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« Je vais vous conter une fable. C’est un mensonge mais tout n’y est pas faux » Frédérique Lanaure est comédienne et conteuse. Elle est intervenue pour proposer un spectacle aux élèves ayant participé au prix Esperluète. Portrait - toute en vérité de Frédérique Lanaure La bibliothèque de Riom communauté vient de fêter « sa fin de chantier ». Depuis un an, nous avons abordé le thème du travail en proposant des animations, des débats philosophiques, des ateliers d’écriture… Nous avons posé à nos partenaires la question suivante « quel est le métier que vous rêviez de faire enfant ? Frédérique, rêvais-tu d’un métier, enfant ? FL : j’avais une grande envie d’être bibliothécaire depuis longtemps car je passais ma vie à la bibliothèque. J’aimais aussi le théâtre. Quand je me suis rendue compte que le théâtre était aussi un métier, je me suis dirigée vers les arts de la parole. Je garde le métier de bibliothécaire dans un coin de la tête. Peux-tu expliquer comment as-tu conçu le spectacle proposé aux élèves ayant participé au prix Esperluète ? FL : j’avais travaillé sur les contes autour du travail lors d’une séance tout public à la bibliothèque de St Bonnet près Riom. J’ai gardé Le tailleur de pierre. L’histoire tombait à pic car lun des livres vainqueurs était Maçon comme papa (ex aequo avec Rendez-vous à quatre heures et demie ). Il y avait deux notions communes entre le conte et ce roman : le corps de métier manuel et cette idée qu’une personne est heureuse de sa situation avant d’envier d’autres états. J’ai utilisé le personnage de Nasr Eddin Hodja car il change tout le temps de métier. On trouve tout un tas de métiers dans Rendez-vous à quatre heures et demie. Et peu de temps avant les résultats, j’ai découvert le conte des Cinq frères qui véhicule une notion que l’on retrouve dans de nombreux contes : la notion du savoir faire. Un des 5 frères suit la formation de maître voleur. Dans les contes il n’y a pas de sous métier. L’important est de bien faire ce que l’on fait. Enfin, j’ai voulu inclure les résultats dans une chanson finale: la chanson des mensonges. Le métier de conteur est celui de raconter des histoires, cela évoque le mensonge. Il y a toujours une ambiguïté entre la vérité et le mensonge. Les formulettes, telle que « un conteur n’est pas payé pour dire la vérité » ou « la vérité et le mensonge habitent dans la même maison et empruntent la même porte » disent à l’auditeur quand entrer dans une histoire et quand en sortir. Dans les paroles de ma chanson, il y avait des clins d’œil aux livres Esperluète. L’ambiance était différente dans les classes, du coup les histoires changeaient selon les séances. Les élèves de la classe ULIS étaient peu nombreux, on se parlait, il y avait un petit air de veillée d’antan. Si tu avais eu à voter pour le prix Esperluète, quel livre aurais-tu choisi ?

interview frederique lanaure

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interview conteuse comedienne

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« Je vais vous conter une fable. C’est un mensonge mais tout n’y est pas faux »

Frédérique Lanaure est comédienne et conteuse. Elle est intervenue pour proposer un spectacle aux élèves ayant participé au prix Esperluète. Portrait - toute en vérité – de Frédérique Lanaure

La bibliothèque de Riom communauté vient de fêter « sa fin de chantier ». Depuis un an, nous avons

abordé le thème du travail en proposant des animations, des débats philosophiques, des ateliers

d’écriture… Nous avons posé à nos partenaires la question suivante « quel est le métier que vous

rêviez de faire enfant ?

Frédérique, rêvais-tu d’un métier, enfant ?

FL : j’avais une grande envie d’être bibliothécaire depuis longtemps car je passais ma vie à la

bibliothèque. J’aimais aussi le théâtre. Quand je me suis rendue compte que le théâtre était aussi un

métier, je me suis dirigée vers les arts de la parole. Je garde le métier de bibliothécaire dans un coin

de la tête.

Peux-tu expliquer comment as-tu conçu le spectacle proposé aux élèves ayant participé au prix

Esperluète ?

FL : j’avais travaillé sur les contes autour du travail lors d’une séance tout public à la bibliothèque de

St Bonnet près Riom. J’ai gardé Le tailleur de pierre. L’histoire tombait à pic car l’un des livres

vainqueurs était Maçon comme papa (ex aequo avec Rendez-vous à quatre heures et demie). Il y

avait deux notions communes entre le conte et ce roman : le corps de métier manuel et cette idée

qu’une personne est heureuse de sa situation avant d’envier d’autres états. J’ai utilisé le personnage

de Nasr Eddin Hodja car il change tout le temps de métier. On trouve tout un tas de métiers dans

Rendez-vous à quatre heures et demie. Et peu de temps avant les résultats, j’ai découvert le conte

des Cinq frères qui véhicule une notion que l’on retrouve dans de nombreux contes : la notion du

savoir faire. Un des 5 frères suit la formation de maître voleur. Dans les contes il n’y a pas de sous

métier. L’important est de bien faire ce que l’on fait. Enfin, j’ai voulu inclure les résultats dans une

chanson finale: la chanson des mensonges. Le métier de conteur est celui de raconter des histoires,

cela évoque le mensonge. Il y a toujours une ambiguïté entre la vérité et le mensonge. Les

formulettes, telle que « un conteur n’est pas payé pour dire la vérité » ou « la vérité et le mensonge

habitent dans la même maison et empruntent la même porte » disent à l’auditeur quand entrer dans

une histoire et quand en sortir. Dans les paroles de ma chanson, il y avait des clins d’œil aux livres

Esperluète.

L’ambiance était différente dans les classes, du coup les histoires changeaient selon les séances. Les

élèves de la classe ULIS étaient peu nombreux, on se parlait, il y avait un petit air de veillée d’antan.

Si tu avais eu à voter pour le prix Esperluète, quel livre aurais-tu choisi ?

F. L. : Celui de Catherine Zarcate (Le buffle et l’oiseau). C’est une conteuse que j’adore. Elle a créé ce

conte et les illustrations sont un plus. J’aimais bien aussi Rendez-vous à quatre heures et demie car

on passe un temps fou à se repérer dans les images.

Tu étais comment à 8 ans ?

F. L. : Tout le temps à lire. Je me faisais gronder par mes parents car je ne voulais pas aller me

promener. Je lisais déjà beaucoup de contes. Je n’ai jamais joué à la poupée mais je n’étais pas

sportive. Je crois que je lisais beaucoup en fait ! Je jouais aussi aux jeux de société. L’été, avec mes

cousines, je faisais metteur en scène, actrice et on faisait des spectacles pour les parents. J’initiais le

truc. J’avais un joli castelet, des petites marionnettes à doigts en feutrine.

Quel est ton parcours pour arriver aux contes ?

F. L. : dans l’optique d’être bibliothécaire j’ai fait une fac lettres modernes avec une mention arts du

spectacle et je suis entrée au Conservatoire National de Région de Clermont (dans une classe d’arts

dramatiques). Je me suis tournée vers le métier de comédienne avec le théâtre du Guetteur

d’ombres. Sans qu’il n’y ait eu d’événement déclencheur, le conte s’est imposé petit à petit, j’avais

des demandes de travail avec des enfants, j’assistais à des spectacles de contes. Avec le conte, je suis

sur la bonne route. Cela me va.

As-tu un site ? Tiens-tu un blog ?

F. L. : Mon site est en construction. Il sera prêt cet hiver. J’y mettrai une vidéo d’extraits de

spectacles. On peut me contacter avec mon adresse mail [email protected]

As-tu été influencée dans ta vie personnelle et professionnelle par des personnes ?

F.L. : J’ai rencontré des conteurs exceptionnels. Michel Hindenoch (avec qui j’ai fait des stages, je

partage sa philosophie de vie), Catherine Zarcate, Nora Aceval. C’est une conteuse algérienne issue

de la tradition orale. J’ai entendu l’un de ses contes sur le net, j’ai cherché la source écrite de cette

histoire et comme je ne l’ai pas trouvée, je lui ai envoyé un mail. Elle m’a répondu que ce conte

venait de sa mère et me l’a offert. Nous nous sommes rencontrées aux contes en fête à Clermont , la

semaine dernière. Nous avons parlé et elle m’a appris que les parents algériens aiment leurs enfants

avec leur foi et non avec leur cœur - réservé pour l’amoureux. C’est toute la richesse du conte, qui

nous entraîne dans des notions d’interculturalité et de curiosité envers l’autre. Nora Aceval raconte

en français et en arabe. Elle a aussi édité des livres.

Tu préfères raconter à des enfants ou à des adultes ?

F. L. : J’aime raconter à tous les âges, chacun pioche dans le conte ce qui l’intéresse. Le conte

s’adresse à tous. Je raconte à un public mélangé ou pas. Je me bats contre le cliché que les contes

sont pour les enfants. A la base, c’était des veillées entre adultes et les contes apprenaient à vivre

avec le monde visible et invisible. On me contacte davantage pour raconter aux enfants, c’est

dommage que les adultes s’en privent. D’ailleurs, certaines histoires sont vraiment pour les adultes,

notamment les contes des mille et une nuits. Il y est question d’érotisme. Mais la plupart des adultes

et des enfants ne connaissent que les adaptations de Walt Disney, complètement édulcorées.

Aurais-tu des conseils de lecture ?

F. L. : Je fonctionne par phase. Je suis dans une phase fantasy et dans une phase bande dessinée.

J’adore la saga de Winterheim de Fabrice Colin car je m’intéresse à la mythologie nordique et mon

chéri m’a recommandé la collection Notes de Boulet. Cet hiver, j’ai découvert Millénium de Stieg

Larsson. Je suis tellement entrée dans les livres que je n’ai pas voulu aller voir les films. Je suis restée

très longtemps sans lire de livres policiers et je suis vraiment contente de lire cette série. Pour finir,

j’ai deux auteurs référence en fantasy : Robin Hobb et Lois Mc Master Bujold.

Pendant le spectacle Esperluète tu posais des devinettes aux enfants. En échange de leurs réponses,

tu leur offrais des histoires. Tu nous en donnes une pour finir ?

F.L. : Il s’agit de jumeaux. Un frère et une sœur. Le frère est blanc, la sœur est noire. Chaque matin,

depuis la nuit des temps, le frère blanc tue la sœur noire et chaque soir, la sœur noire tue le frère

blanc. Pourtant, ils sont toujours vivants. Qui sont-ils ?