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M~decine et Maladies Infectieuses -- 1984 -- 14 -- Num(~ro Hors S~rie -- 178 ~ 179 INTRODUCTION par Y.A. CHABBERT* Les antibiotiques sont des produits tr~s actifs et tr~s s~rs. Ils le doivent au fait que leur dvaluation repose sur des bases aisdment quantifiables. Le fait prin- cipal est l'existence d'un paralldlisme entre l'activitd hactdrienne in vitro et l'acti- vitd in vivo sur la bactdrie. Ce fair ne fut pas dvident avec le premier ,,anti- biotique,, : le Prontosil de Domagk qui dtait actif in vivo mais ne l'dtait .pas in vitro. La ddcouverte par les Trefou~l du Sulfamide, actif in vitro et in vivo permit d'dtab!ir, non sans quelques difficultds, que la moldcule agissait directe- ment sur la bactdrie dans les deux cas. Si cela impliquait une relation possible entre la concentration active mesurable au lab, oratoire et la concentration active au contact de la bactdrie au site de l'infection, cela ne signifiait nullement que ces concentrations fussent voisines. En effet la concentration active d'un anti- biotique varie beaucoup in vitro en fonction de la composition physico-chimique du milieu, de l'inoculum, etc... Le choix de conditions standard pouvait conduire des valeurs tr~s diff~rentes de celles qui agissent dans les multiples conditions d'environnement extra ou intra cellulaire que l'on rencontre dans un foyer infec- tieux. Ndanmoins, d~s les ddbuts de l'antibiothdrapie, si l'on comparait les donndes de la pharmacologie clinique humorale et tissulaire avec les concentra- tions actives artificiellement mesurdes in vitro, il apparaissait que les antihio- tiques agissaient en clinique sur les bactdries dont la C.M.I. dtait infdrieure aux concentrations obtenues in vivo et n'agissaient pas sur celles dont la C.M.I. ddpassait ces concentrations. Ce hasard heureux, qui nous semble si dvident aujourd'hui, justifie la tr~s grande importance de l'dvaluation des caractdris- tiques bactdriologiques d'un antibiotique et de l'Stude de sa distribution pharmacologique. En clinique, l'effet antibiotique est souvent quantifiable directement par l'Stude de la cindtique de la rdduction du nomhre des hactSries viables dans des produits pathologiques directement ou indirectement issus du foyer infectieux. On peut re@me ajouter que l'Stude de cette rSduction est le seul crit~re qui mesure cet effet. La disparition des signes de I'infection n'en est qu'une consdquence soumise ~ des facteurs ddpendant de l'h6te. Enfin dans le domaine toxicologique, les antibiotiques dill@rent des autres mddicaments par le fait qu'ils sont construits pour agir sur les structures physico-chimiques des bactdries, structures qui, dans les cas de la paroi hactd~ienne par exemple, n'exis- tent pas dans les cellules du malade. Les liens entre la fraction antibactdrienne de la moldcule et la toxicitd sur un organe de l'h6te ne sont en gdndral que fortuits. Pour routes ces raisons, l'dvaluation d'un nouvel antihiotique devrait dtre rdglde depuis longtemps. Or la ndcessitd de ce Congr@s indique bien que l'dvalua- tion de l'activitd, et surtout l'dvaluation comparative de ddrivds appartenant au mSme groupe, pose de sdrieux probl~mes. Le temps est loin oi~ l'on pouvait * lnstitut Pasteur, 25, rue du Docteur Roux, 75015 Paris. 178

Introduction

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M ~ d e c i n e e t M a l a d i e s I n f e c t i e u s e s - - 1 9 8 4 - - 1 4 - - N u m ( ~ r o H o r s S ~ r i e - - 1 7 8 ~ 1 7 9

INTRODUCTION

par Y.A. CHABBERT*

Les antibiotiques sont des produits tr~s actifs et tr~s s~rs. Ils le doivent au fait que leur dvaluation repose sur des bases aisdment quantifiables. Le fait prin- cipal est l'existence d'un paralldlisme entre l'activitd hactdrienne in vitro et l'acti- vitd in vivo sur la bactdrie. Ce fair ne fut pas dvident avec le premier ,,anti- biotique,, : le Prontosil de Domagk qui dtait actif in vivo mais ne l'dtait .pas in vitro. La ddcouverte par les Trefou~l du Sulfamide, actif in vitro et in vivo permit d'dtab!ir, non sans quelques difficultds, que la moldcule agissait directe- ment sur la bactdrie dans les deux cas. Si cela impliquait une relation possible entre la concentration active mesurable au lab, oratoire et la concentration active au contact de la bactdrie au site de l'infection, cela ne signifiait nullement que ces concentrations fussent voisines. En effet la concentration active d'un anti- biotique varie beaucoup in vitro en fonction de la composition physico-chimique du milieu, de l'inoculum, etc... Le choix de conditions standard pouvait conduire

des valeurs tr~s diff~rentes de celles qui agissent dans les multiples conditions d'environnement extra ou intra cellulaire que l'on rencontre dans un foyer infec- tieux. Ndanmoins, d~s les ddbuts de l'antibiothdrapie, si l'on comparait les donndes de la pharmacologie clinique humorale et tissulaire avec les concentra- tions actives artificiellement mesurdes in vitro, il apparaissait que les antihio- tiques agissaient en clinique sur les bactdries dont la C.M.I. dtait infdrieure aux concentrations obtenues in vivo et n'agissaient pas sur celles dont la C.M.I. ddpassait ces concentrations. Ce hasard heureux, qui nous semble si dvident aujourd'hui, justifie la tr~s grande importance de l'dvaluation des caractdris- tiques bactdriologiques d'un antibiotique et de l'Stude de sa distribution pharmacologique. En clinique, l'effet antibiotique est souvent quantifiable directement par l'Stude de la cindtique de la rdduction du nomhre des hactSries viables dans des produits pathologiques directement ou indirectement issus du foyer infectieux. On peut re@me ajouter que l'Stude de cette rSduction est le seul crit~re qui mesure cet effet. La disparition des signes de I'infection n'en est qu'une consdquence soumise ~ des facteurs ddpendant de l'h6te. Enfin dans le domaine toxicologique, les antibiotiques dill@rent des autres mddicaments par le fait qu'ils sont construits pour agir sur les structures physico-chimiques des bactdries, structures qui, dans les cas de la paroi hactd~ienne par exemple, n'exis- tent pas dans les cellules du malade. Les liens entre la fraction antibactdrienne de la moldcule et la toxicitd sur un organe de l'h6te ne sont en gdndral que fortuits.

Pour routes ces raisons, l'dvaluation d'un nouvel antihiotique devrait dtre rdglde depuis longtemps. Or la ndcessitd de ce Congr@s indique bien que l'dvalua- tion de l'activitd, et surtout l'dvaluation comparative de ddrivds appartenant au mSme groupe, pose de sdrieux probl~mes. Le temps est loin oi~ l'on pouvait

* lnsti tut Pasteur, 25, rue du Docteur Roux, 75015 Paris.

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cornparer les rdsultats obtenus sous antibiothdrapie avec ceux de la pdriode pr~-antibiotique. Aujourd'hui l'dvaluation clinique se trouve clans l'obligation d'essayer un tr~s grand nombre de ddrivds chez un petit hombre de rnalades bdtdrog~nes. Les dtudes randornisdes en double aveugle et rnulticenti'ques clans des infections bien ddfinies aboutissent souvent ~ des rdsultats de cornparaison statistiquernent non significatifi. Malgrd la tradition rnddicale qui donne le dernier mot ~t la clinique, l'expdrimentateur dprouve une certaine lassitude rapporter des rdsultats toujours bons rnais pdriodiquernent remis en question par un nouveau produit. La tentation de se confier de plus en plus ~ l ' , in vitro veritas,, sernble cro~tre au cours des symposia consacrds ~ l'dvaluation d'un nouveau produit. Or la traduction des donndes de laboratoire en termes de succ~s thdrapeutiques, vitesses de gudrison, courts socio-dconorniques~ est loin de s'appuyer sur des ddrnonstrations prdcises. En bactdriologie si l'on peut considd- rer que les valeurs critiques de l'antibiograrnrne sont gdndralernent vdrifides, on ne salt pas si une C.M.I. 2 ~ 4 lois infdrieure ~ la concentration sdrique ~ la derni-vie est rnoins bonne qu'une C.M.I. 200 ~ 400 fois infdrieure. La ndcessitd d'un effet bactdricide a fair sa preuve clans l'endocardite, l'irnportance d'un pouvoir bactdricide du sdrurn suffisarnrnent dlevd sernble ndcessaire rnais il reste encore beaucoup d'inconnues clans la valeur des taux t@s dlevds. Enfin la bactd- riologie apporte tr~s peu de renseignernents sur la durde des traiternents. La pharmacologie ddterrnine avec prdcision de nornbreux parambtres rnais la signi- fication des pics, des derni-vies et des valldes courarnment utilisds pour la cornpa- raison des ddrivds est incertaine. Le bon sens qui dit , t an t plus y e n a, tant plus qsa vaut , peut avoir raison rnais une dvaluation scientifique ne peut s'en conten- ter. Enfin on a pdndtr~, par le biais de la rdsistance, clans le dornaine de l'dcologie bactdrienne ; ce monde est vaste et ses rndcanisrnes en sont subtils et trop complexes pour servir de base ~ des choix ou des exclusions trop h~tives. En outre, l'dvaluation comparative porte en elle-rn~me ses excbs ; il serait intdressant de ddvelopper les avantages du concept d'dquivalence des effets antibiotiques, qui aurait au rnoins le rndrite de fournir au praticien un dventail ~ utiliser sans complexes.

Ces quelques rdflexions montrent que, si les antibiotiques se pr~tent bien ~t l'dvaluation, il reste un travail considdrable dt accornplir clans l'addquation des donndes du laboratoire avec celles fournies par la clinique. C'est ce que les auteurs de ce Congr~s ont cberchd gt rdaliser.

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