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Université lumière Lyon 2 Institut d'Études Politiques de Lyon Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne Maxime Sauvage Histoire politique des XIX et XX siècels Sous la direction de : Bruno BENOIT, professeur des universités (Soutenu le : 06-09-2011)

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Université lumière Lyon 2Institut d'Études Politiques de Lyon

Le traitement de la mort du chanoine kirpar la presse nationale française et côted'orienne

Maxime SauvageHistoire politique des XIX et XX siècels

Sous la direction de : Bruno BENOIT, professeur des universités(Soutenu le : 06-09-2011)

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Table des matièresRemerciements . . 5Introduction . . 6

Le chanoine Kir a-t-il existé ?2 . . 6

La mort d’un « enfant terrible de la politique et de l’Eglise »12 . . 10La presse quotidienne française comme matériau historique . . 12Le choix des titres de presse . . 12Historique des titres de presse sélectionnés . . 14Méthodologie . . 17Problématique et plan . . 17

CHAPITRE 1 : ANALYSE DE LA COUVERTURE DE LA MORT DU CHANOINE KIR . . 19Introduction . . 191.1 NOMBRE DE DOCUMENTS RELATIFS A LA MORT DE KIR . . 20

1.1.1 Relevé du nombre total de documents . . 201.1.2 Comparaison de la longueur moyenne des documents écrits . . 211.1.3 Rapport entre le nombre de documents et la pagination de chaque journal . . 22

1.2 TYPES DES DOCUMENTS RELATIFS A LA MORT DE KIR . . 231.2.1 Nature des documents . . 241.2.2 Genre des documents . . 241.2.3 Origine des documents textuels . . 26

1.3 COUVERTURE DANS LE TEMPS ET DANS L’ESPACE DE LA MORT DE KIR . . 281.3.1 Couverture dans le temps de la mort de Kir . . 281.3.2 Kir : une mort en Une . . 301.3.3 Emplacement des documents relatifs à la mort de Kir . . 32

Conclusion . . 34CHAPITRE 2 : LE CONTENU DU TRAITEMENT MEDIATIQUE DE LA MORT DU CHANOINEKIR . . 37

Introduction . . 372.1 THEMES DES DOCUMENTS RELATIFS A LA MORT DE KIR . . 37

2.1.1 Les informations factuelles . . 402.1.2 Les informations analytiques . . 412.1.3 Les réactions . . 41

2.2 ANALYSE LEXICALE DES DENOMMINATIONS DESIGNANT KIR . . 452.2.1 Méthodologie et angle d’analyse . . 462.2.2 Tableaux d’ensemble et commentaires généraux . . 472.2.3 Quelles représentations pour quel journal ? . . 56

2.3 ANALYSE DES ILLUSTRATIONS RELATIVES A LA MORT DE KIR . . 612.3.1 Combien et quelles illustrations ? . . 622.3.2 Sur quoi portent les illustrations ? . . 632.3.3 Les représentations visuelles du chanoine Kir . . 65

Conclusion . . 70

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CHAPITRE 3 : LES PORTRAITS DU CHANOINE KIR, QUELLE(S) MEMOIRE(S) ? . . 73Introduction . . 733.1 ANALYSE DE LA FORME DES PORTRAITS . . 743.2 QUEL PORTRAIT POUR QUELLE MEMOIRE ? . . 75

3.2.1 Le portrait68 du Bien Public : un chanoine courageux . . 75

3.2.2 Le portrait69 de France-Soir : un chanoine excentrique . . 78

3.2.3 Le portrait70 de La Croix : un chanoine héros de la Résistance . . 80

3.2.4 Le portrait72 des Dépêches : un chanoine conservateur mais humaniste . . 81

3.2.5 Le portrait74 du Figaro : un chanoine au franc-parler et non pas truculent . . 84

3.2.6 Le portrait75 de L’Humanité : un chanoine doyen de l’Assemblée nationale . . 86

3.2.7 Le portrait76 du Monde : un chanoine politique (juché sur son char) . . 87

3.2.8 Le portrait78 du Parisien-Libéré : un chanoine bâtisseur . . 88Conclusion . . 90

CONCLUSION . . 92Annexes . . 98Bibliographie . . 99

Ouvrages . . 99Travaux universitaires . . 99Articles . . 100

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Remerciements

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RemerciementsJe tiens, avant toute chose, à remercier mon directeur de mémoire M. Bruno Benoit, qui m’a soufflél’idée de ce sujet et dont les conseils m’ont toujours été très utiles dans la rédaction de ce travail.

Je souhaite également remercier tous les professeurs d’histoire que j’ai rencontrés tout aulong de ma scolarité. Ils m’auront donné le goût de cette merveilleuse discipline. Je leur dédie cemémoire.

Je remercie mes parents et mes deux sœurs pour leur patience, soutien et aide extraordinaires.

Enfin, je remercie de tout mon amour ma compagne Emma.

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

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Introduction

A la suite d’une chute dans l’escalier qui menait à son appartement, le mardi 16 avril 1968,Félix Kir, maire de Dijon depuis 1945 et plus connu sous le patronyme de chanoine Kir,s’éteint le jeudi 25 avril à 13h30. « Le plus connu des hommes politiques dijonnais du XXesiècle »1 avait 92 ans.

Cette introduction a pour but de répondre à trois questions inhérentes à ce sujet :pourquoi travailler sur le chanoine Kir ? Pourquoi étudier plus précisément sa mort ? Etenfin, pourquoi faire cette étude à travers la presse quotidienne française ?

Le chanoine Kir a-t-il existé ?2

Bien qu’oublié par presque tous aujourd’hui, le chanoine Kir fut et restera une figureemblématique et atypique de l’histoire politique française du XXe siècle. Travailler sur lechanoine Kir, c’est s’intéresser à la fois à un ecclésiastique fidèle à son Eglise et à unhomme politique farouchement républicain. Son parcours mérite d’être connu, lui qui eut demultiples vies et qui fut un témoin direct de tous les grands événements de son temps.

La lecture de ce mémoire nécessite inévitablement de connaître un tant soit peu leparcours de cet homme, qui aujourd’hui est plus connu pour avoir donné son nom à unecélèbre boisson alcoolisée3 que pour ses réalisations politiques. Par conséquent, nousestimons indispensable de faire une rapide biographie du personnage. En raison de lalongue et riche vie du chanoine, cet exercice se révèle être périlleux. Comme l’écrit l’un deses biographes, Louis Muron, « à l’évocation du chanoine Kir, il est bien difficile de faire lapart entre la réalité et la légende »4. Tentons tout de même de résumer les grandes étapesde sa vie.

Félix Adrien Kir est né à Alise-Sainte-Reine le 22 janvier 1876. Il passe toute sajeunesse dans ce petit village champêtre de Côte d’Or au glorieux passé. C’est en effet àAlise-Sainte-Reine que se trouvent les vestiges de l’oppidum gaulois Alésia et que vivaitla sainte martyre Reine qui refusa au péril de sa vie, au IIIe siècle, d’épouser le préfetromain Olibrius. Félix Kir est le dernier d’une fratrie de cinq enfants. Son père était un anciencheminot devenu mercier, et sa mère venait d’une famille de vignerons.

1 DEVANCE Louis, Le Chanoine Kir : l’invention d’une légende, Dijon, Ed. universitaires de Dijon, 2007, Collection Sociétés, p. 72 D’après le titre du livre de LAPORTE Guillaume (pseudonyme de BAZIN Jean-François, MIGNOTTE Alain), Le chanoine

Kir a-t-il existé ?, Dijon, Imp. F. Massebeuf, 1968, 183 p.3 Voir à ce sujet le livre de BAZIN Jean-François, MIGNOTTE Alain, Pour le meilleur et pour le kir : le roman d’un mot-culte,

Mâcon, JPM éd., 2002, 209 p.4 MURON Louis, Le chanoine Kir, Paris, Presses de la Renaissance, 2004, p. 7

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Introduction

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A l’âge de quinze ans, il se décide à devenir prêtre. En 1891, il entre au Petit Séminairede Plombières-lès-Dijon, puis intègre le Grand Séminaire de Dijon en 1896. Il est ordonnéprêtre en juin 1901 par Mgr Le Nordez, évêque dont les démêlés avec le Vatican fut àl’origine directe de la rupture des relations diplomatiques entre la France et le Vatican.En 1901, il est nommé vicaire de la paroisse d’Auxonne, pour devenir en 1903 curé dupetit village de Drée. En 1904, il devient vicaire de Notre-Dame de Dijon, et c’est danscette position qu’il est aux premières loges des événements liés à la loi de 1905 relativeà la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Cette loi est vécue comme une agression contrel’Eglise pour l’abbé Kir. Lors des inventaires des biens de l’Eglise à Dijon en février 1906,Kir s’oppose de manière véhémente aux forces de l’ordre. Il raconta par la suite qu’il fut jetétemporairement en prison pour cela. L’épisode des inventaires est pour Kir une motivationpour une future entrée en politique. C’est aussi à ce moment là qu’il se lance dans lecatholicisme social. En 1910, il est nommé curé de Bèze, village de Côte d’Or où il s’impliquebeaucoup dans la vie de la communauté. Il y fonde entre autres une société de gymnastique,« les Marsouins de la Bèze ».

Durant la Grande Guerre, l’abbé Kir est d’abord mobilisé dans une section d’infirmiers,pour ensuite être transféré en 1915 dans l’hôpital-dépôt de Nevers. Il finit la guerre commeadjudant des services de santé et obtient la Croix de guerre. Des années après encore, ilracontait comment il avait inspiré à Joffre l’idée d’une contre-offensive sur la Marne ou qu’ilavait été le navigant de Guynemer, voire un proche du général Pétain. Comme le souligneLouis Devance, « toute sa vie, il se plut à embellir, héroïser, mythifier ses actes.5 »

C’est durant l’Entre-deux-guerres que l’abbé Kir s’intéresse de plus en plus à la chosepublique. Il publie en janvier 1921 dans le grand quotidien conservateur dijonnais, Le BienPublic, son premier article où il commente l’actualité parlementaire. En 1923, il écrit sonseul et unique livre, Le problème religieux à la portée de tout le monde, dans lequel, entrente-neuf preuves, il démontre l’existence de l’âme, de Dieu et du Christ. Au printemps1924, il s’engage dans la campagne des législatives en soutenant les candidats d’Unionrépublicaine et sociale. Il multiplie les débats face à des contradicteurs radicaux, socialistesou communistes. A l’automne 1924, il est nommé curé-doyen de Nolay, berceau de lafamille Carnot, où il connaît quelques difficultés avec la mairie. En 1925, il anime unesemaine apologétique où sa gouaille et sa pugnacité commencent à lui assurer une certainepopularité. Il se fait alors remarquer par le nouvel évêque de Dijon, qui le nomme à Dijon,en 1928, directeur des œuvres d’hommes et de la presse.

Au même moment, il devient rédacteur du principal hebdomadaire catholique de Côted’Or, Le Bien du Peuple. En douze ans de collaboration, il signe plus de sept-cent articlessur tous les sujets importants de l’époque. Durant cette période, il devient militant au seinde la Fédération nationale catholique et intervient comme animateur ou contradicteur dansdes centaines de réunion organisées partout dans le département par la Fédération. Kir,le journaliste mais aussi chanoine honoraire depuis 1931, n’a de cesse, à travers sesarticles et cela jusqu’à la guerre, de s’attaquer aux hommes politiques de gauche (Blumen particuliers), aux syndicats, à la franc-maçonnerie ou aux droits-de-l’hommiste, tout endéfendant les bienfaits du catholicisme face à la crise économique et morale. Nombre deses articles ont des relents proches de l’antisémitisme. Il est patriote et pacifiste, ce qui lepousse à être pro-munichois. Pour Louis Devance, « Kir ne montre aucune sympathie pourle fascisme qu’il renvoie dos à dos avec le bolchévisme »6. Au début du nouveau conflit

5 DEVANCE Louis, Kir, je te pardonne. Le chanoine et son assassin, Précy-sous-Thil, Editions de l’Armançon, 2006, p. 206 DEVANCE Louis, Le Chanoine Kir : l’invention d’une légende, op. cit., p. 60

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

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mondial, la virulence de Kir à l’encontre du Front Populaire, qu’il accuse d’être responsablede la guerre, lui vaut de voir plusieurs de ces articles être censurés.

La Seconde Guerre mondiale constitue un tournant dans le parcours de Kir. C’est durantcette époque très trouble que notre homme devient « Le chanoine Kir ». Sa deuxième viepeut commencer. Face à l’arrivée imminente des Allemands, la municipalité dijonnaise quittela ville dans la nuit du 15 au 16 juin 1940. Le 16 juin7, le préfet désigne une délégationmunicipale pour administrer provisoirement la ville : Kir est un des cinq membres de cettedélégation. Son militantisme politique en avait fait un personnage incontournable de laville. Le lendemain, les Allemands entrent dans Dijon et sont reçus par la délégation. Lechanoine s’illustre alors par son impertinence. L’impertinence est le principal qualificatif pourdésigner l’attitude de Kir face à l’occupant, multipliant les provocations verbales. Dans lemême temps, il se dit maréchaliste et soutient de tout son cœur l’installation du régime deVichy. Au sein de la délégation, il est en charge des réfugiés, évacués et prisonniers deguerre. Ce rôle lui permet de faire évader plusieurs milliers de prisonniers parqués dansle camp de Longvic-lès-Dijon. Cette activité pousse les Allemands à l’arrêter le 10 octobre1940. Kir affirma plus tard avoir été condamné à mort, mais aucune preuve formelle n’ajamais étayé ses propos. Le 07 décembre suivant, il est libéré en raison des demandesincessantes de la mairie et de son statut d’homme d’Eglise. Cette arrestation met un termeà son activité au sein de la délégation municipale. Cela lui est bénéfique : au sortir de laguerre, il n’est pas compromis pour avoir travaillé avec le régime de Vichy. En octobre 1943,il est de nouveau arrêté par les Allemands en raison d’une possible implication dans unréseau de résistants, mais cette accusation ne connaît pas de suite. Le 26 janvier 1944, uncommando de cinq français travaillant pour l’Abwehrstelle, tente d’assassiner le chanoine.Sa notoriété de grand résistant à Dijon, bien qu’il ne fasse parti d’aucune organisation, ena fait une cible de choix. Deux balles l’atteignent dans la région du bassin, une troisièmeest arrêtée par son portefeuille au niveau du cœur. Le chanoine Kir en réchappe et unefois sorti de l’hôpital, il se réfugie en Haute-Marne se sentant menacé par la Gestapo. Ilrevient à Dijon le 11 septembre 1944, date à laquelle la ville est libérée. Quelques jours plustard, il est pris en photo assis sur un char. La légende est née : Kir a regagné sa ville le 11septembre juché sur le premier char de la 1ère armée. Son statut de héros de la Résistanceest définitivement ancré dans la mémoire collective dijonnaise. Kir se qualifie lui-même de« premier résistant de France ». Sa carrière politique peut commencer, à 68 ans.

Après avoir intégré le Comité départemental de Libération, en tant que « journalisterésistant indépendant », le chanoine Kir a tous les atouts pour se lancer en politique.L’évêque de Dijon, Mgr Sembel, arrivé en 1937 et qui voyait en Kir un « clairon diocésain »avant la guerre, apporte son soutien au chanoine. En septembre 1944, le chanoine Kir estnommé au conseil municipal provisoire. En avril 1945, il présente une liste aux électionsmunicipales, soutenue par le quotidien de droite Le Bien Public. Sa liste de Républicainsd’Union sociale, qui se veut indépendante (Kir refuse de s’allier avec le MRP) et gaulliste,remporte 35 des 36 sièges du conseil municipal. Dijon fait figure d’exception nationale :ni les communistes, les socialistes ou les démocrates-chrétiens ne sont majoritaires. Cetévénement donne des idées au maire de Beaune, Roger Duchet, qui crée en 1949 le Centrenational des indépendants, et qui va faire de la Côte d’Or un lieu d’expérimentation del’aventure des Indépendants8. En septembre 1945, le chanoine Kir est élu au premier tourconseiller général sous l’appellation de « républicain ». Lors des élections en octobre 1945

7 Kir se disait « premier résistant de France », car sa résistance avait commencé le 16 et non le 18 juin.8 Voir l’article de RICHARD Gilles, "La renaissance de la droite modérée à la Libération. La fondation du CNIP", in Revue

Vingtième Siècle, janvier-mars 2000, n°65, pp. 59-70

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Introduction

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pour la première Assemblée constituante, sa liste de Républicains indépendants obtientdeux des quatre sièges du département. Kir entre au Palais Bourbon pour la première fois,à 69 ans. Pour les élections de la seconde Assemblée constituante, sa liste décroche troisdes quatre sièges. En novembre 1946, il est élu député pour la première législature dela IVème République. Sa popularité au niveau local est sans égal. Le Bien Public, où ilécrit régulièrement des articles, est un soutien indéfectible. Dans le même temps, son profilatypique et original (il est toujours vêtu de sa soutane noire, même à l’Assemblée, et porte unbéret basque) intéresse de plus en plus les médias nationaux, qui multiplient les reportagesà son égard. En mai 1946, lors du procès de l’homme qui tenta de l’assassiner, il se distingueen refusant de lui accorder sa grâce : « Kir est partisan de la peine de mort. Il a tout dit surcette question le 3 mai 1946 dans le cabinet du juge : "Tu m’as loupé, ils ne te louperontpas." Kir pardonnait tout, sauf les offenses9 ».

A la suite de ses premiers succès, le chanoine Kir devient un homme d’élection. Auxmunicipales de 1947, son antipathie naturelle pour le général de Gaulle s’affiche au grandjour en refusant de mener une liste RPF. Aux cantonales de 1949, il se présente face à uncandidat RPF, ce qui rend le soutien du Bien Public moins évident. Il remporte néanmoinsl’élection. Aux législatives de 1951, en raison de son refus de coopérer avec les gaullistes,il perd le soutien des Républicains indépendants qui décident de s’unir avec les premiersen raison du système des apparentements. Le Bien Public soutient l’alliance RPF-RI. Kirprésente sa propre liste, ce qui permet son élection, mais aussi celle d’un communiste etd’un socialiste, au grand mécontentement de la bourgeoisie conservatrice dijonnaise. Auxélections municipales de 1953, dans un contexte de désagrégement du RPF, le chanoineKir présente une liste « indépendante et sociale d’action municipale », regroupant desgaullistes, des indépendants, et des démocrates-chrétiens et regagne le soutien du BienPublic. Sa liste remporte les élections et il est réélu maire. Aux cantonales de 1955 et auxlégislatives de 1956, ses réélections ne rencontrent aucune difficulté.

Aux premières élections législatives de la Vème République, nouveau régime qu’ilexècre car voulu par le général de Gaulle, il se présente face à un candidat UNR mais serevendique dans le même temps gaulliste par pragmatisme : il est réélu, ce qui lui permetd’ouvrir la première législature de la nouvelle République en tant que doyen d’âge. Sapopularité et sa médiatisation sont à leur paroxysme. Il est réélu maire lors des municipalesde 1959. Son antigaullisme ressurgit au même moment, confirmant son amorce de virageà gauche des années 1950. Durant cette décennie, Kir se donne le rôle de diplomatebénévole : il multiplie les jumelages de Dijon (avec York et Dallas en 1957, Mayence en1958, protocole d’amitié avec Stalingrad en 1959), au point de devenir président d’honneurde la Fédération mondiale des villes jumelées. Kir enchaine les voyages à l’étranger et lesréceptions à l’hôtel de ville de Dijon, qui devient selon un élu socialiste « le premier débitde boisson de la ville ». La politique de dégel amorcée par Khrouchtchev va dans le sensde son pacifisme, à l’inverse de la politique gaulliste d’indépendance nationale. En 1959, sacandidature pour le prix Nobel de la paix est présentée, afin de récompenser son action pourla paix mondiale. C’est dans l’optique du jumelage avec Stalingrad que le chanoine tente dese rendre en URSS, ce que l’Elysée et le Vatican lui refusent. Son activisme politique pro-soviétique plaît à Khrouchtchev, qui se rend à Dijon lors de son voyage en France en mars1960 pour y rencontrer le chanoine. Encore une fois, la double opposition du Gouvernementet du Vatican empêche cette rencontre, qui a lieu finalement à l’ambassade soviétique deParis en mai 1960. Aux cantonales de 1961, il est réélu triomphalement. La même année,un sondage désigne le chanoine comme la deuxième personnalité religieuse la plus connue

9 DEVANCE Louis, Kir, je te pardonne. Le chanoine et son assassin, op. cit., p. 260

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

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de France, derrière l’abbé Pierre. Aux législatives de 1962, il est réélu de justesse face àun jeune candidat UNR, Robert Poujade, grâce aux voix des communistes, qui préfèrent lechanoine au jeune gaulliste. Il préside alors, pour la seconde fois, l’ouverture d’une nouvellelégislature, en tant que doyen d’âge de l’hémicycle. Aux municipales de 1965, sa liste obtienttous les sièges au conseil municipal.

En tant que maire, le chanoine Kir est proche et aimé de ses administrés, mais ilfait preuve, avec ses collaborateurs, d’égocentrisme et d’autoritarisme. A l’Assemblée,son accent bourguignon et sa bonhommie sont appréciés. Mais il passe plus pour unpersonnage folklorique que pour un homme politique professionnel, ce qui l’empêche deréaliser son rêve ultime : obtenir un portefeuille ministériel. Le chanoine est une originalitéde la vie politique française : « le père Kir a été un praticien plus qu’un théoricien, un hommepolémique plus qu’un homme politique10 ». Dijon se développe doucement sous son règne,il gère sa ville en bon père de famille. Dans les années 1960, il refuse l’implantation d’uneusine Michelin de 10 000 salariés à Dijon au nom de la protection des petites entreprisesfamiliales. Il n’encourage pas la construction de logement et s’oppose à l’installation d’uneusine de traitement et d’incinération. Sa grande réalisation est la création d’un lac à l’entréede la ville (Dijon est une ville sans grand cours d’eau), auquel il donne son nom de sonvivant. C’est cette absence d’héritage politique qui pousse Jean-François Bazin et AlainMignotte à se demander si le chanoine Kir a bien existé. Robert Poujade, qui devient mairede Dijon en 1971, écrit à ce propos dans ses mémoires : « il [Kir] mettait Dijon plus à l’abriqu’à la pointe de la modernité11 ».

Au milieu des années 1960, sa santé physique et mentale se dégrade fortement. Saréélection en tant que maire en 1965 est le résultat d’une peur du changement de la partdes Dijonnais, plus que d’une adhésion au chanoine. La même année, contre l’avis de tousses partisans, il soutient François Mitterrand à l’élection présidentielle. L’année 1967 signela disparition de son capital politique : il perd coup sur coup les élections législatives etcantonales face au candidat gaulliste Robert Poujade. Sa dernière année en tant que maireest extrêmement laborieuse, ses proches le considérant comme gâteux. Le 25 avril 1968, ildisparaît à 92 ans, après avoir été maire de Dijon pendant vingt-trois ans et député durantvingt-deux ans.

La mort d’un « enfant terrible de la politique et del’Eglise »12

Se pencher sur la mort d’un homme de 92 ans, à la vie si longue et si riche, peut au premierabord paraître surprenant. En effet, l’étude de certains événements marquants du parcoursdu chanoine Kir pourrait sembler plus pertinente. Nous pensons par exemple à son passéde résistant, à ses discours de doyen à l’Assemblée nationale ou encore à son amitié avecKhrouchtchev.

10 LAPORTE Guillaume, Le chanoine Kir a-t-il existé ?, op. cit., p. 17911 POUJADE, Robert, Avec De Gaulle et Pompidou : mémoires, Paris, L’Archipel, 2011, p. 229

12 France-Soir, 27 avril 1968, p. 9

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Introduction

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Cependant, le sujet de ce mémoire a un double intérêt historique. Premièrement, ilporte sur un moment particulier de la vie du chanoine, à savoir sa mort. Or, cette mort estparadoxalement un retour à la vie pour le défunt : sa disparition amène ceux qui restent às’intéresser à toute sa vie. Dans sa thèse, Béatrice Gamba estime que : « le mouvement létaldans lequel se précipite l’être est aussi celui qui le ramène à la vie : la structure des récitsde presse élabore un espace de résurrection »13. De plus, la mort d’un personnage publicest un événement majeur. Pour Delphine Dulong, la mort d’un homme public implique : « ladisparition du titulaire d’un rôle, et non pas seulement d’un individu. S’agissant d’un dirigeantpolitique, la mort révèle […] la présence d’enjeux »14. S’intéresser à la mort du chanoineKir revient à faire de l’histoire événementielle, qui, d’après François Furet, est un aspect del’histoire : « avant tout fondée sur l’idée que ces événements sont uniques et impossibles àintégrer dans une distribution statistique, et que cet événement unique est le matériau parexcellence de l’histoire »15.

Deuxièmement, analyser le traitement de la mort du chanoine Kir par la pressequotidienne française permet de faire un travail historique sur la mémoire et sur lesreprésentations et l’imaginaire qui lui sont liés. En introduction d’une conférence sur le thème« Imaginaires et représentations en Histoire », les historiens Anne-Marie Granet-Abisset etBruno Benoit estimaient que :

« Quelles que soient ses formes (écrit, oral, image, objet, geste), considéronsla mémoire comme la matière première, le matériau dont l’historien –ne doit-il pas être un inventeur de sources ? – doit faire un objet de savoir. Toutesces mémoires-sources sont de fait des discours qui renseignent sur des faits,mais surtout véhiculent des représentations du passé. Ainsi les récits qui, dansune reconstruction inconsciente et complexe, en parlant du passé parlent duprésent, intègrent à la fois des éléments réels et des aspects fictionnels. End’autres termes, ils élaborent une mémoire légendaire, qui loin d’être à rejeterou à exclure, participe de la compréhension du passé et induit des attitudes, descomportements, des discours et des sensibilités collectives. »16

Etudier les réactions portant sur la mort du maire de Dijon revient à réfléchir sur lesreprésentations que la presse nationale et locale avait du personnage. C’est aussi décrypterles imaginaires qui vont être mobilisés. La presse n’a-t-elle retenu du chanoine que lerésistant et l’homme politique ou est-elle aussi revenue sur ses soixante-quatre premièresannées ? A-t-elle mis en lumière certaines de ses ambiguïtés ou encore sa tendanceà réécrire sa vie ? Les quotidiens ont-ils vu en la mort de Félix Kir la disparition d’unpersonnage débonnaire et atypique ou plutôt celle d’un homme politique pragmatique etautoritaire ? Kir a-t-il été perçu plus comme un « Pepone » que comme un « Don Camillo » ?

13 GAMBA Béatrice, La mort et les morts dans la presse. Etude sémiologique de la presse quotidienne française, Thèse dedoctorat Sciences de l’information, Université Panthéon-Assas (Paris 2), 1994

14 DULONG Delphine, "Mourir en politique. Le discours politique des éloges funèbres", in Revue française de science politique,

44e année, n°4, 1994, p. 62915 FURET François, "Le quantitatif en histoire", in NORA Pierre, LE GOFF Jacques (dir.), Faire de l’histoire, Paris, Gallimard,

1974, Collection Folio, Histoire, p. 8216 GRANET-ABISSET Anne-Marie, BENOIT Bruno, "Introduction", in Bulletin du centre Pierre Léon d’histoire économique

et sociale, 1-2 1997, p. 6

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

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A sa mort, à l’âge de 92 ans, le chanoine Kir connaissait un déclin autant physique quepolitique, qui avait commencé quelques années plus tôt. Par conséquent, les différentesmémoires concernant le maire de Dijon avaient pu commencer à se mettre en place. Il estévident qu’elles variaient selon qu’elles avaient été élaborées par des communistes, descatholiques, des gaullistes, des Dijonnais ou des non-Dijonnais.

La presse quotidienne française comme matériauhistorique

L’intitulé de ce mémoire soulève une troisième question : pourquoi travailler sur la mort duchanoine Kir à travers les articles de presse ? Cela revient à se demander quel est l’intérêtde considérer la presse comme un matériau historique à part entière.

Comme nous l’avons vu précédemment, ce travail historique est intimement lié à lanotion de mémoire et il s’inscrit dans le cadre de l’histoire événementielle. Ces deux facettesjustifient le choix de considérer la presse comme principale source historique. La pressevéhicule un type particulier de mémoire, à savoir la mémoire sociale. Selon Jean-PierreVernant, « la mémoire sociale, c’est aussi la façon dont, par les journaux, par les récits, parle cinéma, par les écrivains, les poètes, tout ce passé est mis en scène d’une certaine façon,suivant des stratégies, suivant des politiques qui sont diverses17 ». La presse, à travers lesimaginaires qu’elle utilise, contribue à élaborer une facette de la mémoire collective. Lesjournaux ont aussi une place prépondérante dans l’histoire événementielle : la presse estun des vecteurs qui conditionnent l’existence de ces événements. Comme l’a écrit PierreNora, « c’est aux mass media que commençait à revenir le monopole de l’histoire. Il leurappartient désormais. Dans nos sociétés contemporaines, c’est par eux et par eux seulsque l’événement nous frappe, et ne peut pas nous éviter18 ».

Il va donc être intéressant de voir comment la presse française va faire de la mort duchanoine Kir un événement, et quelles représentations elle va utiliser pour revenir sur la viedu maire de Dijon, contribuant donc à l’élaboration d’une mémoire sociale sur le personnage.

Nous avons fait le choix de nous concentrer sur la presse quotidienne, car elle nouspermet d’analyser jour par jour l’évolution du traitement médiatique de la mort du chanoineKir.

Le choix des titres de presseEn raison de la pléthore de titres de presse en France en 1968 et face aux multiples brèveset articles concernant le sujet de ce mémoire, il a fallu délimiter le nombre de journauxétudiés. Un premier choix a été, tout d’abord, de ne prendre en compte que la presse

17 VERNANT Jean-Pierre, "La mémoire et les historiens", in GUILLON Jean-Marie, LABORIE Pierre (dir.), Mémoire et Histoire,la Résistance, Toulouse, Privat, 1995, pp. 342-343

18 NORA Pierre, "Le retour de l’événement, in NORA Pierre, LE GOFF Jacques (dir.), Faire de l’histoire, Paris, Gallimard,1974, Collection Folio, Histoire, p. 285

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quotidienne d’information générale. Mais cela étant, le nombre de titres concernés étaitencore très large : en 1968, la presse quotidienne était constituée de quatre-vingt-dix-huittitres (quatre-vingt-cinq quotidiens locaux et treize quotidiens parisiens)19. De plus, il a éténécessaire de circonscrire dans le temps, l’étude de chaque journal. Au final, huit titres depresse intégreront notre corpus de recherche tout au long de ce mémoire : deux titres côted’oriens (ou dijonnais), Le Bien Public et Les Dépêches, et six titres nationaux (ou parisiens),L’Humanité, La Croix, Le Figaro, Le Monde, France-Soir et Le Parisien-Libéré. Les éditionsretenues de ces journaux iront du vendredi 26 avril 1968 (lendemain de la mort du chanoineKir) au mardi 30 avril 1968 (lendemain de son enterrement). Il faut cependant aborder le casdes journaux du soir. Cela concerne trois des huit titres de notre corpus : France-Soir, LaCroix et Le Monde. Le décès du maire de Dijon étant survenu au début de l’après-midi, cestrois quotidiens pouvaient matériellement parler de cet événement dans leur édition du 25avril (mais datée du lendemain). Par conséquent, notre période d’étude prendra en compteces éditions. Une autre précision doit être faite au sujet de France-Soir. Plusieurs éditions(« Dernière heure », « Toute dernière spéciale »…), sont imprimées tout au long de la soiréepour coller au mieux à l’actualité. Nous inclurons dans notre relevé une seule édition dechaque jour, qui sera celle où l’on trouve le plus de documents liés à Kir.

La sélection des huit titres de presse se trouve justifiée par notre problématique detravail qui tourne autour de trois clivages principaux : le clivage géographique (local/national)et un double clivage concernant le type de lectorat de chaque titre (élitiste/populaire, gauche/droite). Le premier clivage explique la présence de titres locaux (les deux titres dijonnaisde l’époque) et de titres nationaux. Le double clivage suivant nous a amenés à choisir unensemble de titres de presse qui touchent une grande partie de la société française del’époque. Les quotidiens France-Soir et Le Parisien-Libéré sont à l’époque des journaux àfort tirage et donc populaires plutôt ancrés à droite. Les quotidiens Le Monde et Le Figarotouchent un public plus cultivé, et le dernier revendique clairement un positionnement àdroite. Les quotidiens La Croix et L’Humanité ont un public qui leur est propre, pour lepremier les Catholiques, pour le second l’électorat communiste. Le premier de ces deuxtitres peut aussi être considéré comme un journal à forte qualité journalistique. Quant àL’Humanité, il possède certaines caractéristiques de la presse populaire (type de lectorat,mise en page…). Comme il est précisé plus haut, trois des six titres nationaux sélectionnéssont du soir (France-Soir, Le Monde et La Croix), quand l’autre moitié est du lendemain (ànoter que les deux quotidiens dijonnais sont du matin). Cette caractéristique peut avoir sonimportance. Comme l’explique Jacqueline Freyssinet-Dominjon, « la presse du soir joueici [à la mort de François Mitterrand], au niveau national, la fonction de “journal officiel“à destination du grand public. La presse du lendemain trouve une beaucoup plus grandeliberté d’énonciation et n’annonce plus le fait tel quel. Même sous une forme épurée, letemps du commentaire est venu20 ». Concernant le clivage politique, il est possible qu’il soittrop simpliste pour se retrouver dans notre étude. En effet, nous avons conscience qu’il estréducteur de qualifier Les Dépêches et L’Humanité de journaux de gauche. Entre un journalsocialiste local et un quotidien national communiste, le fossé idéologique est très important.Il en est de même pour les titres dits de droite. Toutefois, il est probable que les orientationsidéologiques de chaque journal déterminent en partie leur vision du chanoine. C’est la raisonpour laquelle nous incluons tout de même dans notre étude le clivage politique.

19 BELLANGER Claude (dir.), Histoire générale de la presse française, Tome V : De 1958 à nos jours, Paris, PUF, 1976, p. 20820 FREYSSINET-DOMINJON Jacqueline, "Une mort aux quotidiens : le portrait de François Mitterrand à la une des journaux

nationaux du 9 janvier 1996", in Sociétés et Représentations, 2001/2, n°12, p. 94

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

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Ce corpus a donc pour objectif d’être à l’image d’une société française pluraliste. Etdans le même temps, il intègre les titres les plus susceptibles d’élaborer une mémoiresociale sur le chanoine. En effet, le chanoine était avant tout une personnalité publiquelocale dijonnaise, mais aussi, à une échelle moindre, nationale. D’où le choix du clivagegéographique. Il sera intéressant de voir la presse nationale et la presse locale ont accordéla même l’importance à la mort du maire de Dijon. Comme le relève Christian Delporte,« pour devenir un événement médiatique, il faut, certes, que le disparu ait compté dansl’histoire récente, mais aussi que la nouvelle trouve un écho particulier dans la population21

». En raison de sa personnalité atypique, débonnaire voire folklorique, Félix Kir était unpersonnage médiatique qui plaisait aux gens. D’où l’intérêt que pouvait lui porter la pressepopulaire. Mais dans le même temps, le chanoine Kir était un homme, qui a eu un certainpoids politique durant la IVe République et au début de la Ve République. La presse élitistene pouvait donc pas l’ignorer. De plus, Kir ayant été tout au long de sa vie un hommed’Eglise, il sera intéressant d’observer le regard que portait le journal La Croix sur lechanoine. Enfin, nous avons intégré L’Humanité dans notre corpus, car le maire de Dijon,malgré son passé d’homme de droite, avait développé une sympathie pour le Bloc soviétiqueet son dirigeant, Nikita Khrouchtchev. Le maire de Dijon était donc susceptible d’intéresserle quotidien communiste.

Historique des titres de presse sélectionnésNous allons tout d’abord faire un bref historique des huit titres de presse intégrés au corpusde recherche, pour ensuite dresser un panorama général de l’état de la presse dans lesannées 1960 et plus particulièrement en 1968.

Le Bien Public, vice-doyen de la presse régionale française après Le Journal de Saône-et-Loire, est né en 1868 de la fusion de L’Impartial bourguignon (apparu en 1854) et deL’Union bourguignonne (apparu en 1851). Il se développe petit à petit, avec l’étiquette d’unjournal de droite modéré, et il devient très vite le journal de la bourgeoisie dijonnaise. Sontirage, avant la guerre de 1914, atteint 25 000 exemplaires22. En 1917, il adopte commesous-titre « Libéral-Anticollectiviste ». En 1922, la famille Thénard reprend le journal etperpétue sa ligne conservatrice modérée. Le 15 juin 1940, il se saborde quelques jours avantl’arrivée des Allemands à Dijon. Il peut donc reparaître sous le même titre le 12 septembre1944, le lendemain de la libération de la ville. Après 1945, la ligne éditoriale du journalva osciller entre un soutien au général de Gaulle et un soutien à la figure politique localeincontournable de l’époque, le chanoine Kir. A la fin des années 1960, le tirage quotidiendu Bien Public tourne autour des 50 000 exemplaires.

Les Dépêches est un quotidien dijonnais qui apparaît en janvier 1937 sous le nom LaBourgogne Républicaine, porté par la vague du Front populaire. Il est fondé par le députésocialiste de Côte d’Or Jean Bouhey. Contrairement à son principal concurrent, c’est unjournal de gauche, plutôt modéré. En 1939, son tirage quotidien tourne autour des 25 000exemplaires. Il se saborde le même jour que Le Bien Public, et reparaît au sortir de la

21 DELPORTE Christian, "Mise en scène médiatique de la mort de Chaban-Delmas", in Vingtième Siècle. Revue d’histoire,2006/2, n°90, p. 141

22 VIANSSON-PONTE Jean, "La presse quotidienne de Côte d’Or", in CAUSSE Jacques, LE JAY Jean-Edmé (dir.), Mémoiresde l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, tome 136, 1997-1998, p. 385

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guerre. En 1945, Pierre Brantus, ancien résistant et vice-président du Comité régional de laLibération, reprend le journal et adopte une stratégie d’expansion : « sous son impulsion, LaBourgogne républicaine va se développer avec une politique d’extension aux départementsvoisins23 ». En 1960, le journal est renommé pour devenir Les Dépêches. A la fin des années1960, son tirage journalier oscille entre 45 000 et 50 000 exemplaires.

La Croix est un journal fondé en 1883 par les Pères assomptionnistes. Il va devenirle seul quotidien catholique de diffusion nationale. Pierre Albert définit ce journal comme« catholique sans sectarisme ni faiblesse, fort de ses traditions, il veut expliquer le mondeet orienter la réflexion de ses fidèles abonnés24 ». Son développement va être le résultatde sa capacité à affirmer sa crédibilité journalistique tout en s’imposant comme journalcatholique. En mars 1968, le quotidien adopte le demi-format. Tout au long des années1960, sa diffusion tourne autour des 110 000 exemplaires quotidiens.

Le Figaro est né en 1826 et a traversé de nombreux avatars. Ce n’est d’abord qu’une« feuille » de quatre pages satiriques. En 1854, il devient hebdomadaire et quotidienmondain en 1866. Il soutient l’Empire jusqu’en 1870, pour ensuite réclamer le retour de lamonarchie. Il commence à jouer la carte républicaine à la fin des années 1870. Le journalse saborde en novembre 1942 pour reparaître en 1944 sous la direction de Pierre Brisson,qui va en faire le journal incontournable de l’intelligentsia française de droite. Claire Blandinqualifie sa ligne éditoriale de « libéralisme modéré de la droite classique25 ». Les années1960 sont pour le journal une décennie d’essor (notamment économique) et de crises (en1965, le départ de Pierre Brisson entraîne une crise interne). A la fin des années 1960, lejournal tire à un peu plus de 400 000 exemplaires par jour.

France-Soir, héritier du journal résistant Défense de la France, est apparu au lendemainde la Libération. Pierre Lazareff devient directeur général en 1949 et fait du journal le premierquotidien de France en nombre d’exemplaires sous la IVe République et la Ve Républiquegaullienne. Sa recette à base de faits divers et de titres à sensation fonctionne, ce quipousse Pierre Nora à écrire : « les titres de France-Soir, par exemple, fabriquent à chaqueédition des événements dont la plupart sont mort-nés26 ». En 1955, le tirage quotidien est de1 500 000 exemplaires. Le journal ne réussit pas à s’adapter aux changements de mentalitéde la fin des années 1960 : en 1966, le tirage quotidien passe sous la barre des 1 000 000d’exemplaires.

L’Humanité est fondée en 1904 par Jean Jaurès. C’est le premier grand journal destravailleurs. Il est jusqu’en 1920 le journal de la SFIO, avant de devenir celui du Particommuniste français. Suspendu en août 1939 par le gouvernement français, le journal paraîtclandestinement pendant toute la guerre, puis reparaît officiellement en août 1944. A laLibération, son audience est à son apogée (en 1947, le tirage journalier est en moyenne de400 000 exemplaires), pour ensuite décliner régulièrement. Le journal officiel du PCF passesous la barre des 200 000 exemplaires au milieu des années 1960.

Le Monde est né en décembre 1944 comme quotidien du soir daté du lendemain.Avec son absence de photo et sa typographie austère, il rappelle d’autant plus le quotidiend’avant-guerre Le Temps qu’il compte plusieurs anciens collaborateurs du journal au sein desa rédaction, dont son directeur Hubert Beuve-Méry. Dès le départ, le journal vise un lectorat

23 ibidem, p. 38624 ALBERT Pierre, La presse française, Paris, La Documentation française, 1990, p. 14525 BLANDIN Claire, Le Figaro, deux siècles d’histoire, Paris, Armand Colin, 2008, p. 17726 NORA Pierre, "Le retour de l’événement", op. cit., p. 296

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cultivé, en privilégiant le sérieux et la qualité de l’information. Son développement est lent,résultat d’une volonté de rester indépendant. Ce n’est que dans les années 1960 que l’essordu journal se précipite : « de 1961 à 1969, en tout cas, la diffusion contrôlée du Monde a –en huit années – doublé27 ». En 1968, le tirage moyen est de 350 000 exemplaires.

Le Parisien Libéré est apparu à la Libération, sous la direction d’Emilien Amaury. Dèsle départ, il adopte une posture de journal à clientèle populaire, à tendance nationaliste etgaulliste. Il est célèbre pour ses faits divers et sa rubrique hippique. Il multiplie les éditionspour l’Ile-de-France dans les années 1960 et adopte le format tabloïd en 1965. Sur cettedécennie, son tirage tourne autour des 900 000 exemplaires.

La presse des années 1960 subit plusieurs mutations. Tout d’abord, on assiste au débutdu phénomène de concentration, qui a pour conséquence la diminution lente des titres depresse, sans pour autant avoir un impact négatif sur le tirage total de la presse. En effet, en1960, il existait cent-onze titres de presse pour un tirage total de 11 300 000 exemplaires surl’année. En 1970, le nombre de titre n’était plus que de quatre-vingt-quatorze pour un tiragede 11 900 000 exemplaires. On ne créait plus de journaux, mais ceux qui existaient voyaientleur audience s’élargir. La hausse des tirages est associée à une augmentation massivedes recettes issues de la publicité : ces recettes étaient de 16,5 millions de francs (environ2,5 millions d’euros) en 1963, elles vont atteindre 65 millions de francs en 1969 (environ9 millions d’euros). L’essor de nouveaux médias comme la télévision va être à l’origined’autres transformations. Pour contrer l’expansion de la radio et de la télévision, les journauxvont jouer sur des améliorations techniques (comme l’offset ou la photocomposition), lacoloration des pages et l’accroissement de la pagination. Pour Violette Morin, l’essor dela télévision va pousser les journalistes à modifier leur style d’écrite. Elle considère que :« [la presse] témoigne chaque jour davantage d’une telle volonté dans l’art de transformerla durée narrative d’un événement en spectacles instantanés, qu’on est en droit de sedemander si elle n’innove pas une certaine forme d’expression » et parle « d’écriturefilmique28 ». Face à la concurrence télévisuelle, certains estiment que la disparition de lapresse est inéluctable, quand d’autres prédisent une bipolarisation du monde de la presseécrite autour de titres sérieux et de magazines dont le seul objectif est la distraction. Danstous les cas, à la fin des années 1960, les Français se tournent davantage vers la télévision.Un sondage de l’Institut français d’opinion publique, d’avril 1969, sur la confiance accordéepar les Français aux grands moyens d’information à propos du référendum à venir donneles résultats suivants : 29% des sondés font confiance à la télévision de l’O.R.T.F. contre25% des sondés à leur quotidien habituel29.

Le chanoine Kir étant décédé en avril 1968, intéressons-nous maintenant à cette annéeparticulière de la décennie 1960. Particulière car les événements qui ont eu lieu cetteannée là ont modifié provisoirement le paysage de la presse française. Le général deGaulle envisageait l’année 1968 « avec confiance » et allait même jusqu’à la saluer « avecsérénité »30. Dans un article du Monde daté du 15 mars 1968, le journaliste Pierre Viansson-Ponté écrivait que « ce qui caractérise actuellement notre vie publique, c’est l’ennui. LesFrançais s’ennuient […]. La jeunesse s’ennuie… ». Les événements de mai-juin 1968 vontcontredire ces deux réflexions. Concernant la presse, de nouveaux titres éphémères vontfleurir à cette période et le tirage total d’exemplaires de la presse quotidienne atteint cette

27 BELLANGER Claude (dir.), Histoire générale de la presse française, op. cit., pp. 229-23028 MORIN Violette, L’écriture de la presse, Paris, Mouton édit., 1969, p. 8829 Sondage cité dans BELLANGER Claude (dir.), Histoire générale de la presse française, op. cit., p. 21030 voir la présentation des vœux du Président de la République à la nation du 31 décembre 1967

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année-là le chiffre de huit millions (record qui n’a plus jamais été atteint). Mais nous ne nousattarderons pas sur mai 1968 et ses conséquences, le chanoine Kir disparaissant quelquesjours plus tôt, le jeudi 25 avril.

MéthodologieUn des écueils à éviter dans ce mémoire est d’oublier que ce travail est avant tout historique.L’historien français Michel de Certeau se posait ainsi la question : « Que fabrique l’historien,lorsqu’il “fait de l’histoire“ ? A quoi travaille-t-il ? Que produit-il ?31 ». Tout au long de cetteétude, dans laquelle nous analyserons le traitement médiatique de la mort du maire de Dijon,et qui nous amènera à la frontière des sciences politiques et des sciences de l’information,nous ne perdrons pas de vue notre objectif premier qui est de déconstruire et analyser lesdifférentes mémoires, portées par la presse, associées au chanoine Kir.

Pour ce faire, notre étude reprendra une approche méthodologique inspirée del’excellent mémoire d’histoire de François Tardy sur le traitement par la presse canadiennede la mort du général de Gaulle32. Nous recourrons à l’analyse quantitative pour comparerles différentes couvertures, par les huit titres de presse préalablement sélectionnés, del’événement que fut la mort du chanoine Kir. Dans notre corpus, l’arbitraire et le subjectifse traduiront respectivement comme suit : notre relevé, qui se fera sur une période de cinqjours, portera sur tous les articles de presse et photos concernant la mort de Félix Kir. Pararticle de presse, nous entendrons aussi bien la brève que l’article de plusieurs colonnes.Grâce à cette analyse arithmétique, nous verrons si comme l’écrit Christian Delporte : « quelque soit l’événement, sa couverture par les médias obéit à un rituel qui s’exprime par la miseen place d’un dispositif de l’information codifié auquel n’échapp[e] […] la presse écrite...33 ».Nous recourrons aussi à des analyses du contenu des documents relevés, afin de mettreen évidence les imaginaires et représentations qui constituent les différentes mémoires duchanoine, portées par chaque journal.

Tout au long de ce travail, nous aurons recours à l’utilisation de tableaux afin de pouvoircomparer les données relevées dans les différents journaux. La plupart de ces tableauxauront deux versions : l’une indiquera les données en valeur absolue, l’autre en valeurrelative. Cette double présentation aura l’avantage de donner plus de sens aux résultatsobtenus. Pour des raisons d’espace, chaque tableau apparaîtra sous une forme particulièredans le corps du mémoire, tandis que la deuxième présentation se retrouvera en annexe.Les données en valeur relative seront arrondies au dixième près.

Problématique et plan31 DE CERTEAU Michel, "L’opération historique", in NORA Pierre, LE GOFF Jacques (dir.), Faire de l’histoire, Paris, Gallimard, 1974,Collection Folio, Histoire, p. 17

32 TARDY François, Le traitement de la mort du général de Gaulle dans la presse canadienne, Mémoire de recherche d’histoire,IEP de Lyon, Université Lumière Lyon II, 2004/2005, 144 p.

33 DELPORTE Christian, "Mise en scène médiatique de la mort de Chaban-Delmas", op. cit., p. 141

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Voici la problématique de ce mémoire d’histoire : Félix Kir, homme au parcours long etriche et aux multiples facettes, n’a jamais laissé indifférent en 92 ans d’existence. Lesmultiples vies qu’il a menées, ses successives orientations politiques et sa capacité àréécrire ce qu’il a vécu ont fait du chanoine Kir un personnage difficile à cerner et àprendre au sérieux. L’étude du traitement médiatique par huit titres de presse, ces derniersreflétant différents courants d’opinion de la société française à un moment donné, de lamort du maire de Dijon nous permettra de dégager les différentes mémoires associéesau personnage. Grâce aux trois clivages qui ont servi de base à la sélection du corpus,nous verrons si la disparition du chanoine Kir bénéficie de la même couverture selonque le journal est dijonnais, parisien, populaire, élitiste, ou plutôt marqué à droite ou àgauche et si ces quotidiens se représentent Kir de la même manière. Nous pouvons nousattendre à trouver une presse locale privilégiant son côté « maire » et une presse nationaleappuyant le fait d’être député. Cependant, seule une analyse poussée des documentsrelevés pourra confirmer ou infirmer cela. Il semblerait aussi évident qu’un journal commeLa Croix s’intéresse plus à son passé d’homme d’Eglise, et L’Humanité à sa proximité avecKhrouchtchev et certains régimes socialistes. Enfin, cette étude nous permettra de comparerles différentes opinions à l’encontre du chanoine. Félix Kir sera-t-il jugé plus sévèrement parla presse nationale ? Par la presse élitiste ?

Ce mémoire se décomposera en trois parties :Dans une première partie, nous nous intéresserons non pas au fond, mais à la

forme du traitement médiatique de chaque journal. Nous procéderons en trois étapes : lacomptabilisation du nombre de documents relatifs à la mort du chanoine, l’étude du typedes documents de notre relevé et l’analyse des différentes couvertures dans le temps etdans l’espace. Chaque journal va-t-il offrir la même couverture à l’événement?

Dans une deuxième partie, nous nous focaliserons sur le fond de tous les documentsrelevés concernant la disparition du maire de Dijon. Nous comparerons les thèmesabordés par chaque journal et les différentes représentations et images qu’ils associent aupersonnage. Chaque journal va-t-il voir le chanoine de la même manière ?

Dans une troisième et dernière partie, nous nous pencherons exclusivement sur lesportraits qui reviennent sur la vie de Kir. L’étude de ces petites biographies nous permettrade mettre en évidence la mémoire que chacun des quotidiens associe au parcours du mairede Dijon, et si cette mémoire est positive ou non. Chaque journal fait-il le même récit dela vie du chanoine ?

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CHAPITRE 1 : ANALYSE DE LA COUVERTURE DE LA MORT DU CHANOINE KIR

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CHAPITRE 1 : ANALYSE DE LACOUVERTURE DE LA MORT DUCHANOINE KIR

IntroductionDans ce premier chapitre, nous allons comparer quantitativement les couvertures del’événement par les huit titres de presse sélectionnés. Dans son édition du 26 avril 1968, LeBien Public écrivait : « L’émotion fut considérable aussi bien à Dijon qu’en France et dansle monde. La presse parlée comme la presse écrite lui ont consacré ou lui consacreront delongs commentaires34 ». Dans son édition du 27 avril 1968, Les Dépêches légendent une deleurs illustrations comme suit : « Le chanoine Kir, artisan des jumelages et apôtre de la paix,était connu dans le monde entier. La nouvelle de sa mort a été annoncée et commentée partoute la presse nationale française…35 ». Or, les journaux ont-ils accordé le même crédit àla disparition du chanoine Kir ?

S’attacher à étudier les différents niveaux de couverture va nous permettre de comparerl’intérêt que chaque journal porte à la disparition du maire de Dijon. Une couverture plus oumoins large est une preuve évidente de l’importance ou non que revêt l’événement pour lejournal. La mort du chanoine est-elle une nouvelle parmi de nombreuses autres qui chaquejour trouvent leur place dans les pages des quotidiens ? Cet événement fait-il la une ? Est-il seulement considéré comme un événement ?

Voici quelques unes des nombreuses questions auxquelles nous allons pouvoirrépondre en se penchant sur les volumes de la couverture médiatique de l’événement.Pour se faire, nous procéderons en trois étapes. Tout d’abord, nous allons comptabiliserle nombre de documents relatifs à l’événement qui nous intéresse dans chaque titre depresse. Pour aller au-delà d’un simple relevé quantitatif, nous établirons la longueur dechaque document et nous comparerons le nombre de documents par rapport au nombre depages dans chaque journal. Puis, nous nous attacherons à analyser la nature, le genre etles auteurs des documents. Enfin, nous mènerons une comparaison des huit couverturesde l’événement dans le temps (entre le 26 et le 30 avril 1968) et dans l’espace (à quelle(s)page(s) et dans quelle(s) rubrique(s) trouve-t-on les documents qui nous intéressent).

34 Le Bien Public, 26 avril 1968, p. 1835 Les Dépêches, 27 avril 1968, p. 9

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

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1.1 NOMBRE DE DOCUMENTS RELATIFS A LA MORTDE KIR

Notre étude de la couverture de la mort du chanoine Kir va débuter avec la comptabilisationdu nombre de documents relatifs à cet événement dans chacun des huit journaux denotre corpus. Ensuite, nous comparerons la longueur moyenne des documents écrits danschaque titre de presse. Nous terminerons cette première analyse en rapportant le nombrede documents au nombre de pages moyen de chaque journal. Ces trois étapes vont nouspermettre de tirer des premières conclusions sur la visibilité médiatique de la nouvelle dansLe Bien Public, Les Dépêches, France-Soir, Le Parisien-Libéré, La Croix, L’Humanité, LeFigaro et Le Monde.

1.1.1 Relevé du nombre total de documents

Tableau 1: Nombre total de documents relatifs à la mort de Kir par journal BP FS LC LD LF LH LM PL TotalNombre dedocumentsrelatifs à la mortdu chanoine Kir

98 7 6 91 10 2 7 4 225

(Source : calculs de l’auteur)* Tout au long de ce mémoire, l’abréviation BP renverra au Bien Public, FS à France-

Soir, LC à La Croix, LD aux Dépêches, LF au Figaro, LH à L’Humanité, LM au Monde etPL au Parisien-Libéré.

** Dans notre relevé, nous entendons par document toute dépêche, brève, article ouphoto relatifs à la mort du chanoine Kir, sur la période allant du vendredi 26 avril 1968 aumardi 30 avril 1968, et tirés des journaux sélectionnés. Tous les documents en questionont un lien direct avec la disparition du maire de Dijon. Nous n’avons pas pris en comptedans notre relevé, les documents qui font référence à la mort du chanoine de manièreindirecte ou secondaire. Ne sont pas inclus dans ce relevé les avis de décès envoyés par desorganisations ou des particuliers. En revanche, nous comptabilisons les déclarations despersonnalités (quand ces déclarations ne sont pas incluses dans un article ou une brève),qui réagissent à la disparition du chanoine Kir. En effet, le choix des journalistes de porterà la connaissance du public ou non des réactions d’hommes publics se doit d’être analysé.

A la lecture de ce tableau, l’extrême différence de niveau de couverture médiatique dela mort du chanoine Kir entre la presse locale dijonnaise et la presse nationale saute auxyeux. Le clivage géographique semble donc se révéler être pertinent. Par exemple, Le BienPublic parle presque cinquante fois plus de cet événement que L’Humanité. On remarqueque parmi les deux journaux locaux, c’est Le Bien Public qui traite le plus largement del’événement. Cela a-t-il un lien avec le fait que l’orientation politique du journal correspondà celle du chanoine ? Nous ne pouvons pas encore tirer cette conclusion, surtout que l’écartde documents concernés n’est que de six. Seules d’autres analyses pourront nous éclairerplus précisément. Concernant la presse nationale, il n’y a pas de grande disparité dans lacouverture de l’événement en termes quantitatifs. Le Figaro est le quotidien qui mentionnele plus la disparition du maire de Dijon avec dix documents. L’Humanité ne mentionne cette

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CHAPITRE 1 : ANALYSE DE LA COUVERTURE DE LA MORT DU CHANOINE KIR

SAUVAGE Maxime - 2011 21

disparition que deux fois. A partir de ces chiffres bruts, nous constatons que la mort du mairede Dijon n’est pas un événement majeur pour la presse parisienne, mais d’autres analysesseront indispensables pour comparer les différences dans la couverture médiatique des sixtitres nationaux.

C’est la raison pour laquelle nous allons maintenant comparer la longueur desdocuments écrits de notre relevé par journal. Un document écrit d’une cinquantaine de motsn’aura par exemple pas la même valeur qu’un document de plus de mille mots.

1.1.2 Comparaison de la longueur moyenne des documents écrits

Tableau 2: Longueur moyenne des documents écrits* relatifs à la mort de Kir par journal BP FS LC LD LF LH LM PL Total1-100 mots 28 2 2 12 6 / 3 1 54101-250 mots 10 2 2 18 2 1 1 1 37251-500 mots 6 / / 11 1 1 2 1 22501-1000 mots 6 1 1 3 / / 1 / 121001-2000 mots 2 / / 1 / / / / 3>2000 mots 1 / / 1 / / / / 2Total 53 5 5 46 9 2 7 3 130

(Source : calculs de l’auteur)* Nous entendons par document écrit, tous les documents du relevé à l’exception des

photos avec et sans légende.

La lecture de ces tableaux36 nous éclaire un peu plus sur les différents niveaux decouverture médiatique.

Premièrement, nous pouvons constater la forte proportion de documents très courtsdans le total des documents écrits relatifs à la mort du chanoine Kir. 41,7% de cesdocuments comportent moins de cent mots. A contrario, seulement 1,5% des cent-trentedocuments écrits ont une longueur qui dépasse les deux mille mots. La brève ou l’articlecourt représentent 87% du total des documents écrits de notre relevé. La mort du chanoineKir ne fait donc pas l’objet d’une couverture minutieuse, avec de longs articles quireviendraient sur la vie du maire de Dijon et sur son œuvre.

Ici encore, les deux journaux dijonnais se distinguent. Ce sont les seuls titres de pressede notre corpus qui ont couvert l’événement à l’aide de documents textuels de plus de millemots. Cependant, en termes de longueur d’article, leur couverture médiatique comportequelques nuances. Le Bien Public privilégie, en valeur absolue et relative, les documentsécrits très courts (moins de cent mots), tandis que Les Dépêches ont recours de manièreplus régulière aux documents d’une longueur comprise entre 101 et 500 mots.

En ce qui concerne les deux autres clivages qui nous intéressent dans ce travail, leclivage de l’orientation politique et le clivage du type de lectorat, ces deux tableaux ne lesrendent pas pertinents. Nous pouvions nous attendre à des documents écrits plus longsdans la presse dite de qualité, or c’est Le Figaro, qui en pourcentage, a publié le plus grandnombre de documents très courts (66,7%). On retrouve dans trois journaux parisiens desdocuments écrits de plus de cinq-cents mots : ce sont France-Soir, La Croix et Le Monde.

36 Le tableau 2’ se trouve en Annexes

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

22 SAUVAGE Maxime - 2011

Cette constatation sort des clivages prédéfinis. Il se dégage de ces tableaux une manièrecommune à France-Soir et La Croix de couvrir l’événement. D’autres grilles d’analyse nouspermettront de voir si cette similitude se confirme. Enfin, L’Humanité, qui en valeur absoluerevient le moins sur la nouvelle, est le seul journal qui n’use pas de document écrit inférieurà cent mots. La mort du chanoine Kir n’est pas considérée par le quotidien communistecomme un événement majeur, mais il estime que cette disparition ne mérite tout de mêmepas un traitement médiatique composé d’une ou deux brèves.

La comparaison de la longueur moyenne des cent-trente documents écrits relatifs à lamort du chanoine Kir dans notre corpus de titres de presse nous confirme la spécificité dela presse locale concernant la couverture de l’événement. En revanche, les autres clivagesne se trouvent pas confirmer. Nous devons donc continuer notre analyse pour tenter depréciser ces enseignements.

1.1.3 Rapport entre le nombre de documents et la pagination dechaque journal

Tableau 3: Pagination moyenne entre le 26 avril 1968 et le 30 avril* 1968 par journal BP FS LC LD LF LH LM PLPaginationmoyenne**

18 19 18 17,7 25,6 11 25 14,6

(Source : calculs de l’auteur)* Nous estimons nécessaire de repréciser notre attitude à l’égard des trois journaux du

soir de notre corpus : France-Soir, La Croix et Le Monde. Etant publiés en fin de journée etdatés du lendemain, le journal du 26 avril 1968 est en réalité celui du 25 avril 1968. France-Soir édition « Toute dernière spéciale » et la dernière édition de La Croix du 26 avril 1968annoncent le décès du chanoine Kir survenu dans l’après-midi. Il est donc inclus dans notrerelevé. La question ne se pose pas pour Le Monde, qui commence à traiter de l’événementdans son édition du 27 avril 1968. En revanche, notre relevé s’arrête bien sur les journauxdatés du 30 avril, car aucun des trois titres de presse du soir ne revient sur la mort du mairede Dijon dans leur édition du 01 mai 1968.

** Dans notre calcul de la pagination moyenne, n’est pris en compte que le cahiergénéral de chaque journal. En effet, aucun cahier thématique ne comporte de documentsrelatifs à la mort du chanoine Kir. Le Monde des livres, Le Monde de l’économie, ou lesdifférents suppléments télé pour ne citer qu’eux ne sont donc pas comptabilisés.

Ce tableau nous enseigne que les huit quotidiens sélectionnés ont une paginationmoyenne de leur cahier principal qui n’est pas la même. Nous remarquons que les journauxdits élitistes, Le Monde et Le Figaro, sont les deux journaux qui ont une pagination moyennesupérieure à vingt pages quotidiennes. L’Humanité, qui s’est distingué précédemment parle nombre total le plus faible de documents relatifs au décès du maire de Dijon, est aussi lequotidien dont la pagination moyenne est la plus faible (onze pages). Les journaux dijonnaisont sensiblement la même taille, comme France-Soir et La Croix.

Nous allons maintenant rapporter le nombre de documents sélectionnés au nombrede pages moyen par journal. Cette opération nous permettra de dégager la moyenne dunombre de documents relevés par page, afin d’avoir une idée plus précise de l’étendue dela couverture de l’événement pour chaque journal.

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SAUVAGE Maxime - 2011 23

Tableau 4: Nombre moyen par page de documents relatifs à la mort du chanoine Kir parjournal BP FS LC LD LF LH LM PLMoyennepar page

5,4 0,4 0,3 4,7 0,4 0,2 0,3 0,3

(Source : calculs de l’auteur)Nous pouvons tirer plusieurs enseignements de ce tableau.Vu le nombre total de documents relatifs à la mort du maire de Dijon dans les journaux

dijonnais, il n’est pas surprenant de retrouver ces derniers de nouveau en tête en ce quiconcerne le nombre moyen de documents liés au chanoine par page. Nous remarquonsd’ailleurs que ce tableau révèle encore une couverture plus large de l’événement dans LeBien Public que dans Les Dépêches.

Cette moyenne par page nous montre aussi que ce sont France-Soir et Le Figaro quisont les titres parisiens revenant le plus sur l’événement. En valeur absolue (dix documents)et en valeur relative (0,4 document par page), Le Figaro est le premier quotidien nationalpour son volume de la couverture de la mort de Kir. Est-ce en raison de la proximitéidéologique qu’il y a pu avoir entre le grand quotidien national de droite et l’ancien député-maire conservateur de Dijon ? Il est encore trop tôt pour le dire. A l’inverse, L’Humanitéest, en valeur absolue et relative, le quotidien qui s’intéresse le moins à l’événement.Apparemment, l’amitié entre les deux K (Kir et Khrouchtchev) n’a pas été suffisante pourque le quotidien communiste couvre de manière détaillée la mort du chanoine Kir. LaCroix, Le Monde et Le Parisien-Libéré ont la même moyenne de documents par page.Bien que Le Monde couvre, en valeur absolue, plus largement l’événement, le quotidienpâtit de sa pagination moyenne plus importante. Il est à noter que La Croix se distingue icide France-Soir, journal avec lequel le quotidien catholique partageait précédemment descaractéristiques. En moyenne par page, La Croix revient moins sur l’événement que France-Soir.

Après ces différentes comptabilisations pour comparer en volume les couvertures del’événement par les huit journaux de notre corpus, nous allons ausculter de manière précisele type des deux-cent-vingt-cinq documents de notre relevé.

1.2 TYPES DES DOCUMENTS RELATIFS A LA MORTDE KIR

Après s’être focalisés sur le volume de la couverture de la mort du chanoine Kir, nousallons nous intéresser aux types de documents qu’utilisent les journaux pour traiter del’événement. La question centrale de cette deuxième étape de notre analyse est la suivante :comment les huit titres de presse sélectionnés couvrent la mort du maire de Dijon ? Cetteinterrogation porte ici non pas sur le fond des documents, mais sur leur forme.

Nous commencerons par comparer la nature des documents de chaque journal, puisleur genre, pour enfin regarder qui sont les auteurs de ces documents.

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24 SAUVAGE Maxime - 2011

1.2.1 Nature des documents

Tableau 5: Nature des documents relatifs à la mort de Kir par journal BP FS LC LD LF LH LM PL TotalTexte 53 5 5 46 9 2 7 3 130Illustration 45 2 1 45 1 / / 1 95(dontphotographielégendée)

(45) (1) / (17) / / / (1) (63)

Total 98 7 6 91 10 2 7 4 225

(Source : calculs de l’auteur)

Comme nous pouvions nous y attendre37, la majorité des documents de notre relevésont des documents écrits (58%). Concernant les photographies, presque deux tiers sontlégendées.

Ici encore, les deux quotidiens dijonnais se distinguent des six quotidiens parisiens. Cesont les deux seuls titres de presse qui ont un pourcentage de photographies supérieur aupourcentage moyen de photographies du corpus dans son ensemble, et par conséquent unpourcentage de documents textuels inférieur au pourcentage moyen de documents écritsdu corpus dans son ensemble. Les Dépêches ont d’ailleurs recours à presque autant dedocuments visuels que de documents textuels dans sa couverture de l’événement.

Il n’est pas surprenant de voir que tous les documents du Monde sont textuels.Sa traditionnelle présentation austère dépourvue de photographie se retrouve ici. Enrevanche, le fait que L’Humanité partage cette caractéristique est étonnant. Il est le seulquotidien avec Le Monde à ne pas utiliser de document visuel pour couvrir l’événement.Or, l’absence de photographie n’est pas un trait qui correspond habituellement au quotidiencommuniste. Encore une fois, nous notons que sa couverture de la disparition du chanoineest minimaliste.

Les deux quotidiens populaires que sont France-Soir et Le Parisien-Libéré ont le pointcommun d’avoir un quart de leurs documents être des documents visuels. Ces journauxutilisent traditionnellement beaucoup de photographies pour illustrer leurs documentstextuels. Cette habitude se retrouve ici.

La Croix et La Figaro, qui ont pour habitude de recourir à une présentation moinsaustère que celle du Monde, mais plus sobre que les journaux populaires, reproduisent leurmise en page classique, avec une priorité donnée aux documents textuels, sans pour autantexclure la présence d’illustration (ici, une par journal).

Il est dorénavant temps d’analyser plus précisément ces documents, en nous penchantsur leur genre.

1.2.2 Genre des documentsAvant de commenter les tableaux ci-dessous38, il est utile de faire une précision. Lesdocuments qui sont inclus dans ce tableau ne sont que les documents textuels. En effet, il

37 Le tableau 5’ se trouve en Annexes38 Le tableau 6’ se trouve en Annexes

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SAUVAGE Maxime - 2011 25

est compliqué de parler du genre d’une photographie sans détailler ce qu’elle représenteexactement. Or, dans cette partie, nous nous cantonnons à analyser uniquement la formedes documents et non leur fond. Par conséquent, l’étude du genre des photographies sefera dans le chapitre suivant.

Tableau 6: Genre des documents textuels relatifs à la mort de Kir par journalGenre BP FS LC LD LF LH LM PL Total

Annonce 3 / / 3 1 / 2 / 9Brève 5 2 2 2 1 / / 1 13Filet 5 2 / 5 2 1 / / 15Article 9 / 1 8 1 / 2 1 22Communicationofficielle

2 / / 4 / / / / 6

Informatif*

Sous-total 24 4 3 22 5 1 4 2 65Témoignage 4 / / 3 / / / / 7Déclaration 23 / 1 9 3 / 2 / 38Portrait 1 1 1 11 1 1 1 1 18

Commentaire **

Sous-total 28 1 2 23 4 1 3 1 63Citation dansl'ordre dela Légiond'honneur

1 / / 1 / / / / 2Autre

Sous-total 1 0 0 1 0 0 0 0 2Total 53 5 5 46 9 2 7 3 130

(Source : calculs de l’auteur)* Nous entendons par genre informatif, tous les documents textuels qui communiquent

de la matière brute, sans la commenter. Les annonces sont tous les documents textuels enune qui renvoient aux documents textuels à l’intérieur du cahier principal. Les brèves sontdes documents textuels qui ne dépassent pas un paragraphe. Les filets se situent entrela brève et l’article, ils ont généralement un titre. Les articles sont les documents textuelsqui dépassent généralement les trois paragraphes. Les communications officielles sont desretranscriptions de messages émanant d’organisations publiques, telles que la mairie.

** Nous entendons par genre de commentaire, tous les documents textuels quicommentent l’information. Les témoignages sont des textes écrits par des personnalités.Les déclarations sont des propos oraux rapportés par le journal. Les portraits sont desarticles biographiques qui reviennent sur la vie et le parcours du chanoine Kir.

Le premier enseignement que nous pouvons tirer de la lecture de ces deux tableaux estque les genres journalistiques d’information et de commentaire se valent dans la couverturegénérale concernant la mort du chanoine Kir. Il y a quasiment autant de documents écritsqui informent sur l’événement que de documents qui commentent l’événement.

Un point caractérise tous les titres de presse : l’utilisation du portrait. Cela n’est passurprenant. La presse, lors de la disparition d’un personnage public, revient nécessairementsur sa vie. Nous étudierons ces portraits dans le dernier chapitre de ce travail.

Les journaux dijonnais se distinguent de plusieurs façons de leurs homologuesparisiens. Ce sont les seuls titres de presse qui intègrent dans le traitement de la mort duchanoine Kir des communications officielles émanant de la mairie de Dijon. Ils sont aussi les

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26 SAUVAGE Maxime - 2011

seuls à laisser des personnalités ayant côtoyé le chanoine écrire des témoignages au seinde leurs colonnes, et à publier la citation dans l’ordre de la Légion d’honneur du maire deDijon. Ces particularités s’expliquent par le fait que ce sont des journaux locaux. Ils sont lesvecteurs de la mairie pour porter à la connaissance de leur public (des Dijonnais donc) sescommunications officielles. D’autre part, leur lectorat étant très majoritairement dijonnais,la mort de leur maire les concerne plus directement. Le ratio genre informatif/ genre decommentaire est sensiblement le même chez les deux titres côte d’oriens. Cependant,chacun de ces deux journaux ont des caractéristiques très particulières. Concernant LeBien Public, 43.4% de ses documents textuels sont des déclarations, qui sont généralementassez courtes39 et qui proviennent de personnalités ou d’anonymes. De son côté, LesDépêches ont beaucoup moins recours à ce genre de document textuel. En revanche, cedernier titre privilégie les portraits. A côté du très long portrait principal40 publié par le journalde gauche dijonnais, on trouve aussi une multitude de petits portraits qui accompagnent desensembles de photographies41. Dans Le Bien Public, il n’y a qu’un seul document textuelqui fait figure de portrait, ce qui est très peu en comparaison du nombre total de documentsde notre relevé. Visiblement, le journal conservateur dijonnais a préféré donner la paroleaux autres pour parler du chanoine Kir.

France-Soir et Le Parisien-Libéré se distinguent par un genre informatif très dominant(trois quarts des documents écrits). Quand on sait que l’on accorde généralement moins devaleur journalistique à ce genre journalistique, il n’est alors pas surprenant de retrouver cesdeux titres populaires l’utiliser grandement.

Cependant, Le Monde, La Croix ou Le Figaro, journaux réputés pour leur sérieux et laqualité de leurs analyses, ont recours eux aussi, mais à un niveau moindre, majoritairementau genre informatif. Nous pouvons en conclure que la disparition du chanoine, qui nebénéficie pas d’une large couverture par ces journaux (voir tableau 1 et 5) et par lestitres parisiens en général, n’a pas poussé leurs journalistes à commenter en longueurl’événement. Un portrait et quelques déclarations ont suffi à commenter la mort du mairede Dijon, sans autre analyse plus poussée. La majorité de leurs documents textuels n’ontdonc qu’un rôle informatif.

La prochaine étape de notre analyse va être de s’intéresser à ceux qui s’expriment surla mort du chanoine Kir.

1.2.3 Origine des documents textuelsNous allons nous intéresser ici aux auteurs des documents textuels de notre relevé. Il vas’agir de voir à quelles signatures les journaux vont faire appel pour couvrir la mort duchanoine Kir. Tous les documents sont-ils signés ? Ne sont-ils le fruit que de journalistesde la rédaction ? Quelle est la proportion de documents textuels provenant de l’extérieurdes rédactions ? Il va donc s’agir d’analyser la propension de chaque titre à ouvrir leurscolonnes à des signatures externes.

39 Ce qui explique en partie l’importance en valeur absolue et relative, des documents dont la longueur est inférieure à centmots (tableaux 2 et 2’).

40 C’est le document textuel supérieur à deux mille mots du tableau 241 Ces petits portraits expliquent l’importance du nombre de documents dont la longueur est comprise entre cent-un et deux-

cents-cinquante mots (tableaux 2 et 2’). Comme ils accompagnent des photographies, cela permet de comprendre pourquoi seulementdix-sept des quarante-cinq photographies (tableau 5) des Dépêches sont légendées.

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CHAPITRE 1 : ANALYSE DE LA COUVERTURE DE LA MORT DU CHANOINE KIR

SAUVAGE Maxime - 2011 27

Tableau 7: Auteurs des documents textuels relatifs à la mort de Kir par journal Signature Genre BP FS LC LD LF LH LM PL Total

Filet / / / / 1 (ESP)/ / / 1Article / / / 2 (J) / / 2 (CP) / 4Portrait / 1 (J) 1 (J) 1 (J) 1 (ESP)/ 1 (J) / 5

Interne

Sous-total 0 1 1 3 2 0 3 0 10Communicationofficielle

2 / / 4 / / / / 6

Témoignage 4 / / 3 / / / / 7Déclaration 23 / 1 9 3 / 2 / 38Citation del'Ordre dela Légiond'honneur

1 / / 1 / / / / 2

Externe

Sous-total 30 0 1 17 3 0 2 0 53Annonce 3 / / 3 1 / 2 / 9Brève 5 2 2 2 1 / / 1 13Filet 5 2 / 5 1 1 / / 14Article 9 / 1 6 1 / / 1 18Portrait 1 / / 10 / 1 / 1 13

Non-signé

Sous-total 23 4 3 26 4 2 2 3 67Total 53 5 5 46 9 2 7 3 130

(Source : calculs de l’auteur)* ESP : envoyé spécial permanent ; CP : correspondant particulier ; J : journaliste (le

document est signé avec le nom de son auteur, sans qualificatif particulier, on utilisera doncle terme générique de journaliste) ; R : rédaction.

Avant de commenter ces deux tableaux42, nous émettons l’hypothèse que lesdocuments non-signés sont l’œuvre de journalistes des rédactions de chaque journal. Ilsengagent donc la parole du journal, au même titre que les documents dont la signature estinterne.

Le premier enseignement que nous pouvons tirer de la lecture de ces tableaux est quetrois journaux, France-Soir, L’Humanité et Le Parisien-Libéré partagent la caractéristiquede ne pas inclure dans leurs lignes de signature externe. Seuls des écrits de leursjournalistes couvrent l’événement. Le degré d’ouverture de leur couverture est donc nul.Cette observation n’est pas surprenante quand on constate que ces trois titres sont desjournaux populaires. Un des traits traditionnels de ce type de presse est de ne pas avoirrecours à différentes sources d’information et de privilégier un traitement des événementsinterne et pauvre en diversité.

Le Bien Public se différencie de tous ses confrères, y compris Les Dépêches, enpréférant, en valeur relative, couvrir l’événement à travers des documents textuels dont laprovenance ne vient pas de la rédaction du journal. Ici, le degré d’ouverture de la couvertureest très importante (57%). Comme nous l’avons déjà remarqué dans nos commentaires

42 Le tableau 7’ se trouve en Annexes

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des tableaux 9 et 10, le quotidien dijonnais préfère traiter la disparition du chanoine Kir endonnant la parole à d’autres personnes plutôt qu’à ses journalistes.

La Croix, Les Dépêches, Le Figaro et Le Monde ont un ratio signature externe surnombre total de documents textuels plus classique. La majorité de leurs documents est laparole du journal, tout en laissant une place aux signatures extérieures, ce qui apporte unerichesse à leur couverture de l’événement. A noter que Les Dépêches signent leur longportrait sur le chanoine avec les initiales du journal, « L.D. », ce qui fait ouvertement de cedocument la voix de toute la rédaction.

Les quatre titres parisiens énumérés dans le paragraphe précédent, ainsi que France-Soir, signent au moins un de leurs documents. Mais, seuls Le Monde et Le Figaro sedistinguent vraiment en faisant cela. Ces deux journaux précisent la fonction de leurjournaliste qui couvre la mort du chanoine. Le Figaro a un « envoyé spécial permanent »,tandis que Le Monde a un « correspondant particulier ». Par cette précision, les deuxquotidiens montrent à leurs lecteurs qu’ils sont au plus près de l’événement avec unmembre de leur rédaction qui se trouve à Dijon. Cela donne une crédibilité supplémentaireà l’information. Et ce n’est pas un hasard si cela concerne les deux journaux de référencede notre corpus.

Ces deux tableaux confirment, pour la première fois de notre travail, la pertinence duclivage presse populaire/élitiste. Mais va-t-on encore le retrouver dans l’étape suivante denotre analyse, portant sur la couverture dans le temps et dans l’espace de la mort du mairede Dijon ?

1.3 COUVERTURE DANS LE TEMPS ET DANSL’ESPACE DE LA MORT DE KIR

Nous allons maintenant travailler sur la visibilité dont dispose la disparition du chanoine Kirau sein de chaque journal. Pour ce faire, nous procéderons en trois temps.

Tout d’abord, nous examinerons le traitement de l’événement dans le temps. Pourrappel, nous nous focalisons sur les journaux datés du vendredi 26 avril 1968 (le jeudi 25avril pour les journaux du soir), lendemain de la mort de Kir, aux journaux datés du mardi 30avril 1968, lendemain de son enterrement. Cet examen nous permettra de voir l’évolutionde la couverture de l’événement dans le temps. Puis, nous étudierons le traitement del’événement dans l’espace. La mort du chanoine fait-elle la une ? Est-ce une informationqui a sa place dans les premières pages des quotidiens ? Cette disparition est-elle traitéedans les rubriques politiques ou les rubriques religieuses ? Toutes ces questions trouverontleur réponse dans les pages qui suivent.

1.3.1 Couverture dans le temps de la mort de KirLa disparition du chanoine Kir est-elle un événement qui trouve dans la presse un écho surtoute la période de notre étude ? Les tableaux qui suivent vont nous apporter la réponse.

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CHAPITRE 1 : ANALYSE DE LA COUVERTURE DE LA MORT DU CHANOINE KIR

SAUVAGE Maxime - 2011 29

Tableau 8: Evolution de la couverture dans le temps par journalJournée BP FS LC LD LF LH LM PL Total25/04/1968 / 2 1 / / / / / 326/04/1968 45 3 4 51 8 1 5 2 11927/04/1968 12 / / 15 / / / / 2728/04/1968 Dimanche29/04/1968 12 2 1 8 1 / 2 1 2730/04/1968 29 / / 17 1 1 / 1 49Total 98 7 6 91 10 2 7 4 225

(Source : calculs de l’auteur)

* Jour de parution du quotidien. Aucun des titres sélectionnés ne paraît le dimanche43.

Comme nous pouvons le constater44, la majorité des documents relatifs à la mort duchanoine Kir se trouve dans les éditions du 26 avril 1968, au lendemain de la disparitiondu chanoine. Il y a un nouveau pic (moindre que le premier) au lendemain de sa mort.Ce schéma n’est pas inattendu. Il est classique de voir la presse traiter de la mort d’unpersonnage public principalement au moment de sa mort, puis de son enterrement. MêmeL’Humanité, qui couvre de manière extrêmement limitée l’événement, respecte ce schéma.Nous voici donc en présence d’un des « rituels45 » dont parle Christian Delporte dans sonarticle sur le traitement de la mort de Jacques Chaban-Delmas par la presse française.

Concernant la presse du soir, seuls France-Soir et La Croix annoncent la disparition duchanoine dans l’édition du jour même. Ils jouent donc leur rôle de « journal officiel46 », pourreprendre l’expression de Jacqueline Freyssinet-Dominjon, en annonçant les premiers lanouvelle au public. Le Monde attend son édition datée du 27 avril pour parler de l’événement.Le décès du chanoine s’étant produit autour de 13h30, heure où l’édition du jour n’est pasencore sortie de l’imprimerie, Le Monde a délibérément fait ce choix. Deux hypothèses sontenvisageables : soit la nouvelle n’était pas assez importante pour que le grand quotidiendu soir modifie au dernier moment son contenu, soit il a préféré au temps de l’annoncecelui du commentaire. Le nombre47 et le type (un article, un portrait et deux déclarations) dedocuments revenant sur l’événement dans l’édition du Monde datée du 27 avril tendent àprouver que la seconde hypothèse serait la bonne, puisque le journal s’est laissé le tempsde couvrir de manière sérieuse la mort de Kir. Cela corrobore sa réputation de journal dequalité. En revanche, Le Monde, comme les deux autres titres du soir, relate les obsèquesdu maire de Dijon uniquement dans leur édition datée du 30 avril. Ils ne reviennent donc passur l’ensemble des funérailles dans leurs pages du lendemain. La durée de la couvertureest donc courte, ce qui est encore une preuve du relatif manque d’intérêt que porte la presseparisienne (ici du soir) sur l’événement.

Cette remarque vaut également pour Le Figaro et Le Parisien-Libéré. Ces dernierscouvrent la nouvelle dans seulement trois de leurs éditions : celle du vendredi pour annoncerla mort du chanoine et revenir sur sa vie, celle du lundi pour annoncer ses obsèques et le

43 Certains quotidiens ont des versions dominicales (exemple : L’Humanité Dimanche), mais elles n’ont pas la même formeque les éditions de la semaine. Nous avons donc fait le choix de ne pas les prendre en compte.

44 Le tableau 8’ se trouve en Annexes45 Voir la citation en page 16 de notre mémoire46 Voir la citation en page 11 de notre mémoire47 Et leur longueur : on trouve un article de plus de 250 mots et un portrait de plus de 500 mots

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

30 SAUVAGE Maxime - 2011

mardi pour revenir sur le déroulement de ces dernières. Cependant, Le Figaro se distinguedu Parisien-Libéré, avec une couverture dans l’édition du 26 beaucoup plus importante.Le grand quotidien de droite parisien se rapproche, par cette caractéristique, du Monde.Les deux titres s’attachent à transmettre le maximum d’informations à leurs lecteurs en uneédition, concernant une nouvelle qui n’est pas considérée comme un événement majeur,mais qui mérite tout de même un traitement convenable. Là encore, nous retrouvons un destraits de la presse de qualité.

Une nouvelle fois, la presse dijonnaise se démarque des autres titres du corpus. Ce sontles seuls journaux à parler dans quatre éditions différentes de l’événement. Ce sont donceux qui couvrent de manière la plus complète la disparition de Kir dans le temps. Cependant,nous trouvons une différence notable dans leur façon de le faire. Avant le dimanche, ce sontLes Dépêches qui reviennent le plus sur l’événement (en valeur absolue et relative). Après leweek-end, c’est Le Bien Public qui couvre de manière plus complète la nouvelle. Commentexpliquer cette différence ? Peut-être que l’événement perd plus vite de son importance pourle journal de gauche dijonnais. Est-ce en raison des anciennes divergences idéologiquesentre le journal et l’ancien député-maire ? Il est difficile de répondre, mais cette hypothèsen’est pas à exclure.

Orientons maintenant notre regard sur la couverture de la mort de Kir dans l’espace.Nous commencerons par une étude des unes des journaux

1.3.2 Kir : une mort en UneQuoi de mieux pour évaluer l’importance qu’accorde un journal à un événement qued’examiner sa une. C’est la raison pour laquelle nous allons maintenant nous pencher surles unes des titres du corpus. La mort du chanoine Kir est-elle en page une ? Si oui, fait-elle la une ?

Tableau 9: Nombre de documents en une et de une* par journalJournée BP FS LC LD LF LH LM PL Total25/04/1968 / 2 1 / / / / / 326/04/1968 3 / 1 4 1 / 1 / 1027/04/1968 1 / / 2 / / / / 328/04/1968 Dimanche29/04/1968 2 / / 2 / / 1 / 530/04/1968 2 / / 2 / / / / 4Total 8 2 2 10 1 0 2 0 25

(Source : calculs de l’auteur)* Les chiffres en gras correspondent aux documents en une qui font « la une » du

journal.Commençons par des remarques générales. La mort du chanoine Kir apparaît en une

le plus souvent au lendemain de sa mort. Ce fait n’est pas surprenant. Il est logique deretrouver, lors de la disparition d’une personne publique, la nouvelle en première page, carc’est le moment où elle suscite le plus d’émotion.

Nous pouvons constater aussi que les six journaux, qui parlent au moins une fois del’événement sur leur une, sont les six journaux du corpus qui reviennent le plus sur lanouvelle en nombre total de documents (voir tableau 1).

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CHAPITRE 1 : ANALYSE DE LA COUVERTURE DE LA MORT DU CHANOINE KIR

SAUVAGE Maxime - 2011 31

Pour ne pas changer, Le Bien Public et Les Dépêches sortent du lot. Ce sont les deuxtitres qui mentionnent le plus la disparition de Kir sur leur première page et qui abordentle sujet en une dans toutes leurs éditions de la période sélectionnée. Et ils sont les seulsà faire leur une sur l’événement. Pour ces deux quotidiens, la nouvelle est l’événement dujour dans leur édition du 26 avril. Des nuances, toutefois, sont à relever dans leur couverturerespective. Pour une fois, ce sont Les Dépêches qui abordent de manière plus fournie lamort du maire de Dijon (dix documents contre huit pour Le Bien Public). Cependant, LeBien Public est le seul titre qui fait deux fois sa une sur le chanoine : au lendemain de samort et le jour qui suit ses obsèques. Cette donnée semble, encore une fois, confirmer lefait que le journal du baron Thénard accorde une importante plus grande à la nouvelle queLes Dépêches.

Concernant les deux quotidiens du soir qui parlent de l’événement dès le jeudi, à savoirFrance-Soir et La Croix, on constate que leur nombre de documents en une ce jour-là(tableau 14) correspond au nombre total de documents relatifs à la disparition du chanoineKir dans leur édition du même jour (tableau 12). On peut imaginer que les deux titres ontfait le choix de parler de l’événement immédiatement, en lui faisant une petite place en une,sans pour autant revenir sur la nouvelle à l’intérieur de leurs pages. Par manque de tempsou par manque d’intérêt ?

Pour Le Figaro et Le Monde, leurs documents en une se résument à des annonces trèssuccinctes, qui renvoient à un traitement plus complet de l’information à l’intérieur des pagesdes deux journaux. Il faut noter que Le Monde, qui ne parle de la disparition de Kir que dansdeux éditions seulement, annonce les deux fois en une qu’il va revenir sur la nouvelle dansles pages intérieures. Cela prouve que le grand quotidien du soir accorde quand même unerelative importance à cette information.

Une autre façon de comparer les couvertures dans l’espace est de s’intéresser auxpages exclusivement consacrées à la disparition du chanoine Kir. En effet, une page pleinede documents revenant sur l’événement donne à ce dernier une exposition extrêmementimportante aux yeux des lecteurs.

Tableau 10: Nombre de pages exclusivement consacrées à la mort du chanoine Kir parjournalJournée BP FS LC LD LF LH LM PL Total25/04/1968 / / / / / / / / 026/04/1968 2 / / 3 / / / / 527/04/1968 0 / / 1 / / / / 128/04/1968 Dimanche29/04/1968 0 / / 0 / / / / 030/04/1968 4 / / 2 / / / / 6Total 6 0 0 6 0 0 2 0 25

(Source : calculs de l’auteur)Seuls Le Bien Public et Les Dépêches réservent des pages entières à la disparition du

chanoine Kir. Arrivés à ce moment là de l’analyse, cette différence de traitement entre lapresse parisienne et la presse locale n’est plus une surprise en soi.

Mais, il est nécessaire de s’attarder quand même sur ces résultats. En effet, ce tableaunous prouve, une fois de plus (voir tableaux 12, 13 et 14), que Les Dépêches accordent leplus d’importance à l’événement dans les deux premiers jours, comparé au traitement du

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Bien Public. Ce dernier, quant à lui, se focalise davantage sur la disparition du chanoine dansson édition racontant ses funérailles. Visiblement, l’ancien journal avec lequel le chanoineavait collaboré dans le passé a eu plus de mal que son homologue dijonnais de gauche àdire au revoir à l’ancien député-maire de Dijon.

Il est temps, désormais, d’analyser l’emplacement par page et par rubrique desdocuments relatifs à la mort de Kir.

1.3.3 Emplacement des documents relatifs à la mort de KirAprès avoir examiné le nombre de unes et de pleines pages, intéressons-nous àl’emplacement des documents à l’intérieur des pages de chaque journal. Nous procéderonsd’abord par une analyse d’après le numéro de page, puis par une étude des rubriques oùl’on trouve les documents de notre relevé. Nous présupposons que plus les documentssont au début du journal, plus ils bénéficient d’une meilleure visibilité aux yeux des lecteurs.D’autre part, l’analyse des rubriques nous montrera le sens que chaque journal donne audécès du chanoine.

Tableau 11: Emplacement par page des documents relatifs à la mort de Kir par journal Pages* BP FS LC LD LF LH LM PL TotalPremiertiers

29 3 6 49 10 / 6 4 107

Deuxièmetiers

33 4 / 36 / 2 / / 75

Troisièmetiers

36 / / 6 / / 1 / 43

Total 98 7 6 91 10 2 7 4 225

(Source : calculs de l’auteur)* La division de la taille des journaux en tiers s’est basée sur la pagination moyenne de

chaque journal communiquée dans le tableau 4.

La lecture de ces tableaux48 nous apprend que quasiment la moitié des documents denotre relevé se trouve dans le premier tiers des éditions de chaque journal. Bien que lanouvelle ne soit pas un événement majeur pour la presse parisienne, elle n’est néanmoinspas reléguée dans ses dernières pages.

L’Humanité est le seul quotidien qui ne parle pas de la mort du chanoine Kir dans sespremières pages. Toutefois, la pagination moyenne du journal communiste est relativementfaible (onze pages). Donc, cet emplacement garde une visibilité relativement correcte. Maisde toute manière, le constat a déjà été fait précédemment : L’Humanité accorde relativementpeu d’importance au décès de l’ancien député-maire de Dijon.

La Croix, Le Figaro et Le Parisien-Libéré offrent, quant à eux, une belle visibilité à ladisparition du chanoine Kir, en parlant de l’événement toujours dans le premier tiers de leurséditions. Concernant France-Soir et Le Monde, le bilan est plus mitigé. Dans France-Soir,plus de la moitié des documents concernés se trouvent dans le deuxième tiers du journal.

Les deux journaux côte d’oriens utilisent de manière différente leur pagination pourcouvrir l’événement. Les deux tableaux nous montrent que Les Dépêches, en valeurabsolue et relative, offrent une meilleure visibilité à l’événement en termes d’emplacement

48 Le tableau 11’ se trouve en Annexes

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CHAPITRE 1 : ANALYSE DE LA COUVERTURE DE LA MORT DU CHANOINE KIR

SAUVAGE Maxime - 2011 33

par page des documents. Plus de la moitié de ses quatre-vingt-onze documents concernéssont situés dans le premier tiers du journal, partie du journal traditionnellement la plus lue.Le Bien Public, quant à lui, place moins d’un tiers de ses documents dans les premièrespages de ses éditions. C’est même dans ses dernières pages que le journal de la droitedijonnaise revient le plus sur la disparition du maire de Dijon. Ces données mitigent donc lestatut de meilleure couverture que Le Bien Public a acquis au fil des pages précédentes.

Procédons maintenant à une analyse de l’emplacement des documents par rubrique.

Tableau 12 : Emplacement par rubrique des documents relatifs à la mort de Kir parjournal

RubriqueBP* FS LC LD** LF LH LM PL Total

Premièrepage

8 2 2 10 1 / 2 / 25

Nouvelleslocales

48 / / / / / / / 48

Autour deDijon / Dijonet la Côted'Or

42 / / 75 / / / / 117

Informationsrégionales

/ / / 6 / / / / 6

Politiquefrançaise***

/ / 4 / 9 2 4 4 23

Dernièresnouvelles

/ / / / / / 1 / 1

Articlesdivers****

/ 5 / / / / / / 5

Total 98 7 6 91 10 2 7 4 225

(Source : calculs de l’auteur)* Dans Le Bien Public, la rubrique qui suit habituellement la première page est intitulée

« Nouvelles locales », on trouve généralement plus loin la rubrique « Actualité régionale »,puis la rubrique « Autour de Dijon ».

** Dans Les Dépêches, la première rubrique de chaque édition est intitulée « Dijon etla Côte d’Or ». Vient quelques pages suivantes la rubrique « Informations régionales ».

*** Cette rubrique change de nom selon les titres de presse : « Politique intérieure » pourLa Croix, « Informations politiques » pour Le Figaro, « La vie en France » pour L’Humanité,« L’actualité politique » pour Le Monde et « Affaires intérieures » pour Le Parisien-Libéré.

**** Dans France-Soir, il n’y a pas de rubrique à proprement parler. Chaque pagemélange les genres, entre nouvelles françaises et internationales, faits divers et informationsplus sérieuses.

Le clivage presse locale/nationale est une nouvelle fois le principal enseignement quenous pouvons tirer de la lecture de ces tableaux49. Dans Le Bien Public et Les Dépêches,les documents relatifs à la mort du chanoine se trouvent tous dans des rubriques locales.Nous pouvons en tirer deux enseignements : la disparition du chanoine Kir est perçuecomme un événement avant tout local, mais aussi comme un événement apolitique. Eneffet, l’aspect géographique de la nouvelle prend le pas sur sa dimension politique. Ici, ce

49 Le tableau 12’ se trouve en Annexes

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34 SAUVAGE Maxime - 2011

n’est pas un homme politique à la réputation nationale qui disparaît, mais une figure de larégion. Toutefois, les deux quotidiens dijonnais ne traitent pas tout à fait de l’événementdans les mêmes rubriques. On constate que Le Bien Public, par le biais des titres de sesrubriques, associe l’événement à une aire géographique plus restreinte que ne le fait LesDépêches. Dans le premier journal, le traitement médiatique se situe dans les rubriquespropres aux nouvelles dijonnaises. Dans le second journal, l’aire géographique est plusvaste : on parle de Dijon, mais aussi du département de la Côte d’Or et de la région. On peutavancer l’idée, à la lumière de cette constatation, que Les Dépêches accordent un peu plusd’importance à la disparition du maire de Dijon, en considérant son impact géographiquede manière plus étendue.

La presse parisienne, quant à elle, cantonne l’événement à leur rubrique de politiqueintérieure. La mort du chanoine Kir est vue comme un événement politique : un hommepolitique connu est décédé. On aurait pu s’attendre, dans un ou deux titres, à voir cettenouvelle apparaître dans les informations religieuses. Or ce n’est pas le cas. Kir n’estvisiblement plus perçu comme un homme d’Eglise.

A deux occasions, l’événement n’apparaît pas dans la rubrique sur la politiquefrançaise. Dans Le Monde, on revient sur la mort de Kir dans la rubrique « Dernièresnouvelles » (c’est la dernière page du quotidien). Est concerné le document en fin de journal(voir tableau 16) de l’édition datée du 30 avril (voir tableau 12). Ici, Le Monde revient unedernière fois sur la nouvelle en racontant les funérailles du chanoine qui ont eu lieu unpeu plus tôt dans la journée. Dans France-Soir, l’événement est noyé au milieu d’autresnouvelles. Cette absence de rubrique est d’ailleurs une des caractéristiques classiques dela presse populaire.

ConclusionDans cette première partie, nous nous sommes attachés à comparer la couverture accordéepar chaque journal à la disparition du chanoine Kir. Pour ce faire, nous avons analyséchacun des traitements médiatiques selon leur volume et leurs formes. Nous avons d’abordcomparé ces traitements sur un plan quantitatif, pour ensuite distinguer les différents typesde document de chaque couverture. Enfin, nous avons étudié ces couvertures sur un plantemporel, puis spatial.

Par cette première étape, nous pouvons commencer à discerner les différentespositions qu’occupent les huit titres de notre corpus concernant la mort du maire de Dijon.En effet, plus un quotidien traite de manière minutieuse cet événement, plus cela signifiequ’il lui accorde de l’importance. Dans ce cas, la mémoire associé au personnage aurades chances d’être plus riche. Comparons maintenant les différentes couvertures, à traversdix thèmes, dans un tableau récapitulatif. Voici notre système d’évaluation : pour chaquethème, des points seront attribués (de huit à un) aux journaux selon l’exhaustivité de leurtraitement médiatique. Plus le journal aura de points, plus cela signifiera que sa couverturede l’événement aura été complète.

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CHAPITRE 1 : ANALYSE DE LA COUVERTURE DE LA MORT DU CHANOINE KIR

SAUVAGE Maxime - 2011 35

Tableau 13: Classement des couvertures relatives à la mort de Kir par journalThème BP FS LC LD LF LH LM PLNombre de documentstotal

8 5 3 7 6 1 5 2

Longueur desdocuments*

4 3 3 6 1 8 7 5

Nombre de documentspar page

8 6 4 7 6 1 4 4

Nombre de documentsvisuels**

7 6 4 8 3 0 0 5

Nombre de documentsde commentaire ***

8 1 3 7 5 6 4 2

Degré d'ouverture 8 0 4 7 6 0 5 0Couverture dans letemps****

8 6 4 7 3 2 1 5

Nombre de documentsen une

7+1 *****6 6 8 3 0 6 0

Nombre de pleines pages 8 0 0 8 0 0 0 0Couverture dansl'espace ******

2 3 8 4 8 0 5 8

Total 69 36 39 69 41 18 37 31

(Source : calculs de l’auteur)* Classification basée sur le % de documents dépassant les deux-cent-cinquante mots.** Nous présupposons ici que la présence de photographies donne un plus à la

couverture.*** Nous partons du principe que le genre journalistique du commentaire est un gage

de qualité de la couverture.**** Classification basée sur le nombre d’éditions parlant du sujet et sur une répartition

équilibrée des documents sur la période.***** Le point bonus correspond au nombre de une sur le sujet.****** Classification basée sur le % de documents présents dans le premier tiers du

journal.Ce tableau récapitulatif doit être pris avec précaution. Il a l’avantage de permettre de se

faire une idée générale des différents niveaux de couverture de chaque journal. Il met parexemple bien en évidence le clivage presse locale/presse nationale, ou le faible traitementmédiatique accordé à la nouvelle par L’Humanité. Cependant, il faut garder en tête qued’autres critères auraient pu modifier le classement concernant France-Soir, La Croix, LeFigaro et Le Monde.

Le Bien Public est le quotidien qui traite le plus, en volume, de la disparition duchanoine Kir et qui offre la meilleure couverture dans le temps. La visibilité de la nouvelleest relativement importante avec le plus grand nombre de unes et de pleines pages (égalitéavec Les Dépêches). Pour nuancer ce constat, nous pouvons remarquer que plus de lamoitié de ces documents textuels sont très courts (inférieurs à cent mots) et que la plupartd’entre eux ne se trouvent pas dans le premier tiers du journal.

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

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France-Soir a offert à l’événement une couverture relativement faible en quantité eten diversité. Le journal se distingue le jour de la mort du maire de Dijon, dans son édition« Toute dernière spéciale », en publiant une brève en une accompagnée d’une photographieannonçant le décès du chanoine.

Le journal La Croix ne considère pas la mort de Kir comme un événement majeur, maisle quotidien confère à la nouvelle une visibilité correcte avec des documents tous dans lepremier tiers du journal, dont deux en page une (dans deux éditions différentes).

Les Dépêches offre à la disparition du maire de Dijon une très large couverture, quise rapproche du Bien Public. Le journal dijonnais se distingue avec un nombre importantde photographies, de documents en une et de pleines pages. Toutefois, le traitementmédiatique est inégal dans le temps.

Le Figaro est le titre parisien qui revient le plus sur Kir de manière quantitative, mêmesi sa couverture reste modeste. Le traitement médiatique du journal de droite se distingueavec une très bonne couverture dans l’espace et un bon degré d’ouverture.

L’Humanité, en revanche, est le titre de notre corpus qui s’intéresse le moins au décèsdu chanoine. Deux documents seulement en parlent, sans photographie ni retranscriptionde déclarations officielles. On peut toutefois remarquer que les deux documents en questionont l’avantage de ne pas être trop court.

Le Monde ne s’intéresse que partiellement à la mort du chanoine. Un nombre correctde documents (pour un titre parisien), un certain degré d’ouverture et deux annonces en unepour les deux éditions qui parlent de l’événement sont les points forts de la couverture dugrand journal du soir. Mais, cette dernière pâtit d’une absence de documents visuels (unemarque de fabrique du quotidien) et d’une couverture dans le temps relativement faible.

Le Parisien-Libéré mentionne très peu la disparition du chanoine (quatre documents),mais il offre tout de même une visibilité correcte à la nouvelle, grâce à une photographie etdes couvertures dans le temps et dans l’espace plutôt convenables.

Cette première étape dans notre analyse du traitement médiatique de la mort duchanoine Kir par huit titres de presse tend à nous prouver la pertinence du clivagegéographique. Le clivage sur le type de presse est, quant à lui, très faiblement misen lumière. Le Monde et Le Figaro se distinguent de leurs homologues parisiens avec uneutilisation du commentaire et un degré d’ouverture supérieures. Mais est-ce bien suffisantpour parler d’un clivage presse populaire/presse élitiste ? Rien n’est moins sûr. Concernantle clivage politique, aucun de nos tableaux précédents tendent à montrer l’existence d’unecouverture de droite et d’une couverture de gauche. Les doutes que nous émettions enintroduction sur l’intérêt réel de ce clivage se trouvent confirmés.

Cependant, notre analyse est loin de s’achever. Nous allons maintenant nous intéresserau fond et non plus à la forme du traitement par la presse de la mort du chanoine Kir.

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CHAPITRE 2 : LE CONTENU DU TRAITEMENT MEDIATIQUE DE LA MORT DU CHANOINE KIR

SAUVAGE Maxime - 2011 37

CHAPITRE 2 : LE CONTENU DUTRAITEMENT MEDIATIQUE DE LA MORTDU CHANOINE KIR

IntroductionAprès nous être intéressés à l’importance qu’accorde chaque journal à la disparition duchanoine Kir, nous allons analyser le contenu de chacune des couvertures. Ce faisant, nouspourrons étudier ce que les huit titres de notre corpus donnent à lire à leurs lecteurs sur lesujet. Vont-ils seulement se cantonner à une annonce de sa mort et de ses funérailles, ouvont-ils revenir sur son très long parcours ? A qui vont-ils donner la parole pour parler dumaire de Dijon ? Quelles représentations ont-ils du chanoine ? Par quelles images vont-ilsillustrer leurs documents ?

En répondant à ces différentes questions, nous allons pouvoir nous faire une idéeprécise des représentations que chaque journal associe au chanoine Kir. Ce sera alors lapremière étape (qui se terminera dans le chapitre suivant) de notre analyse qui vise à mettreà jour les mémoires du chanoine élaborées par chaque quotidien.

Voilà comment nous allons procéder dans ce chapitre : nous comparerons d’abordles thèmes abordés par les documents relevés dans chaque journal, en répondant à laquestion « de quoi parle-t-on ? ». Puis, nous nous attacherons à répondre à la question« de qui parle-t-on ? » dans le but de révéler les imaginaires liés au chanoine. La troisièmequestion de ce chapitre sera « qui montre-t-on ? » pour compléter notre analyse de lamémoire que chaque journal a du défunt.

2.1 THEMES DES DOCUMENTS RELATIFS A LA MORTDE KIR

Nous allons commencer à analyser le contenu du traitement médiatique accordé par chaquejournal à l’événement par une étude des thèmes principaux des documents écrits relatifs à lamort du chanoine Kir. Nous avons relevé quarante thèmes parmi les cent-trente documentstextuels. Il faut préciser que nous avons fait le choix de réduire chaque document à un thèmeparticulier. Certains textes évoquent plusieurs sujets, mais nous nous sommes focalisésseulement sur leur thème principal en écartant les sujets secondaires.

Ces quarante thèmes se divisent en trois types : les thèmes informatifs, les thèmesanalytiques et les déclarations. Les thèmes informatifs (thèmes 1 à 21) correspondent aux

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documents écrits qui portent sur des informations factuelles. On y retrouve entre autres lesarticles relatifs aux circonstances de la mort du chanoine Kir, à ses funérailles ou encore àl’annulation des réceptions prévues à l’hôtel de ville de Dijon.

Les thèmes analytiques (thèmes 22 à 34) vont plus loin que la simple diffusiond’informations factuelles. En revenant sur la vie du chanoine lui-même, ils correspondent àdes analyses de son parcours et de son œuvre. A travers eux, nous pouvons commencerà entrevoir les représentations que chaque quotidien a du personnage.

Les thèmes 35 à 40 correspondent aux déclarations et communiqués officielsréagissant à la mort du maire de Dijon. A qui les journaux vont-ils donner la parole pourparler de l’événement ?

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CHAPITRE 2 : LE CONTENU DU TRAITEMENT MEDIATIQUE DE LA MORT DU CHANOINE KIR

SAUVAGE Maxime - 2011 39

Tableau 14: Thèmes principaux des documents écrits relatifs à la mort de Kir par journalThème BP FS LC LD LF LH LM PL Total1. Annonce dudécès

/ / 1 / 1 / 1 3

2. Circonstancesde la mort

2 1 / 1 1 / / / 5

3. Corps deKir exposé à lamairie

/ / / 1 / / / / 1

4. Défilé depersonnalités et/ou d'anonymesdevant ladépouillemortelle

4 1 / 3 / / 1 / 9

5. Hommagesvenant dumonde entier

/ / 1 1 / / / / 2

6. Adieu de sesproches

/ / / 1 / / / / 1

7. Annonce etprogramme desfunérailles

4 1 1 2 2 / 1 1 12

8. Honneursmilitairesaccordés pourles obsèques

1 / / 1 / / / / 2

9. Compte-rendudes funérailles

2 1 / 1 1 1 1 1 8

10. Le cortègefunèbre et lafoule

1 / / / / / / / 1

11. Messecélébrée à lacathédrale deDijon

1 / / / / / / / 1

12. Elogefunèbre

1 / / 1 / / / / 2

13. Présence del'ambassadeurd'URSS auxobsèques

1 / / 1 / / / / 2

14. Présence depersonnalitésaux obsèques

2 / / 1 / / / / 3

15. Kir enterrédans son villagenatal

1 / / 2 / / / / 3

16. Fermeturedes classes lelundi

1 / / 1 / / / / 2

17. Changementde salle pour lesmariages à lamairie

/ / / 1 / / / / 1

18. Annulationdes réceptionsprévues à lamairie

1 / / 1 / / / / 2

19. Annulationdes expositionsprévues à lamairie

1 / / / / / / / 1

20. Mesuresspécialesconcernant lacirculation

1 / / 1 / / / / 2

21. Electioncomplémentairepour deuxconseillersmunicipaux

1 / / / / / / / 1

Sous-total 25 4 3 20 5 1 4 2 6422. Vie de Kir 1 1 1 2 1 1 1 1 923. Kir enfant / / / 1 / / / / 124. Kir hommed'Eglise

/ / / 2 / / / / 2

25. Kir soldat / / / 1 / / / / 126. Kirjournaliste

/ / / 1 / / / / 1

27. Kir résistant 1 / / 2 / / / / 328. Kir maire 1 / / 2 / / / / 329. Kir apôtredes jumelages

/ / / 1 / / / / 1

30. Kirbourguignon

1 / / 1 / / / / 2

31. Kirl'anticonformiste

/ / / 1 / / / / 1

32. Kir hérosd'imagesd'Epinal

/ / / 1 / / / / 1

33. Décorationsdu chanoine

/ / / 1 / / / / 1

34. Citation dansl'Ordre de laLégion d'honneur

1 / / 1 / / / / 2

Sous-total 5 1 1 17 1 1 1 1 2835. Réactionsd'hommespolitiques

8 / 1 6 3 / 2 / 20

36. Réactionsde personnalitésreligieuses

1 / / 1 / / / / 2

37. Réactionsd'anonymes

13 / / / / / / / 13

38. Hommage dela radio et de latélévision

/ / / 1 / / / / 1

39. Réactionsdes partispolitiques

/ / / 1 / / / / 1

40. Communiquédes ancienscombattants

1 / / / / / / / 1

Sous-total 23 0 1 9 3 0 2 0 38Total 53 5 5 46 9 2 7 3 130

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40 SAUVAGE Maxime - 2011

(Source : calculs de l’auteur)

2.1.1 Les informations factuellesCes tableaux50 nous rappellent nos conclusions tirées de l’analyse des tableaux 6 et 6’.Quasiment la majorité des documents textuels relatifs à la mort du chanoine Kir ont desthèmes informatifs, ce qui signifie qu’un document écrit sur deux, traitant de la mort du mairede Dijon, rapporte des faits bruts.

Les quatre thèmes les plus abordés sont, dans l’ordre décroissant, l’annonce et leprogramme des funérailles (thème 7), suivi du défilé d’anonymes et de personnalités devantla dépouille de Kir à l’hôpital puis à la mairie (thème 4), puis le compte-rendu des funérailles(thème 9) et la mort même du chanoine (thèmes 1 et 2 ). La présence importante desthèmes 1, 2,7 et 9 n’est pas surprenante. Il est traditionnel pour la presse, lors de ladisparition d’une personnalité, d’annoncer tout d’abord sa mort, puis ses obsèques, avantde revenir sur le déroulement des funérailles. Ce sont les trois étapes incontournables dutraitement médiatique pour ce genre de sujet. Il est notable de constater que ce sont les deuxjournaux qui couvrent le moins l’événement, à savoir L’Humanité et Le Parisien-Libéré, quine respectent pas ce schéma. La Croix est aussi concernée par ce constat, en ne revenantpas sur le déroulement des funérailles de Kir dans son édition datée du 30 avril. Parmi lesquatre thèmes informatifs les plus populaires, il est curieux de trouver celui portant sur ledéfilé d’anonymes et de personnalités devant la dépouille mortelle de Kir. Cela s’expliquepar la présence de nombreux documents sur ce thème dans la presse locale. En effet,Le Bien Public et Les Dépêches reviennent dans les éditions du 27, 28 et 29 avril sur laprésence nombreuse de visiteurs qui rendent un dernier hommage au corps du chanoineexposé d’abord dans une chapelle ardente à l’hôpital de Dijon puis dans une salle de l’hôtelde ville.

Bien qu’en valeur relative les deux quotidiens dijonnais traitent moins de l’événementpar des informations factuelles, en valeur absolue, ce n’est évidemment pas le cas. Pourne pas changer, leur couverture de la disparition du chanoine se distingue très nettementde celle de leurs homologues parisiens. Tous les thèmes informatifs de notre relevé sontabordés par au moins un des deux titres dijonnais, à l’exception du thème 1, mais celas’explique par le fait que ce thème se retrouve, de manière sous-jacente, dans leursnombreux autres documents textuels. Quinze des vingt-et-un thèmes informatifs sont,quant à eux, uniquement présents dans Le Bien Public et Les Dépêches. Ils concernentprincipalement les funérailles en apportant des précisions sur leur déroulement (thèmes 10à 15) et sur des conséquences locales liées à la mort de Kir (thèmes 16 à 21). Encoreune fois, en leur qualité de journaux locaux, Le Bien Public et Les Dépêches sont plusdirectement concernés par l’événement. Leur intérêt pour ce dernier est donc évidemmenttrès important. Et il est de leur devoir d’informer la population dijonnaise des mesuresprovisoires et exceptionnelles qui ont été prises par les autorités en réaction à la disparitiondu chanoine. Les tableaux 8 et 8’ avaient permis de mettre en lumière une différencemajeure dans le traitement de l’événement entre les deux journaux dijonnais. Les Dépêchesavaient bien plus couvert l’événement au moment même de la mort de Kir qu’au momentde ses funérailles, alors que Le Bien Public avait couvert l’événement de manière plusrégulière. Ce constat se retrouve dans le tableau 14. On retrouve plus d’informationsfactuelles relatives au décès même du chanoine et à l’exposition de son corps au publicdans Les Dépêches que dans Le Bien Public, mais concernant les informations directement

50 Le tableau 14’ se trouve en Annexes

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CHAPITRE 2 : LE CONTENU DU TRAITEMENT MEDIATIQUE DE LA MORT DU CHANOINE KIR

SAUVAGE Maxime - 2011 41

ou indirectement liées aux funérailles, le traitement médiatique du second journal dépassecelui du premier.

Passons maintenant à l’analyse des documents analytiques.

2.1.2 Les informations analytiquesEn nous penchant sur les thèmes des documents analytiques, nous allons pour la premièrefois dans ce travail, mais encore de manière très partielle, pouvoir nous faire une idée desreprésentations que les huit journaux sélectionnés associent au chanoine Kir.

De manière générale, environ un document sur cinq est un document qui revient sur lavie et l’œuvre du chanoine Kir. Les six journaux nationaux ont le point commun de n’aborderl’événement sous l’angle analytique qu’une seule fois chacun, dans un portrait général dumaire de Dijon. Par conséquent, ce n’est pas dans cette sous-partie, mais plus tard dansnotre étude, que nous analyserons les représentations associées au chanoine Kir par lesquotidiens parisiens.

Les deux journaux dijonnais ne se cantonnent pas à un seul portrait général de Kir, enrevenant dans certains documents sur des moments précis de la vie du chanoine. Il convientcependant de préciser que les quatre documents concernés du Bien Public (autre que leportrait général) se retrouvent à l’identique dans Les Dépêches. Nous parlons de la citationdans l’Ordre de la légion d’Honneur et trois témoignages écrits par des proches du chanoineKir exclusivement pour les deux titres locaux. Le portrait du résistant Kir est l’œuvre de JeanMairey, ancien grand résistant et commissaire de la République à Dijon. Le portrait sur lemaire Kir est écrit par le docteur Jean Veillet, premier adjoint du chanoine et président duConseil général de Côte d’Or. Enfin, le portrait sur le tempérament bourguignon de Kir estrédigé par François Japiot, conseiller municipal de Dijon et ancien député de Côte d’Or.

Les Dépêches sont donc le seul titre qui fait l’effort de revenir de manière minutieusesur de nombreuses facettes du chanoine Kir. En effet, Les Dépêches, à travers plusieurspetits portraits, décomposent et reviennent sur l’ensemble de la longue vie du chanoine.On retrouve toutes les grandes étapes de la vie de Félix Kir que nous avons présentéesen introduction : son enfance, sa carrière ecclésiastique, son expérience de soldat, sonpassé de journaliste, son œuvre de résistant, ses mandats politiques, sa passion pour lesjumelages et sa personnalité pittoresque. Le journal de gauche dijonnais énumère aussitoutes les décorations du chanoine et publie sa citation dans l’Ordre de la Légion d’honneur.Le Bien Public, quant à lui et seulement à travers trois témoignages et une citation officielle,s’attarde seulement sur quatre facettes du chanoine : le résistant, le maire, le Bourguignonet le héros décoré.

Se concentrer sur le thème des documents analytiques est donc finalement peuintéressant et par conséquent faiblement pertinent pour appréhender les représentationsassociées au chanoine par chaque journal. Nous devrons attendre de nous plonger plusprécisément dans le corps de chaque document pour pouvoir mettre en lumière les différentsimaginaires associés à Kir.

Intéressons nous désormais aux déclarations et réactions officielles concernant ladisparition du chanoine Kir.

2.1.3 Les réactions

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

42 SAUVAGE Maxime - 2011

Comme nous pouvons le remarquer, trois documents sur dix relatifs à la mort du chanoineKir sont des propos rapportés. Il y a donc plus de déclarations et communiqués officiels quede documents qui reviennent sur la vie du maire de Dijon.

Comme il a déjà été dit dans le premier chapitre, Le Bien Public se démarque desautres quotidiens avec un nombre très important de documents textuels dont l’origine estextérieure à la rédaction, et les trois titres populaires se distinguent par une absence, dansleur traitement de l’événement, de déclarations officielles.

Ces précisions faites, nous pouvons maintenant nous attacher à l’étude de cesréactions. Dans un premier temps, nous porterons notre regard sur les auteurs des réactionspour savoir qui a le droit à la parole pour s’exprimer sur la mort du chanoine Kir. Puis, nousanalyserons le contenu de chaque réaction, afin de connaître le jugement de chaque auteursur le maire de Dijon.

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CHAPITRE 2 : LE CONTENU DU TRAITEMENT MEDIATIQUE DE LA MORT DU CHANOINE KIR

SAUVAGE Maxime - 2011 43

Tableau 15: Auteurs des réactions relatives à la mort de Kir par journalAuteur BP FS LC LD LF LH LM PL Total

RobertPoujade

1 / 1* 1 1 / 1 / 5

JacquesChaban-Delmas

1 / 1* / 1 / 1 / 4

GastonGérard

1 / / / 1 / / / 2

FrançoisMitterrand

1 / / 1 / / / / 2

Pierre-JeanMoatti

2 / / 2 / / / / 4

Partispolitiques**

/ / / 1 / / / / 1

Mgr Andréde laBrousse

1 / / 1 / / / / 2

Personnalitésfrançaises

Sous-total 7 0 2 6 3 0 2 0 19ValerianZorine

/ / / 1 / / / / 1

Jakob Fuchs 1 / / 1*** / / / / 2Fritz Duppré 1 / / 1*** / / / / 2

Personnalitésétrangères

Sous-total 2 0 0 3 0 0 0 0 5Radio ettélévisionfrançaise

/ / / 1 / / / / 1

Ancienscombattantset victimesde guerre

1 / / / / / / / 1

Divers

Sous-total 1 0 0 1 0 0 0 0 2Unresponsablesyndical

1 / / / / / / / 1

Un garçonde café

1 / / / / / / / 1

Unepersonneâgée

1 / / / / / / / 1

Un employémunicipal

1 / / / / / / / 1

Un pêcheurdijonnais

1 / / / / / / / 1

Un prêtre 1 / / / / / / / 1Un préposédes P.T.T.

1 / / / / / / / 1

UnMarseillaisde passageà Dijon

1 / / / / / / / 1

Un agent depolice

1 / / / / / / / 1

Un chauffeurde taxi

1 / / / / / / / 1

Une vieilleDijonnaise

1 / / / / / / / 1

UnsecrétairehonoraireF.O.

1 / / / / / / / 1

Unmarchandde journaux

1 / / / / / / / 1

Anonymes

Sous-total 13 0 0 0 0 0 0 0 13Total 23 0 2 10 3 0 2 0 39

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

44 SAUVAGE Maxime - 2011

(Source : calculs de l’auteur)* Ces deux déclarations sont combinées en un seul document** Les partis politiques en question sont le Centre national des indépendants et le Parti

communiste français.*** Ces deux déclarations sont combinées en un seul documentAvant de commenter ce tableau, nous allons brièvement présenter les personnalités

françaises et étrangères de ce tableau. Robert Poujade est à l’époque secrétaire général del’Union des démocrates pour la Ve République. Il avait enlevé un an plus tôt au chanoine Kirses sièges de député et conseiller général. Jacques Chaban-Delmas était le président del’Assemblée nationale. Gaston Gérard a été le maire de Dijon de 1919 à 1935 et député deCôte d’Or de 1928 à 1932 et de 1936 à 1940. François Mitterrand est alors le président duConseil général de la Nièvre et ancien candidat à l’élection présidentielle de 1965 (avec lesoutien du chanoine Kir). Pierre-Jean Moatti est à ce moment préfet de Bourgogne. ValerianZorine avait la fonction d’ambassadeur d’URSS à Paris. Jakob Fuchs était le maire deMayence, ville avec laquelle le chanoine Kir avait jumelé Dijon. Fritz Duppré est à l’époqueministre-président de Rhénanie-Palatinat, Land allemand avec lequel Kir avait multiplié lespartenariats. Mgr André de la Brousse était, quant à lui, évêque de Dijon.

Commençons tout d’abord par analyser la partie du tableau sur les personnalitésfrançaises. Les cinq titres qui incluent dans leurs colonnes des réactions de personnalitésreprennent tous la déclaration de Robert Poujade. Visiblement, le tombeur de Kir lors desélections législatives et cantonales de 1967 est celui dont la réaction est la plus attendue(La Croix ne reprend que cette déclaration d’ailleurs). Par ses récents succès qui mettentfin au règne incontesté de Kir depuis 1945, sa parole a une valeur unique, celle de l’héritierillégitime qui tue le père.

Le clivage politique peut pour une fois se retrouver à deux endroits, avec la présencede la déclaration de Gaston Gérard (figure historique de la droite dijonnaise à la réputationnationale) uniquement dans les pages du Bien Public et du Figaro, deux quotidiensclairement positionnés à droite ; et avec l’absence de la déclaration de ce même hommedans Les Dépêches (alors que c’est un ancien maire de Dijon et un opposant politique duchanoine), ainsi que de celle du président gaulliste de l’Assemblée nationale. Le journal degauche dijonnais est le seul quotidien incluant des déclarations qui ne cite pas Chaban-Delmas.

En revanche, le clivage presse parisienne/dijonnaise se révèle être encore une foispertinent. En raison de leur nature locale, Le Bien Public et Les Dépêches sont les seulsjournaux à reprendre les déclarations de François Mitterrand (une figure politique nationalemais aussi bourguignonne), du préfet de Bourgogne et de l’évêque de Dijon.

Ce clivage se retrouve aussi concernant les personnalités étrangères. On netrouve de réactions de personnalités étrangères que dans la presse locale. Il s’agitd’hommes politiques allemands qui connaissaient bien le chanoine Kir pour avoir collaboréponctuellement avec lui et qui allaient faire le déplacement pour assister à ses funérailles.Les Dépêches se distinguent du Bien Public en reprenant la déclaration de l’ambassadeurd’URSS qui avait fréquenté le maire de Dijon à l’époque de son amitié avec Khrouchtchev. Ladécision du Bien Public de passer sous silence cette déclaration est-elle un choix politique ?Il est difficile de le dire, mais c’est envisageable.

Le journal du baron Thénard sort du lot des journaux de notre corpus en étant le seultitre à donner la parole à des anonymes pour commenter la disparition du chanoine Kir.

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SAUVAGE Maxime - 2011 45

Ces anonymes, au nombre de treize, sont principalement des Dijonnais, qui pour certainsavaient rencontré Kir. Le Bien Public les qualifie en fonction de leur âge, de leur activitéprofessionnelle ou non, ou de leur lieu d’habitation. On peut imaginer que l’absence de petitsportraits, comparé aux pages des Dépêches, est un choix de la rédaction du Bien Public quia préféré donner aux petites gens de Dijon la possibilité de parler de « leur chanoine ».

Etudions maintenant la teneur de ces différentes réactions. Les journaux ont-ils faitle choix de publier des réactions élogieuses sur le chanoine ou bien des réactions plusmitigées ?

Pour répondre à cette question, la présence d’un tableau sera inutile. En effet, toutesles réactions rapportées dans les journaux étudiés sont très favorables à la personne duchanoine. Il est classique dans la presse, quand une personnalité disparaît, de ne citer dansun premier temps que des propos positifs à son égard. Puis vient le temps de l’analyse,qui succède au temps de l’émotion, et à ce moment, la réalité complexe du personnage estplus à même d’apparaître. Dans le cas de Kir, la couverture médiatique est très courte. Tropcourte pour revenir sur l’homme en mettant de côte l’émotion suscitée par son décès.

Tout juste peut-on noter quelques petites inflexions moins positives dans certainesdéclarations. Gaston Gérard déclarait : « Chacun sait qu’il n’y avait pas d’amitié entrenous51 ». Robert Poujade disait : « Nous nous étions opposés certes sur bien despoints… »52. Dans la déclaration de Jacques Chaban-Delmas, l’hommage est aussi trèsfort, mais il n’est pas loin d’être à double-sens : « En dépit, et peut-être à cause desingularités qui lui étaient bien personnelles, le chanoine Kir demeurera une figure de la vieparlementaire53 ».

Les treize déclarations d’anonymes respectent le même schéma hagiographique. Pourle responsable syndical, « c’était un homme brave54 » ; pour le pêcheur, le chanoine « c’étaitquelqu’un et pour tout le monde55 » ; le préposé des P.T.T. parlait lui de « grand monsieur56 ».

Il est temps désormais de nous intéresser aux noms et expressions utilisés par la pressepour désigner le chanoine Kir.

2.2 ANALYSE LEXICALE DES DENOMMINATIONSDESIGNANT KIR

Nous allons maintenant procéder à une analyse des termes utilisés par la presse pourdésigner le chanoine Kir. Nous partons de l’hypothèse que les journalistes, en rédigeantleurs papiers sur la mort du chanoine Kir et en désignant le défunt d’une manière ou d’uneautre, laissent transparaître volontairement ou non leur(s) représentation(s) du maire de

51 Le Bien Public, édition du 26 avril 1968, p.18 ou Le Figaro, édition du 26 avril 1968, p. 752 Le Bien Public, op. cit. ou La Croix, édition datée du 27 avril 1968, p.4 ou Les Dépêches, édition du 26 avril 1968, p.5 ou

Le Figaro, op. cit.ou Le Monde, édition datée du 27 avril 1968, p. 853 Le Bien Public, op. cit. ou Le Figaro, op. cit. ou Le Monde, op. cit.54 Le Bien Public, op. cit55 ibidem56 ibidem

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

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Dijon. Cela concerne tant les portraits généraux sur la vie du chanoine que les comptes-rendus brefs des funérailles par exemple. Nous avons toutefois fait le choix de limiter notrerelevé des désignations relatives à Kir aux documents textuels de source interne. Ici, cesont les propos des journalistes qui nous intéressent et non ceux de personnalités oud’anonymes extérieurs aux rédactions. Nous estimons que chaque journal, quand il décided’inclure des déclarations dans ses colonnes, se focalise plus sur l’identité de leurs auteurset leur tonalité générale (très positive comme nous l’avons constatée) que sur la valeur etla pertinence des termes utilisés pour parler du chanoine Kir.

Notre étude lexicale va s’effectuer en trois temps. Nous allons tout d’abord définirprécisément notre méthodologie, pour ensuite commenter de manière générale les donnéesdes différents tableaux, et enfin analyser journal par journal les résultats mis en évidence.

2.2.1 Méthodologie et angle d’analysePour analyser l’ensemble des termes utilisés par la presse pour désigner le chanoine Kir, etce faisant pour pouvoir mettre en lumière les imaginaires associés au maire de Dijon, nousavons relevé de manière minutieuse tous les noms (propres ou communs) et périphrasesqui renvoient à Kir. Se dégagent alors quatre-vingt-neuf termes que nous avons répartisen douze thèmes. Ces thèmes se rapportent à un modèle type de traitement médiatiqueque nous avons défini. Nous entendons par modèle type, un traitement médiatique quireviendrait sur toutes les principales étapes de la vie du chanoine Kir et sur les principalesfacettes de sa personnalité. Toutefois, nous avons conscience qu’en élaborant un modèle-type, nous ne sommes, nous aussi, pas à l’abri de nous laisser influencer par notre propreimaginaire associé à Kir, qui se serait imposé à nous au fil de notre travail et de nosrecherches. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes efforcés de rendre le moinssubjectif possible ce modèle.

Voici les douze thèmes de notre modèle-type : appellations liées au patronyme Kir(thème 1), origines de Kir (thème 2), enfance de Kir (thème 3), Kir homme d’Eglise (thème 4),Kir polémiste (thème 5), Kir acteur des deux conflits mondiaux (thème 6), Kir maire (thème7), Kir homme politique (thème 8), œuvre politique de Kir (thème 9), personnalité de Kir(thème 10), Kir être vivant (thème 11) et Kir décédé (thème 12).

Le premier thème nous permettra de voir les utilisations faites du patronyme duchanoine par les journalistes. Dans le deuxième thème, nous examinerons les termes quiramènent Kir à ces origines géographiques et familiales. Le troisième thème correspondaux appellations renvoyant à une période très reculée de la vie de Kir, son enfance. Dans lequatrième thème, nous nous intéresserons à toutes les désignations qualifiant Kir à traverssa carrière d’ecclésiastique. Le cinquième thème renvoie au passé de journaliste polémiquequi marque sa vie dans l’entre-deux-guerres. Le sixième thème regroupe tous les termesdésignant le chanoine qui rappelle son expérience de soldat et de résistant et donc de hérosdurant les deux guerres mondiales. Dans le septième thème, nous retrouverons toutes lesappellations du chanoine concernant ses fonctions municipales à Dijon. Le huitième thèmeréunit l’ensemble des termes relatifs à la carrière politique du chanoine (excepté son mandatde maire). Le neuvième thème rassemble toutes les désignations de Kir liées à son œuvred’homme politique. Les trois derniers thèmes se rapportent à toutes les appellations de FélixKir en tant qu’homme : sa personnalité en thème dix, son physique et son âge en avant-dernier thème et sa dépouille en dernier thème.

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SAUVAGE Maxime - 2011 47

Avant de commencer à commenter les tableaux, nous tenons à faire une précision.L’emplacement de certains termes peut surprendre. Par exemple, comment se fait-il que leterme « roi » appartient au thème 7 (Kir en tant que maire) et non aux thèmes 6 ou 10 ?Cela s’explique par le fait que quand il a été utilisé57, c’était pour désigner le chanoine Kiren tant que maire de Dijon.

La précision faite, nous pouvons commencer notre analyse des tableaux suivants.

2.2.2 Tableaux d’ensemble et commentaires généraux

Tableau 16: Thème 1Nombre d'occurrences

En valeur relativeTermes

En valeur absoluepar rapport auxdocuments du thème

par rapport àl'ensemble desthèmes

ChanoineKir (*)

262 (34) 91,6 (11,9) 38,3 (4,9)

abbé Kir 9 3,2 1,3Félix Kir 6 2,1 0,9Père Kir 5 1,7 0,7Kir 3 1,1 0,4Félix 1 0,3 0,1Total 286 100 41,7

(Source : calculs de l’auteur)* nombre de fois où le qualificatif « chanoine » n’est pas associé à Kir. Nous estimons

que l’utilisation du mot chanoine n’a pas pour but premier de rappeler la position de Kirdans la hiérarchie de l’Eglise catholique, mais qu’elle est plutôt un raccourci de la formulegénérique « chanoine Kir ».

Le tableau 25 nous apprend que la presse, quand elle désigne le maire de Dijon parson patronyme, utilise très majoritairement l’appellation « chanoine Kir ». Cette fonctionecclésiastique est devenue indissociable de Kir. Plus d’un tiers des désignations (38,3%)de notre relevé prennent cette forme. Kir est né publiquement en tant que chanoine, etdisparaît de la même façon, quitte à en perdre son prénom. En effet, le patronyme completdu chanoine est utilisé très rarement (généralement en début de portrait). Personne neconnaît Félix Kir, tout le monde connaît le chanoine Kir.

57 France-Soir, édition datée du 27 avril 1968, p. 9

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Tableau 17: Thème 2Nombre d'occurrences

En valeur relativeTermes

En valeur absoluepar rapport auxdocuments duthème

par rapport àl'ensemble desthèmes

Bourguignon 4 80 0,5fils decheminot

1 10 0,1

Total 5 100 0,7

(Source : calculs de l’auteur)Nous constatons que les origines sociales et géographiques sont très peu utilisées par

les journalistes pour parler du chanoine Kir. Moins de 1% des termes désignant le chanoinefait référence à sa région natale où à la profession de son père. Faut-il en conclure que lesracines du maire de Dijon intéressent peu les rédactions au moment de sa mort ? Seule notreanalyse minutieuse des portraits dans le chapitre trois pourra nous apporter une réponseclaire.

Tableau 18: Thème 3Nombre d'occurrences

En valeur relativeTermes

En valeur absoluepar rapport auxdocuments du thème

par rapport àl'ensemble desthèmes

élève 3 75 0,4séminariste 1 25 0,1Total 4 100 0,6

(Source : calculs de l’auteur)Dans la même veine que les résultats du tableau 26, nous notons que les termes faisant

référence à l’enfance du chanoine Kir sont extrêmement rares pour qualifier ce dernier.L’enfant Kir n’est pas une des images principales que les journalistes ont de Kir.

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Tableau 19: Thème 4Nombre d'occurrences

En valeur relativeTermes

En valeur absoluepar rapport auxdocuments du thème

par rapport à l'ensembledes thèmes

prêtre 11 36,7 1,6curé 7 23,3 1vicaire 6 20,2 0,9curé-doyen 2 6,6 0,3chanoine-honoraire

1 3,3 0,1

directeurdes œuvresd'hommes

1 3,3 0,1

ecclésiastique 1 3,3 0,1prédicateur 1 3,3 0,1Total 30 100 4,4

(Source : calculs de l’auteur)A la lumière de ce tableau, nous retrouvons toutes les fonctions exercées par Kir

homme d’Eglise. Cependant, aucune n’est utilisée régulièrement par les journalistes. Cen’est pas surprenant. L’appellation « chanoine Kir », avec laquelle le maire de Dijon s’estfait connaître, a perdu son sens premier de référence à une fonction religieuse, tout en lerappelant indirectement en permanence. Parler de Kir en employant le terme « chanoine »n’avait pas le but premier de rappeler sa place dans la hiérarchie catholique, mais ladimension religieuse de l’homme politique était indubitablement toujours là.

Tableau 20: Thème 5Nombre d'occurrences

En valeur relativeTermes

En valeur absolue par rapport aux documents

du thèmepar rapport à l'ensembledes thèmes

conférencier 4 40 0,5rédacteur en chef 3 30 0,4journaliste 2 20 0,3polémiste 1 10 0,1Total 10 100 1,4

(Source : calculs de l’auteur)Le passé de journaliste polémique est quasiment passé sous silence quand il s’agit

de désigner Kir par un des termes de ce thème. Visiblement parler de Kir en tant quejournaliste ou polémiste ne correspond pas aux représentations communes associées auchanoine. Les positions parfois extrêmes du journaliste Kir sont-elles à l’origine de cetteconstatation ? Il est vraisemblable que certaines rédactions, notamment celles couvrantle moins la disparition du chanoine, ont fait le choix de passer sous silence cette partiecomplexe de la vie de Kir

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Tableau 21: Thème 6Nombre d'occurrences

En valeur relativeTermes

En valeur absoluepar rapport auxdocuments duthème

par rapport àl'ensemble desthèmes

résistant 15 35,6 2,3titulaire denombreusesdécorations

7 16,6 1

patriote 5 11,7 0,7commandeurde la Légiond'honneur

2 4,8 0,3

héros 2 4,8 0,3infirmier 2 4,8 0,3lion 2 4,8 0,3combattant 1 2,4 0,1curé-poilu 1 2,4 0,1déléguémunicipal

1 2,4 0,1

grandFrançais

1 2,4 0,1

homme du16 juin

1 2,4 0,1

symbole 1 2,4 0,1Tartarin 1 2,4 0,1Total 42 100 6,1

(Source : calculs de l’auteur)Alors que les occupations de Kir entre les deux conflits mondiaux sont très peu

employées pour désigner Kir, ses activités durant ces deux événements se retrouvent demanière plus importante dans les appellations utilisées pour parler du maire de Dijon. Lemot résistant est relevé quinze fois, ce qui correspond à une moyenne d’environ deuxoccurrences par quotidien. Six appellations sur cent font référence au passé glorieux de Kir.On retrouve quatorze termes rappelant les actions courageuses du chanoine. Visiblement,le combattant Kir est plus présent dans l’imaginaire des journalistes que le polémiste Kir.

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Tableau 22: Thème 7Nombre d'occurrences

En valeur relativeTermes

En valeur absoluepar rapport auxdocuments duthème

par rapport àl'ensemble desthèmes

maire 98 87,6 14,3administrateur 4 3,6 0,5patron 3 2,8 0,4premiermagistrat

3 2,8 0,4

doyen d'âgedu conseilmunicipal

1 0,8 0,1

maître 1 0,8 0,1roi 1 0,8 0,1serviteur 1 0,8 0,1Total 112 100 16,4

(Source : calculs de l’auteur)Un des représentations les plus populaires associées au chanoine est sa fonction de

maire. C’est une des caractéristiques majeures que retiennent les journalistes de Kir. Si leterme générique de « maire » est le plus récurrent, la présence de mots tels que « patron »,« maître » ou « roi » fait indirectement référence à une facette ambigüe du personnage, àsavoir son autoritarisme.

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52 SAUVAGE Maxime - 2011

Tableau 23: Thème 8Nombre d'occurrences

En valeur relativeTermes

En valeur absolue par rapport aux documents

du thèmepar rapport à l'ensemble desthèmes

député 22 32,3 3,2doyen del'Assembléenationale

18 26,4 2,6

conseillergénéral

9 13,2 1,3

indépendant 4 5,9 0,5hommepolitique

4 5,9 0,5

candidat 3 4,4 0,4doyen duConseilgénéral

2 2,9 0,3

Anti-gaulliste 1 1,5 0,1fondateur dugroupe desindépendants

1 1,5 0,1

parlementaire 1 1,5 0,1premier vice-présidentdu Conseilgénéral

1 1,5 0,1

secrétaire dela Commissiondes Affairesculturelles,familiales etsociales

1 1,5 0,1

secrétaire dela Commissionde l'Educationnationale

1 1,5 0,1

Total 68 100 9,9

(Source : calculs de l’auteur)En ce qui concerne sa carrière politique hors son mandat de maire, le chanoine Kir est

avant tout vu comme un député, mais aussi comme le doyen de l’Assemblée nationale. C’estdeux fonctions sont celles qui lui permis d’avoir une envergure et une réputation nationales.Il n’est donc pas étonnant de constater que ce sont les deux termes relatifs à sa carrièrepolitique le plus utilisés pour le désigner. Bien qu’ayant était député et conseiller généralle même nombre d’années par exemple, c’est le premier mandat qui a marqué les esprits.C’est donc plus souvent en député qu’en conseiller général que les journalistes vont sereprésenter Kir.

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CHAPITRE 2 : LE CONTENU DU TRAITEMENT MEDIATIQUE DE LA MORT DU CHANOINE KIR

SAUVAGE Maxime - 2011 53

Tableau 24: Thème 9Nombre d'occurrences

En valeur relativeTermes

En valeur absolue par rapport aux

documents du thèmepar rapport à l'ensembledes thèmes

apôtre/artisan/pionnierde la paix

4 28,6 0,5

président de laFédération mondialedes villes jumelées

3 21,5 0,4

artisan durapprochement franco-allemand

2 14,3 0,3

apôtre/artisan desjumelages

2 14,3 0,3

défenseur desjumelages, de l'amitiéinternationale et de lapaix

1 7,1 0,1

partisan durapprochement entreles peuples

1 7,1 0,1

partisan durapprochement franco-soviétique

1 7,1 0,1

Total 14 100 2,1

(Source : calculs de l’auteur)L’œuvre politique du chanoine se retrouve peu dans l’imaginaire associé à Kir. Nous

sommes frappés par l’absence de référence à des réalisations concrètes, déjà d’un pointde vue local, en tant que maire de Dijon, mais aussi d’un point de vue national, en tant quedéputé dans les désignations du chanoine. Preuve que le chanoine n’a laissé qu’un trèsfaible héritage en tant qu’homme politique ? Sans aucun doute.

En revanche, les journalistes associent le chanoine à des représentations trèsélogieuses, en lien avec ses engagements internationaux. Ces engagements lui ont permisd’acquérir une notoriété internationale, et bien qu’ils n’aient débouché sur aucune réalisationconcrète (hormis des jumelages), ils ont marqué les esprits. Toutefois, il faut garder àl’esprit que ces appellations représentent un pourcentage très faible de la totalité des termesrelevés.

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54 SAUVAGE Maxime - 2011

Tableau 25: Thème 10Nombre d'occurrences

En valeur relativeTermes

En valeurabsolue par rapport aux documents

du thèmepar rapport à l'ensembledes thèmes

homme 13 22,5 1,9personnage 9 15,6 1,3figure 7 12,2 1personnalité 5 8,6 0,7lutteur 5 8,6 0,7ami 4 6,9 0,5enfant terrible 4 6,9 0,5doctrinaire 2 3,4 0,3image d'Epinal 2 3,4 0,3anticonformiste 1 1,7 0,1célébrité 1 1,7 0,1corsaire 1 1,7 0,1organisateur 1 1,7 0,1personne 1 1,7 0,1tempérament 1 1,7 0,1tribun 1 1,7 0,1Total 58 100 8,4

(Source : calculs de l’auteur)Deux enseignements peuvent être tirés de ce tableau. Tout d’abord, les journalistes

font preuve d’une grande imagination pour parler du chanoine. De « lutteur » à « enfantterrible » en passant par « corsaire », les rédactions rivalisent d’imagination pour désignerle chanoine en fonction de sa personnalité. Mais le terme « homme » est le plus utilisé dece thème. La dualité homme/personnage n’est pas tant au détriment du premier mot. Onaurait pu s’attendre, en raison de la personnalité originale du chanoine, a une avalanched’occurrences de termes comme « personnage » ou « figure » pour désigner Kir, mais cen’est pas le cas. Peut-être est-ce en raison du fait que l’appellation « chanoine Kir » sous-entend forcément ces qualificatifs.

Tableau 26: Thème 11Nombre d'occurrences

En valeur relativeTermes

En valeurabsolue par rapport aux documents du

thèmepar rapport à l'ensemble desthèmes

silhouette 2 40 0,3petit père 1 20 0,1nonagénaire 1 20 0,1vieux chêne 1 20 0,1Total 5 100 0,7

(Source : calculs de l’auteur)Kir était un original par sa personnalité, mais aussi par son extraordinaire longévité

et son allure physique. D’ailleurs concernant cette dernière, Louis Devance estime que :

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SAUVAGE Maxime - 2011 55

« son charisme (celui de Kir) devait peu à son physique58 ». Cependant, à la lecture dece tableau, on constate que les journalistes se réfèrent peu au physique ou à l’âge duchanoine pour le désigner. Il sera intéressant de se pencher sur les documents visuelsaccompagnant les documents textuels afin d’analyser plus précisément les représentationsphysiques associées à Kir. Nous le ferons un peu plus loin dans ce travail. Les référencesau statut de doyen de Kir dans les différents hémicycles où il siégeait peuvent cependantêtre considérées comme des allusions à son âge.

Tableau 27: Thème 12Nombre d'occurrences

En valeur relativeTermes

En valeurabsolue par rapport aux documents du

thèmepar rapport à l'ensemble desthèmes

dépouille 25 48,1 3,6défunt 13 25,1 1,9disparu 10 19,2 1,4mort 2 3,8 0,3malade 2 3,8 0,3Total 52 100 7,6

(Source : calculs de l’auteur)Kir est mort, c’est la raison pour laquelle les journaux en parlent. Il n’est donc pas

étonnant de noter que quasiment 8% des termes désignant Kir font référence à son décès.La présence en première position du mot « dépouille » (ou « dépouille mortelle ») s’expliquepar l’exposition du corps dans une chapelle ardente puis sur un catafalque durant les troisjours séparant la mort du chanoine de ses funérailles.

Tableau 28: les dix termes* les plus utilisésPosition Terme Occurrence Thème d'appartenance1 chanoine Kir 262 12 maire 98 73 député 22 84 doyen de l'Assemblée

nationale18 8

5 résistant 15 66 homme 13 107 prêtre 11 48 abbé Kir 9 1- conseiller général 9 8- personnage 9 10

(Source : calculs de l’auteur)* Les trois termes du thème 12 qui ont leur place dans ce tableau ont été délibérément

écartés. En effet, si les journalistes désignent Kir par des mots relatifs à la mort, c’estuniquement en raison de son décès, mais on peut aisément concevoir que ces termes nesont pas pertinents pour analyser les imaginaires liés au chanoine.

58 DEVANCE Louis, Le Chanoine Kir : l’invention d’une légende, Dijon, Ed. universitaires de Dijon, 2007, Collection Sociétés,p. 182

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56 SAUVAGE Maxime - 2011

Ce tableau est très intéressant, car il nous permet de mettre en lumière lesreprésentations les plus répandues associées au chanoine Kir.

Commençons par parler des thèmes absents, à savoir les thèmes 2, 3, 5, 9 et 11. Unadage historique dit que la mémoire, c’est d’abord oublier. Visiblement, la mémoire socialebâtie par les journalistes tend à oublier les origines de Kir, son enfance, ses activités dejournalistes, son œuvre politique et son apparence. Ils ne trouvent pas pertinent, car necorrespondant pas à leurs représentations du personnage, de désigner Kir en tant qu’ancienpolémiste ou homme politique en action pour prendre ces exemples.

En revanche, le portrait-type, se dégageant d’une étude générale des différents termesdésignant Kir dans l’ensemble du corpus de titres de presse, est le suivant : chanoine Kir,maire de Dijon, député doyen de l’Assemblée, résistant et ecclésiastique. L’homme politiquefait oublier l’homme d’Eglise. Le chanoine courageux prend le pas sur le chanoine polémiste.

Analysons maintenant les représentations associées au chanoine Kir par journal.

2.2.3 Quelles représentations pour quel journal ?De quel Kir chaque journal parle-t-il ? L’imaginaire associé au personnage diffère-t-il selonle quotidien étudié ? Ce qui revient à se demander si les représentations utilisées sontfaçonnées selon la nature du journal. Ce sont à ces questions que nous allons répondredans cette partie. Pour ce faire, nous allons analyser tous les termes utilisés (toujours enécartant les mots du thème 12) par quotidien pour désigner le chanoine Kir. Les relevésdétaillés des huit journaux se trouvent en annexe.

Tableau 29: Occurrences par thème dans Le Bien PublicOccurrenceThèmesEn valeur absolue En valeur relative

1 89 49,82 1 0,53 1 0,54 8 4,55 2 1,16 15 8,47 34 198 15 8,49 2 1,110 12 6,711 0 0Total 179 100

(Source : calculs de l’auteur)Le Bien Public est le journal qui recourt le plus à l’appellation « chanoine Kir » (et

ses dérivés) pour désigner Kir. Quasiment un terme sur deux utilise le patronyme du mairede Dijon. Cela peut être perçu comme un manque d’originalité de la part de la rédactiondu quotidien dijonnais, qui préfère répéter cette dénomination plutôt que de varier lesdésignations. Nous pouvons aussi constater que l’image de « Kir maire » est très présente,avec de nombreuses variations comme « patron » (une fois), « administrateur » (deuxfois) ou « premier magistrat » (deux fois). Suivent les représentations de Kir comme héros

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SAUVAGE Maxime - 2011 57

et comme homme politique. Concernant ce dernier thème, Le Bien Public multiplie lesdifférentes dénominations mettant en lumière toutes les fonctions politiques occupées parKir dans sa carrière. C’est le journal qui détaille le plus ce point, visiblement pour appuyerl’image de Kir comme politicien aguerri. Le journal de la droite dijonnaise aborde tous lesthèmes que nous avons prédéfinis, ce qui va dans le sens du constat fait dans notre premierchapitre sur la couverture exhaustive du journal dijonnais. Seul le thème 11 est mis de côté.Mais, la présence de nombreuses photos dans les pages du quotidien compense l’absencede dénomination relative au physique du chanoine. Tandis que les cinq appellations relevéesfaisant référence au statut de doyen du chanoine dans les assemblées où il siégeaitrappellent aux lecteurs la grande longévité du maire de Dijon.

Tableau 30: Occurrences par thème dans France-SoirOccurrenceThèmesEn valeur absolue En valeur relative

1 19 41,32 0 03 0 04 2 4,45 0 06 1 2,27 10 21,78 7 15,29 0 010 6 1311 1 2,2Total 46 100

(Source : calculs de l’auteur)Comme nous le constaterons pour tous les journaux, les dénominations du chanoine

liées à son patronyme sont les plus récurrentes dans France-Soir. Le quotidien du soirmentionne assez souvent Kir par des désignations relatives à son mandat de maire et àsa carrière politique. France-Soir se distingue par son utilisation de termes provocateurs etoriginaux. Il y a le mot « curé-poilu » qui rappelle l’action du chanoine lors de la PremièreGuerre mondiale et sa fonction ecclésiastique, mais aussi le mot « roi » (une fois) pourqualifier sa fonction de maire, ou celui « d’enfant terrible » (trois fois) pour évoquer sapersonnalité forte. Ces termes piquants sont des classiques de la presse populaire. Il n’estdonc pas surprenant de les retrouver concernant France-Soir. A noter l’absence de termesappartenant à quatre des cinq thèmes les moins associées au chanoine, ce qui n’est pasanormal pour un journal ayant l’habitude de traiter l’information de manière essentiellementsuperficielle.

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58 SAUVAGE Maxime - 2011

Tableau 31: Occurrences par thème dans La CroixOccurrenceThèmesEn valeur absolue En valeur relative

1 11 40,82 0 03 0 04 1 3,75 0 06 1 3,77 7 25,98 4 14,89 0 010 3 11,111 0 0Total 27 100

(Source : calculs de l’auteur)Concernant La Croix, nous sommes frappés par le faible nombre de dénominations

différentes désignant le chanoine Kir, notamment celles liées à sa carrière d’ecclésiastique.Le terme « chanoine » seul ou « abbé Kir » ne sont pas utilisés, et seul le mot « curé » (quin’était pas le terme le plus attendu de la part de La Croix) est employé (une fois) pour faireréférence à Kir. Visiblement pour la rédaction du grand journal catholique, Kir est avant unhomme politique, maire de Dijon.

Tableau 32: Occurrences par thème dans Les DépêchesOccurrenceThèmesEn valeur absolue En valeur relative

1 106 442 2 0,83 3 1,24 15 6,25 5 2,16 20 8,37 39 16,28 14 5,89 6 2,510 29 12,111 2 0,8Total 241 100

(Source : calculs de l’auteur)Les Dépêches sont le seul quotidien qui utilise tous les thèmes a priori incontournables

pour désigner Kir. Le fait, mis en évidence dans le chapitre premier, que le journal dijonnaissoit le titre de presse qui revient le plus grand nombre de fois sur la vie du chanoine seretrouve donc dans ce tableau. La dénomination « chanoine Kir » est bien entendu la plusrécurrente, mais c’est dans ce journal qu’elle fait l’objet du plus grand nombre de variations,comme « abbé Kir » (quatre fois), « Félix Kir » (trois fois) ou « Kir » (une fois). Les référencesà Kir maire de Dijon sont aussi très présentes et le terme « serviteur » (une fois) apporte

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SAUVAGE Maxime - 2011 59

une tonalité très positive à cet imaginaire. L’homme est aussi mis en avant, de manièredétaillée, permettant d’obtenir un tableau représentatif (et non simplement hagiographique)de la personnalité de Kir : « le doctrinaire » (une fois) et « l’enfant terrible » (une fois)est aussi une figure (quatre fois », « un ami » (deux fois), voire « un corsaire » (une fois).Avant l’homme d’Eglise et l’homme politique, Kir est pour Les Dépêches un homme d’actiondans les heures troubles. Bien que très élogieuses de manière générale, les représentationsassociées à Kir que l’on retrouve sont tout de même nuancées : « le résistant » (huit fois),« homme du 16 juin » (une fois) et « lion » de la Seconde Guerre mondiale et « Tartarin »lors de la Première Guerre mondiale. A noter que la tentative des Dépêches de dresser, aufil de ses articles, un portrait minutieux et donc moins laudatif se retrouve avec plusieursréférences au passé de journaliste du chanoine. C’est dans ce journal d’ailleurs que le mot« polémiste » (une fois) est utilisé pour parler de Kir.

Tableau 33: Occurrences par thème dans Le FigaroOccurrenceThèmesEn valeur absolue En valeur relative

1 22 48,9 2 0 03 0 04 3 6,75 1 2,26 2 4,47 7 15,6 8 8 17,8 9 0 0 10 1 2,211 1 2,2Total 45 100

(Source : calculs de l’auteur)Le Figaro a la particularité de développer une mémoire du chanoine essentiellement

axée sur sa carrière politique. « Le maire » (sept fois), « le doyen de l’Assembléenationale » (quatre fois) et « le député » prennent le pas sur tous les autres aspects de la viede Kir. Cependant, l’action politique du maire de Dijon n’est pas utilisée pour désigner Kir.Le grand quotidien de droite se distingue de ses homologues nationaux (avec Le Monde)en étant le seul à employer une dénomination qui se réfère au passé de journaliste duchanoine. Cependant, cette référence est brève et non-connotée. C’est aussi uniquementdans les colonnes du Figaro que nous avons relevé un terme faisant directement référenceà l’âge avancé du chanoine, celui de « nonagénaire » (une fois).

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60 SAUVAGE Maxime - 2011

Tableau 34: Occurrences par thème dans L’HumanitéOccurrenceThèmesEn valeur absolue En valeur relative

1 6 27,3 2 0 03 0 04 0 05 0 06 2 9,1 7 4 18,28 7 31,89 2 9,110 1 4,5 11 0 0 Total 22 100

(Source : calculs de l’auteur)L’Humanité, journal de notre corpus s’intéressant le moins à la disparition de Kir,

est aussi celui qui a recours au plus faible nombre de termes désignant le chanoine Kir.Cependant, ce tableau mérite notre attention. En effet, les représentations associées à Kirsont très connotées. Kir est autant vu comme maire que comme doyen de l’Assembléenationale (quatre occurrences à chaque fois : termes les plus populaires après l’appellation« chanoine Kir »). Pourquoi cette utilisation si importante de l’image du doyen del’Assemblée nationale ? Cela s’explique par l’orientation idéologique même du journal.Le prédécesseur de Kir comme doyen de l’Assemblée nationale était Marcel Cachin,grande figure du communisme français. En décédant en 1958, il permet à Kir d’ouvrir lapremière législature de la nouvelle république. Kir doyen de l’Assemblée nationale, voilàune représentation qui parle aux lecteurs du journal communiste. L’orientation idéologiquedu journal éclaire aussi la présence de l’appellation « partisan du rapprochement franco-soviétique » (une fois). L’Humanité est le seul quotidien qui met en lumière cette facette del’œuvre politique de Kir. Facette qui, encore une fois, parle aux lecteurs du journal.

Tableau 35: Occurrences par thème dans Le MondeOccurrenceThèmesEn valeur absolue En valeur relative

1 19 42,32 1 2,2 3 0 04 1 2,2 5 2 4,4 6 0 07 8 17,8 8 8 17,8 9 3 6,7 10 2 4,4 11 1 2,2 Total 45 100

(Source : calculs de l’auteur)

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CHAPITRE 2 : LE CONTENU DU TRAITEMENT MEDIATIQUE DE LA MORT DU CHANOINE KIR

SAUVAGE Maxime - 2011 61

Le Monde, comme Le Figaro, met en avant la carrière politique du chanoine. Maiscontrairement au journal anciennement dirigé par Pierre Brisson, Le Monde s’efforced’associer Kir à son action politique. C’est le journal qui utilise le plus de termesdifférents pour en parler. En effet, nous avons relevé trois appellations : « président dela Fédération mondiale des villes jumelées » (une fois), « défenseur des jumelages, del'amitié internationale et de la paix » (une fois) et « partisan du rapprochement entre lespeuples » (une fois). Comme il est dit plus haut, Le Monde partage la caractéristique avec LeFigaro d’aborder, même furtivement, le passé journalistique de Kir. Il est toutefois surprenantde constater l’absence de dénominations liées à ses faits de gloire. Cet oubli, nous le verronsdans le dernier chapitre de notre travail, est cependant compensé par plusieurs références(dont une fausse !) au résistant Kir dans le portrait établi par un journaliste de la rédaction.

Tableau 36: Occurrences par thème dans le Parisien-LibéréOccurrenceThèmesEn valeur absolue En valeur relative

1 14 48,4 2 1 3,4 3 0 0 4 0 0 5 0 0 6 1 3,47 3 10,38 5 17,29 1 3,4 10 4 13,9 11 0 0 Total 29 100

Le Parisien-Libéré est le seul journal qui désigne directement Kir par ses originessociales : « fils de cheminot ». Cela peut s’expliquer par le type de lectorat du journalparisien, constitué majoritairement de personnes appartenant aux classes populaires.Parler de Kir comme un fils de cheminot est évocateur pour le public du journal. C’est lapreuve que le quotidien représente Kir à travers un prisme sociologique le plus à mêmed’intéresser ses lecteurs. En valeur relative, Le Parisien-Libéré est, avec France-Soir, lequotidien qui recourt le plus à des dénominations liées à sa personnalité. Ce constat est liéà leur statut de presse populaire. Ce qui a des chances d’intéresser le plus leurs lecteurs,ce sont les traits originaux de la personnalité du chanoine qui prêtent à sourire.

Analysons maintenant les illustrations relatives à la disparition de Kir. Va-t-on retrouverles mêmes représentations ?

2.3 ANALYSE DES ILLUSTRATIONS RELATIVES A LAMORT DE KIR

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62 SAUVAGE Maxime - 2011

Comment illustre-t-on dans la presse la mort du chanoine Kir ? Les documents visuels neservent-ils que de mise en image des sujets abordés dans les documents textuels et desreprésentations associées au chanoine Kir ou vont-ils les compléter, voire les détailler ?

Dans un premier temps, nous comptabiliserons toutes les illustrations relevées dansnotre corpus de journaux et nous distinguerons leurs types. Dans un deuxième temps, nousanalyserons les thématiques montrées par les documents visuels. Enfin dans un troisièmeet dernier temps, nous étudierons les représentations visuelles du chanoine.

2.3.1 Combien et quelles illustrations ?

Tableau 37: nombre d’illustrations* relatives à la mort de Kir par journalBP FS LC LD LF LH LM PLNombre de

documents 45 2 1 45 1 0 0 1Total 95

(Source : calculs de l’auteur)* Nous entendons par illustration tout document visuel relatif à la mort de Kir.Comme nous avons déjà pu nous en apercevoir dans le premier chapitre, les deux

quotidiens dijonnais ont fait le choix d’utiliser un grand nombre d’illustrations pour couvrirl’événement, quand leurs homologues parisiens limitent de manière drastique le nombre dedocuments visuels. Le Monde n’introduit aucune illustration, comme à son habitude pourn’importe quel type d’événement, tandis que L’Humanité fait le même choix, sans doute enraison de la faible importance que le journal communiste accorde à la nouvelle. France-Soir,journal friand d’illustrations, se distinguent des autres titres nationaux avec deux photos, cequi reste très faible malgré tout.

Tableau 38: Nature des illustrations relatives à la mort de Kir par journalNature BP FS LC LD LF LH LM PL TotalPhotographie d’actualité* 26 2 1 19 1 0 0 1 50Photographie d’archive 19 0 0 21 0 0 0 0 40Fresque 0 0 0 1 0 0 0 0 1Montage 0 0 0 1 0 0 0 0 1Reproduction 0 0 0 3 0 0 0 0 3Total 45 2 1 45 1 0 0 1 95

(Source : calculs de l’auteur)* Les photographies représentant Kir en format portrait et sans repère chronologique

(ce qui est le cas des illustrations de la presse nationale) sont considérées d’actualité sielles montrent un homme d’apparence similaire à celui qui décède à l’âge de 92 ans.

Ces tableaux59 nous apprennent que les documents visuels relatifs à la mort duchanoine Kir sont principalement des photographies. La nature des illustrations est donctrès peu diversifiée. Cela concerne à la fois les journaux nationaux et Le Bien Public. Detoute évidence, les rédactions ont fait le choix d’illustrer sobrement l’événement.

59 Le tableau 38’ se trouve en Annexes

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CHAPITRE 2 : LE CONTENU DU TRAITEMENT MEDIATIQUE DE LA MORT DU CHANOINE KIR

SAUVAGE Maxime - 2011 63

Les Dépêches se distinguent de deux manières. D’une part, elle intègre plusieurs typesd’illustration dans son traitement médiatique. On retrouve une majorité de photographies,mais aussi la reproduction d’une fresque murale, un montage associant différentes coupuresde presse et trois reproductions tirées soit d’un journal, soit d’un catalogue, soit d’un livretscolaire. On voit donc que le journal dijonnais a fait l’effort de diversifier sa couverturevisuelle de l’événement. D’autre part, c’est le seul titre à privilégier les photographiesd’archive aux photographies d’actualité. Incontestablement, cette caractéristique est en lienavec un constat plusieurs fois établi concernant la volonté du quotidien de revenir sur lelong parcours du chanoine.

2.3.2 Sur quoi portent les illustrations ?

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64 SAUVAGE Maxime - 2011

Tableau 39 : Thème des illustrations relatives à la mort de Kir par journalThème BP FS LC LD LF PL TotalKir* 18 2 1 25 1 1 48

Drapeau en berne 1 / / / / /Journée du25 avril Personnalités

présentes àl’hôpital

/ / / 1 / /2

Cercueil à la mairie 1 / / 1 / /Personnalitésprésentes à lamairie

3 / / 1 / /Journées du26, 27 et 28avril

Hommage desDijonnais

2 / / 1 / /

9

Cérémonie à lamairie

3 / / 5 / /

Cortège funèbre 4 / / 2 / /Personnalités ducortège

7 / / / / /

Anonymes ducortège

1 / / / / /

Cérémonie àl’Eglise

2 / / 1 / /

Journée du29 avril

Cortège à Alise-Sainte-Reine

1 / / 2 / /

28

Caveau des Kir 1 / / / / /Maison natale deKir

1 / / 1 / /

Une d’une éditiondu Bien du Peuple

/ / / 1 / /

Locaux du Bien duPeuple

/ / / 1 / /

Porte de café / / / 1 / /Livret scolaire deKir

/ / / 1 / /

Divers

Montage d’articlesde presse

/ / / 1 / /

8

Total 45 2 1 45 1 1 95

(Source : calculs de l’auteur)* Les illustrations représentant Kir seront analysées dans la partie suivante.Comme nous pouvons le constater, l’étude de ce tableau ne va concerner que les deux

titres dijonnais.Le Bien Public consacre plus de la moitié de ses illustrations (vingt-cinq photos) à la

chronologie des événements qui ont eu lieu du 25 au 29 avril 1968, dont dix-huit photosportant uniquement sur le déroulement des funérailles du chanoine Kir. On remarque quele journal de la droite dijonnaise accorde une large couverture visuelle au cortège et à sacomposition. Les Dépêches privilégient aussi les illustrations portant sur la journée desobsèques, mais de manière beaucoup moins importante que son homologue côte d’orien.

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CHAPITRE 2 : LE CONTENU DU TRAITEMENT MEDIATIQUE DE LA MORT DU CHANOINE KIR

SAUVAGE Maxime - 2011 65

Cela est à mettre en lien avec les enseignements tirés des tableaux 12, 14, 15 et 20. LeBien Public couvre de manière plus large et plus précise l’événement que Les Dépêches,en ce qui concerne le déroulement des obsèques du chanoine. Le premier quotidien offredonc au chanoine un ultime hommage plus conséquent que celui du second journal.

Cependant, le traitement de la mort de Kir par Les Dépêches se distingue par sonoriginalité dans sa diversité. La rubrique « divers » du tableau ci-dessus est en cela trèsintéressante. Nous découvrons une photographie (les locaux du Bien du Peuple) et unereproduction (une une du Bien du Peuple) qui rappellent le passé de journaliste du chanoine,sans pour autant le représenter directement. La photographie est neutre, tandis que la unede l’édition du journal catholique nous donne à voir un article de Kir au titre véhément : « Pourune politique loyale et propre60 ». Cette illustration est donc très représentative du polémistede l’époque qu’il était. Les Dépêches utilisent aussi une photographie d’une porte d’un café,où le nom de boisson « kir » est affiché. En cela, le journal nous prouve le succès de cetteappellation, qui est encore récente à l’époque. Comme nous l’avons vu dans le tableau 32,Les Dépêches sont le quotidien qui désigne le plus Kir par des dénominations ramenantà son enfance. Il n’est donc pas étonnant de retrouver une reproduction d’une page d’unde ses livrets scolaires, qui met en lumière ses bons résultats en géologie. Résultats dontKir parlait régulièrement au conseil municipal pour prouver sa légitimité dans sa gestiondu projet de création d’un grand lac à l’entrée de Dijon : « Personne ici, je m’excuse, endehors de moi n’a fait de la géologie61 ». Enfin, Les Dépêches incorporent dans leur éditiondu 27 avril un montage photographique réunissant plusieurs coupures de différents titresde presse parlant de la disparition du chanoine. Ce montage62 serait d’ailleurs une parfaiteillustration de notre travail. On aperçoit le portrait rédigé par L’Humanité, celui du Parisien-Libéré, ou encore celui du Figaro. Pour mettre en avant la réputation internationale du mairede Dijon, le journal intègre à ce montage des articles du Herald Tribune, du Daily Telegraphet du Frankfurter Allgemeine.

Intéressons-nous maintenant aux représentations visuelles du chanoine.

2.3.3 Les représentations visuelles du chanoine Kir

60 Les Dépêches, 27 avril 1968, p. 661 Bulletin municipal officiel de la ville de Dijon, 30 juin 195862 Voir en Annexes

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

66 SAUVAGE Maxime - 2011

Tableau 40: Thèmes des illustrations représentant Kir par journalThème BP FS LC LD LF PL TotalEnfance / / / 2 / / 2Hommed’Eglise

1 / / 3 / / 4

Héros 2 / / 4 / / 6Hommepolitiqued’envergurelocale

8 / / 3 / / 11

Hommepolitiqued’envergurenationale

1 / / / / / 1

Hommepolitiqued’envergureinternationale

1 / / 3 / / 4

Homme 4 / / 3 / / 7Mort 1 / / 4 / / 5Portrait officiel* / 2 1 / 1 1 5Autre / / / 3 / / 3Total 18 2 1 25 1 1 48

(Source : calculs de l’auteur)* Par portrait officiel, nous entendons toutes les photographies en format portrait du

chanoine, le représentant avec ses attributs classiques (béret et soutane) et à un âge avancé(il est toujours difficile de dater les photographies du chanoine non-légendées, étant donnéque de 1945 à 1968, son apparence physique évolue très peu).

A la lecture de ces tableaux63, nous remarquons que mes quatre journaux parisiensutilisent des photographies du chanoine Kir semblables les unes aux autres, pour illustrerleurs articles. Ayant fait le choix de n’inclure qu’une photographie, ces quotidiens ont choiside représenter le chanoine à l’aide d’une image neutre permettant à leurs lecteurs del’époque de le reconnaître immédiatement. En effet, Kir est apparu sur la scène politiquefrançaise avec un style vestimentaire bien à lui (un béret basque et une soutane noire), qu’ila conservé jusqu’à sa mort. C’est par cet accoutrement original, entre autres, qu’il s’est faitconnaître et qu’il est resté dans les mémoires64. Ces photographies jouent donc un rôle dephotographies d’identité. Nous pouvons aussi en conclure que la presse parisienne partageune même mémoire visuelle du personnage.

Le Bien Public et Les Dépêches représentent le chanoine Kir de manière beaucoupplus diversifiée. Le premier titre est le seul quotidien à ne pas utiliser de portrait officiel.Quasiment la moitié de ses photographies représentent Kir exerçant ses fonctions politiquesau niveau local (sept photos sur Kir maire et une photo sur Kir conseiller général). Le secondtitre répartit plus également le nombre de ses illustrations entre les différentes facettes deKir. A noter toutefois, l’absence de photographie représentant Kir en tant que député.

63 Le tableau 40’ se trouve en Annexes64 Il suffit d’observer les couvertures des trois biographies du chanoine que nous avons utilisées : celle de Louis Devance,

celle de Jean-François Bazin et d’Alain Mignotte, ainsi que celle de Louis Muron.

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Examinons désormais plus précisément les documents visuels représentant Kir dansces deux journaux.

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Tableau 41: Thèmes des illustrations représentant Kir dans Le Bien Public et LesDépêchesThème Description BP LD Total

Kir à 10 ans 0 1EnfancePhoto de famille 0 1

2

L’abbé Kir et sa bicyclette 0 1L’abbé Kir et sa société de gymnastique 0 1Kir menant la cérémonie en hommage à Sainte-Reine 0 1

Hommed’Eglise

Kir en tête d’une procession religieuse 1 0

4

Kir en uniforme lors de la Première Guerre mondiale 0 1Kir assis sur un char à la Libération 1 1Kir témoignant au procès de ses assassins 0 1Kir commandeur de la Légion d’honneur 1 0

Héros

Kir portant de nombreuses décorations 0 1

6

Kir lors d’une réception à la mairie 0 1Kir reçoit le général de Gaulle à Dijon 1 1Kir reçoit le maire de Mayence 1 0Kir reçoit B.Bardot venue tourner un film à Dijon 1 0Kir rencontre Henri Tissot 0 1Intervention de Kir au Conseil général 1 0Kir fait visiter au secrétaire d’Etat le chantier du lac 1 0Kir inaugure le lac de Dijon 1 0Kir remet à la mairie d’Auxonne un buste deNapoléon

1 0

Hommepolitiqued’envergurelocale

Kir signe des papiers apportés par sa secrétaire 1 0

11

Hommepolitiqued’envergurenationale

Discours du doyen Kir à l’Assemblée nationale 1 0 1

Kir rencontre Khrouchtchev 1 1Kir se rend à Mayence 0 1

Hommepolitiqued’envergureinternationale

Kir en visite dans les Caraïbes 0 1

4

Kir fait la circulation dans les rues de Dijon 1 0Kir déguisé en sapeur-pompier 1 0Kir assis derrière une moto 1 1Kir vote 1 0Kir monte à la corde 0 1

Homme

Kir donnant à manger à un cygne 0 1

7

Kir reposant sur un catafalque à l’hôpital 1 1Kir reposant sur son catafalque avec ses décorations 0 1

Mort

Kir reposant sur son catafalque entouré de sesproches

0 2

5

Buste de Kir en pierre 0 1Santon chanoine Kir 0 1

Autre

Fresque représentant une sirène sortant de l’eaupour saluer Kir debout sur un piédestal

0 1

3

Total 18 25 43

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CHAPITRE 2 : LE CONTENU DU TRAITEMENT MEDIATIQUE DE LA MORT DU CHANOINE KIR

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(Source : calculs de l’auteur)A la lecture de ce tableau, nous allons pouvoir dégager les images que chacun des deux

journaux associent au chanoine Kir. Commençons par nous pencher sur les cinq illustrationscommunes aux deux quotidiens.

Les photographies en question représentent Kir assis sur un char, Kir rencontrant DeGaulle et Khrouchtchev, Kir faisant de la motocyclette et Kir reposant mort sur un catafalque.Il n’est pas étonnant de retrouver dans Les Dépêches et Le Bien Public la photographiede Kir assis un char de la première division blindée lors de la libération de Dijon. Cettephotographie a une longue histoire. Prise quelques jours après la libération de Dijon, le 11septembre 1944, le bruit va rapidement et durablement courir que cette photographie a étéprise le 11 septembre, au moment de l’arrivée de la colonne de blindés dans Dijon. Kir vaalors apparaître comme le libérateur de Dijon, juché sur le premier char qui entra dans laville. Ce n’est qu’en 1962, au cours de la campagne des législatives, que l’auteur de laphotographie va révéler la supercherie. Cependant, cette image va rester ancrée dans lamémoire collective dijonnaise. Le Bien Public, en légendant la photo, ne va d’ailleurs pasrappeler le coup monté. Les deuxième et troisième photographies ne sont pas non plusune surprise. Montrer Kir en compagnie de deux des plus grands hommes de l’époque estun choix compréhensible pour mettre en avant sa stature internationale. La présence dansles deux quotidiens dijonnais d’une photographie du cadavre du maire de Dijon posé surun catafalque est tout aussi compréhensible. C’est une des illustrations incontournablespour représenter l’événement. Concernant la photographie de Kir sur motocyclette, le choixcommun des deux journaux est plus difficilement explicable. C’est une coïncidence qui sansdoute découle de la volonté des deux titres de montrer Kir comme un vieil homme originaldynamique et téméraire.

Cette facette d’original se retrouve d’ailleurs dans de nombreuses autres photographiessélectionnées par Le Bien Public et Les Dépêches. Quand Kir est représenté en train defaire la circulation à Dijon, de monter à la corde ou de porter un déguisement, cela indiqueque les deux quotidiens ont eu la volonté de retenir de l’homme le personnage pétulant etpittoresque. Seules deux photographies (une par journal) de Kir montrent un homme plusposé et moins atypique. Il y a la photographie montrant Kir faire son devoir de citoyen et uneautre où l’homme est seul, courbé donnant à manger à des cygnes blancs (ce qui contrasted’ailleurs avec sa soutane noire) au bord du lac qui est son œuvre. Cette dernière illustrationdétonne par rapport à toutes les autres, en représentant Kir perdu dans sa solitude devantsa plus grande réalisation de maire.

Hormis cette photographie à l’interprétation plus complexe, Le Bien Public et LesDépêches véhiculent une mémoire sociale du chanoine très positive. Kir savait se mettreen avant et sur la plupart des photographies relevées, il est en action. Ce sont les autresqui l’écoutent ou le regardent. Par exemple, deux des quatre photographies le représentantdans sa fonction d’homme d’Eglise montrent Kir menant une cérémonie ou un cortège.En faisant la circulation, il est entouré de passants médusés de le voir faire. Sur lesillustrations en compagnie de Maurice Herzog, Brigitte Bardot ou Nikita Khrouchtchev, c’estKir qui parle. Représenté en conseiller général ou en député, le chanoine Kir délivre sonmessage à des assemblées attentives à ses paroles. Quand Kir est représenté commemaire de Dijon, c’est presque seulement au moment de réceptions officielles. Kir est l’hôte,il est au centre des attentions. Concernant les personnalités en photo avec le chanoine,on s’aperçoit que cela va des grandes figures politiques de l’époque à une actrice trèscélèbre, en passant par un imitateur populaire. Kir, le politicien aguerri était aussi un hommepopulaire et médiatique, amené à rencontrer d’autres célébrités. Les actions glorieuses du

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

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maire de Dijon sont rappelées sur plusieurs illustrations. Les Dépêches vont même jusqu’àpublier une photographie du défunt allongé sur un catafalque en compagnie de toutes sesdécorations. Même mort, le chanoine en impose.

Cependant, Le Bien Public et Les Dépêches ne sont pas les porteurs d’une mêmemémoire visuelle. Par exemple, Le Bien Public ne représente pas une seule fois Kir avant1944, à l’inverse des Dépêches. Ce n’est pas un constat nouveau : ce dernier journal s’estefforcé de représenter, à l’écrit comme à l’image, le chanoine Kir pour chaque grande étapede sa vie. Ici, cela va de son enfance à sa mort. Nous avons relevé pas moins de quatrephotos du défunt. Ce tableau nous montre même que le quotidien va plus loin en publiant desillustrations portant sur des représentations que des personnes extérieures à la rédactionassocient au maire de Dijon : il y a le buste en pierre d’un Kir au visage sérieux et solennel,un santon qui prouve que le chanoine est entré dans la culture populaire et une fresque ledéifiant presque. Jean-François Bazin et Alain Mignotte en parlent ainsi dans leur biographiedu maire de Dijon : « l’iconographie naïve et populaire le montre (le chanoine Kir), sur lemur d’une salle de bistrot, enlacé par une nymphe impertinente, au cœur du lac artificielde Dijon65 ».

ConclusionDans ce chapitre, nous nous sommes attachés à analyser le contenu des traitementsmédiatiques de la mort du chanoine Kir.

De manière générale, les huit titres sélectionnés ont privilégié les documents informatifsaux documents analytiques et les déclarations de personnalités politiques pour commenterl’événement. Dans ces documents textuels, les représentations les plus courantes de Kirrappellent essentiellement ses fonctions politiques à savoir son mandat de maire et celuide député doyen de l’Assemblée nationale. Certaines périodes de sa vie sont passéessous silence. Visiblement, elles ne correspondent pas à l’imaginaire associé à l’homme.Son œuvre politique est, quant à elle, délaissée. Il est étonnant de ne jamais relever unedénomination faisant référence à son lac ou à la réalisation d’équipements publics qu’il aimpulsée. A noter que Kir n’est pas connu sous son nom et prénom, mais sous l’appellation« chanoine Kir ». C’est sous celle-ci qu’il s’est fait connaître, c’est sous ce nom que la presseparle de lui, car l’appellation parle à tout le monde. La presse nationale a fait le choix de nepas couvrir ou presque l’événement visuellement. Une photographie en mode portrait illustreles propos de France-Soir, La Croix, Le Figaro et Le Parisien-Libéré. Ces photographies sontneutres et correspondent à l’imagerie traditionnelle du personnage. La presse dijonnaise,quant à elle, a recours à de nombreuses illustrations pour couvrir l’événement. En règlegénérale, tous les documents relevés sont favorables à l’ancien député-maire de Dijon.

Le Bien Public est le quotidien qui intègre le plus de réactions à la mort du chanoinedans ses colonnes et le seul à faire intervenir des anonymes pour commenter la nouvelle,cela au détriment des documents analytiques revenant sur la vie de Kir. Les informationsfactuelles sont très diversifiées, ce qui s’explique par son statut de journal local. Le quotidienest celui qui a recours le plus souvent à l’appellation « chanoine Kir » et qui associe le plusKir à ces différents rôles politiques. Il préfère aussi utiliser des photos d’actualité plutôt que

65 LAPORTE Guillaume (pseudonyme de BAZIN Jean-François, MIGNOTTE Alain), Le chanoine Kir a-t-il existé ?, Dijon, Imp.F. Massebeuf, 1968, p. 141

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des photos d’archive. Sa couverture visuelle des manifestations liées au décès du maire deDijon est donc la plus complète de toutes les couvertures visuelles étudiées.

France-Soir, comme tous les titres nationaux, n’analyse que dans un seul documentla vie du chanoine Kir. 80% des informations sont factuelles et aucune déclaration n’estreprise dans les colonnes du journal populaire. L’imaginaire associé au chanoine Kir sedistingue par des dénominations provocantes à la fois dues au style du personnage et auvocabulaire choc régulièrement employé par le journal. C’est le seul journal national quiutilise deux photos dans sa couverture de l’événement. Ces dernières sont toutefois neutresen représentant le chanoine en format portrait dans son accoutrement habituel.

La Croix traite l’événement de manière très sobre (majorité de documents informatifs,avec un portrait et deux déclarations) et ne prend pas la peine de revenir sur le déroulementdes funérailles. Kir est perçu essentiellement comme un homme politique. Le journal neconsidère visiblement pas Kir comme un homme d’Eglise. Nous observons aussi une trèsfaible diversité de dénominations. Comme il est dit plus haut, la photographie n’a qu’unefonction de photo d’identité.

Les Dépêches s’illustrent par un grand nombre de documents analytiques. Il n’est doncpas étonnant de découvrir que le journal est celui qui associe le plus Kir à un imaginairereprésentatif de son parcours, et qui préfère intégrer des illustrations d’archive plutôt quedes illustrations d’actualité. Kir est majoritairement représenté comme le maire de Dijon,mais les différentes facettes de l’homme sont mises en lumière, permettant de nuancer unpeu les représentations très majoritairement favorables à Kir.

Concernant Le Figaro, la répartition informations factuelles, analytiques, déclarationsest sensiblement la même que la répartition moyenne des huit journaux. Le journalcommunique des informations majoritairement factuelles, accompagnées d’un portrait etde quelques déclarations. Kir est représenté principalement comme une figure politiquenationale, à la fois député et doyen d’âge de l’Assemblée nationale. Une photographieaccompagne l’article retraçant la vie du personnage.

L’Humanité se distingue une nouvelle fois par un traitement sommaire de l’événement :ni illustration, ni déclarations n’étayent le propos des journalistes de la rédaction. Ce quiest frappant, c’est la tendance du journal communiste à représenter Kir comme le doyende l’Assemblé nationale, car en occupant ce rôle, il est le successeur de Marcel Cachin.L’imaginaire associé à Kir, ici, est clairement influencé par l’orientation idéologique dujournal. Il n’est donc pas étonnant de relever la dénomination faisant du chanoine un partisandu rapprochement franco-soviétique.

Le Monde se rapproche du Figaro en ce qui concerne la propension à communiquerprincipalement des informations factuelles, mais aussi à retranscrire quelques déclarationset à revenir, au cours d’un portrait sur la vie de Kir. Le journal s’applique, et c’est ce qui ledistingue de ses confrères, à détailler l’action politique du chanoine, en mettant en avantson action en faveur des jumelages et pour la paix. Le journal donne donc une consistanceconcrète à la carrière politique du maire de Dijon. A noter l’absence attendue d’illustration.

Le Parisien-Libéré, comme son homologue populaire France-Soir, n’intègre pas dedéclarations dans ses colonnes et privilégie les informations factuelles. Comme pourL’Humanité, il n’y a aucun document textuel qui annonce la mort du chanoine Kir ou lescirconstances de son décès, si ce n’est au début de leur portrait respectif du maire de Dijon.Le journal se différencie de tous les autres titres de presse en désignant Kir par ses originessociales. Origines qui rapprochent d’ailleurs le chanoine des lecteurs du journal parisien.Enfin, il illustre son article sur le parcours de Kir avec une photographie du portrait de Kir.

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Pour compléter et terminer notre étude des représentations associées au chanoine Kir,nous allons analyser en profondeur les portraits de chaque journal revenant sur la vie dumaire de Dijon.

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CHAPITRE 3 : LES PORTRAITS DU CHANOINE KIR, QUELLE(S) MEMOIRE(S) ?

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CHAPITRE 3 : LES PORTRAITSDU CHANOINE KIR, QUELLE(S)MEMOIRE(S) ?

IntroductionAprès avoir analysé de manière quantitative les différentes couvertures de la mort duchanoine Kir, puis après s’être intéressés aux différentes représentations associées à Kir,nous allons maintenant nous focaliser sur la notion de mémoire. Le quotidien Les Dépêchesécrivait dans son édition du 26 avril : « Le chanoine Kir a-t-il vécu une vie, ou en a-t-il vécuplusieurs ? Etirée sur près de cent années, son existence présente tant d’actes divers qu’elleparaît être le fruit de plusieurs destins.66 » Ces destins ont-ils induit l’apparition de plusieursmémoires ?

La presse n’a pas les mêmes devoirs que l’historien. Ce dernier cherche toujours,sans jamais pouvoir complètement s’affranchir de sa subjectivité, à atteindre une véritéscientifique. La presse n’est pas confrontée aux mêmes contraintes quand elle se penchesur le passé. Bien entendu, sa fonction d’organe d’information l’oblige à une certaine rigueurintellectuelle (qui varie selon les titres de presse), mais la presse ne fait pas d’histoire. Aucontraire, elle élabore une mémoire où les événements sont sélectionnés et interprétés demanière particulière.

Cette remarque implique qu’en tant qu’historien, il est indispensable d’avoir un regardcritique et scientifique sur la presse. En effet, analyser le discours journalistique, ici relatif àla mort du chanoine Kir, revient à être confronté à un discours subjectif, souvent téléologiqueet qui fonctionne par successions d’images. Par exemple, on trouve une pleine pagedes Dépêches, qui revient sur la disparition de Kir en intitulant ses petits portraits et sesillustrations avec la formule « Un héros d’images d’Epinal67 ». La vie de Kir est donc réduiteà un ensemble d’images.

Dans ce chapitre, nous allons donc analyser en profondeur les différentes mémoiresdu chanoine Kir développées par les huit titres de presse de notre corpus. Pour ce faire,nous nous focaliserons sur les documents les plus à même de véhiculer cette mémoire :les portraits. Dans un premier temps, nous nous pencherons sur la forme de chaqueportrait. Puis dans un second temps, nous analyserons le fond de ces portraits. Ce faisant,nous pourrons mettre en évidence les mémoires du chanoine portées par les différentsjournaux. Ces mémoires sont-elles positives, neutres ou négatives ? Passent-elles pardes déformations de la réalité ? Sont-elles forgées par les caractéristiques particulières de

66 Les Dépêches, 26 avril 1968, p. 667 Les Dépêches, 26 avril 1968, p. 7

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

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chaque quotidien qui nous intéressent, à savoir le critère géographie, l’orientation politiqueet le type de presse ?

3.1 ANALYSE DE LA FORME DES PORTRAITSTous les quotidiens étudiés reviennent sur le parcours du chanoine Kir dans leur traitementde sa disparition. Cependant, chaque journal a recours au portrait de manière différente.L’analyse des caractéristiques générales des portraits nous dira quelle importance chacundes journaux accorde au fait de revenir sur le long parcours de Kir.

Tableau 42: Analyse de la forme des portraits revenant sur la vie de Kir par journalCaractéristiques BP FS LC LD* LF LH LM PLEdition 26/04 27/04 27/04 26/04 26/04 26/04 27/04 26/04Numéro de page 10 9 4 1 et 5 7 5 8 3Longueur (enmots)

1516 647 519 2107 496 261 905 392

Signature non oui oui oui oui non oui nonIllustration 7 1 1 0 1 0 0 1

(Source : calculs de l’auteur)* Les Dépêches reviennent plusieurs fois sur la vie du chanoine Kir à l’aide de multiples

portraits. Nous avons fait le choix de n’étudier que le grand portrait revenant sur l’ensemblede la vie de Kir.

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ce tableau. Tout d’abord, tous lesjournaux dressent le portrait du chanoine Kir au même moment, c’est-à-dire dans l’éditionqui parait le lendemain de la disparition du chanoine Kir. Les huit titres de presse respectentdonc le même schéma. La mort du maire de Dijon étant connue de tous, il est désormaistemps de faire sa biographie. C’est une manière de le faire définitivement mourir.

En revanche, l’emplacement des portraits dans chaque journal varie. Les Dépêches lecommencent en page une pour le terminer quatre pages plus loin. La presse parisienne,comme nous l’avons constaté dans le tableau 18, place le portrait dans ses rubriquessur la politique française. Le Bien Public le relègue en page 10 tout en lui accordantune pleine page. La longueur est aussi une variable très fluctuante. Les deux quotidiensdijonnais sont ceux qui reviennent le plus longuement sur la vie de Kir (sachant que LesDépêches complètent ce portrait par de multiples autres petits portraits). Hormis pour LeBien Public, les portraits correspondent aux documents textuels les plus longs de chaquequotidien (voir tableaux 2 et 3). C’est un signe de la grande importance qu’ils accordentà ce document. Le Monde, connu pour être un journal de qualité et d’analyse, justifiesa réputation en revenant longuement sur la vie du chanoine, alors que sa couverturemédiatique n’est quantitativement parlant pas la plus conséquente. Il est surprenant deconstater le relativement long portrait dressé par France-Soir. Le journal populaire du soirraconte de manière plus détaillée le parcours du chanoine que ne le font Le Figaro ou LaCroix par exemple. Il sera donc particulièrement intéressant d’étudier ce qui se trouve dansce portrait.

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CHAPITRE 3 : LES PORTRAITS DU CHANOINE KIR, QUELLE(S) MEMOIRE(S) ?

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Ce tableau nous apprend aussi que tous les journaux qui signent au moins un de leursdocuments (voir tableau 10), à savoir France-Soir, La Croix, Les Dépêches, Le Figaro et LeMonde, affichent une signature à la fin de leur portrait. Les deux journaux du soir le font parl’intermédiaire d’un journaliste de la rédaction. Le journal dijonnais fait le choix de signerle portrait avec les initiales de la rédaction, ce qui semble indiquer que le document estexplicitement désigné comme la parole de toute la rédaction. Le Figaro, quant à lui, dresseun portrait dont l’auteur est l’envoyé spécial permanent du journal à Dijon.

Tous les titres parisiens qui utilisent des illustrations, placent une photographie duchanoine Kir à côté de leur portrait. Comme nous l’avons fait remarquer un peu plushaut dans ce travail, ces photographies sont comme des photographies d’identité quiattesteraient l’identité de la personne en question. Concernant Les Dépêches, bien que desphotographies se trouvent sur les mêmes pages que celles du portrait, elles ne se rattachentpas à ce dernier et donc nous considérons qu’elles ne servent pas à illustrer son propos.En revanche, Le Bien Public illustre clairement son portrait par sept photographies. Nousverrons un peu plus loin leur utilité.

Après ces quelques remarques générales, allons plus loin dans l’analyse des portraitsen étudiant la mémoire qu’ils véhiculent du chanoine Kir

3.2 QUEL PORTRAIT POUR QUELLE MEMOIRE ?Pour mettre en évidence les différentes mémoires de Kir développées par les titres denotre corpus et les comparer, nous avons défini une grille d’analyse. Présentons-la avantde l’utiliser.

Quel titre pour le portrait ? L’analyse de la titraille pourra nous permettre de dégagerl’orientation générale du portrait. Un titre laudatif par exemple sera la première preuve d’unemémoire positive du chanoine Kir.

Le portrait est-il décomposé selon un plan apparent ? Si la réponse est positive, ladécomposition du portrait montrera les facettes que le journal a retenues du maire de Dijon.

Quels sont les thèmes et qualificatifs utilisés dans chaque portrait pour revenir sur la vieet la personne du chanoine ? Les réponses obtenues seront déterminantes pour comparerle contenu et la tonalité de la mémoire dont chaque journal est porteur.

Synthèse : nous ferons le bilan des trois étapes précédentes pour chaque journal. Nouspourrons alors mettre au grand jour les différentes mémoires issues des quotidiens de notrecorpus, qui ont apporté leur contribution à la mémoire sociale sur le chanoine Kir

3.2.1 Le portrait68 du Bien Public : un chanoine courageuxTitre :

« Le chanoine Kir n’est plus. En lui disparaît un homme dont Dijon et toute la Bourgogneconserveront longtemps le souvenir ».

68 Le Bien Public, 26 avril 1968, p. 10

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Ce titre très favorable au chanoine Kir nous rappelle une de nos remarques tirées del’analyse du tableau 18. Nous avions souligné le fait que Le Bien Public couvre la disparitionde Kir dans des rubriques abritant habituellement des nouvelles concernant Dijon et sesenvirons. La lecture du titre du portrait semble confirmer cette tendance du Bien Public àlocaliser localement la portée de la mort de Kir.

Intertitres :Dans l’ordre du texte : « Le prêtre » ; « Le résistant » ; « L’homme politique » ;

« L’administrateur » ; « L’apôtre de la Réconciliation ».Par ses intertitres, Le Bien Public met en avant des facettes précises de la vie de Kir.

En faisant cela, le journal pousse ses lecteurs à ne retenir que ces cinq dénominations. Eneffet, ceux qui n’ont fait que parcourir le texte à l’époque ont eu tendance à ne s’arrêter quesur ces quelques mots. Ce faisant, l’infirmier ou le journaliste Kir par exemple ne sont pasdes images que ces lecteurs ont associées au chanoine.

Thèmes et qualificatifs :Origines, date et lieu de naissanceoriginaire d’Alsace« Le prêtre » :Elève au séminaireOrdonné prêtreSes différentes paroissesParticipation à la Première Guerre mondialeEnergique et téméraireNommé à la direction des œuvres et groupements d’hommeJournaliste et conférencierTouche à tous les problèmes du monde moderneNommé chanoine honoraire« Le résistant » :Entre dans la délégation municipaleFait évader des prisonniersGénéreux et téméraireDoit quitter l’administration municipale sous la pression des occupantsReprésente l’espoir pour ses concitoyensIndomptable, courageuxTentative d’assassinat et fuite en Haute-MarneRetour à Dijon pour la LibérationAcclamé par la fouleMembre du CDL et de la municipalité provisoire« L’homme politique » :

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CHAPITRE 3 : LES PORTRAITS DU CHANOINE KIR, QUELLE(S) MEMOIRE(S) ?

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Election et réélections à la mairie de DijonElection, réélections et rôles occupés au Conseil général de Côte d’OrElection et réélections à l’Assemblée nationaleDoyen des députésDéfaite aux législatives de 1967Etat de santé déficient« L’administrateur » :Nombreuses et importantes réalisations municipalesCréation du lac artificiel« L’apôtre de la Réconciliation » :Son travail pour la paix et réussite des jumelagesVoyages en tant que maireRécompensé pour son actionDécorationsRéceptions à la mairieIncarne sa villeSynthèse :Le portrait du Bien Public est organisé de manière rigoureuse. Il débute par des

informations sur sa naissance, puis se divise en cinq parties. Les deux premières sontchronologiques. La troisième est chronologico-thématique, tandis que les deux dernièressont thématiques.

L’ensemble du portrait est élogieux à l’encontre du chanoine. Son passé de polémisteà la parole et à la plume très incisives est incorporé dans la partie sur sa carrièreecclésiastique. Et plutôt que de revenir sur les propos excessifs qui caractérisaient sonstyle, le journal préfère mettre en avant son engagement dans un journal catholique, quilui permettait de toucher à tous les grands problèmes de l’époque. La partie sur son passéde résistant (quatre ans de sa vie) est plus longue que celle sur sa carrière ecclésiastique(étalée sur trente-neuf ans) et quasiment aussi longue que celle sur sa carrière politique(étalée sur vingt-trois années). Il est donc évident que Le Bien Public accorde énormémentd’importance à ce moment-là de la vie du chanoine et contribue à développer une mémoiredu chanoine sous un angle héroïque. Les thèmes et qualificatifs nous montrent un chanoinebravant seul ou presque l’occupant, contribuant à donner de l’espoir aux Dijonnais. Al’inverse, la partie sur les réalisations municipales de Kir est très courte et souffre de lacomparaison avec la partie sur son action internationale. L’œuvre de Kir en tant que mairen’est en effet pas détaillée. Mais elle est décrite de manière élogieuse. Le Bien Public préfèrevisiblement mettre en avant ses engagements sur la scène internationale. Cependant, sesrelations de proximité avec certains régimes socialistes et son amitié avec Khrouchtchev nesont pas abordées. En revanche, ses actions en faveur du rapprochement franco-allemandsont soulignées, comme sa visite à Dallas, « capitale du Texas » (c’est en réalité Austin).Visiblement, le journal conservateur dijonnais préfère mettre en avant un chanoine penchantpour le bloc occidental, plutôt que pour le bloc soviétique. On peut aussi considérer quecette mise en avant de l’action internationale du chanoine peut nuancer nos remarques surla tendance du Bien Public à localiser la portée de l’événement.

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Sept photographies accompagnent ce long portrait. Quatre illustrent les deux parties lesplus détaillées de la vie du chanoine Kir : une photographie concerne son activité résistante,trois autres ses mandats politiques (le maire, le conseiller général et le député). La premièrereprésente Kir assis sur un char de la première division blindée et Le Bien Public la datedu jour de la libération de Dijon (comme nous l’avons déjà noté dans nos commentairesdu tableau 41). Le journal redonne donc du crédit à un montage mis à jour six ans plustôt. Une photographie représente Kir se voyant remettre la cravate de commandeur de laLégion d’honneur. On peut la considérer comme une preuve en image du passé héroïque duchanoine. A noter que les deux autres photographies servent à boucler la boucle du portrait.L’une montre la maison natale du chanoine, là où tout a commencé un matin de janvier1876, l’autre montre la tombe familiale où Kir va être enterré, et où tout va se terminer.

3.2.2 Le portrait69 de France-Soir : un chanoine excentriqueTitre :

« Le chanoine Kir : un enfant terrible de la politique et de l’Eglise »Même sans savoir que ce titre était de France-Soir, il n’était pas difficile de le deviner. Le

propos est enlevé et provocateur. La vie sacerdotale et la carrière politique du chanoine sontrenvoyées dos-à-dos, tandis que sa personnalité forte est soulignée. Ce titre nous laissepenser que le portrait à venir sera sans doute moins lisse que celui du Bien Public, maisaussi moins rigoureux sur le plan du style.

Sous-titre :« L’écharpe tricolore tranche sur la soutane noire. Le dernier vœu du chanoine Kir a

été exaucé : il est mort maire de Dijon. C’était le dernier titre qui lui restait, celui auquel iltenait le plus »

Le style reste familier, mais le propos est moins tapageur. Ici, France-Soir s’intéresseau maire de Dijon, tout en nous en donnant une description visuelle. Le journal joue sur lecôté monarchique de Kir, son mandat de maire est vu comme un titre, mais le monarqueétait sur sa fin, il n’avait plus qu’un titre. Là encore, le message du quotidien du soir est pluscomplexe qu’il n’y paraît. La référence à la monarchie rappelle l’attitude autoritaire que Kirpouvait avoir quand il exerçait ses fonctions de maire.

Thèmes :Hommage des Dijonnais au corps exposé à l’hôpitalDécorations au pied du catafalqueAnecdote sur ces décorations lors d’un conseil municipalDoyen de l’Assemblée nationaleSe fait remarquer par son comportementTentative de désobéissance à son évêque pour rencontrer KhrouchtchevRelation ambivalente avec les DijonnaisAttachant et déroutantOrganisateur de la Résistance à Dijon

69 France-Soir, 27 avril 1968, p. 9

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Règle la circulation à DijonMaire qui donne son nom a une boisson alcooliséeDate et lieu de naissanceorigine modesteExpérience de la Première Guerre mondialeapparence cocasse, franc-parler,Prêtre organisateurgoût de l’action et des responsabilitésActivités pendant l’occupationSuccès électorauxgestion sage de la villeSes activités d’homme politique : congrès gastronomiques, jumelages et relation avec

KhrouchtchevDéputé à l’Assemblée nationaleturbulent, frondeur, hostile au gouvernement, éloigné des véritables enjeuxDéfaites électorales de 1967Son dernier éclatRéalisation du lac artificielSynthèse :Le portrait de France-Soir se présente de manière radicalement différente du précédent.

Il commence par commenter l’actualité pour ensuite aborder des sujets qui n’ont aucun lienentre eux. Le portrait semble s’organiser à partir du paragraphe sur sa naissance.

Le chanoine de France-Soir est très loin de celui du Bien Public. Bien que Kir soit avanttout vu comme un homme politique, le portrait présente un homme atypique, original, aucaractère très affirmé. Le propos est la plupart du temps excessif et caricatural, mais il aparfois l’avantage de mettre en évidence des facettes moins glorieuses de la personnalitédu chanoine. En effet, le caractère autoritaire, irascible et parfois grossier du personnageapparaît au détour d’anecdotes ou de citations de Kir. La référence monarchique du sous-titre se retrouve dans le corps du portrait, au moment où Kir est représenté comme le« roi de Dijon ». Cette désignation peut être considérée comme un reproche implicite. Cen’est d’ailleurs pas la seule fois où le journal critique plus ou moins ouvertement l’œuvredu chanoine. Il est présenté comme un député déconnecté des réalités, un maire gérantsa ville comme un bon père de famille et comme le créateur d’un lac menaçant d’inondercertains quartiers. Cependant, la plume provocatrice de France-Soir donne aussi une imagefantaisiste et finalement attachante du chanoine. Les anecdotes sur sa manie de faire lacirculation à Dijon ou sur le nom qu’il a donné à une boisson alcoolisée ne peuvent que fairesourire les lecteurs du journal du soir. Mais, France-Soir a aussi la tendance à exagérerles actions glorieuses du chanoine Kir, quitte à déformer totalement la réalité. Le passagele plus frappant concerne son action pendant la Seconde Guerre mondiale. L’homme estd’abord décrit comme celui qui s’occupe seul de Dijon au moment de la débâcle, ce qui n’apas été le cas. Kir n’était qu’un des cinq membres de la délégation municipale, et n’y étaitmême pas à sa tête. Puis il est écrit qu’il a organisé « la Résistance dans la ville ». Là encore,

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la réalité est déformée et exagérée. Kir n’a jamais appartenu à aucune organisation, il n’adonc pas été un organisateur des réseaux locaux. Par ces raccourcis historiques, l’imagedu chanoine est glorifiée de manière extraordinaire. Le portrait de France-Soir est doncune succession d’images souvent excessives et parfois mises bout-à-bout sans lien direct.L’exemple parfait de cela concerne le passage où le journaliste, pour décrire les facettes trèsdiverses de la personnalité du chanoine, cite à la fois sa capacité à organiser la Résistanceet sa tendance à faire la circulation dans les rues de Dijon.

3.2.3 Le portrait70 de La Croix : un chanoine héros de la RésistanceTitre :

« Le chanoine Kir »Le titre du portrait de La Croix est court et sobre. Il ne fait que donner l’identité de la

personne concernée. Cela annonce-t-il un portrait sur le même ton ?Thèmes :Date et lieu de naissanceCarrière ecclésiastique entrecoupée en 1914-1918existence sacerdotale classiqueAuteur d’articles dans un journal catholique local et pour La CroixGère Dijon en 1940 et organise de nombreuses évasionstient tête à l’occupantmaintient l’ordresecoure les réfugiésCondamnation à mortaudace tranquilleActivités clandestinesTentative d’assassinat et fuiteElection et réélections à la mairie de Dijonfollement acclaméElu députépittoresqueJumelage et rencontre avec KhrouchtchevPolitiquement indépendantDoyen de l’Assemblée nationalediscours incisifsFidélité politique des Dijonnais à leur maireDéfaites électorales

70 La Croix, 27 avril 1968, p. 4

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très diminué physiquementChute fatalerobusteDécorationsSynthèse :Le portrait de La Croix est à rapprocher de celui du Bien Public en ce qui concerne sa

structure interne. Mais comme France-Soir, le plan n’est pas apparent.Les soixante-trois premières années de la vie de Kir sont résumées en trois

paragraphes elliptiques. Il n’est fait référence à l’homme d’Eglise que dans deux petitsparagraphes, dont un qui aborde très indirectement sa participation à la Première Guerremondiale. Son passé de journaliste est survolée et le quotidien met en avant sa collaborationavec des journaux catholiques. C’est l’activité résistante de Kir que La Croix a décidé demettre en valeur, puisque presque un tiers du portrait lui est consacrée. Cette partie sedistingue du reste de l’article en raison de la présence de nombreuses erreurs historiques,qui nourrissent la légende du chanoine. Il est présenté comme le seul gestionnaire de Dijonen 1940 (cela nous rappelle le portrait de France-Soir), celui qui protège les Dijonnais etqui fait évader les prisonniers. Le journal reprend aussi deux faits, donnés ici pour vrais,dont l’existence réelle n’est pas sûre. Le premier fait concerne la condamnation à mort duchanoine par les Allemands. Pour Louis Devance : « Au cours de ses (le chanoine Kir)premiers interrogatoires, les Allemands lui signifièrent certainement que ses actes étaientpassibles de la peine capitale. Est-ce cela qu’il entendit comme une condamnation à mort ?Il ne fut probablement pas jugé71 ». Le second fait avance que le chanoine Kir faisait passerdes évadés en Angleterre. En effet, il a été interrogé par la Gestapo en octobre 1943, qui lesoupçonnait d’être impliqué dans un réseau d’évasion, mais jamais elle ne put le prouver etle condamner. Après ce passage sur le résistant Kir, La Croix résume sa carrière politique.Sa personnalité de politicien original est soulignée plusieurs fois, notamment à travers desqualificatifs, le récit de sa relation avec Khrouchtchev ou sa volonté d’être (un) indépendant.La Croix dresse donc un portrait du chanoine Kir très positif, bien que sans emphase.

3.2.4 Le portrait72 des Dépêches : un chanoine conservateur maishumaniste

Titre :« La mort du chanoine Kir. Un destin hors série »Le titre du portrait des Dépêches est pour le moment celui qui est le plus élogieux sur le

chanoine Kir. Il se décompose en deux parties. La première partie est classique et austère.Ce qui accroît l’effet de la deuxième phrase du titre. La vie de Kir est vue comme « undestin », qui n’est d’ailleurs pas ordinaire, puisqu’il est « hors série ». Cela laisse présagerun portrait très favorable au chanoine Kir, à la hauteur de la tonalité laudative de son titre.

Thèmes :Légende vivante

71 DEVANCE Louis, Le Chanoine Kir : l’invention d’une légende, op. cit., p. 8172 Les Dépêches, 26 avril 1968, p. 1 et 5

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extraordinaire, hors sérieDate et lieu de naissance, originesoriginaire d’AlsaceSéminaristebrillantCarrière ecclésiastiquecaractère rude, sportifContradicteur et journaliste populaireredoutable, truculent, sans concession, populaireArrivée des Allemands à Dijon et anecdotecourageux, audacieuxDélégué municipal et résistantCondamnation à mortTentative d’assassinat et fuitecoriaceSuccès triomphaux à la Libérationacclamé follementRéalisations de maireautoritaire, rudeQuatre anecdotes sur son originalitéNombreuses réceptions à la mairie de DijonLa boisson kirL’indépendant en campagneseul vrai indépendantpittoresqueDoyen de l’Assemblée nationaleVolonté de tendre la main au bloc de l’EstJumelage et visite de StalingradRelation difficile Kir-De GaulleVisite de Khrouchtchev à DijonVolonté de créer un lac et réalisationfougueux1962 : début du déclin politique : ballotage aux législativesVoyages dans le bloc soviétique1965 : ballotage aux municipalesautoritaire

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Soutien au candidat MitterrandDéfaites électoralesvieux, affaibliMort et héritagehors sérienon visionnaireSynthèse :Les Dépêches sont le quotidien qui revient le plus longuement sur la vie du chanoine Kir,

ce qui lui permet d’aborder certains points de manière très détaillée. Comme pour France-Soir ou La Croix, il n’y a pas de plan apparent, mais l’article est structuré. Le portrait estd’abord chronologique, puis thématique, pour revenir à une organisation chronologique.

Ce portrait est extrêmement intéressant. Contrairement à ce que laissait penser le titre,le propos est nuancé. Le portrait n’est donc pas hagiographique. Pourtant, le premier tiersdu portrait, celui qui se trouve en page une et qui revient sur les soixante-neuf premièresannées de la vie du chanoine, est dithyrambique. Le premier paragraphe en est d’ailleursl’illustration parfaite. Les qualificatifs ne manquent pas pour parler d’un homme qui a suentrer vivant dans la légende. L’élève est doué, le prêtre est dynamique, le polémisteest rude mais populaire. Le résistant est courageux et plein d’impertinence envers lesAllemands. Une anecdote raconte que Kir refusa de serrer la main à un officier allemand,car il était colonel et non général. Ici encore, il est fait référence à la condamnation à mort duchanoine. Puis, le portrait continue en page cinq pour s’intéresser à l’homme politique. Lepropos devient alors moins élogieux, sans être totalement défavorable au maire de Dijon.Les Dépêches nous présentent trois facettes du personnage, deux plutôt positives et latroisième plutôt négative. Tout d’abord, l’homme est perçu comme fantasque (plusieursanecdotes soulignent cela) et aimé par ses administrés. L’homme politique regardant versl’Est est présenté sur plusieurs paragraphes. On note que le journal dijonnais revient demanière très précise sur la volonté de Kir de tendre la main au bloc socialiste. La parole dujournal est neutre, mais l’attention accordée à ce sujet tend à prouver que la rédaction desDépêches n’était pas hostile à cet engagement du chanoine. A noter que dans ce portrait,les mauvaises relations que Kir entretenait avec le général de Gaulle sont abordées, commele soutient du chanoine au candidat Mitterrand en 1965. Les engagements nationaux etinternationaux du politicien Kir mis en avant dans ce portrait sont des engagements quipenchent à gauche. Kir apparaît comme un homme de gauche, et le journal dijonnais, àtendance socialiste, semble juger positivement cette facette du chanoine. En revanche, latroisième facette de Kir, celle relative à son mandat de maire, n’est pas abordée dans destermes élogieux. Tout d’abord, le journal rappelle plusieurs fois l’autoritarisme du maire deDijon. Puis même si le journal salue quelques-unes de ses réalisations, comme un nouveauquartier ou le lac artificiel (plusieurs paragraphes sont consacrés à sa réalisation), son bilanest jugé globalement négatif. Les cinq derniers paragraphes du portrait sont très durs à cesujet. Et ils ne sont pas sans nous rappeler la réflexion de Jean-François Bazin et AlainMignotte sur l’absence d’héritage laissé par Kir, dont nous avons parlé à la fin de notrerapide biographie sur le chanoine. En effet, le portrait des Dépêches s’achève en pointantdu doigt la stagnation de la ville de Dijon sous les mandats de Kir. La dernière phrase duportrait tombe comme un couperet (on est très loin des propos du premier paragraphe duportrait) : « L’administrateur ne semble pas avoir été à la mesure de l’apôtre de la paix73 ».

73 Les Dépêches, 26 avril 1968, p. 5

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Les Dépêches préfèrent donc l’humaniste au conservateur, ce qui n’est pas étonnant pourun journal de gauche. C’est peut-être aussi ce jugement critique à l’égard du maire qui est àl’origine du fait, mis en évidence dans le chapitre premier, que Les Dépêches traitent moinsde l’événement dans les rubriques locales que ne le fait Le Bien Public.

3.2.5 Le portrait74 du Figaro : un chanoine au franc-parler et non pastruculent

Titre : nonIntertitres :Dans l’ordre du texte : «Héros de la Résistance » ; « Légende et folklore »Les intertitres du Figaro peuvent paraître surprenants au premier abord. Or, il nous

rappelle les deux portraits déjà étudiés de deux quotidiens nationaux : La Croix et France-Soir. Le premier journal a insisté principalement sur le passé résistant du chanoine. Lesecond journal a préféré souligner la personnalité originale de Kir. Ces deux facettes sontcelles mises en valeur par Le Figaro. Le résistant et la personnalité atypique seraient-ilsles deux pôles principaux de la mémoire du chanoine Kir portée par la presse nationale ?L’analyse du portrait du Figaro nous permettra de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse.

Thème :Date et lieu de naissanceScolaritéCarrière ecclésiastiqueExpérience journalistiqueanti-marxiste, franc-parler, populaire« Héros de la Résistance »Délégué municipal et résistantdonne du courage à la populationCondamnation à mortTentative d’assassinat et fuiteRetour à DijonacclaméSes différents mandatsindépendantDoyen de l’Assemblée nationaleopposé à De GaulleDéfaite aux législatives de 1967« Légende et folklore » :Légende vivante et folklore bourguignon

74 Le Figaro, 26 avril 1968, p. 7

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populaireRéputation aux Etats-Unis et dans le monde…truculent, rabelaisien… différente de la réalitésans compromission, franc-parler, scrupuleusement honnête, totalement désintéresséSynthèse :Le portrait du Figaro est plutôt court par rapport à sa couverture globale de l’événement.

Il va donc être intéressant de voir quelles informations le quotidien parisien a décidéd’intégrer à sa biographie du chanoine. Cette dernière se décompose en trois parties. Lesdeux premières sont chronologiques, la dernière est thématique.

Le portrait débute par deux paragraphes, qui n’appartiennent à aucune des deuxparties, et qui résument très succinctement les soixante-trois premières années duchanoine. Son expérience d’infirmier lors de la Grande Guerre est oubliée. Quelques lignesreviennent sur son passé de journaliste. Comme Les Dépêches, Le Figaro insiste sur lefranc-parler du conférencier qui le rendit populaire, mais le journal parisien se distingue enqualifiant le journal catholique Le Bien du Peuple d’anti-marxiste. Ce faisant, c’est aussile rédacteur en chef de l’hebdomadaire, l’abbé Kir, qui est visé. Le journal, dont la deviseétait : « Dieu-Patrie-Famille, La Croix et la Charrue ont fait la France », avait en effet uneligne éditoriale anti-marxiste, mais ce n’était ni la seule ni la principale. Que Le Figaro aitchoisi ce qualificatif pour parler de l’hebdomadaire dont s’occupait le chanoine, vient sansdoute de la volonté du journal d’utiliser une image qui parle et qui marque les esprits deses lecteurs. En effet, cet engagement anti-marxiste permet de rapprocher les lecteursdu chanoine, ou inversement de rapprocher le chanoine des lecteurs du Figaro. La partiesur Kir résistant condense en trois paragraphes le parcours du chanoine Kir de 1940 à1967. Le premier paragraphe, dont la taille équivaut aux deux autres, se focalise sur laSeconde Guerre mondiale. Toutes les activités plus ou moins développées dans les portraitsétudiés précédemment sont présentes : la participation dans la Délégation municipale, l’aideaux prisonniers, la condamnation à mort, la tentative d’assassinat, la fuite en Haute-Marneet le retour sous les acclamations de la foule à la Libération. Aucun de ces points n’estprécisément détaillé, hormis celui concernant la condamnation à mort. Une citation de Kir,qu’il aurait prononcée devant ses juges, est retranscrite. Elle montre un chanoine affrontantla mort et ses ennemis avec courage et dignité. Or, il est très probable que cette phraseait été inventée par Kir après coup, puisqu’il n’y a aucune preuve, comme nous l’avonsexpliqué plus haut, de l’existence réelle de ce jugement et de cette condamnation à mort.Ici encore, la vérité est déformée et renforce l’image de héros du chanoine. Deux autrespetits paragraphes énumèrent ses fonctions politiques locales et nationales. Puis le journalconsacre la dernière partie du portrait à l’homme et à sa personnalité fantasque. On retrouvela formule « légende vivante » utilisée par Les Dépêches, et le journal parisien met enavant la renommée internationale du maire de Dijon, qui serait due, toujours selon le titrede droite, à sa truculence. Cependant, Le Figaro tente de montrer que cette originalitén’est pas de la truculence mais une tendance à toujours vouloir donner son avis. Le journalparisien porte donc une mémoire du chanoine qui essaye de rectifier une représentationlargement partagée par l’opinion concernant la personnalité de Félix Kir. Ici, Le Figaroimpose ouvertement sa mémoire, en tentant de corriger la légende, qui est aussi uneautre forme de mémoire. Mémoire qui est avant tout positive : le portrait s’achève sur desqualificatifs très élogieux pour le chanoine.

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3.2.6 Le portrait75 de L’Humanité : un chanoine doyen de l’Assembléenationale

Titre :« Ancien doyen de l’Assemblée. Le chanoine Kir est mort »A la lecture de ce titre, deux remarques s’imposent. Tout d’abord, L’Humanité impose

d’emblée à ses lecteurs une représentation précise du chanoine Kir. Cela nous rappelle nosremarques issues de l’analyse du tableau 34. Va-t-on retrouver cette représentation dansle portrait ? Il ne fait pas de doute. La seconde remarque concerne la deuxième phrase dutitre : le journal annonce la mort du chanoine Kir. Comme nous l’avons montré plus hautdans ce travail, la couverture de la disparition du maire de Dijon est extrêmement succinctedans L’Humanité. Le portrait a donc deux fonctions : il va informer les lecteurs de la mortde Kir et il va revenir sur sa vie.

Thèmes :Annonce de la mort du maire de Dijon et doyen de l’Assemblée nationaleSon expérience pendant la Seconde Guerre mondiale : résistant, arrêté, condamné et

blesséParcours politique : maire, député et conseiller général (jusqu’en 1967), et doyen de

l’Assemblée nationaleEngagements internationaux : amitié franco-soviétique, jumelage avec Stalingrad,

rencontre avec KhrouchtchevdynamiqueDécorationsSynthèse :Le portrait de L’Humanité est le plus court des huit portraits de notre corpus. Il est

principalement organisé de manière thématique. Il est toutefois loin d’être le portrait le moinsintéressant à analyser.

En effet, la mémoire du chanoine portée par le quotidien communiste est la plusmarquée idéologiquement. La présence de toutes les informations ou presque que l’onpeut trouver sur la vie du maire de Dijon dans ce portrait peut s’expliquer en fonction del’orientation idéologique du journal. Le premier paragraphe, qui annonce le décès de Kir,commence par rappeler sa fonction de doyen des députés. Cela nous renvoie au titredu portrait et à notre réflexion sur la particularité de cette fonction pour les communistesfrançais. La biographie de L’Humanité occulte complètement la carrière ecclésiastique duchanoine. De toute évidence, l’homme d’Eglise à tendance anti-marxiste n’est pas unefacette de Kir qui intéresse le quotidien. L’orientation idéologique du journal est-elle àl’origine de ce choix ? Cette hypothèse n’est pas à exclure. L’Humanité commence donc sonportrait à partir de la Seconde Guerre mondiale. Les principaux événements qui marquentle parcours du chanoine à cette époque sont abordés brièvement. La carrière politiquedu chanoine est aussi rapidement traitée. On note d’ailleurs que la fonction de doyende l’Assemblée nationale occupée par Kir est reprécisée. Le portrait se termine sur lesactions internationales du chanoine. Pour la seule et unique fois, un adjectif qualificatif estutilisé pour décrire Kir : « dynamique ». Cette partie n’est en fait qu’une énumération des

75 L’Humanité, 26 avril 1968, p. 5

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différents engagements pro-soviétiques du maire de Dijon. La mémoire du chanoine portéepar L’Humanité est donc assez neutre sur l’homme, puisqu’aucun qualificatif ou presque neconcerne la personnalité du chanoine. En revanche, son action internationale est mise enavant quand elle est en lien avec le bloc soviétique. La vie de Kir n’est vue qu’au traversun prisme idéologique bien précis, qui met de côté des pans entiers et nombreux du trèslong parcours du chanoine. A la lecture de ce portrait, on pourrait presque croire que Kirétait communiste.

3.2.7 Le portrait76 du Monde : un chanoine politique (juché sur sonchar)

Titre : nonThèmes :Un député pas comme les autrespittoresque, bonhomie, accent rocailleux, turbulentArrivé à 69 ans en politique au sortir de la RésistanceMission sacerdotale et journalismeDate et lieu de naissanceSéminaristeRésistant, arrêté, puis victime d’un attentatRetour à Dijon sur un charSuccès électorauxpopulaireOrientations politiquesindépendant, anti-gaullistePacifisme et développement des jumelagesSes difficultés avec sa hiérarchie à propos de KhrouchtchevFonction de doyen de l’Assemblée nationale et discourston de prédicateurDéclin et défaites politiques, se classe dans l’oppositionDéclin physiqueSynthèse :La structure du portrait du Monde correspond à la mise en page traditionnellement

sobre du journal. C’est la biographie la plus longue de la presse parisienne, atteignantquasiment les mille mots. L’agencement interne du portrait est original, notamment au début,et combine une présentation thématique et une présentation chronologique.

76 Le Monde, 27 avril 1968, p. 8

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

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Le portrait du chanoine Kir rédigé par André Laurens77 est atypique. Le ton se veutneutre tout au long du document, sauf dans le premier paragraphe. En effet, les vingt-huit premières lignes dépeignent Kir comme un député pittoresque, au style vestimentaireorignal et à la bonhommie communicative. Le chanoine Kir est donc dès le départ présentécomme un personnage folklorique, représentation que rejette d’ailleurs Le Figaro commenous l’avons vu. Cette entame de portrait équivaut en fait à une photographie textuelle duchanoine. En la lisant, le lecteur peut se représenter visuellement le chanoine et peut mêmeimaginer entendre sa voix marqué par un fort accent bourguignon. Après la description del’homme, le journaliste s’attache à la description de sa vie. Il préfère commencer par parlerde la deuxième naissance du chanoine, sa naissance politique en 1945, plutôt que de lapremière qui eut lieu en 1876, ce qui peut être interprété comme une preuve de l’intérêtporté à Kir homme politique plutôt qu’à Kir homme d’Eglise. En effet, une fois encore,les soixante-quatre premières années de la vie du chanoine sont résumées en quelqueslignes. Le journal du soir s’arrête sur les principaux événements qui affectent le parcours duchanoine à ce moment-là : les activités clandestines, l’arrestation par les Allemands ou latentative d’assassinat par la Milice. Mais le plus étonnant est de constater que le journalistereprend la légende du char sans préciser l’imposture. Le quotidien, délibérément ou non,donne du crédit à un montage découvert six ans auparavant. Dans les deux cas, cetteerreur journalistique est surprenante de la part d’un journal de référence comme Le Monde,alors même que le quotidien du soir est un des seuls journaux de notre corpus à ne pasabusivement parler de condamnation à mort. La suite du portrait se focalise essentiellementsur l’homme politique, ses partis pris nationaux et ses engagements internationaux. Lejournal s’attarde en effet sur les successives orientations politiques du chanoine, sur lesthèmes de ses discours de doyen à l’Assemblée nationale, ou sur sa volonté de rapprocherles peuples, entre autres par le jumelage. Le portrait offre donc une véritable consistanceà la carrière politique du chanoine, consistance qui cependant met de côté ses réalisationsau niveau local. Cet intérêt porté à l’homme politique se retrouvait déjà dans le tableau 35.André Laurens, au nom du Monde, développe une mémoire du chanoine positive et à lateneur politique.

3.2.8 Le portrait78 du Parisien-Libéré : un chanoine bâtisseurTitre :

« Le chanoine Kir, ancien doyen de l’Assemblée nationale, maire de Dijon, estmort »

Le titre a deux fonctions. Premièrement, il annonce aux lecteurs la disparition du chanoineKir. Deuxièmement, il le désigne à travers deux de ses fonctions politiques, peut-être lesdeux qui ont le plus marqué l’opinion : le maire et le doyen de l’Assemblée nationale.

Sous-titre :« Ancien doyen de l’Assemblée nationale, maire de Dijon, député et conseillergénéral de la Côte d’Or pendant vingt-deux ans, le chanoine Félix Kir est mort,hier après-midi, au centre hospitalier ultra moderne du Bocage, à Dijon, qu’il avaitfait construire. Il avait fait une chute, le 16 avril, dans ses escaliers ».

77 André Laurens est par la suite directeur de la publication du journal Le Monde, de 1982 à 1985.78 Le Parisien-Libéré, 26 avril 1968, p. 3

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CHAPITRE 3 : LES PORTRAITS DU CHANOINE KIR, QUELLE(S) MEMOIRE(S) ?

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Le sous-titre a aussi plusieurs utilités. D’une part, il permet de présenter plus longuement lechanoine Kir, ici à travers ses mandats politiques. D’autre part, il contextualise l’événementtemporellement et géographiquement, tout en donnant son origine. Ce sous-titre afinalement la fonction d’une brève. La précision sur le lien entre Kir et le Bocage estsurprenante. Peut-être que l’analyse du portrait pourra nous apporter quelques explicationssur cette remarque.

Intertitre :« Un personnage et une personnalité »

Le seul intertitre du portrait concerne la personnalité de Kir. Cela peut laisser imaginer quec’est principalement sur l’homme que Le Parisien-Libéré va revenir.

Thèmes :Date et lieu de naissance, origines socialesNombreuses réalisations localespopulaireCréation du lac et inondation qui faillit le tuer« Un personnage et une personnalité »Député atypiquetruculent et légendaireAction pour les jumelages, notamment StalingradRencontre avec Khrouchtchev annulée sur demande de l’évêqueDéfaite aux législativesRésistant, traqué par la Gestapo, blessé par la MiliceDécorationsSynthèse :Le portrait du Parisien-Libéré est un des plus courts de notre corpus. Sa structure

partage des similarités avec celle de France-Soir. Ce sont les seuls journaux à avoir eurecours à une titraille aussi développée pour annoncer le portrait. Cela s’explique par leurmise en page habituelle. Ces deux journaux populaires ont tendance à multiplier les articlescourts, qui se succèdent de manière pas toujours organisée. L’utilisation de titres et de sous-titres permet de donner de la visibilité à un article. C’est le cas pour les portraits du chanoineKir. Une autre similarité concerne l’agencement interne du portrait. Les portraits des deuxtitres populaires sont organisés de manière désordonnée. Les paragraphes se succèdentsans justification chronologique ou thématique.

Le portrait du Parisien-Libéré se rapproche aussi de celui de France-Soir au niveau dufond. L’originalité du chanoine est continuellement mise en avant, à travers des anecdoteslégèrement exagérées ou à l’aide d’un vocabulaire familier. Par exemple, le journal parisienraconte qu’un jour d’inondation au lac artificiel, la voiture du chanoine est menacée par leseaux. Kir en réchappe en décidant d’abandonner sa « 2 CV » et de courir « la soutaneretroussée ». L’image prête à rire. A noter que Kir se déplaçait en DS (elle appartenait àla mairie) et non en 2 CV. L’erreur vient sans doute du fait que quelques semaines avantla disparition du maire de Dijon, le film « Le gendarme se marie » était sorti sur les écransfrançais. C’est dans ce film que le maréchal des logis-chef Ludovic Cruchot, interprété parLouis de Funès, croise la route d’une bonne-sœur dévalant les routes de Saint-Tropez

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

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avec sa 2 CV. Le Parisien-Libéré a très certainement confondu les deux ecclésiastiques.Toutefois, le ton général du portrait est moins provocateur que celui de son homologuepopulaire du soir. Le portrait est original sur plusieurs points. Tout d’abord, il n’évoquepas une seule fois la carrière religieuse de Kir. De plus, ses deux premiers paragraphes(un tiers du document) se focalisent sur les réalisations locales du maire de Dijon. Enproportion de la taille du portrait, c’est le journal qui s’intéresse le plus à ce point. Oncomprend mieux la précision du sous-titre, informant les lecteurs que l’hôpital flambantneuf de Dijon est une des réalisations de Kir. Le quotidien met en avant la construction denouveaux quartiers et bâtiments, ainsi que la création du fameux lac. On peut expliquercet intérêt pour le développement urbain de Dijon impulsé par le chanoine par le fait queles lecteurs du Parisien-Libéré sont avant tout des urbains, confrontés quotidiennementaux problématiques des infrastructures urbaines. La politique municipale du chanoine peutdonc légitimement intéresser les lecteurs du journal. De manière plus classique, le quotidienaborde le passé résistant, l’action internationale et le rôle de doyen de l’Assemblée.Toutefois, quelques remarques doivent être faites. Son activité résistante est exagérée. Enaucun cas, Kir n’a mis en place un réseau d’évasion vers l’Angleterre. Concernant sonentrevue avec Khrouchtchev, Le Parisien-Libéré, comme France-Soir, soulignent le fait quecette rencontre a été rendue impossible sur ordre express de l’évêque. Visiblement, lesdeux journaux populaires s’amusent de l’image d’un chanoine se faisant sermonner par sonévêque. Enfin, son statut de doyen de l’Assemblée nationale est évoqué pour mettre enavant sa truculence. Par conséquent, le portrait du Parisien-Libéré cherche à développerune mémoire du chanoine que l’on pourrait qualifier de bienveillante.

ConclusionCe chapitre constituait la dernière étape de notre étude sur le traitement de la mort duchanoine Kir par la presse nationale française et la presse côte d’orienne, et il portait surune étude comparée des portraits revenant sur la vie du chanoine Kir pour chaque journal.

Notre objectif était de montrer que chaque titre de presse développe sa propre mémoiredu chanoine Kir. Certaines mémoires se ressemblent, tandis que d’autres sont radicalementdifférentes. En sélectionnant huit journaux, nous avons mis en évidence huit mémoiresdifférentes du personnage. Cependant, certaines facettes du maire de Dijon se retrouventdans tous les portraits analysés.

Dans notre deuxième chapitre, l’étude de toutes les dénominations désignant Kirnous avait permis de dégager un premier portrait-type du chanoine. Avec notre démarchedu chapitre trois, nous pouvons préciser ce portrait. Félix Kir, connu sous l’appellation« chanoine Kir » et né à plus de soixante ans (sa vie d’avant la Seconde Guerre mondialeest soit éludée, soit résumée très sommairement), est un ancien grand résistant, arrêtépar les Allemands et grièvement blessé par la Milice, qui s’est lancé avec succès enpolitique à la Libération, porté par le soutien sans faille des Dijonnais. Ses mandats demaire et de député-doyen de l’Assemblée nationale lui ont apporté une réputation nationale,devenue internationale par son engagement en faveur du rapprochement des peuples. Cetengagement est illustré à merveille par son action en faveur des jumelages et par sa maintendue au Bloc soviétique. Mais sa renommée devait aussi beaucoup à sa personnalitéatypique, que beaucoup considéraient comme truculente.

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CHAPITRE 3 : LES PORTRAITS DU CHANOINE KIR, QUELLE(S) MEMOIRE(S) ?

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Ce portrait-type est donc favorable à l’ancien député-maire de Dijon. Seules LesDépêches dressent un portrait du chanoine un peu plus nuancé. Cela confirme noshypothèses des deux premiers chapitres qui voyaient dans la couverture large et diversifiéedu journal dijonnais, une possibilité pour une analyse plus poussée sur le parcours duchanoine.

Comme nous l’avons dit, chaque journal porte une mémoire particulière. Chacunedes mémoires est conditionnée par le type de lectorat des quotidiens. En effet, les titresde presse ont des publics déterminés. Les différents portraits du chanoine sont écrits demanière à ce qu’ils intéressent les lecteurs. Nous sommes donc bien loin d’une démarchehistorique de la part des journalistes, comme nous le présupposions d’ailleurs. Mais, sichaque journal a son audience particulière, c’est parce qu’il possède des caractéristiquesprécises. Les lecteurs font le journal et le journal fait les lecteurs. Ces caractéristiques nousrenvoient à nos trois clivages. En effet, si L’Humanité par exemple axe son portrait de Kirsur son rôle de doyen de l’Assemblée nationale et sur sa sympathie pour l’U.R.S.S., c’est àla fois un moyen de susciter l’intérêt du lecteur et une façon de mettre en avant l’orientationidéologique du journal. Si Les Dépêches et Le Bien Public reviennent aussi longuement surla vie du chanoine, c’est en raison du grand intérêt porté à l’événement par les lecteursdijonnais du journal. Si France-Soir adopte un ton familier pour raconter le chanoine, c’estautant par tradition éditoriale que par volonté de correspondre aux attentes des lecteurs. Parconséquent, les trois clivages qui nous intéressent se retrouvent validés. La presse locale,par des longs portraits, développe une mémoire plus dense du chanoine que la pressenationale, tandis que l’orientation idéologique influe soit sur la tonalité du portrait, soit surles images retenues qui composent la mémoire. Enfin, le clivage presse de qualité/pressepopulaire est souligné par la tendance des journaux populaires à porter une mémoire axéesur l’homme et donc sur le personnage.

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

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CONCLUSION

Nous voici arrivés au terme de notre étude sur le traitement de la mort du chanoine Kir parla presse nationale française et la presse côte d’orienne.

Dans le premier chapitre, nous avons comparé quantitativement les couvertures del’événement de chaque journal. Les résultats obtenus nous ont permis de déterminerl’importance que chaque quotidien a accordée à la disparition du maire de Dijon. Dans ledeuxième chapitre, nous nous sommes intéressés au fond de chacune des couvertures, afinde mettre en évidence les thèmes abordés et les représentations associées au chanoineKir. Dans le troisième et dernier chapitre, nous avons focalisé notre regard critique sur lesportraits retraçant la vie de maire de Dijon dans chacun des huit titres de presse de notrecorpus, dans le but de comparer les différentes mémoires de Kir que porte la presse.

Faisons maintenant un bilan du traitement de la mort du chanoine Kir par journal :Le Bien PublicLa couverture la plus largeLe Bien Public est le quotidien qui, en volume, accorde le plus de place au traitement de

la disparition du chanoine Kir. Nous pouvons donc affirmer que c’est le quotidien qui donnele plus d’importance à l’événement.

C’est aussi le journal qui, sur la durée, revient le plus sur l’événement. Presque un tiersdes documents relatifs à la mort de Kir relevés dans Le Bien Public se trouvent dans l’éditiondu 30 avril 1968.

Approche par les commentaires, la facette politique de Kir et les photos d’actualitéLe Bien Public a recours à un traitement médiatique qui privilégie les réactions aux

documents analytiques. Les informations factuelles rendent compte de manière très précisela chronologie des événements sur la période étudiée.

Le quotidien dijonnais se distingue en désignant régulièrement Kir par ses nombreusesfonctions politiques.

Le journal inclut un grand nombre de photographies, qui illustrent principalement ledéroulement des événements de la mort du chanoine à ses funérailles.

Portrait élogieux et détailléLe Bien Public dresse un long portrait du chanoine Kir, dans lequel l’homme privé et

l’homme public sont jugés favorablement.Ses actions héroïques sont mises en avant, quand d’autres facettes sont

édulcorées voire oubliées (son passé de polémiste, son autoritarisme, ses relations avecKhrouchtchev).

France-SoirUne couverture sommaire mais visibleFrance-Soir se distingue par la couverture immédiate de l’événement, qui correspond

à sa fonction de journal officiel, notion chère à Jacqueline Freyssinet-Dominjon.

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CONCLUSION

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Cependant, l’ensemble de la couverture est quantitativement sommaire et faiblementdiversifiée, avec une absence de documents de commentaire.

Approche factuelle, à l’illustration neutre, mais aux dénominations provocantesFrance-Soir privilégie en grande majorité les informations factuelles dans son traitement

de la mort du chanoine Kir.C’est le titre parisien qui illustre le plus l’événement, mais les deux photographies

utilisées montrent un chanoine comme il pourrait apparaître sur ses photographiesd’identité.

Le quotidien du soir n’hésite pas à recourir à des désignations chocs pour désigner lechanoine.

Portrait acidulé mais tout de même positifFrance-Soir revient sur la vie du chanoine Kir de manière désordonnée, partielles et

souvent anecdotiques.Les bons mots cachent parfois des légers reproches, mais le portrait véhicule une image

globalement positive et affectueuse de Kir.La CroixUne couverture modeste mais visibleLa Croix s’illustre, comme France-Soir, par une couverture qui débute dans l’édition

datée du 26 avril 1968, avec une brève en première page.Le journal catholique revient peu sur l’événement, mais il le traite dans ses premières

pages et intègre une déclaration.Approche factuelle, à l’illustration neutre, sobre lexicalementLa Croix couvre l’événement principalement à travers des informations factuelles, mais

le journal ne considère pas utile de revenir sur le déroulement des funérailles du chanoine.La seule illustration du chanoine est neutre, montrant le visage d’un homme tel qu’il

était dans la dernière partie de sa vie.Le journal catholique ne se distingue pas par une utilisation massive et variée de

dénominations pour parler du chanoine, bien au contraire. Les désignations renvoientessentiellement à sa fonction de maire de Dijon.

Portrait glorifiant l’action du résistant KirLa Croix consacre une grande partie de son portrait à l’expérience de Kir pendant la

Seconde Guerre mondiale. Les faits sont exagérés et le chanoine apparaît comme un trèsgrand résistant.

Le reste du portrait est plus sobre et évoque brièvement la carrière politique de Kir.Les DépêchesUne couverture complèteLes Dépêches offrent à ses lecteurs une couverture large et diversifiée de la disparition

du maire de Dijon, avec un grand nombre de documents de commentaire et d’illustrations.Il faut toutefois noter que la couverture est inégale dans le temps, avec un traitement

médiatique qui s’essouffle après le weekend.

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

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Approche par les documents analytiques, les photographies d’archive et les différentesfacettes de Kir

Les Dépêches sont le journal qui utilise le plus de documents analytiques pour couvrirl’événement. Les portraits, revenant sur la vie de l’homme, sont préférés aux informationsfactuelles, concernant les préparatifs et le déroulement des cérémonies.

Ce choix se retrouve dans les illustrations, qui sont pour la plupart des photographiesd’archive, représentant Kir à différents moments de sa vie.

Les représentations du chanoine véhiculées par les nombreuses dénominationsutilisées par le journal sont un prolongement des deux remarques précédentes. Lechanoine, bien que principalement désigné par des termes renvoyant à sa carrièrepolitique, est vu sous plusieurs angles, permettant de saisir un peu mieux la complexité dupersonnage.

Portrait détaillé et nuancéLes Dépêches sont le quotidien qui dresse le plus long portrait du chanoine. De

nombreux moments de sa vie sont abordés, certains de manière très détaillée.Le portrait adopte tout d’abord un ton dithyrambique (notamment pour décrire ses

actions durant l’Occupation), puis il devient plus nuancé pour parler de l’après-1945. Il setermine par une descente en règle du bilan de maire de Kir. Les Dépêches distinguentdeux hommes : l’apôtre de la paix, qu’elles jugent favorablement, et le maire conservateur,qu’elles jugent très négativement.

Le FigaroUne couverture correcte et diversifiéeLe Figaro est le titre parisien qui accorde le plus d’importance à l’événement en termes

quantitatif. Mais, son traitement médiatique est tout de même très inférieur à celui de lapresse dijonnaise.

De plus, sa couverture bénéfice d’une bonne visibilité et fait intervenir des signaturesextérieures à la rédaction

Approche factuelle, à l’illustration neutre, axée sur les mandats nationaux de KirLe Figaro aborde le sujet du décès du chanoine d’une manière majoritairement

factuelle.Le journal de droite intègre une photographie représentant Kir à sa couverture de

l’événement, mais celle-ci, de format portrait, représente Kir de manière la plus classiquequi soit.

Tout au long des documents, le relevé des dénominations désignant le chanoine montreque le quotidien le représente essentiellement comme un homme politique national.

Portrait élogieux, qui se veut objectifLe Figaro porte une mémoire positive du chanoine Kir. Là encore, le résistant est mis

en avant, puis c’est l’homme politique.Le portrait du journal de droite estime nécessaire de mettre fin à une idée reçue sur

la personnalité du chanoine (sa truculence) et essaye d’imposer ouvertement sa vision del’homme (personnage au franc-parler, qui ne sait pas se taire).

L’Humanité

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CONCLUSION

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Une couverture confidentielleL’Humanité est le journal qui revient le moins sur la mort du chanoine Kir, avec un total

de deux documents relevés.Cette couverture dérisoire exclut donc la présence d’illustrations ou même de

déclarations.Approche mi-factuelle mi-analytique, sans illustration, peu variée lexicalementL’Humanité aborde la disparition de Kir à travers un document aux informations

factuelles et un portrait.Aucune photographie n’est utilisée pour illustrer l’événementLes dénominations désignant Kir mettent en avant l’homme politique et notamment le

doyen de l’Assemblée nationale.Portrait idéologiquement connotéL’Humanité dresse un portrait de Kir très bref et extrêmement marqué par l’orientation

politique du journal.La vie de Kir est vue à travers un prisme communisant, qui écarte la plupart de son

parcours pour ne conserver que ses aspects acceptables (d’un point de vue communistebien sûr).

Le MondeUne couverture visible mais partielleLe Monde est le seul journal du soir qui ne parle pas de la disparition de Kir dans son

édition du jeudi.Cependant, dans ses deux éditions qui reviennent sur l’événement, une annonce en

première page attire l’attention des lecteurs sur le sujet.Approche factuelle, sans illustration, axée sur des représentations politiques de KirLe Monde couvre le décès de l’ancien député-maire de Dijon d’une manière

principalement factuelle.L’absence d’illustration est une marque de fabrique du grand quotidien du soir.Les termes employés pour désigner le chanoine renvoient surtout à la carrière politique

du natif d’Alise-Sainte-Reine.Portrait favorable au chanoineLe Monde est le journal parisien qui dresse le plus long portrait du chanoine. Le propos

est sobre, sauf à deux occasions, ce qui rend la tonalité générale du document favorableà l’égard du chanoine.

Le portrait commence par décrire l’allure atypique et la personnalité pittoresque duchanoine. Ce faisant, l’image ne peut que séduire les lecteurs. D’autre part, le passé derésistant de Kir est enjolivé, ce qui, là encore, n’est pas à la défaveur du maire de Dijon.

A noter que le quotidien du soir s’efforce de donner de la consistance à l’œuvre politiquede Kir

Le Parisien-LibéréUne couverture discrète

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

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Le Parisien-Libéré offre une couverture modeste à l’événement, avec seulement quatredocuments relevés.

Toutefois, une visibilité correcte et la présence d’une photographie donne un peu plusde valeur au traitement médiatique du journal parisien.

Approche factuelle, à l’illustration neutre, axée sur le politicien et l’hommeLe Parisien-Libéré privilégie les informations factuelles pour aborder le sujet du décès

du maire de Dijon.Le choix de l’illustration est le même que pour France-Soir, La Croix et Le Figaro.Les termes relevés servant à désigner Kir le représentent essentiellement comme

un homme politique, mais le journal se distingue en utilisant plusieurs dénominations quirenvoient à l’homme et à sa personnalité.

Portrait désordonné, mais globalement positifLe Parisien-Libéré dresse un portrait du chanoine Kir qui n’aborde que très partiellement

sa vie. Ses réalisations municipales sont soulignées, lui donnant l’image d’un mairebâtisseur.

Sans adopté un ton laudatif, le portrait porte tout de même une mémoire positive duchanoine qui passe avant tout pour un original et un grand résistant.

Abordons maintenant la problématique des clivages. La sélection des titres de pressede notre corpus s’est faite autour de trois clivages : le clivage géographique, le clivagepolitique et le clivage concernant le type de presse. Se sont-ils révélés pertinents dansl’analyse du traitement de la mort du chanoine Kir par la presse nationale française et côted’orienne ?

Le premier clivage, le clivage géographique, a été le plus déterminant pour expliquerles différences de traitement entre les journaux. En effet, les deux quotidiens dijonnais, parleur statut particulier et privilégié de presse locale, ont accordé nettement plus d’importanceà l’événement que la presse parisienne. Sur la période étudiée, la mort de Kir était lagrande nouvelle de l’actualité. Pour la presse parisienne, cette disparition était considéréecomme une nouvelle parmi de nombreuses autres. En volume, la couverture des Dépêcheset du Bien Public est sans commune mesure avec celles de leurs homologues parisiens.Concernant la structure interne de cette couverture, ce sont les deux seuls journaux à nepas privilégier une approche factuelle et à illustrer abondamment l’événement. Ces deuxquotidiens sont aussi ceux qui dressent les plus longs portraits du chanoine. Kir était unegloire locale, et non une gloire nationale. Cela s’est ressenti vivement tout au long de cetravail.

Le clivage politique, comme nous le pressentions, s’est avéré être un facteur nettementmoins déterminant pour expliquer les différents traitements médiatiques. Les journaux ditsde gauche n’ont pas développé un type particulier de couverture médiatique. Et il en estde même pour les journaux dits de droite. Là où l’orientation politique a joué un rôleconcerne l’élaboration des mémoires associées au chanoine Kir. Si pour Le Bien Public,son orientation politique marquée à droite a sans doute justifié son oubli (qui reste mineur)de mentionner la relation particulière qu’entretenait Kir avec Khrouchtchev, l’orientationpolitique de L’Humanité a entièrement conditionné ses représentations du chanoine Kir.Cela ne veut cependant pas dire que les quotidiens situés dans le même camp politique ontnécessairement développé un même imaginaire sur le personnage

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CONCLUSION

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Le clivage presse de référence/presse populaire s’est révélé être pertinentépisodiquement. Le premier chapitre nous a appris que les quotidiens dits populairesavaient un degré d’ouverture très faible, tandis que les journaux de qualité estimaientindispensable la présence de réactions pour couvrir convenablement l’événement. Ledeuxième chapitre a mis en évidence la tendance des journaux populaires à utiliserde nombreuses dénominations renvoyant à la personnalité du chanoine. Le troisièmechapitre est celui où le clivage en question dans ce paragraphe est apparu le plusclairement. En effet, France-Soir et Le Parisien-Libéré ont tous les deux développésun imaginaire semblable associé au chanoine Kir. En fin de compte, ce sont lescaractéristiques communes à ces deux journaux qui ont rendus pertinent ce clivage etnon les caractéristiques partagées par Le Figaro et Le Monde, qui sont apparues moinsévidentes tout au long de ce mémoire.

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Annexes

(A consuter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiquesde Lyon)

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Bibliographie

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Le traitement de la mort du chanoine kir par la presse nationale française et côte d'orienne

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Articles

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