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LLE MERCURE
Le mercure (en latin Hydrargyrum) fait partie des éléments rares
de la terre. On le trouve dans notre couche terrestre à une profondeur
d’environs 17Km à la proportion approximative de 0,00005 % (soit en
moyenne 0,5 g /tonne). Il se situe ainsi en 62ème position parmi les
éléments chimiques quant à sa rareté naturelle.
1• Origine et utilisation
Le minerai de mercure le plus important est le cinabre (HgS), dans
lequel le mercure est, de temps à autres, présent à l’état natif sous forme
de gouttelettes de mercure. Le mercure est également présent dans
certains minerais de cuivre et dans la blende zincifère.
Les minerais de mercure dont l’importance minéralogique est
réelle sont : la cornubianite (calomel Hg2Cl2), la tiemannite (HgSe), la
coloradoïte (HgTe) et la coccinite (Hg2I2). Les sites principaux de production
de mercure se trouvent en Italie, au Mexique, en Espagne et dans l’ex-
Yougoslavie (Müller / Ohnesorge, 1987). Ces centres d’extraction couvrent
environ 47 % de la production mondiale.
Le merc u re est également naturellement présent comme
élément-trace dans le corps humain vierge de toute pollution. Ainsi, par
exemple, la concentration en mercure dans les eaux naturelles non
polluées se situe entre 0,5 et 15 ng / litre (*).
27
(*) 1 gramme = 1.000.000 µg (microgrammes) =1.000.000.000 ng (nanogrammes)
Comme sources d’absorption de mercure par la population, en
général, on retient le traitement dentaire par amalgames, l’alimentation
puis, de manière très réduite, l’eau de boisson et l’air.
2• Cinétique de résorption
La cinétique de résorption du mercure dépend entre autres de son
état d’agrégation et du type de composé chimique sous la forme duquel il
se trouve.
2-1• Mercure métallique (mercure liquide et selon le cas, vapeurs de mercure)
Le mercure est le seul métal liquide à température normale. Il
libère déjà à température ambiante des vapeurs qui peuvent conduire à
des intoxications.
a) Mercure ingéré sous la forme métallique
Du mercure liquide ingéré parcourt le tractus estomac-intestin
avec un faible pourcentage de résorption de moins de 0,01 % (Strubelt et
al.,1988, Greenwood / Von Burg, 1984). Il quitte l’organisme tel quel, donc
pratiquement en totalité, par les voies naturelles et n’a, pour cette raison,
comparativement à d’autres formes de mercure, qu’une faible signification
toxicologique.
b) Mercure inhalé sous la forme de vapeurs
Le mercure métallique inhalé sous la forme de vapeurs peut être
pratiquement totalement résorbé par les organes respiratoires. Une partie
importante (environ 80 %) de la vapeur de mercure résorbée passe des
poumons dans le sang (Schäfer et al., 1994; Gerstner / Huff, 1977). Une
contamination supplémentaire du sang résultant du passage de vapeurs
de mercure via le tractus estomac-intestins a lieu en même temps; la
vapeur de mercure peut être solubilisée dans la salive ou avalée sous une
forme finement divisée et être absorbée par le tractus estomac-intestins,
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Après une lente pro g ression de la production mondiale de
mercure, avec une pointe accusée en 1971 (10.577 tonnes), on a pu
constater une diminution notable de celle-ci. Au cours de l’année 1989,
elle n’était plus que de 5.502 tonnes.
La raison de cette chute a été, entre autres, l’augmentation de la
récupération du mercure par le recyclage ainsi que le remplacement du
m e rc u re par d’autres substances dans diverses applications. Les
domaines t raditionnels d’ utilisation étaient (et sont parfois encore
toujours), entre autres:
- la fabrication de lampes, de batteries, de redresseurs de courant
électrique, d’interrupteurs, d’ampoules à vapeurs de mercure,
de tubes luminescents, de thermomètres, de baromètres,
- la préparation de solutions destinées à l’extraction de l’or et de
l’argent des sables contenant des métaux précieux,
- la fabricat ion de matières pre m i è res dans l’industrie des
substances colorantes,
- les matériaux constituant les cathodes dans les processus de
fabrication du chlore,
- comme catalyseur dans un grand nombre de pro c e s s u s
chimiques,
- dans la métallurgie, en vue de séparer des mélanges de métaux,
- comme produit d’imprégnation du bois,
- comme anti-parasitaire,
- en médecine (par exemple comme diurétique, comme agent de
coloration, comme désinfectant, comme purgatif ...) et en
médecine dentaire (comme matériau d’obturation sous la forme
d’amalgame).
En raison d’effets indésirables graves (parfois mortels - B.Hackel
et al., 1989) et occasionnellement en raison de cas importants d’allergies
(Pokladek, 1956, p.50), les préparations contenant du mercure ont été
entre-temps retirées du marché des substances médicamenteuses.
AMALGAMES DENTAIRES - UNE QUESTION DE SANTÉ PUBLIQUE
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LE MERCURE
Etant donné l’extrêmement longue période de demi-vie du
m e rc u re dans le cerveau, on peut scient if iquement expliquer la
persistance de la symptomatologie même après cessation de l’exposition.
Les vapeurs de mercure ont la faculté de franchir la barrière
placentaire et de s’accumuler dans l’embryon ou selon le cas, dans le foetus
(Organisation Mondiale de la Santé, 1991, p. 18). Ainsi, le danger d’action
délétère sur la procréation existe (Berlin, 1986, III.6 e) ff) et III.6 f) jj) ).
2-2• Ions mercure
Les ions mercure se répartissent selon deux niveaux de valences:
Hg22+ et Hg2+.
Les ions mercure monovalents (Hg22+) sont transformés dans le
sang après un temps très court en ions bivalents (Hg2+) (Gerstner / Huff,
1977 ; Koos / Longo, 1976). Ces ions bivalents Hg2+ sont donc en première
ligne dans l’implication toxicologique.
L’absorption d’ions mercure se produit principalement par voie
orale ou par la voie cutanée. Le pourcentage de mercure résorbé via ces
deux voies est d’environ 5 - 10 % (Halbach, 1990; Berlin, 1986).
Les ions mercure présentent une affinité très élevée vis-à-vis des
groupes sulfhydriles et d’autres ligands présents dans les tissus vivants
(Falchuk et al., 1977). Ils sont de ce fait, de puissants inhibiteurs
d’enzymes (Henschler, 1989) et peuvent perturber un nombre important
de processus biochimiques dans l’organisme humain (Kuschinsky /
Lüllmann, 1989, p.531). Etant donné leur affinité pour les protéines, leur
passage dans le cerveau, via la barrière hémato-encéphalique et dans le
placenta, via la barrière placentaire, n’est pas possible. Cependant, cette
a ffinité part i c u l i è re des ions Hg2 + about it à une accumulation très
i m p o rtante des ions Hg2 + dans les organes parenchymateux et
particulièrement dans le foie et les reins. C’est sur cette base que la
charge toxique en ions mercure met les dégradations des reins au premier
plan de la symptomatologie.
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dans une proportion notable, non encore évaluée et aboutir dans la
circulation sanguine(Ohnesorge, 1982-1992).
Dans le sang, la vapeur de mercure résorbée se fixe sur les
érythrocytes. La portion prépondérante est oxydée en ions Hg2+ par
l’enzyme catalase (Schaller et al., 1994; Berlin, 1986; Hursch, 1985;
Clarkson et al., 1980) et se distribue sous cette forme (Strubert et
al.,1988). La portion non oxydée de la vapeur de mercure résorbée est
transportée par le flux sanguin vers tous les organes (Gloxhuber, 1994).
Elle est alors oxydée sous la forme Hg2+ et fixée dans les organes sous
cette forme.
La passage de la vapeur de mercure de cette manière particulière
dans le cerveau, via la barrière hémato-encéphalique (Hursh et al., 1988)
relève de l’aspect toxicologique. Les quantités de mercure parvenues au
cerveau sous forme de vapeurs liposolubles (solubilité dans les lipides)
peuvent à peine quitter le cerveau après oxydation sous la forme d’ions
mercuriques (Hg2+). Il en résulte une accumulation de mercure dans le
cerveau (Friberg / Mottet, 1989; Kuschinsky / Lüllmann, 1989, p.531).
La demi-vie du mercure dans le cerveau peut atteindre jusqu’à 18
ans (Ohnesorge, 1982 et 1992; Sugita, 1978).
La demi-vie est le temps au cours duquel la concentration d’une
substance se réduit à 50 % de la concentration de départ dans un organe
donné (par exemple dans le sang), c’est à dire que l’on doit compter
environ six fois le temps de demi-vie pour qu’une substance présente
dans un organe soit totalement évacuée.
Le cerveau est un des organes-cibles du mercure stocké. Il est
particulièrement menacé par une exposition de longue durée aux vapeurs
de mercure.
Des dégradations neurologiques et des symptômes manifestés
par le système nerveux central peuvent s’expliquer spécifiquement par
l’accumulation de mercure dans la zone cérébrale et correspondent à
l’image d’une intoxication chronique aux vapeurs de mercure.
AMALGAMES DENTAIRES - UNE QUESTION DE SANTÉ PUBLIQUE
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LE MERCURE
selon Visser (1993, p.24), y compris avec consommation de poisson. Les
recherches de Schiele (1982 et 1992) plaident en faveur de ces valeurs,
étant donné que même dans les poissons, l’accumulation n’est pas aussi
inquitétante que ce que l’on décrit parfois.
Le méthyle-mercure dans le sang est contenu à raison de 5 %
dans le plasma et est fixé à raison de 95 % aux érythrocytes (Halbach,
1990; Berlin, 1986). Etant donné que la fixation dans le plasma n’est que
très faible, les ions mercure qui y sont contenus (donc 5 % sous forme de
méthyle-mercure) peuvent facilement aboutir aux organes.
Le mercure présent dans le sang après une exposition à des
vapeurs de mercur e est, par contre contenu à raison d’un pourcentage
beaucoup plus élevé (environ 50 %) dans le plasma (Berlin, 1986;
Gerstner / Huff, 1977). Comme le méthyle-mercure (Me Hg+), le mercure
métallique n’est que faiblement fixé et peut donc également facilement
aboutir aux organes et ce, de façon encore plus importante que pour le
Me Hg+ .
Pour une contamination élevée, de niveau égal du sang en
mercure, selon l’aspect toxicologique, le passage du mercure du sang vers
les organes s’opère dans une proportion beaucoup plus élevée lors d’une
exposition à des vapeurs de mercure que lors d’une exposition à du
méthyle-mercure (Me Hg+). Lors d’une évaluation toxicologique, on doit
différencier le taux de mercure passant du sang aux organes dû à une
absorption de vapeur de mercure et le taux de mercure dû à une
absorption de Me Hg+.
La portion de mercure dans le sang, qui n’est pas fixée dans le
plasma (de manière temporaire et de toute façon faible) est de 95 % dans
le cas du méthyle-mercure (Me Hg+) et de 50 % dans le cas des vapeurs
de mercure. Cette portion se retrouve dans les globules rouges. Elle y est
donc fortement fixée et sera libérée au terme de la durée de la vie de ces
globules rouges (environ 120 jours). Elle sera donc, entre autres, éliminée
par les processus d’excrétions, ce qui évitera son passage possible dans
les organes critiques (le cerveau, par exemple).
33
La totalité des ions mercure absorbés ne prend pas la voie
toxicocinétique décrite ici. Une faible partie de ceux-ci est davantage
t r a n s f o rmée en merc u re métallique via des processus réducteurs
enzymatiques et c’est sous cette forme que le mercure peut franchir la
barrière hémato-encéphalique ainsi que la barrière placentaire, comme
cela a été décrit ci-dessus. C’est ainsi que même suite à une exposition à
du mercure sous forme ionique, un passage dans le cerveau et dans le
placenta, peut tout de même se produire, même s’il est plus faible que
dans le cadre d’une exposition aux vapeurs de mercure (Ohnesorge, 1982
et 1992).
2-3• Composés organiques du mercure
Les composés organiques du mercure les plus importants sont les
sels halogénés et les composés d’alkyle-mercure à courtes chaînes
(méthyle-mercure halogéné et éthyle-mercure halogéné). Ils sont très
lipophiles et atteignent de ce fait un taux élevé de résorption par le tractus
estomac-intestins (environ 95 %) (Müller / Ohnesorge, 1987).
Les composés organiques du mercure sont très solubles dans les
lipides (Schaller / Valentin, 1994) et s’accumulent de ce fait dans le
cerveau. Ils sont capables de franchir la barrière placentaire. En ce qui
concerne la population en général, l’intérêt toxicologique de l’absorption
de mercure sous la forme de composés organo-mercuriels se résume au
méthyle-mercure (MeHg+). Le méthyle-mercure est en première ligne
dans des aliments déterminés (le poisson, par exemple). L’Organisation
Mondiale de la Santé (1991, p.36) et Visser (1993, p.24), indiquent comme
absorption moyenne journ a l i è re : 2,41 µg de méthyle-merc u re en
consommant du poisson et 0,008 µg de méthyle-merc u re sans
consommation de poisson. Ces valeurs sont faibles si on les compare
avec l’absorption moyenne totale de mercure (entre 10,61 µg et 27,71 µg
par jour - O.M.S., 1991,p.36). Cette estimation du méthyle-mercure lié à
l’alimentation, en relation avec l’absorption journalière totale de mercure
est également à comparer avec les données allemandes : les absorptions
de méthyle-mercure se limitent à une moyenne de 1,6 - 2,4 µg par jour
AMALGAMES DENTAIRES - UNE QUESTION DE SANTÉ PUBLIQUE
32
LE MERCURE
Moeschlin, 1986; Berlin, 1986; Bader, 1985, p.679-680; Joselow, 1972;
Baader, 1961) sont en général :
3-1• Intoxications aiguës par le mercure
Les intoxications aiguës par le mercure suite à une exposition sont
les suivantes:
a) Vapeurs de mercure
Troubles respiratoires, toux d’irritation, frissons, vomissements,
salivat ion plus abondante, goût métallique en bouche, diarrh é e ,
inflammation pulmonaire, oedème pulmonaire, douleurs articulaires;
b) Ions mercure
Inflammations dans la cavité buccale, inflammation aiguë du
tractus estomac-intestins, vomissements, salivation plus abondante, état
de choc, défaillance rénale, syndrome néphrotique (augmentation de
l’albumine urinaire), urémie;
c) Composés organiques de mercure
Manifestations d’irritation des muqueuses et de la peau, perte de
sensibilité de la bouche, des lèvres, de la langue, des mains et des pieds,
troubles de la concentration, perte d’intérêt pour la famille et la profession,
faiblesse, apathie, fatigabilité extrême, difficultés à la déglutition, raideurs
articulaires, champ de vision tubulaire, perte d’audition, manifestations
agressives avec phases dépressives, troubles de la coordination au cours
des mouvements, impossibilité de lire, troubles de la mémoire ;
35
Cette portion n’aura donc qu’une implication toxicologique faible,
contrairement à celle du mercure dans le plasma.
Le mercure absorbé sous la forme de vapeurs, ainsi que sous la
forme d’ions mercure est en majeure partie éliminé par l’urine; l’excrétion
de méthyle-mercure s’opère à raison de 90 % via les selles (Strubelt et al.,
1988; Bureau Fédéral Allemand de l’Environnement, 1980, p.59-60).
Dif férentes études (Trevors, 1986; Heintze et al., 1983; Goolvard
et al., 1979; Cross et al., 1978; Edwards / Mc Bride, 1975; Rowland et al.,
1975; Observations à grande échelle par M. Daunderer, 1992, Chap. II,
5.1.2.) plaident en faveur du fait que le mercure forme des composés
inorganiques, donc des composés constitués d’ions mercure chargés
positivement et d’ions négatifs d’autres éléments. Ces composés se
forment par des processus bactériens dans la cavité buccale ou par des
bactéries intestinales qui transforment le mercure métallique en méthyle-
mercure (Günther, 1992, p.26; Penzer, 1986; Brune, 1986; Brune / Evje,
1985; Trinczek, 1983, p.16; Jones, 1981). Dans d’autres études (Drasch et
al., 1992; Schiwara et al., 1992, Chang et al., 1987), ces observations ne
sont pas confirmées. L’insuffisance du nombre de tests, le manque de
procédés d’analyses, les erreurs dues aux processus analytiques ou les
erreurs d’évaluations des données recueillies ne peuvent jusqu’ici pas être
considérés comme la cause des différences de résultats. On doit donc
retenir à partir des expertises : la transformation partielle du mercure de
composés inorganiques en méthyle-merc u re ne se réalise pas
nécessairement dans tous les cas, mais elle est cependant plausible et ne
peut être écartée à priori dans certains cas isolés.
3• Symptomatologie
Les symptomatologies des charges aiguës et chroniques en
mercure sont déterminantes dans leurs manifestations, selon la nature
des composés chimiques du mercure absorbé. Les symptômes les plus
importants (entre autres Schaller / Valentin, 1994; Schaller et al., 1994;
Schäfer et al., 1994; Greim, 1994; Ludew ig / Lohs, 1991, p.392;
AMALGAMES DENTAIRES - UNE QUESTION DE SANTÉ PUBLIQUE
34
LE MERCURE
L’intoxication chronique débutante due aux vapeurs de mercure
est caractérisée par un syndrome asthénique végétatif non spécifique, qui
est appelé microhydrargyrisme. Les symptômes sont entre autres :
Sensation de faiblesse, fatigue, lenteur de la pensée, agitation,
tremblements, sueurs soudaines, troubles nerveux, perte d’appétit, perte
de poids; au cours du temps, inflammations répétées des muqueuses
(inflammation des gencives, ulcérat ion des muqueuses buccales),
inf lammation aiguë des muqueuses gastrique et intest inale avec
diarrhées, coliques, nausées.
b) Ions mercure
La symptomatologie recouvre largement celle due à l’exposition
chronique aux vapeurs de mercure.
c) Composés organiques du mercure
Les symptômes de l’intoxication chronique au méthyle-mercure
recouvrent pratiquement ceux dus à l’intoxication aiguë. On identifie les
symptômes supplémentaires suivants :sensations trompeuses, malaises,
champ de vision limité, troubles de la parole, troubles de la coordination
motrice, troubles de la transmission neuro-musculaire, myasthénie grave
(perte de muscles).
4• Cancérogénicité
Le mercure n’a jusqu’ici pas été classé parmi les substances à
act ivité cancérigène (Schaller / Valentin, 1994). Cependant , dans la
littérature (Barrega°rd et al., 1991), on mentionne la nécessité de vérifier
cette affirmation. Les raisons de ceci sont entre autres les observations
expérimentales sur des animaux selon lesquelles des tumeurs ont été
attribuées au mercure métallique (Furst / Radding, 1979 ; Druckrey et al.,
1957). De plus, chez les travailleurs qui, pendant plusieurs années ont été
soumis à des expositions élevées à des vapeurs de mercure, on a
constaté des dégradations du matériel génétique des lymphocytes ainsi
37
3-2• Intoxications chroniques par le mercure
Les intoxications chroniques se produisent suite à des expositions
répétées.
a)Vapeurs de mercure
Dégradations du système nerveux, inflammations de la cavité
buccale, éventuellement manifestations rénales (dégradat ions
glomérulaires dans le sens d’une augmentation de l’excrétion d’albumine
à haut poids moléculaire), maux de tête, vertiges, nervosité, mauvaise
capacité de perception, fin tremblement intermittent des mains, plus
tardivement également, fin tremblement des paupières et de la langue,
vision déformée des lettres, augmentation du f lux salivaire, goût
métallique en bouche, ulcération des gencives, rubéfaction vernissée du
pharynx, ourlet bleu violacé de la gencive, irritabilité, intolérance à la
critique, comportement coléreux, perte du sommeil, dépre s s i o n s ,
h y p e rfonctionnement de la glande thyroïde, sclérose latérale
a m y o t rophique, paralysie bulbaire, encéphalopathie, vertiges, pert e
d’audition, réflexe d’Atkinson (réflexe à la couleur brun-sombre de la
cornée), perte d’auto-contrôle, perte d’appétit, perte de poids, attitude
méfiante, timidité, perte de cheveux.
Cela peut conduire à de réels accès de fureur. Le simple fait
d’observer son travail (de le regarder) peut amener le patient victime du
mercure à une insécurité impossible à maîtriser, et la moindre réprimande
est capable de susciter un état d’excitation débridée. Les handicaps de la
perception, de la défaillance de la mémoire, une sensation d’insuffisance
intellectuelle, avec timidité, complètent le tableau. Le médecin fera bien,
lorsqu’il se trouvera en présence d’un comportement psychique non
just if ié chez des travailleur s, de s’interroger quant à une possible
intoxication chronique due au mercure. Ces modifications de caractères
sont fréquemment interprétées erronément. On considère le patient
comme neurasthénique, comme hystérique, comme schizophrène etc.
Les non-médecins pensent à un comportement insolent et à un état
obsessionnel.(Baader, 1961).
AMALGAMES DENTAIRES - UNE QUESTION DE SANTÉ PUBLIQUE
36
LE MERCURE
hautement signif icative du nombre d’ avortements spontanés,
comparativement à des épouses de travailleurs non exposés au mercure
(n = 374) (Cordier et al., 1991). Le nombre d’avortements spontanés
augmentait avec la concentration en mercure dans l’urine des époux avant
la conception. Les auteurs de cette étude désignent comme cause de
cette corrélation une act ion directe du mer c u re sur le système
reproducteur masculin et une toxicité indirecte induite à la mère ou à
l’embryon par transport de mercure provenant du père. Il y aurait donc une
action directe du mercure sur le système reproducteur masculin et une
toxicité indirecte sur la mère ou sur l’embryon, suite au transfert de
mercure à partir de l’organisme masculin. Dans le groupe des travailleurs
accusant plus de 50 µg de mercure par litre d’urine, le taux d’avortements
spontané chez les épouses atteignait 18,4 %. Par comparaison, les
épouses des travailleurs de l’ensemble du collectif accusaient un taux
d’avortements spontanés de 8,9 %.
A plus forte raison, les vapeurs de mercure que les femmes
absorbent directement (par inhalation) sur leur lieu de travail, avant ou
pendant leur grossesse conduisent-t-elles à une dégradation de vies
naissantes. Ainsi par exemple, le fait de travailler avec des amalgames
peut, d’après les résultats d’une étude de l’académie de Médecine de
Lublin en Pologne (Sikorski et al., 1987), conduire chez les dentistes et les
assistantes dentaire enceintes à une augmentation du taux d’avortements
spontanés, d’enfants morts-nés et de malformations congénitales. Dans
cette étude, les cheveux et les poils pubiens de 81 femmes exposées ont
montré une charge signif icat ivement plus élevée en merc u re ,
comparativement au groupe-témoin de 34 femmes non exposées. Il existe
une corrélation entre l’importance de la contamination en mercure des
cheveux et le nombre d’avortements et d’enfants morts-nés ainsi que
d’enfants atteints de spina bifida ou selon le cas de défaut du septum de
l’oreillette du coeur.
Par contre, des recherches réalisées à l’Université de Stanford en
Californie (Brodsky et al., 1985) et une étude suédoise (Ericson / Källen,
1989) sur des personnels féminins de cabinets dentaires n’ont montré
39
que des aberrations chromosomiques attribuées au mercure (Barrega°rd et
al., 1991 ; Popescu et al., 1979 ; Verschaeve et al., 1976). Des aberrations
c h romosomiques ont également été décelées dans des culture s
cellulaires en contact avec du méthyle-mercure(Betty et al. 1993).
5• Effets tératogènes
Les effets tératogènes du mercure font depuis longtemps l’objet
d’un intérêt scientifique particulier. Ils sont connus en ce qui concerne le
méthyle-mercure, depuis les épidémies d’intoxications des années 1953
au Japon et 1973 en Irak (Koos / Longo, 1976, Moeschlin, 1986). La
Commission Sénatoriale de la Communauté Scientifique Allemande pour
l’Expertise des Produits Industriels Nuisibles pour la Santé (1993, p.59) a
classé le méthyle-mercure parmi les substances toxiques du groupe A
dans la liste des valeurs maximales permises sur les postes de travail
(M.A.K.) et dont le risque tératogène est démontré avec certitude. Les
sels de mercure Hg 2+ (donc les composés d’ions mercure bivalents
associés à des ions négatifs) présentent une activité toxique sur le foetus
en expérimentation animale (Schäfer et al., 1994 ; Boadi et al., 1992 ;
Danielsson et al., 1984 ; Goodman et al.,1983), ainsi que chez l’humain
(description de cas par Lauwerys et al., 1987).
De même, des études expérimentales animales ont montré que
des situations d’exposition à des vapeurs de mercure sont capables
d’engendrer des dégradations du foetus(Greenwood et al., 1972).
Donc on peut admettre qu’il existe un danger potentiel de lésions
pour le foetus lors d’une exposition de la femme enceinte aux vapeurs de
mercure. De cette étude, réalisée à l’Université de Rochester, on a pu
démontrer que l’accumulation de mercure est 47 fois plus élevée dans le
foetus, lors de l’exposition de la femelle animale en gestation à des
vapeurs de mercure que lors d’une exposition similaire à des sels de
mercure (Clarkson et al., 1988 a).
Des épouses de travailleurs français (n = 152) exposés au
mercure dans l’industrie du chlore et de la soude ont montré une élévation
AMALGAMES DENTAIRES - UNE QUESTION DE SANTÉ PUBLIQUE
38
LE MERCURE
Des observations sur des personnes saines en âge de travailler
ont servi de base à l’établissement de ces valeurs. Les valeurs maximales
permises sur les postes de travail (M.A.K.) pour les vapeurs de mercure
sont en Allemagne (ancienne RFA ) en 1972 et confirmées en 1980 de 100
µg Hg / m3 d’air. Elles sont provisoirement fixées à ce niveau (Henschler,
1989). Dans d’autres pays, la valeur maximale permise est fixée à la moitié
de la valeur citée ci-dessus (Schiele, 1991 a).
A juste titre, l’Organisation Mondiale de la Santé (1980, p. 113) a
approuvé une diminution de la valeur-limite maximale à 25 µg Hg / m3 d’air,
soit le quart de la valeur maximale permise en Allemagne.
La Conférence Américaine des Hygiénistes Industriels
Gouvernementaux a choisi comme valeur maximale autorisée sur les
postes de travail (M.A.K.) 10 µg Hg / m3 d’air (Greenwood / Von Burg,
1984). On constate donc qu’en Allemagne, la valeur maximale permise en
matière de santé sur les postes de travail est dix fois supérieure à cette
charge.
b) Sur base de recherches réalisées surtout dans l’ex-URSS
(Trakhtenberg, 1974, p.118), il est aujourd’hui reconnu que le faisceau de
symptômes caractérisant le microhydrargyrisme (voir ci-dessus 3-2-a) peut
déjà se manifester à une concentration inférieure à 10 µg Hg / m3 d’air et
selon ce point de vue, à plus forte raison à la concentration maximale
permise (M.A.K.) en Allemagne Berlin, 1986.
c) Les concentrations en mercure dans le sang et dans l’urine
correspondant aux valeurs maximales permises dans l’air (M.A.K.) sont
désignées selon les valeurs biologiques de tolérance aux pro d u i t s
industriels (B.A.T.). Elles sont valables pour des personnes saines. Leur
bien fondé a été éprouvé dans le cadre de recherches à titre préventif. En
ce qui concerne l’exposition au mercure (mercure métallique et composés
o rganiques du merc u re), elles recommandent des concentrations
maximales de 50 µg / litre de sang et 200 µg / litre d’urine. Une diminution
de cette norme est depuis longtemps en discussion (Ohnesorge, 1988).
41
AMALGAMES DENTAIRES - UNE QUESTION DE SANTÉ PUBLIQUE
40
LE MERCURE
aucune augmentation du nombre d’avortements spontanés, d’enfants
morts-nés, ni de malformations congénitales.
Schupp (1994, p.32) et Gerhard / Runnebaum (1992 a) attribuent la
différence entre ces résultats de recherches au fait qu’en Pologne les
amalgames sont préparés dans des mortiers à l’air libre, alors qu’en
Suède, on utilise des mélangeurs fermés. Et, c’est ainsi qu’on peut
expliquer la différence entre les résultats respectifs d’un groupe à
exposition élevée au mercure et ceux d’un groupe à exposition faible.
L’action tératogène des vapeurs de merc u re pouvant être libérées
( G reenw ood et al., 1972; Siedlecki, 1971) par des amalgames (dans ce cas
lors de la préparation d’ amalgames) ne devrait faire aucun doute, même
si elle est fonction de l’importance de l’exposition des sujets (Hörsted-
B i n d s l e v/ Magos, 1993).
6• Valeurs-limites et valeurs d’orientations
En matière d’évaluation de l’exposition au mercure et des charges
en mercure, les valeurs-limites et les valeurs d’orientation suivantes sont
à prendre en compte.
6-1• Exposition sur les lieux de travail
a) Des concentrations maximales permises sur les postes de
travail ont été établies afin de réaliser un compromis entre les intérêts de
l’industrie de production et les préoccupations en matière de santé des
travailleurs. En ce qui concerne les vapeurs de mercure, les valeurs-limites
indiquent les concentrations maximales autorisées en mercure dans l’air
respiré, sur des postes de travail exposés au mercure pendant 40 heures
de travail par semaine.
Ce qui importe ici, c’est que lors d’une exposition limitée à 8
heures de travail par jour, pendant 200 jours dans l’année, en général la
santé des employés ne soit pas compromise par le poison.
6-2• Exposition en dehors des lieux de travail
a) L’Organisation Mondiale de la Santé part de l’hypothèse selon
laquelle l’absorption de mercure atteignant jusqu’à 45 µg / jour, même au
cours de toute une vie ne peut pas conduire à une altération de la santé
(valeur ADI = dose d’absorption journalière acceptable) (voir ci-dessous :
Ohnesorge, 1985).
b) Pour l’établissement des charges internes plus élevées en
mercure chez des personnes non exposées professionnellement au
mercure, l’Administration Fédérale de la Santé Publique (BGA) a choisi les
valeurs d’orientation suivantes (Krause et al., 1987)
I II III
Mercure dans le sang en µg / l < 3 3 - 10 > 10
Mercure dans l’urine en µg / l < 5 5 - 20 > 20
I : Valeur discrète
II : Valeur plus élevée ; les dangers pour la santé ne sont pas
connus; un contrôle est cependant à conseiller.
III : Valeur nettement plus élevée; le danger pour la santé à
longue échéance ne peut pas être exclu; un éclaircissement précis et un
éloignement de la source de contamination ou tout au moins une
diminution du niveau d’exposition est indispensable.
Ces critères d’appréciation ont bien fait leurs preuves (Ewers /
Brokhaus, 1987) et ont été entre-temps reconnus dans des publications
toxicologiques (Ollroge, 1994) ainsi qu’en médecine de l’environnement
(Ewers et al., 1994). Ils ont été pris pour base par l’Institut Fédéral
Allemand des Médicaments et des Produits à Usage Médical (Bf Ar M),
1995 a, 1995 b.
AMALGAMES DENTAIRES - UNE QUESTION DE SANTÉ PUBLIQUE
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