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INTERATTRACTION OLFACTIVE CHEZ CALOTERMES FLAVICOLLIS I. POUVOIR ATTRACTIF DES LARVES A L'I~GARD DES DIFF~RENTES CASTES par H. VERRON (Laboratoire de l'I~volution des ~tres organisds, Paris.) On sait que l'interattraction joue un rSle tr~s important dans les soci~t~s animales. Cette attraction mutuelle est de nature vari~e et peut d~pendre soit de stimuli externes (stimuli olfactifs, visuels), soit de pulsions internes (app~tition sociale de Wheeler). Chez les Termites, aucune 6tude de l'inter- attraction n'a ~t~ entreprise jusqu'ici de mani~re syst~matique. J'ai done essay~ de mettre en ~vidence le r61e de l'olfaction dans l'attrac- tion exerc~e par les larws de Calotermes flavicollis ~ l'~gard des diff,- rents individus d'une colonie de la m~me esp~ce. MA TERIEL ET METHODE Toutes les experiences ont ~t6 faites en chambre noire, dans des condi- tions de temperature et d'hygrom~trie rigoureusement contr61~es et aussi constantes que possible. Le choix d'une lumi~re rouge faible pour ~clairer le dispositif experimental nous a ~t~ sugg~r6 par les travaux de ~ICHARD (t951). Les insectes, pris dans un ~levage au moment de l'utilisation, n'ont jamais ~t~ maintenus plus d'une heure en experience et ont 6t6 remis imm~diate- ment apr~s usage dans leur colonie d'origine. Pour ~tudier l'attraction olfactive, j'ai r6alis~ un olfactom~tre (fig. 1) l'aide d'une goutti~re de verre de 30 cm de long sur 3 cm de diam~tre, F~o. 1. ferm~e dans sa longueur par une toile m~tallique tr~s fine et bouch~e aux extr~mit~s par un tampon d'ouate. Cette g0utti~re, gradu~e en centim~tres, est posse ~ l'envers sur six tubes ~quidistants de 9 cm de haut sur 2,5 cm de diam~tre. Ces tubes sent emplis de sable humide jusqu'~ 1,5 cm du bord. INS~CTES SOClAUX, TOME IV, No i, t957.

Interattraction olfactive chezCalotermes flavicollis I. Pouvoir attractif des larves a l'égard des différentes castes

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I N T E R A T T R A C T I O N O L F A C T I V E

C H E Z C A L O T E R M E S F L A V I C O L L I S I. POUVOIR ATTRACTIF DES LARVES A L'I~GARD

DES DIFF~RENTES CASTES

p a r

H. V E R R O N

(Laboratoire de l'I~volution des ~tres organisds, Paris.)

On sait que l 'interattraction joue un rSle tr~s important dans les soci~t~s animales. Cette attraction mutuelle est de nature vari~e et peut d~pendre soit de stimuli externes (stimuli olfactifs, visuels), soit de pulsions internes (app~tition sociale de Wheeler). Chez les Termites, aucune 6tude de l'inter- attraction n'a ~t~ entreprise jusqu'ici de mani~re syst~matique.

J'ai done essay~ de mettre en ~vidence le r61e de l'olfaction dans l 'attrac- tion exerc~e par les larws de Calotermes flavicollis ~ l'~gard des diff,- rents individus d'une colonie de la m~me esp~ce.

MA T E R I E L E T METHODE

Toutes les experiences ont ~t6 faites en chambre noire, dans des condi- tions de temperature et d'hygrom~trie rigoureusement contr61~es et aussi constantes que possible. Le choix d'une lumi~re rouge faible pour ~clairer le dispositif experimental nous a ~t~ sugg~r6 par les t ravaux de ~ I C H A R D (t951).

Les insectes, pris dans un ~levage au moment de l'utilisation, n'ont jamais ~t~ maintenus plus d'une heure en experience et ont 6t6 remis imm~diate- ment apr~s usage dans leur colonie d'origine.

Pour ~tudier l 'attraction olfactive, j'ai r6alis~ un olfactom~tre (fig. 1) l'aide d'une goutti~re de verre de 30 cm de long sur 3 cm de diam~tre,

F~o. 1.

ferm~e dans sa longueur par une toile m~tallique tr~s fine et bouch~e aux extr~mit~s par un tampon d'ouate. Cette g0utti~re, gradu~e en centim~tres, est posse ~ l'envers sur six tubes ~quidistants de 9 cm de haut sur 2,5 cm de diam~tre. Ces tubes sent emplis de sable humide jusqu'~ 1,5 cm du bord.

INS~CTES SOClAUX, TOME IV, N o i , t957.

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26 m Y E R R O N

Le gr0upe attractif est mis dans un des tubes. Le sujet r6acteur est d@os6 sur la toile m6tallique ~ une extr6mit6 de la goutti~re. Son compor- tement est observ6 pendant une heure, et sa position dans la goutti~re est relev6e toutes les trois minutes. On constate que l'animal parcourt plusieurs fois la longueur de la goutti6re en marquant des arr~ts plus ou moins pro- long6s au-dessus du tube off se trouve le groupe attractif. Le comportement est not6 de la mani~re suivante : on consid6re dans la goutti~re six zones 6gales correspondant ~ chaCun des six tubes num6rot6s de ~ ~ 6. On porte sur un diagramme (fig: 2 et 3) la fr6quence des passages de l 'animal dans les diff6rentes zones.

L'at traction est done mesur6e par le nombre d'arr~ts que fait le sujet au- dessus de ses cong6n6res.

Pour appr@ier les mesures et voir si les r6sultats obtenus sont signifi- cativement diff6rents de ceux qui seraient obtenus par un eomportement au hasard de l'animal, on caleule let de Student en appliquant la formule :

(m - - ~) t -

off m designe le hombre d'arr~ts faits par le sujet au-dessus du groupe attractif;

E~ d6signe le nombre d'arr~ts correspondant au hasard; : la variance.

Pour 6prouver la signification de la diff6rence entre les r6sultats obtenus dans chaque s6rie, on fait une analyse de la variance qui conduit ~ calculer le rapport de Sn6d@or donn6 par la formule :

F = Sng K(mg--m)"l ~ SZ ( x - - mg)" - - N - - K

dans laquelle : ng d6signe le nombre de valeurs et Sng leur somme ;

mg d6signe la moyenne des ng valeurs ; K d6signe le nombre de groupes ; N d6signe l'effectif total.

Le r6sultat obtenu est compar6 aux hombres donn6s dans la table de Sn6d6cor. Selon qu'il est inf6rieur, 16g~rement ou tr6s sup6rieur, on dit que le r6sultat est non significatif, significatif ou tr6s significatif.

Rfi_,S UL TA TS

A. - - Exp6r iences pr61iminaires.

t. Expdrience avec l'appareil vide. Afin de s'assurer de l'isotropie de l'appareil, une s6rie de 20 exp6riences a

6t6 faite avec 20 sujets r6aeteurs diff6rents sans groupe attraetif. On cons- rate (fig. 2) que l'animal ne marque aucune pr6f6rence pour un endroit

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particulier de l'appareil, & l'exception des extr~mit6s ferm6es par le tampon d'ouate: Le Termite s 'at tarde en effet sur lebouchon de coton par thigmo- tactisme.

2. Mise en 6r d 'une attraction d'ordre chimiqae. Ioo

Dix exp6riences ont ~t6 r6alis~es pour montrer que l 'attraction exerc6e sur le sujet r~acteur est d 'ordre chimique, so

On d@ose 40 cadavres de Termites dans un tube au centre de l'appareil. On remarque que l 'animal s'arr~te fr6quemment au-dessus du tube contenant les cadavres. Ces experiences prouvent que le sujet est attir~ par l 'odeur de ses cong~- n~res.

B. --I~tude de I 'attraction olfactive.

2 3 4 5 6

F I G . 2. -- Exp6rience acec l' appareil vide,

En abscisse : les diff6- r ea t e s zones de 1 'apparel! num~rot6es de t ' ~ 6.

E n ordonn6e : le h o m b r e d 'a r r~ ts effectu~s pa r l ' an i - ma l au-dessus de chaque tube .

Dans toutes les exp6riences qui vont suivre, l e groupe attractif est uniquement compos6 de larves. I1 s'agit de voir comment s'exerce l'attrac- tion olfactive en fonction de la caste et de la densit~ de groupement.

En ce qui concerne les castes : 4 types diff~rents d'individus ont ~t6 uti- lis6s : des ]arves, des nymphes, des soldats, des n6ot6niques.

De m~me, les experiences portent sur 4 densit6s diff6rentes de groupe- m e n t : 5, 10, 15 et 20 sujets.

Pour chaque densit6 de groupement et pour chaque caste, 20 experiences

200 ~ 20(] 2{E

I$o t~ I~ 150

sD S~ . ~

2 3 ~, 6 ? 3 4 5 6 i 2 3 '., S 6 I ~ 5 5

F I G . 3. - - Nymphes. du septi~rne stade. En abscisse : les diff6rentes zones de l ' appa re i l num6rot6es de I h 6. En ordonn6e : le nombre de passages effectu6s pa r l ' a n i m a l au-dessous de chaque tube. Au no 3 : t u b e e o n t e n a n t le g roupe s t imulus .

ont 6t6 faites (soit au total 400 exp6riences) en changeant de sujet r6acteur chaque fois. I. Le sa]et rgactear est ane larve. - - On salt la difficult6 qu'on @rouve

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28 n. waRo~

d6terminer de fa9on pr6cise les diff6rents stades larvaires. Les individus. utilis6s ici sont des larves de grande taille ne pr6sentant pus d'6bauches. alaires. I1 s'agit donc soit de larves ~g6es (5 e stade), soit de pseudergates. Les 100 exp6riences r6alis6es avec les larves sont r6parties en s6ries de 20. Chaque s6rie correspond ~ l'une des densit6s de groupement suivantes : l, 5, t0, 15, 20 Termites. Les r6sultats (tableau I) montrent que l 'a t t ract ion augmente avec la densit6 de groupement. On remarque toutefois qu'il n 'y a pus de discrimination entre les densit6s t0 et 15.

L'analyse de la variance donne F = 7,64. Ce r6sultat tr6s significatif montre qu'il y a un rapport tr~s 6troit entre l 'attraction et la densit6 du groupement.

20 2. L e su]et rdacteur est une n y m p h e du 7 e stade (fig. 3). - - Ce stade 6taut facile ~ d6terminer, on op6re donc avec un mat6riel plus homog6ne, ce:

. . . ~ . . . . : ~ . ~ . / / qui entraine une plus grande r6gu- larit6 des r6sultats (tableau I). On

.................. remarque ici que la r6activit6 est peu pr6s la m~me pour les densit6s 5 et t0 et que le seuil d'excitation semble plus 61ev6 que pour les larves puisque, pour une stimulation iden- tique, les r6ponses sont beaucoup plus faibles.

L'analyse de la variance donne, F = 6,87, qui est aussi un r6sul ta t tr~s significatif.

3. L e rdacteur est an soldat. - - Pour des densit6s inf6rieures ~ 20, o n n'obtient pus de r6ponses significatives. L'attraction n'est sensible qu'~ partir d 'un groupe stimulus de 20 sujets et n 'augmente gu6re quand on double la population du groupe (tableau I). Le soldat semble moins sensible-

rodeur des larves que les repr6sentants des autres castes. Ceci est conforme $ c e que l'on suit des soldats, qui, chez les Termites,

out un comportement tr6s particulier. Pour la densit6 de 20, l e t de Student est tout juste significatif au seuil

de P = 02. 4. L e r6acteur est un ngotdnique: les r6sultats montrent qu'il n 'y a pus.

de diff6rence significative entre males et femelles. La comparaison avec les autres castes indique que les n6ot6niques sont tr6s sensibles $ l 'odeur des larves. Ils donnent en effet les r6sultats les plus 61ev6s. Par contre, i ls semblent beaucoup moins sensibles aux diff6rences de densit6s.

~50

~oo

5O

FIG. ~. - - Comparalsons intercastes. E n abscisse : densit6 de g r o u p e m e n t . E n ordonn6e : h o m b r e d 'arrfi ts au-dessus

du g roupe s t imulus .

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Rt S U

L'ol fac t ion in tervient dans l ' in te ra t t rac t ion entre les diff6rents individus <lans les colonies de Calotermes flavicollis.

Les larves sont tr~s sensibles ~ l 'odeur de leurs cong6nbres et ~ la densit6 de groupement .

Les nymphes du 7 e stade ont un seuil de sensibilit6 plus 61ev6 et sont sur- t o u t sensibles ~ une densit6 de 15 ou 20 sujets.

Les n6ot6niques sont les plus sensibles ~ l 'odeur des larves, mais ils �9 6agissent moins aux diff6rences de densit6. I1 ne semble pas y avoir de diff6rence de sensibilit6 entre les sexes.

Les soldats sont les moins sensibles. Ils ne manifes tent un int6r6t pour les larves qu'~ par t i r d 'un groupement de 20 sujets.

T A B L E A U I

Larves . . . . . . . . . . Nymphes 7 e . . . . . Soldats . . . . . . . . . . N6ot~niques d . . . . N6ot6niques ~ . . . .

86 t42 t02

t7t t84

10 15

183 t70 II0 166

2lt 237 228 22~

20 40

228 207

87 116 240 249

Summary .

Olfaction takes a par t in the reciprocal a t t rac t ion existing between the different individuals in the colonies of Calotermes flavicollis.

Larvae are ve ry responsive to the smell of other larvae and to the densi ty of grouping.

Nymphs of the 7th. instar exhibi t a higher level of response and are especially sensitive to a grouping of i5 or 20 individuals.

Neotenics give the best response to the smell of larvae, b u t do not react as well to the differences of density. There does not appear to be any difference in response between the sexes.

Soldiers are least sensitive ; t h ey exhibit interest towards larvee, bu t only for groups formed by 20 larvae at least.

Zusammenfassung.

Der Geruchsinn spielt eine Rolle bei den gegenseitigen Beziehungen zwischen den verschiedenen Einzelwesen in den Kolonien yon Calotermes fla~icollis.

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30 H. VEaRON

- - Die Larven besitzen ein sehr feines ReaktionsvermSgen auf den Geruch ihrer Artgenossen und die Dichte einer Gruppe.

Die Nymphen des siebten Stadiums haben eine hShere Sensibili- tatssehwelle und sprechen vor allem bei einer Gruppe von i5 oder 20 Wesen an.

- - Die Neotenisehen sind diejenigen, die am empfindlichsten auf den Gerueh der Larven aussprechen.

Aber sie reagieren weniger auf die unterschiedliche Dichte. Es gibt anscheinend keine untersehiedlichen Empfindungsf~ihigkeiten

der Geschlechter. - - Die Soldaten sind diejenigen welche am wenigsten empfindungsf~ihig

sind. Bei den Larven bringen sie erst einer Gruppe yon 20 Wesen gegen- fiber Interesse entgegen.