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1 Institut des Reviseurs d’Entreprises FORUM 2003 COMMISSION PROTECTION DES ACTIONNAIRES MINORITAIRES Plus-value apportée par le réviseur d’entreprises

Institut des Reviseurs d’Entreprises FORUM 2003 … · 13-04-1995 · nuancer le secret professionnel en fonction de la qualité de l’interlocuteur ? 3. ... Présence du commissaire

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Institut des Reviseurs d’Entreprises

FORUM 2003

COMMISSION PROTECTION DES ACTIONNAIRES MINORITAIRES

Plus-value apportée par le réviseur d’entreprises

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EXECUTIVE SUMMARY Le législateur a déjà montré, à plusieurs reprises, son souci concernant la préservation des droits des actionnaires minoritaires. A ce sujet, la loi du 18 juillet 1991 prévoyait, entre autres, l’introduction d’une action minoritaire, un accès plus souple aux assemblées générales et le vote par lettre. Il n’est donc pas surprenant, qu’au sein du thème plus large du FORUM 2003 concernant la protection des actionnaires, la protection des actionnaires minoritaires soit confiée à une Commission spécifiquement créée à cette fin. Pour que la partie concernée ait sa voix dans nos travaux, la Commission a fait appel, à divers moments, à l’obligeante collaboration du bureau de conseil Deminor. Par cette voie, nous souhaitons, à nouveau, les remercier pour leur apport plus qu’utile. La première mission de la Commission consistait à inventorier les moyens potentiels – prévus par le Code des sociétés – dont les actionnaires minoritaires pourraient disposer pour, soit entrer en dialogue avec l’entreprise, soit défendre et préserver leurs droits et intérêts. En conséquence de cet exercice, nous pouvons distinguer les sujets suivants: - Le retrait; - L’enquête par un expert; - La convocation d’une assemblée générale; - L’action minoritaire; - Le conflit d’intérêts au niveau de l’organe de gestion. Chacun de ces sujets a été traité selon une structure/construction identique, à savoir: - Le cadre légal et la jurisprudence; - L’intervention du commissaire/du réviseur d’entreprises; - La position de l’IRE; - Les éventuelles recommandations afin de promouvoir le rôle positif du réviseur

d’entreprises. De nos divers travaux, nous pouvons, en qualité de Commission « Protection des actionnaires minoritaires », conclure que la protection des droits et des intérêts des actionnaires minoritaires repose en première instance sur la mesure – et les possibilités offertes – de dialogue. A ce sujet, le bureau de conseil Deminor insiste pour que les conflits entre actionnaires soient, pour la plupart, traités par un accord amiable. Le fait de recourir à l’arsenal cité ci-dessus devrait être considéré comme une exception à la règle. Le dialogue est et reste donc la voie la plus appropriée. De l’analyse des sujets cités ci-dessus (retrait, etc.) il ressort également que l’assemblée générale est peut-être la plate-forme par excellence à considérer. La manière selon laquelle et le sérieux avec lequel les assemblées générales seront tenues semblent avoir une influence considérable sur les relations entre les actionnaires entre eux et entre les actionnaires et la société. Le commissaire peut-il y contribuer de quelque façon que ce soit ?

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La Commission « Protection des actionnaires minoritaires » a l’intention de déterminer, lors de travaux du FORUM 2003, dans quelle mesure et de quelle manière un raisonnement alternatif éventuel du mandat de commissaire au sein du cadre normatif général en vigueur peut contribuer à la protection et à la sauvegarde des droits et des intérêts des actionnaires minoritaires. Monsieur Henri OLIVIER, secrétaire général de la FEE, et ancien directeur général de l’Institut des Reviseurs d’Entreprises agira en qualité de facilitator durant les sessions de travail.

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Questions destinees a alimenter les travaux du 17 octobre 2003 1. Dans quelle mesure le commissaire peut-il, en tenant compte du secret professionnel,

inclure des questions prioritaires dans son rapport, qui, toutefois, n’ont pas d’influence sur la qualification de sa certification, avec le but sous-jacent de stimuler une discussion de fond au sein de l’assemblée générale des actionnaires ?

2. Est-il souhaitable que la profession, en plus de la management letter et du rapport du

commissaire, destinés respectivement à l’organe de gestion et aux stakeholders (document public – sert toutes les parties), prévoit un rapport écrit destiné explicitement aux actionnaires (non public) de sociétés non cotées? Faut-il, dès lors, prévoir la possibilité de nuancer le secret professionnel en fonction de la qualité de l’interlocuteur ?

3. Par analogie avec les possibilités prévues au sein du conseil d’entreprise, la profession

estime-t-elle opportun de prévoir que, moyennant l’accord formel de l’actionnaire de référence, un entretien exclusif pourrait avoir lieu avec les actionnaires minoritaires ?

4. La création obligatoire, pour des sociétés non cotées, d’un comité d’audit, constitué dans le

but de désigner un commissaire, dans lequel siégeraient des représentants d’actionnaires minoritaires pourrait-elle constituer un moyen de communication utile pour les actionnaires minoritaires ?

5. Quelles sont les modalités pratiques concernant la convocation d’une assemblée générale

par le commissaire? Comment le commissaire peut-il avoir connaissance du « refus » d’une convocation d’une assemblée générale – à la demande des actionnaires – par l’organe de gestion ?

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TABLE DES MATIERES

1. OPPOSITION D’INTERET AU SEIN DU CONSEIL D’ADMINISTRATION ..............7

1.1. Le cadre légal...............................................................................................................7 1.2. Les obligations du réviseur d’entreprises ..................................................................12 1.3. La position de l’IRE...................................................................................................13

2. LA CONVOCATION DE L’ASSEMBLEE GENERALE DES ACTIONNAIRES OU DES ASSOCIES PAR LE COMMISSAIRE ............................................................................15 2.1. Le cadre légal ..........................................................................................................15 2.2. L’intervention du commissaire................................................................................16 2.3. La position de l’IRE ................................................................................................17

2.3.1. La convocation de l’assemblée générale ordinaire ........................................17 2.3.2. La convocation de l’assemblée générale en cas de perte du capital social....18

3. EXPERTISE .....................................................................................................................19

3.1. Cadre légal...............................................................................................................19 3.1.1. Actualité.........................................................................................................19 3.1.2. Historique.......................................................................................................20 3.1.3. Jurisprudence .................................................................................................22

3.2. Rôle du commissaire ...............................................................................................23 3.3. Point de vue de l’IRE ..............................................................................................25

3.3.1. Déontologie....................................................................................................25 3.3.2. Recommandations en matière de contrôle .....................................................27

4. L’ACTION MINORITAIRE ............................................................................................28

4.1. Fondement et ratio legis ..........................................................................................28 4.2. Conditions de recevabilité.......................................................................................29

4.2.1. Minorité requise.............................................................................................29 4.2.2. Absence de décharge ou décharge non valable .............................................30 4.2.3. Le cas échéant, désignation d’un mandataire commun .................................31

4.3. Procédure.................................................................................................................32 4.3.1. Introduction de l’action minoritaire...............................................................32 4.3.2. Tribunal compétent ........................................................................................33 4.3.3. Motifs pour retenir la responsabilité d’un administrateur et critères

d’évaluation ...................................................................................................33 4.3.4. Incidents éventuels ........................................................................................34 4.3.5. Transaction.....................................................................................................35 4.3.6. Prescription de l’action minoritaire ...............................................................36 4.3.7. Implications des décisions judiciaires éventuelles ........................................36

4.4. Remarques finales ...................................................................................................37

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5. RETRAIT..........................................................................................................................39

5.1. Cadre légal et jurisprudence....................................................................................39 5.1.1. Cadre légal .....................................................................................................39 5.1.2. Champ d’application......................................................................................39 5.1.3. Justes motifs...................................................................................................39 5.1.4. Objet...............................................................................................................41 5.1.5. Procédure .......................................................................................................42 5.1.6. Méthodes d’évaluation...................................................................................42 5.1.7. Date repère .....................................................................................................42 5.1.8. Facteurs influençant l’évaluation...................................................................43 5.1.9. Conclusion .....................................................................................................44

5.2. Rôle du commissaire ...............................................................................................44 5.3. Position de l’IRE .....................................................................................................45

6. LES RECOMMANDATIONS EVENTUELLES ............................................................46

6.1. La convocation de l’assemblée générale par le commissaire..................................46 6.1.1. La convocation de l’assemblée générale en cas de constatation d’irrégularité39 6.1.2. La convocation de l’assemblée générale en cas de situation de blocage du

conseil d’administration ................................................................................46 6.1.3. La convocation de l’assemblée générale en cas de carence de membres de

l’organe d’administration...............................................................................47 6.2. Commentaire du commissaire en ce qui concerne le rapport de gestion dans le cadre

du conflit d’intérêt .................................................................................................48 6.3. Mentions dans le rapport de révision ......................................................................48 6.4. Présence du commissaire aux assemblées générales...............................................49 6.5. Entreprise en difficultés financières........................................................................50 6.6. Article 137 du Code des sociétés ............................................................................50 6.7. Engagement letter....................................................................................................51 6.8. La démission du commissaire .................................................................................51 6.9. Apports en nature ....................................................................................................51 6.10. Programme de contrôle / déclaration de la direction...............................................52 6.11. Déontologie .............................................................................................................52 6.12. L’abus de biens sociaux ..........................................................................................53

7. CONCLUSION.................................................................................................................54

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1. OPPOSITION D’INTERET AU SEIN DU CONSEIL D’ADMINISTRATION L’actionnaire minoritaire peut être défini comme étant celui « qui ne peut pas exercer une influence décisive sur l’orientation de la gestion de l’entreprise ». Une possibilité de résolution du conflit entre actionnaires pourrait être envisagée dans le cadre des articles du Code des sociétés relatifs à l’opposition d’intérêts au niveau de l’organe d’administration. Cette possibilité n’existe que pour autant que les actionnaires minoritaires soient représentés par un ou plusieurs administrateurs et qu’au sein de ce même conseil d’administration, cette représentation ne soit pas en minorité. Ceci pourrait être le cas d’un administrateur de société au sein d’une société ayant fait appel public à l’épargne. Dans la réalité des conseils d’administration, cette représentation est rare. 1.1. Le cadre légal Pour plus de clarté, nous reprendrons en annexe le texte du Livre V, Titre IV du Code des sociétés consacré aux sociétés anonymes, tel que modifié par la loi dite de « Corporate Governance ». Dans le cadre qui nous occupe, la loi « corporate governance » a, principalement, introduit la notion de comité de direction et affiné la notion d’administrateur indépendant et de relation intra-groupe. En résumé L’article 523 fixe les bases minimales de publicité et, plus important, de droit de vote des administrateurs ayant un intérêt opposé de nature patrimoniale à une décision ou à une opération relevant du conseil d’administration. Il est à relever que l’annulation du droit de vote de l’administrateur concerné n’est prévue que dans le cas où une société aurait fait appel public à l’épargne. L’article 524 envisage l’adoption par le conseil d’administration, d’une société cotée, de décisions ou opérations intervenant au sein d’un groupe de sociétés et ce, pour autant que la conséquence de l’application de ces décisions ou opérations représente plus d’1 % de l’actif net consolidé de la société. La charge de l’estimation de cet impact est confiée à un comité de trois administrateurs indépendants. Les critères de base de qualification d’indépendance d’un administrateur sont fixés au paragraphe 4 de cet article et stipulent, outre l’indépendance de liens contractuels ou familiaux avec le groupe durant les deux dernières années, qu’il ne peut disposer de plus de 10 % des droits sociaux du capital, du fonds social ou d’une catégorie d’actions de la société.

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L’article 524bis introduit la notion de comité de direction et l’article 524ter, la résolution d’opposition d’intérêt patrimonial au sein de ce comité. Ce dernier article est fort similaire à l’article 523 décrit ci-dessus. Article 523 § 1er. Si un administrateur a, directement ou indirectement, un intérêt opposé de nature patrimoniale à une décision ou à une opération relevant du conseil d'administration, il doit le communiquer aux autres administrateurs avant la délibération au conseil d'administration. Sa déclaration, ainsi que les raisons justifiant l'intérêt opposé qui existe dans le chef de l'administrateur concerné, doivent figurer dans le procès-verbal du conseil d'administration qui devra prendre la décision. De plus, il doit, lorsque la société a nommé un ou plusieurs commissaires, les en informer. En vue de la publication dans le rapport de gestion, visé à l'article 95, ou, à défaut de rapport, dans une pièce qui doit être déposée en même temps que les comptes annuels, le conseil d'administration décrit, dans le procès-verbal, la nature de la décision ou de l'opération visée à l'alinéa 1er et une justification de la décision qui a été prise ainsi que les conséquences patrimoniales pour la société. Le rapport de gestion contient l'entièreté du procès-verbal visé ci-avant. Le rapport des commissaires, visé à l'article 143, doit comporter une description séparée des conséquences patrimoniales qui résultent pour la société des décisions du conseil d'administration, qui comportaient un intérêt opposé au sens de l'alinéa 1er. Pour les sociétés ayant fait ou faisant publiquement appel à l'épargne, l'administrateur visé à l'alinéa 1er ne peut assister aux délibérations du conseil d'administration relatives à ces opérations ou à ces décisions, ni prendre part au vote. § 2. La société peut agir en nullité des décisions prises ou des opérations accomplies en violation des règles prévues au présent article et à l’article 524 ter, si l'autre partie à ces décisions ou opérations avait ou devait avoir connaissance de cette violation. § 3. Le § 1er et l’article 524ter ne sont pas applicables lorsque les décisions ou les opérations relevant du conseil d'administration concernent des décisions ou des opérations conclues entre sociétés dont l'une détient directement ou indirectement 95 % au moins des voix attachées à l'ensemble des titres émis par l'autre ou entre sociétés dont 95 % au moins des voix attachées à l'ensemble des titres émis par chacune d'elles sont détenus par une autre société. De même, le § 1er et l’article 524ter ne sont pas d'application lorsque les décisions du conseil d'administration concernent des opérations habituelles conclues dans des conditions et sous les garanties normales du marché pour des opérations de même nature. Article 524 (nouveau) § 1er. Toute décision ou toute opération accomplie en exécution d’une décision prise par une société cotée, est préalablement soumise à la procédure établie aux §§ 2 et 3, lorsqu’elle concerne: 1° les relations de ladite société avec une société liée à celle-ci, à l’exception de ses filiales ; 2° les relations entre une filiale de ladite société et une société liée à celle-ci, autre qu’une filiale de ladite filiale. Est assimilée à une société cotée, la société dont les titres sont admis à un marché situé en dehors de l’union européenne et reconnus par le Roi comme équivalent pour l’application du présent article.

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Le présent article n’est pas applicable:

1°aux décisions et aux opérations habituelles intervenant dans des conditions et sous les garanties normales du marché pour des opérations de même nature ;

2° aux décisions et aux opérations représentant moins d’un pour cent de l’actif net de la société, tel qu’il résulte des comptes consolidés.

§ 2. Toutes les décisions et opérations visées au § 1er doivent préalablement être soumises à l’appréciation d’un comité composé de trois administrateurs indépendants. Ce comité est assisté par un ou plusieurs experts indépendants désignés par le comité. L’expert est rémunéré par la société. Le comité décrit la nature de la décision ou de l’opération, apprécie le gain ou le préjudice pour la société et pour ses actionnaires. Il en chiffre les conséquences financières et constat si la décision ou l’opération est ou non de nature à occasionner pour la société des dommages manifestement abusifs à la lumière de la politique menée par la société. Si le comité décide que la décision ou l’opération n’est pas manifestement abusive, mais qu’elle porte toutefois préjudice à la société, le comité précise quels bénéfices la décision ou l’opération porte en compte pour compenser les préjudices mentionnés. Le comité rend un avis motivé par écrit au conseil d’administration, en mentionnant chaque élément d’appréciation cité ci-dessus. § 3. Le conseil d’administration, après avoir pris connaissance de l’avis du comité visé au § 2, délibère quant aux décisions et opérations prévues. Le cas échéant, l’article 523 sera d’application. Le conseil d’administration précise dans son procès-verbal si la procédure décrite ci-dessus a été respectée et, le cas échéant, les motifs sur la base desquels il a été dérogé à l’avis du comité. Le commissaire rend une appréciation quant à la fidélité des données figurant dans l’avis du comité et dans le procès-verbal du conseil d’administration. La décision du comité, l’extrait du procès-verbal du conseil d’administration et l’appréciation du commissaire sont repris dans le rapport de gestion. § 4. Pour ce qui est des entreprises au sein desquelles un conseil d’entreprise a été installé en exécution de la loi du 20 septembre 1948 portant organisation de l’économie, la nomination des candidats en tant qu’administrateurs indépendants est portée à la connaissance du conseil d’entreprise préalablement à la nomination par l’assemblée générale. Une procédure similaire est requise en cas de renouvellement du mandat. Les administrateurs indépendants au sens du § 2, alinéa 1er, doivent au moins répondre aux critères suivant:

1°durant une période de deux années précédant leur nomination, ne pas avoir exercé un mandat ou fonction d’administrateur, de gérant, de membre du comité de direction, de délégué à la gestion journalière ou de cadre, ni auprès de la société, ni auprès d’une société ou personne liée à celle-ci au sens de l’article 11 ; cette condition ne s’applique pas au prolongement du mandat d’administrateur indépendant ;

2° ils ne peuvent avoir, ni au sein de la société, ni au sein de la société liée ou d’une personne liée à celle-ci, au sens de l’article 11, ni conjoint ni une personne avec laquelle ils cohabitent légalement, ni parents ni alliés jusqu’au deuxième degré exerçant un mandat d’administrateur, de gérant, de membre du comité de direction, de délégué à gestion journalière ou de cadre ou ayant un intérêt financier tel que prévu au 3° ;

3° a/ ne détenir aucun droit social représentant un dixième ou plus du capital, du fonds social ou d’une catégorie d’actions de la société ;

b/ s’ils détiennent des droits sociaux qui représentent une quotité inférieure à 10%: - par l’addition des droits sociaux avec ceux détenus dans la même société par des sociétés dont

l’administrateur indépendant a le contrôle, ces droits sociaux ne peuvent atteindre un dixième du capital, du fonds social ou d’une catégorie d’actions de société ; ou

- les actes de disposition relatifs à ces actions ou l'exercice des droits y afférents ne peuvent être soumis à des stipulations conventionnelles ou à des engagements unilatéraux auxquels l'administrateur indépendant a souscrit;

4° n'entretenir aucune relation avec une société qui est de nature à mettre en cause leur indépendance.

L'arrêté de nomination fait mention des motifs sur la base desquels est octroyée la qualité d'administrateur indépendant. Le Roi, de même que les statuts, peuvent prévoir des critères additionnels ou plus sévères. § 5. Les décisions et les opérations relatives aux relations d'une filiale belge non cotée d'une société belge cotée avec les sociétés liées à cette dernière, ne peuvent être prises ou accomplies qu'après autorisation de la société mère. Cette autorisation est soumise à la procédure visée aux §§ 2 et 3. Les §§ 6 et 7 ainsi que l'article 529, alinéa 2, s'appliquent à la société mère.

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§ 6. La société peut agir en nullité des décisions prises ou des opérations accomplies en violation des règles prévues au présent article, si l'autre partie à ces décisions ou opérations avait ou devait avoir connaissance de cette violation. § 7. La société cotée indique dans son rapport annuel les limitations substantielles ou charges que la société mère lui a imposées durant l'année en question, ou dont elle a demandé le maintien. » Le Comité de direction Article 524bis Les statuts peuvent autoriser le conseil d'administration à déléguer ses pouvoirs de gestion à un comité de direction, sans que cette délégation puisse porter sur la politique générale de la société ou sur l'ensemble des actes réservés au conseil d'administration en vertu d'autres dispositions de la loi. Si un comité de direction est institué, le conseil d'administration est chargé de surveiller celui-ci. Le comité de direction se compose de plusieurs personnes, qu'ils soient administrateurs ou non. Les conditions de désignation des membres du comité de direction, leur révocation, leur rémunération, la durée de leur mission et le mode de fonctionnement du comité de direction, sont déterminés par les statuts ou, à défaut de clause statutaire, par le conseil d'administration. Les statuts peuvent conférer à un ou à plusieurs membres du comité de direction, le pouvoir de représenter la société, soit seuls, soit conjointement. L'instauration d'un comité de direction et la clause statutaire visée à l'alinéa 3, sont opposables aux tiers dans les conditions prévues par l'article 76. La publication contient une référence explicite au présent article. Les statuts ou une décision du conseil d'administration peuvent apporter des restrictions au pouvoir de gestion qui peut être délégué en application de l'alinéa 1er. Ces restrictions, de même que la répartition éventuelle des tâches que les membres du comité de direction auraient convenues, ne sont pas opposables aux tiers, même si elles sont publiées. Article 524ter § 1er. Si un membre du comité de direction a, directement ou indirectement, un intérêt de nature patrimoniale opposé à une décision ou à une opération relevant du comité, il doit le communiquer aux autres membres avant la délibération du comité. Sa déclaration, ainsi que les raisons justifiant l'intérêt opposé précité doivent figurer au procès-verbal du comité de direction qui doit prendre la décision. Si la société a nommé un ou plusieurs commissaires, le membre du comité de direction concerné doit également en informer ces commissaires. En vue de la publication dans le rapport visé à l'article 95, ou à défaut de rapport, dans un document qui doit être déposé en même temps que les comptes annuels, le comité de direction décrit dans le procès-verbal la nature de la décision ou de l'opération visée à l'alinéa 1er et justifie la décision qui a été prise. De même, les conséquences patrimoniales de cette décision pour la société doivent être indiquées dans le procès-verbal. Une copie du procès-verbal est transmise au conseil d'administration lors de sa prochaine réunion. Le rapport contient l'intégralité du procès-verbal précité.

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Le rapport des commissaires visé à l'article 143 doit contenir une description distincte des conséquences patrimoniales pour la société des décisions du comité de direction, qui comportent un intérêt opposé au sens de l'alinéa 1er. Pour les sociétés ayant fait ou faisant publiquement appel à l'épargne, le membre du comité de direction visé à l'alinéa 1er, ne peut participer aux délibérations du comité de direction concernant ces opérations ou ces décisions, ni prendre part au vote. § 2. Par dérogation au § 1er, les statuts peuvent prévoir que le membre du comité de direction informe le conseil d'administration. Celui-ci approuve seul la décision ou l'opération, en suivant, le cas échéant, la procédure décrite à l'article 523, § 1er. § 3. Dans tous les cas, l'article 523, §§ 2 et 3, est applicable.

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1.2. Les obligations du réviseur d’entreprises Les obligations du réviseur d’entreprises n’interviennent que pour autant qu’un commissaire ait été nommé par la société. Dans ce cas seulement, le commissaire doit, selon les articles 523 et 524ter: - être informé par le conseil d’administration de l’application de l’article 523 et, - mentionner dans son rapport annuel, une description séparée des conséquences

patrimoniales qui résultent pour la société des décisions du conseil d’administration. N’oublions pas qu’en outre, nous sommes également dans l’obligation d’attester ou non « si le rapport de gestion comprend les informations requises par la loi et concorde avec les comptes annuels ». Suivant le nouvel article 524, §3, 2ème alinéa, « Le commissaire rend une appréciation quant à la fidélité des données figurant dans l’avis du comité (d’administrateurs indépendants) et dans le procès-verbal du conseil d’administration. Cette appréciation est jointe au procès-verbal du conseil d’administration ». L’alinéa 3 précise que « la décision du comité, l’extrait du procès-verbal du conseil d’administration et l’appréciation du commissaire sont repris dans le rapport de gestion. » Par conséquent, dans le cas d’une société cotée et pour des opérations intra-groupe, les conséquences patrimoniales des décisions prises par le conseil d’administration qui résultent pour la société ne doivent pas être décrites par le commissaire dans son rapport. Néanmoins, notre attestation relative au rapport de gestion est toujours d’application.

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1.3. Position de l’IRE Quant aux prescrits des articles 523 et 524 Il est à remarquer que la position de notre institut s’inscrit totalement dans le cadre des normes internationales d’audit. Les positions émises par l’Institut des Reviseurs d’Entreprises sont relatives aux prescrits de l’article 60bis des LCSC devenu l’article 524 du Code des sociétés où, le législateur, par la loi du 13 avril 1995, a introduit une procédure nouvelle destinée à éviter que des avantages ayant un caractère de rémunération privilégiée soient consentis directement ou indirectement à un actionnaire dans une société dont les titres sont admis à la cote officielle d’une bourse de valeurs située dans un Etat membre de l’union européenne. Cet article 524 a été complètement revu suite à la loi « Corporate Governance » et n’envisage que l’adoption par le conseil d’administration, d’une société cotée, de décisions ou opérations intervenant au sein d’un groupe de société et ce, pour autant que la conséquence de l’application de ces décisions ou opérations représente plus d’1 % de l’actif net consolidé de la société. La charge de l’estimation de cet impact est confiée à un comité de trois administrateurs indépendants. Quant au rapport de gestion Dans sa recommandation de révision relative au contrôle du rapport de gestion, l’Institut précise que l'article 144 C. Soc. impose au commissaire de déclarer dans son rapport: « si le rapport de gestion comprend les informations requises par la loi et concorde avec les comptes annuels ». Le paragraphe 3.9. des normes générales de révision souligne l'obligation pour le commissaire de donner son opinion sur le rapport de gestion. Cette norme contient aussi plusieurs commentaires importants de la règle légale: a) le conseil d'administration est responsable de l'établissement du rapport de gestion. Le

commissaire reçoit une mission spécifique de contrôle afin de s'assurer que les informations requises par la loi figurent dans le rapport et qu’elles concordent avec les comptes annuels (3.9.1.);

b) la loi ne requiert pas que le commissaire donne une opinion sur le caractère fidèle du rapport de gestion dans son ensemble (3.9.2.);

c) l'opinion du commissaire sur le rapport de gestion ne fait pas partie de son attestation des comptes annuels (3.9. in fine).

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Cette recommandation a pour objet de donner des lignes de conduite dans la préparation des procédures de vérification du rapport de gestion. Ces procédures ont pour but d'identifier: 1º/ si le rapport de gestion contient toutes les informations requises en vertu du Code des sociétés; 2º/ si les informations contenues dans le rapport de gestion concordent avec les comptes annuels; 3º/ si le rapport ne donne pas une impression générale trompeuse.

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2. LA CONVOCATION DE L’ASSEMBLEE GENERALE DES ACTIONNAIRES OU DES ASSOCIES PAR LE COMMISSAIRE 2.1. Le cadre légal Le conseil d’administration ou le(s) gérant(s) d’une société est l’organe chargé de convoquer l’assemblée générale. Celle-ci peut également, dans certaines situations, être convoquée par le commissaire. La convocation de l’assemblée générale par le commissaire devra, dans tous les cas, être faite dans le but d’informer les actionnaires de la société. Dans certains cas, il s’agit pour le commissaire d’une faculté et dans d’autres cas, d’une obligation. Les articles 268 et 532 du Code des sociétés donnent la base légale de la faculté ou de l’obligation pour le commissaire de convoquer l’assemblée générale des actionnaires ou des associés: L’article 268 du Code des sociétés stipule: « L’organe de gestion et les commissaires, s’il y en a, peuvent convoquer l’assemblée générale. Ils doivent la convoquer sur la demande d’associés représentant le cinquième du capital social. ... » L’article 532 du Code des sociétés stipule: « Le conseil d’administration et les commissaires, s’il y en a, peuvent convoquer l’assemblée générale. Ils doivent la convoquer sur la demande d’actionnaires représentant le cinquième du capital social. ... » L’article 268 du Code des sociétés s’applique à la société privée à responsabilité limitée tandis que l’article 532 s’applique à la société anonyme. Les articles 268 et 532 du Code des sociétés rendent obligatoires la convocation par l’organe de gestion ou par le commissaire dans l’hypothèse où des actionnaires ou des associés regroupant au moins 20 % des titres en font la demande. A défaut pour l’organe de gestion de déférer à cette demande, il appartient au commissaire de procéder à la convocation de l’assemblée générale. Il s’agit ici non pas d’une faculté donnée au commissaire mais bien d’une obligation à laquelle celui-ci devra se soumettre. Les articles 345 et 647 du Code des sociétés énoncent les sanctions qui sont appliquées au commissaire qui omet de convoquer l’assemblée générale.

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L’article 345 du Code des sociétés stipule: « Seront punis d’une amende de cinquante à dix mille euros: 1° les gérants et les commissaires qui auront négligé de convoquer l’assemblée générale des associés ou des obligataires dans les trois semaines de la réquisition qui leur en aura été faite, ... ». L’article 647 du Code des sociétés stipule: « Seront punis d’une amende de cinquante à dix mille euros: 1° les administrateurs et les commissaires qui auront négligé de convoquer l’assemblée générale des actionnaires ou des obligataires dans les trois semaines de la réquisition qui leur en aura été faite, ... ». L’article 345 du Code des sociétés s’applique à la société privée à responsabilité limitée tandis que l’article 647 s’applique à la société anonyme. L’infraction constitue un délit d’omission qui consiste à laisser passer un délai de trois semaines sans rencontrer l’obligation de convocation. L’article 657 du Code des sociétés stipule: « Les dispositions relatives aux sociétés anonymes sont applicables aux sociétés en commandite par actions, sauf les modifications indiquées dans le présent livre ou celles qui résultent du livre XII. ». En vertu de l’article 657 du Code des sociétés, les articles 532 et 647 du même code s’appliquent à la société en commandite par action. Il n’existe à l’heure actuelle et à notre connaissance pas de jurisprudence concernant la convocation de l’assemblée générale par le commissaire. 2.2. L’intervention du commissaire Le Code des sociétés précise dans ses articles 268 et 532 que le commissaire a la possibilité de convoquer l’assemblée générale des actionnaires ou des associés. Il est toutefois regrettable de constater que le législateur ne mentionne pas les circonstances dans lesquelles le commissaire pourrait convoquer l’assemblée générale. Ces articles mentionnent également l’obligation pour l’organe de gestion et pour le commissaire de convoquer l’assemblée générale à la demande des actionnaires ou des associés représentant le cinquième du capital social.

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2.3. La position de l’Institut des Reviseurs d’Entreprises 2.3.1. La convocation de l’assemblée générale ordinaire Le rapport annuel de l’IRE de 1994 aborde le problème de la convocation de l’assemblée générale par le commissaire. Ci-dessous est repris le texte du rapport. Concernant l’attitude par le commissaire lorsque le conseil d’administration qui a établi les comptes annuels, omet de convoquer l’assemblée générale, la Commission juridique émet l’avis suivant: Il convient de rappeler d’abord que conformément l’article 73 alinéa 1er lois soc. (actuellement 552 du Code des sociétés), il faut tenir chaque année au moins une assemblée générale, et que la responsabilité pénale des administrateurs peut être engagée s’ils n’ont pas soumis à l’assemblée générale les comptes annuels dans les six mois de la clôture de l’exercice (article 201, 3° quater, L.C.S.C.)(actuellement article 126 du Code des sociétés). Le conseil d’administration et le commissaire peuvent également être tenus de convoquer l’assemblée générale à la demande d’actionnaires qui représentent un cinquième du capital social (article 73, al. 2 L.C.S.C.) (actuellement articles 268 et 532 du Code des sociétés). Si le conseil d’administration ne fait pas droit à cette demande, il appartient au commissaire de procéder à cette convocation (article 201, 5° , L.C.S.C.) (actuellement article 647 du Code des sociétés). La question concrète qui se pose est de savoir à partir de quel moment le commissaire, en cas de carence du conseil d’administration, sera tenu de procéder effectivement à cette convocation de l’assemblé générale (hors le cas où cette demande émanerait de 20 % des actionnaires). La Commission estime que le commissaire qui constate que la convocation à l’assemblée générale n’est pas envoyée, si bien qu’il est permis de douter sérieusement de la tenue de celle-ci à la date statutaire, doit d’abord attirer l’attention du conseil d’administration sur ses obligations en la matière, en insistant pour qu’il convoque l’assemblée générale (voir FORIERS, P.A., les situations de blocage dans les sociétés anonymes, dans Etudes I.R.E., Droit 1/94, PP. 7-36). Lorsque le conseil d’administration ne prend pas les mesures qui s’imposent dans un délai raisonnable, le commissaire devra personnellement procéder à la convocation de l’assemblée générale. »

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2.3.2. La convocation de l’assemblée générale en cas de perte du capital social Certains estiment que le commissaire devrait convoquer l’assemblée générale en cas de perte du capital social et lorsque l’organe de gestion n’entame pas la procédure de convocation1 (articles 332, 431 et 633 du Code des sociétés). La base légale de cette faculté se trouve dans l’article 532 du Code des sociétés. Dans sa circulaire C. 007/82 du 19 novembre 1982, le Conseil de l’IRE a souligné le principe suivant: « Lorsque le commissaire constate que la moitié ou les trois-quarts du capital sont perdus, il doit vérifier que l’assemblée générale est convoquée conformément aux articles 103 ou 140 L.C.S.C. (Actuellement articles 332 et 633 du Code des sociétés). Le cas échéant, il lui appartient de prendre l’initiative de cette convocation si l’organe d’administration ne réagit pas à bref délai. Selon les circonstances, le commissaire pourra attirer l’attention de l’organe d’administration sur sa responsabilité, si celui-ci propose la poursuite de l’activité sans disposer d’un plan de redressement avec le soin nécessaire. »

1 K. AERTS - >Taken en aansprakelijkheden van commissarissen en bedrijfsrevisoren, Brussel, Larcier, 2002, p. 114

Il semble qu’au vu de l’absence d’une base légale, la responsabilité du commissaire ne pourrait être mise en cause au cas où celui-ci ne prend pas l’initiative de convoquer l’assemblée générale suite à l’absence de réaction de l’organe de gestion. Cependant, vu que l’absence de réaction de l’organe de gestion représente une infraction au Code des sociétés, il devra lors de la prochaine assemblée générale dénoncer cette infraction sur base de l’article 140 du Code des sociétés. Si le commissaire, ne dénonce pas l’infraction durant la prochaine assemblée générale, celui-ci s’expose à la sanction prévue à l’article 647 du Code des sociétés. De plus, l’absence de réaction de l’organe de gestion pourrait dans certains cas représenter un signe d’une entreprise en difficulté. Si telle est l’opinion du commissaire, celui-ci devrait alors mettre en œuvre la procédure prévue à l’article 138 du Code des sociétés.

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3. EXPERTISE 3.1. Cadre légal 3.1.1. Actualité La possibilité pour des actionnaires minoritaires de demander la désignation d'un expert est traitée au Livre IV « Dispositions communes aux sociétés », Titre VIII « Contrôle », articles 168 et 169 du Code des sociétés: « S'il existe des indices d'atteinte grave ou de risque d'atteinte grave aux intérêts de la société, le tribunal de commerce peut, à la requête d'un ou de plusieurs associés possédant au moins 1 % des voix attachées à l'ensemble des titres existants, ou possédant des titres représentant une fraction du capital égale à € 1 250 000 au moins, nommer un ou plusieurs experts ayant pour mission de vérifier les livres et les comptes de la société ainsi que les opérations accomplies par ses organes. »

« La demande visée à l'article 168 est introduite par citation. Le tribunal entend les parties en chambre du conseil et statue en audience publique. Le jugement précise les questions ou les catégories de questions sur lesquelles porteront les investigations. Il fixe la consignation préalable à fournir le cas échéant par les demandeurs pour le paiement des frais. Ces frais pourront être compris dans ceux de l'instance à laquelle donneraient lieu les faits constatés. Le tribunal détermine si le rapport doit faire l'objet d'une publicité. Il peut notamment en imposer la publication, aux frais de la société, selon les modalités qu'il fixe. » La localisation des articles cités ci-dessus dans le Code des sociétés nous permet de conclure que la procédure de l'expertise peut être appliquée à toutes les sociétés dotées de la personnalité juridique, à savoir: − La société en nom collectif; − La société en commandite simple; − La société coopérative; − La société anonyme; − La société privée à responsabilité limitée ; − La société en commandite par actions; − La société à finalité sociale; − La société agricole; − Le groupement d'intérêt économique. Les actionnaires desdites personnes morales qui seraient entretemps mises en liquidation peuvent tout autant demander l'application de ces articles.2

2 Comm. Termonde, 15 février 1996, R.W. 1996-97, 404; T.B.H. 1997, 185.

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3.1.2. Historique L'expertise n'est pas nouvelle. Les lois coordonnées sur les sociétés commerciales du 30 novembre 1935 prévoyaient déjà que « dans des circonstances exceptionnelles, à la requête d'actionnaires possédant un cinquième du capital, un commissaire judiciaire pouvait être désigné avec pour mission de vérifier les livres et les comptes de la société. » L'Exposé des Motifs précédant la Loi modifiant les lois relatives aux sociétés commerciales, coordonnées le 30 novembre 1935 dans le cadre d'une organisation transparente du marché des entreprises et des offres publiques de reprise du 18 juillet 1991, mentionne cinq piliers sur lesquels s'appuie le projet de loi modifiant le droit des sociétés: 1. la défense des intérêts des actionnaires; 2. la transparence et le bon fonctionnement des marchés; 3. le développement des entreprises; 4. la recherche d'une adéquation avec les législations étrangères; 5. la relance de la participation des actionnaires aux assemblées générales.3 L'Exposé des Motifs mentionne en particulier le fait que les fondements de la loi doivent entre autres répondre au « respect des intérêts des actionnaires ayant une participation minoritaire ».4 De plus, il faut aller vers l'extension du rôle des actionnaires minoritaires.5 Le législateur a par ailleurs indiqué que l'article 191 (ancienne version) s'était avéré inefficace parce que les conditions de son application – « des circonstances exceptionnelles » – pouvaient difficilement être réunies.6 Lors de l'élaboration de ladite loi, l'article 191 initial des lois coordonnées sur les sociétés commerciales a été modifié pour arriver au texte actuel. Dans l'avant-projet de loi présenté au conseil d'état, il a été proposé de remplacer ledit article 191 LCSC par la disposition suivante:

« A la demande de tout actionnaire, le Président du tribunal de commerce siégeant en référé peut, en vue de la solution d'un litige porté devant lui ou en cas de menace objective et actuelle d'un litige, charger des experts de procéder à des constatations ou de donner un avis d'ordre technique ».7 Les notions et/ou concepts repris dans ce projet de texte ont été repris presque littéralement de l'article 962 du Code judiciaire relatif à l'expertise.8 Pendant les discussions des différents articles de l'avant-projet de loi au Sénat, le contenu du texte ci-dessus a été remplacé, par amendement, par les articles 168 et 169 du Code des sociétés actuellement en vigueur. 3 Doc. parl., Sénat, 1107 (1990-91), n° 1, p. 5 4 Doc. parl., Sénat, 1107 (1990-91), n° 1, p. 14 5 Doc. parl., Sénat, 1107 (1990-91), n° 1, p. 15 6 Doc. parl., Sénat, 1107 (1990-91), n° 1, p. 34 7 Doc. parl., Sénat, 1107 (1990-91), n° 1, p. 149 8 Doc. parl., Sénat, 1107 (1990-91), n° 3, p. 298

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Schématiquement, on peut résumer comme suit la justification de cet amendement: 1. la version adaptée vise, en premier lieu, la protection efficace des intérêts de la société; 2. la disposition est ainsi placée dans un cadre plus large que l'expertise prévue par les articles

962 et suivants du Code judiciaire relatifs à l'expertise « en cas de litige ou en cas de menace objective et actuelle d'un litige »;

3. le principe d'un examen des livres et des comptes de la société ainsi que des opérations accomplies par ses organes va plus loin qu'une simple constatation ou un avis d'ordre technique;

4. l'expression « atteinte grave ou risque d'atteinte grave » est moins vague que les termes « circonstances exceptionnelles » auxquels renvoyait l'article 191 LCSC alors en vigueur;

5. en donnant au tribunal un large pouvoir d'appréciation quant à la publication ou non du rapport, on évite qu'une large diffusion puisse causer un grave préjudice à la société.

Il ressort également des travaux préparatoires que l'expression « atteinte grave ou risque d'atteinte grave » ne doit pas être prise dans le sens restreint d'une « violation directe de la loi ou des statuts » mais dans le sens large d'opérations, d'omissions ou de négligences pouvant nuire aux intérêts de la société.9 On peut citer les exemples suivants: une mauvaise gestion notoire, la soustraction d'actifs au bénéfice d'autres sociétés, la cession de contrats lucratifs, la conclusion de contrats déficitaires, la violation de l'article 259 (sociétés anonymes) du Code des sociétés relatif aux membres de l'organe de gestion qui ont un intérêt opposé de nature patrimoniale.10 Lors du passage des lois coordonnées sur les sociétés commerciales au Code des sociétés, la modification s'est pratiquement limitée à une renumérotation des articles.

9 Doc. parl., Sénat, 1107 (1990-91), n° 3, p. 299 10 J. LIEVENS, “De nieuwe vennootschapswet (Wet van 18 juli 1991)”, Gent, Mys & Breesch, 1991, p. 162.

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3.1.3. Jurisprudence Plafond minimal (1 %) / Plafond maximal (?) − Un actionnaire majoritaire ou un actionnaire qui a une influence sur la politique de la société

ne peuvent pas demander d'expertise au sens de l'article 168 du Code des sociétés. − L'actionnaire qui possède 50 % des droits de vote et qui ne peut pas être qualifié stricto senso

d'actionnaire minoritaire mais qui n'est pas non plus un actionnaire majoritaire peut demander une expertise dans la mesure où il n'a pas pu imposer avec suffisamment de poids une décision au sein de l'assemblée générale.11

Indices L'article 168 du Code des sociétés n'est pas soumis à la préexistence ou à la possibilité d'un litige. On peut considérer comme indices d'atteinte grave ou de risque d'atteinte grave aux intérêts de la société les indices suivants:

− Le total d'avances reçues par les associés dépasse largement le capital social; − Le montant des allocations de caisse dépasse largement les avances de caisse; − Le fait que la société ne réalise plus de bénéfices depuis plus d'un an; − La surévaluation éventuelle des stocks; − Il s'avère que l'occupation du siège d'exploitation par la société, qui exerce un commerce de

détail, n'offre aucune sécurité juridique.12 Procédure − La demande de désignation d'un expert conformément à l'article 168 du Code des sociétés,

auprès du président du tribunal siégeant en référé, n'est possible que si l'acte introductif d'instance invoque l'urgence de l'affaire. Cette « urgence » peut être alléguée implicitement par la probabilité d'un préjudice important à défaut d'obtenir la mesure demandée.13

− La désignation d'un expert est une mesure d'instruction et une mesure conservatoire qui ne nuit pas aux droits des parties. L'expertise a une autre finalité que le contrôle par le commissaire. Elle peut porter sur tous les aspects de la direction de la société.14

− Le simple fait que des actionnaires minoritaires ont fait usage de leur droit d'examen et de contrôle individuel ne les exclut pas de la possibilité de demander la désignation d'un expert conformément à l'article 168 du Code des sociétés.15

11 Comm. Termonde, 15 février 1996, R.W. 1996-97, 404; T.B.H., 1997, 185. 12 Comm. Bruxelles, 3 septembre 1992, DAOR, 1992, 93; T.B.H., 1994, 166. 13 Référés Comm. Ypres, 22 décembre 2000, T.R.V. 2001, 44. 14 Référés Comm. Bruges, 24 août 1996, DAOR, 1996, fasc.40, 99; J.D.S.C. 1999, 260. 15 Comm. Courtrai, 7 décembre 1995, DAOR, 1996, fasc. 40, 85.

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La notion « d'intérêt » − Alors que d'après l'article 18, alinéa 1er du Code judiciaire, l'intérêt doit être né et actuel, il

n'est pas exigé lors de l'évaluation de la désignation d'un expert, conformément à l'article 168 du Code des sociétés, que le préjudice ait déjà été subi au moment de l'introduction de la demande.16

− Une expertise au sens de l'article 168 du Code des sociétés n'est pas admise sur le simple fait qu'il existe une animosité ou un risque d'animosité entre actionnaires.17

− La possibilité de pouvoir invoquer en tant qu'actionnaire minoritaire l'article 168 du Code des sociétés est liée au degré d'implication de l'actionnaire requérant dans la politique et/ou dans le contrôle de la société.18

3.2. Rôle du commissaire Nous avons mentionné ci-dessus que le simple fait que des actionnaires minoritaires ont fait usage de leur droit individuel d’investigation et de contrôle ne les prive pas de la possibilité d'introduire une demande de désignation d'un expert conformément à l'article 168 du Code des sociétés. Cette position est défendue par le raisonnement selon lequel l'impossibilité de contrôle individuel prévu par l'article 166 du Code des sociétés doit être considérée comme moins ‘porteuse’ que l'application de l'article 168 dudit code. Pour l'exercice du droit individuel d’investigation et de contrôle, il ne faut pas d'intervention judiciaire, qui amènerait l'actionnaire qui voudrait contrôler les comptes – c'est du moins la supposition faite dans la jurisprudence – à se heurter à « plus de difficultés » (lisez: opposition).19 Pour les sociétés qui dépassent plus d'un des critères de l'article 15, § 1er du Code des sociétés, le pouvoir individuel d’investigation et de contrôle est remplacé par la désignation d'un commissaire, membre de l'Institut des Reviseurs d'Entreprises. Un tel mandat jouit d'une double indépendance, d'une part vis-à-vis des échanges sociaux en général, d'autre part, vis-à-vis des différents acteurs directs, notamment les actionnaires de la société. Ces derniers ont, en effet, un intérêt financier dans la société. Conformément à ce qui est mentionné ci-dessus, il ne peut y avoir de malentendu à propos de la possibilité de demander une expertise pour les sociétés où aucun commissaire n’a été désigné.20 Il n'est pas non plus démontré que l'actionnaire minoritaire qui demande la désignation d'un expert doive démontrer qu'il a d'abord utilisé d'autres moyens, tels que la possibilité de poser des

16 Référés. Comm. Ypres, 22 décembre 2000, T.R.V. 2001, 44. 17 Comm. Hasselt, 24 avril 1998, T.R.V. 2000, 461. 18 Comm. Courtrai, 7 décembre 1995, DAOR, 1996, fasc. 40, 85. 19 Comm. Courtrai, 7 décembre 1995, DAOR, 1996, fasc.40, 85. 20 Référés Comm. Bruges, 24 août 1996, DAOR, 1996, fasc.40, 99; J.D.S.C. 1999, 260.

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questions à l'assemblée générale, prévue notamment par les articles 274 – pour les sociétés privées à responsabilité limitée – et 540 – pour les sociétés anonymes – du Code des sociétés.21 Ledit article 274 prévoit également l'obligation pour le commissaire de répondre aux questions posées par les associés à propos de son rapport. Le commissaire a le droit de prendre la parole à l'assemblée générale en relation avec l'accomplissement du mandat. Qui peut intervenir en qualité d'expert? La lecture combinée des articles 78 et 82 de la loi du 21 février 1985 relative à la réforme du revisorat d'entreprises montre que seuls les experts-comptables externes et les réviseurs d'entreprises sont habilités à exécuter des expertises tant privées que judiciaires dans le domaine de l'organisation comptable des entreprises ainsi que l'analyse par les procédés de la technique comptable, de la situation et du fonctionnement des entreprises au point de vue de leur crédit, de leur rendement et de leurs risques. Pour le bon ordre, il est souligné que l'article 168 du Code des sociétés ne spécifie pas quelles personnes peuvent être désignées en qualité d'expert. Pour ne rien négliger, il nous semble utile de faire également référence à une décision rendue en référé à Bruges, le 24 août 1996, laquelle a souligné que l'exercice du mandat de commissaire se rapporte à une mission légale, si bien qu'une « expertise offre davantage de garanties en matière d'objectivité et d'impartialité ». La décision se réfère pour cela au droit de contredit prévu dans la procédure d'expertise. La décision insiste, par ailleurs, sur le fait que l'expertise a une autre finalité que le contrôle effectué par un commissaire. Elle peut porter sur tous les aspects de la direction de la société.

21 Comm. Courtrai, 7 décembre 1995, DAOR, 1996, fasc.40, 85.

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3.3. Point de vue de l'IRE22 3.3.1. Déontologie 3.3.1.1. Désignation L'article 24, deuxième paragraphe de l'arrêté royal relatif aux obligations des réviseurs d'entreprises prévoit qu'avant d'accepter un mandat ou une mission, le réviseur d'entreprises doit s'informer auprès de l'entreprise ou de l'institution concernée afin de savoir si un autre réviseur d'entreprises est ou a été chargé au cours des douze mois écoulés d'une mission révisorale dans la même entreprise. Chaque fois qu'un réviseur d'entreprises est amené à effectuer des travaux dans une société ou un organisme dans lequel un autre réviseur d'entreprises exerce des fonctions de commissaire ou une mission légale de révision, il ne peut accomplir des travaux sur place qu'après avoir informé ce dernier, de préférence par écrit, de son intervention. Cette règle est applicable quel que soit l'objet de cette mission, y compris l'expertise judiciaire, mais sans préjudice des règles de droit qui les régissent.

Il en ressort que comme pour la désignation en qualité d'expert au sens de l'article 168 du Code des sociétés, le réviseur d'entreprises interrogera la société soumise à l’expertise sur la désignation éventuelle d'un confrère au cours des douze mois écoulés. Le cas échéant, l'expert-réviseur d'entreprises est tenu d'avertir son confrère-commissaire au sujet de la mission qui lui a été confiée.

3.3.1.2. Secret professionnel Communications à un expert23 « (...) Après avis de la Commission juridique, le Conseil a rappelé que le secret professionnel se rapporte à tous les faits dont le réviseur a eu connaissance, « soit à titre de communication confidentielle nécessaire lui ayant été faite dans l'exercice de sa profession, soit à titre de secret par nature, dont il a été informé en vertu ou à l'occasion de l'exercice de sa profession » (BCNAR 1986/2, p. 17). Les documents de travail du commissaire relèvent incontestablement du secret professionnel. Il en ressort forcément que le commissaire ne peut nullement offrir l'accès à ses documents de travail personnels à un expert désigné par le tribunal de commerce, même si cet expert est un confrère-réviseur d'entreprises. (...)

22 “Vademecum du réviseur d'entreprises, Déontologie et normes de revision 2001”, Diegem, Ced-Samsom, 2001. 23 Institut des Reviseurs d'Entreprises, o.c., p. 411.

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Le commissaire pourrait également fournir des réponses à des questions que lui pose l'expert, à la condition que son client lui en ait donné l'autorisation, le terme client représentant l'organe légalement compétent pour représenter la société (...).Dans le cas précédent, le réviseur d'entreprises qui communiquerait des renseignements relevant du secret professionnel n'accomplit pas un acte pénalement punissable. Il lui incombe quand même de déterminer dans quelle mesure il est souhaitable qu'il se prononce. Il a en tout cas toujours le droit d'invoquer le principe du secret professionnel et le Conseil estime qu'en cas de doute, cette attitude est la plus appropriée. Sur avis de la Commission juridique, le Conseil estime que l'échange d'informations entre le commissaire et l'expert désigné par le tribunal n'est pas concerné par l'exception formulée à l'article 27, deuxième alinéa, in fine de la loi du 22 juillet 1953 créant l'Institut des Reviseurs d'Entreprises, en l'espèce la communication à un commissaire ou à une personne exerçant dans une entreprise de droit étranger une fonction similaire à celle de commissaire d’une attestation ou d’une confirmation opérée dans le cadre du contrôle des comptes annuels ou des comptes consolidés d'une entreprise dont ils sont chargés. Dans son rapport sur l'année 1997, le Conseil a émis un avis similaire dans le cas d'un expert désigné à la requête des actionnaires minoritaires.” Communications à un actionnaire24 « (…) Il est incontestable que c'est la société qui est le commettant du commissaire et non le conseil d'administration, ni un actionnaire majoritaire quelconque. On peut donc déduire à bon droit de ce constat que les règles relatives au secret professionnel ne peuvent empêcher que le réviseur communique des renseignements quelconques à l'assemblée générale ou au conseil d'administration qui la représente, parce qu'ils ont des compétences fonctionnelles. Cette règle demeure applicable même après une modification de l'actionnariat. Nous rappelons qu'un actionnaire individuel ne peut jamais être considéré comme « la société » même s'il est l'actionnaire principal. Ceci devrait impliquer à bon droit que le commissaire ne peut pas faire de communications à un actionnaire individuel, sauf en cas d'application des obligations qu'il a en vertu de la loi, notamment pour ce qui concerne l'exception visée à l'article 27 de la Loi du 22 juillet 1953, dans le cadre du contrôle des comptes annuels et des comptes consolidés (...) ».

24 Institut des Reviseurs d'Entreprises, o.c., p. 412.

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3.3.2. Recommandations en matière de contrôle 3.3.2.1. Utilisation des travaux d'experts Actuellement, plusieurs modifications législatives obligent l'IRE à une refonte de la recommandation de contrôle (6 septembre 1996) sur l'utilisation de travaux d'experts. Pour des raisons d'exhaustivité, ladite recommandation de contrôle a été reprise dans le Vademecum 2002. Actuellement, le champ d'application de cette recommandation se limite aux experts disposant d'aptitudes, de connaissances et d'expériences spécifiques dans un autre domaine d'expertise que l'expertise comptable et le contrôle, et en particulier aux experts qui ont été mandatés par la société ou le réviseur d'entreprises ou qui sont au service de l'entreprise ou du réviseur d'entreprises. L'expert désigné dans le cadre d'une expertise est « mandaté » par un actionnaire (minoritaire) et sort donc du champ d'application. La commission a cependant la conviction qu'une communication de qualité entre l'expert, au sens de l'article 169 du Code des sociétés, et le commissaire pourrait contribuer à une plus grande efficacité des opérations de contrôle du commissaire. De plus, une telle « collaboration » profiterait à la bonne entente entre les différents acteurs de la société. 3.3.2.2. Confirmations par la direction Cette recommandation est également en cours de refonte en raison de différentes modifications législatives. La recommandation de contrôle actuelle stipule que le réviseur doit obtenir de la direction de l'entreprise des confirmations écrites à propos des faits et des circonstances qui ont une importance matérielle pour les comptes annuels (...) ». Bien que l'objet de l'expertise ne réponde pas nécessairement à l'exigence quantitative « d'intérêt matériel », la Commission considère utile de demander spécifiquement dans la déclaration de la direction s'il y a le cas échéant des « litiges pendants » éventuels entre les actionnaires et la société dans le cadre de l'article 169 du Code des sociétés. Le cas échéant, cette méthode permettrait indirectement au commissaire d'évaluer la bonne entente entre les actionnaires entre eux ainsi qu'entre les actionnaires et les membres de l'organe de gestion.

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4. L'ACTION MINORITAIRE 4.1. Fondement et ratio legis L'action sociale, c'est-à-dire l'action introduite pour le compte de la société contre un ou plusieurs de ses administrateurs dans le cadre de leur responsabilité interne sur base des dispositions du Code des sociétés, exige en principe une décision préalable de l'assemblée générale des actionnaires prise à la majorité simple25 (article 561 C. Soc.). Etant donné que les administrateurs élus sont généralement l'émanation des actionnaires majoritaires, il est plutôt rare d'introduire une action sociale.26 Pour donner aux actionnaires minoritaires la possibilité de procurer à leur société les dommages-intérêts auxquels elle a droit au cas où (la majorité au sein de) l'assemblée générale néglige d'introduire les actions sociales ou donne même décharge aux administrateurs concernés, l'article 562 du C. Soc.27 prévoit que l'action sociale peut également être intentée par des actionnaires minoritaires d'une SA, fût-ce sous certaines conditions.28 L'action sociale ainsi introduite par un ou plusieurs actionnaires minoritaires conformément à l'article 562 du C. Soc. est définie dans le Code des sociétés comme « l'action minoritaire »29. Par analogie avec l'article 562 du C. Soc., le législateur a également prévu une action minoritaire pour les associés minoritaires d'une SPRL (article 290 C. Soc.) et d'une SCRL (article 416 du C. Soc.)30. Dans la suite de ce mémorandum, nous partirons de la situation d'une SA. Nous n'évoquerons le régime d'une SPRL et/ou d'une SCRL et/ou d'une SCA qu'en cas de différences spécifiques avec la SA. Il convient enfin de signaler ici que le législateur a seulement prévu une action minoritaire en responsabilité de l'organe de gestion. Il n'est donc nullement question d'une action minoritaire en responsabilité du commissaire de la société.

25 Sauf si les statuts de la société concernée prévoient une majorité particulière. 26 H. BRAECKMANS, “Nieuwe regelen voor aandeelhouders en bestuurders: belangenconflict, minderheidsvordering, nieuwe regelen bij het houden van een algemene vergadering, deskundigenonderzoek”, in H. BRAECKMANS et E. WYMEERSCH (ed.), Het gewijzigde vennootschapsrecht 1991, Anvers, Maklu, 1992, p. 343. 27 L'article 562 du C. Soc. reprend l'ancien article 66bis, §2 LCSC introduit par la Loi du 18 juillet 1991. 28 Exposé des Motifs de la Loi du 18 juillet 1991, cité notamment par H. BRAECKMANS, o.c., p. 343, et Y. MERCHIERS, “De bescherming van minderheden in rechtspersonen”, in W. VAN EECKHOUTTE (ed.), Rechtspersonenrecht, Gand, Mys & Breesch, 2000, n°. 29 et. suiv. 29 L'action sociale introduite sur base d'une décision majoritaire de l'assemblée générale est qualifiée dans ce mémorandum d'action sociale au sens strict. 30 D'autre part, les dispositions relatives à l'action minoritaire en vertu de l'article 657 du C. Soc. s'appliquent également à la SCA.

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4.2. Conditions de recevabilité 4.2.1. Minorité requise 4.2.1.1. Paliers et évaluation L'action minoritaire ne peut pas être intentée par n'importe quel actionnaire minoritaire ou groupe d'actionnaires minoritaires.31 Conformément à l'article 562, deuxième alinéa du C. Soc., l'action minoritaire ne peut être introduite que par un ou plusieurs actionnaires possédant, individuellement ou collectivement, au jour où l'assemblée générale qui se prononce sur la décharge à accorder aux administrateurs: - soit des titres32 représentant au moins 1 % (ou 10 % pour une SPRL ou pour une SCRL) des

voix attachées à l'ensemble des titres existant à ce jour; - soit des titres représentant une fraction du capital égale à EUR 1.250.000,00 au moins. Pour l'évaluation du premier palier, on tient seulement compte des titres auxquels est attaché un droit de vote valable au jour de l'assemblée générale se prononçant sur la décharge à accorder éventuellement aux administrateurs, ce qui se fait en principe lors de l'assemblée annuelle (reportée ou non).33 Autrement dit, les titres dont le droit de vote est suspendu ce jour-là ou les titres sans droit de vote34 ne sont pris en compte que pour l'évaluation du deuxième palier. Vu ce qui précède, l'action minoritaire (individuelle ou collective) ne peut pas être introduite par des actionnaires ayant acquis des actions après ladite assemblée générale. D'après MERCHIERS, l'actionnaire qui avait bel et bien un droit de vote à ladite assemblée générale mais qui a ensuite cédé ses titres à quelqu'un d'autre pourrait, en théorie, encore introduire l'action minoritaire, même si en pareil cas, on peut s'interroger sur l'intérêt que cet actionnaire aurait à intenter une telle demande.35 Conséquence importante de l'article 562 du C. Soc., l'action minoritaire pour une faute de gestion précise commise pendant un exercice donné ne peut être introduite qu'après que l'assemblée générale se soit prononcée sur la décharge à accorder éventuellement aux administrateurs pour cet exercice donné, ce qui en principe se fait au jour de l'assemblée annuelle (reportée ou non) (qui doit se tenir au plus tard 6 mois après la fin de l'exercice concerné). Cela signifie que l'action minoritaire n'est pas l'instrument le plus approprié à la disposition du ou des actionnaires pour réagir rapidement à certaines fautes de gestion des administrateurs. 4.2.1.2. Preuve La liste des présences qui reprend le nombre d'actions détenues par chaque actionnaire permettra

31 Des restrictions ont été introduites pour éviter les abus. 32 C-à-d les actions où, le cas échéant, les parts bénéficiaires (cf. article 542 C. Soc.). 33 En effet, la décharge aux administrateurs ne peut être valablement accordée que lors d'un vote spécial, après l'approbation des comptes annuels de l'exercice concerné. 34 Nuance: conformément à l'article 562, 4e alinéa C. Soc., les actionnaires sans droit de vote peuvent quand même intenter l'action minoritaire dans les cas où ils ont exercé un droit de vote conformément à l'article 481 C. Soc. pour les actes de gestion afférents aux décisions prises en exécution de l'article 481 du C. Soc. 35 Y. MERCHIERS, o.c., n° 34.

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généralement d'établir si l'actionnaire minoritaire concerné satisfait au palier prédéfini à ladite assemblée générale. Des problèmes de preuve peuvent toutefois se poser lorsque l'actionnaire minoritaire concerné n'a pas participé à ladite assemblée générale, et certainement si ses actions sont au porteur. Pour éviter toute discussion, ces actionnaires (minoritaires) feraient mieux de se procurer un document probant attestant du nombre d'actions qu'ils possédaient au moment de l'assemblée générale, comme p.ex. un certificat de dépôt, un exploit d’huissier ou une attestation notariée. 4.2.2. Absence de décharge ou décharge non valable 4.2.2.1. Déclaration Conformément à l'article 562, alinéa 3 du C. Soc., les actionnaires ayant droit de vote ne peuvent intenter l'action minoritaire que s'ils n'ont pas approuvé la décharge aux administrateurs ou, si tel est le cas, s'il s'avère que la décharge est non valable. C'est parfaitement logique. La décharge implique, en effet, qu'en cas de décision majoritaire de l'assemblée générale, la société renonce à son droit d'invoquer la responsabilité de ses administrateurs. Les actionnaires qui, par leur participation au vote, ont contribué à une telle décharge ne peuvent naturellement pas adopter ultérieurement une attitude contraire.36 Concrètement, cela signifie que seuls les actionnaires qui n'étaient pas présents à ladite assemblée générale ou qui n’ont pas voté la décharge ou se sont abstenus, peuvent intenter après coup l'action minoritaire. Les actionnaires qui ont voté la décharge pourront intenter l'action minoritaire après coup uniquement s'ils peuvent démontrer que la décharge n’a pas été accordée de façon valable.

36 H. BRAECKMANS, o.c., p. 344, note de bas de page 3.

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4.2.2.2. La preuve Un actionnaire qui n'était pas présent à ladite assemblée générale pourra généralement le démontrer en produisant la liste des présences. Pour l'actionnaire présent qui n’a pas voté la décharge ou qui s'est abstenu, il est très important qu'il demande expressément de faire acter dans le procès-verbal de ladite assemblée générale sa manière de voter. A défaut, il ne pourra pas fournir la preuve qu'il a satisfait aux exigences légales de non-approbation de la décharge. L'actionnaire qui a approuvé la décharge mais qui allègue que cette décharge était nulle devra d'abord obtenir l'annulation de ladite décision de décharge. L'action en annulation et l'action minoritaire peuvent être introduites dans une seule et même citation, la société devant également être appelée à la cause.37 4.2.3. Le cas échéant, désignation d'un mandataire commun Lorsque l'action minoritaire est intentée conjointement par plusieurs actionnaires qui, individuellement, ne satisfont pas aux exigences légales en ce qui concerne le nombre de titres à posséder, ces actionnaires doivent désigner un mandataire commun chargé de mener la procédure. Il est essentiel que la désignation soit faite à l'unanimité des actionnaires minoritaires accordant le mandat. Les actionnaires sont parfaitement libres de désigner la personne de leur choix. Ils peuvent donc choisir l'un d'entre eux comme mandataire commun mais cela ne constitue pas une obligation. Pour éviter les conflits en cours de procédure, les actionnaires minoritaires demandeurs font bien de préciser correctement l'étendue du mandat du mandataire commun, surtout au sujet du pouvoir d'introduire ou non un appel ou un pourvoi en cassation, ou même de conclure une transaction. Le mandataire commun agit au nom des actionnaires minoritaires qui l'ont désigné38, et non pas au nom de la société. Il doit rendre compte aux actionnaires minoritaires qui l'ont désigné et devra répondre vis-à-vis d'eux de la bonne exécution du mandat qu'ils lui ont confié et ce, conformément aux règles ordinaires du mandat.39 Le Code des sociétés ne contient aucune disposition précisant la rémunération du mandataire commun mais il est évident qu'une rémunération peut être stipulée. Cette disposition relative à la désignation d'un mandataire commun a surtout été ajoutée pour les très grandes sociétés dans lesquelles un grand nombre de demandeurs doivent s'associer pour atteindre le nombre minimum de titres.40 Même si le législateur ne l'a pas indiqué explicitement,

37 J. LIEVENS, “De nieuwe vennootschapswet (Wet van 18 juli 1991)”, Gand, Mys & Breesch, 1991, p. 108. 38 L'action minoritaire est toutefois nécessairement introduite pour le compte de la société, si bien que le mandataire commun agit aussi de facto indirectement pour le compte de la société (cf. infra). 39 Y. MERCHIERS, o.c., n° 32 40 J. LIEVENS, o.c., p. 109.

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il est évident que lorsqu'un actionnaire minoritaire satisfait à lui seul les exigences ci-dessus en matière de nombre de titres, il peut intenter individuellement l'action minoritaire et n'est pas tenu de désigner un mandataire spécial.41 4.3. Procédure 4.3.1. Introduction de l'action minoritaire L'action minoritaire est intentée au nom de l'actionnaire ou des actionnaires minoritaires demandeurs. Il s'agit en fait de la seule différence qui existe entre l'action minoritaire et l'action sociale au sens strict, introduite au nom de la société sur base d'une décision majoritaire de l'assemblée générale. Il est cependant essentiel que l'action minoritaire soit introduite, comme l'action sociale au sens strict, pour le compte de la société, de façon à ce que les dommages-intérêts auxquels les administrateurs seraient condamnés reviennent à la société. L'action minoritaire s'inscrit en effet dans le rapport contractuel interne qui existe entre la société et ses administrateurs et doit donc être séparée strictement de l'action individuelle qu'un actionnaire peut introduire (dans des cas exceptionnels)42 en son nom propre et pour son propre compte, sur pied de l'article 1382 du Code civil. L'action minoritaire est évidemment introduite contre le ou les administrateurs qui ont commis la prétendue faute ou infraction. Certains courants doctrinaux conseillent cependant de toujours assigner en même temps la société.43 Il convient finalement de faire référence à l'article 566 C. Soc.: s'il y a lieu de désigner un mandataire commun, il convient d’indiquer l'identité de ce mandataire dans l'exploit de citation et les demandeurs doivent en outre élire domicile chez lui.

41 H. BRAECKMANS, o.c., p. 348; J. LIEVENS, o.c., p. 109. 42 Un actionnaire ne peut en effet introduire une action individuelle en responsabilité d'un administrateur que s'il peut démontrer qu'il a subi un préjudice distinct du préjudice de la société, dont tous les actionnaires ont subi proportionnellement les répercussions (voyez p.ex. K. GEENS, et cons., “Overzicht van rechtspraak. Vennootschappen”, T.P.R. 2000, p. 306, n° 267, ainsi que la doctrine citée à la note en bas de page 848). 43 LIEVENS, o.c., p. 108: les demandeurs peuvent se procurer ainsi un titre vis-à-vis de la société visant au remboursement des frais qu'ils ont avancés.

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4.3.2. Tribunal compétent Le Code des sociétés n'énonce aucune disposition spécifique au sujet du tribunal compétent. La doctrine admet néanmoins de façon générale que le Tribunal de Commerce est compétent puisqu'en vertu de l'article 574,1° du Code judiciaire, il connaît exclusivement des contestations entre associés et administrateurs d'une société commerciale.44 Il est singulier de constater qu'à l'heure actuelle, aucune jurisprudence n'a été publiée à propos de l'usage de l'action minoritaire.45 4.3.3. Motifs pour retenir la responsabilité d'un administrateur et critères d'évaluation Pour éviter tout malentendu, il convient de souligner que les motifs d’appréciation de la responsabilité des administrateurs et les critères d'évaluation de celles-ci dans le cadre de l'action minoritaire sont exactement les mêmes que ceux en vigueur pour l'action en responsabilité introduite sur décision de la majorité de l'assemblée générale (c'est-à-dire l'action sociale au sens strict). Les demandeurs devront, donc, d'abord démontrer que le ou les administrateurs concernés ont commis une faute, à savoir une faute ordinaire de gestion au sens de l'article 527 C. Soc. ou une violation des statuts ou des dispositions du C. Soc. (article 528 C. Soc.)46. Il faut en outre démontrer que la société (et donc pas seulement les actionnaires minoritaires eux-mêmes) a subi un préjudice et qu'il existe un lien de cause à effet entre la faute ou l'infraction reprochée et le préjudice subi par la société.

44 H. BRAECKMANS, o.c., p. 351; K. GEENS, e.a., “Overzicht van rechtspraak. Vennootschappen”, T.P.R. 1993, p. 1053, n° 135. 45 K. GEENS, et cons., “Overzicht van rechtspraak. Vennootschappen”, T.P.R. 2000, p. 305, n° 266, à l'exception du jugement cité à cet endroit - fortement critiqué - du Tribunal de Commerce d'Audenarde, du 19 avril 1994, V&F 1997, 325. 46 Dans la doctrine, on fait toujours seulement référence à l'ancien article 62 LCSC (nouveaux articles 527 et 528 C. Soc.) comme motif d'invocation de la responsabilité d'un administrateur dans le cadre de l'action minoritaire. Néanmoins, une action minoritaire peut sans doute aussi être introduite sur pied des articles 529 (avantage financier abusif au détriment de la société) ou 530 du C. Soc. (faute grave et caractérisée qui a contribué à la faillite).

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4.3.4. Incidents éventuels 4.3.4.1. Concours d'actions Si la majorité au sein de l'assemblée générale décide de ne pas accorder de décharge et d'introduire en revanche « l'action sociale au sens strict », il est théoriquement parfaitement possible que cette action sociale entre en concours avec une action minoritaire introduite par un actionnaire ou par plusieurs actionnaires collectivement. L'article 564 du C. Soc. prévoit qu'il faut dans ce cas joindre les deux demandes. La doctrine a cependant souligné, à bon droit, que la jonction d'office n'est possible que si les deux demandes ont été introduites devant le même tribunal (art. 856, deuxième alinéa du C. Jud.).47 La doctrine admet aussi, de manière unanime, que plusieurs demandes minoritaires peuvent être introduites simultanément, au besoin avec un mandataire différent.48 Ces demandes pourront aussi être jointes si les conditions prescrites par les articles 854-856 du C. Jud. sont satisfaites.49 4.3.4.2. Révocation du mandataire commun Conformément aux travaux préparatoires de la Loi du 18 juillet 1991, le mandataire commun doit disposer d'un statut le plus stable possible.50 C'est la raison pour laquelle l'article 566 du C. Soc. stipule que les demandeurs ne peuvent, en principe, révoquer leur mandataire commun qu'à l'unanimité des voix. Pour prévenir les abus, l'article 566 du C. Soc. prévoit que la révocation peut aussi être poursuivie pour cause légitime par tout porteur de titres51 séparément devant le président du Tribunal de Commerce statuant comme en matière de référé. Une cause légitime serait p.ex. que le mandataire commun ait mal exécuté son mandat, qu'il aurait négligé les intérêts de la société, ou qu'il aurait manqué à ses devoirs, etc.52. En cas de décès, de démission, d'incapacité, de déconfiture, de faillite ou de révocation du mandataire commun, si les demandeurs ne parviennent pas à un accord sur la personne de son remplaçant, celui-ci est désigné par le président du Tribunal de Commerce, sur requête de la partie la plus diligente. 4.3.4.3. Modification de la composition du groupe d'actionnaires minoritaires Lorsque l'action minoritaire a été introduite collectivement par plusieurs actionnaires (parce qu'ils n'atteignent pas individuellement le nombre de titres requis), il peut arriver que la

47 J. LIEVENS, o.c., p. 111, H. BRAECKMANS, o.c., p. 348: lorsque les actions ont été introduites devant plusieurs tribunaux, la jonction des causes ne peut être ordonnée qu'à la requête de l'une des parties (article 856, premier alinéa du C. Jud.). L'exception de connexité doit d'ailleurs être soulevée in limine litis en désignant le juge compétent. 48 K. GEENS, et cons., “Overzicht van rechtspraak. Vennootschappen”, T.P.R. 2000, p. 305, n° 266, avec une forte critique du jugement du Tribunal de Commerce d'Audenarde du 19 avril 1994; J. LIEVENS, o.c., p. 111, H. BRAECKMANS, o.c., p. 348 (avec un renvoi aux Doc. Parl. Sénat, 1990-91, n° 1107/1, p. 164). 49 J. LIEVENS, o.c., p. 111. 50 Doc. parl., Sénat, 1107 (1990-91), n° 1, p. 83, cité par J. LIEVENS, o.c., p. 110 et Y. MERCHIERS, o.c., p. ??. 51 Remarque: H. BRAECKMANS, o.c., p. 349, qui affirme que seuls les porteurs de titres qui ont à l'époque voté pour la nomination du mandataire spécial peuvent demander la révocation de ce mandataire pour une cause légitime (et non pas les porteurs de titres qui se sont éventuellement joints ultérieurement à l'action minoritaire). 52 Y. MERCHIERS, o.c., n° 32.

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composition de ce groupe d'actionnaires minoritaires change en cours de procédure, p.ex. parce que certains actionnaires ne possèdent plus leurs actions ou renoncent à l'action minoritaire. L'article 563 du C. Soc. prévoit formellement qu'une telle modification de la composition est sans effet sur la poursuite de la procédure et sur l'exercice des voies de recours. Le C. Soc. ne prévoit pas de règlement spécifique au cas où tous les actionnaires renoncent à l'action. On peut admettre que lorsque l'objet même du mandat s'éteint, il n'appartient pas au mandataire commun de poursuivre la procédure de son propre chef.53 4.3.4.4. Faillite de la société En principe, la déclaration de faillite de la société est sans effet sur la poursuite de l'instance.54 Dans certaines circonstances, il sera d'ailleurs dans l'intérêt de la masse que l'action minoritaire soit introduite, à savoir lorsque le curateur ne peut plus introduire lui-même d'action en responsabilité pour le compte de la société pour cause de décharge ou de prescription.55 4.3.5. Transaction Il peut arriver que la société et ses administrateurs concluent une transaction pour mettre un terme à un litige concernant la responsabilité des administrateurs.

53 H. BRAECKMANS, o.c., p. 350. 54 Naturellement, il est un fait que les dommages-intérêts éventuellement obtenus tomberont dans la masse. 55 Dans la mesure où le curateur agit au nom et pour compte de la société, la décharge accordée aux administrateurs par l'assemblée générale lui est en effet opposable.

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Lorsqu'une transaction a été conclue avant l'introduction de l'action minoritaire, elle peut être annulée sur pied de l'article 565 du C. Soc. à la demande des porteurs de titres atteignant le palier requis, « s'il s'avère que la transaction n'a point été faite à l'avantage commun de tous les porteurs de titres ». La doctrine a souligné, à bon droit, que la formulation de cet article est malheureuse et qu'il est plus correct de dire que la transaction peut être annulée si elle n'est pas satisfaisante pour la société (et donc indirectement pour les porteurs de titres).56 Après l'intentement de l'action minoritaire, la société ne peut plus transiger avec les administrateurs sans le consentement unanime de ceux qui demeurent demandeurs de l'action minoritaire. 4.3.6. Prescription de l'action minoritaire Tout comme les actions judiciaires contre les gérants et administrateurs pour faits de leurs fonctions, l'action minoritaire se prescrit par cinq ans à compter de ces faits ou, s'ils ont été celés par dol, à partir de la découverte de ces faits (article 198 §1er, quatrième tiret du C. Soc.). 4.3.7. Implications des décisions judiciaires éventuelles 4.3.7.1. Admission Lorsque l'action minoritaire est admise et que les administrateurs sont condamnés à payer des dommages-intérêts, ces dommages-intérêts reviennent à la société et non pas aux actionnaires minoritaires demandeurs. En effet, l'action minoritaire est introduite pour compte de la société. Conformément à l'article 567, alinéa 2 du C. Soc., la société est cependant tenue de rembourser les sommes dont les demandeurs ont fait l'avance, et qui ne sont point comprises dans les dépens mis à charge des défendeurs. Concrètement, il s'agit de tous les frais que les demandeurs ont exposés pour faire aboutir l'action minoritaire, tels que les honoraires du mandataire commun et ceux des avocats. J. LIEVENS fait cependant remarquer que la société ne peut être condamnée à ce remboursement que si elle est partie à l'instance. Les actionnaires minoritaires demandeurs feraient donc bien d'assigner également la société ou de la faire intervenir dans l'instance.57

56 J. LIEVENS, o.c., p. 111 (l'action minoritaire est en effet intentée pour le compte de la société et non pour le compte des demandeurs). 57 J. LIEVENS, o.c., p. 112.

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4.3.7.2. Rejet de l'action Si l'action minoritaire est rejetée, les actionnaires minoritaires demandeurs peuvent être condamnés personnellement aux dépens et ce, bien qu'ils aient introduit l'action pour le compte de la société (article 567, alinéa 1er du C. Soc.). De plus, conformément à l'article 567 du C. Soc., s'il y a lieu, ils peuvent être condamnés à des dommages-intérêts envers les défendeurs. D'après les travaux préparatoires de la loi du 18 juillet 1991, cet article avait seulement pour but de sanctionner les demandes introduites à la légère ou de façon vexatoire.58 Un certain courant doctrinal trouve, cependant, cette disposition superflue puisque le Code judiciaire permet, dans de tels cas, d'introduire une demande reconventionnelle pour action téméraire et vexatoire.59

4.4. Remarques finales Lorsqu'un actionnaire minoritaire envisage d'intenter une action minoritaire, il découvre rapidement qu'il y a un déséquilibre important entre les conséquences possibles de l'introduction d'une telle demande: si l'action minoritaire est admise, les dommages-intérêts ne lui sont pas attribués alors que si l'action est rejetée, il doit supporter lui-même les frais et peut en outre être condamné à payer des dommages-intérêts. En pratique, les actions minoritaires sont dès lors peu fréquentes. Jusqu'à présent, on ne dispose même pas de jurisprudence publiée à ce sujet. Naturellement, l'action minoritaire n'est pas la seule technique de protection qui a été intégrée dans le C. Soc. Ainsi, tout intéressé (et donc aussi tout actionnaire minoritaire) a la possibilité de demander, au besoin en référé, l'annulation de décisions de l'assemblée générale ou du conseil d'administration qui ont été prises par la majorité d'une manière illégale ou irrégulière ou moyennant un excès de pouvoir ou un abus de pouvoir. De plus, un ou plusieurs actionnaires minoritaires qui atteignent seuls ou conjointement les paliers requis en terme de possession de titres pour pouvoir introduire l'action minoritaire, peuvent demander une expertise sur pied de l'article 168 du C. Soc. s'ils peuvent démontrer qu'il existe des indices d'atteinte grave ou de risque d'atteinte grave aux intérêts de la société.

58 C'est-à-dire uniquement dans les cas où une personne normale et prudente n'intenterait aucune action. Voyez Y. Merchiers, o.c., n° 37. 59 H. BRAECKMANS, o.c, p. 350.

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Enfin, il existe toujours la possibilité, pour tout actionnaire minoritaire, de demander, sur base de l’article 642 du C. Soc., que ses actions soient reprises, à juste titre, par celui qui est à l'origine de ces justes motifs. L'actionnaire minoritaire concerné peut ainsi sortir de la société et récupérer la valeur de sa participation.

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5. RETRAIT 5.1. Cadre legal et jurisprudence 5.1.1. Cadre légal Ce texte ne traite pas du retrait d'associés d'une société coopérative, qui est caractérisée, en raison des modalités rapides d'adhésion et de retrait, par des règles particulières liées à la notion de « capital variable ». L'article 340 du C. Soc. stipule que tout associé peut, pour de justes motifs, demander en justice que les associés à l'origine de ces justes motifs, reprennent toutes ses parts (SPRL). L'article 642 du C. Soc. stipule que tout actionnaire, peut, pour de justes motifs, demander en justice que les actionnaires à l'origine de ces justes motifs, reprennent toutes ses actions ainsi que les obligations convertibles en actions ou les droits de souscription qu'il détient (SA). 5.1.2. Champ d'application La disposition ci-dessus s'applique aux SPRL, aux SA qui ne font pas ou n'ont pas fait appel public à l'épargne et aux sociétés en commandite par actions.60. Tout associé peut introduire cette procédure quelle que soit le nombre d'actions détenues. La procédure doit être introduite contre les associés qui ont nui aux droits ou intérêts du demandeur. 5.1.3. Justes motifs La reprise forcée des actions ne peut être demandée que contre l'associé à l'origine des justes motifs. Au sens des articles 340 et 642 du C. Soc., les justes motifs constituent une norme ouverte. Le juge interprète cette norme de façon souveraine au vu des faits qui lui sont présentés.61.

60 NELISSEN GRADE, J.M., De geschillenregeling en de uitkoopregeling, in “De nieuwe vennootschapswetten van 7 en 13 april 1995, Editeur: Jan Ronse Instituut, Biblo, Kalmthout, 1995, 336-372. 61 BRAECKMANS, H., De uitsluiting en uittreding van aandeelhouders, R. W., 2000-2001, 1361-1378.

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La loi parle de justes motifs au pluriel. Cela signifie que pour appliquer le règlement des litiges, il faut la présence de plusieurs faits. Cela a d'ailleurs été confirmé par la jurisprudence. Le Président du Tribunal de Commerce d'Hasselt estime que l'intention du législateur ne peut avoir été d'appliquer le règlement des litiges à toute contestation ou désaccord.62. De plus, les justes motifs doivent être suffisamment sérieux. Les articles 340 et 642 du C. Soc. sont applicables lorsqu'un associé a été à ce point lésé par les autres associés au niveau de ses droits ou intérêts qu'en toute logique, il ne faut plus s’attendre à ce qu'il demeure associé. Lors de la procédure de retrait, il faut se demander si la collaboration entre les parties en tant qu'associés est ou non rompue de manière définitive et irrévocable, si bien qu'il ne faut plus exiger de la part du demandeur la poursuite du contrat de société63. Le règlement des litiges implique une remise en cause des droits de propriété et la présence de justes motifs doit être interprétée de manière restrictive.64. L'action en retrait est introduite dans l'intérêt de l'associé qui souhaite ce retrait. Il manifeste ainsi qu'il considère que la collaboration n'est plus possible et qu'il souhaite récupérer son capital. Il prend congé de la société et l'intérêt social disparaît à l'arrière-plan65. Le juge se doit néanmoins de prendre en considération les intérêts de la société66. Quels faits peuvent être considérés comme de justes motifs? C'est par exemple le cas lorsqu'il s'avère qu'un actionnaire qui est également administrateur impute des frais privés à la société67. On considère aussi comme justes motifs la violation d'un contrat d'actionnaire ou d'un contrat de management avec l'actionnaire68. Il en va de même lorsque la société est systématiquement dévalisée au profit de l'actionnaire majoritaire qui détient également une participation dans une société concurrente69. Autre exemple de justes motifs: l'imputation d'indemnités élevées de management par certains administrateurs, nommés sur proposition de l'actionnaire majoritaire, alors qu'il s'avère que ces indemnités ne correspondent à aucune prestation et alors que les statuts stipulent que les mandats d'administrateur sont gratuits et que la société est déficitaire.70.

62 Comm. Hasselt, 14 février 1997, T.R.V., 1997, 107. 63 Comm. Turnhout, 22 novembre 1996, V & F, 197, 50. 64 Comm. Tongres, 15 avril 1997, T.R.V., 1997, 226. 65 Comm. Malines, 6 février 1997, T.B.H., 198, 613. 66 Comm. Gand, 15 avril 1997, V&F, 1998, 46. 67 Comm. Termonde, 19 mars 1997, T.R.V., 1997, 153. 68 Comm. Bruxelles, 25 juin 1997, Rev. Prat. Soc., 1999, 175. 69 Comm. Courtrai, 7 avril 1997, V&F, 1997, 333. 70 Comm. Courtrai, 10 juillet 1997, V&F, 1997, 326.

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On a également admis comme justes motifs le fait qu'un associé a été trompé par un autre associé. Il s'agissait in casu de la constitution d'une société professionnelle dans laquelle le défendeur a refusé sa collaboration en vue de satisfaire aux conditions pour créer une société professionnelle71. On parle également de justes motifs lorsqu'il y a eu une rupture durable et irrévocable entre les actionnaires, rendant toute collaboration impossible, comme p.ex. la destitution irrégulière d'un administrateur ou la conspiration de deux actionnaires contre un autre, créant un déséquilibre à l'assemblée générale72. Le désaccord durable et irrévocable est également attesté par le constat de ce qu'un actionnaire est empêché d'exercer son droit de contrôle individuel73. La simple nomination d'un commissaire ne peut cependant pas être considérée comme une obstruction du droit de contrôle74. L'abus de majorité est souvent admis comme juste motif. C'est le cas lorsque l'actionnaire majoritaire décide systématiquement de réserver les bénéfices en dépit des besoins d'investissement de la société75. Il y a abus de majorité lorsque la majorité profite des vacances d'un actionnaire occupant un mandat d'administrateur pour convoquer une assemblée générale pour le destituer, pour empêcher le droit de contrôle de l'actionnaire en nommant un commissaire, pour enfreindre le contrat d'actionnaire et pour transférer les éléments d'actif.76. 5.1.4. Objet La demande vise la reprise forcée des actions, des obligations convertibles et des droits de souscription que détient le demandeur.

71 Comm. Tongres, 15 avril 1997, T.R.V., 1997, 225. 72 Comm. Turnhout, 22 novembre 1996, V&F, 1997, 50. 73 Comm. Termonde, 19 mars 1997, T.R.V., 1997, 153. 74 Comm. Hasselt, 12 septembre 1997, V&F, 1997, 339. 75 Comm. Courtrai, 7 avril 1997, T.R.V., 1999, 290. 76 Comm. Bruxelles, 25 juin 1997, Rev.Prat. Soc., 1999, 175.

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5.1.5. Procédure La procédure est poursuivie devant le Président du Tribunal de Commerce du lieu où le siège principal réel de la société est établi, qu'il s'agisse ou non d'une société civile ou d'une société commerciale. La procédure est poursuivie comme en référé. Il s'agit d'une procédure sur le fond qui ne peut dès lors être introduite sur requête unilatérale. Il faut également porter devant le juge les clauses statutaires ou conventionnelles de préemption ou d'approbation limitant la cessibilité des actions. Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation de telles clauses. Il peut même les ignorer et se substituer à toute partie qui a été désignée pour déterminer le prix auquel le droit de préemption pourra être exercé. 5.1.6. Méthodes d'évaluation Le législateur n'a pas prévu la méthode à utiliser pour déterminer la valeur des actions d'une société. Par conséquent, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation sur le plan de la fixation de la valeur. 5.1.7. Date de référence Dans la doctrine et la jurisprudence, il y a une discussion sur le moment auquel la valeur des actions à céder doit être fixée. La loi ne donne à ce sujet aucune instruction. Un certain courant de jurisprudence a fixé la date de détermination de la valeur au moment de l'introduction de la demande. Ceci peut présenter l'avantage qu'il ne faut pas tenir compte des actes posés par l'un des actionnaires après qu'il ait pris connaissance de l'introduction de la demande. B. TILLEMAN77 estime que l’on ne peut pas retenir une telle date repère lorsque la valeur des actions a baissé du fait de l'intervention fautive de l'actionnaire défendeur. Dans ce cas, il faut fixer la date repère juste avant l'intervention fautive de cet actionnaire, ce qui présente l'avantage qu'il ne faudra pas réclamer davantage de dommages-intérêts dans une autre procédure.

77 TILLEMAN, B., Een eerste commentaar i.v.m. de eerste precedenten m.b.t. de geschillenregeling, T.R.V., 1997, 104.

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Mais ceci présente toutefois le risque que le président du tribunal procède, de manière impropre, à l'octroi de dommages-intérêts pour lesquels il n'a pas de compétence, dans une procédure dans laquelle il statue comme en matière de référé.78. Une autre partie de la doctrine et de la jurisprudence admet que le président peut charger un expert de fixer la valeur des actions à céder avant la date d'introduction de la demande. Ceci est justifié en affirmant que le président constatera l'existence de justes motifs et pourra dès lors fixer la date de la fixation de la valeur avant l'existence de ces justes motifs. D'autres auteurs estiment que le juge dispose des bases pour fixer la valeur au début du conflit et donc avant l'introduction de la demande en retrait. Ils défendent plusieurs positions en affirmant que le demandeur acquiert un droit subjectif en vue d'introduire la demande de retrait au moment où les justes motifs se sont produits ou ont commencé. En fixant ainsi la valeur au moment de l'existence ou du début des justes motifs, la partie demanderesse recevra une valeur équitable pour ses actions79. 5.1.8. Facteurs influençant l'évaluation D'après certains auteurs, le président pourrait tenir compte du fait qu'il s'agit de la cession d'une participation de contrôle, si bien qu'une prime de contrôle (majoration de prix) est justifiée. Certains auteurs estiment également que le juge peut prendre en considération, lors de la fixation du prix, la valeur future des actions. D'autres auteurs sont d'avis que le prix peut être fixé sur base du prix qu'un tiers est prêt à payer80. Comme dans de nombreux cas, il s'agit d'une pure fiction d'admettre qu'un tiers serait intéressé dans l'achat d'actions, notamment lorsqu'il s'agit d'un paquet minoritaire, le critère du tiers acheteur est donc peu utilisable81. D'autres auteurs estiment encore que le président peut prévoir une clause d'adaptation du prix lorsque la valeur des actions peut être influencée par une action future de la société.

78 LIEVENS, J., De waardebepaling in het kader van de geschillenregeling, V&F, 1997, 303-306. 79 JANSSENS, E., De waardering van aandelen n.a.v. een uitsluiting of uittreding van aandeelhouders in een NV, T.R.V., 2001, 371. 80 NELISSEN GRADE, J.M., De geschillenregeling en de uitkoopregeling, in De nieuwe vennootschapswetten van 7 en 13 april 1995, Editeur: Jan Ronse Instituut, Biblo, Kalmthout, 1995, 336-372. 81 LIEVENS, J., De waardebepaling in het kader van de geschillenregeling, V&F, 1997, 303-306.

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Il existe une discussion au sein de la doctrine sur la question de savoir s'il faut appliquer une moins-value lorsque le règlement du litige porte sur un paquet minoritaire. La valeur des actions est la résultante de la valeur des droits patrimoniaux d'une part (le droit à un dividende et le droit au solde de liquidation) et des droits de participation d'autre part. Puisqu'il y a moins de droits de participation rattachés à un paquet minoritaire, une moins-value peut se justifier comme suit:82: - une moins-value de 20 à 25 % lorsque l'actionnaire détient un paquet de moins de 25 %

des actions; - une moins-value d'environ 15 % lorsque l'actionnaire minoritaire possède une minorité

de blocage de plus de 25 % des actions. Cette règle n'est pas absolue. Il ne faut pas perdre de vue les circonstances concrètes. Ainsi, on ne pourra pas parler d'une moins-value si la participation minoritaire bénéficie de droits de participation importants en raison d'un règlement statutaire ou conventionnel. A titre d'exemple, on peut citer un règlement en matière de représentation proportionnelle au sein du conseil d'administration. 5.1.9. Conclusion L'action en retrait est une arme importante pour l'actionnaire qui veut sortir de la société lorsqu'il a été boycotté par ses co-associés. Le juge devra statuer, en toute équité, sur le bien-fondé de l'action du demandeur et imposer, en outre, aux défendeurs une indemnité équitable pour son paquet d'actions. 5.2. Rôle du commissaire Le commissaire est nommé par l'assemblée générale des actionnaires. Il rendra donc compte à cet organe des contrôles qu'il a exercé sur les comptes annuels. Il se prononcera plus particulièrement sur l'image fidèle de ces comptes annuels. Dans le cadre de sa mission légale, le commissaire ne fera aucune distinction entre les grands et les petits actionnaires. Si un conflit éclate entre ces deux groupes (ou entre des actionnaires individuels), le commissaire est supposé prendre ses distances par rapport à ce conflit, en toute indépendance et objectivité. Mais ce n'est pas simple.

82 DE LEENHEER, J. et DELVAUX, G., Waarderingsaspecten, in: De geschillenregeling en het uitkoopbod in vennootschappen. Vennootschaprechtelijke en waarderingsaspecten, Bruxelles, 1997.

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L'exemple suivant l'illustre bien: L'actionnaire A possède 90 % des actions d'une société; l'actionnaire B possède les 10 % autres. De plus, A veille à ce qu'un contrat soit conclu avec une deuxième société C, qu'il possède seul, contrat qui est justement particulièrement intéressant pour C. Ce contrat est signé par les conseils d'administration de A et de C et est exécuté de manière ponctuelle – mais de façon indirecte au détriment de l'actionnaire B. Quelle est à présent la position du commissaire vis-à-vis de B? Il n'appartient pas au commissaire d'apprécier l'opportunité dudit contrat. Vis-à-vis des comptes annuels, des risques fiscaux éventuels pourraient se produire mais ceux-ci ne sont absolument pas (encore) à l'ordre du jour. En ce qui concerne ce même contrat, les comptes annuels présentent une image fidèle; autrement dit, dans le conflit entre A et B, le commissaire ne dispose pas d'instrument à partir des rapports dont la loi impose la rédaction. Il résulte de ce qui précède, qu'un certain courant de jurisprudence considère que la nomination d'un commissaire, associée à certaines circonstances, peut être considérée comme un abus de majorité – ce que l’on peut à nouveau qualifier de justes motifs dans le cadre de l'action en retrait dont nous avons parlé ci-dessus. D'autres tribunaux ne sont manifestement pas d'accord avec cette thèse. On pourrait néanmoins affirmer objectivement qu'un actionnaire minoritaire dispose – du fait de son droit de contrôle individuel – d'armes supplémentaires pour introduire une procédure judiciaire si aucun commissaire n'a été nommé dans la société. 5.3. Position de l'IRE En parcourant les rapports annuels et autres documents officiels de l'IRE, nous n'avons trouvé nulle part de position prise en la matière.

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6. LES RECOMMANDATIONS EVENTUELLES 6.1. La convocation de l’assemblée générale par le commissaire Le Code des sociétés précise la circonstance dans laquelle le commissaire a l’obligation de convoquer l‘assemblée générale (articles 268 et 532). Des sanctions existent en cas de non-application de cette procédure. Cependant aucune précision n’est donnée, dans le Code des sociétés, sur les circonstances dans lesquelles le commissaire pourrait convoquer l’assemblée générale. L’Institut des Reviseurs d’Entreprises a, dans les textes repris ci-dessus, pris position et a formulé des précisions quant à la possibilité pour le commissaire de convoquer l’assemblée générale. Ci-dessous sont reprises d’autres circonstances dans lesquelles le commissaire aurait la possibilité de convoquer l’assemblée générale des actionnaires ou des associés. Ces possibilités résultent toutes de l’absence de convocation de l’assemblée générale par l’organe de gestion de la société. Il nous paraît donc souhaitable que, dans les circonstances évoquées ci-dessus, une recommandation soit prise par l’Institut des Reviseurs d’Entreprises. Cette recommandation devrait mentionner les circonstances dans lesquelles le commissaire devrait utiliser la possibilité légale de convoquer l’assemblée générale. Une attention particulière devra également être portée par le commissaire pour ne pas franchir la frontière et ne pas s’immiscer dans la gestion de la société. 6.1.1. La convocation de l’assemblée générale en cas de constatation d’irrégularité L’article 140 du Code des sociétés stipule que les commissaires ne sont déchargés de leur responsabilité, quant aux infractions auxquelles ils n’ont pas pris part, que s’ils prouvent qu’ils ont accompli les diligences normales de leur fonction, qu’ils ont dénoncé l’infraction à l’organe de gestion et, le cas échéant, s’il n’y a pas été remédié de façon adéquate, à la prochaine assemblée générale. Dans l’état actuel de la législation sur les sociétés, il n’existe aucune base légale qui obligerait le commissaire à convoquer une assemblée générale dans une telle situation. Cependant, lorsque des infractions graves peuvent déboucher sur la discontinuité de la société, n’est-il pas du devoir du commissaire de convoquer l’assemblée générale?

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6.1.2. La convocation de l’assemblée générale en cas de situation de blocage du conseil d’administration Il peut arriver qu’en cours de vie sociale une société soit paralysée en raison d’un blocage au niveau du conseil d’administration. Tel serait le cas, par exemple, si plusieurs groupes d’administrateurs s’opposaient systématiquement de sorte qu’aucune majorité ne pourrait se dégager. Si ce conflit se situe au simple niveau de l’organe de gestion, les mécanismes sociaux doivent permettre de le résoudre. Il suffit à l’assemblée, soit de pourvoir au remplacement de l’organe de gestion, soit de nommer un ou plusieurs autres membres pour permettre à la décision collégiale de se former. Il peut arriver, dans certains cas, que l’organe de gestion s’abstienne de convoquer l’assemblée générale. Le commissaire pourrait, sur base des articles 268 et 532 du Code des sociétés, prendre l’initiative de la convocation. Si telle est son intention, il devra faire preuve de la plus grande prudence. En effet, en tant que commissaire, il doit faire attention à ne pas s’immiscer dans la gestion de la société. Il doit donc faire preuve de réserve et d’une certaine neutralité en cas de dissension entre administrateurs.83 Certains auteurs estiment que le commissaire, dans le cadre des articles 268 et 532 du Code des sociétés, ne devrait envisager de convoquer une assemblée générale que si le blocage de l’organe de gestion fait courir à la société un péril grave et imminent qui impliquerait des mesures qui ne pourraient être différées jusqu’à la prochaine assemblée générale annuelle. En convoquant une assemblée générale dans ce cas, le commissaire ne saurait évidemment se voir formuler de griefs. Dans ce cas, il n’abuserait certainement pas de son droit de convocation. Le droit du commissaire de convoquer l’assemblée générale a, en effet, précisément pour but de permettre aux actionnaires d’adopter les mesures qui s’imposent pour la sauvegarde de leurs intérêts dans la société.84

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IRE, Etudes, Les situations de blocage dans les sociétés anonymes, Droit 1/94.

84IRE, Etudes, Les situations de blocage dans les sociétés anonymes, Droit 1/94 : Page 10.

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6.1.3. La convocation de l’assemblée générale en cas de carence de membres de l’organe d’administration Il peut arriver en cours de vie sociale qu’une société soit paralysée en raison d’un blocage au niveau du ou des membres de l’organe de gestion. Tel serait le cas, par exemple, si dans une SPRL, le gérant était incapable d’assumer son mandat pour les raisons suivantes: décès, maladie, ... Dans le cadre de l’article 268 du Code des sociétés, le commissaire de la société devrait envisager de convoquer l’assemblée générale des associés afin de leur permettre de pourvoir au remplacement du gérant. Le commissaire agit, tout comme dans le cas précédent, afin que les associés adoptent des mesures destinées à la sauvegarde de leurs intérêts dans la société. 6.2. Commentaire du commissaire en ce qui concerne le rapport de gestion dans le cadre du conflit d’intérêt Dans le cadre de la protection des intérêts des actionnaires minoritaires et des textes qui nous sont impartis, une possibilité d’intervention réside dans les commentaires à émettre au sujet du rapport de gestion et/ou de l’appréciation du rapport des administrateurs indépendants. Seule une impression généralement trompeuse de la description des décisions prises au sein du conseil d’administration, soumises aux articles 523 et suivants, nous permettrait de mentionner une information aux tiers et ce, dans notre rapport annuel. Il nous reste à définir des critères nous permettant d’apprécier, objectivement, ce caractère trompeur et aux tiers concernés de lire correctement nos rapports. 6.3. Mentions dans le rapport de révision Lorsque le commissaire constate, lors de ses travaux de contrôle, des lacunes dans les procédures de contrôle interne de la société, il devra, le cas échéant, faire état de cette faiblesse dans la seconde partie de son rapport de révision. Cet aspect a été prévu dans les normes générales de revisions de l’IRE sous le point 3.10.2. Dans de nombreux cas, les lacunes dans les procédures de contrôle interne sont mentionnées dans une management letter établie par le commissaire et adressée aux membres de l’organe de gestion de la société. Uniquement, les membres de l’organe de gestion ont accès à cette information. C’est pourquoi, lorsque le commissaire estime nécessaire de porter ces lacunes à la connaissance des actionnaires, une mention est faite dans son rapport de révision. 6.4. Présence du commissaire aux assemblées générales Conformément aux articles 272 et 538 du Code des sociétés, les commissaires assistent aux

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assemblées générales lorsqu’elles sont appelées à délibérer sur la base d’un rapport établi par eux. La commission estime que cette obligation légale doit, dans tous les cas, être respectée par le commissaire. Le commissaire doit considérer ceci comme un défi puisque les actionnaires minoritaires ne sont pas tenus de demander préalablement les explications nécessaires au sein de l'assemblée générale avant de se référer à l'expertise, pour inviter ces derniers au dialogue. Il faut pour cela créer les bonnes circonstances. Il est peut-être utile à ce sujet – par rapport aux actionnaires minoritaires – de se laisser guider par les attentes en vigueur vis-à-vis du conseil d'entreprise. Dans cette optique, le commissaire peut se prévaloir, entre autres, de l'article 274 du Code des sociétés (sociétés anonymes), qui prévoit explicitement que le commissaire: − répond aux questions qui lui sont posées au sujet du rapport ou encore au sujet des comptes

annuels; − a le droit de prendre la parole à l'assemblée générale en relation avec l'accomplissement de sa

fonction. A ce sujet, serait-il envisageable d'insérer un « paragraphe informatif supplémentaire » faisant référence à la deuxième partie « renseignements complémentaires » du rapport du commissaire? Cela va de soi, mais pour ne rien négliger, la commission souhaite toutefois souligner que le dialogue entre actionnaires, ainsi que la garantie des droits des actionnaires minoritaires, doivent avant tout se réaliser par la tenue effective des assemblées générales. Une bonne entente au sein de l'entreprise ne pourra se développer qu'en respectant les règles sociétaires, notamment le droit d'interpellation de chaque actionnaire individuel.

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6.5. Entreprise en difficultés financières Le rapport de gestion doit faire mention des faits qui auront une influence notable sur le développement de l’entité contrôlée, sauf si cette indication est susceptible de porter préjudice à la société. L’interprétation de l’exception appartient conjointement aux dirigeants qui établissent le rapport et au commissaire qui déclare si le rapport contient les informations requises. En conséquence, en cas de divergence d’opinions, le commissaire signalera que le rapport de l’organe de gestion est incomplet (Normes générales de révision 3.9.1.). Lorsque l’entité contrôlée est en difficultés financières graves au point que la continuité de son exploitation est mise en péril, le conseil d’administration jugera normalement qu’il est de son devoir d’en informer l’assemblée générale. Le réviseur étudiera avec soin le contenu de cette information afin de déterminer si elle est suffisante pour éviter que l’utilisateur des comptes ne soit trompé par l’utilisation du postulat de continuité d’exploitation dans l’élaboration des comptes (Normes générales de révision 3.9.3.). Le réviseur est tenu d’ajouter un paragraphe explicatif lorsqu’il existe des raisons de mettre en évidence un problème significatif en matière de continuité d’exploitation (Normes générales de révision 3.6.3.). La commission est d’avis que l’application de ces différents points doit être respectée par le commissaire. 6.6. Article 137 du Code des sociétés Une attention particulière doit être portée par le commissaire au respect de l’article 137, § 2, 3ème alinéa du Code des sociétés. Article 137 § 2, 3ème alinéa du Code des sociétés stipule que : Il leur est remis chaque semestre au mois par l’organe de gestion un état comptable établi selon le schéma du bilan et du compte de résultats. Le respect de cette procédure légale permettrait au commissaire de pouvoir réagir, le cas échéant, lorsque les circonstances financières l’exigent, sans attendre la clôture comptable des comptes de la société. La commission estime que, dans pareils cas, le commissaire doit utiliser les différentes possibilités légales afin de préserver les intérêts des tiers et notamment des actionnaires minoritaires qui ne seraient pas au courant de la situation.

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6.7. Engagement letter La commission estime que le commissaire devrait, avant le début de ses prestations, adresser à l’organe de gestion de la société qu’il contrôle une lettre de mission contenant notamment les informations à lui communiquer. Ces informations concernent notamment: toute décision relative à la publication d'informations financières, à la distribution d'un dividende, à une augmentation de capital, à la convocation d'une assemblée générale ou toute décision ou opération dans laquelle un administrateur ou un actionnaire a un intérêt opposé, de nature patrimoniale, à celui de la société. Le but de cette lettre est d’avertir l’organe de gestion de la société des différentes informations à transmettre afin que le commissaire puisse garantir les intérêts des différentes parties. Le contenu et un exemplaire de cette lettre devraient être repris dans les normes générales de revision. 6.8. La démission du commissaire La commission est d’avis que la démission du mandat de commissaire, en cas d’infractions graves de la société, n’est, dans certains cas, pas une solution. Cependant, la démission du commissaire constitue parfois un moyen de faire prendre conscience à tous les actionnaires de problèmes importants. 6.9. Apports en nature Dans les opérations d’apports en nature, le droit de préférence, n’est pas d’application. Dans de nombreux cas, l’apport est effectué par une partie de l’actionnariat de la société. De ce fait, une modification de la répartition de l’actionnariat existe après l’opération. C’est pourquoi, la commission estime qu’une attention particulière doit être portée par le commissaire à cette modification. Dans son rapport de contrôle, le commissaire devra mentionner la modification dans la répartition de l’actionnariat.

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6.10. Programme de contrôle/déclaration de la direction On peut déduire de la jurisprudence que seuls les indices ou débuts d'indices qui font conclure qu'il y a une atteinte grave ou un risque d'atteinte grave aux intérêts de la société, peuvent donner lieu à l'organisation d'une expertise. En mettant au point un programme de contrôle adapté, qui prend également en compte les indices déjà répertoriés par la jurisprudence, le commissaire pourra reconnaître à l'avance les circonstances dans lesquelles l'organisation d'une expertise est envisageable. Etant donné que l'organe de gestion sera sans doute le premier à identifier, depuis sa position, lesdites circonstances, il convient de vérifier si une précision éventuelle de ladite déclaration de direction ne pourrait servir la perception générale du commissaire. 6.11. Déontologie On admet généralement que le rôle des experts dans le cadre de l'article 168 du Code des sociétés peut être rempli aussi bien par un expert-comptable externe que par un réviseur d'entreprises. Conformément à la déontologie de l'IRE, tout réviseur d'entreprises qui va exécuter une mission dans une entreprise dans laquelle un autre réviseur d'entreprises exerce déjà la fonction de commissaire ou une mission de contrôle légal, sera tenu de mettre ce dernier au courant de son intervention. Il est en effet important que le commissaire soit averti du « climat » qui règne entre les actionnaires de la société dans laquelle une mission lui a été confiée. De plus, cette communication donne au commissaire la possibilité de prendre connaissance des éléments qui causent du souci notamment aux actionnaires minoritaires. Dans le cadre de cette communication d'informations, la commission souhaite formuler la recommandation d'étendre aux experts-comptables externes les règles de conduite imposées entre les membres de l'Institut des Reviseurs d'Entreprises. Dès 1997, plusieurs accords ont été conclus à ce sujet entre les deux instituts. On peut notamment faire référence au principe suivant: « Avant que l'expert-comptable accepte une mission telle que celle visée à l'article 78 de la loi du 21 février 1985, il doit demander à l'entreprise si un réviseur d'entreprises exerce cette mission ou s'il l'a exercée au cours des douze mois écoulés. Si c'est le cas, il doit contacter cet expert-comptable sans délai. »

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En marge du présent sujet, la commission estime utile de compléter les règles déontologiques entre les membres des deux instituts professionnels de façon à ce que dorénavant, un expert-comptable signale toujours la mission qui lui a été confiée dès qu'il est établi qu'un commissaire est en fonction dans ladite société. 6.12. L’abus de biens sociaux La commission estime que lorsque le commissaire constate, lors de ses contrôles, des opérations significatives conclues au détriment d’un actionnaire minoritaire, le commissaire devrait, dans certains cas, en faire mention dans son rapport de révision. La commission rappelle que l’article 142 de la loi sur les faillites du 8 août 1997 punit l’abus de biens sociaux.

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7. CONCLUSION Sur la base d’une analyse rigoureuse du Code des sociétés, la commission a dressé l’ensemble des moyens que le législateur a mis à la disposition de l’actionnaire minoritaire. La commission a relevé en particulier l’expertise, l’action minoritaire, le retrait et la convocation de l’assemblée générale. Outre le développement technique des divers sujets, le point de vue de l’IRE relatif à ces matières a été examiné, ainsi que la fréquence avec laquelle les actionnaires minoritaires utilisent effectivement les dispositions de protection disponibles. Il ressort du volume de la jurisprudence et de l’expérience du membre externe de la commission, Monsieur B. THUYSBAERT du bureau de conseil Deminor, qu’un conflit entre actionnaires est le plus souvent traité par le biais d’un accord amiable. Sans préjudice de ce qui précède, la commission a maintenu son objectif de déterminer, lors des débats du Forum 2003, si les membres de l’IRE sont d’avis que la manière dont le mandat de commissaire est exécuté, peut contribuer à la protection et à la sauvegarde des droits et des intérêts des actionnaires minoritaires. Des travaux de la commission il ressort la conclusion unanime que la « différence » pourrait sans doute le plus se manifester dans la manière de reporting et de participation aux assemblées générales. Cette conclusion a été confirmée par le choix interactif de sujets qui ont été approfondis lors des débats du Forum 2003. La question a été posée aux participants du Forum 2003 de savoir si le commissaire pourrait, sur le plan de la communication d’informations, par exemple lors de l’assemblée générale des actionnaires, contribuer à une protection (in)directe éventuelle des actionnaires minoritaires. Des réactions obtenues, il ressort que les membres de l’Institut des Reviseurs d’Entreprises confirment et reconnaissent la nécessité d’une communication consistante à « tous » les actionnaires. Diverses initiatives constructives ont été présentées, avec chaque fois cependant la référence explicite au secret professionnel rigoureux dans le cadre duquel les commissaires doivent manœuvrer. La commission estime pouvoir conclure les débats comme suit : 1. Le commissaire, soit lors de la rédaction du rapport de révision, soit lors du déroulement de

l’assemblée générale des actionnaires, ne peut à aucune condition adopter une position qui pourrait être assimilée à une substitution de l’organe de gestion.

Lors des workshops, l’importance du rapport de gestion émanant de l’organe de gestion de la société a été, à tout instant, soulignée. Pratiquement tous les participants ont approuvé le principe selon lequel le rapport de gestion, plutôt que le rapport ou l’intervention du commissaire, devrait constituer la base de la communication et de l’explication des comptes annuels ou devrait inciter à des discussions au sein de l’assemblée générale des actionnaires. En particulier, il peut être affirmé que les participants étaient d’avis que le rôle du

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commissaire n’inclut pas pour le moment l’explication des comptes annuels ou la communication d’informations complémentaires lors de l’assemblée générale des actionnaires. De telles interventions sont intégralement de la compétence de l’organe de gestion.

2. Apparemment en contradiction avec ce qui précède, il a été cependant référé à plusieurs reprises lors des débats aux limites de l’action du commissaire lors du déroulement d’une assemblée générale des actionnaires.

Le Code des sociétés prévoit notamment que chaque actionnaire – pour les sociétés n’ayant pas désigné un commissaire – dispose d’une compétence individuelle de surveillance et de contrôle. Cette compétence de surveillance et de contrôle est absolue et illimitée. En outre, les actionnaires ont la possibilité de « déléguer » cette compétence à un commissaire, membre de l’Institut des Reviseurs d’Entreprises. Suite à cette délégation il se peut que – à cause du secret professionnel du réviseur d’entreprises – les actionnaires n’aient plus d’accès à toutes les informations. La question doit être posée de savoir si ce qui précède répond aux objectifs du législateur.

La commission estime pouvoir déduire des diverses réactions qu’il serait souhaitable que le Conseil de l’Institut des Reviseurs d’Entreprise communique à ses membres son point de vue en ce qui concerne la portée du secret professionnel du commissaire lors de l’assemblée générale des actionnaires. Cette communication devrait traiter aussi bien du contenu du rapport de révision que de la liberté du commissaire de fournir lors de l’assemblée générale des explications orales relatives à des questions posées par des actionnaires.

3. En vue d’une conciliation possible entre ce qui est mentionné sous 1. et 2., il a été, lors des

débats, référé à plusieurs reprises au rapport du commissaire. Ce rapport est divisé en deux parties dont la deuxième partie est réservée à des attestations et informations complémentaires.

Eu égard aux réactions lors du Forum 2003, la commission se voit confortée dans son opinion que le commissaire peut, toujours conformément aux normes de l’Institut des Reviseurs d’Entreprises, inviter les actionnaires, par le biais de la partie « attestations et informations complémentaires », à poser des questions plus spécifiques concernant les résultats des travaux de révision.

4. Pour les sociétés tenues de désigner un commissaire, le Code des sociétés prévoit l’obligation

de publication du rapport de gestion de l’organe de gestion. La commission partage l’avis des participants du Forum 2003 en ce que la plupart des rapports de gestion se limitent aux éléments obligatoires énumérés à l’article 96 C. Soc. Des commentaires utiles et explicites se font souvent attendre.

Une Recommandation du 6 octobre 1989 concernant le contrôle du rapport de gestion est reprise dans le Vademecum du réviseur d’entreprises (IRE, Vademecum, 2002, pp. 1229-1237). La commission souligne l’importance de l’application de cette Recommandation de révision par les membres de l’Institut des Reviseurs d’Entreprises. Le Code des sociétés expose la problématique relative au contrôle du rapport de gestion par

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le commissaire. La commission souligne l’importance de l’exécution correcte de ces dispositions légales. Une simple atténuation des rubriques légales obligatoires du rapport de gestion ne répond pas, selon l’avis de la commission, aux attentes souhaitées par le législateur. A cet égard, la commission estime que la manière dont le contrôle est effectué, a une influence directe sur la perception et la crédibilité du commissaire.