5
Actualités pharmaceutiques n° 538 septembre 2014 39 Mots clés - centre antipoison ; champignon mortel ; champignon toxique ; cueillette ; identification ; intoxication Keywords - anti-poison centre; deadly mushroom; identification; intoxication; picking; poisonous mushroom suivi officinal pratique © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2014.06.009 Intoxication après consommation de champignons La confusion entre un champignon toxique et un champignon comestible est l’une des premières causes d’intoxications. Les symptômes présentés peuvent être en lien avec une action toxique directe, une contamination microbienne si le champignon consommé était en voie de décomposition, ou encore une pollution par pesticides, en particulier lorsque la récolte s’est effectuée à proximité de champs cultivés. Ces intoxications peuvent parfois être graves, voire mortelles. Mushroom poisoning. Confusion between a toxic mushroom and an edible mushroom is one of the main causes of poisoning. The symptoms may relate to a direct toxic action, microbial contamination if the mushroom consumed was in the process of decomposing, or pollution from pesticides, in particular when they are picked close to fields of crops. These forms of intoxication can sometimes be serious or even fatal. L es intoxications par champi- gnons ont évidemment un caractère saisonnier, de mi- septembre à mi-octobre. Les vic- times sont bien souvent et paradoxalement des personnes qui croient connaître les champignons. La plupart des accidents sont dus à des erreurs d’identification asso- ciées souvent à de l’imprudence. Expliquer brièvement la pathologie Environ 5 000 espèces de champi- gnons supérieurs sont répertoriées. Parmi elles, une centaine est toxique et dix à vingt sont mortelles. F Les champignons mortels pro- voquent la mort dans plus de 50 % des cas, même en cas d’interven- tion médicale. F Les champignons toxiques génèrent des accidents graves qui se soldent au final par une guérison. F Les champignons suspects provoquent des vomissements, des diarrhées ou une simple indigestion. La gravité d’une intoxication est fonc- tion du temps écoulé entre l’ingestion et l’apparition des symptômes : lorsque la durée d’incubation est courte (moins de six heures), l’évolu- tion est généralement favorable alors que lorsque l’’incubation est longue (au-delà de six heures), le pronostic vital est engagé. Durée d’incubation courte F Les syndromes digestifs sont souvent dus à des fermentations provoquant d’importantes diar- rhées. C’est le cas avec l’armillaire couleur de miel ou certains bolets comme l’élégant ou le granuleux dont la cuticule est assez indigeste. La consommation de champignons comestibles en grandes quantités ou altérés peut également provo- quer ce type de troubles. F Le syndrome résinoïdien ou gastro-intestinal, le plus fréquent, s’exprime par des troubles digestifs isolés. Il est dû à une ingestion en quan- tité excessive d’un champignon comestible, à un déficit enzymatique (certains individus ne sécrètent pas de tréhalase, enzyme nécessaire à la digestion de certains disaccharides présents dans les champignons) ou à la consommation d’un champignon cru, infecté ou contaminé lors d’une mauvaise conservation (formation de ptomaïnes). Enfin, le mycélium peut capter des substances toxiques comme les engrais, les désherbants, les pesticides ou la radioactivité qui se concentrent dans le chapeau et le pied, rendant ainsi toxiques les cham- pignons pourtant reconnus comme “bons comestibles”. Les symptômes apparaissent généra- lement 15 minutes à deux heures après le repas et durent moins de 48 heures. Le début est brutal, avec des douleurs abdominales, une diarrhée et des vomissements conséquents. Dans les © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved Stéphane BERTHÉLÉMY Pharmacien Adresse e-mail : [email protected] (S. Berthélémy). Pharmacie de Cordouan, 24 avenue de la République, 17420 Saint-Palais-sur-Mer, France Chiffres Entre juillet et octobre 2013, il a été recensé 546 cas d’intoxications par des champignons, dont un cas grave chez un enfant de 18 mois ayant nécessité une greffe hépatique.

Intoxication après consommation de champignons

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Intoxication après consommation de champignons

Actualités pharmaceutiques

• n° 538 • septembre 2014 • 39

Mots clés - centre antipoison ; champignon mortel ; champignon toxique ; cueillette ; identifi cation ; intoxication

Keywords - anti-poison centre; deadly mushroom; identifi cation; intoxication; picking; poisonous mushroom

suivi offi cinal

pratique

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2014.06.009

Intoxication après consommation de champignonsLa confusion entre un champignon toxique et un champignon comestible est l’une des

premières causes d’intoxications. Les symptômes présentés peuvent être en lien avec

une action toxique directe, une contamination microbienne si le champignon consommé

était en voie de décomposition, ou encore une pollution par pesticides, en particulier

lorsque la récolte s’est effectuée à proximité de champs cultivés. Ces intoxications peuvent

parfois être graves, voire mortelles.

Mushroom poisoning. Confusion between a toxic mushroom and an edible mushroom is one of the main causes of poisoning. The symptoms may relate to a direct toxic action, microbial contamination if the mushroom consumed was in the process of decomposing, or pollution from pesticides, in particular when they are picked close to fields of crops. These forms of intoxication can sometimes be serious or even fatal.

L es intoxications par champi-gnons ont évidemment un caractère saisonnier, de mi-

septembre à mi-octobre. Les vic-t imes sont b ien souvent e t paradoxalement des personnes qui croient connaître les champignons. La plupart des accidents sont dus à des erreurs d’identification asso-ciées souvent à de l’imprudence.

Expliquer brièvement la pathologieEnviron 5 000 espèces de champi-gnons supérieurs sont répertoriées. Parmi elles, une centaine est toxique et dix à vingt sont mortelles.

F Les champignons mortels pro-voquent la mort dans plus de 50 % des cas, même en cas d’interven-tion médicale.

F Les champignons toxiques génèrent des accidents graves qui se soldent au final par une guérison.

F Les champignons suspects provoquent des vomissements, des diarrhées ou une simple indigestion.La gravité d’une intoxication est fonc-tion du temps écoulé entre l’ingestion

et l’apparition des symptômes : lorsque la durée d’incubation est courte (moins de six heures), l’évolu-tion est généralement favorable alors que lorsque l’’incubation est longue (au-delà de six heures), le pronostic vital est engagé.

Durée d’incubation courte

F Les syndromes digestifs sont souvent dus à des fermentations provoquant d’importantes diar-rhées. C’est le cas avec l’armillaire couleur de miel ou certains bolets comme l’élégant ou le granuleux dont la cuticule est assez indigeste. La consommation de champignons comestibles en grandes quantités ou altérés peut également provo-quer ce type de troubles.

F Le syndrome résinoïdien ou gastro-intestinal, le plus fréquent, s’exprime par des troubles digestifs isolés. Il est dû à une ingestion en quan-tité excessive d’un champignon comestible, à un déficit enzymatique (certains individus ne sécrètent pas de tréhalase, enzyme nécessaire à la

digestion de certains disaccharides présents dans les champignons) ou à la consommation d’un champignon cru, infecté ou contaminé lors d’une mauvaise conservation (formation de ptomaïnes). Enfin, le mycélium peut capter des substances toxiques comme les engrais, les désherbants, les pesticides ou la radio activité qui se concentrent dans le chapeau et le pied, rendant ainsi toxiques les cham-pignons pourtant reconnus comme “bons comestibles”.Les symptômes apparaissent généra-lement 15 minutes à deux heures après le repas et durent moins de 48 heures. Le début est brutal, avec des douleurs abdominales, une diarrhée et des vomissements conséquents. Dans les

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved

Stéphane BERTHÉLÉMYPharmacien

Adresse e-mail : [email protected] (S. Berthélémy).

Pharmacie de Cordouan, 24 avenue de la République, 17420 Saint-Palais-sur-Mer, France

Chiffres

Entre juillet et octobre 2013, il a été recensé 546 cas d’intoxications par des champignons, dont un cas grave chez un enfant de 18 mois ayant nécessité une greffe hépatique.

Page 2: Intoxication après consommation de champignons

Actualités pharmaceutiques

• n° 538 • septembre 2014 •40

pratiquesuivi offi cinal

formes sévères, des crampes muscu-laires et un collapsus (malaise, baisse de la tension artérielle, sueurs…), voire une déshydratation importante expo-sant à un risque de coma et d’insuffi-sance rénale peuvent survenir. Le traitement est essentiellement symptomatique avec compensation des pertes en eau et en sel, puis admi-nistration d’antispasmodiques. L’hospita lisation est parfois néces-saire, notamment si l’intoxication sur-vient chez une personne fragile (enfant, personne âgée ou femme enceinte). Les troubles digestifs disparaissent en 24 à 48 heures.

F Le “syndrome résinoïdien

sévère”, qui associe une gastro-entérite et une atteinte du foie, est dû à l’entolome livide. Le traitement reste symptomatique mais une hos-pitalisation peut être parfois néces-saire pour traiter la déshydratation et surveiller le bilan hépatique. L’into xi-cation par ce champignon débute de la même manière que celle à l’ama-nite phalloïde. Elle évolue vers la gué-rison en cinq à six jours.

F Le syndrome muscarinien ou

sudorien est la conséquence de l’action de la muscarine qui possède un effet parasympatholytique. Les symptômes surviennent dans un délai de 15 minutes à deux heures et sont caractérisés par des troubles digestifs (douleurs abdominales, nausées, vomissements, diarrhées), des sueurs, une salivation importante, un écoulement nasal, un larmoie-ment, une vasodilatation et des troubles cardiovasculaires (ralentis-sement de la fréquence cardiaque, baisse de la tension artérielle). Les personnes ayant des problèmes cardiaques risquent de succomber.La muscarine est essentiellement présente dans de nombreux clito-cybes (du bord des routes, blanc d’ivoire…) et dans pratiquement tous les inocybes (fastigié, de Patouillard, à lames couleur de terre…).Le traitement repose sur la compen-sation des pertes hydro-électroly-tiques dues aux fortes diarrhées et

à la transpiration importante. L’an-tidote est l’atropine (administration possible de sulfate d’atropine) ou la teinture de belladone. La guérison survient en 24 à 48 heures.

F Le syndrome panthérinien ou

muscarien est dû, d’une part, à la pré-sence de muscarine dans les champi-gnons incriminés, mais également au muscimol ou à l’acide iboténique res-ponsables des troubles psycho-moteurs. Les signes apparaissent dans les 30 minutes à trois heures après l’ingestion. Les symptômes sont des troubles digestifs (nausées, vomissements), une vasoconstriction, une tachycardie, une hypertension, un assèchement des muqueuses et des

troubles neurologiques (agitation, ébriété, confusion, délire, hallucina-tions). Les espèces responsables sont les amanites tue-mouches, panthère et jonquille. Toutefois, l’ama-nite panthère peut être à l’origine de convulsions et d’accidents mortels (figure 1).

F Le syndrome narcotinien

résulte de la consommation volon-taire de champignons hallucino-gènes (psilocybes essentiellement) contenant une toxine, la psilo-cybine. Les symptômes apparais-sent en règle générale 30 minutes après la consom mation de champi-gnons frais ou séchés. Au début, les troubles sont caractérisés par une

Figure 1. L’amanite panthère peut être à l’origine de convulsions et d’accidents mortels.

© F

otol

ia.c

om/S

him

a-risu

Page 3: Intoxication après consommation de champignons

Actualités pharmaceutiques

• n° 538 • septembre 2014 • 41

suivi offi cinal

pratique

anxiété, des nausées, une asthénie et des vertiges, puis surviennent des troubles visuels et une désorienta-tion, suivis par une augmentation de la pression artérielle et une tachy-cardie. Tous ces signes disparais-sent progressivement quatre à douze heures après l’ingestion.

F Le syndrome hémolytique peut être provoqué par certains champi-gnons habituellement comestibles, mais qui, crus ou mal cuits, devien-nent plus ou moins toxiques. C’est le cas des amanites (vaginée, rougis-sante), des morilles, des pleurotes, des helvelles ou des pézizes, qui renferment des molécules hémoly-tiques (qui détruisent les globules rouges), les hémolysines (figure 2). Ces toxines thermolabiles sont géné-ralement éliminées par une cuisson suffisante. La symptomatologie est souvent d’ordre digestif (nausées, vomissements) mais la cause pro-fonde, une destruction des globules rouges, peut entraîner de lourdes conséquences en cas d’intoxication massive.

Durée d’incubation longue

F Le syndrome phalloïdien a, parmi toutes les intoxications, le pro-nostic le plus sévère, avec une mor-talité d’environ 15 %. Il est provoqué par des phallotoxines (phalloïdine en particulier) et des amatoxines (ama-nitines). Une dose de 50 g de cham-pignons frais peut s’avérer létale. Au début, cette intoxication est par-ticulièrement reconnaissable par sa durée d’incubation (6 à 36 heures avec une moyenne de douze heures). Les premiers symptômes consistent en une gêne respiratoire, des ver-tiges et un malaise indéfinissable. Puis, une phase de gastro-entérite aiguë se manifeste par des vomisse-ments violents et douloureux et une diarrhée importante, entraînant une déshydratation sévère en quelques heures. L’atteinte hépatique débute 36 heures après le repas et atteint son paroxysme le cinquième jour.

Différentes formes sont distinguées :• bénignes, générant une gastro-

entérite durant trois à cinq jours et une atteinte du foie modérée ;

• moyennes, présentant un tableau d’hépatite aiguë, qui évo-luent vers la guérison complète en deux à trois semaines ;

• graves, caractérisées par des signes sévères d’hépatite aiguë, avec confusion et hémorragies digestives. Sous réanimation, les signes régressent en huit à douze jours avec guérison complète en huit à douze semaines. Un risque de décès par hépatite fulminante existe entre le huitième et le qua-torzième jour. Une hospitalisation en réanimation s’impose. Le trai-tement est essentiel lement symptomatique, basé sur une réhydratation importante visant à pallier les pertes d’électrolytes. En cas de forte suspicion d’intoxi-cation, l’administration d’anti-septiques intestinaux avec prise d’antiémétiques pour calmer les vomissements, un lavage gas-trique et l’utilisation de charbon activé sont requis ; si l’atteinte hépatique est déjà très avancée, une transplantation du foie doit être considérée.

Les espèces en cause sont les ama-nites phalloïde, printanière ou vireuse, certaines lépiotes et la galère marginée. L’amanite phal-loïde est responsable de 95 % des intoxications mortelles par ingestion de champignons.

F Le syndrome orellanien est dû à une toxine, l’orellanine, présente dans certains cortinaires (couleur de Rocou, resplendissant, cannelle,

pourpre…). Il est caractérisé par une insuffisance rénale aiguë d’appari-tion retardée pouvant évoluer vers une insuffisance rénale chronique. Les syndromes débutent plus de 24 heures après le repas (parfois même au bout d’une semaine) et sont caractérisés par des troubles digestifs (nausées, vomissements, anorexie), des douleurs musculaires (crampes, asthénie physique) et une atteinte rénale entre la première et la troisième semaine. La moitié des cas évoluent vers l’insuffisance rénale chronique. Le traitement symptomatique de cette insuffi-sance rénale nécessite le recours à l’hémodialyse mais une transplan-tation rénale peut être nécessaire chez certains patients.

F Le syndrome gyromitrien est dû à la gyromitrine, toxine retrouvée dans les gyromitres (dont le déli-cieux), largement consommés cuits ou séchés dans certaines régions. Toxique pour le système nerveux et pour le foie, cette toxine inactive éga-lement la vitamine B6. De nombreux cas d’intoxications sévères, voire mortelles ont été rapportés, dues à l’ingestion d’une grande quantité de champignons ou à la répétition des consommations à quelques jours d’intervalle. La toxine est pourtant détruite à 99 % par la cuisson ou le

Figure 2. Certains champignons habituellement comestibles, comme la morille, peuvent provoquer un syndrome hémolytique s’ils sont consommés crus ou mal cuits.

© F

otol

ia.c

om/T

arab

alu

À retenir

L’apparition de troubles digestifs plus de six heures après l’ingestion de cham-pignons impose une hospitalisation rapide dans l’hypothèse de la survenue d’un syndrome phalloïdien.

Page 4: Intoxication après consommation de champignons

Actualités pharmaceutiques

• n° 538 • septembre 2014 •42

pratiquesuivi offi cinal

séchage au soleil. Les symptômes appa ra i ssen t en t re hu i t e t douze heures après l’ingestion (deux heures en cas d’intoxication sévère) et sont caractérisés par des troubles digestifs (nausées, vomis-sements, douleurs abdominales), une hépatite dans les 36 à 48 heures suivant le repas, des troubles neuro-logiques (somnolence, confusion, délire, tremblements), une destruc-tion des globules rouges et une insuffisance rénale. Le traitement est surtout symptomatique et la vita-mine B6 (pyridoxine) peut être utilisée pour calmer les convulsions. L’in-toxication évolue le plus souvent vers la guérison mais, dans 10 % des cas, les lésions du foie conduiraient au décès.

Syndromes particuliersCertains syndromes engendrent des intoxications inconstantes mais parfois mortelles.

F Le syndrome paxillien, exclusive-ment dû au paxille enroulé, est encore mal expliqué. Consommée en grande quantité par certaines populations d’Europe centrale notamment, cette espèce est à l’origine de cas d’into-xications graves, voire mortelles. Il semblerait que ce syndrome soit en

lien avec un phénomène d’accumu-lation de toxines ou de sensibilisation individuelle progressive. En effet, les accidents surviennent généralement après des repas itératifs sans consé-quence, ces troubles se manifestant brusquement, parfois une ou deux heures après le repas déclen-cheur, par des coliques, une hypo-tension, un syndrome hémolytique avec ictère et une atteinte rénale parfois grave. L’issue peut être mortelle. Le traitement, qui est essen-tiellement symptomatique, vise à contre balancer le collapsus et l’insuf-fisance rénale.

F Le syndrome coprinien à effet

antabuse est dû à la coprine, toxine présente dans le coprin noir d’encre (figure 3). Les symptômes n’apparais-sent qu’en cas de prise d’alcool, 30 minutes à deux heures après, et sont caractérisés par une rougeur de la face, du cou et du thorax, des nau-sées, des vomissements et des troubles du rythme cardiaque. Le traitement est symptomatique, le repos suffisant souvent à contrôler le phénomène. Il est cependant parfois nécessaire de traiter la chute ten-sionnelle. Les troubles disparaissent en quelques heures. Il est conseillé de ne pas consommer de boissons

alcoolisées durant les 72 heures qui suivent un repas de coprin car le risque persiste même plusieurs jours après la consommation du champignon.

F De nouveaux syndromes sont apparus. Ainsi, suite à la consom-mation de tricholome équestre, courante dans le Sud-Ouest, des cas de rhabdomyolyse (destruction des muscles) ont été décrits. L’abondance et la répétition de la consommation de ce champignon seraient en cause. Les symptômes surviennent 24 heures à six jours après plus de trois repas consécu-tifs et sont caractérisés par des dou-leurs musculaires, surtout au niveau des hanches et des épaules, une asthénie intense, des sueurs, des nausées et des vomissements. Entre 1992 et 2000, trois cas mor-tels ont été rapportés, tous imputés à une consommation excessive du champignon. Dorénavant, un arrêté ministériel en interdit la vente et l’import ation sur l’ensemble du terri-toire français [1].

Rappeler certaines règles pour prévenir une intoxicationAfin de limiter les intoxications encore trop nombreuses chaque année, il est bon de rappeler un cer-tain nombre de recommandations concernant la cueillette ou la consommation des champignons.

La cueillette F Au moment de la cueillette, il

est important de séparer les espèces comestibles de celles qui ne sont pas identifiées. En cas de doute, il est donc conseillé de ne pas ramasser les champignons. Ainsi, les espèces de petites tailles, difficiles à identifier, ne doivent pas être cueillies. À noter que les spores des amanites mortel les sont toxiques et peuvent contaminer une récolte. Il est également recom-mandé de rejeter les champignons en état de décomposition, voire vieux ou simplement défraîchis, et

Figure 3. La consommation de coprins noir d’encre associée à celle d’alcool déclenche le syndrome coprinien à effet antabuse qui peut entraîner une chute tensionnelle.

© F

otol

ia.c

om/B

elay

a M

edve

dica

Page 5: Intoxication après consommation de champignons

Actualités pharmaceutiques

• n° 538 • septembre 2014 • 43

Déclaration d’intérêts 

L’auteur déclare ne pas avoir

de confl its d’intérêts en relation

avec cet article.

Référence[1] Décret n° 2005-1184 du 19 septembre 2005 portant interdiction de plusieurs espèces, sous-espèces ou variétés de champignons. www.legifrance.gouv.fr/affi chTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000604247&dateTexte=20080828&fastPos=1&fastReqId=528000232&oldAction=rechTexte

Pour en savoir plus• Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Cueillette et consommation de champignons. Risques d’intoxication liés à la consommation de champignons. Mis à jour le 04/10/2013. www.anses.fr/fr/content/cueillette-et-consommation-de-champignons

• Bon M. Champignons de France et d’Europe occidentale. Paris: Flammarion; 2004.

• Centre antipoison. Centre hospitalier régional universitaire de Lille. Les signes d’une intoxication par les champignons. CapMag n° 24. http://cap.chru-lille.fr/GP/magazines/96481.html

• Lemoine C, Claustres G. Connaître et reconnaître les champignons. Rennes: Ouest France; 1995.

• Macon L, Collège de médecine d’urgence de Bourgogne (CMUB). Intoxications par les champignons supérieurs. Protocole n° 026. Juillet 2013. www.cmub.org/contenus/cmub/026intox_champignon_1.pdf

• Société mycologique de France. www.mycofrance.net

suivi offi cinal

pratique

d’avoir en tête qu’une espèce consommée par les insectes ou des animaux n’est pas obligatoirement comestible pour l’homme.Il est préférable de ne pas cueillir les champignons en bordure de route ou dans des endroits pollués (proxi-mité d’une décharge, d’une usine d’inciné ration ou d’un bord de routes) car le mycélium est avide de métaux lourds polluants (encadré 1).Les champignons doivent être cueillis entiers, le pied ne devant être ni coupé, ni cassé sauf si l’espèce est parfaitement connue du ramasseur.

F Lors du transport, il faut éviter le tassement car la fermentation est rapide, en particulier par temps chaud et humide. Quelques heures suffisent pour contaminer une récolte. C’est pourquoi il faut proscrire les sacs en plastique et préférer un panier en osier tapissé de fougères. Il est important de réfrigérer la récolte le plus rapide-ment possible.

F Au moindre doute, la récolte doit être contrôlée par un pharmacien averti ou un mycologue expérimenté. Il est également possible de s’adres-ser à des sociétés mycologiques.

La consommation F En cas de maladie chronique

des reins, de l’intestin ou du sys-tème immunitaire, il est préférable d’éviter la consommation de cham-pignons sauvages.

F Il est capital de ne consommer

que les espèces clairement iden-

tifiées et de ne jamais ingérer des

spécimens possédant à la fois des lamelles blanches, une volve et un anneau, caractères permanents des grandes amanites toxiques, ainsi que les petites lépiotes d’une taille inférieure à 10 cm. Il est également préférable de ne pas consommer plus de 250 g de champignons sau-vages par semaine, et une seule espèce à la fois. La cuisson doit être suffisante. Certains champignons doivent être pelés car leur cuticule peut être laxative.La récolte doit être conservée au réfrigérateur et consommée au maximum dans les deux jours qui suivent la cueillette.

F Il est conseillé de conserver au

réfrigérateur un spécimen des

espèces cueillies afin de pouvoir procéder à une identification en cas de réactions d’intolérance ou d’in-toxication.

Délivrer les premiers conseils en cas de symptômes

F Plusieurs mesures doivent être

prises suite à l’apparition de diar-rhées profuses, de vomissements abondants, de tremblements, de vertiges ou de troubles de la vue faisant suite à une consommation de champignons :• appeler immédiatement un centre

antipoison (encadré 2) ou encore le 15 (Samu) car l’état de la per-sonne intoxiquée peut rapide-ment s’aggraver ;

• noter l’heure du ou des derniers repas, ainsi que celle d’appari tion des symptômes ;

• conserver les restes de la cueillette dans le but de procéder à une identification. F Si l’intoxication survient dans

un délai supérieur à six heures

après la consommation des cham-pignons, une hospitalisation en urgence est obligatoire dès l’appari-tion des premiers symptômes, sou-vent d’ordre digestif. Toutefois, un lavage d’estomac s’avère inefficace et parfois même contre-indiqué car il ne ferait qu’aggraver la forte déshy-dratation du patient.

F Si la phase d’incubation est

de courte durée (environ une à trois heures après l’ingestion), une hospitalisation est tout de même fortement conseillée afin de prati-quer un lavage d’estomac destiné à éliminer les toxines avant qu’elles ne diffusent dans l’organisme.Les intoxications les plus graves sont celles dont le déclenchement est le plus tardif. La gravité est éga-lement liée à l’état physiologique (âge, grossesse) et aux antécédents pathologiques du patient (diabète, insuffisance hépatique ou rénale, pathologies cardiaques, épilepsie, dénutrition…). w

Encadré 1. Impact des métaux lourds et des radioéléments sur les champignons

Encadré 2. Les centres antipoison Angers : 02 41 48 21 21Bordeaux : 05 56 96 40 80Clermont-Ferrand : 04 76 42 42 42Lille : 0825 812 822Lyon : 04 72 11 69 11Marseille : 04 91 75 25 25Nancy : 03 83 32 36 36Paris : 01 40 05 48 48Reims : 03 26 78 48 21Rennes : 02 99 59 22 22Rouen : 02 35 88 44 00Strasbourg : 03 88 37 37 37Toulouse : 05 61 77 74 47Suisse (Zürich) : 0041 1 251 51 51Belgique (Bruxelles) : 0032 2 345 45 45

La récolte et la consommation de champi-gnons ayant poussé le long des routes et autoroutes, près d’industries polluantes ou de décharges peuvent conduire à l’inges-tion de quantités importantes de métaux lourds (plomb, mercure…) et autres pol-luants. Certains champignons, pourtant réputés comme “excellents comestibles”,

ont la faculté d’accumuler ces éléments dans leur mycélium, puis dans le pied et le chapeau. La pollution par les éléments radioactifs est également un sujet de pré-occupation car certains champignons comme le laccaire laqué (Laccaria laccata) peuvent accumuler de façon importante des éléments radioactifs.