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ILLUSTRATION LE DEVOIR La solidarité entre les peuples est l’un des fondements de la communauté francophone et de l’Organisation internationale de la Francophonie, dont le prochain sommet se déroulera à Dakar, au Sénégal, en 2014. Abdou Diouf prêche la solidarité internationale Page 2 INTERNATIONAL FRANCOPHONIE L’avenir du français à Montréal est une priorité gouvernementale Page 3 Georges-Henri Lévesque déclina en français les sciences sociales Page 6 CAHIER THÉMATIQUE G › L E D E VO I R , L E S SA M E D I 9 E T D I M A N C H E 10 M A R S 2 01 3 Jours de vigilance Il y a partout danger de voir une langue se transformer en autre chose qu’elle-même NORMAND THÉRIAULT E st-ce la présence d’Internet, et la mon- dialisation qu’il en- traîne, qui explique- rait qu’aujourd’hui la communication a plus d’impor- tance que l’information ? Car on ne lit plus autant les journaux, on abandonne les livres et beaucoup, maintenant, n’écri- vent plus : ils « twittent », ils « googlent », ils « facebookent ». Finies les phrases coulantes, la recherche du mot juste ou de l’expression bien tournée : on utilise un sabir dont le destina- taire a les codes, car le recours au raccourci donne l’illusion de la vitesse. En conséquence, l’anglais, langue synthétique, a la cote : ne suffit-il pas, pour s’expri- mer, de simplement connaître un mot et d’ainsi créer, en le glissant tel quel dans une phrase, un verbe, un adjectif, bref, un court syntagme qui « dit bien ce que l’on veut dire » ? Et puisque l’anglais est la langue des affaires et la langue que les Américains utilisent quasi cons-tamment, on ne sau- rait reprocher à ces derniers qui ont mis le monde en réseau, Mi- crosoft et Apple s’étant attelés à cette tâche, de l’avoir choisi pour réaliser leur projet. Communication La planète Terre se trans- forme. À Tombouctou, à Mi- lan, à Tokyo ou à Jérusalem, si d’aventure deux individus se rencontrent sans se connaître au préalable, il ne faudra pas vous étonner, vous qui obser- vez la scène, si ces deux-là, fussent-ils de même nationa- lité, nouent tout naturellement le dialogue en anglais. Quitte à vous imposer un charabia ap- proximatif. Car on peut tou- jours s’exprimer dans une langue donnée, mais de là à rendre compréhensibles des idées complexes, il y a toute une marge. Parmi ceux qui ont l’ambi- tion de s’exprimer dans leur langue maternelle, beaucoup n’ont pas une formation suffi- sante. Ainsi, au Québec, l’ob- jectif ministériel au chapitre de la connaissance de la langue française veut qu’à l’examen terminal de niveau collégial, l’élève produise un texte en 800 mots comportant moins de 30 fautes, un critère qui aurait na- guère mis en échec un élève en première secondaire. Nous vivons dans un monde de l’information. Et aussi du rapprochement des cultures. À la télécommunication omnipré- sente s’ajoute aussi la vie en di- rect au contact de ce qui était hier exotique, ou à tout le moins étranger. Bientôt, il ne restera plus dans notre monde occidental d’enclaves peuplées par les seules gens du cru. Ainsi, quiconque prend le mé- tro ou emprunte le trajet des lignes 80 ou 165 à Montréal peut faire le compte et consta- ter que, pour un trajet donné, le « pure laine » est généralement en minorité. Dans ce contexte, certains politiques ont tôt fait d’opérer un raccourci : on s’internatio- nalise, on veut devenir interna- tional, parlons donc anglais. Pourtant, s’agissant de l’éducation, il y a, nous dit Bernard Cer- quiglini, «une façon francophone de penser l’enseignement supé- rieur, outil du dévelop- pement». De fait, 800 dirigeants d’universi- tés de par le monde semblent partager l’analyse du recteur de l’Agence universitaire de la francophonie, eux qui ont inscrit leur établissement respec- tif dans ce réseau s’étendant sur cinq continents. Solidarité Qu’en est-il sur le plan poli- tique ? Tournons-nous cette fois du côté de l’Organisation internationale de la Franco- phonie, qui se montre au- jourd’hui souvent plus active et plus entreprenante que le Commonwealth qu’elle avait pris pour modèle, lors de sa fondation, il y a plus de 40 ans, quitte à sacrifier à l’occasion le souci économique au profit du projet politique : « La solidarité fait partie des fondements de notre communauté, elle est au cœur de notre action depuis sa création le 20 mars 1970 », rap- pelle d’ailleurs Abdou Diouf, son secrétaire général. Solidarité, donc, mais pas à n’importe quel prix, nuance le ministre québécois responsa- ble, entre autres dossiers, de la Francophonie : « On n’est pas contre l’idée d’élargir la Franco- phonie, déclare Jean-François Lisée, mais il faut que cet élar- gissement soit significatif. Il faut que les pays qui se joignent à la Francophonie fassent un effort réel et mesurable en ce qui a trait à la promotion du français dans la société civile, à l’enseignement du français à titre de langue se- conde, etc. Il ne faut pas que ce soit une adhésion de complai- sance.» Et de signaler par la suite que son gouvernement veut mettre sur pied une poli- tique d’ouverture vis-à-vis de l’Afrique, ce coin du monde que lentement le Canada délaisse, mais qui accueillera bientôt le plus grand bloc de locuteurs de langue française de la planète. Identité Mais devant l’hégémonie réelle de la langue anglaise, du fait que les ré- seaux planétaires l’ont adopté et que les modes tradition- nels d’information vivent (pour ne pas dire survivent) avec difficulté, il y a par- tout danger de voir toute langue se transformer en autre chose qu’elle-même : demain, dans la lan- gue française, il n’y a pas que le plus- que-parfait du sub- jonctif qui sera chose du passé. Aussi, en Suisse, le Parle- ment du Canton du Jura a voté en 2010, prenant modèle sur le Québec, une loi pour contrer la prolifération des anglicismes. Ici, notre minis- tre responsable de la Métro- pole se voit encore reprocher ses déclarations portant sur l’utilisation de l’anglais dans les services publics. Mais il ne suffit pas de dé- fendre ou d’autoriser l’usage d’une langue. Il faut aussi se donner les moyens de cons- truire des identités : cela ne justifie-t-il pas largement le projet de chaîne pancana- dienne de TV5 Québec Ca- nada, qui entend offrir à tous les francophones hors Québec une télévision de proximité ? En effet, pour que les gens parlent avec fierté une langue, il faut qu’ils parviennent à se reconnaître en elle. Le Devoir La Suisse observe le Québec. Le Québec a le regard tourné vers l’Afrique, ce continent où l’Organisation internationale de la Francophonie tiendra son sommet, en 2014. Quant à TV5 Québec Canada, elle entend offrir une nouvelle chaîne, pancanadienne, celle-là, qui propose- rait du contenu à intérêt local. Tout cela dans un contexte où d’aucuns remettent en question la politique québécoise voulant qu’on inscrive dans le cursus du primaire une année entière d’immersion en langue anglaise. Bientôt, il ne restera plus dans notre monde occidental d’enclaves peuplées par les seules gens du cru Il ne suffit pas de défendre ou d’autoriser l’usage d’une langue. Il faut aussi se donner les moyens de construire des identités

INTERNATIONAL - Le Devoir...Québec Canada, elle entend offrir une nouvelle chaîne, pancanadienne, celle-là, qui propose rait du contenu à intérêt local. Tout cela dans un contexte

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Page 1: INTERNATIONAL - Le Devoir...Québec Canada, elle entend offrir une nouvelle chaîne, pancanadienne, celle-là, qui propose rait du contenu à intérêt local. Tout cela dans un contexte

ILLUSTRATION LE DEVOIR

La solidarité entre les peuples est l’un des fondements de la communauté francophone et del’Organisation internationale de la Francophonie, dont le prochain sommet se déroulera à Dakar, auSénégal, en 2014.

Abdou Dioufprêche la solidaritéinternationalePage 2

INTERNATIONALFRANCOPHONIE

L’avenir du françaisà Montréalest une prioritégouvernementalePage 3

Georges-HenriLévesque déclinaen français lessciences socialesPage 6

C A H I E R T H É M A T I Q U E G › L E D E V O I R , L E S S A M E D I 9 E T D I M A N C H E 1 0 M A R S 2 0 1 3

Jours de vigilanceIl y a partout danger de voir une langue se transformer en autre chose qu’elle-même

N O R M A N D T H É R I A U L T

Est-ce la présenced’Internet, et la mon-dialisation qu’il en-traîne, qui explique-rait qu’aujourd’hui la

communication a plus d’impor-tance que l’information? Car onne lit plus autant les journaux,on abandonne les livres etbeaucoup, maintenant, n’écri-vent plus : ils « twittent », ils«googlent», ils « facebookent».Finies les phrases coulantes, larecherche du mot juste ou del’expression bien tournée : onutilise un sabir dont le destina-taire a les codes, car le recoursau raccourci donne l’illusion dela vitesse.

En conséquence, l’anglais,langue synthétique, a la cote :ne suf fit-il pas, pour s’expri-mer, de simplement connaîtreun mot et d’ainsi créer, en leglissant tel quel dans unephrase, un verbe, un adjectif,bref, un court syntagme qui« dit bien ce que l ’on veutdire » ?

Et puisque l’anglais est lalangue des affaires et la langueque les Américains utilisentquasi cons-tamment, on ne sau-rait reprocher à ces derniers quiont mis le monde en réseau, Mi-crosoft et Apple s’étant attelés àcette tâche, de l’avoir choisi pourréaliser leur projet.

CommunicationLa planète Terre se trans-

forme. À Tombouctou, à Mi-lan, à Tokyo ou à Jérusalem, sid’aventure deux individus serencontrent sans se connaîtreau préalable, il ne faudra pasvous étonner, vous qui obser-vez la scène, si ces deux-là,fussent-ils de même nationa-lité, nouent tout naturellementle dialogue en anglais. Quitte àvous imposer un charabia ap-proximatif. Car on peut tou-jours s’exprimer dans unelangue donnée, mais de là àrendre compréhensibles desidées complexes, il y a touteune marge.

Parmi ceux qui ont l’ambi-tion de s’exprimer dans leurlangue maternelle, beaucoupn’ont pas une formation suffi-sante. Ainsi, au Québec, l’ob-jectif ministériel au chapitre dela connaissance de la languefrançaise veut qu’à l’examenterminal de niveau collégial,l’élève produise un texte en 800mots comportant moins de 30

fautes, un critère qui aurait na-guère mis en échec un élève enpremière secondaire.

Nous vivons dans un mondede l’information. Et aussi durapprochement des cultures. Àla télécommunication omnipré-sente s’ajoute aussi la vie en di-rect au contact de ce qui étaithier exotique, ou à tout lemoins étranger. Bientôt, il nerestera plus dans notre mondeoccidental d’enclaves peupléespar les seules gens du cru.Ainsi, quiconque prend le mé-tro ou emprunte le trajet deslignes 80 ou 165 à Montréalpeut faire le compte et consta-ter que, pour un trajet donné, le«pure laine» est généralementen minorité.

Dans ce contexte, certainspolitiques ont tôt fait d’opérerun raccourci : on s’internatio-nalise, on veut devenir interna-tional, parlons doncanglais.

Pourtant, s’agissantde l’éducation, il y a,nous dit Bernard Cer-quiglini, « une façonfrancophone de penserl’enseignement supé-rieur, outil du dévelop-pement». De fait, 800dirigeants d’universi-tés de par le mondesemblent par tagerl’analyse du recteur del’Agence universitairede la francophonie,eux qui ont inscrit leurétablissement respec-tif dans ce réseau s’étendant surcinq continents.

SolidaritéQu’en est-il sur le plan poli-

tique ? Tournons-nous cettefois du côté de l’Organisationinternationale de la Franco-phonie, qui se montre au-jourd’hui souvent plus activeet plus entreprenante que leCommonwealth qu’elle avaitpris pour modèle, lors de safondation, il y a plus de 40 ans,quitte à sacrifier à l’occasion lesouci économique au profit duprojet politique : «La solidaritéfait par tie des fondements denotre communauté, elle est aucœur de notre action depuis sacréation le 20 mars 1970», rap-pelle d’ailleurs Abdou Diouf,son secrétaire général.

Solidarité, donc, mais pas àn’importe quel prix, nuance leministre québécois responsa-ble, entre autres dossiers, de laFrancophonie : « On n’est pas

contre l’idée d’élargir la Franco-phonie, déclare Jean-FrançoisLisée, mais il faut que cet élar-gissement soit significatif. Il fautque les pays qui se joignent à laFrancophonie fassent un ef fortréel et mesurable en ce qui a traità la promotion du français dansla société civile, à l’enseignementdu français à titre de langue se-conde, etc. Il ne faut pas que cesoit une adhésion de complai-sance. » Et de signaler par lasuite que son gouvernementveut mettre sur pied une poli-tique d’ouverture vis-à-vis del’Afrique, ce coin du monde quelentement le Canada délaisse,mais qui accueillera bientôt leplus grand bloc de locuteurs delangue française de la planète.

IdentitéMais devant l’hégémonie

réelle de la langue anglaise,du fait que les ré-seaux planétairesl’ont adopté et queles modes tradition-nels d’informationvivent (pour ne pasdire survivent) avecdif ficulté, il y a par-tout danger de voirtoute langue setransformer en autrechose qu’elle-même :demain, dans la lan-gue française, il n’ya pas que le plus-que-par fait du sub-joncti f qui serachose du passé.

Aussi, en Suisse, le Parle-ment du Canton du Jura avoté en 2010, prenant modèlesur le Québec, une loi pourcontrer la prolifération desanglicismes. Ici, notre minis-tre responsable de la Métro-pole se voit encore reprocherses déclarations por tant surl’utilisation de l’anglais dansles services publics.

Mais il ne suf fit pas de dé-fendre ou d’autoriser l’usaged’une langue. Il faut aussi sedonner les moyens de cons-truire des identités : cela nejustifie-t-il pas largement leprojet de chaîne pancana-dienne de TV5 Québec Ca-nada, qui entend offrir à tousles francophones hors Québecune télévision de proximité ?

En effet, pour que les gensparlent avec fierté une langue,il faut qu’ils parviennent à sereconnaître en elle.

Le Devoir

La Suisse observe le Québec. Le Québec a le regard tourné vers l’Afrique, ce continent oùl’Organisation internationale de la Francophonie tiendra son sommet, en 2014. Quant à TV5Québec Canada, elle entend of frir une nouvelle chaîne, pancanadienne, celle-là, qui propose-rait du contenu à intérêt local. Tout cela dans un contexte où d’aucuns remettent en questionla politique québécoise voulant qu’on inscrive dans le cursus du primaire une année entièred’immersion en langue anglaise.

Bientôt, il ne resteraplus dansnotre mondeoccidentald’enclavespeuplées par les seulesgens du cru

Il ne suffit pas de défendreou d’autoriser l’usaged’une langue. Il faut aussise donner les moyens de construire des identités

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F R A N C O P H O N I EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 9 E T D I M A N C H E 1 0 M A R S 2 0 1 3G 2

ORGANISATION INTERNATIONALE DE LA FRANCOPHONIE

Le français doit être la langue de la solidarité

R É G I N A L D H A R V E Y

A ux dires du secrétaire gé-néral de l’Organisation in-

ternationale de la Francopho-nie (OIF), plusieurs moments« forts » ont marqué le mondefrancophone ces dernières an-nées. L’un d’eux fut sanscontredit le tout premier Fo-rum mondial de la langue fran-çaise, qui s’est tenu à Québecen juillet dernier.

« Le gouvernement du Qué-bec avait été le premier à ré-pondre à l’appel que j’avaislancé lors du Sommet de Mon-treux, en 2010, souligne Ab-dou Diouf. J’avais souhaitérassembler la société civile, lesforces vives de la langue fran-çaise, à l’occasion d’un Forumqui donnerait la parole auxjeunes venus des cinq conti-nents. Le succès a été magis-tral puisque nous avons réuni2000 participants de la sociétécivile, dont une majorité dejeunes de moins de 30 ans, enprovenance de 94 pays, regrou-pés pour une semaine d’activi-tés, de témoignages et de débatssur la langue française, sa réa-lité et son avenir. »

«Le deuxième rendez-vous dé-terminant a été le Sommet deschefs d’État et de gouvernementayant le français en par tage,qui se sont retrouvés en octo-bre 2012 à Kinshasa, capitalede la République démocratique

du Congo, poursuit-il. Pour lapremière fois depuis 1986, leSommet a eu lieu en Afriquecentrale, une région qui consti-tue un réservoir important defrancophones. C’était un mo-ment très impor tant pour lesCongolais, pour la région etpour toute la Francophonie ! »

Langue et solidaritéÀ l’occasion de la Journée in-

ternationale de la Francopho-nie, qui se tient le 20 mars pro-chain, il rappelle l’importancede la solidarité et de la frater-nité entre pays francophones,alors que plusieurs paysconnaissent l’instabilité poli-tique. «La solidarité fait partiedes fondements de notre commu-nauté, elle est au cœur de notreaction depuis sa création le20 mars 1970. Aujourd’hui, elles’est récemment exprimée par leformidable geste de la France,aidé par d’autres pays franco-phones, dont le Canada, qui arépondu à l’appel de détressed’un de nos pays membres. Ilnous fallait venir en aide auMali pour lutter contre le terro-risme et l’aider à recouvrer sasouveraineté et son intégrité ter-ritoriale. C’était un geste trèscourageux de la part du prési-dent français, François Hol-lande, et je tiens à le remercierchaleureusement», dit-il.

Les vives tensions qui ontpar fois dégénéré en conflit

dans certains pays membresqui ont vécu le printempsarabe, comme l’Égypte et laTunisie, l’ont interpellé, af-firme-t-il. « Les mouvementspopulaires qui ont émergédans la région il y a deux ans,en par ticulier dans ces deuxÉtats membres de la Franco-phonie, nous ont évidemmentinterpellés. À l’ef fervescencede ces révolutions succèdentaujourd’hui les processus detransition polit ique, quiconstituent des étapes déci-sives, exigeantes et bien sou-vent délicates. Les dif ficultésauxquelles se heurtent depuisplusieurs mois ces deux payssont naturellement source depréoccupations pour la grandefamille francophone » , sou-ligne M. Diouf.

«J’ai pour ma part fermementcondamné les violences poli-tiques qui ont eu lieu dernière-ment, en particulier en Tuni-sie, avec l’assassinat odieux deChokri Belaïd», rappelle le se-crétaire général de l’OIF.

Il fait appel à la patience et àl’écoute des populations de-vant le défi que posent les pro-blèmes auxquels ces pays sontconfrontés. «Certes, reconnais-sons que les transitions démo-cratiques exigent du tempsavant d’aboutir et que nous de-vons demeurer solidaires despeuples de ces pays en poursui-vant notre appui à ces proces-sus. Néanmoins, il nous fautdemeurer très vigilants, en par-ticulier au chapitre de la pro-tection des droits et des libertés.Les autorités nationales doivent

faire preuve de responsabilité ettout mettre en œuvre pour quesoient réalisées les revendica-tions démocratiques portées parces mouvements populaires. Lespeuples arabes ont su se mobili-ser, parfois au péril de leur vie,pour que tombent les régimesautoritaires. Si on ne répondpas à leurs aspirations de ma-nière satisfaisante, le risque estgrand de les voir à nouveauréagir. »

Le Québec, un modèleAutre défi, le fait franco-

phone en Amérique. SelonM. Diouf, Amérique et Franco-phonie sont-ils toujours compa-tibles ? « Cer tainement ! ditM. Diouf. Il y a beaucoup defrancophones et de locuteurs dufrançais sur le continent améri-

cain. Bien entendu, c’est dansvotre pays, et au Québec, en par-ticulier, que l’on compte le plusde francophones. Le Québec estun modèle de fierté, de détermi-nation et d’audace pour protégeret promouvoir la langue fran-çaise ; il représente le foyer desfrancophones d’Amérique. Lescommunautés acadienne,franco-ontarienne et les autresfrancophones du Canada consti-tuent aussi des forces vives de laFrancophonie des Amériques. Jesais aussi que dans les provincesanglophones du Canada, les ap-prenants en français sont de plusen plus nombreux, ce qui est unebonne chose. Si nous parlons ducontinent américain, je ne veuxpas oublier les millions de fran-cophones et de locuteurs auxÉtats-Unis et dans les Caraïbes.Dans ces pays, la diversité cultu-relle et linguistique, que la Fran-cophonie promeut avec vigueur,devient de plus en plus une réa-lité concrète puisque l’anglais co-habite désormais avec l’espagnolet le français.»

Il se penche en dernier lieusur le sommet de Dakar en2014 pour saluer l’histoire etse projeter vers l’avenir : «Oui,25 ans après le Sommet de laFrancophonie de Dakar, en1989, le premier en terre afri-caine, la communauté franco-phone se retrouvera au Séné-gal. Au pays de Léopold SédarSenghor, une des figures ma-jeures de la Francophonie, etmon père spirituel en politique.Ce sera mon dernier Sommet,puisque j’ai annoncé qu’à la finde mon mandat, je me retire-rais de la vie publique. Je veuxprofiter de la compagnie de mafamille, de mes enfants et demes petits-enfants. »

CollaborateurLe Devoir

Le prochain Sommet de la Francophonie se déroulera en2014 à Dakar, au Sénégal, dans ce pays qui vit naître AbdouDiouf. Il en devint tour à tour le premier ministre et le prési-dent de 1981 à 2000. Il occupe les fonctions de secrétaire gé-néral de la Francophonie depuis 2003. À l’occasion de son re-tour en terre natale, il quittera la barre de cette organisationinternationale jouissant d’un rayonnement mondial. Avant detirer sa révérence l’an prochain, il répond aujourd’hui auxquestions du Devoir.

FABRICE COFFRINI AGENCE FRANCE-PRESSE

Abdou Diouf quittera la barre de l’Organisation internationale de la Francophonie en 2014.

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F R A N C O P H O N I EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 9 E T D I M A N C H E 1 0 M A R S 2 0 1 3 G 3

En Mauricie À Québec

En partenariat avec :

Jeudi 21 mars :11 h 30-14 h :Activité sur le thème Fran-cophonie économique  :des faits, des secteurs pri-vilégiés, des marchés dy-namiques. Organisée parle Consulat général deFrance à Québec, en par-tenariat avec la CCIQ et laCCF section de Québec.

Rencontre de travail sur invitation. Pour y participerveuillez contacter le CGFQ

au 418-266-2538.

13h - 16h :Colloque de lʼODSEF enpartenariat avec lʼAUF. LaFrancophonie, le Québecet lʼAfrique.Crise au Mali: quels en-jeux?

Pavillon De Koninck de l’Université Laval

17h - 20h :Lancement de La franco-phonie nord-américaine,ouvrage collectif dans lacollection « Atlas historiquedu Québec » des Pressesde lʼUniversité Laval (PUL),par le Centre interuniversi-taire dʼétudes québécoises(CIEQ), avec la collabora-tion du Centre de la franco-phonie des Amériques, des Presses de lʼUniversitéLaval (PUL) et du Musée dela civilisation de Québec.

Sur invitation

19h:Soirée Les Amériques litté-raires : Conter au 21e siè-cle. Soirée autour du conteautochtone, populaire eturbain, organisée par leCentre de la francophoniedes Amériques. Chapelledu Musée de lʼAmériquefrançaise.

Sur réservation au 418-643-2158

20h :Spectacle littéraire AlbertCamus Lit LʼÉtrangerRemix, du collectif ONLIT,dans le cadre du Mois dela poésie. Précédé par lesTransAtlantiques, unesérie de représentationsde duos mettant en scènedes poètes québécois etde Wallonie-Bruxelles.Spectacles organisés parle Printemps des Poètesavec la collaboration de la Délégation Wallonie-Bruxelles à Québec.

Au Cercle 220, rue Saint-Joseph Est

Vendredi 22 mars :19h : Conférence du philosophePierre Ansay, sur son der-nier livre Gaston LagaffePhilosophe, Franquin, De-leuze et Spinoza. Organisée par la Déléga-tion Wallonie-Bruxelles àQuébec avec la collabora-tion de lʼInstitut Canadiende Québec.

Sur réservation au 418-692-4148

Bibliothèque Gabrielle-Roy 350 rue Saint-Joseph Est

Samedi 23 mars :20h : Spectacle littéraire LesTransAtlantiques, une sériede représentations de duosmettant en scène despoètes québécois et deWallonie-Bruxelles.Spectacle organisé par lePrintemps des Poètesavec la collaboration de laDélégation Wallonie-Bruxellesà Québec.

Au Cercle 220, rue Saint-Joseph Est

Téléchargez le programme complet de la semaine à l’adresse suivante : www.ifdd.francophonie.org

LʼUniversité du Québec à Trois-Rivières (UQTR), la Ville de Trois-Rivières, la Conférence régionaledes élus de la Mauricie et leurs partenaires régionaux, en partenariat avec lʼInstitut de la Francophonie

pour le développement durable (IFDD), organe subsidiaire de lʼOrgani-sation internationale de la Francophonie, marqueront de façon particu-lière la Journée internationale de la Francophonie le lundi 18 mars, enaccueillant M. Clément Duhaime, Administrateur de lʼOrganisation internationale de la Francophonie, invité dʼhonneur de cette journée.Au programme :• Activité à lʼécole primaire dʼéducation internationale de Trois-Rivières,• Remise de lʼOrdre de La Vérendrye à M. Clément Duhaime à lʼhôtel

de ville de Trois-Rivières,• Conférence-midi donnée par M. Duhaime à lʼUniversité du Québec à

Trois-Rivières sur le thème Les enjeux liés à l’éducation, la jeu-nesse et la Francophonie

• Rencontre à lʼhôtel de ville de Shawinigan, • Cocktail culturel au Musée québécois de culture populaire.

Par ailleurs, la Semaine de la Francophonie en Mauricie, organisée autour de la Journée interna-tionale de la Francophonie, offrira au public, du 18 au 24 mars 2013, lʼoccasion de célébrer la languefrançaise et les valeurs de solidarité et de dialogue des cultures portées par la Francophonie.Partenaires de la Semaine de la Francophonie en Mauricie :

LʼOrganisation internationale de la Francophonie, à travers lʼIFDD, ainsi que ses partenaires de la Francophonie au Québec, organisent une série dʼactivités autour de la Journée internationale de la Francophonie, du 21 au 23 mars 2013 :

F L O R E N C E S A R A G . F E R R A R I S

L a Francophonie est-elle assez présente surles ondes télévisuelles québécoises et cana-

diennes ? La réponse varie selon la personnequi se trouve devant la télévision, avance la pré-sidente-directrice générale de TV5 Québec Ca-nada, Suzanne Gouin. « Pour les francophoneshors Québec, et même juste pour ceux qui ne sontpas de la région de Montréal, cette Francophonieexiste, mais souvent, elle ne les représente pas.On ne peut pas dire qu’ils se retrouvent beaucoupsur leur écran.»

C’est pour pallier cette lacune que l’entreprise àbut non lucratif a déposé, en mai dernier, une re-quête de modification de licence auprès du Conseilde la radiodiffusion et des télécommunications(CRTC). Elle souhaite mettre sur pied un nouveaupendant à sa chaîne actuelle — la chaîne UNIS —ayant pour mandat d’«unir la Francophonie» pan-canadienne en offrant un contenu produit à 100%pour et par les francophones d’un océan à l’autre.

À l’heure actuelle, Radio-Canada est la seule,avec ses 20 stations, à offrir un tel service au-delàdes frontières québécoises. En effet, 11 d’entreelles se trouvent à l’extérieur du Québec. Pour-tant, la demande est grandissante au sein descommunautés francophones minoritaires.

Selon un sondage commandé par TV5 Qué-bec Canada, 90 % des personnes interrogées se-raient « probablement ou certainement intéres-sées » à regarder une chaîne comme celle quesouhaite mettre sur pied l’équipe de SuzanneGouin. Actuellement, les émissions produitesau Canada diffusées sur les ondes de TV5 Qué-bec Canada représentent 20% de leur program-mation. «Face à la demande, nous avons essayéde modifier notre ratio, précise celle qui est latête de TV5 Québec Canada depuis août 2002.Mais chaque fois, notre public réagissait en met-tant de l’avant notre unicité en matière decontenu international à saveur francophone. »

Car même si Radio-Canada commence à of-frir du contenu international sur sa plateformeWeb et à Tou.tv, celui-ci demeure essentielle-ment produit au Canada et dif fusé sur lesondes traditionnelles. C’est dans ce contexteque l’idée d’une chaîne pancanadienne a vu lejour. « Nous souhaitons of frir un contenu variéqui n’empiétera pas sur ce qui existe déjà, nousvoulons être complémentaires. »

C’est ce qui explique que la société d’État estplutôt réceptive à la mise sur pied d’une chaîne pri-vée pancanadienne à vocation francophone. Dansune lettre soumise au CRTC par Radio-Canada le27 février dernier, la directrice aux affaires régle-mentaires écrivait que «la Société est favorable auxinitiatives qui auraient pour effet d’augmenter le re-flet des communautés francophones en situation mi-noritaire et la production indépendante de languefrançaise hors Québec». L’assurance d’une complé-mentarité aux services existants est également unpréalable exigé par la chaîne publique.

Le CRTC devrait rendre sa décision en juin. Sitout se passe bien, l’équipe sera prête à présenter lenouveau TV5 au printemps de l’année suivante.Dans la même veine, le Conseil devra égalementrendre une décision concernant une autre chaînedu même genre, Accents, produite par la Fondationcanadienne pour le dialogue des cultures.

CollaboratriceLe Devoir

TV5 QUÉBEC CANADA

Une nouvellechaîne de télépancanadienne?

RELATIONS INTERNATIONALES

L’avenir du français à Montréal est une prioritéQuébec déposera un plan d’action consacré à l’Afrique

T H I E R R Y H A R O U N

O n ne s’étonnera pas d’appendre que l’ave-nir du français sur l’île de Montréal fait

partie des dossiers posés au sommet de la pilede ceux que traite le ministre Lisée, ne serait-ceque parce qu’il est aussi ministre responsablede Montréal. «Écoutez, l’avenir du français surl’île de Montréal est pour moi essentiel », lance leministre, qui rappelle qu’il a mis mis sur piedun comité ayant pour mandat de favoriser la ré-tention des familles sur l’île de Montréal, co-mité qui devrait remettre son rapport et ses re-commandations sous peu.

«Cette question est une priorité gouvernemen-tale importante parce que le maintien d’une ma-jorité francophone à Montréal est une conditiondu succès du français. »

Que faire? «C’est ce qu’on va voir [à la lumièredu rapport du comité]. On sait que les familles quiquittent l’île de Montréal sont majoritairement desfamilles francophones. On voudrait bien sûr les rete-nir pour des raisons démographiques, de qualité devie, etc.» Jean-François Lisée précise que ces fa-milles quittent l’île «pour des raisons de coûts, carc’est moins cher en banlieue. Il y a même des fa-milles qui auraient voulu demeurer sur l’île mal-gré les coûts, par choix, mais l’offre [de logements]n’est pas suffisante, quand on parle de troisième oude quatrième chambre, par exemple».

Voilà autant de situations, raconte le minis-tre, auxquelles son gouvernement compte s’at-taquer par l’entremise de mesures visant à re-hausser l’offre de logements ou d’habitationssur l’île de Montréal.

Plus largement, pour que Montréal s’exprimemajoritairement dans la langue de Molière et que«le français soit en grande forme au sein de la pro-chaine génération, il faut avoir davantage de fran-cophones, garder les familles sur l’île, avoir plusd’immigration francophone, travailler en français ets’assurer que les allophones choisissent le français.C’est ça, la clé. Il ne s’agit pas de tirer des roches auxAnglais. Il ne s’agit pas de pointer quelqu’un dudoigt ni de trouver qui est à blâmer».

Autrement dit, ajoute le ministre, « si on negagne pas la bataille du nombre, eh bien, on vaperdre la bataille ».

La place du QuébecInterrogé sur la place du Québec et de son in-

fluence à l’échelle de la Francophonie, Jean-Fran-çois Lisée rappelle que le Québec fait partie des« six ou sept États, parmi les 77 que compte laFrancophonie, les plus actifs dans la gouvernancede l’Organisation internationale de la Francopho-nie et dans les propositions de réforme».

À ce chapitre, le ministre Lisée évoque la ten-dance de l’OIF à vouloir élargir le nombre deses membres, ce à quoi le Québec apporte unbémol. « On n’est pas contre l’idée d’élargir laFrancophonie, mais il faut que cet élargissementsoit significatif. Il faut que les pays qui se joignentà la Francophonie fassent un effort réel et mesu-rable en ce qui a trait à la promotion du françaisdans la société civile, à l’enseignement du fran-çais à titre de langue seconde, etc. Il ne faut pasque ce soit une adhésion de complaisance.»

Autrement dit, engagez-vous ? « Exactement.Engagez-vous. Par exemple, il y a le Qatar, qui

est devenu membre associé. Et il s’est négocié uncertain nombre d’engagements à la fois touchantl’enseignement du français, l’existence d’une ra-dio francophone, etc. Ainsi, chacune de ces asso-ciations avec de nouveaux pays se traduit parune augmentation du rayonnement du français.Et nous [le Québec], on a constamment été exi-geants sur ce plan. »

Il ne fait pas de doute pour le ministre Liséeque le Québec a joué un rôle impor tant ausein de l’OIF au fil du temps et que les ac-teurs québécois y ont consacré beaucoupd’énergie. « C’est sans doute parce que c’est undes seuls endroits où on existe institutionnelle-ment dans le monde. Lorsqu’on sera souve-rains, on sera aux Nations unies et dans d’au-tres organisations et on ne va évidemment pasdélaisser la Francophonie. »

L’AfriqueToujours à l’international, Jean-François Li-

sée indique que son gouvernement est en trainde mettre sur pied un plan d’action consacré àl’Afrique qui sera dévoilé par la première minis-tre, Pauline Marois.

L’idée sous-tendant cette initiative, rappelle leministre, est de s’assurer que le Québec accom-pagne « le décollage africain sur le plan écono-mique, entre autres. On remarque par ailleurs ledésengagement du Canada en Afrique. De plus,les Africains sont à la recherche d’interlocuteursqui n’ont pas de passé colonialiste, pas de viséesimpérialistes. Par ailleurs, la compétence et laconvivialité québécoises font que nous sommes desinterlocuteurs très recherchés non seulement surle plan politique, mais aussi au chapitre de l’édu-cation et du développement économique».

CollaborateurLe Devoir

L’avenir du français sur l’île de Montréal fi-gure parmi les priorités du ministre des Rela-tions internationales, de la Francophonie etdu Commerce extérieur, Jean-François Lisée.Discussion sur le français dans la métropolequébécoise, mais aussi sur la place du Qué-bec au sein de la Francophonie.

ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR

L’usage du francais sur l’île de Montréal inquiète et donne lieu à des manifestations ponctuelles.

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F R A N C O P H O N I EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 9 E T D I M A N C H E 1 0 M A R S 2 0 1 3G 4

CENTRE SUISSE D’ÉTUDES SUR LE QUÉBEC ET LA FRANCOPHONIE

La Francophonie suisse vit à l’heure québécoise

UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

L’entente avec les partenaires suisse et belge se concrétise« Le fait d’être une université francophone est un atout et non un handicap»

É T I E N N E P L A M O N D O N É M O N D

à Fribourg

Dans les années 1970, lesQuébécois élisaient un gou-

vernement souverainiste, alorsqu’à la même époque, en Suisse,le Jura francophone réalisait saséparation d’avec le canton ger-manophone de Berne, obtenantainsi le statut de canton au seinde la Confédération helvétique.Il s’agit de l’un des parallèles évi-dents, parmi plusieurs autres,

qui ponctuent les histoires ré-centes de la Suisse francophoneet du Québec. Le Centre suissed’études sur le Québec et laFrancophonie (CEQF) re-groupe depuis 2010 les cher-cheurs helvétiques s’appliquantjustement à étudier le Québecet à observer les liens et les si-militudes entre les réalités histo-riques, mais aussi contempo-raines, du Canada et de laSuisse. Car ces deux pays parta-gent un point commun impor-tant: la langue française, parlée

par une minorité concentréegéographiquement, est l’unedes langues officielles d’une fé-dération plurilingue.

Même si les Suisses ont sur-tout tendance à s’identifier àleur canton, Claude Hauser,professeur d’histoire contem-poraine à l’Université de Fri-bourg et à la tête du CEQF,croit que la francophonie re-présente, aux yeux desSuisses romands, «un attache-ment culturel pour une langueet une façon d’être ». Ce n’estdonc pas par hasard qu’ils jet-tent un œil sur l’autre côté del’Atlantique.

« Il y a une grande attention,au Québec, aux questions delangue, de défense vis-à-vis de cequi peut constituer une menace àla culture francophone», noteClaude Hauser, dans son bureaude l’Université de Fribourg, si-tué à la frontière de la Suisse ro-mande (francophone) et aléma-nique (germanophone). « EnSuisse, la situation est tout demême moins tendue, mais il y atoujours un débat sur le plurilin-guisme et le respect des minori-tés. Pour nous, il est donc très in-téressant de voir comment vousgérez ça au Québec et de voirque les choses sont très suivies,très formalisées, sur le plan deslois, par exemple.»

Inscription universitaireIl relève au passage que le

Parlement du Canton du Jura,qui a signé avec le Québecune entente de coopération en1983, a voté en 2010 une loi fa-vorisant l’usage du françaispour freiner la proliférationdes anglicismes — et non destermes allemands — lorsquedes équivalents existent dansla langue de Molière. « Il y a euun échange réel. Ceux qui ontentrepris de mettre en œuvrecette loi ont aussi fait appel àl’expertise québécoise. »

Le CEQF, dont les activitésont démar ré en 2010, sou-haite poursuivre ce dialogueavec le Québec sur plusieurssujets . Un pôle documen-taire, avec un centre d ’ar -chives, a été constitué à Por-rentr uy, dans le Canton du

Jura, tandis qu’un pôle scien-tifique a été mis sur pied àl ’Universi té de Fribourg,dans le canton du mêmenom. Plusieurs conféren-ciers québécois y sont invi-tés pour décrire nos mo-dèles, nos façons de faire etalimenter la discussion entreles deux régions.

M. Hauser observe que l’im-plantation du CEQF ne fut passi facile au sein d’une univer-sité bilingue de réputation in-ternationale où se côtoient lefrançais et l’allemand. « Il y aencore une méfiance, une cer-taine réticence, parce qu’on as-socie souvent la Francophonieà une politique de diplomatieculturelle of fensive servant lesintérêts postcoloniaux de laFrance. Cette idée est restée for-tement ancrée dans les mentali-tés germanophones. Notre objec-tif, c’est de démontrer qu’il estintéressant d’avoir des contactsavec les périphéries franco-phones dans des situations plu-rilingues. »

Mais «on fait une diplomatieculturelle qui n’est pas officielle,qui ne se joue pas au niveauétatique. On part de l’idée queles relations culturelles, ce nesont pas seulement les États quiles tissent, mais aussi les ac-teurs, les créateurs, les gensdans les académies et les uni-versités, les créateurs et les gensdu spectacle».

Inscription francophoneL’État fédéral suisse, quant

à lui, hésite depuis longtempsà se mouiller au sein de laFrancophonie. Alors que leCanada, après que le Québeceut mis de l’avant la doctrineGérin-Lajoie, a « essayé de sur-enchérir dans tout ce quitouche à la Francophonie, enSuisse, lorsqu’il y avait des vel-léités de développer descontacts avec la francophoniedans les cantons francophones,l’État fédéral a eu tendance àmettre le pied sur le frein » .Une prudence, dit-il, justifiéepar « la crainte de bousculer lefragile équilibre du plurilin-guisme suisse en s’engageanttrop en faveur de la population

francophone et d’être accusé dediviser les communautés ».

Le pays est entré bien tardi-vement au sein du concert desnations francophones, se joi-gnant à l’Agence de coopéra-tion culturelle et technique(ACCT), actuelle Organisationinternationale de la Franco-phonie (OIF), en 1996. Uneadhésion que M. Hauser inter-prète comme une réponse auréférendum sur l’intégrationde la Suisse à l’espace écono-mique européen, en 1992, quia déchiré les francophones,pour la plupart favorables, etles germanophones, majoritai-rement contre. Après un nonsans équivoque, l’entrée dansl’ACCT a été dictée par « unevolonté de montrer aux franco-phones qu’on tient compte deleur appartenance culturelle etse voulait un geste pour qu’ilsse sentent à l’aise en Suisse».

Mais, au CEQF, on défendune vision décentralisée de laFrancophonie, ouver te auxautres cultures et autreslangues, qui n’a pas besoin depasser par la France. D’ail-leurs, M. Hauser prévoit venirséjour ner à Montréal trèsbientôt dans le but d’étudierles retombées d’Expo 67. Sonbut : vérifier l’hypothèse selonlaquelle ce moment charnièreaurait joué un rôle majeurdans la consolidation de laFrancophonie internationale.En septembre 2014, le Jurafera don d’une horloge de 3,5 mètres à la Ville de Qué-bec. Le CEQF ne veut surtoutpas manquer cette occasion deréunir Québécois et Suisses ausein de manifestations cultu-relles et scientifiques.

CollaborateurLe Devoir

Suisse romande et Québec, même combat ? Pas tout à fait,mais les similitudes sont suffisamment importantes pour que,depuis 2010, un Centre suisse d’études sur le Québec et laFrancophonie (CEQF) étudie les parallèles et stimule leséchanges entre ces deux régions où les francophones formentune minorité au sein d’un pays plurilingue.

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Et nous, Québécois, que pou-vons-nous retirer de l’exem-ple suisse romand? SelonM. Hauser, nous pourrionspeut-être nous attarder da-vantage à la façon tout helvé-tique de gérer politiquement« les problèmes et les tensionsqui peuvent exister entre com-munautés et groupes de diffé-

rentes origines, façon qui n’estpas idéale, mais qui a su évi-ter des conflits majeurs et quis’appuie sur une démocratieparticipative». Il reconnaîtque cette voie consensuellepeut devenir «paralysante»,mais il assure qu’elle crée«une certaine habitude et unevolonté de discuter».

Une volonté de discuter

Le professeur Claude Hauser

M A R T I N E L E T A R T E

Un colloque sur la santé pu-blique est organisé par les

partenaires montréalais, suisseet belge. Une rencontre de troisjours des trois facultés de phar-macie se déroulera prochaine-ment pour discuter de projetsporteurs. Les trois partenairessouhaitent également nommerconjointement des fellows.Même certaines facultés nondésignées comme prioritairesdans le cadre des projets de col-laboration souhaitent mettre lamain à la pâte.

«Nous sommes un peu dépas-sés par la motivation de tous. Ilfaudra créer une structure pourcoordonner les initiatives dansles universités », indique Hé-lène David, vice-rectrice auxrelations internationales, à laFrancophonie et aux partena-riats institutionnels à l’Univer-sité de Montréal.

Les par tenariats peuventprendre dif férentes formes :projets de recherche en colla-boration, mobilité entre lesprofesseurs, les chercheurs,les étudiants et les stagiairespostdoctoraux, cotutelle dethèse, organisation d’activités.

« Nous avons annoncé cettevolonté commune entre les troiséquipes à la fin septembre,mais ensuite, il faut que ça per-cole dans les facultés » , ex-plique Mme David.

Des champsdisciplinaires ciblés

Pour faciliter le processus,les partenaires ont ciblé deschamps disciplinaires priori-taires. « Par exemple, la santépublique en est un parce que

Genève et Bruxelles sont enquelque sorte le centre de l’Eu-rope, indique Hélène David.On y retrouve plusieurs orga-nismes, dont l’Organisationmondiale de la santé à Genève.Quant à l’UdeM, elle a sonÉcole de santé publique. »

En ce qui concerne les facul-tés de pharmacie, on aborderanotamment dans les discus-sions la création d’écoles d’ététripartites.

L’UdeM a d’ailleurs déjà dusuccès avec les écoles d’été deson Centre d’études et de re-cherches internationales (CÉ-RIUM). «La diplomatie interna-tionale est un autre exemple dedomaine où nous avons degrandes ambitions, affirme Hé-lène David. Le partenariat estintéressant parce que Genève etBruxelles nous donnent unepor te d’entrée au sein desgrandes organisations mon-diales. Montréal, pour sa part,est une porte d’entrée sur l’Amé-rique du Nord. Nous souhaitonsentre autres cibler d’anciens di-plomates et politiciens pour lesnommer fellows associés.»

Autre domaine prioritaire :l’astrophysique. «Nous sommestous très forts dans cette disci-pline. Genève a son immense ac-célérateur de par ticules etl’UdeM a photographié récem-ment une exoplanète», indiqueHélène David.

Même des facultés non ci-blées au dépar t manifestentleur intérêt pour une collabora-tion accr ue avec les par te-naires. « Nous avions un dîner,récemment, avec le vice-recteuraux relations internationales del’Université libre de Bruxelles.La doyenne de la faculté de mé-

decine et le doyen de la facultéde droit de l’UdeM ont tenu àêtre présents parce qu’ils veu-lent mettre sur pied des initia-tives », raconte Mme David.

Expériences variéesLes trois partenaires souhai-

tent aussi créer un fonds com-mun voué à la recherche.« Cela permettrait de financerensemble des projets de re-cherche et de prendre plus faci-lement des étudiants en cotu-telle de thèse, explique Mme Da-vid. Avec deux directeurs dethèse, ces étudiants se promè-nent d’un laboratoire à l’autre.Ils s’habituent à deux cultures,à deux styles dif férents, et nousavons remarqué que la cotu-telle fait qu’ils publient davan-tage et obtiennent leur diplômeplus vite. »

Les trois partenaires souhai-tent aussi faire ensemble latournée des grandes universi-tés des pays émergents. « Lespays comme la Chine et le Bré-sil n’arrivent pas à répondreaux besoins de formation deleur importante population, in-dique Mme David. D’ailleurs, leBrésil a créé un énorme projetde bourses pour envoyer des étu-diants à l’étranger. Plusieurspays veulent attirer cette clien-tèle. Si nous nous y mettons àtrois, ça risque d’être beaucoupplus avantageux parce que lesétudiants auraient ainsi accèsà trois pays et deux continents. »

L’approche groupée facilite-rait en outre la création de pro-jets avec des chercheurs destrois universités partenaires etd’autres de pays émergents.

Un autre projet vise à choi-

sir trois universités des paysdu Sud où les trois partenairesinvestiront de façon prioritaire.«Le fait de nous allier nous per-mettra d’avoir accès à des fondsauxquels nous n’aurions pas ac-cès sinon, par exemple, dans no-tre cas, des fonds de l’Union eu-ropéenne. Nous pourrons ainsiréaliser des projets de coopéra-tion internationale de plusgrande envergure», explique lavice-rectrice.

Le français, un atoutEn lançant ce projet de par-

tenariat, l’UdeM souhaite quela francophonie universitaireoccupe une meilleure placesur l’échiquier mondial. «On abeau convenir que dans cer-taines disciplines comme lessciences fondamentales et la mé-decine, la principale langue de

publication est l’anglais, resteque nous sommes des universi-tés francophones. Nous souhai-tons créer une masse critique degrandes universités franco-phones pour travailler ensembleet nous prioriser réciproque-ment, dans un contexte où lesuniversités anglophones ontune très grande force defrappe», remarque Mme David.

Elle af firme que plusieursétudiants étrangers choisis-sent d’ailleurs l’UdeM parcequ’elle permet d’étudier et defaire de la recherche en fran-çais. «Le fait d’être une univer-sité francophone est un atout etnon un handicap, précise-t-elle.Même des étudiants de payscomme la Chine viennent faireun programme en anglais àl’UdeM, mais ils nous choisis-sent parce qu’ils pourront aussiapprendre le français tout en sefrottant au mode de vie nord-américain. »

Pourquoi avoir créé un parte-nariat francophone sans laFrance? «Nous avons regardé lacartographie de nos partenariatsexistants avec des universitésfrancophones, explique Mme Da-vid. Nous voulions cibler des par-tenaires de la base, des parte-naires pluridisciplinaires quinous ressemblent vraiment.Nous avons déjà beaucoup deliens avec la France, mais lesuniversités françaises sont trèsmonodisciplinaires. Sarkozy aentamé un regroupement avecles PRES (pôles de recherche etd’enseignement supérieur), etlorsque ce sera terminé, ils’agira de très grandes structures.Nous voulions démarrer avecdes universités de taille plus hu-maine, qui nous ressemblent,mais nous allons fort probable-ment inclure des universités fran-çaises d’ici un an ou deux.»

CollaboratriceLe Devoir

L’entente de partenariat signée en septembre prend forme en-tre l’Université de Montréal (UdeM), l’Université libre deBruxelles et l’Université de Genève. L’objectif du trio est de de-venir une référence francophone dans le monde universitaire.

UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES

À l’avant-plan, Jean-Dominique Vassalli, recteur de l’Université de Genève, Guy Breton, recteur del’Université de Montréal (UdeM), et Didier Viviers, recteur de l’Université libre de Bruxelles (ULB). Àl’arrière-plan, S. E. Beltrametti, conseiller-chef adjoint de mission de l’ambassade de Suisse en Belgique,Christos Sirros, délégué général du Québec à Bruxelles, Serge Jaumain, vice-recteur aux relationsinternationales de l’ULB, et Hélène David, vice-rectrice aux relations internationales de l’UdeM.

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F R A N C O P H O N I EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 9 E T D I M A N C H E 1 0 M A R S 2 0 1 3 G 5

AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE

Une façon francophone de penserl’enseignement supérieurMontréal accueille un bureau de veille stratégique

H É L È N ER O U L O T - G A N Z M A N N

I l est loin le temps oùquelques pères fondateurs

se réunissaient, ici, à Mont-réal, et lançaient l’idée decréer une association d’univer-sités francophones. C’était en1961, et plus de cinquante ansaprès, le siège social se trouvetoujours sur le campus del’Université de Montréal.

Le réseau a bien grossi,s’étendant aujourd’hui à 94 payssur les cinq continents, et peutse targuer d’être l’une des plusimportantes associations dansle monde universitaire, la seulequi soit fondée sur un critère lin-guistique. «Depuis 1989, noussommes même devenus l’organi-sateur officiel des sommets fran-cophones pour l’enseignement su-périeur et la recherche, note lerecteur Cerquiglini. À ce titre,nous avons du personnel, 430personnes, des crédits émanantdes États qui nous financent, leQuébec, le Canada, laFrance, etc., et nous avonsquelque 70 implantations dans lemonde: bureaux, antennes, cam-pus numériques, etc.»

Aide et soutienL’objectif : mettre en œuvre,

dans le domaine universitaire,une solidarité fondée sur lalangue française. L’Agencevient donc en aide aux univer-sités adhérentes situées dansles pays en développement etémergents. Une aide structu-relle, d’une part, notammentpar l’amélioration de la gouver-nance des établissements, lafondation de collèges docto-raux ou encore l’installation decampus numériques ; une aideindividuelle, d’autre part, avecl’attribution chaque année deplus de 2000 bourses de maî-trise et de doctorat, de mobi-lité pour de jeunes chercheurset de postdoctorat.

«Nous aidons ainsi les établis-sements universitaires à devenireux-mêmes des outils du dévelop-pement, indique Bernard Cer-quiglini. Nous avons égalementpour but de valoriser la commu-nauté scientifique de languefrançaise dans le monde. Les sa-vants universitaires ont desidées, des opinions, des savoir-faire et ils doivent les faireconnaître. Il y a aujourd’hui degrands débats qui traversent l’en-seignement supérieur : la profes-sionnalisation, la structuration,l’évaluation des études, la gou-vernance et le financement desuniversités, etc. Nous, universi-taires francophones, nous nesommes pas prêts, par exemple,à accepter les classements dutype classement de Shanghaï.Nous avons notre propre concep-tion, avec des modèles, des cri-tères différents. Il y a une façonfrancophone de penser l’ensei-gnement supérieur, outil du dé-veloppement.»

De là à dire que l’AUF sert es-sentiellement les intérêts desuniversités du Sud, il n’y aqu’un pas que le recteur Cerqui-glini se garde bien de franchir.Bien sûr, les bourses ne vontpas être attribuées à des étu-diants québécois. «Mais l’ensei-gnement supérieur est un levierde développement pour toutes lessociétés, pas seulement pour lesÉtats du Sud. C’est sans doutequelque chose qu’il est bon derappeler au Québec, sur toutdans le contexte actuel, assure-t-il. Ensuite, le développement despays émergents aura des effets bé-néfiques pour toute la planète. Etenfin, dans un contexte d’interna-tionalisation des universités,mais également de mondialisa-tion de notre société, il est impor-tant que les étudiants du Nords’ouvrent à d’autres horizons,qu’ils rencontrent des jeunes quiviennent d’autres pays, qui arri-

vent avec une tout autre réalitédans leurs bagages, d’autres ma-nières de voir les choses. Il est pri-mordial que les intelligences sefrottent si l’on veut qu’il y ait dusavoir neuf. Et nous attendonsdes jeunes qu’ils le produisent, cesavoir neuf. L’AUF, c’est la soli-darité et le partage des intelli-gences francophones.»

Sud et NordDes rencontres entre étu-

diants du Sud et du Nord peu-vent mener à des projets, cer-tains soutenus par l’Agence.Un programme prévoit notam-ment le financement de projets

d’entrepreneuriat, pour vuqu’ils émanent d’étudiants desdeux hémisphères de la pla-nète. Des professeurs du Nord,souvent à la retraite, sont égale-ment bienvenus s’ils souhaitentaller enseigner quelques an-nées dans une université d’unpays en voie de développement.Ainsi, au Québec, ils sontquelques-uns chaque année às’envoler pour Haïti. Pour l’ins-tant, le programme neconcerne pas les étudiants,mais un collège doctoral ayantété ouvert là-bas par l’AUF, ilest tout à fait concevable qued’ici quelques mois, les docto-rants puissent y accéder.

Ce n’est pas la seule ma-nière d’élargir ses horizons,au demeurant, puisquel’Agence vient de mettre surpied deux pôles de développe-ment, l’un à Bruxelles, l’autreà Montréal. Ces bureaux sontchargés de faire de la veillestratégique et de remontertoutes les bonnes idées en ma-tière d’échange et de partagedes connaissances, tout en ai-dant les universités à trouverd’autres sources de finance-

ment que les États. Celles-cisont invitées à lorgner notam-ment du côté des grandes ins-titutions internationalescomme la Banque mondiale, laBanque de l’Union africaine, laCommission européenne, etc.,qui lancent régulièrement desappels d’offres.

« Le bureau de Montréal esttrès important en raison de sasituation géographique, estimeBernard Cerquiglini. Non seu-lement il est proche des institu-

tions, puisque nombre d’entreelles ont leur siège à New Yorkou Washington, mais en outre,l’Amérique du Nord possèdeune expérience très ancrée enmatière de recherche de finan-cement. J’aime raconter quelorsque j’ai pris mon poste deprofesseur à l’Université deLouisiane, la seule obligationque j’avais était de suivre uncours m’apprenant à rédigerune demande de programme definancement ! Car c’est tout un

ar t que de remplir des de-mandes de subvention, tant àl’échelle régionale qu’internatio-nale. Le pôle de développementde Montréal est là pour appren-dre aux universités à savoir re-pérer les appels d’of fres et bienremplir un dossier. »

Un apprentissage primor-dial dans le contexte écono-mique actuel…

CollaboratriceLe Devoir

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Horizontalement2. Face à face.4. Qui est le seul.7. Assemblage de !eurs.8. Groupe de personnes.9. Lieu où des ouvriers exécutent des tâches similaires.

Verticalement1. Apparition subite de l’amour.2. Préposition qui désigne les choses dont on vient de parler.3. Habileté, expérience.5. Mettre à l’abri d’un risque, d’un danger.6. Chic, originalité, caractère distinctif.

* Les locutions et les mots composés s’écrivent en un seul mot.

Bulletin de participation*

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Code postal Téléphone

* Concours réservé aux résidents du Québec âgés de 18 ans ou plus. Un seul bulletin de participation par personne. Voir le règlement du concours sur www.francofete.qc.ca.

Courriel, s’il y a lieu

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«La Semaine de la Francophonie, c’est l’occasion de se fairevisible et de rappeler son appartenance», croit Bernard Cer-quiglini, recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie(AUF). De rappeler, en l’occurrence, son appar tenanceau monde francophone et au monde universitaire, de réaf fir-mer ses valeurs de solidarité et d’aide au développement.«C’est le moment de dire qu’aujourd’hui, près de 800 univer-sités dans le monde, partageant entièrement ou partiellementune langue, le français, se sont unies pour mettre en œuvreune communauté mondiale solidaire. Parce que l’enseigne-ment supérieur est un levier de développement. »

TONY KARUMBA AGENCE FRANCE-PRESSE

L’Agence universitaire de la francophonie (AUF) a des partenaires dans plusieurs pays africains.

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L E D E V O I R , L E S S A M E D I 9 E T D I M A N C H E 1 0 M A R S 2 0 1 3G 6

F R A N C O P H O N I EUNIVERSITÉ LAVAL

L’idée révolutionnaire de Georges-Henri LévesqueLe français est depuis 75 ans la langue des sciences sociales

A S S I A K E T T A N I

L a création de la FSS del’Université Laval, vouée à

l’enseignement des sciencessociales en français, a eu « unimpact considérable sur la mo-dernisation du Québec et de sesinstitutions. On y trouve l’ori-gine de la Révolution tran-quille », rappelle Simon Lan-glois, directeur du dépar te-ment de sociologie, qui a renduhommage à l’influence du pre-mier sociologue québécois,Jean-Charles Falardeau, lors dela conférence d’ouverture descélébrations.

La création de la FSS était àl’époque « une idée révolution-naire », avance le doyen de laFaculté, François Blais. Fon-dée par le père Georges-HenriLévesque en 1938 sous le nomd’École des sciences sociales,politiques et économiques,avant de devenir la FSS en1943, elle a été marquée par lavolonté de donner des assisesscientifiques à « des débats so-ciaux et politiques qui étaient,selon le père Lévesque, menés

sur une base trop émotive ».Alors que la sociologie étaitune discipline peu connuedans les milieux canadiens,tant francophone qu’anglo-phone, le jeune père domini-cain en découvrit la pertinencelors d’un voyage en Europe,où il « comprit que ces disci-plines existaient ». Ces nou-velles approches scientifiquesdevaient s’avérer fondamen-tales dans un contexte de bou-leversements engendrés par laDépression des années 1930.

Conçue sur le modèle del’Université de Chicago, où larecherche occupait une placeprépondérante, contre le mo-dèle en vigueur des universitésconsacrées uniquement à l’en-seignement, la FSS a projeté unQuébec alors en pleine muta-tion sous la loupe de ses pro-pres recherches, permettantd’«identifier notre milieu socialet [d’]en prendre conscience», se-lon les mots de Jean-Charles Fa-lardeau. «Les intellectuels fran-çais et européens ne s’intéres-saient pas à la sociétéquébécoise, poursuit François

Blais. Avec la FSS, nous avonspu former des intellectuels fran-cophones qui se sont penchés surle Québec. Ces connaissances ontété primordiales pour orienternos choix politiques et sociaux.La pire des choses est d’importerles idées des autres.»

Alors que l’État québécois

était en pleine modernisation,la Faculté a formé les hautsfonctionnaires qui ont jeté lesbases de l’évolution politiquedu Québec, contribuant à entransformer la structure sociale.«À l’époque, on formait des avo-cats et des médecins en grandnombre, mais l’État manquait

de personnel qualifié en sociolo-gie, en sciences politiques ou enéconomie qui soit capable deprendre en main les grands dos-siers sur les réformes de l’éduca-tion et de la santé. Le père Lé-vesque, qui appartenait à l’aileprogressiste du clergé de l’époqueet qui s’opposait de manière viru-

lente à Duplessis, a ainsi forméles ar tisans de la Révolutiontranquille», explique FrançoisBlais. Et 75 ans plus tard, Si-mon Langlois souligne lamarque toujours vivante laisséepar la FSS sur le Québec d’au-jourd’hui : «Les fondements dudébat idéologique qui secoue au-jourd’hui les universités, où onévoque la gratuité et le rapportParent, ont germé à la Facultédes sciences sociales dans les an-nées 1950.»

Si sa première cohorte de1938 est formée de 45 étudiants,à partir de 1943, la Faculté, avecses quatre départements (socio-logie, économie, relations indus-trielles et service social) et sesquatre professeurs, connaît uneexpansion considérable. Aux dis-ciplines originales sont venuess’ajouter au fil des ans la sciencepolitique, l’anthropologie et lapsychologie. La FSS compte au-jourd’hui 5000 étudiants, 5 dépar-tements et 2 écoles. La criminolo-gie, dernière-née de la Faculté,s’est dotée il y a six mois d’unbaccalauréat.

D’ici et d’ailleursPar son discours d’ouver-

ture sur le monde, la FSSprend sa place au cœur d’unréseau francophone internatio-nal, comptant dans ses rangsplus de 600 étudiants franco-phones étrangers, surtout deFrance et de Belgique, aux-quels s’ajoutent les étudiantsquébécois en programmesd’échanges.

Bénéficiant d’une formationen français, les chercheurs sontamenés à prendre part au dia-logue scientifique qui s’engageà l’échelle internationale, etcela, en anglais. «Nous devonsadmettre que l’anglais est de-venu la langue de la science.C’est une tendance très lourde,bien installée», estime FrançoisBlais. Loin de s’en plaindre, ledoyen de la Faculté voit danscette évolution l’occasion inesti-mable de s’adresser aux spécia-listes qui partagent les mêmeschamps d’intérêt, au-delà desfrontières. «Publier en anglaispermet de communiquer avecdes chercheurs du monde entier,qui travaillent dans des do-maines extrêmement spécialisés.En publiant en français, les cher-cheurs ne pourraient pasconfronter leurs résultats avec lesautres. Or, il s’agit là d’unecondition essentielle à la re-cherche de qualité.»

Et même s’il admet quel’usage exclusif de l’anglais danscertains domaines peut repré-senter « un handicap pour leschercheurs francophones par rap-port aux Anglo-Saxons», Fran-çois Blais souligne les compé-tences supplémentaires ac-quises en comparaison à leurscollègues unilingues.

Cela dit, cette prédominancede l’anglais varie selon le champde recherche. En effet, alors que« la recherche fondamentale, enpsychologie ou en économie, estsurtout publiée en anglais», lefrançais demeure prépondérantlorsqu’il s’agit de sciences so-ciales appliquées.

PartenariatsLes sciences sociales en

français sont également le vec-teur privilégié de l’accès à lafonction publique, à la faveurdes liens étroits tissés entre laFaculté et plusieurs par te-naires. Elle s’est par exemplerapprochée de l’École natio-nale d’administration publique(ENAP), de l’Assemblée natio-nale et d’organisations ratta-chées au Parlement, et s’estdotée d’une Chaire de re-cherche sur la démocratie etles institutions parlementaires.

Ces 75 ans d’existence sontainsi l’occasion de rappeler la ri-chesse et l’apport de cette institu-tion majeure au Québec. «Le pèreLévesque était francophile. Il dé-fendait la dualité linguistique auQuébec et avait compris l’impor-tance de créer des institutions cul-turelles pour défendre le fait fran-cophone au Québec.» Même si lefrançais a perdu du terrain parrapport à l’anglais en recherche,il convient d’honorer, selon Fran-çois Blais, cet héritage. «Il fautprotéger nos institutions cultu-relles et scientifiques francophoneset appuyer la recherche et la for-mation en français».

CollaboratriceLe Devoir

La Faculté des sciences sociales (FSS) de l’Université Lavalcélèbre cette année ses 75 ans d’existence. Cet anniversairesouligne un pan important de l’histoire intellectuelle et so-ciale du Québec. Pas étonnant, donc, qu’on marque l’événe-ment par diverses manifestations.

UNE NOUVELLE FORCEUNIVERSITAIRE FRANCOPHONE

Trois grandes universités unissent leurs forces pour créer

un espace de recherche et de formation unique. Ensemble,

elles réaliseront des projets novateurs, partageront leurs

expertises et feront rayonner davantage l’enseignement

supérieur dans la Francophonie.

Regroupement d’universités généralistes francophones à forte intensité d’enseignement et de recherche

UNIVERSITÉ LAVAL

La toute première cohorte de la Faculté des sciences sociales en 1938 (elle se nommait alors l’Écoledes sciences sociales, politiques et économiques), avec le père Lévesque au centre

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F R A N C O P H O N I EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 9 E T D I M A N C H E 1 0 M A R S 2 0 1 3 G 7

Appuyer la Francophonie

dans la recherche universitaire,

c’est notre mission!

Le Bureau des Amériques - Pôle de développement de l'Agence universitaire de la Francophonie

soutient ses universités membres dans leurs activités de recherche, formation

et coopération universitaire.L'AUF s'associe à plusieurs partenaires durant la Semaine de la Francophonie.

www.auf.org/bureau-ameriques aufameriques

ODSEF

Il n’est pas simple de décrire ce qu’est un francophone…Un observatoire québécois trace le portrait rectifié de l’Afrique

Les Rendez-vous de la Francophonie se tiendront a mari usque ad mare du 8 au 24 mars, en-tourant ainsi la Journée internationale de la Francophonie, qui a lieu le 20 mars. Créé en1999, l’événement pancanadien a pris du galon au fil des ans.

RENDEZ-VOUS DE LA FRANCOPHONIE

Le Canada aussi sera francophoneL’ONF et Juste pour rire sont partenaires de l’événement

P I E R R E V A L L É E

«A u départ, il ne s’agissait que d’une céré-monie officielle à laquelle se greffaient un

ou deux spectacles, explique Guy Matte, direc-teur de la Fondation canadienne pour le dia-logue des cultures, l’organisme qui chapeautel’événement. Cette année, on dénombre près de1400 activités qui sont inscrites sur notre site In-ternet et qui viendront célébrer le français et ensouligner l’importance. »

C’est l’animateur et humoriste Boucar Dioufqui agit pour la deuxième année de suitecomme por te-parole des Rendez-vous de lafrancophonie. « Moi, je dois tout à la languefrançaise. Mes parents, qui étaient analphabètes,ont eu la sagesse de m’envoyer à l’école. Et c’estgrâce à la Francophonie canadienne, qui m’a of-fert une bourse après l’obtention de mon bacca-lauréat à Dakar, que j’ai pu faire mes études doc-torales en biologie marine à l’Université du Qué-bec à Rimouski. Agir comme porte-parole desRendez-vous, c’est ma façon de remercier laFrancophonie canadienne. »

La très grande majorité des activités qui sedérouleront durant les Rendez-vous de la Fran-cophonie sont organisées par les communautéselles-mêmes. On y trouve de tout : des confé-rences, des activités culturelles, de la poésie,des concours, des activités pédagogiques, etc.De son côté, l’Of fice national du film du Ca-nada, un des partenaires des Rendez-vous de laFrancophonie, contribue à cet événement enproposant une programmation spéciale qui seraprojetée près de 220 fois dans diverses collecti-vités canadiennes.

L’humour à l’honneurDéjà, l’an dernier, l’humour avait fait son ap-

parition dans les célébrations lorsque la Fonda-tion canadienne pour le dialogue des culturesavait demandé aux étudiants de l’École natio-nale de l’humour de préparer des capsules hu-moristiques qui ont été ensuite diffusées sur lesite Internet des Rendez-vous de la Francopho-nie. «Nous recommençons cette année, souligneGuy Matte, et les capsules porteront cette fois surdes expressions françaises typiques de certainscoins de notre pays. »

Mais cette année, on a voulu donner une am-pleur accrue au volet de l’humour en organi-sant quatre grands galas humoristiques présen-tés à Vancouver, Winnipeg, Moncton et Ottawa.«Nous avons signé une entente de trois ans avecJuste pour rire pour l’organisation de ces galas,poursuit Guy Matte. C’est une collaboration detype gagnant-gagnant. Nous profitons de l’exper-tise en humour de Juste pour rire, et en retour,Juste pour rire y trouve son compte, puisque celalui permet de développer le marché francophonecanadien. »

Et, selon Boucar Diouf, qui participe à cesgalas en y présentant un numéro, de découvrirde nouveaux talents. « Nous avions commemandat d’intégrer à chacun des galas de jeuneshumoristes locaux, raconte-t-il. Et, sauf en Co-lombie-Britannique, nous n’avons eu aucunmal à en trouver, ce qui nous démontre quel’humour en français existe ailleurs au Canada.Mais ce qui m’a réellement surpris, c’est deconstater la qualité de ces humoristes. Cela estparticulièrement vrai en Acadie, où il y a pré-sentement une explosion de l’humour. Si des

musiciens et chanteurs acadiens, comme RadioRadio et Lisa LeBlanc, ont récemment percé, laprochaine vague sera formée des humoristesacadiens. »

Un événement rassembleurLes Rendez-vous de la Francophonie se veulent

une occasion de célébrer le français partout auCanada, mais ils se veulent aussi l’occasion de bâ-tir des ponts entre la Francophonie hors Québecet celle du Québec. «C’est ce que j’appelle la troi-sième solitude, avance Boucar Diouf. Chez les fran-cophones canadiens, le Québec apparaît souventcomme un grand frère qui ne les entend pas. C’estcomme si les francophones canadiens connaissaientle Québec, mais pas l’inverse. Je le sais parce quec’est ce que l’on me dit lorsque je donne des specta-cles ailleurs au Canada francophone. Et lorsque lesQuébécois font un effort pour aller vers les franco-phones hors Québec, l’on sent immédiatement quecela les touche. Si la France et le Québec ont unlien privilégié, il devrait en être de même entre leQuébec et les communautés francophones hors Qué-bec. Les Rendez-vous de la Francophonie sont uneoccasion de tisser ce lien.»

Selon Guy Matte, les Rendez-vous de la Franco-phonie sont aussi une occasion de présenter le faitfrançais aux autres Canadiens. «Cet objectif cadreparfaitement avec la mission de la Fondation cana-dienne pour le dialogue des cultures, soit favoriser lerapprochement entre les dif férentes composantesculturelles du Canada, y compris les Premières Na-tions. Plusieurs anglophones vivent dans des com-munautés où le fait français existe, mais ils n’ensont pas toujours conscients. Les Rendez-vous sont làpour faire découvrir à ces citoyens le fait français.D’ailleurs, cette année, le deuxième porte-parole estl’humoriste anglophone et francophile Cathy Jones.On veut sensibiliser les autres communautés à l’im-portance du fait français au Canada et démontrerque l’on peut avoir du plaisir en français et avec laculture française. Et cela cadre bien avec le thèmede cette année, qui est la joie de vivre.»

La communauté anglo-canadienne ainsi queles autres communautés linguistiques sontdonc invitées à participer aux événements desRendez-vous de la Francophonie et à profiter deces occasions pour tisser de nouveaux liens.D’où les efforts déployés par les Rendez-vousde la Francophonie afin de faire de l’événementune occasion de rassemblement. Et BoucarDiouf de conclure par un proverbe africain :« C’est le pied et non la bouche qui trace le che-min de la parenté. »

CollaborateurLe Devoir

JACQUES GRENIER LE DEVOIR

L’humoriste Boucar Diouf

É M I L I E C O R R I V E A U

I l n’y a pas si longtemps en-core, il était très difficile de

tracer un por trait clair de lafrancophonie mondiale. Alorsqu’en Amérique et en Europe,les chercheurs avaient accès àune foule de données sur les lo-cuteurs du français, en Afrique,la situation était tout autre.Pour obtenir des informations,ceux-ci devaient s’appuyer surles renseignements dont dispo-sait le Haut Conseil de la fran-cophonie, qui, pour sa part, de-vait se fier aux données trans-mises par les dif férents paysmembres. Selon les territoires,les informations reçues étaientplus ou moins exactes.

Par exemple, en Républiquedémocratique du Congo,jusqu’au tournant des années2000, on estimait qu’environ15 % de la population était fran-cophone. En 2003, lorsque leHaut Conseil de la francopho-nie a publié un rapport sur lafrancophonie dans le monde,ce pourcentage a bondi à prèsde 40 %. « Ça nous a aler tés,souligne Richard Marcoux, di-recteur de l’ODSEF et profes-seur titulaire au Départementde sociologie de l’UniversitéLaval. Dans un pays aussi po-puleux que la République démo-cratique du Congo, un écart depourcentage aussi important,ça fait une grande dif férence.Ça ne pouvait plus continuercomme ça, il fallait trouver unmoyen d’obtenir des renseigne-ments plus justes. »

Sauver le patrimoineL’OSDEF est né dans le sil-

lage de ce constat, trois événe-ments ayant permis de confir-mer combien, historiquement,l’écart d’analyse était profondentre le Nord et le Sud de lafrancophonie : l’adoption parplus d’une centaine de cher-cheurs de la Déclaration sur lasauvegarde et la mise en va-leur des recensements afri-cains, le Séminaire internatio-nal sur la méthodologie d’ob-ser vation de la langue fran-çaise dans le monde et le Som-met de la Francophonie.

Dès sa création, les deuxaxes de travail de l’Observa-toire se sont naturellement dé-gagés. « La sauvegarde du pa-trimoine démographique enAfrique francophone, c’est lacondition pour être à même detravailler sur la dynamique lin-guistique dans une perspectivehistorique. On a beau avoir faitdes recensements et des en-quêtes, examiné toute une série

de paramètres, si on n’a pas ac-cès à ces sources d’informationslà, on ne sera pas capable d’ins-crire les transformations démo-graphiques dans une perspec-tive historique. C’est pour çaque notre premier axe, c’estvraiment la sauvegarde du pa-trimoine démographique enAfrique francophone et que ledeuxième, c’est la démographielinguistique de la francopho-nie», explique M. Marcoux.

De nombreux acquisSauvegarder le patrimoine

démographique de l’Afriquefrancophone, soit, mais com-ment faire pour préser vertoutes les données utiles re-cueillies dans une trentaine depays depuis des décennies?

« C’est un travail colossal »,convient volontiers M. Mar-coux, d’autant que l’Observa-toire est le seul organisme aumonde à s’investir dans la ré-cupération de données de cetype en Afrique. Malgré l’am-pleur de la tâche, l’ODSEF estpar venu à créer un systèmelui permettant de répertorier

et de conser ver un nombreimpressionnant de documentspertinents à sa démarche.

«Le Québec est reconnu pourson expertise dans les recense-ments, précise M. Marcoux.On a utilisé nos connaissanceset on a mis en place un systèmed’ateliers de numérisation desquestionnaires de recense-ments. Par exemple, au Mali,on est en train de numériserplus d’un million de documentsdu recensement. Ça représente2,5 millions d’images. Ça vanous permettre de sauvegarderle patrimoine démographiquedu Mali, rien de moins ! »

Vu la grande réussite duprojet, l’ODSEF a créé un se-cond atelier semblable à Kins-hasa, en République démocra-tique du Congo, où un seul re-censement a été tenu depuis lanaissance du pays. À cour tterme, l’Observatoire comptemettre sur pied d’autres ate-liers de numérisation dans di-vers États membres del’Afrique francophone.

« On a des demandes debeaucoup d’autres pays,confirme M. Marcoux. Le Bé-nin, le Sénégal, la Côted’Ivoire, le Burkina Faso et leNiger nous ont écrit. On a éla-

boré des accords-cadres de colla-boration avec eux et nous cher-chons présentement le finance-ment qui permettrait de rem-por ter ailleurs les succès quenous avons connus à Kinshasaet à Bamako.»

Un portrait plus précisSi, en sauvegardant le patri-

moine démographique del’Afrique francophone, l’OD-SEF est en voie de dresser unaperçu beaucoup plus détailléde sa population, grâce auxtravaux que mènent les cher-cheurs avec qui il collaboredepuis ses débuts, l’Observa-toire est déjà en mesure detracer un portrait plus clair dela francophonie mondiale.

Il faut savoir qu’il n’est passimple de définir ce qu’est unfrancophone. Partout dans laFrancophonie, les diverscontextes de diglossie font quela langue française n’a pas lemême statut d’un pays à l’autre.Par exemple, alors qu’en Suisseet en Belgique, l’usage du fran-çais se fait en fonction du terri-toire, en Afrique, les contextessont beaucoup plus variés.

«Les travaux de l’ODSEF ontpermis de cerner un peu mieuxces contextes-là, relève M. Mar-coux. La Francophonie est plu-rielle et il ne faut pas oublierqu’elle se vit différemment selonles pays. Dans le cas de l’Afrique,dans le cadre de nos travaux, ona défini comme francophones

ceux et celles qui sa-vent lire et écrire enfrançais. Ce qu’onnous a reproché, toute-fois, c’est d’avoiradopté une définitiontrop restrictive, parce

qu’il y a beaucoup d’Africainsqui sont analphabètes, mais quiutilisent quand même le françaispour communiquer.»

Puisque ses recherches me-naient à une estimation plutôtprudente du nombre de locu-teurs du français, l’ODSEF adécidé de travailler à l’élabora-tion d’une nouvelle définitionqui permettrait d’inclure lesgens participant à l’espace lin-guistique francophone, maisqui ne savent ni lire ni écrire.

« Ça va nous permettre demieux dégager toutes les nuancesdiglossiques de la langue fran-çaise dans l’espace francophone,soutient M. Marcoux. Déjà, no-tre aperçu est plus juste, mais ille sera encore davantage dansquelques années.»

En collaboration avec l’Or-ganisation internationale de laFrancophonie, l’ODSEF com-muniquera quelques-unes deses conclusions sur le dénom-brement des francophonesdans le monde dans le pro-chain rappor t sur la languefrançaise, lequel sera dévoiléen 2014 en marge du Sommetde la francophonie de Dakar.

CollaboratriceLe Devoir

Fondé en 2009, l’Observatoire démographique et statistiquede l’espace francophone (ODSEF) s’ef force depuis sa créationde sauvegarder le patrimoine démographique en Afrique fran-cophone et de cerner la démographie linguistique de la Fran-cophonie. Grâce à ses travaux, les chercheurs ont aujourd’huiune idée beaucoup plus juste du statut des locuteurs du fran-çais sur la planète.

Il a lontemps été très difficile de tracer un portrait clair et précisde la Francophonie mondiale

SIMON MAINA AGENCE FRANCE-PRESSE

En République démocratique du Congo, environ 40 % de la population serait francophone.

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