avec lequel il s'est constitué interactivement au
cours de l'évolution" (Guiard, 1993).
En fait, il convient de concevoir que pour l'une des approches, l'apprentissage est un
processus cognitif, tandis que pour l'autre c'est une réponse de l'organisme aux contraintes qui
lui sont imposées. Le point pour lequel il n'y a pas consensus, c'est le caractère permanant de
l'apprentissage. C'est à dire que quelque chose d'appris se doit de modifier dans le temps le
comportement d'un individu.
C. Problématique
Je propose dans les parties suivantes de rechercher dans la littérature, à travers les
théories qui sous-tendent l'apprentissage moteur, des éléments de réponse à mon
questionnement.
La problématique de recherche est:
En quoi les théories de l'apprentissage moteur peuvent-elles expliquer l'échec de
rééducation à la marche de Mr. L., hémiplégique droit en phase séquellaire?
Nous aborderons en premier lieu la théorie cognitive, puis dans un second temps la théorie
écologique de l'apprentissage moteur.
6
II. REVUE DE LA LITTERATURE
A. Méthodologie
Il est probable que dans d'autres domaines des pistes explicatives existent, comme les
pistes économique et sociale du bénéfice secondaire. J'ai voulu restreindre mon champ de
recherche à celui de la rééducation de l'acte sensori-moteur, donc à mes compétences.
Néanmoins la littérature étant très peu fournie, j'ai ouvert mon champ à celui des Activités
Physiques et Sportives (APS).
Le thème est l'apprentissage moteur. J'ai recherché tout document qui traitait d'une
façon générale ce sujet. N'ont pas été retenus les articles expérimentaux, traitant de modalités,
et ceux ne traitant pas de manière générale le thème. Je devais en effet chercher de la
littérature me permettant d'avoir la vision la plus large possible de l'apprentissage moteur.
Les recherches ont été effectuées sur les bases de données Pubmed, EMconsult,
PEDro, Google Scholar ainsi qu'au centre de documentation de l'IFPEK Rennes.
Mots clés :
Apprentissage moteur / Motor learning
Rééducation / Rehabilitation
Marche / Walk
Théorie cognitive / Cognitive theory
Théorie écologique / ecological theory
7
B. Résultats
Les documents retenus, peu nombreux, sont en grande partie des livres d'auteurs ainsi
que des travaux universitaires. Il n'est pas ressorti de recommandation ou bien de texte
d'autorité.
Les résultats de la recherche sont regroupés dans les tableaux 1, 2 et 3.
Tableau 1 : Littérature traitant de la théorie cognitive de l'apprentissage moteur
Type Auteur Titre Titre de l'auteur Année
Travail
Universitaire
FAMOSE
J.P.
L'acquisition des habilités
motrices
Professeur des Universités –
PARIS XI ORSAY
2007
Monographie SCHMIDT
R.A.
Apprentissage moteur et
performance
1993
Monographie SPATH
A.R.K.
Le développement des
habilités sportives
1995
Tableau 2 : Littérature traitant de la théorie écologique de l'apprentissage moteur
Type Auteur Titre Titre de l'auteur Année
Travail
Universitaire
COLE M. Applied theories in
occupational therapy: a
practical approach in
instructor's manual
Professeur en
communication et
psychologie à Indiana
University
2008
Retranscription
de conférence
GUIARD Y. L'option dynamique dans
l'approche écologique de
la perception-action
Directeur de recherche
CNRS
1993
Monographie RECOPE M.
et al.
L'apprentissage Maitre de conférences UFR
STAPS de Clermont-
Ferrand II
2001
Article de
Périodique
TEMPRADO
J.J.
Approches cognitives et
écologiques dans
l'apprentissage des
habilités motrices en
sport
Responsable de l'axe de
recherche transversal :
"Déficiences Motrices",
Vice-président de
l’Agrégation d’EPS
1995
8
Tableau 3 : Littérature traitant des théories écologiques et cognitives de l'apprentissage
moteur
Type Auteur Titre Titre de l'auteur Année
Monographie BONNET J.P.
et BONNET C.
Théories de
l'apprentissage
moteur: étude
comparée
BONNET J.P.: Professeur agrégé,
en poste à l'UFR S.T.A.P.S de
Dijon, préparateur C.A.P.E.P.S
BONNET C.: Dr. en Kinésiologie,
En poste à l'université de Marseille
ATER
2007
Travail
Universitaire
CHEVALIER
N.
Apprentissage
moteur et processus
d'apprentissage
Docteur en A.P.S., spécialisée en
apprentissage moteur de l’enfant,
titulaire au Département de
Kinanthropologie, chercheure au
sein de l’Institut santé et société et
de l’Institut des sciences
cognitives de l’Université du
Québec
2004
Article de
périodique
DURNY
Annick
Les différentes
théories de
l'apprentissage
moteur: de l'expertise
à la vulgarisation
pratique
Maître de conférences STAPS,
Rennes2, URF APS
2007
Travail
Universitaire
LE HER M. Les théories de
l'apprentissage
moteur
2004
Congrès
SOFMER
YELNIK A. Evolution des
concepts en
rééducation du
patient hémiplégique
2004
9
C. Analyses
1. La théorie cognitive de l'apprentissage moteur
Pour les "cognitivistes", l'apprentissage moteur correspond à un processus cognitif qui
consiste à acquérir une représentation de l'environnement afin de sélectionner la réponse
adéquate par un mécanisme décisionnel.
a) Les vecteurs de l'apprentissage
Famose (2007), définit une liste de trois éléments essentiels développés ci dessous : la
cognition, la mémorisation, et la volition.
La cognition est un terme utilisé pour regrouper les fonctions, dont est doté
l'esprit humain, par lesquelles nous construisons une représentation de la réalité qui permet,
elle, de nourrir nos raisonnements et de guider nos actions.
La mémorisation correspond au stockage d'informations liées à l'apprentissage.
Il existe plusieurs types de mémoires: explicite et implicite. Les théories cognitives font
référence à la mémoire explicite, dans le sens où l'individu va pouvoir venir y piocher les
informations motrices dont il a besoin. Ce processus se fait automatiquement, ainsi nous
stockons à chaque instant une énorme quantité de données. Heureusement "l'oubli" nous
permet de nous débarrasser de ce qui est superflu. Au contraire, ce qui ne l'est pas, est
récurent : le travail de répétition semble être l'aspect le plus fondamental de la mémorisation.
Enfin, des études récentes ont introduit une nouvelle notion qui s'appelle la
volition. Elle constitue la phase post-décisionnelle de l'effort d'apprentissage vers le but. En
fait, c'est un processus mental impliqué dans le maintien d'une intention ou d'un but jusqu'à ce
qu'il soit accompli. Famose (2007), explique que pour lui, la volition a pour rôle de protéger
l'intention d'apprendre et l'influence en mobilisant notre investissement personnel, ainsi que le
maintien de notre attention et de l'effort.
b) L'information-perception
L'idée principale de ce modèle est que l'information subit un traitement. L'organisme
ne réagit pas immédiatement à un stimulus, il doit d'abord l'analyser, le traiter, avant de
10
sélectionner un PMG (Programme Moteur Généralisé). Ce PMG est le terme plus récent
utilisé pour dénommer le schéma moteur, et correspond "à une connaissance, à l'agent qui
détermine les muscles à se contracter, ainsi que l'ordre et la durée de leur contraction"
(Schmidt, 1993). C'est en quelque sorte le "schéma qui commande la production d'un
mouvement et son pilotage".
Dans cette théorie, "la première étape indispensable du mouvement est de prélever des
sensations intéroceptives et extéroceptives afin d'acquérir une représentation de
l'environnement" (Bonnet, 2007). Elle part du postulat que la représentation est un médiateur
indispensable entre l'information et l'action.
Ainsi, pour apprendre, il faut d'abord "apprendre à connaitre le monde pour s'y adapter en y
prélevant les information qu'il contient" (DURNY, 2007). Ces informations sont accessibles
sous forme de données, puis traitées par le système nerveux central pour aboutir à une
représentation de l'environnement et de l'action. L'étape est donc réussie lorsque le traitement
produit une représentation conforme aux caractéristiques du monde. Cette hypothèse est
validée par l'existence de neurones spécifiquement sensibles à certaines propriétés de
l'environnement.
Ce processus précède l'action, le geste, la tache.
Schéma 1 : Représentation schématique de la réponse motrice. (BONNET, 2007, p17)
11
Par exemple, prenons un golfeur qui se place devant sa balle. Les prises d'informations sont
alors multiples : Suis-je bien placé ? Quel est mon état de stress ? Comment le vent souffle-t-
il ? Où se trouve le trou ? A quelles distance, hauteur ? Ai-je pris le bon club ? Il construit
alors sa représentation de l'action qui le conduira à choisir le bon PMG, afin de mettre la balle
dans le trou. Si les informations recueillies sont fausses, le coup risque d'être un échec.
Le recueil d'informations a un autre rôle qui n'est pas moindre. Il se produit pendant la
réalisation du mouvement. Ce sont les feed-back (FB), qui ont pour charge de flatter le PMG
ou de modifier quelques variables afin d'atteindre le but. Ceux ci sont essentiels lors de
l'apprentissage car ils permettent de réaliser si le mouvement programmé est cohérent avec ce
qui est envisagé. S'il s'avère que ce n'est pas le cas, une correction du PMG est à entreprendre.
Prenons le cas d'un patient, porteur d’une paralysie cérébrale, à qui l'on tente d'apprendre à
réaliser un sourire, (coordination symétrique musculaire) face à un miroir. Celui-ci recueille
les informations initiales, les traite, sélectionne la réponse et le programme à réaliser, et libère
la sortie motrice. Malheureusement la réponse est exagérée d'un coté (FB) : le sourire n'est pas
symétrique. Cette information sera utile car mémorisée et influencera par la suite le
déclenchement de ce même PMG.
c) La mémoire
La mémoire est au centre de l'apprentissage moteur pour les "cognitivistes". Elle
permettrait de reconnaitre ou de reconstituer les propriétés du monde pour aboutir à une
représentation de l'environnement actuel. Autrement dit, elle permettrait d'identifier et de
traiter les bons indices, et d'ignorer les données sensorielles non pertinentes. Cette notion du
système cognitif indique qu'il n'y a, dans l'absolu, qu'une bonne façon de traiter l'information :
celle qui aboutit à une représentation conforme au monde.
De plus, la rétention des PMG prend de la place. Schmidt (1993), explique: " A l'origine, le
programme ne peut être capable de contrôler qu'un court enchainement d'action. Grace à la
pratique, le programme devient plus élaboré, susceptible de contrôler des enchainements de
plus en plus longs..." Au fur et à mesure de l'entrainement, ces programmes vont s'affiner et
seront "stockés dans la mémoire à long terme et pourront être retrouvés..." (Famose, 1987).
Par la suite, "c'est en puisant dans la mémoire que le mécanisme de décision va sélectionner
un plan d'action satisfaisant aux conditions d'une situation particulière. Le sujet doit donc
12
posséder en mémoire un nombre conséquent de plans d'actions déjà expérimentés et proches
de l'activité pratiquée" (Spaeth, 1995).
Il existe en effet "des neurones dont la décharge correspond spécifiquement à certains
paramètres du geste : la durée absolue, l'amplitude absolue, le type de segment utilisé, la
force, la direction... Ceci a été interprété comme l'indice d'une programmation du mouvement
dont seraient responsables certaines régions du cerveau" (Durny, 2007).
d) La volition
Cette théorie implique totalement le patient dans sa capacité à apprendre. Famose
(2007), fait remonter au premier plan "l'indispensabilité de mettre en place des stratégies
volitionnelles" lors de l'apprentissage. Celles-ci aideraient à protéger l'intention d'apprendre
(les buts, les espérances, la valeur) et maintiennent la tentative d'apprendre (les stratégies
d'apprentissage). La volition est une pensée et/ou un comportement autorégulateur.
Considérons un patient qui veut apprendre à passer un trottoir. Il peut soit, décider de ne pas
monter de marches plus hautes que sa cheville (contrôle environnemental), soit faire des
retours en arrière pour aider sa mémorisation de la coordination (contrôle d'encodage). Il peut
également s'engager dans des dialogues internes pour réduire son anxiété sur cet exercice
d'équilibre (contrôle des émotions), ou encore, se promettre quelques récompenses s'il y arrive
avec succès (contrôle de la motivation). Dans ce cas, ce sont des variétés de stratégies
volitionnelles, qui sont utilisées.
La mobilisation de son investissement personnel, le maintien de son attention et de son effort
vers l'atteinte du but sont des pré-requis nécessaires à des résultats d'apprentissage positifs. Si
une difficulté ou une distraction se présentent, le patient doit mettre en œuvre une action
stratégique pour initier ou maintenir son effort sur la tâche. Des distractions peuvent survenir
et peuvent potentiellement divertir l'effort et la persévérance requise.
Pour utiliser ces comportements, il faut que l'apprenant possède au préalable une base de
croyances et de connaissances sur lui même et sa pathologie (Famose, 2007).
13
e) Synthèse
A l'amorce de chaque mouvement, l'information est traitée par le patient. Tout d'abord
les données sensorielles brutes produisent une image sensorielle appelée représentation. Sur
cette étape, Durny (2007), précise que l'apprentissage consiste à "apprendre à connaitre le
monde". Cette idée implique une notion "d'expérience du monde" car elle vient du fait que
cette représentation se fait par va-et-vient avec la mémorisation des événements du passé
(BONNET, 2007). Ce processus permet de mettre en exergue la capacité de reconnaissance
d'informations pertinentes, sur lesquelles il faut porter attention.
→ Connaitre le monde permet d'obtenir une bonne représentation de celui-ci.
La représentation constitue ensuite la base sur laquelle le processus cognitif va pouvoir
s'appuyer pour choisir le PMG qui permettra de réaliser le geste. L'apprentissage implique une
notion d'automatisation cognitive de l'utilisation d'un PMG pour une représentation et dans un
but donné.
→ Apprendre c'est associer des connaissances que sont les PMG avec des représentations.
Selon que les feed-back soient flatteurs ou non, certaines variables des PMG peuvent être
modifiées, et mémorisées.
→Apprendre correspond alors à la diminution de la variabilité des informations
programmées ou à l'augmentation de la part programmée du mouvement.
Conclusion:
Nous apprenons en mémorisant:
des connaissances sur le monde,
des Programmes Moteurs Généralisés,
Et en automatisant:
la reconnaissance d'informations pertinentes,
l'association des schémas moteurs à des situations environnementales,
la modification de ces schémas en fonction des feed-back.
Par rapport à la rééducation de Mr L. je remarque de nombreuses similitudes. Les
techniques sensori-motrices et de feed-back utilisés vont dans le sens de la quête et de
14
l'intégration d'informations nécessaires à la marche. Tous les exercices ont donc concouru à
améliorer la représentation du patient à travers des situations où il était obligé de se focaliser
sur ses appuis, son polygone de sustentation, sa situation spatiale et l'environnement. L'idée
était que si son traitement des informations était plus juste, il pourrait ensuite choisir de
développer un meilleur mouvement.
Tableau 4 :Exercices proposés à Mr L. au cours de sa rééducation
Exercices Prise de conscience
Transferts du centre de gravité Du poids de son corps et de son polygone de sustentation
Marche avec les yeux fermés De ses appuis au sol
Marche avec des obstacles De l'environnement
Immergé en balnéothérapie De l'environnement
FB visuels et verbaux De sa situation spatiale et de ses gestes
Ainsi, d'après ces recherches la première étape de l'apprentissage était bien choisie.
Elle consistait à traiter les informations brutes de la manière la plus juste possible. Le prés-
requis est de pouvoir à priori capter ces informations, or le patient ne souffrait pas de
déficiences sensitives majeures.
Les exercices étaient variés. La marche était réalisée à l'intérieur comme à l'extérieur.
Plusieurs modalités pouvaient être associées: suppression de l'afférence visuelle, utilisation
d'obstacles ou d'aides techniques. Elle était également exécutée en milieu aquatique, pour
reproduire le plus de situations particulières. De plus, ces entrainements étaient réalisés tous
les jours et auraient du entrainer la stabilisation du schéma de marche. C'était un travail
intense de répétitions.
Une attente de la diminution de la charge cognitive dans ces situations était aussi attendue
grâce à la reconnaissance de circonstances déjà vécues. L'imagerie motrice et les
décompositions de taches venaient appuyer tout cela. Il est actuellement prouvé que la
15
visualisation fait travailler les mêmes zones cérébrales que la réalisation du mouvement
imaginé (GUEUGNEAU, 2007).
Il m'est impossible d'estimer si cet échec est issu d'un processus conscient ou
inconscient. Est-ce un problème de cognition, ou de mémorisation, ou bien des deux ? Cela
sort aussi de mon champ d'expertise. La seule information que je possédais à ce niveau était
son résultat au MMSE (Mini Mental State Examination), dont le résultat (de 25/30) était au
dessus du seuil pathologique de 24/30 mais signifiait une atteinte de fonctions cognitives.
La notion de volition, évoquée plus haut, semble très intéressante dans cette théorie et elle
mériterait peut-être que l'on s'y intéresse en rééducation. La Société Française de
Rhumatologie (SFR) travaille actuellement sur une recherche expérimentale nommée
"volition et lombalgie chronique". Il est notable que le domaine de la kinésithérapie ne s'est
pas encore saisi de ce genre de concepts, qui pourtant semblent proches du résultat attendu par
l'éducation thérapeutique.
Enfin, par coïncidence, une certaine similitude entre le raisonnement clinique mis en place à
travers les exercices de Mr L. et les théories cognitives, m'amènerait à croire qu'une grande
part de notre enseignement est basée sur ces fondements cognitivistes. Faut-il voir ici une
inadaptation de ces théories d'apprentissage, donc de mon approche kinésithérapique, dans la
demande de soin que présente Mr L. ?
Je tire néanmoins plusieurs hypothèses explicatives concernant son échec :
H1. Mr L. ne pouvait pas élaborer une représentation cohérente aux caractéristiques du
monde et/ou pour y adapter un nouveau PMG.
H2. Mr L. avait une mémoire motrice défectueuse et donc ne pouvait plus apprendre ou
modifier de PMG.
H3. Mr L. ne pouvait plus automatiser sa marche et cela lui demandait trop de charge
cognitive.
H4. Mr L n'avait pas les armes de volitions nécessaires à l'apprentissage.
16
2. La théorie écologique de l'apprentissage moteur
Selon l'approche écologique, l'activité motrice produite n'est pas prescrite par une
instance centrale. Elle est émergente, c'est à dire qu'elle résulte de l'interaction entre
l'organisme et l'environnement. Ainsi, l'organisme tend vers des états d'équilibres stables, qui
constituent ses propres normes adaptatives, et tend à les maintenir lorsque certaines
circonstances les menacent (Recope, 2001).
a) Couplage perception-action
Dans cette approche, les sensations perçues dans un milieu sont les "affordances". Ces
affordances sont les possibilités d'action de l'organisme dans l'environnement. Pour Recope
(2001), ce sont "des aspects significatifs de l'environnement qui sont perçus parce qu'ils sont
utiles à l'action". Et pour Temprado (1995), "l'affordance est ce que l'environnement suggère
comme type d'action".
L'exemple de Warren, cité par Bonnet (2007, p26), illustre cela : selon la hauteur d'une
marche, un individu adoptera spontanément différentes solutions en fonction de sa taille, de
son âge, son sexe... sans pour autant réfléchir :
Image 1 : Illustration de différentes stratégies de franchissement d'une marche (BONNET,
2007, p26)
17
Ainsi l'individu n'a pas à décomposer les informations provenant de l'environnement ou de
son mouvement pour percevoir. Un lien direct existe entre affordance et action, ignorant tout
traitement et toute représentation (cf. 1.b)). L'élaboration du mouvement est inconsciente.
Le postulat écologique développe l'idée qu'une information est perçue et qu'une réaction
naturelle permet d'y répondre. Cette réaction met en jeu un système d'auto organisation de
l'organisme qui répond à divers contraintes afin de parvenir à un état d'équilibre adaptatif.
Cette auto organisation, correspond à des relations de mobilités entre chaque articulation.
Enfin, chaque ensemble de coordination adaptatif définit des "schèmes" en
fonction de contraintes de l'environnement, de l'organisme et de la tache. Ils traduisent
l'expression d'une même réponse motrice dans des contextes perçus comme similaires. Si à
cela nous ajoutons les dimensions d'expériences antérieures et d'affect, cela définit le terme de
"tendance" (cf. b) ).
Une tendance contraint l'activité de l'organisme.
b) Les contraintes: l'organisme, l'environnement, la
tendance
L'environnement est ce que l'on peut percevoir directement grâce aux capteurs
d'informations extéroceptives que l'on possède. Celui-ci, en fonction de ses propriétés
perçues, va nous suggérer certaines actions. Nous captons inconsciemment ces affordances.
Par exemple, un patient qui se trouve face à un obstacle peut se voir suggérer soit de passer au
dessus, soit en dessous si cela est possible, soit de le contourner. C'est dans ce sens que
l'environnement contraint nos actions car il restreint nos possibilités.
D'autres éléments contraignent le choix. En effet, la théorie écologique évoque la loi
de "dépense énergétique minimale" par analogie avec l'étude du monde animal. L'animal ne
fait que ce qui lui est physiologiquement possible, et de la manière la plus économique
possible. Il en serait de même pour l'homme. Nous ne nous déplaçons pas à quatre pattes
parce qu'il est plus économique pour nous d'apprendre à maitriser notre équilibre afin de se
mettre debout. Parallèlement, ne faut-il pas voir la marche de Mr L. comme l'adaptation la
plus économique que son organisme ait eu en rapport à ses capacités physiologiques?
L'organisme réprime ainsi l'apprentissage.
18
Néanmoins, la théorie écologique s'est penchée sur la question de savoir pourquoi dans
l'exemple précédent, deux patients ayant les mêmes capacités physiologiques réagiront
spontanément différemment : l'un va passer au dessus de l'obstacle, l'autre passera à coté.
RECOPE (2001), développe le fait que chaque état d'équilibre correspond à une norme
éprouvée, et que chaque stratégie d'adaptation fait donc référence à l'expérience. Ainsi,
l'individu possède ses propres tendances de mouvements biologiquement, et inconsciemment
signifiants, permettant de conserver ou de maintenir un équilibre adaptatif.
Schéma 2
Le schéma 2 illustre l'émergence motrice, automatique et inconsciente, qui résulte des
contraintes qui pèsent sur chacun (inspiré de Bonnet J.P et Bonnet C., 2007).
c) L'intentionnalité
En fait, ces tendances s'organisent de manière hiérarchisée au niveau des articulations
mais aussi au niveau de l'organisation fonctionnelle de nos activités. La tendance supérieure
est ce que l'on appelle l'intentionnalité. Elle est à l'origine de l'action, l'initie et lui assigne sa
finalité : c'est à dire la satisfaction d'un besoin dit "supérieur". Ainsi, l'action n'est pas
19
prescrite, mais organisée par une pluralité de tendances qui spécifient progressivement son
cours en autonomie relative (Recope, 2001).
d) L'apprentissage
Toute action est déterminée par la perception d'un problème adaptatif. Un individu agit
uniquement s'il éprouve un besoin, s'il se trouve dans une situation critique. Dans un tel cas, il
lui faut préserver ou rétablir l'équilibre de ses relations avec l'environnement lorsqu'il est
menacé. Le mouvement est donc émergent. L'apprentissage est identique. Il permet de faire
émerger d'autres relations stables avec l'environnement suite à la perception d'une nouvelle
situation critique. Schématiquement, nous apprenons donc en nous confrontant au monde
extérieur et en acquérant la capacité de percevoir de nouveaux états de déséquilibre. Cela
entraine la perte de tendances existantes pour les remplacer par de nouvelles. "Ceci est valable
pour tous les changements de sensibilité à certains aspects de l'environnement, en tant
qu'accès à une signification nouvelle" (Recope, 2001).
Plus concrètement reprenons la marche de Mr L.. Correspondait-elle à un réel état qui mettait
en jeux son intégrité physique ? La situation n'était critique que dans le fait que socialement sa
marche n'était pas normale. Mr L. savait très bien que sa manière d'y faire n'était pas bonne,
néanmoins le percevait-il comme une menace à son intégrité, à ses besoins ? Si ce n'était pas
le cas, le patient ne pouvait pas faire émerger de nouveaux apprentissages.
En effet il ne suffirait pas de le vouloir pour apprendre. Certaines expériences personnelles
peuvent être susceptibles de contrecarrer les apprentissages. Ces derniers dépendent de la
compatibilité entre les solutions fournies ou valorisées par le thérapeute, et les problèmes
ressentis par le patient : les solutions ne peuvent être intériorisées que lorsqu'elles prennent le
sens de moyen adaptatif.
D'où, pour Recope (2001), "l'intérêt d'envisager une approche de la rééducation visant
l'avènement de raisons d'apprendre, centrée sur l'intentionnalité et les raisons d'agir ".
e) Synthèse
Les théories écologiques laissent peu d'indices sur la manière dont se fait
l'apprentissage moteur. Trois idées ressortent:
20
l'objet de l'apprentissage doit être une réponse à un problème ressenti comme
primordial,
les affordances, qui sont uniquement des informations extéroceptives, sont à la base de
chaque mouvement,
les exercices de rééducation doivent contraindre les taches demandées dans le but de
déclencher une réaction adaptative indépendante de la volonté (Le Her, 2004, et Cole,
2008).
Ces recherches évoquent que dans la rééducation de Mr. L., une trop grande place
aurait été donnée à la maitrise des informations intéroceptives. De même, les exercices de
cognition de la marche n'auraient pas d'intérêts. Dans cette rééducation, seul un travail
journalier de contrainte de la marche, avec un outil contraignant, automatique, tel que le
LOKOMAT, aurait-il été plus efficace?
On peut se questionner sur l'inadéquation entre les attentes de M. L. et sa perception
du problème. Le patient voulait remarcher normalement, néanmoins cette solution adaptative
sous entendait un retour à la vie professionnelle, qui pouvait être perçu comme négatif. Il
exprimait souvent son appréhension. En effet, Mr. L. allait subir un reclassement et devoir
affronter un monde qu'il avait quitté depuis son accident. Il est légitime de se demander s'il
voyait cette fin comme épanouissante. Ainsi son affect, sa vision de la marche normale,
pouvait constituer un obstacle à l'apprentissage. Ce dernier prenait alors le sens d'un moyen
adaptatif, à une situation non souhaitée.
Je tire de ces théories, plusieurs hypothèses explicatives de l'échec de Mr. L. :
H5. La rééducation n'était pas bien menée, car centrée sur une conception erronée de
l'apprentissage moteur.
H6. L'apprentissage de la marche était un moyen adaptatif à une situation non souhaitée.
21
D. Synthèse de la revue de littérature
Six hypothèses ressortent à la fin de cette revue:
H1. Mr L. ne pouvait pas élaborer une représentation cohérente aux caractéristiques
du monde et/ou y adapter un nouveau PMG.
H2. Mr L. avait une mémoire motrice défectueuse et donc ne pouvait plus apprendre
ou modifier de PMG.
H3. Mr L. ne pouvait plus automatiser sa marche et cela lui demandait trop de charge
cognitive.
H4. Mr L n'avait pas les armes de volitions nécessaires à l'apprentissage.
H5. La rééducation n'était pas bien menée, car centrée sur une conception erronée
de l'apprentissage moteur.
H6. L'apprentissage de la marche était un moyen adaptatif à une situation non
souhaitée.
Après avoir reclassé ces hypothèses, il m'apparait trois pistes de réponses:
La première piste est de se dire que la rééducation avait été bien faite. Ainsi, H1, H2,
H3, sont des hypothèses probables.
La seconde piste est de se dire que la rééducation avait été mal menée, que
l'apprentissage moteur répond à des lois écologiques et donc que les actions
rééducatives mises en places n'étaient pas cohérentes. Cela correspond à H5.
La dernière piste est de se dire que le souci est autre que structurel, il est
psychosomatique. H4 et H6 répondent à cette dernière.
22
Schéma 3 : CLASSIFICATION DES DIFFERENTES HYPOTHESES DE REPONSE A LA PROBLEMATIQUE
23
III. DISCUSSION
A la suite de cette revue de la littérature, je me demande si le mouvement est construit
à partir d'essais, d'erreurs, d'imitations c'est à dire à partir d'un vrai schéma cognitif, avec une
connaissance du mouvement, ou bien qu'il est la résultante dynamique des contraintes qui lui
sont imposées comme le signifie la deuxième approche. A l'heure actuelle aucun consensus à
ce niveau n'a été trouvé, et il s'avère que chacun peut adhérer à l'une ou l'autre des théories.
Ainsi, l'apprentissage du mouvement reste un phénomène mal connu s'appuyant sur la
seule preuve d'une plasticité cérébrale. L'approche cognitive nous dit que les mouvements
sont appris, ressentis, rectifiés et répétés afin d'être mémorisés. Tandis que l'autre nous dit que
les mouvements sont émergents et donc, que c'est en jouant sur les "contraintes" qui pèsent
sur l'organisme que l'on apprend. C'est en se basant sur cela que Le Her (2005), et Cole
(2008), voient dans cette approche un véritable plaidoyer pour l'adaptation de la contrainte de
tache dans la rééducation. Concernant le système locomoteur, le LOKOMAT, un robot
d'assistance à la marche, semble être une très belle illustration de ce concept.
Il est notable que la conception d'un programme de rééducation de type écologique
reste un mystère. Pour revenir sur quelques techniques, certaines m'apparaissent cognitivistes,
d'autres écologiques sachant que ces dernières ne s'appuient pas explicitement sur ces
approches pour justifier leur mise en place.
Tableau 5 :Essai de répartition de différentes techniques entre les deux théories
COGNITIVE ECOLOGIQUE
Techniques SENSORI-MOTRICES
ex: PERFETTI BOBATH
Techniques D'IMAGERIE MENTALE NEM
... LOKOMAT
CONTRAINTES DE TACHES
24
La première approche possède une plus grande notoriété car elle est utilisée tous les jours, par
chacun d'entre nous. Elle est également beaucoup pratiquée en rééducation à travers des
techniques sensori-motrices telle que PERFETTI. Par exemple, il semble presque "logique"
que pour apprendre, il faut pouvoir ressentir et connaitre avec exactitude le mouvement
réalisé. Paradoxalement, certaines acquisitions ne se justifient pas par le cognitivisme, comme
l'apprentissage de la marche chez l'enfant. Ce sont alors les théories écologiques qui l'explique
le mieux. Le bébé percevrait des situations critiques de déséquilibre, auxquelles il s'adapterait
en avançant les pieds (pour aller chercher un jouer par exemple). De même, une vidéo trouvée
sur internet (et sans aucune valeur scientifique, ni intention d'être une démonstration
écologique), montre malgré l'irresponsabilité parentale de part le manque de sécurité, un
enfant de 20 mois grimpant à un mur d'escalade. La réalisation de cette tache se définit de
manière satisfaisante grâce à l'écologisme.
Image 2 : Un bébé grimpant un mur d'escalade < http://www.last-video.com/bebe-fait-de-lescalade >
(consultée le 16/04/2012)
La seconde approche laisse entrevoir le fait que l'apprentissage moteur en rééducation serait
mal conceptualisé. En effet la découverte de ces théories m'a à priori permis d'aborder le
fondement théorique de certaines techniques, réalisées pour ma part de manière empirique.
Cependant l'apprentissage moteur est primordial dans les compétences attendu d'un Masseur-
kinésithérapeute. La CIF (Classification Internationale du Fonctionnement, du handicap et de
la santé, 2001) précise que nous avons pour rôle d'apprendre à nos patients à mobiliser un
corps doté de nouvelles propriétés mécaniques. Ne serait-il pas important qu'une approche
pluri focale soit abordée lors des études de kinésithérapie?
Pesons maintenant le poids de ces théories. Aucune d'entre elle ne peut se prétendre
plus juste que l'autre. Ce ne sont que des théories retranscrites pas des auteurs qui tentent
d'expliquer un processus qui est pour le moment impalpable. Comme il est dit par Yelnik
25
(2005), l'apprentissage moteur en rééducation doit s'appuyer sur ce qui fonctionne chez les
sujets sains. Devant cette énigme physiologique, l'empirisme l'emporte. Autrement dit, nous
devons utiliser ce qui fonctionne, peut-être en considérant que l'apprentissage moteur est à la
fois cognitivement et écologiquement construit.
26
IV. CONCLUSION
La problématique de ce travail était : En quoi les théories de l'apprentissage moteur
peuvent-elles expliquer l'échec de rééducation à la marche de Mr. L., hémiplégique droit en
phase séquellaire?
Les réponses correspondent à trois thèmes différents : la cognition, les procédés
employés, la psychologie. Chacun d'entre eux mériterait d'être développé beaucoup plus
amplement afin de mieux appréhender les difficultés de l'apprentissage moteur.
Ces réponses m'ont néanmoins apporté des pistes de réponses, qui auront l'avantage de
nourrir mon impression que la kinésithérapie est une discipline qui interfère avec de multiples
domaines. Notamment la psychologie, la sociologie, et la physique.
A travers ce travail nous avons enfin pu comprendre ce qu'étaient les théories
écologiques et cognitives de l'apprentissage moteur. Chacune d'entre elles apportant une
vision différente et me permettant de remettre en cause ma pratique.
27
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28
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Annales de réadaptation et de médecine physique, 2005, 48, p270-277
29
ANNEXES
ANNEXE 1 : BILAN DE MONSIEUR L. AU 12 MARS 2011
ANNEXE 2 : INDICE DE BARTHEL, AUTO-TEST
ANNEXE 3 : MMSE (Mini Mental State Examination)
ANNEXE 1:
BILAN DE MONSIEUR L. AU 12 MARS 2011
Facteurs personnels
Monsieur L. est un patient de 48 ans, ancien électromécanicien, habitant à Siradan un petit
village des Hautes Pyrénées. Son poids est de 74 Kg pour une taille de 1,70m. Il a un frère de
53 ans, plus de parent et pas d'enfant.
Divorcé depuis 4 ans, il vit seul dans une petite maison. Il est en arrêt maladie depuis 20 mois
Environnement
En dehors des problèmes liés à son AVC survenu en Aout 2009, le patient n'a pas
d'antécédent médical et chirurgical.
Depuis ce moment, Mr. L. était resté 5 mois en rééducation en début de prise en charge, et
avait bénéficié de 67 séances de Kinésithérapie en libéral.
La prescription médicale était : "4 semaines de rééducation à la marche suite aux séquelles
d'un AVC gauche à l'Arbizon". Aucun renseignement supplémentaire n'était à disposition.
Interrogatoire
Mr. L. n'a pas de projet particulier. Il ne comprend pas pourquoi il ne marche toujours pas
d'une manière convenable. Il accuse la compétence des tous les rééducateurs rencontrés
précédemment et souligne le fait que "cela n'a servi à rien".
Il ne semble pas avoir de problème majeur des fonctions supérieurs, s'exprime bien, ne se sent
pas gêné du point de vu spatio-temporel, de la concentration ni au niveau de sa mémoire.
Le MMSE (25/30) indique que les fonctions cognitives sont altérées.
Son objectif principal de rééducation est d'acquérir une marche convenable, pour ne plus que
ses "potes se moquent" de lui.
Déficiences de fonctions
(a) Douleur
Spontanée : Aucune douleur en position allongée ou assise. La station debout ainsi que la
marche sont douloureuses pour Mr. L.. Il cote cette douleur à 2/10 sur l'EVA quelque soit la
manière dont il se tient. Il n'adopte donc pas de stratégie antalgique. Celle ci se déclenche sur
la face latérale de la cuisse droite à titre de brulures. Le questionnaire DN4 (score > 4) permet
de suspecter une douleur neuropathique.
Provoquée : Aucune douleur. Il est impossible de redéclencher ses douleurs à la palpation, à la
mobilisation passive ou active.
Traitement médical : Mr. L. prend un traitement antalgique de grade III, ainsi qu'un traitement
anti dépresseur.
(b) Fonctions sensitives
Sensibilité superficielle : La discrimination tactile et la sensibilité à la pression ont été
évaluées sur les faces plantaires gauches et droites. Aucune déficience majeur n'est à noter.
Sensibilité proprioceptive : Idem, Mr. L. semble avoir bien récupéré ses sensibilités
statesthésiques et kinesthésiques aux membres inferieurs. Le schéma corporel est bon.
(c) Fonctions Articulaires
La flexion de la Talo-crurale est limitée à 5° à droite par un arrêt dur. Il y a une différence de
5° par rapport au coté controlatérale. Les autres articulations des membres inferieurs sont
libres.
(d) Fonction morpho statique
Le tronc et la ceinture scapulaire sont déviés d'une dizaine de centimètre à gauche en position
debout. Le bassin droit est reculé et abaissé. Le membre inférieur droit est en triple flexion. Le
centre de gravité est porté à gauche.
(e) Fonctions musculaire et trophique
Les différences de périmètres de la cuisse (10 cm au dessus de la patella) et de la jambe
(10cm au dessous de la patella) sont significatives, des différences respectives de -3 et -2 cm
sont à noter.
Le testing musculaire selon Daniels et Worthington, indique globalement que le membre
inferieur droit est légèrement moins fort d'environ une cotation.
Il n'y a pas d'hypo extensibilité musculaire.
Il n'y a pas d'hypertonie au membre inferieur droit sauf au niveau des ischio-jambiers, dont la
palpation des tendons n'est pas souple.
(f) Fonction motrice
Parasitage: Il y a présence d'une spasticité cotée à 1 (Ashworth modifiée) sur les ischio-
jambiers et le quadriceps droit. Le triceps est coté à 2.
Absence de syncinésie d'imitation, de diffusion ou de coordination aux membres inferieurs.
Motricité: Mr. L. mobilise ses membres inferieurs dans l'espace assez lentement mais avec
une bonne précision et sans tremblement. La dissociation des mouvements est possible malgré
la concentration que cela lui demande.
Déficiences d'activité
(a) AVQ
Auto-test de BARTHEL (Partie A+B= 64/68)
(b) Marche
La marche est douloureuse et est réalisée avec le MI droit en triple flexion. Seul l'avant du
pied est en contact avec le sol. L'attaque au sol se fait par l'avant du pied, et il présente une
boiterie en steppage. Le patient marche quotidiennement, mais peu, et rarement à l'exterieur.
Etude du membre inferieur droit lors de la marche sur sol lisse:
Transfert d'appui : de mauvaise qualité mais complet.
Largeur du pas : faible, mais néanmoins suffisante pour ne pas buter sur le pied en appui lors
de l'avancée du membre.
Rythme : entre 1 à 3 secondes sont nécessaires entre les phases d'appui et oscillante du
membre droit.
Hauteur : le patient ne traine pas les pieds, mais la hauteur reste faible.
Contact du pied : seul l'avant du pied est en contact avec le sol.
Longueur : asymétrique, raccourcie du coté de la boiterie.
Aide technique : aucune.
ANNEXE 2 :
ANNEXE 3 :
MINI MENTAL STATE EXAMINATION (MMSE)
TRADUIT EN MINI MENTAL SCORE (MMS)
Ce test ne permet pas de faire un diagnostic étiologique. Il explore les fonctions cognitives.
Test Question ou instruction cotation Nombre maximum
de points
Orientation dans le
temps
Quelle est la date complète d'aujourd'hui
? (jour mois année)
Si incomplet demander :
- année ; saison ; mois ; jour du mois ;
jour de la semaine
5 points si date complète
ou 1 point par bonne réponse à
chaque question
5
Orientation dans
l'espace
Demander :
- nom du cabinet
- de la ville
- du département
- de la région
- étage
1 point par bonne réponse 5
Répéter 3 mots
Cigare, fleur, porte
(ou citron, clé, ballon)
1 point par mot répété
correctement au premier essai 3
Soustraction de 7 Compter à partir de 100 en retirant 7 à
chaque fois
1 point par soustraction exacte
(arrêter au bout de 5) 5
Retenir
uniquement le
meilleur des
deux score
Si le patient n'obtient
pas 5 à l'épreuve de la
soustraction
Epeler MONDE à l'envers 1 point par lettre correctement
inversée 5
Répéter les 3 mots
Cigare, fleur, porte
(ou citron, clé, ballon)
1 point par mot 3
Nommer un objet Montrer un crayon, une montre et
demander au patient de nommer ces
1 point par réponse exacte 2
objets sans les prendre en main
Répéter une phrase Répéter la phrase "Pas de MAIS, de SI,
ni de ET"
1 point si la réponse est
entièrement correcte 1
Obéir à un ordre en 3
temps
Prenez mon papier dans la main droite,
pliez-le en deux, jetez-le par terre
1 point par item correctement
exécuté 3
Lire et suivre une
instruction
Tendre une feuille de papier sur laquelle
est écrit "fermez les yeux" et demander
au patient de faire ce qui est marqué
1 point si l'ordre est exécuté 1
Ecrire une phrase Voulez-vous m'écrire une phrase entière. 1 point si la phrase comporte un
sujet et un verbe 1
Reproduire un dessin
Montrer au patient un dessin de 2
pentagones qui se recoupent sur 2 côtés
et lui demander de recopier
1 point si tous les angles sont
présents et sir les figures se
coupent sur 2 côtés différents
1
TOTAL maximum 30 points
Les fonctions cognitives sont altérées si le score est inférieur à 19 pour les patients ayant bénéficié de 0 à 4 ans de scolarité ;
23 pour les patients ayant bénéficié de 5 à 8 ans de scolarité ;
27 pour les patients ayant bénéficié de 9 à 12 ans de scolarité ;
29 pour les patients ayant le baccalauréat.
CONSIGNES DE PASSATION DU MMS
A - ORIENTATION
1 - Orientation dans le temps
Question : "Quelle est la date complète d'aujourd'hui ?"
Si la réponse est incorrecte ou incomplète, poser les questions restées sans réponse, dans l'ordre suivant :
- En quelle année sommes-nous ?
- En quelle saison ?
- Quel mois ?
- Quel jour du mois ?
- Quel jour de la semaine ?
Pour ces items, seules les réponses exactes sont prises en compte. Cependant, lors de changements de saison ou de mois,
permettre au sujet de corriger une réponse erronée en lui demandant : "Êtes-vous sûr ?". Si le sujet donne 2 réponses
(lundi ou mardi), lui demander de choisir et ne tenir compte que de la réponse définitive.
Accorder 10 secondes pour chaque réponse.
Cotation : Compter 1 point pour chaque réponse exacte.
2 - Orientation dans l'espace
Introduction : "Je vais vous poser maintenant quelques questions sur l'endroit où nous nous trouvons."
Questions :
- "Quel est le nom du cabinet médical où nous sommes ? (ou le nom de la rue ou le nom du médecin)
- "Dans quelle ville se trouve-t-il ?"
- "Quel est le nom du département où nous sommes ?"
- "Dans quelle ou région est situé ce département ?"
- À quel étage sommes-nous ?
Accorder 10 secondes pour chaque réponse.
Cotation : Compter 1 point pour chaque réponse exacte.
B - APPRENTISSAGE, ENREGISTREMENT
3 - Répéter et retenir trois mots
Instruction : " Je vais vous donner 3 mots. Je voudrais que vous me les répétiez et que vous essayiez de les retenir, je
vous les redemanderai tout à l'heure : cigare (ou citron), fleur (ou clé), porte (ou ballon). Répétez les 3 mots."
Donner les 3 mots groupés, 1 par seconde, face au malade, en articulant bien. Accorder 20 secondes pour la réponse.
Si le sujet ne répète pas les 3 mots au premier essai, les redonner jusqu'à ce qu'ils soient répétés correctement dans la
limite de 6 essais. En effet, l'épreuve de rappel ne peut être analysée que si les 3 mots ont été enregistrés.
Si une personne est évaluée à plusieurs reprises, d'autres types de mots... citron, blé, ballon ou chemise, bleu, honnête...
devront être utilisés lors des évaluations successives.
Cotation : Compter 1 point pour chaque mot répété correctement au premier essai. Noter le nombre d'essais pour
information seulement.
C - ATTENTION ET CALCUL
4 - Soustraction de 7 à partir de 100
Instruction : " Comptez à partir de 100 en retirant 7 à chaque fois jusqu'à ce que je vous arrête."
Il est permis d'aider le patient en lui présentant la première soustraction. "100 moins 7 combien cela fait-il ?" et ensuite :
"Continuez."
On arrête après 5 soustractions et on compte 1 point par soustraction exacte c'est-à-dire lorsque le pas de 7 est respecté
quelle que soit la réponse précédente;
Exemple : 100, 92, 85. Le point n'est pas accordé pour la première soustraction mais il l'est pour la seconde.
Si le sujet demande, en cours de tâche, "Combien faut-il retirer ?", il n'est pas admis de répéter la consigne. Dire
"Continuez comme avant".
S'il paraît, néanmoins, indispensable de redonner la consigne, il faut repartir de la consigne initiale (" Comptez à partir
de 100 en retirant 7 à chaque fois").
S'il donne une réponse erronée lui dire "Êtes-vous sûr ?" et lui permettre de corriger. Il n'est pas permis d'indiquer si la
réponse donnée est trop faible ou trop forte.
Cotation : Accorder 10 secondes par réponse, compter 1 point par soustraction exacte.
Lorsque le sujet ne peut ou ne veut effectuer les cinq soustractions, il est nécessaire, pour maintenir le principe d'une
tâche interférente, de lui demander d'épeler le mot MONDE à l'envers. "« Pouvez-vous épeler le mot MONDE à l'envers
en commençant par la dernière lettre ?"
Toutefois, lorsque le patient a des difficultés manifestes dans le compte à rebours, il est préférable de lui demander
d'épeler le mot MONDE à l'endroit avant de lui demander de l'épeler à l'envers pour le remettre en confiance.
Dans cette épreuve, le nombre de lettres placées successivement dans un ordre correct est compté. Exemple : EDMON =
2.
Le GRECO recommande de systématiquement faire passer cette épreuve, même si le compte à rebours est correct. Dans
tous les cas, le résultat n'est pas pris en compte pour le score total.
" Voulez-vous m'épeler le mot MONDE à l'envers, en commençant par la dernière lettre"
Cotation : Compter 1 point par lettre correctement inversée.
Retenir la meilleure réponse pour la cotation
D - RAPPEL - RETENTION MNESIQUE
5 - Répéter les trois mots précédents
Instructions : "Quels sont les trois mots que je vous ai demandé de répéter et de retenir tout à l'heure ?" (cigare (ou
citron) ; fleur (ou clé) ; porte (ou ballon))
Pour chacun des mots oubliés, renseigner le sujet sur la catégorie dans laquelle le mot se classe. (Ex.: "Quelque chose
pour rentrer").
N'utiliser que les catégories et les choix spécifiés dans le test.
Si le sujet ne donne pas de réponse adéquate après lui avoir indiqué des choix, inscrire 0 et lui dire la bonne réponse.
Cotation : Accorder 10 secondes pour répondre, compter 1 point par correctement donné avant renseignement.
E - LANGAGE
6 - Montrer au patient un crayon, une montre et lui demander de nommer l'objet (Langage :
Dénomination, désignation)
Instructions "Quel est le nom de cet objet ?"
Montrer une MONTRE
Montrer un CRAYON
Il faut montrer un crayon (et non un stylo ou un stylo à bille). Aucune réponse autre que crayon n'est admise.
Le sujet ne doit pas prendre les objets en main.
Cotation : Accorder 10 secondes pour chaque réponse. Compter 1 point par réponse exacte.
7 - Demander au patient de répéter la phrase suivante : "Pas de MAIS, de SI, ni de ET" (Langage :
Répétition)
Instructions "Écoutez bien et répétez après moi : pas de MAIS, de SI, ni de ET."
La phrase doit être prononcée lentement, à haute voix, face au malade.
Si le patient dit ne pas avoir entendu, ne pas répéter la phrase (si l'examinateur a un doute, il peut être admis de vérifier
en répétant la phrase à la fin du test).
Cotation
N'accorder 1 point que si la réponse est entièrement correcte, compter 0 à la moindre erreur.
8 - Demander au sujet d'obéir à un ordre en 3 temps (Langage : Compréhension orale d'une consigne en
trois étapes)
Instructions : Poser une feuille de papier blanc sur le bureau, la montrer au patient en lui disant : "Écoutez bien et faites
ce que je vais vous dire : prenez mon papier dans la main droite, pliez-le en deux, jetez-le par terre."
Si le patient s'arrête et demande ce qu'il doit faire, il ne faut pas répéter la consigne, mais dire " Faites ce que je vous ai
dit de faire."
Cotation : Compter 1 point par item correctement exécuté (prendre de la main, plier, jeter).Max : 3 points.
9 - Demander au sujet de lire et de suivre l'instruction suivante (Langage : Compréhension du langage
écrit )
Instructions : Tendre une feuille de papier sur laquelle est écrit en gros caractères FERMEZ LES YEUX et dire au
patient : "Faites ce qui est marqué."
Cotation Accorder 5 secondes pour la réponse après l'incitation. Compter 1 point si l'ordre est exécuté. Le point n'est
accordé que si le sujet ferme les yeux. Il n'est pas accordé s'il se contente de lire la phrase.
10 - Demander au patient d'écrire une phrase. (Langage : Écriture)
Instructions : Demander au patient d'écrire une phrase sur la feuille de papier. "Voulez-vous m'écrire une phrase, ce que
vous voulez mais une phrase entière."
Si le patient n'écrit pas une phrase complète, lui demander : "Est-ce une phrase" et lui permettre de corriger s'il est
conscient de son erreur.
Cotation : Accorder 30 secondes. Compter 1 point si la phrase comprend au minimum un sujet et un verbe, sans tenir
compte des erreurs d'orthographe ou de syntaxe.
F - PRAXIE CONSTRUCTIVE
11 - Demander au patient de reproduire un dessin (Praxie de construction)
Instructions : Tendre au patient une feuille de papier sur laquelle sont dessinés 2 pentagones qui se recoupent sur 2
côtés et lui dire : "Voulez-vous recopier mon dessin ?"
Lui remettre un crayon muni d'une gomme pour effacer.
Cotation : On peut autoriser plusieurs essais et accorder un temps d'une minute. Ne pas pénaliser l'auto-correction
des erreurs, les tremblements, les petites ouvertures et les dépassements. Compter 1 point si tous les angles sont
présents et si les figures se coupent sur 2 côtés différents.
INTERPRETATION
Extraits de : ANAES, "Recommandations pratiques pour le diagnostic de la maladie d'Alzheimer".
"…Tout âge et tout niveau socio-culturel confondus, le seuil le plus discriminant est 24 (un score
inférieur à 24 est considéré comme anormal).
...il existe de nombreux faux positifs et faux négatifs en fixant le seuil à 24 quels que soient l'âge et le
niveau socio-culturel. Il existe des patients (le plus souvent plutôt jeunes et de haut niveau socio-
culturel) qui sont déments avec un MMS à 28 par exemple. Inversement, il existe des patients (le plus
souvent plutôt âgés et de faible niveau socio-culturel) qui ne sont pas déments malgré un MMS à 20 par
exemple.
... L'âge et le niveau socio-culturel du patient doivent être pris en considération dans l'interprétation du
résultat d'un examen neuropsychologique (accord professionnel). Il est recommandé d'utiliser un
instrument pour lequel existent des données normatives en fonction de l'âge et du niveau socio-culturel.
Ces données n'existent actuellement que pour la version anglo-saxonne du MMSE mais pas pour la
version française.
L'état affectif et le niveau de vigilance du patient doivent aussi être pris en considération dans
l'interprétation du résultat d'un examen neuropsychologique (accord professionnel)"
Nombre d'années de scolarité : données anglo saxonnes (JAMA) indicatives pour l'interprétation du
score :
Bibliographie - ANAES, site web, "Recommandations pratiques pour le diagnostic de la maladie d'Alzheimer", février 2000, p 23.
- Crum RM, Anthony JC, Bassett SS, Folstein MF, "Population-based norms for the mini-mental state examination by age and educational level". JAMA, 1993 ; 269 : 2386-91.
- Derouesné C, Poitreneau J, Hugonot L, Kalafat M, Dubois B, Laurent B, "Le Mini-Mental State Examination (MMSE) : un outil pratique pour l'évaluation de l'état cognitif des patients par le clinicien.", Presse Méd 1999 ; 28 : 1141-8.
(GRECO : Groupe de Recherche et d'Évaluation des fonctions Cognitives)