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INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE RENNES Approche des théories de l'apprentissage moteur à travers un cas clinique Réflexion sur la prise en charge d'un patient hémiplégique en phase séquellaire Travail personnel présenté par: BESSIS ALBAN En vue de l'obtention du diplôme d'état de Masseur-Kinésithérapeute Année scolaire 2011-2012

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INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE RENNES

Approche des théories de l'apprentissage moteur à

travers un cas clinique

Réflexion sur la prise en charge d'un patient hémiplégique en phase séquellaire

Travail personnel présenté par:

BESSIS ALBAN

En vue de l'obtention du diplôme d'état de Masseur-Kinésithérapeute

Année scolaire 2011-2012

clarisse
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Selon le code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est illégale.
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INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE RENNES

Approche des théories de l'apprentissage moteur à

travers un cas clinique

Réflexion sur la prise en charge d'un patient hémiplégique en phase séquellaire

PIETTE Patrice, directeur de mémoire

Travail personnel présenté par:

BESSIS ALBAN

En vue de l'obtention du diplôme d'état de Masseur-Kinésithérapeute

Année scolaire 2011-2012

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RESUME

Ce travail est le développement d'une réflexion issue d'une prise en charge. Un patient

hémiplégique droit depuis presque deux années était rééduqué dans le but d'améliorer son

schéma de marche. Devant l'inefficacité du traitement proposé est né un malaise autour de ma

conviction à pouvoir le rééduquer.

Qu'est ce qu'est un schéma de marche ? Que sait-on de l'apprentissage moteur ? Une

revue de littérature sur ce sujet a permis de présenter deux des grandes théories : La théorie

cognitive, et la théorie écologique. En comparant le protocole mis en place avec celles-ci, il

était recherché des causes de cet échec.

Les résultats ont permis de mettre en avant trois pistes de réponses : cognitive,

psychosomatique, et celle d'une rééducation mal menée. Ces approches permettent

effectivement de questionner la conception du protocole, ne s'appuyant à priori que sur la

méthode cognitive de l'apprentissage moteur.

Mots clés:

Accident vasculaire cérébral

Apprentissage moteur

Marche

Théorie cognitive

Théorie écologique

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ABSTRACT

This work is a reflexion about a patient i met during my internship. A patient suffering

from right-side hemiplegic for almost two years, have been re-educated in order to improve

his walking pattern. Facing the inefficiency of the treatment proposed, i felt helpless.

What is a walking pattern ? What do we know about motor learning ? According to

literature, theories are twofold : the cognitive and the ecological theories. In order to find the

causes to the unsuccess of his treatment, the theories and the medical protocol have been

compared.

Results highlight three different options : cognitive, psychosomatic and a poorly led

re-education. Indeed, these options cast doubt on the credibility of the re-education protocol,

as the protocol only seems to be based on a cognitive methodology for motor learning.

Keywords:

Stroke

Motor learning

Walk

Cognitive theory

Ecological theory

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SOMMAIRE

I. Introduction ........................................................................................................................ 1

A. Présentation du cas clinique ........................................................................................... 1

B. Problématisation ............................................................................................................. 3

1. L'accident vasculaire cérébral d'origine ischémique .................................................. 3

2. Plasticité cérébrale ...................................................................................................... 4

3. Définitions de l’apprentissage moteur ........................................................................ 4

C. Problématique ................................................................................................................. 5

II. Revue de la litterature ....................................................................................................... 6

A. Méthodologie ................................................................................................................. 6

B. Résultats ......................................................................................................................... 7

C. Analyses ......................................................................................................................... 9

1. La théorie cognitive de l'apprentissage moteur .......................................................... 9

a) Les vecteurs de l'apprentissage ............................................................................ 9

b) L'information-perception ...................................................................................... 9

c) La mémoire ........................................................................................................ 11

d) La volition .......................................................................................................... 12

e) Synthèse ............................................................................................................. 13

2. La théorie écologique de l'apprentissage moteur ..................................................... 16

a) Couplage perception-action ................................................................................ 16

b) Les contraintes: l'organisme, l'environnement, la tendance ............................... 17

c) L'intentionnalité .................................................................................................. 18

d) L'apprentissage ................................................................................................... 19

e) Synthèse ............................................................................................................. 19

D. Synthèse de la revue de littérature ................................................................................ 21

III. Discussion .................................................................................................................... 23

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IV. Conclusion .................................................................................................................... 26

Bibliographie ............................................................................................................................ 27

ANNEXES ............................................................................................................................... 29

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1

I. INTRODUCTION

Ce travail de fin d'études sur l'apprentissage moteur est né d'une réflexion de cas

portant sur une rééducation qui n'a pas porté ses fruits. Cette expérience a eu lieu lors d'un

stage à l'Arbizon, un centre de rééducation situé dans les Hautes Pyrénées, aux mois de Mars

et Avril 2011. Mr L., résident de l'établissement, y était suivi pour séquelles d'hémiplégie

droite. Son accident vasculaire cérébral était d'origine ischémique et datait d'Aout 2009, soit

20 mois auparavant. L'objectif était de mener une rééducation de la marche durant les 4

semaines de son séjour.

Cette rééducation paraissait "simple" compte tenu des capacités physiques et de la

bonne récupération du patient. L'expérience non concluante qui en est ressortie, m'a amené à

me questionner sur ma prise en charge, et à chercher une hypothèse explicative à travers les

théories de l'apprentissage moteur.

A. Présentation du cas clinique

A 48 ans, Mr. L. est entré dans le service pour suivre une rééducation à la marche. Il

s'exprimait bien, ne se sentait pas gêné d'un point de vu spatio-temporel, ni au niveau

mnésique. Depuis son AVC, le patient était resté 5 mois en rééducation et avait bénéficié de

67 séances de kinésithérapie à domicile.

Il pointait du doigt l'incompétence de tous les rééducateurs rencontrés précédemment, et

soulignait que "cela [ne lui] avait servi à rien". En effet, malgré une récupération convenable

de ses capacités physiques, Mr L avait une forte limitation d'activité. Pourquoi ne marchait-il

pas convenablement, pourquoi ne réinvestissait-il pas l'espace à portée de sa main droite ?

D'après lui, la faute provenait des praticiens.

Depuis l'accident vasculaire, Mr L. était en arrêt maladie. L'entreprise dans laquelle il

travaillait venait de lui proposer un reclassement sur un poste de bureau. Inquiet quant aux

éventuelles "moqueries de ses futurs collègues", le patient, après entente avec le médecin qui

le suivait, entama 4 semaines de rééducation fonctionnelle à la marche dans le centre en

question.

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Le bilan kinésithérapique de son début de prise en charge est fourni en ANNEXE 1.

A l'arrivée dans le service, ce patient marchait peu. En position debout, son membre

inférieur droit était en triple flexion. Sa marche s'effectuait sur le bout du pied. Il lui était

impossible de poser le talon au sol.

Pourtant :

Il n'avait pas de rétraction musculaire,

En position allongée, toutes les articulations de son membre étaient libres,

Le peu de spasticité qu'il avait, n'expliquait pas son attitude ni son schéma de marche,

Le schéma corporel était bon,

Les sensibilités étaient correctes,

Peu de syncinésies parasitaient les mouvements,

Sa douleur de cuisse (idiopathique) était très largement traitée (antalgique de grade III

ainsi que par des antidépresseurs).

Je me questionnais sur son déplacement. Le regard des autres avait de l'importance à

ses yeux. L'améliorer lui permettrait d’augmenter considérablement sa qualité de vie et son

contact avec autrui. Suite à ces observations, une réunion avec l'équipe s'est portée sur le

motif de son trouble de la marche et sur la rééducation à suivre.

La HAS ne proposait aucune recommandation concernant cette rééducation. Durant les deux

premières semaines, le travail réalisé de reprogrammation sensori-motrice s'était porté sur son

schéma corporel ainsi que sur celui de la marche. En séance j'utilisais :

Des techniques d'imagerie mentale où le patient devait se représenter les étapes et

paramètres de la tache,

Des techniques sensori-motrices : transferts de centre de gravité, marche les yeux

fermés, avec des obstacles, avec ou sans aides technique (CA), immergé en

balnéothérapie, décompositions de tâches,

Des techniques de feed-back : visuels (miroir, empreintes sur le sol), guidances

verbales.

A la fin de chaque journée, j'avais l'impression que Mr. L. avait été consciencieux et adhérait

à ce type d'exercice malgré une certaine lenteur (les traitements en étaient peut-être la cause).

Il repartait chaque jour avec des acquis, mais revenait à la séance suivante dans son schéma de

marche initial (cf. ANNEXE 1).

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Finalement sa marche ne s'améliorait pas, puisque les progrès étaient sporadiques.

Devant cette inefficacité, une discussion avec le médecin a été envisagée. Celui-ci m'apprit

qu'il s'interrogeait sur l'éventuelle recherche par le patient de bénéfices secondaires. Il insista

sur le fait que cela pouvait fort bien être inconscient, car Mr L. connaissait très bien l’enjeu de

sa présence ici. Ainsi, fallait-il faire attention de ne pas lui faire de procès d'intentions. Le

bénéfice secondaire est une notion de psychothérapie cognitivo-comportementale, qui est vu

comme le renforcement d'un symptôme pathologique. Le médecin conseilla que la prise en

charge soit poursuivie de la même façon, dans l'espoir qu'un changement positif apparaisse.

Les deux dernières semaines furent semblables aux premières. Le patient quitta le centre, peu

satisfait de sa prise en charge avec un bilan en tout point équivalent à son entrée.

Je n'ai pas été satisfait de cette expérience et me suis senti inefficace.

B. Problématisation

1. L'accident vasculaire cérébral d'origine ischémique

Un accident vasculaire cérébral ou AVC, est un déficit neurologique soudain, d'origine

vasculaire. Le terme ischémique signifie qu'il est du à l'occlusion d'une artère cérébral. Le

cerveau est donc partiellement privé d'oxygène et de glucose. Les conséquences dépendent du

siège et de la durée de l'occlusion ainsi que des possibilités locales de suppléance artérielle.

Lorsque l'apport nutritionnel fait défaut, celui ci conduit rapidement à des dommages

irréversibles des neurones.

Dans les pays occidentaux, 80% des AVC sont d'origine ischémique. Les symptômes peuvent

être très variés selon l'endroit et la taille de la lésion cérébrale. Ceux ci vont de l'absence de

signes visibles, à la perte de la motricité, perte de la sensibilité, troubles cognitifs (apraxies,

reconnaissance, mémoire, humeur, initiative...etc.), perte de la vue, perte de connaissance,

décès, etc.

Une période de récupération spontanée, allant de quelques semaines à quelques mois est

observée. Celle-ci est suivie d'une période d'évolution plus lente pendant plusieurs années.

L'étude de Jorgensen et al. (1995), réalisée sur 1200 patients aurait déterminé qu'environ 12,5

semaines seraient nécessaires aux patients pour que la récupération fonctionnelle soit quasi

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maximale, c'est à dire que commence la période d'évolution plus lente. Cette valeur est une

moyenne. En effet, ce temps varie selon la gravité initiale de l'atteinte mais aussi de la prise

en charge. La récupération serait de 17 semaines pour une atteinte sévère.

Ainsi, au bout de 80 semaines, la chance de voir des améliorations des déficiences de

Mr L. était très faible. Par contre Yelnik (2005), stipule que même après cette phase aigue

l'apprentissage moteur du patient reste indispensable, et repose sur les règles de

l'apprentissage du sujet sain appliquées à la pathologie.

2. Plasticité cérébrale

Johnston et al. (2004), définissent la plasticité cérébral comme "la capacité que

possède le cerveau à réorganiser ses réseaux synaptiques en fonction des stimuli extérieurs et

des expériences vécues par l'individu, ou d'adapter son fonctionnement suite à un traumatisme

ou à une maladie".

Ce phénomène intervient durant la jeunesse lors de la maturation cérébrale mais aussi à l'âge

adulte. Suite à une ischémie cérébrale, le tissu nerveux va nécroser. Des mécanismes de

compensations vont alors être mis en jeux. En effet ce seront des réseaux neuronaux

disponibles, péri-lésionnels, qui vont se mobiliser afin de remplacer d'autres réseaux

déficients. Ce phénomène est appelé vicariance. De même, Lacour (2004), rapporte qu'une

neurogenèse a été mise en évidence au niveau de l'hippocampe. Ce processus consiste en la

différenciation de cellules souches, conduisant à l'apparition de nouveaux neurones.

La plasticité cérébrale serait donc une modification architecturale, sous l'influence de

l'apprentissage. Elle est maximale pendant la petite enfance, mais durerait toute la vie. Le

cerveau est donc en perpétuel remaniement et la plasticité permet une régression des synapses

non fonctionnelles et un renforcement des synapses et réseaux neuronaux sollicités par

l'apprentissage.

3. Définitions de l’apprentissage moteur

Il existe de nombreuses définitions de l'apprentissage moteur. En effet, il existe

plusieurs théories ainsi que plusieurs courants dans chacune d'entre elles. Deux théories,

cognitive et écologique, attirent l'attention de nombreux chercheurs et font polémiques. Les

autres approches mécaniques ou "traditionnelles" ne font plus office de référence depuis 1967.

Il n'existe pas aujourd'hui de connaissance qui permet d'expliquer comment apprendre un

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mouvement. Ce n'est que grâce aux récentes avancées sur l'IRM dynamique, que nous avons

pu observer ce phénomène de remodelage neuronale (la plasticité cérébrale).

D'après les théories cognitives :

"L'apprentissage moteur est un processus d'adaptation cognitivo-moteur, relié à la pratique et

à l'expérience, favorisé par des conditions d'apprentissage, qui mènent à des changements

permanents de la performance et de l'habilité motrice" (Chevalier, 2004).

D'après les théories écologiques :

"L'apprentissage moteur est une découverte de solutions motrices d'un système que forme

solidairement l'organisme et l'environnement avec lequel il s'est constitué interactivement au

cours de l'évolution" (Guiard, 1993).

En fait, il convient de concevoir que pour l'une des approches, l'apprentissage est un

processus cognitif, tandis que pour l'autre c'est une réponse de l'organisme aux contraintes qui

lui sont imposées. Le point pour lequel il n'y a pas consensus, c'est le caractère permanant de

l'apprentissage. C'est à dire que quelque chose d'appris se doit de modifier dans le temps le

comportement d'un individu.

C. Problématique

Je propose dans les parties suivantes de rechercher dans la littérature, à travers les

théories qui sous-tendent l'apprentissage moteur, des éléments de réponse à mon

questionnement.

La problématique de recherche est:

En quoi les théories de l'apprentissage moteur peuvent-elles expliquer l'échec de

rééducation à la marche de Mr. L., hémiplégique droit en phase séquellaire?

Nous aborderons en premier lieu la théorie cognitive, puis dans un second temps la théorie

écologique de l'apprentissage moteur.

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II. REVUE DE LA LITTERATURE

A. Méthodologie

Il est probable que dans d'autres domaines des pistes explicatives existent, comme les

pistes économique et sociale du bénéfice secondaire. J'ai voulu restreindre mon champ de

recherche à celui de la rééducation de l'acte sensori-moteur, donc à mes compétences.

Néanmoins la littérature étant très peu fournie, j'ai ouvert mon champ à celui des Activités

Physiques et Sportives (APS).

Le thème est l'apprentissage moteur. J'ai recherché tout document qui traitait d'une

façon générale ce sujet. N'ont pas été retenus les articles expérimentaux, traitant de modalités,

et ceux ne traitant pas de manière générale le thème. Je devais en effet chercher de la

littérature me permettant d'avoir la vision la plus large possible de l'apprentissage moteur.

Les recherches ont été effectuées sur les bases de données Pubmed, EMconsult,

PEDro, Google Scholar ainsi qu'au centre de documentation de l'IFPEK Rennes.

Mots clés :

Apprentissage moteur / Motor learning

Rééducation / Rehabilitation

Marche / Walk

Théorie cognitive / Cognitive theory

Théorie écologique / ecological theory

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7

B. Résultats

Les documents retenus, peu nombreux, sont en grande partie des livres d'auteurs ainsi

que des travaux universitaires. Il n'est pas ressorti de recommandation ou bien de texte

d'autorité.

Les résultats de la recherche sont regroupés dans les tableaux 1, 2 et 3.

Tableau 1 : Littérature traitant de la théorie cognitive de l'apprentissage moteur

Type Auteur Titre Titre de l'auteur Année

Travail

Universitaire

FAMOSE

J.P.

L'acquisition des habilités

motrices

Professeur des Universités –

PARIS XI ORSAY

2007

Monographie SCHMIDT

R.A.

Apprentissage moteur et

performance

1993

Monographie SPATH

A.R.K.

Le développement des

habilités sportives

1995

Tableau 2 : Littérature traitant de la théorie écologique de l'apprentissage moteur

Type Auteur Titre Titre de l'auteur Année

Travail

Universitaire

COLE M. Applied theories in

occupational therapy: a

practical approach in

instructor's manual

Professeur en

communication et

psychologie à Indiana

University

2008

Retranscription

de conférence

GUIARD Y. L'option dynamique dans

l'approche écologique de

la perception-action

Directeur de recherche

CNRS

1993

Monographie RECOPE M.

et al.

L'apprentissage Maitre de conférences UFR

STAPS de Clermont-

Ferrand II

2001

Article de

Périodique

TEMPRADO

J.J.

Approches cognitives et

écologiques dans

l'apprentissage des

habilités motrices en

sport

Responsable de l'axe de

recherche transversal :

"Déficiences Motrices",

Vice-président de

l’Agrégation d’EPS

1995

Page 14: INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE …

8

Tableau 3 : Littérature traitant des théories écologiques et cognitives de l'apprentissage

moteur

Type Auteur Titre Titre de l'auteur Année

Monographie BONNET J.P.

et BONNET C.

Théories de

l'apprentissage

moteur: étude

comparée

BONNET J.P.: Professeur agrégé,

en poste à l'UFR S.T.A.P.S de

Dijon, préparateur C.A.P.E.P.S

BONNET C.: Dr. en Kinésiologie,

En poste à l'université de Marseille

ATER

2007

Travail

Universitaire

CHEVALIER

N.

Apprentissage

moteur et processus

d'apprentissage

Docteur en A.P.S., spécialisée en

apprentissage moteur de l’enfant,

titulaire au Département de

Kinanthropologie, chercheure au

sein de l’Institut santé et société et

de l’Institut des sciences

cognitives de l’Université du

Québec

2004

Article de

périodique

DURNY

Annick

Les différentes

théories de

l'apprentissage

moteur: de l'expertise

à la vulgarisation

pratique

Maître de conférences STAPS,

Rennes2, URF APS

2007

Travail

Universitaire

LE HER M. Les théories de

l'apprentissage

moteur

2004

Congrès

SOFMER

YELNIK A. Evolution des

concepts en

rééducation du

patient hémiplégique

2004

Page 15: INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE …

9

C. Analyses

1. La théorie cognitive de l'apprentissage moteur

Pour les "cognitivistes", l'apprentissage moteur correspond à un processus cognitif qui

consiste à acquérir une représentation de l'environnement afin de sélectionner la réponse

adéquate par un mécanisme décisionnel.

a) Les vecteurs de l'apprentissage

Famose (2007), définit une liste de trois éléments essentiels développés ci dessous : la

cognition, la mémorisation, et la volition.

La cognition est un terme utilisé pour regrouper les fonctions, dont est doté

l'esprit humain, par lesquelles nous construisons une représentation de la réalité qui permet,

elle, de nourrir nos raisonnements et de guider nos actions.

La mémorisation correspond au stockage d'informations liées à l'apprentissage.

Il existe plusieurs types de mémoires: explicite et implicite. Les théories cognitives font

référence à la mémoire explicite, dans le sens où l'individu va pouvoir venir y piocher les

informations motrices dont il a besoin. Ce processus se fait automatiquement, ainsi nous

stockons à chaque instant une énorme quantité de données. Heureusement "l'oubli" nous

permet de nous débarrasser de ce qui est superflu. Au contraire, ce qui ne l'est pas, est

récurent : le travail de répétition semble être l'aspect le plus fondamental de la mémorisation.

Enfin, des études récentes ont introduit une nouvelle notion qui s'appelle la

volition. Elle constitue la phase post-décisionnelle de l'effort d'apprentissage vers le but. En

fait, c'est un processus mental impliqué dans le maintien d'une intention ou d'un but jusqu'à ce

qu'il soit accompli. Famose (2007), explique que pour lui, la volition a pour rôle de protéger

l'intention d'apprendre et l'influence en mobilisant notre investissement personnel, ainsi que le

maintien de notre attention et de l'effort.

b) L'information-perception

L'idée principale de ce modèle est que l'information subit un traitement. L'organisme

ne réagit pas immédiatement à un stimulus, il doit d'abord l'analyser, le traiter, avant de

Page 16: INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE …

10

sélectionner un PMG (Programme Moteur Généralisé). Ce PMG est le terme plus récent

utilisé pour dénommer le schéma moteur, et correspond "à une connaissance, à l'agent qui

détermine les muscles à se contracter, ainsi que l'ordre et la durée de leur contraction"

(Schmidt, 1993). C'est en quelque sorte le "schéma qui commande la production d'un

mouvement et son pilotage".

Dans cette théorie, "la première étape indispensable du mouvement est de prélever des

sensations intéroceptives et extéroceptives afin d'acquérir une représentation de

l'environnement" (Bonnet, 2007). Elle part du postulat que la représentation est un médiateur

indispensable entre l'information et l'action.

Ainsi, pour apprendre, il faut d'abord "apprendre à connaitre le monde pour s'y adapter en y

prélevant les information qu'il contient" (DURNY, 2007). Ces informations sont accessibles

sous forme de données, puis traitées par le système nerveux central pour aboutir à une

représentation de l'environnement et de l'action. L'étape est donc réussie lorsque le traitement

produit une représentation conforme aux caractéristiques du monde. Cette hypothèse est

validée par l'existence de neurones spécifiquement sensibles à certaines propriétés de

l'environnement.

Ce processus précède l'action, le geste, la tache.

Schéma 1 : Représentation schématique de la réponse motrice. (BONNET, 2007, p17)

Page 17: INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE …

11

Par exemple, prenons un golfeur qui se place devant sa balle. Les prises d'informations sont

alors multiples : Suis-je bien placé ? Quel est mon état de stress ? Comment le vent souffle-t-

il ? Où se trouve le trou ? A quelles distance, hauteur ? Ai-je pris le bon club ? Il construit

alors sa représentation de l'action qui le conduira à choisir le bon PMG, afin de mettre la balle

dans le trou. Si les informations recueillies sont fausses, le coup risque d'être un échec.

Le recueil d'informations a un autre rôle qui n'est pas moindre. Il se produit pendant la

réalisation du mouvement. Ce sont les feed-back (FB), qui ont pour charge de flatter le PMG

ou de modifier quelques variables afin d'atteindre le but. Ceux ci sont essentiels lors de

l'apprentissage car ils permettent de réaliser si le mouvement programmé est cohérent avec ce

qui est envisagé. S'il s'avère que ce n'est pas le cas, une correction du PMG est à entreprendre.

Prenons le cas d'un patient, porteur d’une paralysie cérébrale, à qui l'on tente d'apprendre à

réaliser un sourire, (coordination symétrique musculaire) face à un miroir. Celui-ci recueille

les informations initiales, les traite, sélectionne la réponse et le programme à réaliser, et libère

la sortie motrice. Malheureusement la réponse est exagérée d'un coté (FB) : le sourire n'est pas

symétrique. Cette information sera utile car mémorisée et influencera par la suite le

déclenchement de ce même PMG.

c) La mémoire

La mémoire est au centre de l'apprentissage moteur pour les "cognitivistes". Elle

permettrait de reconnaitre ou de reconstituer les propriétés du monde pour aboutir à une

représentation de l'environnement actuel. Autrement dit, elle permettrait d'identifier et de

traiter les bons indices, et d'ignorer les données sensorielles non pertinentes. Cette notion du

système cognitif indique qu'il n'y a, dans l'absolu, qu'une bonne façon de traiter l'information :

celle qui aboutit à une représentation conforme au monde.

De plus, la rétention des PMG prend de la place. Schmidt (1993), explique: " A l'origine, le

programme ne peut être capable de contrôler qu'un court enchainement d'action. Grace à la

pratique, le programme devient plus élaboré, susceptible de contrôler des enchainements de

plus en plus longs..." Au fur et à mesure de l'entrainement, ces programmes vont s'affiner et

seront "stockés dans la mémoire à long terme et pourront être retrouvés..." (Famose, 1987).

Par la suite, "c'est en puisant dans la mémoire que le mécanisme de décision va sélectionner

un plan d'action satisfaisant aux conditions d'une situation particulière. Le sujet doit donc

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posséder en mémoire un nombre conséquent de plans d'actions déjà expérimentés et proches

de l'activité pratiquée" (Spaeth, 1995).

Il existe en effet "des neurones dont la décharge correspond spécifiquement à certains

paramètres du geste : la durée absolue, l'amplitude absolue, le type de segment utilisé, la

force, la direction... Ceci a été interprété comme l'indice d'une programmation du mouvement

dont seraient responsables certaines régions du cerveau" (Durny, 2007).

d) La volition

Cette théorie implique totalement le patient dans sa capacité à apprendre. Famose

(2007), fait remonter au premier plan "l'indispensabilité de mettre en place des stratégies

volitionnelles" lors de l'apprentissage. Celles-ci aideraient à protéger l'intention d'apprendre

(les buts, les espérances, la valeur) et maintiennent la tentative d'apprendre (les stratégies

d'apprentissage). La volition est une pensée et/ou un comportement autorégulateur.

Considérons un patient qui veut apprendre à passer un trottoir. Il peut soit, décider de ne pas

monter de marches plus hautes que sa cheville (contrôle environnemental), soit faire des

retours en arrière pour aider sa mémorisation de la coordination (contrôle d'encodage). Il peut

également s'engager dans des dialogues internes pour réduire son anxiété sur cet exercice

d'équilibre (contrôle des émotions), ou encore, se promettre quelques récompenses s'il y arrive

avec succès (contrôle de la motivation). Dans ce cas, ce sont des variétés de stratégies

volitionnelles, qui sont utilisées.

La mobilisation de son investissement personnel, le maintien de son attention et de son effort

vers l'atteinte du but sont des pré-requis nécessaires à des résultats d'apprentissage positifs. Si

une difficulté ou une distraction se présentent, le patient doit mettre en œuvre une action

stratégique pour initier ou maintenir son effort sur la tâche. Des distractions peuvent survenir

et peuvent potentiellement divertir l'effort et la persévérance requise.

Pour utiliser ces comportements, il faut que l'apprenant possède au préalable une base de

croyances et de connaissances sur lui même et sa pathologie (Famose, 2007).

Page 19: INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE …

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e) Synthèse

A l'amorce de chaque mouvement, l'information est traitée par le patient. Tout d'abord

les données sensorielles brutes produisent une image sensorielle appelée représentation. Sur

cette étape, Durny (2007), précise que l'apprentissage consiste à "apprendre à connaitre le

monde". Cette idée implique une notion "d'expérience du monde" car elle vient du fait que

cette représentation se fait par va-et-vient avec la mémorisation des événements du passé

(BONNET, 2007). Ce processus permet de mettre en exergue la capacité de reconnaissance

d'informations pertinentes, sur lesquelles il faut porter attention.

→ Connaitre le monde permet d'obtenir une bonne représentation de celui-ci.

La représentation constitue ensuite la base sur laquelle le processus cognitif va pouvoir

s'appuyer pour choisir le PMG qui permettra de réaliser le geste. L'apprentissage implique une

notion d'automatisation cognitive de l'utilisation d'un PMG pour une représentation et dans un

but donné.

→ Apprendre c'est associer des connaissances que sont les PMG avec des représentations.

Selon que les feed-back soient flatteurs ou non, certaines variables des PMG peuvent être

modifiées, et mémorisées.

→Apprendre correspond alors à la diminution de la variabilité des informations

programmées ou à l'augmentation de la part programmée du mouvement.

Conclusion:

Nous apprenons en mémorisant:

des connaissances sur le monde,

des Programmes Moteurs Généralisés,

Et en automatisant:

la reconnaissance d'informations pertinentes,

l'association des schémas moteurs à des situations environnementales,

la modification de ces schémas en fonction des feed-back.

Par rapport à la rééducation de Mr L. je remarque de nombreuses similitudes. Les

techniques sensori-motrices et de feed-back utilisés vont dans le sens de la quête et de

Page 20: INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE …

14

l'intégration d'informations nécessaires à la marche. Tous les exercices ont donc concouru à

améliorer la représentation du patient à travers des situations où il était obligé de se focaliser

sur ses appuis, son polygone de sustentation, sa situation spatiale et l'environnement. L'idée

était que si son traitement des informations était plus juste, il pourrait ensuite choisir de

développer un meilleur mouvement.

Tableau 4 :Exercices proposés à Mr L. au cours de sa rééducation

Exercices Prise de conscience

Transferts du centre de gravité Du poids de son corps et de son polygone de sustentation

Marche avec les yeux fermés De ses appuis au sol

Marche avec des obstacles De l'environnement

Immergé en balnéothérapie De l'environnement

FB visuels et verbaux De sa situation spatiale et de ses gestes

Ainsi, d'après ces recherches la première étape de l'apprentissage était bien choisie.

Elle consistait à traiter les informations brutes de la manière la plus juste possible. Le prés-

requis est de pouvoir à priori capter ces informations, or le patient ne souffrait pas de

déficiences sensitives majeures.

Les exercices étaient variés. La marche était réalisée à l'intérieur comme à l'extérieur.

Plusieurs modalités pouvaient être associées: suppression de l'afférence visuelle, utilisation

d'obstacles ou d'aides techniques. Elle était également exécutée en milieu aquatique, pour

reproduire le plus de situations particulières. De plus, ces entrainements étaient réalisés tous

les jours et auraient du entrainer la stabilisation du schéma de marche. C'était un travail

intense de répétitions.

Une attente de la diminution de la charge cognitive dans ces situations était aussi attendue

grâce à la reconnaissance de circonstances déjà vécues. L'imagerie motrice et les

décompositions de taches venaient appuyer tout cela. Il est actuellement prouvé que la

Page 21: INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE …

15

visualisation fait travailler les mêmes zones cérébrales que la réalisation du mouvement

imaginé (GUEUGNEAU, 2007).

Il m'est impossible d'estimer si cet échec est issu d'un processus conscient ou

inconscient. Est-ce un problème de cognition, ou de mémorisation, ou bien des deux ? Cela

sort aussi de mon champ d'expertise. La seule information que je possédais à ce niveau était

son résultat au MMSE (Mini Mental State Examination), dont le résultat (de 25/30) était au

dessus du seuil pathologique de 24/30 mais signifiait une atteinte de fonctions cognitives.

La notion de volition, évoquée plus haut, semble très intéressante dans cette théorie et elle

mériterait peut-être que l'on s'y intéresse en rééducation. La Société Française de

Rhumatologie (SFR) travaille actuellement sur une recherche expérimentale nommée

"volition et lombalgie chronique". Il est notable que le domaine de la kinésithérapie ne s'est

pas encore saisi de ce genre de concepts, qui pourtant semblent proches du résultat attendu par

l'éducation thérapeutique.

Enfin, par coïncidence, une certaine similitude entre le raisonnement clinique mis en place à

travers les exercices de Mr L. et les théories cognitives, m'amènerait à croire qu'une grande

part de notre enseignement est basée sur ces fondements cognitivistes. Faut-il voir ici une

inadaptation de ces théories d'apprentissage, donc de mon approche kinésithérapique, dans la

demande de soin que présente Mr L. ?

Je tire néanmoins plusieurs hypothèses explicatives concernant son échec :

H1. Mr L. ne pouvait pas élaborer une représentation cohérente aux caractéristiques du

monde et/ou pour y adapter un nouveau PMG.

H2. Mr L. avait une mémoire motrice défectueuse et donc ne pouvait plus apprendre ou

modifier de PMG.

H3. Mr L. ne pouvait plus automatiser sa marche et cela lui demandait trop de charge

cognitive.

H4. Mr L n'avait pas les armes de volitions nécessaires à l'apprentissage.

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2. La théorie écologique de l'apprentissage moteur

Selon l'approche écologique, l'activité motrice produite n'est pas prescrite par une

instance centrale. Elle est émergente, c'est à dire qu'elle résulte de l'interaction entre

l'organisme et l'environnement. Ainsi, l'organisme tend vers des états d'équilibres stables, qui

constituent ses propres normes adaptatives, et tend à les maintenir lorsque certaines

circonstances les menacent (Recope, 2001).

a) Couplage perception-action

Dans cette approche, les sensations perçues dans un milieu sont les "affordances". Ces

affordances sont les possibilités d'action de l'organisme dans l'environnement. Pour Recope

(2001), ce sont "des aspects significatifs de l'environnement qui sont perçus parce qu'ils sont

utiles à l'action". Et pour Temprado (1995), "l'affordance est ce que l'environnement suggère

comme type d'action".

L'exemple de Warren, cité par Bonnet (2007, p26), illustre cela : selon la hauteur d'une

marche, un individu adoptera spontanément différentes solutions en fonction de sa taille, de

son âge, son sexe... sans pour autant réfléchir :

Image 1 : Illustration de différentes stratégies de franchissement d'une marche (BONNET,

2007, p26)

Page 23: INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE …

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Ainsi l'individu n'a pas à décomposer les informations provenant de l'environnement ou de

son mouvement pour percevoir. Un lien direct existe entre affordance et action, ignorant tout

traitement et toute représentation (cf. 1.b)). L'élaboration du mouvement est inconsciente.

Le postulat écologique développe l'idée qu'une information est perçue et qu'une réaction

naturelle permet d'y répondre. Cette réaction met en jeu un système d'auto organisation de

l'organisme qui répond à divers contraintes afin de parvenir à un état d'équilibre adaptatif.

Cette auto organisation, correspond à des relations de mobilités entre chaque articulation.

Enfin, chaque ensemble de coordination adaptatif définit des "schèmes" en

fonction de contraintes de l'environnement, de l'organisme et de la tache. Ils traduisent

l'expression d'une même réponse motrice dans des contextes perçus comme similaires. Si à

cela nous ajoutons les dimensions d'expériences antérieures et d'affect, cela définit le terme de

"tendance" (cf. b) ).

Une tendance contraint l'activité de l'organisme.

b) Les contraintes: l'organisme, l'environnement, la

tendance

L'environnement est ce que l'on peut percevoir directement grâce aux capteurs

d'informations extéroceptives que l'on possède. Celui-ci, en fonction de ses propriétés

perçues, va nous suggérer certaines actions. Nous captons inconsciemment ces affordances.

Par exemple, un patient qui se trouve face à un obstacle peut se voir suggérer soit de passer au

dessus, soit en dessous si cela est possible, soit de le contourner. C'est dans ce sens que

l'environnement contraint nos actions car il restreint nos possibilités.

D'autres éléments contraignent le choix. En effet, la théorie écologique évoque la loi

de "dépense énergétique minimale" par analogie avec l'étude du monde animal. L'animal ne

fait que ce qui lui est physiologiquement possible, et de la manière la plus économique

possible. Il en serait de même pour l'homme. Nous ne nous déplaçons pas à quatre pattes

parce qu'il est plus économique pour nous d'apprendre à maitriser notre équilibre afin de se

mettre debout. Parallèlement, ne faut-il pas voir la marche de Mr L. comme l'adaptation la

plus économique que son organisme ait eu en rapport à ses capacités physiologiques?

L'organisme réprime ainsi l'apprentissage.

Page 24: INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE …

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Néanmoins, la théorie écologique s'est penchée sur la question de savoir pourquoi dans

l'exemple précédent, deux patients ayant les mêmes capacités physiologiques réagiront

spontanément différemment : l'un va passer au dessus de l'obstacle, l'autre passera à coté.

RECOPE (2001), développe le fait que chaque état d'équilibre correspond à une norme

éprouvée, et que chaque stratégie d'adaptation fait donc référence à l'expérience. Ainsi,

l'individu possède ses propres tendances de mouvements biologiquement, et inconsciemment

signifiants, permettant de conserver ou de maintenir un équilibre adaptatif.

Schéma 2

Le schéma 2 illustre l'émergence motrice, automatique et inconsciente, qui résulte des

contraintes qui pèsent sur chacun (inspiré de Bonnet J.P et Bonnet C., 2007).

c) L'intentionnalité

En fait, ces tendances s'organisent de manière hiérarchisée au niveau des articulations

mais aussi au niveau de l'organisation fonctionnelle de nos activités. La tendance supérieure

est ce que l'on appelle l'intentionnalité. Elle est à l'origine de l'action, l'initie et lui assigne sa

finalité : c'est à dire la satisfaction d'un besoin dit "supérieur". Ainsi, l'action n'est pas

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prescrite, mais organisée par une pluralité de tendances qui spécifient progressivement son

cours en autonomie relative (Recope, 2001).

d) L'apprentissage

Toute action est déterminée par la perception d'un problème adaptatif. Un individu agit

uniquement s'il éprouve un besoin, s'il se trouve dans une situation critique. Dans un tel cas, il

lui faut préserver ou rétablir l'équilibre de ses relations avec l'environnement lorsqu'il est

menacé. Le mouvement est donc émergent. L'apprentissage est identique. Il permet de faire

émerger d'autres relations stables avec l'environnement suite à la perception d'une nouvelle

situation critique. Schématiquement, nous apprenons donc en nous confrontant au monde

extérieur et en acquérant la capacité de percevoir de nouveaux états de déséquilibre. Cela

entraine la perte de tendances existantes pour les remplacer par de nouvelles. "Ceci est valable

pour tous les changements de sensibilité à certains aspects de l'environnement, en tant

qu'accès à une signification nouvelle" (Recope, 2001).

Plus concrètement reprenons la marche de Mr L.. Correspondait-elle à un réel état qui mettait

en jeux son intégrité physique ? La situation n'était critique que dans le fait que socialement sa

marche n'était pas normale. Mr L. savait très bien que sa manière d'y faire n'était pas bonne,

néanmoins le percevait-il comme une menace à son intégrité, à ses besoins ? Si ce n'était pas

le cas, le patient ne pouvait pas faire émerger de nouveaux apprentissages.

En effet il ne suffirait pas de le vouloir pour apprendre. Certaines expériences personnelles

peuvent être susceptibles de contrecarrer les apprentissages. Ces derniers dépendent de la

compatibilité entre les solutions fournies ou valorisées par le thérapeute, et les problèmes

ressentis par le patient : les solutions ne peuvent être intériorisées que lorsqu'elles prennent le

sens de moyen adaptatif.

D'où, pour Recope (2001), "l'intérêt d'envisager une approche de la rééducation visant

l'avènement de raisons d'apprendre, centrée sur l'intentionnalité et les raisons d'agir ".

e) Synthèse

Les théories écologiques laissent peu d'indices sur la manière dont se fait

l'apprentissage moteur. Trois idées ressortent:

Page 26: INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE …

20

l'objet de l'apprentissage doit être une réponse à un problème ressenti comme

primordial,

les affordances, qui sont uniquement des informations extéroceptives, sont à la base de

chaque mouvement,

les exercices de rééducation doivent contraindre les taches demandées dans le but de

déclencher une réaction adaptative indépendante de la volonté (Le Her, 2004, et Cole,

2008).

Ces recherches évoquent que dans la rééducation de Mr. L., une trop grande place

aurait été donnée à la maitrise des informations intéroceptives. De même, les exercices de

cognition de la marche n'auraient pas d'intérêts. Dans cette rééducation, seul un travail

journalier de contrainte de la marche, avec un outil contraignant, automatique, tel que le

LOKOMAT, aurait-il été plus efficace?

On peut se questionner sur l'inadéquation entre les attentes de M. L. et sa perception

du problème. Le patient voulait remarcher normalement, néanmoins cette solution adaptative

sous entendait un retour à la vie professionnelle, qui pouvait être perçu comme négatif. Il

exprimait souvent son appréhension. En effet, Mr. L. allait subir un reclassement et devoir

affronter un monde qu'il avait quitté depuis son accident. Il est légitime de se demander s'il

voyait cette fin comme épanouissante. Ainsi son affect, sa vision de la marche normale,

pouvait constituer un obstacle à l'apprentissage. Ce dernier prenait alors le sens d'un moyen

adaptatif, à une situation non souhaitée.

Je tire de ces théories, plusieurs hypothèses explicatives de l'échec de Mr. L. :

H5. La rééducation n'était pas bien menée, car centrée sur une conception erronée de

l'apprentissage moteur.

H6. L'apprentissage de la marche était un moyen adaptatif à une situation non souhaitée.

Page 27: INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE …

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D. Synthèse de la revue de littérature

Six hypothèses ressortent à la fin de cette revue:

H1. Mr L. ne pouvait pas élaborer une représentation cohérente aux caractéristiques

du monde et/ou y adapter un nouveau PMG.

H2. Mr L. avait une mémoire motrice défectueuse et donc ne pouvait plus apprendre

ou modifier de PMG.

H3. Mr L. ne pouvait plus automatiser sa marche et cela lui demandait trop de charge

cognitive.

H4. Mr L n'avait pas les armes de volitions nécessaires à l'apprentissage.

H5. La rééducation n'était pas bien menée, car centrée sur une conception erronée

de l'apprentissage moteur.

H6. L'apprentissage de la marche était un moyen adaptatif à une situation non

souhaitée.

Après avoir reclassé ces hypothèses, il m'apparait trois pistes de réponses:

La première piste est de se dire que la rééducation avait été bien faite. Ainsi, H1, H2,

H3, sont des hypothèses probables.

La seconde piste est de se dire que la rééducation avait été mal menée, que

l'apprentissage moteur répond à des lois écologiques et donc que les actions

rééducatives mises en places n'étaient pas cohérentes. Cela correspond à H5.

La dernière piste est de se dire que le souci est autre que structurel, il est

psychosomatique. H4 et H6 répondent à cette dernière.

Page 28: INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE …

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Schéma 3 : CLASSIFICATION DES DIFFERENTES HYPOTHESES DE REPONSE A LA PROBLEMATIQUE

Page 29: INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE …

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III. DISCUSSION

A la suite de cette revue de la littérature, je me demande si le mouvement est construit

à partir d'essais, d'erreurs, d'imitations c'est à dire à partir d'un vrai schéma cognitif, avec une

connaissance du mouvement, ou bien qu'il est la résultante dynamique des contraintes qui lui

sont imposées comme le signifie la deuxième approche. A l'heure actuelle aucun consensus à

ce niveau n'a été trouvé, et il s'avère que chacun peut adhérer à l'une ou l'autre des théories.

Ainsi, l'apprentissage du mouvement reste un phénomène mal connu s'appuyant sur la

seule preuve d'une plasticité cérébrale. L'approche cognitive nous dit que les mouvements

sont appris, ressentis, rectifiés et répétés afin d'être mémorisés. Tandis que l'autre nous dit que

les mouvements sont émergents et donc, que c'est en jouant sur les "contraintes" qui pèsent

sur l'organisme que l'on apprend. C'est en se basant sur cela que Le Her (2005), et Cole

(2008), voient dans cette approche un véritable plaidoyer pour l'adaptation de la contrainte de

tache dans la rééducation. Concernant le système locomoteur, le LOKOMAT, un robot

d'assistance à la marche, semble être une très belle illustration de ce concept.

Il est notable que la conception d'un programme de rééducation de type écologique

reste un mystère. Pour revenir sur quelques techniques, certaines m'apparaissent cognitivistes,

d'autres écologiques sachant que ces dernières ne s'appuient pas explicitement sur ces

approches pour justifier leur mise en place.

Tableau 5 :Essai de répartition de différentes techniques entre les deux théories

COGNITIVE ECOLOGIQUE

Techniques SENSORI-MOTRICES

ex: PERFETTI BOBATH

Techniques D'IMAGERIE MENTALE NEM

... LOKOMAT

CONTRAINTES DE TACHES

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La première approche possède une plus grande notoriété car elle est utilisée tous les jours, par

chacun d'entre nous. Elle est également beaucoup pratiquée en rééducation à travers des

techniques sensori-motrices telle que PERFETTI. Par exemple, il semble presque "logique"

que pour apprendre, il faut pouvoir ressentir et connaitre avec exactitude le mouvement

réalisé. Paradoxalement, certaines acquisitions ne se justifient pas par le cognitivisme, comme

l'apprentissage de la marche chez l'enfant. Ce sont alors les théories écologiques qui l'explique

le mieux. Le bébé percevrait des situations critiques de déséquilibre, auxquelles il s'adapterait

en avançant les pieds (pour aller chercher un jouer par exemple). De même, une vidéo trouvée

sur internet (et sans aucune valeur scientifique, ni intention d'être une démonstration

écologique), montre malgré l'irresponsabilité parentale de part le manque de sécurité, un

enfant de 20 mois grimpant à un mur d'escalade. La réalisation de cette tache se définit de

manière satisfaisante grâce à l'écologisme.

Image 2 : Un bébé grimpant un mur d'escalade < http://www.last-video.com/bebe-fait-de-lescalade >

(consultée le 16/04/2012)

La seconde approche laisse entrevoir le fait que l'apprentissage moteur en rééducation serait

mal conceptualisé. En effet la découverte de ces théories m'a à priori permis d'aborder le

fondement théorique de certaines techniques, réalisées pour ma part de manière empirique.

Cependant l'apprentissage moteur est primordial dans les compétences attendu d'un Masseur-

kinésithérapeute. La CIF (Classification Internationale du Fonctionnement, du handicap et de

la santé, 2001) précise que nous avons pour rôle d'apprendre à nos patients à mobiliser un

corps doté de nouvelles propriétés mécaniques. Ne serait-il pas important qu'une approche

pluri focale soit abordée lors des études de kinésithérapie?

Pesons maintenant le poids de ces théories. Aucune d'entre elle ne peut se prétendre

plus juste que l'autre. Ce ne sont que des théories retranscrites pas des auteurs qui tentent

d'expliquer un processus qui est pour le moment impalpable. Comme il est dit par Yelnik

Page 31: INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE …

25

(2005), l'apprentissage moteur en rééducation doit s'appuyer sur ce qui fonctionne chez les

sujets sains. Devant cette énigme physiologique, l'empirisme l'emporte. Autrement dit, nous

devons utiliser ce qui fonctionne, peut-être en considérant que l'apprentissage moteur est à la

fois cognitivement et écologiquement construit.

Page 32: INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE …

26

IV. CONCLUSION

La problématique de ce travail était : En quoi les théories de l'apprentissage moteur

peuvent-elles expliquer l'échec de rééducation à la marche de Mr. L., hémiplégique droit en

phase séquellaire?

Les réponses correspondent à trois thèmes différents : la cognition, les procédés

employés, la psychologie. Chacun d'entre eux mériterait d'être développé beaucoup plus

amplement afin de mieux appréhender les difficultés de l'apprentissage moteur.

Ces réponses m'ont néanmoins apporté des pistes de réponses, qui auront l'avantage de

nourrir mon impression que la kinésithérapie est une discipline qui interfère avec de multiples

domaines. Notamment la psychologie, la sociologie, et la physique.

A travers ce travail nous avons enfin pu comprendre ce qu'étaient les théories

écologiques et cognitives de l'apprentissage moteur. Chacune d'entre elles apportant une

vision différente et me permettant de remettre en cause ma pratique.

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27

BIBLIOGRAPHIE

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Page 35: INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE …

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ANNEXES

ANNEXE 1 : BILAN DE MONSIEUR L. AU 12 MARS 2011

ANNEXE 2 : INDICE DE BARTHEL, AUTO-TEST

ANNEXE 3 : MMSE (Mini Mental State Examination)

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ANNEXE 1:

BILAN DE MONSIEUR L. AU 12 MARS 2011

Facteurs personnels

Monsieur L. est un patient de 48 ans, ancien électromécanicien, habitant à Siradan un petit

village des Hautes Pyrénées. Son poids est de 74 Kg pour une taille de 1,70m. Il a un frère de

53 ans, plus de parent et pas d'enfant.

Divorcé depuis 4 ans, il vit seul dans une petite maison. Il est en arrêt maladie depuis 20 mois

Environnement

En dehors des problèmes liés à son AVC survenu en Aout 2009, le patient n'a pas

d'antécédent médical et chirurgical.

Depuis ce moment, Mr. L. était resté 5 mois en rééducation en début de prise en charge, et

avait bénéficié de 67 séances de Kinésithérapie en libéral.

La prescription médicale était : "4 semaines de rééducation à la marche suite aux séquelles

d'un AVC gauche à l'Arbizon". Aucun renseignement supplémentaire n'était à disposition.

Interrogatoire

Mr. L. n'a pas de projet particulier. Il ne comprend pas pourquoi il ne marche toujours pas

d'une manière convenable. Il accuse la compétence des tous les rééducateurs rencontrés

précédemment et souligne le fait que "cela n'a servi à rien".

Il ne semble pas avoir de problème majeur des fonctions supérieurs, s'exprime bien, ne se sent

pas gêné du point de vu spatio-temporel, de la concentration ni au niveau de sa mémoire.

Le MMSE (25/30) indique que les fonctions cognitives sont altérées.

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Son objectif principal de rééducation est d'acquérir une marche convenable, pour ne plus que

ses "potes se moquent" de lui.

Déficiences de fonctions

(a) Douleur

Spontanée : Aucune douleur en position allongée ou assise. La station debout ainsi que la

marche sont douloureuses pour Mr. L.. Il cote cette douleur à 2/10 sur l'EVA quelque soit la

manière dont il se tient. Il n'adopte donc pas de stratégie antalgique. Celle ci se déclenche sur

la face latérale de la cuisse droite à titre de brulures. Le questionnaire DN4 (score > 4) permet

de suspecter une douleur neuropathique.

Provoquée : Aucune douleur. Il est impossible de redéclencher ses douleurs à la palpation, à la

mobilisation passive ou active.

Traitement médical : Mr. L. prend un traitement antalgique de grade III, ainsi qu'un traitement

anti dépresseur.

(b) Fonctions sensitives

Sensibilité superficielle : La discrimination tactile et la sensibilité à la pression ont été

évaluées sur les faces plantaires gauches et droites. Aucune déficience majeur n'est à noter.

Sensibilité proprioceptive : Idem, Mr. L. semble avoir bien récupéré ses sensibilités

statesthésiques et kinesthésiques aux membres inferieurs. Le schéma corporel est bon.

(c) Fonctions Articulaires

La flexion de la Talo-crurale est limitée à 5° à droite par un arrêt dur. Il y a une différence de

5° par rapport au coté controlatérale. Les autres articulations des membres inferieurs sont

libres.

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(d) Fonction morpho statique

Le tronc et la ceinture scapulaire sont déviés d'une dizaine de centimètre à gauche en position

debout. Le bassin droit est reculé et abaissé. Le membre inférieur droit est en triple flexion. Le

centre de gravité est porté à gauche.

(e) Fonctions musculaire et trophique

Les différences de périmètres de la cuisse (10 cm au dessus de la patella) et de la jambe

(10cm au dessous de la patella) sont significatives, des différences respectives de -3 et -2 cm

sont à noter.

Le testing musculaire selon Daniels et Worthington, indique globalement que le membre

inferieur droit est légèrement moins fort d'environ une cotation.

Il n'y a pas d'hypo extensibilité musculaire.

Il n'y a pas d'hypertonie au membre inferieur droit sauf au niveau des ischio-jambiers, dont la

palpation des tendons n'est pas souple.

(f) Fonction motrice

Parasitage: Il y a présence d'une spasticité cotée à 1 (Ashworth modifiée) sur les ischio-

jambiers et le quadriceps droit. Le triceps est coté à 2.

Absence de syncinésie d'imitation, de diffusion ou de coordination aux membres inferieurs.

Motricité: Mr. L. mobilise ses membres inferieurs dans l'espace assez lentement mais avec

une bonne précision et sans tremblement. La dissociation des mouvements est possible malgré

la concentration que cela lui demande.

Déficiences d'activité

(a) AVQ

Auto-test de BARTHEL (Partie A+B= 64/68)

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(b) Marche

La marche est douloureuse et est réalisée avec le MI droit en triple flexion. Seul l'avant du

pied est en contact avec le sol. L'attaque au sol se fait par l'avant du pied, et il présente une

boiterie en steppage. Le patient marche quotidiennement, mais peu, et rarement à l'exterieur.

Etude du membre inferieur droit lors de la marche sur sol lisse:

Transfert d'appui : de mauvaise qualité mais complet.

Largeur du pas : faible, mais néanmoins suffisante pour ne pas buter sur le pied en appui lors

de l'avancée du membre.

Rythme : entre 1 à 3 secondes sont nécessaires entre les phases d'appui et oscillante du

membre droit.

Hauteur : le patient ne traine pas les pieds, mais la hauteur reste faible.

Contact du pied : seul l'avant du pied est en contact avec le sol.

Longueur : asymétrique, raccourcie du coté de la boiterie.

Aide technique : aucune.

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ANNEXE 2 :

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ANNEXE 3 :

MINI MENTAL STATE EXAMINATION (MMSE)

TRADUIT EN MINI MENTAL SCORE (MMS)

Ce test ne permet pas de faire un diagnostic étiologique. Il explore les fonctions cognitives.

Test Question ou instruction cotation Nombre maximum

de points

Orientation dans le

temps

Quelle est la date complète d'aujourd'hui

? (jour mois année)

Si incomplet demander :

- année ; saison ; mois ; jour du mois ;

jour de la semaine

5 points si date complète

ou 1 point par bonne réponse à

chaque question

5

Orientation dans

l'espace

Demander :

- nom du cabinet

- de la ville

- du département

- de la région

- étage

1 point par bonne réponse 5

Répéter 3 mots

Cigare, fleur, porte

(ou citron, clé, ballon)

1 point par mot répété

correctement au premier essai 3

Soustraction de 7 Compter à partir de 100 en retirant 7 à

chaque fois

1 point par soustraction exacte

(arrêter au bout de 5) 5

Retenir

uniquement le

meilleur des

deux score

Si le patient n'obtient

pas 5 à l'épreuve de la

soustraction

Epeler MONDE à l'envers 1 point par lettre correctement

inversée 5

Répéter les 3 mots

Cigare, fleur, porte

(ou citron, clé, ballon)

1 point par mot 3

Nommer un objet Montrer un crayon, une montre et

demander au patient de nommer ces

1 point par réponse exacte 2

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objets sans les prendre en main

Répéter une phrase Répéter la phrase "Pas de MAIS, de SI,

ni de ET"

1 point si la réponse est

entièrement correcte 1

Obéir à un ordre en 3

temps

Prenez mon papier dans la main droite,

pliez-le en deux, jetez-le par terre

1 point par item correctement

exécuté 3

Lire et suivre une

instruction

Tendre une feuille de papier sur laquelle

est écrit "fermez les yeux" et demander

au patient de faire ce qui est marqué

1 point si l'ordre est exécuté 1

Ecrire une phrase Voulez-vous m'écrire une phrase entière. 1 point si la phrase comporte un

sujet et un verbe 1

Reproduire un dessin

Montrer au patient un dessin de 2

pentagones qui se recoupent sur 2 côtés

et lui demander de recopier

1 point si tous les angles sont

présents et sir les figures se

coupent sur 2 côtés différents

1

TOTAL maximum 30 points

Les fonctions cognitives sont altérées si le score est inférieur à 19 pour les patients ayant bénéficié de 0 à 4 ans de scolarité ;

23 pour les patients ayant bénéficié de 5 à 8 ans de scolarité ;

27 pour les patients ayant bénéficié de 9 à 12 ans de scolarité ;

29 pour les patients ayant le baccalauréat.

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CONSIGNES DE PASSATION DU MMS

A - ORIENTATION

1 - Orientation dans le temps

Question : "Quelle est la date complète d'aujourd'hui ?"

Si la réponse est incorrecte ou incomplète, poser les questions restées sans réponse, dans l'ordre suivant :

- En quelle année sommes-nous ?

- En quelle saison ?

- Quel mois ?

- Quel jour du mois ?

- Quel jour de la semaine ?

Pour ces items, seules les réponses exactes sont prises en compte. Cependant, lors de changements de saison ou de mois,

permettre au sujet de corriger une réponse erronée en lui demandant : "Êtes-vous sûr ?". Si le sujet donne 2 réponses

(lundi ou mardi), lui demander de choisir et ne tenir compte que de la réponse définitive.

Accorder 10 secondes pour chaque réponse.

Cotation : Compter 1 point pour chaque réponse exacte.

2 - Orientation dans l'espace

Introduction : "Je vais vous poser maintenant quelques questions sur l'endroit où nous nous trouvons."

Questions :

- "Quel est le nom du cabinet médical où nous sommes ? (ou le nom de la rue ou le nom du médecin)

- "Dans quelle ville se trouve-t-il ?"

- "Quel est le nom du département où nous sommes ?"

- "Dans quelle ou région est situé ce département ?"

- À quel étage sommes-nous ?

Accorder 10 secondes pour chaque réponse.

Cotation : Compter 1 point pour chaque réponse exacte.

B - APPRENTISSAGE, ENREGISTREMENT

3 - Répéter et retenir trois mots

Instruction : " Je vais vous donner 3 mots. Je voudrais que vous me les répétiez et que vous essayiez de les retenir, je

vous les redemanderai tout à l'heure : cigare (ou citron), fleur (ou clé), porte (ou ballon). Répétez les 3 mots."

Donner les 3 mots groupés, 1 par seconde, face au malade, en articulant bien. Accorder 20 secondes pour la réponse.

Si le sujet ne répète pas les 3 mots au premier essai, les redonner jusqu'à ce qu'ils soient répétés correctement dans la

limite de 6 essais. En effet, l'épreuve de rappel ne peut être analysée que si les 3 mots ont été enregistrés.

Si une personne est évaluée à plusieurs reprises, d'autres types de mots... citron, blé, ballon ou chemise, bleu, honnête...

devront être utilisés lors des évaluations successives.

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Cotation : Compter 1 point pour chaque mot répété correctement au premier essai. Noter le nombre d'essais pour

information seulement.

C - ATTENTION ET CALCUL

4 - Soustraction de 7 à partir de 100

Instruction : " Comptez à partir de 100 en retirant 7 à chaque fois jusqu'à ce que je vous arrête."

Il est permis d'aider le patient en lui présentant la première soustraction. "100 moins 7 combien cela fait-il ?" et ensuite :

"Continuez."

On arrête après 5 soustractions et on compte 1 point par soustraction exacte c'est-à-dire lorsque le pas de 7 est respecté

quelle que soit la réponse précédente;

Exemple : 100, 92, 85. Le point n'est pas accordé pour la première soustraction mais il l'est pour la seconde.

Si le sujet demande, en cours de tâche, "Combien faut-il retirer ?", il n'est pas admis de répéter la consigne. Dire

"Continuez comme avant".

S'il paraît, néanmoins, indispensable de redonner la consigne, il faut repartir de la consigne initiale (" Comptez à partir

de 100 en retirant 7 à chaque fois").

S'il donne une réponse erronée lui dire "Êtes-vous sûr ?" et lui permettre de corriger. Il n'est pas permis d'indiquer si la

réponse donnée est trop faible ou trop forte.

Cotation : Accorder 10 secondes par réponse, compter 1 point par soustraction exacte.

Lorsque le sujet ne peut ou ne veut effectuer les cinq soustractions, il est nécessaire, pour maintenir le principe d'une

tâche interférente, de lui demander d'épeler le mot MONDE à l'envers. "« Pouvez-vous épeler le mot MONDE à l'envers

en commençant par la dernière lettre ?"

Toutefois, lorsque le patient a des difficultés manifestes dans le compte à rebours, il est préférable de lui demander

d'épeler le mot MONDE à l'endroit avant de lui demander de l'épeler à l'envers pour le remettre en confiance.

Dans cette épreuve, le nombre de lettres placées successivement dans un ordre correct est compté. Exemple : EDMON =

2.

Le GRECO recommande de systématiquement faire passer cette épreuve, même si le compte à rebours est correct. Dans

tous les cas, le résultat n'est pas pris en compte pour le score total.

" Voulez-vous m'épeler le mot MONDE à l'envers, en commençant par la dernière lettre"

Cotation : Compter 1 point par lettre correctement inversée.

Retenir la meilleure réponse pour la cotation

D - RAPPEL - RETENTION MNESIQUE

5 - Répéter les trois mots précédents

Instructions : "Quels sont les trois mots que je vous ai demandé de répéter et de retenir tout à l'heure ?" (cigare (ou

citron) ; fleur (ou clé) ; porte (ou ballon))

Pour chacun des mots oubliés, renseigner le sujet sur la catégorie dans laquelle le mot se classe. (Ex.: "Quelque chose

pour rentrer").

N'utiliser que les catégories et les choix spécifiés dans le test.

Si le sujet ne donne pas de réponse adéquate après lui avoir indiqué des choix, inscrire 0 et lui dire la bonne réponse.

Cotation : Accorder 10 secondes pour répondre, compter 1 point par correctement donné avant renseignement.

E - LANGAGE

6 - Montrer au patient un crayon, une montre et lui demander de nommer l'objet (Langage :

Dénomination, désignation)

Instructions "Quel est le nom de cet objet ?"

Montrer une MONTRE

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Montrer un CRAYON

Il faut montrer un crayon (et non un stylo ou un stylo à bille). Aucune réponse autre que crayon n'est admise.

Le sujet ne doit pas prendre les objets en main.

Cotation : Accorder 10 secondes pour chaque réponse. Compter 1 point par réponse exacte.

7 - Demander au patient de répéter la phrase suivante : "Pas de MAIS, de SI, ni de ET" (Langage :

Répétition)

Instructions "Écoutez bien et répétez après moi : pas de MAIS, de SI, ni de ET."

La phrase doit être prononcée lentement, à haute voix, face au malade.

Si le patient dit ne pas avoir entendu, ne pas répéter la phrase (si l'examinateur a un doute, il peut être admis de vérifier

en répétant la phrase à la fin du test).

Cotation

N'accorder 1 point que si la réponse est entièrement correcte, compter 0 à la moindre erreur.

8 - Demander au sujet d'obéir à un ordre en 3 temps (Langage : Compréhension orale d'une consigne en

trois étapes)

Instructions : Poser une feuille de papier blanc sur le bureau, la montrer au patient en lui disant : "Écoutez bien et faites

ce que je vais vous dire : prenez mon papier dans la main droite, pliez-le en deux, jetez-le par terre."

Si le patient s'arrête et demande ce qu'il doit faire, il ne faut pas répéter la consigne, mais dire " Faites ce que je vous ai

dit de faire."

Cotation : Compter 1 point par item correctement exécuté (prendre de la main, plier, jeter).Max : 3 points.

9 - Demander au sujet de lire et de suivre l'instruction suivante (Langage : Compréhension du langage

écrit )

Instructions : Tendre une feuille de papier sur laquelle est écrit en gros caractères FERMEZ LES YEUX et dire au

patient : "Faites ce qui est marqué."

Cotation Accorder 5 secondes pour la réponse après l'incitation. Compter 1 point si l'ordre est exécuté. Le point n'est

accordé que si le sujet ferme les yeux. Il n'est pas accordé s'il se contente de lire la phrase.

10 - Demander au patient d'écrire une phrase. (Langage : Écriture)

Instructions : Demander au patient d'écrire une phrase sur la feuille de papier. "Voulez-vous m'écrire une phrase, ce que

vous voulez mais une phrase entière."

Si le patient n'écrit pas une phrase complète, lui demander : "Est-ce une phrase" et lui permettre de corriger s'il est

conscient de son erreur.

Cotation : Accorder 30 secondes. Compter 1 point si la phrase comprend au minimum un sujet et un verbe, sans tenir

compte des erreurs d'orthographe ou de syntaxe.

F - PRAXIE CONSTRUCTIVE

11 - Demander au patient de reproduire un dessin (Praxie de construction)

Instructions : Tendre au patient une feuille de papier sur laquelle sont dessinés 2 pentagones qui se recoupent sur 2

côtés et lui dire : "Voulez-vous recopier mon dessin ?"

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Lui remettre un crayon muni d'une gomme pour effacer.

Cotation : On peut autoriser plusieurs essais et accorder un temps d'une minute. Ne pas pénaliser l'auto-correction

des erreurs, les tremblements, les petites ouvertures et les dépassements. Compter 1 point si tous les angles sont

présents et si les figures se coupent sur 2 côtés différents.

INTERPRETATION

Extraits de : ANAES, "Recommandations pratiques pour le diagnostic de la maladie d'Alzheimer".

"…Tout âge et tout niveau socio-culturel confondus, le seuil le plus discriminant est 24 (un score

inférieur à 24 est considéré comme anormal).

...il existe de nombreux faux positifs et faux négatifs en fixant le seuil à 24 quels que soient l'âge et le

niveau socio-culturel. Il existe des patients (le plus souvent plutôt jeunes et de haut niveau socio-

culturel) qui sont déments avec un MMS à 28 par exemple. Inversement, il existe des patients (le plus

souvent plutôt âgés et de faible niveau socio-culturel) qui ne sont pas déments malgré un MMS à 20 par

exemple.

... L'âge et le niveau socio-culturel du patient doivent être pris en considération dans l'interprétation du

résultat d'un examen neuropsychologique (accord professionnel). Il est recommandé d'utiliser un

instrument pour lequel existent des données normatives en fonction de l'âge et du niveau socio-culturel.

Ces données n'existent actuellement que pour la version anglo-saxonne du MMSE mais pas pour la

version française.

L'état affectif et le niveau de vigilance du patient doivent aussi être pris en considération dans

l'interprétation du résultat d'un examen neuropsychologique (accord professionnel)"

Nombre d'années de scolarité : données anglo saxonnes (JAMA) indicatives pour l'interprétation du

score :

Bibliographie - ANAES, site web, "Recommandations pratiques pour le diagnostic de la maladie d'Alzheimer", février 2000, p 23.

- Crum RM, Anthony JC, Bassett SS, Folstein MF, "Population-based norms for the mini-mental state examination by age and educational level". JAMA, 1993 ; 269 : 2386-91.

- Derouesné C, Poitreneau J, Hugonot L, Kalafat M, Dubois B, Laurent B, "Le Mini-Mental State Examination (MMSE) : un outil pratique pour l'évaluation de l'état cognitif des patients par le clinicien.", Presse Méd 1999 ; 28 : 1141-8.

(GRECO : Groupe de Recherche et d'Évaluation des fonctions Cognitives)