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L LE MERCURE Le mercur e (en latin Hydrargyr um) fait par tie des éléments rares de la terr e. On le trouve dans notr e couche ter r estre à une profondeur d’envir ons 17Km à la pr oportion approximative de 0,00005 % (soit en moyenne 0,5 g /tonne). Il se situe ainsi en 62 ème position par mi les éléments chimiques quant à sa rar eté naturelle. 1 • Origine et utilisation Le minerai de mer cur e le plus impor tant est le cinabre (HgS), dans lequel le mercure est, de temps à autres, présent à l’état natif sous forme de gouttelettes de mercur e. Le mercur e est également présent dans cer tains minerais de cuivre et dans la blende zincifère. Les minerais de mercur e dont l’importance minéralogique est réelle sont : la cornubianite (calomel Hg 2Cl 2), la tiemannite (HgSe), la coloradoïte (HgT e) et la coccinite (Hg2I 2). Les sites principaux de production de mer cur e se trouvent en Italie, au Mexique, en Espagne et dans l’ex- Y ougoslavie (Müller / Ohnesorge, 1987). Ces centr es d’extraction couvrent envir on 47 % de la pr oduction mondiale. L e m er cure es t égalem ent natur elle m en t pr és ent com m e élément-trace dans le corps humain vierge de toute pollution. Ainsi, par exemple, la concentration en mercur e dans les eaux naturelles non polluées se situe entre 0,5 et 15 ng / litre (*). 27 (*) 1 gramme = 1.000.000 μg (microgrammes) =1.000.000.000 ng (nanogrammes)

Intoxications Au Mercure

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Page 1: Intoxications Au Mercure

LLE MERCURE

Le mercure (en latin Hydrargyrum) fait partie des éléments rares

de la terre. On le trouve dans notre couche terrestre à une profondeur

d’environs 17Km à la proportion approximative de 0,00005 % (soit en

moyenne 0,5 g /tonne). Il se situe ainsi en 62ème position parmi les

éléments chimiques quant à sa rareté naturelle.

1• Origine et utilisation

Le minerai de mercure le plus important est le cinabre (HgS), dans

lequel le mercure est, de temps à autres, présent à l’état natif sous forme

de gouttelettes de mercure. Le mercure est également présent dans

certains minerais de cuivre et dans la blende zincifère.

Les minerais de mercure dont l’importance minéralogique est

réelle sont : la cornubianite (calomel Hg2Cl2), la tiemannite (HgSe), la

coloradoïte (HgTe) et la coccinite (Hg2I2). Les sites principaux de production

de mercure se trouvent en Italie, au Mexique, en Espagne et dans l’ex-

Yougoslavie (Müller / Ohnesorge, 1987). Ces centres d’extraction couvrent

environ 47 % de la production mondiale.

Le merc u re est également naturellement présent comme

élément-trace dans le corps humain vierge de toute pollution. Ainsi, par

exemple, la concentration en mercure dans les eaux naturelles non

polluées se situe entre 0,5 et 15 ng / litre (*).

27

(*) 1 gramme = 1.000.000 µg (microgrammes) =1.000.000.000 ng (nanogrammes)

Page 2: Intoxications Au Mercure

Comme sources d’absorption de mercure par la population, en

général, on retient le traitement dentaire par amalgames, l’alimentation

puis, de manière très réduite, l’eau de boisson et l’air.

2• Cinétique de résorption

La cinétique de résorption du mercure dépend entre autres de son

état d’agrégation et du type de composé chimique sous la forme duquel il

se trouve.

2-1• Mercure métallique (mercure liquide et selon le cas, vapeurs de mercure)

Le mercure est le seul métal liquide à température normale. Il

libère déjà à température ambiante des vapeurs qui peuvent conduire à

des intoxications.

a) Mercure ingéré sous la forme métallique

Du mercure liquide ingéré parcourt le tractus estomac-intestin

avec un faible pourcentage de résorption de moins de 0,01 % (Strubelt et

al.,1988, Greenwood / Von Burg, 1984). Il quitte l’organisme tel quel, donc

pratiquement en totalité, par les voies naturelles et n’a, pour cette raison,

comparativement à d’autres formes de mercure, qu’une faible signification

toxicologique.

b) Mercure inhalé sous la forme de vapeurs

Le mercure métallique inhalé sous la forme de vapeurs peut être

pratiquement totalement résorbé par les organes respiratoires. Une partie

importante (environ 80 %) de la vapeur de mercure résorbée passe des

poumons dans le sang (Schäfer et al., 1994; Gerstner / Huff, 1977). Une

contamination supplémentaire du sang résultant du passage de vapeurs

de mercure via le tractus estomac-intestins a lieu en même temps; la

vapeur de mercure peut être solubilisée dans la salive ou avalée sous une

forme finement divisée et être absorbée par le tractus estomac-intestins,

29

Après une lente pro g ression de la production mondiale de

mercure, avec une pointe accusée en 1971 (10.577 tonnes), on a pu

constater une diminution notable de celle-ci. Au cours de l’année 1989,

elle n’était plus que de 5.502 tonnes.

La raison de cette chute a été, entre autres, l’augmentation de la

récupération du mercure par le recyclage ainsi que le remplacement du

m e rc u re par d’autres substances dans diverses applications. Les

domaines t raditionnels d’ utilisation étaient (et sont parfois encore

toujours), entre autres:

- la fabrication de lampes, de batteries, de redresseurs de courant

électrique, d’interrupteurs, d’ampoules à vapeurs de mercure,

de tubes luminescents, de thermomètres, de baromètres,

- la préparation de solutions destinées à l’extraction de l’or et de

l’argent des sables contenant des métaux précieux,

- la fabricat ion de matières pre m i è res dans l’industrie des

substances colorantes,

- les matériaux constituant les cathodes dans les processus de

fabrication du chlore,

- comme catalyseur dans un grand nombre de pro c e s s u s

chimiques,

- dans la métallurgie, en vue de séparer des mélanges de métaux,

- comme produit d’imprégnation du bois,

- comme anti-parasitaire,

- en médecine (par exemple comme diurétique, comme agent de

coloration, comme désinfectant, comme purgatif ...) et en

médecine dentaire (comme matériau d’obturation sous la forme

d’amalgame).

En raison d’effets indésirables graves (parfois mortels - B.Hackel

et al., 1989) et occasionnellement en raison de cas importants d’allergies

(Pokladek, 1956, p.50), les préparations contenant du mercure ont été

entre-temps retirées du marché des substances médicamenteuses.

AMALGAMES DENTAIRES - UNE QUESTION DE SANTÉ PUBLIQUE

28

LE MERCURE

Page 3: Intoxications Au Mercure

Etant donné l’extrêmement longue période de demi-vie du

m e rc u re dans le cerveau, on peut scient if iquement expliquer la

persistance de la symptomatologie même après cessation de l’exposition.

Les vapeurs de mercure ont la faculté de franchir la barrière

placentaire et de s’accumuler dans l’embryon ou selon le cas, dans le foetus

(Organisation Mondiale de la Santé, 1991, p. 18). Ainsi, le danger d’action

délétère sur la procréation existe (Berlin, 1986, III.6 e) ff) et III.6 f) jj) ).

2-2• Ions mercure

Les ions mercure se répartissent selon deux niveaux de valences:

Hg22+ et Hg2+.

Les ions mercure monovalents (Hg22+) sont transformés dans le

sang après un temps très court en ions bivalents (Hg2+) (Gerstner / Huff,

1977 ; Koos / Longo, 1976). Ces ions bivalents Hg2+ sont donc en première

ligne dans l’implication toxicologique.

L’absorption d’ions mercure se produit principalement par voie

orale ou par la voie cutanée. Le pourcentage de mercure résorbé via ces

deux voies est d’environ 5 - 10 % (Halbach, 1990; Berlin, 1986).

Les ions mercure présentent une affinité très élevée vis-à-vis des

groupes sulfhydriles et d’autres ligands présents dans les tissus vivants

(Falchuk et al., 1977). Ils sont de ce fait, de puissants inhibiteurs

d’enzymes (Henschler, 1989) et peuvent perturber un nombre important

de processus biochimiques dans l’organisme humain (Kuschinsky /

Lüllmann, 1989, p.531). Etant donné leur affinité pour les protéines, leur

passage dans le cerveau, via la barrière hémato-encéphalique et dans le

placenta, via la barrière placentaire, n’est pas possible. Cependant, cette

a ffinité part i c u l i è re des ions Hg2 + about it à une accumulation très

i m p o rtante des ions Hg2 + dans les organes parenchymateux et

particulièrement dans le foie et les reins. C’est sur cette base que la

charge toxique en ions mercure met les dégradations des reins au premier

plan de la symptomatologie.

31

dans une proportion notable, non encore évaluée et aboutir dans la

circulation sanguine(Ohnesorge, 1982-1992).

Dans le sang, la vapeur de mercure résorbée se fixe sur les

érythrocytes. La portion prépondérante est oxydée en ions Hg2+ par

l’enzyme catalase (Schaller et al., 1994; Berlin, 1986; Hursch, 1985;

Clarkson et al., 1980) et se distribue sous cette forme (Strubert et

al.,1988). La portion non oxydée de la vapeur de mercure résorbée est

transportée par le flux sanguin vers tous les organes (Gloxhuber, 1994).

Elle est alors oxydée sous la forme Hg2+ et fixée dans les organes sous

cette forme.

La passage de la vapeur de mercure de cette manière particulière

dans le cerveau, via la barrière hémato-encéphalique (Hursh et al., 1988)

relève de l’aspect toxicologique. Les quantités de mercure parvenues au

cerveau sous forme de vapeurs liposolubles (solubilité dans les lipides)

peuvent à peine quitter le cerveau après oxydation sous la forme d’ions

mercuriques (Hg2+). Il en résulte une accumulation de mercure dans le

cerveau (Friberg / Mottet, 1989; Kuschinsky / Lüllmann, 1989, p.531).

La demi-vie du mercure dans le cerveau peut atteindre jusqu’à 18

ans (Ohnesorge, 1982 et 1992; Sugita, 1978).

La demi-vie est le temps au cours duquel la concentration d’une

substance se réduit à 50 % de la concentration de départ dans un organe

donné (par exemple dans le sang), c’est à dire que l’on doit compter

environ six fois le temps de demi-vie pour qu’une substance présente

dans un organe soit totalement évacuée.

Le cerveau est un des organes-cibles du mercure stocké. Il est

particulièrement menacé par une exposition de longue durée aux vapeurs

de mercure.

Des dégradations neurologiques et des symptômes manifestés

par le système nerveux central peuvent s’expliquer spécifiquement par

l’accumulation de mercure dans la zone cérébrale et correspondent à

l’image d’une intoxication chronique aux vapeurs de mercure.

AMALGAMES DENTAIRES - UNE QUESTION DE SANTÉ PUBLIQUE

30

LE MERCURE

Page 4: Intoxications Au Mercure

selon Visser (1993, p.24), y compris avec consommation de poisson. Les

recherches de Schiele (1982 et 1992) plaident en faveur de ces valeurs,

étant donné que même dans les poissons, l’accumulation n’est pas aussi

inquitétante que ce que l’on décrit parfois.

Le méthyle-mercure dans le sang est contenu à raison de 5 %

dans le plasma et est fixé à raison de 95 % aux érythrocytes (Halbach,

1990; Berlin, 1986). Etant donné que la fixation dans le plasma n’est que

très faible, les ions mercure qui y sont contenus (donc 5 % sous forme de

méthyle-mercure) peuvent facilement aboutir aux organes.

Le mercure présent dans le sang après une exposition à des

vapeurs de mercur e est, par contre contenu à raison d’un pourcentage

beaucoup plus élevé (environ 50 %) dans le plasma (Berlin, 1986;

Gerstner / Huff, 1977). Comme le méthyle-mercure (Me Hg+), le mercure

métallique n’est que faiblement fixé et peut donc également facilement

aboutir aux organes et ce, de façon encore plus importante que pour le

Me Hg+ .

Pour une contamination élevée, de niveau égal du sang en

mercure, selon l’aspect toxicologique, le passage du mercure du sang vers

les organes s’opère dans une proportion beaucoup plus élevée lors d’une

exposition à des vapeurs de mercure que lors d’une exposition à du

méthyle-mercure (Me Hg+). Lors d’une évaluation toxicologique, on doit

différencier le taux de mercure passant du sang aux organes dû à une

absorption de vapeur de mercure et le taux de mercure dû à une

absorption de Me Hg+.

La portion de mercure dans le sang, qui n’est pas fixée dans le

plasma (de manière temporaire et de toute façon faible) est de 95 % dans

le cas du méthyle-mercure (Me Hg+) et de 50 % dans le cas des vapeurs

de mercure. Cette portion se retrouve dans les globules rouges. Elle y est

donc fortement fixée et sera libérée au terme de la durée de la vie de ces

globules rouges (environ 120 jours). Elle sera donc, entre autres, éliminée

par les processus d’excrétions, ce qui évitera son passage possible dans

les organes critiques (le cerveau, par exemple).

33

La totalité des ions mercure absorbés ne prend pas la voie

toxicocinétique décrite ici. Une faible partie de ceux-ci est davantage

t r a n s f o rmée en merc u re métallique via des processus réducteurs

enzymatiques et c’est sous cette forme que le mercure peut franchir la

barrière hémato-encéphalique ainsi que la barrière placentaire, comme

cela a été décrit ci-dessus. C’est ainsi que même suite à une exposition à

du mercure sous forme ionique, un passage dans le cerveau et dans le

placenta, peut tout de même se produire, même s’il est plus faible que

dans le cadre d’une exposition aux vapeurs de mercure (Ohnesorge, 1982

et 1992).

2-3• Composés organiques du mercure

Les composés organiques du mercure les plus importants sont les

sels halogénés et les composés d’alkyle-mercure à courtes chaînes

(méthyle-mercure halogéné et éthyle-mercure halogéné). Ils sont très

lipophiles et atteignent de ce fait un taux élevé de résorption par le tractus

estomac-intestins (environ 95 %) (Müller / Ohnesorge, 1987).

Les composés organiques du mercure sont très solubles dans les

lipides (Schaller / Valentin, 1994) et s’accumulent de ce fait dans le

cerveau. Ils sont capables de franchir la barrière placentaire. En ce qui

concerne la population en général, l’intérêt toxicologique de l’absorption

de mercure sous la forme de composés organo-mercuriels se résume au

méthyle-mercure (MeHg+). Le méthyle-mercure est en première ligne

dans des aliments déterminés (le poisson, par exemple). L’Organisation

Mondiale de la Santé (1991, p.36) et Visser (1993, p.24), indiquent comme

absorption moyenne journ a l i è re : 2,41 µg de méthyle-merc u re en

consommant du poisson et 0,008 µg de méthyle-merc u re sans

consommation de poisson. Ces valeurs sont faibles si on les compare

avec l’absorption moyenne totale de mercure (entre 10,61 µg et 27,71 µg

par jour - O.M.S., 1991,p.36). Cette estimation du méthyle-mercure lié à

l’alimentation, en relation avec l’absorption journalière totale de mercure

est également à comparer avec les données allemandes : les absorptions

de méthyle-mercure se limitent à une moyenne de 1,6 - 2,4 µg par jour

AMALGAMES DENTAIRES - UNE QUESTION DE SANTÉ PUBLIQUE

32

LE MERCURE

Page 5: Intoxications Au Mercure

Moeschlin, 1986; Berlin, 1986; Bader, 1985, p.679-680; Joselow, 1972;

Baader, 1961) sont en général :

3-1• Intoxications aiguës par le mercure

Les intoxications aiguës par le mercure suite à une exposition sont

les suivantes:

a) Vapeurs de mercure

Troubles respiratoires, toux d’irritation, frissons, vomissements,

salivat ion plus abondante, goût métallique en bouche, diarrh é e ,

inflammation pulmonaire, oedème pulmonaire, douleurs articulaires;

b) Ions mercure

Inflammations dans la cavité buccale, inflammation aiguë du

tractus estomac-intestins, vomissements, salivation plus abondante, état

de choc, défaillance rénale, syndrome néphrotique (augmentation de

l’albumine urinaire), urémie;

c) Composés organiques de mercure

Manifestations d’irritation des muqueuses et de la peau, perte de

sensibilité de la bouche, des lèvres, de la langue, des mains et des pieds,

troubles de la concentration, perte d’intérêt pour la famille et la profession,

faiblesse, apathie, fatigabilité extrême, difficultés à la déglutition, raideurs

articulaires, champ de vision tubulaire, perte d’audition, manifestations

agressives avec phases dépressives, troubles de la coordination au cours

des mouvements, impossibilité de lire, troubles de la mémoire ;

35

Cette portion n’aura donc qu’une implication toxicologique faible,

contrairement à celle du mercure dans le plasma.

Le mercure absorbé sous la forme de vapeurs, ainsi que sous la

forme d’ions mercure est en majeure partie éliminé par l’urine; l’excrétion

de méthyle-mercure s’opère à raison de 90 % via les selles (Strubelt et al.,

1988; Bureau Fédéral Allemand de l’Environnement, 1980, p.59-60).

Dif férentes études (Trevors, 1986; Heintze et al., 1983; Goolvard

et al., 1979; Cross et al., 1978; Edwards / Mc Bride, 1975; Rowland et al.,

1975; Observations à grande échelle par M. Daunderer, 1992, Chap. II,

5.1.2.) plaident en faveur du fait que le mercure forme des composés

inorganiques, donc des composés constitués d’ions mercure chargés

positivement et d’ions négatifs d’autres éléments. Ces composés se

forment par des processus bactériens dans la cavité buccale ou par des

bactéries intestinales qui transforment le mercure métallique en méthyle-

mercure (Günther, 1992, p.26; Penzer, 1986; Brune, 1986; Brune / Evje,

1985; Trinczek, 1983, p.16; Jones, 1981). Dans d’autres études (Drasch et

al., 1992; Schiwara et al., 1992, Chang et al., 1987), ces observations ne

sont pas confirmées. L’insuffisance du nombre de tests, le manque de

procédés d’analyses, les erreurs dues aux processus analytiques ou les

erreurs d’évaluations des données recueillies ne peuvent jusqu’ici pas être

considérés comme la cause des différences de résultats. On doit donc

retenir à partir des expertises : la transformation partielle du mercure de

composés inorganiques en méthyle-merc u re ne se réalise pas

nécessairement dans tous les cas, mais elle est cependant plausible et ne

peut être écartée à priori dans certains cas isolés.

3• Symptomatologie

Les symptomatologies des charges aiguës et chroniques en

mercure sont déterminantes dans leurs manifestations, selon la nature

des composés chimiques du mercure absorbé. Les symptômes les plus

importants (entre autres Schaller / Valentin, 1994; Schaller et al., 1994;

Schäfer et al., 1994; Greim, 1994; Ludew ig / Lohs, 1991, p.392;

AMALGAMES DENTAIRES - UNE QUESTION DE SANTÉ PUBLIQUE

34

LE MERCURE

Page 6: Intoxications Au Mercure

L’intoxication chronique débutante due aux vapeurs de mercure

est caractérisée par un syndrome asthénique végétatif non spécifique, qui

est appelé microhydrargyrisme. Les symptômes sont entre autres :

Sensation de faiblesse, fatigue, lenteur de la pensée, agitation,

tremblements, sueurs soudaines, troubles nerveux, perte d’appétit, perte

de poids; au cours du temps, inflammations répétées des muqueuses

(inflammation des gencives, ulcérat ion des muqueuses buccales),

inf lammation aiguë des muqueuses gastrique et intest inale avec

diarrhées, coliques, nausées.

b) Ions mercure

La symptomatologie recouvre largement celle due à l’exposition

chronique aux vapeurs de mercure.

c) Composés organiques du mercure

Les symptômes de l’intoxication chronique au méthyle-mercure

recouvrent pratiquement ceux dus à l’intoxication aiguë. On identifie les

symptômes supplémentaires suivants :sensations trompeuses, malaises,

champ de vision limité, troubles de la parole, troubles de la coordination

motrice, troubles de la transmission neuro-musculaire, myasthénie grave

(perte de muscles).

4• Cancérogénicité

Le mercure n’a jusqu’ici pas été classé parmi les substances à

act ivité cancérigène (Schaller / Valentin, 1994). Cependant , dans la

littérature (Barrega°rd et al., 1991), on mentionne la nécessité de vérifier

cette affirmation. Les raisons de ceci sont entre autres les observations

expérimentales sur des animaux selon lesquelles des tumeurs ont été

attribuées au mercure métallique (Furst / Radding, 1979 ; Druckrey et al.,

1957). De plus, chez les travailleurs qui, pendant plusieurs années ont été

soumis à des expositions élevées à des vapeurs de mercure, on a

constaté des dégradations du matériel génétique des lymphocytes ainsi

37

3-2• Intoxications chroniques par le mercure

Les intoxications chroniques se produisent suite à des expositions

répétées.

a)Vapeurs de mercure

Dégradations du système nerveux, inflammations de la cavité

buccale, éventuellement manifestations rénales (dégradat ions

glomérulaires dans le sens d’une augmentation de l’excrétion d’albumine

à haut poids moléculaire), maux de tête, vertiges, nervosité, mauvaise

capacité de perception, fin tremblement intermittent des mains, plus

tardivement également, fin tremblement des paupières et de la langue,

vision déformée des lettres, augmentation du f lux salivaire, goût

métallique en bouche, ulcération des gencives, rubéfaction vernissée du

pharynx, ourlet bleu violacé de la gencive, irritabilité, intolérance à la

critique, comportement coléreux, perte du sommeil, dépre s s i o n s ,

h y p e rfonctionnement de la glande thyroïde, sclérose latérale

a m y o t rophique, paralysie bulbaire, encéphalopathie, vertiges, pert e

d’audition, réflexe d’Atkinson (réflexe à la couleur brun-sombre de la

cornée), perte d’auto-contrôle, perte d’appétit, perte de poids, attitude

méfiante, timidité, perte de cheveux.

Cela peut conduire à de réels accès de fureur. Le simple fait

d’observer son travail (de le regarder) peut amener le patient victime du

mercure à une insécurité impossible à maîtriser, et la moindre réprimande

est capable de susciter un état d’excitation débridée. Les handicaps de la

perception, de la défaillance de la mémoire, une sensation d’insuffisance

intellectuelle, avec timidité, complètent le tableau. Le médecin fera bien,

lorsqu’il se trouvera en présence d’un comportement psychique non

just if ié chez des travailleur s, de s’interroger quant à une possible

intoxication chronique due au mercure. Ces modifications de caractères

sont fréquemment interprétées erronément. On considère le patient

comme neurasthénique, comme hystérique, comme schizophrène etc.

Les non-médecins pensent à un comportement insolent et à un état

obsessionnel.(Baader, 1961).

AMALGAMES DENTAIRES - UNE QUESTION DE SANTÉ PUBLIQUE

36

LE MERCURE

Page 7: Intoxications Au Mercure

hautement signif icative du nombre d’ avortements spontanés,

comparativement à des épouses de travailleurs non exposés au mercure

(n = 374) (Cordier et al., 1991). Le nombre d’avortements spontanés

augmentait avec la concentration en mercure dans l’urine des époux avant

la conception. Les auteurs de cette étude désignent comme cause de

cette corrélation une act ion directe du mer c u re sur le système

reproducteur masculin et une toxicité indirecte induite à la mère ou à

l’embryon par transport de mercure provenant du père. Il y aurait donc une

action directe du mercure sur le système reproducteur masculin et une

toxicité indirecte sur la mère ou sur l’embryon, suite au transfert de

mercure à partir de l’organisme masculin. Dans le groupe des travailleurs

accusant plus de 50 µg de mercure par litre d’urine, le taux d’avortements

spontané chez les épouses atteignait 18,4 %. Par comparaison, les

épouses des travailleurs de l’ensemble du collectif accusaient un taux

d’avortements spontanés de 8,9 %.

A plus forte raison, les vapeurs de mercure que les femmes

absorbent directement (par inhalation) sur leur lieu de travail, avant ou

pendant leur grossesse conduisent-t-elles à une dégradation de vies

naissantes. Ainsi par exemple, le fait de travailler avec des amalgames

peut, d’après les résultats d’une étude de l’académie de Médecine de

Lublin en Pologne (Sikorski et al., 1987), conduire chez les dentistes et les

assistantes dentaire enceintes à une augmentation du taux d’avortements

spontanés, d’enfants morts-nés et de malformations congénitales. Dans

cette étude, les cheveux et les poils pubiens de 81 femmes exposées ont

montré une charge signif icat ivement plus élevée en merc u re ,

comparativement au groupe-témoin de 34 femmes non exposées. Il existe

une corrélation entre l’importance de la contamination en mercure des

cheveux et le nombre d’avortements et d’enfants morts-nés ainsi que

d’enfants atteints de spina bifida ou selon le cas de défaut du septum de

l’oreillette du coeur.

Par contre, des recherches réalisées à l’Université de Stanford en

Californie (Brodsky et al., 1985) et une étude suédoise (Ericson / Källen,

1989) sur des personnels féminins de cabinets dentaires n’ont montré

39

que des aberrations chromosomiques attribuées au mercure (Barrega°rd et

al., 1991 ; Popescu et al., 1979 ; Verschaeve et al., 1976). Des aberrations

c h romosomiques ont également été décelées dans des culture s

cellulaires en contact avec du méthyle-mercure(Betty et al. 1993).

5• Effets tératogènes

Les effets tératogènes du mercure font depuis longtemps l’objet

d’un intérêt scientifique particulier. Ils sont connus en ce qui concerne le

méthyle-mercure, depuis les épidémies d’intoxications des années 1953

au Japon et 1973 en Irak (Koos / Longo, 1976, Moeschlin, 1986). La

Commission Sénatoriale de la Communauté Scientifique Allemande pour

l’Expertise des Produits Industriels Nuisibles pour la Santé (1993, p.59) a

classé le méthyle-mercure parmi les substances toxiques du groupe A

dans la liste des valeurs maximales permises sur les postes de travail

(M.A.K.) et dont le risque tératogène est démontré avec certitude. Les

sels de mercure Hg 2+ (donc les composés d’ions mercure bivalents

associés à des ions négatifs) présentent une activité toxique sur le foetus

en expérimentation animale (Schäfer et al., 1994 ; Boadi et al., 1992 ;

Danielsson et al., 1984 ; Goodman et al.,1983), ainsi que chez l’humain

(description de cas par Lauwerys et al., 1987).

De même, des études expérimentales animales ont montré que

des situations d’exposition à des vapeurs de mercure sont capables

d’engendrer des dégradations du foetus(Greenwood et al., 1972).

Donc on peut admettre qu’il existe un danger potentiel de lésions

pour le foetus lors d’une exposition de la femme enceinte aux vapeurs de

mercure. De cette étude, réalisée à l’Université de Rochester, on a pu

démontrer que l’accumulation de mercure est 47 fois plus élevée dans le

foetus, lors de l’exposition de la femelle animale en gestation à des

vapeurs de mercure que lors d’une exposition similaire à des sels de

mercure (Clarkson et al., 1988 a).

Des épouses de travailleurs français (n = 152) exposés au

mercure dans l’industrie du chlore et de la soude ont montré une élévation

AMALGAMES DENTAIRES - UNE QUESTION DE SANTÉ PUBLIQUE

38

LE MERCURE

Page 8: Intoxications Au Mercure

Des observations sur des personnes saines en âge de travailler

ont servi de base à l’établissement de ces valeurs. Les valeurs maximales

permises sur les postes de travail (M.A.K.) pour les vapeurs de mercure

sont en Allemagne (ancienne RFA ) en 1972 et confirmées en 1980 de 100

µg Hg / m3 d’air. Elles sont provisoirement fixées à ce niveau (Henschler,

1989). Dans d’autres pays, la valeur maximale permise est fixée à la moitié

de la valeur citée ci-dessus (Schiele, 1991 a).

A juste titre, l’Organisation Mondiale de la Santé (1980, p. 113) a

approuvé une diminution de la valeur-limite maximale à 25 µg Hg / m3 d’air,

soit le quart de la valeur maximale permise en Allemagne.

La Conférence Américaine des Hygiénistes Industriels

Gouvernementaux a choisi comme valeur maximale autorisée sur les

postes de travail (M.A.K.) 10 µg Hg / m3 d’air (Greenwood / Von Burg,

1984). On constate donc qu’en Allemagne, la valeur maximale permise en

matière de santé sur les postes de travail est dix fois supérieure à cette

charge.

b) Sur base de recherches réalisées surtout dans l’ex-URSS

(Trakhtenberg, 1974, p.118), il est aujourd’hui reconnu que le faisceau de

symptômes caractérisant le microhydrargyrisme (voir ci-dessus 3-2-a) peut

déjà se manifester à une concentration inférieure à 10 µg Hg / m3 d’air et

selon ce point de vue, à plus forte raison à la concentration maximale

permise (M.A.K.) en Allemagne Berlin, 1986.

c) Les concentrations en mercure dans le sang et dans l’urine

correspondant aux valeurs maximales permises dans l’air (M.A.K.) sont

désignées selon les valeurs biologiques de tolérance aux pro d u i t s

industriels (B.A.T.). Elles sont valables pour des personnes saines. Leur

bien fondé a été éprouvé dans le cadre de recherches à titre préventif. En

ce qui concerne l’exposition au mercure (mercure métallique et composés

o rganiques du merc u re), elles recommandent des concentrations

maximales de 50 µg / litre de sang et 200 µg / litre d’urine. Une diminution

de cette norme est depuis longtemps en discussion (Ohnesorge, 1988).

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AMALGAMES DENTAIRES - UNE QUESTION DE SANTÉ PUBLIQUE

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LE MERCURE

aucune augmentation du nombre d’avortements spontanés, d’enfants

morts-nés, ni de malformations congénitales.

Schupp (1994, p.32) et Gerhard / Runnebaum (1992 a) attribuent la

différence entre ces résultats de recherches au fait qu’en Pologne les

amalgames sont préparés dans des mortiers à l’air libre, alors qu’en

Suède, on utilise des mélangeurs fermés. Et, c’est ainsi qu’on peut

expliquer la différence entre les résultats respectifs d’un groupe à

exposition élevée au mercure et ceux d’un groupe à exposition faible.

L’action tératogène des vapeurs de merc u re pouvant être libérées

( G reenw ood et al., 1972; Siedlecki, 1971) par des amalgames (dans ce cas

lors de la préparation d’ amalgames) ne devrait faire aucun doute, même

si elle est fonction de l’importance de l’exposition des sujets (Hörsted-

B i n d s l e v/ Magos, 1993).

6• Valeurs-limites et valeurs d’orientations

En matière d’évaluation de l’exposition au mercure et des charges

en mercure, les valeurs-limites et les valeurs d’orientation suivantes sont

à prendre en compte.

6-1• Exposition sur les lieux de travail

a) Des concentrations maximales permises sur les postes de

travail ont été établies afin de réaliser un compromis entre les intérêts de

l’industrie de production et les préoccupations en matière de santé des

travailleurs. En ce qui concerne les vapeurs de mercure, les valeurs-limites

indiquent les concentrations maximales autorisées en mercure dans l’air

respiré, sur des postes de travail exposés au mercure pendant 40 heures

de travail par semaine.

Ce qui importe ici, c’est que lors d’une exposition limitée à 8

heures de travail par jour, pendant 200 jours dans l’année, en général la

santé des employés ne soit pas compromise par le poison.

Page 9: Intoxications Au Mercure

6-2• Exposition en dehors des lieux de travail

a) L’Organisation Mondiale de la Santé part de l’hypothèse selon

laquelle l’absorption de mercure atteignant jusqu’à 45 µg / jour, même au

cours de toute une vie ne peut pas conduire à une altération de la santé

(valeur ADI = dose d’absorption journalière acceptable) (voir ci-dessous :

Ohnesorge, 1985).

b) Pour l’établissement des charges internes plus élevées en

mercure chez des personnes non exposées professionnellement au

mercure, l’Administration Fédérale de la Santé Publique (BGA) a choisi les

valeurs d’orientation suivantes (Krause et al., 1987)

I II III

Mercure dans le sang en µg / l < 3 3 - 10 > 10

Mercure dans l’urine en µg / l < 5 5 - 20 > 20

I : Valeur discrète

II : Valeur plus élevée ; les dangers pour la santé ne sont pas

connus; un contrôle est cependant à conseiller.

III : Valeur nettement plus élevée; le danger pour la santé à

longue échéance ne peut pas être exclu; un éclaircissement précis et un

éloignement de la source de contamination ou tout au moins une

diminution du niveau d’exposition est indispensable.

Ces critères d’appréciation ont bien fait leurs preuves (Ewers /

Brokhaus, 1987) et ont été entre-temps reconnus dans des publications

toxicologiques (Ollroge, 1994) ainsi qu’en médecine de l’environnement

(Ewers et al., 1994). Ils ont été pris pour base par l’Institut Fédéral

Allemand des Médicaments et des Produits à Usage Médical (Bf Ar M),

1995 a, 1995 b.

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