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Intérêt des fonctions diagnostiques des stimulateurs cardiaques dans le suivi de la maladie auriculaire Maxime Guenoun*, Olivier Roux* et Marc Hero** * Clinique Bouchard, Marseille. ** Medtronic France, Boulogne-Billancourt. Nous rapportons l'observation d'un homme de 84 ans, coronarien, ayant eu une angioplastie de I'IVA moyenne en 2000 et 2002 pour angor, avec une altération modérée de la fonction ventriculaire gauche :fraction d'éjection 50 %. En 1998, un stimulateur MarathonDR (Intermediu) lui est implanté pour dysfonction sinusale symptomatique avec bloc auriculo-ventriculairedu premier degré. On procède à un remplacementsimple du boîtier en juin 2004 pour usure de la batterie par un KappaDR (Medtronic). La sonde bipolaire auriculaire Sweet tip 4244 (Guidant) et la sonde unipolaire ventriculaire Capsure SP 4023 (Medtronic) sont conservées. Le patient est revu en juillet 2004 pour un contrôle du stimulateur qui ne révèle aucun problème de stimulation ou de détection. Le seuil de détection atriale en rythme sinusal est > 5,6 mV. II est asymptomatique. Les fondions diagnostiques ont mémorisé un épisode unique de tachycardie supraventriculaire d'une durée de 9 secondes, confirmé par les électrogrammesendocavitaires. Le traitement médicamenteux est poursuivi, associant inhibiteur de I'enzyme de conversion, statine, diurétique et antiagrégant plaquettaire. rien de particulier dans son courrier. L'électrocardiogramme de base montre un entraînement régulier ventriculaire permanent à 70 batümin. La présence d'un auriculogramme spontané ou stimulé (bipolaire) est difficile à préciser (fig. 1A). L'inhibition de la stimulation révèle une fibrillation auriculaire sous-jacente avec une 28 1 AMC pratique no 144 1 décembre 2005

Intérêt des fonctions diagnostiques des stimulateurs cardiaques

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Page 1: Intérêt des fonctions diagnostiques des stimulateurs cardiaques

Intérêt des fonctions diagnostiques des stimulateurs cardiaques dans le suivi de la maladie auriculaire Maxime Guenoun*, Olivier Roux* et Marc Hero** * Clinique Bouchard, Marseille. ** Medtronic France, Boulogne-Billancourt.

Nous rapportons l'observation d'un homme de 84 ans,

coronarien, ayant eu une angioplastie de I'IVA moyenne en 2000 et 2002 pour angor, avec une altération modérée de

la fonction ventriculaire gauche :fraction d'éjection 50 %. En 1998, un stimulateur MarathonDR (Intermediu) lui est implanté pour dysfonction sinusale symptomatique avec bloc auriculo-ventriculaire du premier degré. On procède à un remplacement simple du boîtier en juin 2004 pour usure de la batterie par un KappaDR (Medtronic). La sonde bipolaire auriculaire Sweet tip 4244 (Guidant) et la sonde unipolaire ventriculaire Capsure SP

4023 (Medtronic) sont conservées. Le patient est revu en juillet 2004 pour un contrôle du stimulateur qui ne révèle aucun problème de stimulation ou de détection. Le seuil de détection atriale en rythme sinusal est > 5,6 mV. II est asymptomatique. Les fondions diagnostiques ont mémorisé un épisode unique de tachycardie supraventriculaire d'une durée de 9 secondes, confirmé par les électrogrammes endocavitaires. Le traitement médicamenteux est poursuivi, associant

inhibiteur de I'enzyme de conversion, statine, diurétique et antiagrégant plaquettaire.

rien de particulier dans son courrier. L'électrocardiogramme de base montre un entraînement régulier ventriculaire permanent à 70 batümin. La présence d'un

auriculogramme spontané ou stimulé (bipolaire) est

difficile à préciser (fig. 1A). L'inhibition de la stimulation révèle une fibrillation auriculaire sous-jacente avec une

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Suite de l'observation cadence ventriculaire irrégulière autour de 50 battlmin (fig. 1 B) confirmée par les marqueurs endocavitaires (fig. IC). Les fonctions diagnostiques permettent de caractériser ce trouble du rythme totalement asymptomatique. II s'agit d'une fibrillation auriculaire avec une fréquence atriale > 400/min, représentant 73 % de l'intervalle de temps écoulé depuis le contrôle précédent (fig. 2A) ; le début de I'arythmie se situe autour du 10 août 2004, sous la forme d'une fibrillation auriculaire permanente d'emblée (fig. 2B) ; on note une réduction spontanée du trouble du rythme début octobre avec un rythme sinusal qui persiste 3 jours avant une récidive de la fibrillation auriculaire sous forme permanente. La fréquence ventriculaire pendant I'arythmie est exclusivement pilotée en repli par une stimulation ventriculaire asservie (fig. 2C). ce qui explique l'absence de palpitations ou d'irrégularité cardiaque à l'examen clinique. On envisage de réduire ce trouble du rythme et on prescrit une anticoagulation par AVK d'emblée et un traitement par amiodarone sans dose de charge, à la posologie de

200 mglj. Le patient est revu le 28 décembre 2004 après 3 semaines d'anticoagulation efficace. II demeure asymptomatique. Le journal des arythmies indique que le patient a passé 86 % du temps en arythmie depuis le dernier contrôle (fig. 3A). On note une modification récente du cycle atrial passant d'une fréquence > 400lmin à une fréquence autour de 2601min. L'enregistrement endocavitaire de cette dernière confirme une organisation de l'activité atriale de cycle plus lent et régulier, avec une haute amplitude > 4 mV (fig. 38). Le graphe de la charge en arythmie montre la survenue en tout début de traitement (AVK et amiodarone) d'une nouvelle réduction avec persistance d'un rythme sinusal exclusif pendant 4 jours avec récidive en arythmie permanente jusqu'au jour du contrôle (fig. 3C). Compte tenu d'une anticoagulation efficace depuis plus de 3 semaines et d'une arythmie organisée, on décide de tenter un entraînement atrial endocavitaire via le stimulateur. Une salve de 20 stimulus de cycle 200 ms permet une réduction en rythme sinusal stable (fig. 4A+B). Le traitement médical inchangé est poursuivi. Le patient est revu le 11 octobre 2005.11 demeure

asymptomatique sans récidive d'arythmie documentée dans les fonctions mémoire (fig. 5) .

URE 3

1 FIGURE 4

' FIGURE 5 I AMCpratique 1 no 144 / décembre 2005 / 29

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Discussion Les arythmies atriales sont fréquentes chez les patients ayant une dysfonction sinusale. Les symptômes sont liés à la tolé- rance hémodynamique de I'arythmie et à l'existence de palpitations. Une conduc- tion spontanée, rapide et irrégulière du ventricule favorise la symptomatologie. Le diagnostic de I'arythmie n'a pu être sus- pecté cliniquement chez ce patient. Le trouble de conduction nodal sous-jacent aboutit à une stimulation ventriculaire permanente et à I'absence de toute palpi- tation ou irrégularité du rythme car- diaque. Le risque de complications throm- boemboliques est ainsi important chez ce patient en I'absence de diagnostic d'arythmie sous-jacente qui permette d'indiquer la mise en route d'un traite- ment anticoagulant. La fréquence de ces arythmies atriales en présence d'une dys- fonction sinusale doit donc inciter à un contrôle télémétrique régulier de ces patients, tous les 6 mois dans notre équipe en I'absence de symptômes. La fiabilité du diagnostic automatique des arythmies atriales par le stimulateur repose avant tout sur la qualité de la détection des signaux atriaux. Cette détection dépend de l'amplitude de ces signaux, classiquement moins amples en arythmie qu'en rythme sinusal, et de la sensibilité programmée. Lors de I'implan- tation des électrodes, la qualité du recueil endocavitaire ne doit pas être négligée.

Mais cette valeur ne préjuge pas de la dégradation du signal en arythmie, notamment lors d'épisodes de FA. Dans ce type d'appareil, un algorithme de détec- tion automatique permet de traquer les arythmies et d'éviter les sous-détections des signaux atriaux peu voltés en adap- tant la sensibilité. La fibrillation auricu- laire de ce patient est ainsi parfaitement détectée sur toute sa durée, sans sous- estimation. De même, aucune arythmie ou over-sensing n'est détectée pendant les périodes de rétablissement du rythme sinusal. L'alternance de périodes prolongées de rythme sinusal au cours de fibrillation d'allure permanente, mise en évidence par le journal des arythmies chez ce patient, est peu connue. Elle pourrait rendre compte d'une forme particulièrement emboligène de fibrillation auriculaire. La réduction d'une arythmie organisée à l'étage atrial par l'utilisation des fonctions de stimulation anti-tachycardique du sti- mulateur est possible avec les mêmes règles que la stimulation endocavitaire par voie percutanée. Sa facilité d'utilisa- tion ne doit pas faire négliger les règles classiques, notamment d'anticoagulation, préalables à toute tentative de réduction. Nous ne l'avons utilisé qu'après une anti- coagulation efficace de 3 semaines. Pour les mêmes raisons nous n'avons pas pro- posé de dose de charge d'amiodarone.

Le suivi au long cours des fonctions dia- gnostiques permet d'apprécier la perma- nence du rythme sinusal. L'adaptation du traitement médical, notamment antiaryth- mique, en fonction de l'évolution de I'arythmie et d'éventuelles récidives, peut être guidée par la surveillance de ces fonc- tions. II n'existe néanmoins aucune don- née actuelle dans la littérature qui permet de moduler les traitements, notamment anticoagulants, en fonction des résultats de ce monitoring intracardiaque perma- nent. Les limites de la surveillance conventionnelle sont le caractère asymp- tomatique d'un certain nombre d'épi- sodes de récidives d'arythmie chez tous les patients et I'absence de sensibilité d'une surveillance électrocardiographique externe itérative. En conclusion, cette observation confirme l'intérêt des nouvelles généra- tions de dispositifs implantables dans la maladie de l'oreillette, leurs capacités de monitoring permanent et fiable du rythme sur le long terme, et l'opportunité de réduire les arythmies organisées via le programmateur. Outre une meilleure connaissance du pro- fi l rythmique de ces patients, le dévelop- pement des fonctions mémoires des sti- mulateurs ouvre la perspective d'un traitement antiarythmique, voire anticoa- gulant, guidé par le suivi de ces outils dia- gnostiques embarqués. w

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