33
1 INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES Par Vincent Pouthier

INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

  • Upload
    others

  • View
    9

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

1

INTRODUCTION

AUX

PHENOMENES CRITIQUES

Par Vincent Pouthier

Page 2: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

2

Chapitre I - Introduction

Pour introduire la notion de transition de phase, considérons l’exemple bien connu de

l’eau et de ces différents aspects. Ainsi, l’eau peut exister dans trois phases, le solide (la

glace), le liquide (l’eau !) et le gaz (la vapeur) que l’on peut distinguer quotidiennement au

gré des saisons ou dans notre cuisine. Les transitions d’une phase à l’autre sont très

familières et correspondent au gel, à l’ébulliti on et à la sublimation. Ce qui caractérise ces

transitions, c’est le changement qualitatif, la discontinuité des propriétés : une petite

modification d’un paramètre (comme la température ou la pression) déclenche une

modification qualitative spectaculaire.

Les transitions de phase de l’eau sont loin d’être un cas isolé et l’on observe une

multitude de transitions de phase dans la nature. En particulier, la physique de la matière

condensée est très riche d’exemples et on pourra citer les cas du ferromagnétisme, de la

ferroélectricité, des liquides superfluides, de la supraconductivité, des transitions ordre-

désordre dans les alli ages ou encore de la transitions de localisation d’Anderson …etc.

De manière générale, toutes ces transitions de phase ne sont pas identiques et l’on peut

dire schématiquement qu’ il existe deux classes de transitions : les transitions avec chaleur

latente d’une part et les transitions sans chaleur latente d’autre part. Plus précisément, le

physicien P. Ehrenfest, en 1933, proposa une classification des différentes transitions à partir

du comportement du potentiel thermodynamique associé (enthalpie libre, énergie libre …) :

i) Les transitions de phase du premier ordre s’accompagnent de discontinuités des

grandeurs thermodynamiques, comme l’entropie et la densité, associées à des

dérivées premières de potentiels thermodynamiques. (C’est le cas de transitions

normales subit par l’eau par exemple)

ii ) Les transitions de phase du second ordre pour lesquelles les potentiels

thermodynamiques et leur dérivées premières sont continues et qui

s’accompagnent de certaines discontinuités des dérivées secondes de potentiels

thermodynamiques (comme la capacité calorifique). Pour ces transitions, on passe

de façon continue d’une phase à l’autre sans que l’on puisse parler de coexistence

des deux phases. C’est le cas de beaucoup de transition en phase condensée

comme le ferromagnétique.

Page 3: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

3

On peut généraliser la classification de Ehrenfest est définir des transitions d’ordre supérieur

(on parlera de transitions multicritiques). Cependant, bien que la classification de Ehrenfest a

le mérite de mettre en évidence des différences et des similit udes entre diverses transitions,

elle se limite à des concepts thermodynamiques insuff isants pour bien comprendre la

physique d’une transition.

C’est le physicien L. Landau qui a fait remarquer en 1937 qu’une transition de phase

sans chaleur latente s’accompagnait d’un changement de la symétrie du système. Ainsi, si l ’on

prend l’exemple d’un matériau ferromagnétique, on sait que celui ci ne possède pas

d’aimantation spontanée à haute température. Par contre, en dessous de la température de

Curie, il apparaît une aimantation permanente orientée dans une direction bien précise. On dit

alors que la symétr ie du matér iau a été br isée à basse température car le milieu n’est plus

qu’ invariant par une rotation autour d’un axe parallèle à l’aimantation. A ces notions de

brisure de symétrie, Landau a associé l’ idée de paramètre d’ordre. Le paramètre d’ordre est

une grandeur physique qui est nulle dans la phase la plus symétrique (généralement la phase

haute température) et qui devient non nulle dans la phase la moins symétrique (la phase

ordonnée à basse température). Ainsi, Landau proposa la classification suivante :

i) Les transitions sans paramètre d’ordre qui sont toujours de premier ordre au

sens de Ehrenfest.

ii ) Les transitions avec paramètre d’ordre. Si le paramètre d’ordre est discontinu à

la transition celle ci est de premier ordre au sens de Ehrenfest. Elle est d’ordre

supérieur si le paramètre d’ordre est continu à la transition.

Dans ce cours, nous ne nous intéresserons qu’au transitions avec paramètre d’ordre

continu, dont l’exemple le plus familier est la transition ferromagnétique-paramagnétique, dite

transition critique. Pour comprendre ce qui se cache sous le terme de transition critique,

revenons à notre exemple initial de l’eau. Dans le diagramme de phase de l’eau, il existe un

point particulier, dit point critique, caractérisé par une température de 647 K et une pression

de 217 atmosphères. Au-delà de ce point, il n’y a plus de distinction entre liquide et vapeur. Il

ne reste qu’une seule phase fluide et l’on ne peut plus faire bouilli r de l’eau. Près du point

critique, il existe des variations de densité sur toutes les échelles de longueurs. Ces variations,

ou fluctuations, apparaissent sous la forme de gouttes de liquide intimement mélangées à des

bulles de gaz. La taill e de ces gouttes et celle des bulles varient de la taill e d’une molécule à

celle du récipient. Plus précisément, au point critique, la longueur caractéristique des

fluctuations les plus grande devient infinie, mais les fluctuations les plus petites n’en

disparaissent pas pour autant.

Page 4: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

4

Ainsi, au cours d’une transition critique, les fluctuations spatiales de certaines

grandeurs thermodynamiques possèdent toutes les échelles de longueurs possibles. Ce

phénomène est relativement inhabituel pour le physicien qui généralement se concentre sur

une échelle de longueur donnée pour résoudre un problème. Par exemple, si l ’on veut étudier

l’hydrodynamique des vagues de l’océan, on travaill e à une échelle macroscopique sans avoir

besoin de connaître précisément le mouvement de chaque molécule d’eau constituant l’océan

(Et cela est bien heureux !!!) . A l’ inverse, si l ’on s’ intéresse à l’ interaction entre deux

molécules d’eau, il important peu de savoir si ces molécules viennent de l’océan ou d’un verre

d’eau ! En d’autres termes, deux phénomènes dont les échelles de longueurs sont totalement

différentes ont peu d’ influence directe l’un sur l’autre. Lors d’une transition critique, c’est

tout le contraire car toutes les échelles de longueurs jouent un rôle identique.

Compte tenu de la complexité des transitions critiques, les outils habituels de la

physique théorique se sont vite rendus inopérants. Il a fallut attendre les années 1970 pour

voir se façonner une nouvelle approche, celle du Groupe de Renormalisation. Cette théorie,

dont beaucoup d’ idées ont été formulées par Léo Kadanoff , fut « finalisée » par Kenneth

Wilson, qui reçu pour cela le Prix Nobel de physique en 1982. A proprement parlé, le Groupe

de Renormalisation n ‘est pas une théorie pour décrire les transitions. C’est en fait, d’après

Wilson, une théorie pour construire des théories si bien que l’on peut l’appliquer dans une

multitude de domaines de la physique aussi variés les uns que les autres, comme la transition

ferromagnétique-paramagnétique ou l’ interaction fondamental en quarks ! Ainsi, l’une des

conséquences de cette théorie fut d’ introduire la notion d’universalité en montrant l’existence

de points communs et de similit udes de comportement pour des systèmes physiques a priori

totalement différents.

Dans ce modeste cours, nous tenterons d’ introduire très sommairement les notions

développées par le Groupe de Renormalisation. Notre but n’est pas d’offrir une étude

complète et rigoureuse, mais simplement d’ ill ustrer les idées de base du formalisme au cas

bien connu de la transition ferromagnétique-paramagnétique.

Page 5: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

5

Chapitre II - Fer romagnétisme: Le modèle d’ Ising

Certains corps, comme le fer, le cobalt ou le nickel, possèdent une aimantation

spontanée à température ordinaire. Ces corps, dit ferromagnétiques, sont caractérisés par la

température de Curie au-dessus de laquelle il s perdent leur aimantation spontanée : une

transition s'effectue entre une phase ferromagnétique et une phase paramagnétique. Pour

décrire ce phénomène, un modèle simple fut proposé par Ising, modèle que nous allons

présenter dans ce chapitre.

a) Hamiltonien

L’origine d’un état ferromagnétique dans certains solides résulte de l’ interaction entre

les spins électroniques des atomes qui constituent ce solide. Cependant, bien qu’à chaque spin

atomique on puisse associer un moment magnétique, cette interaction n’est pas le fruit du

couplage entre ces dipôles magnétiques. Elle trouve son origine dans un processus quantique

beaucoup plus subtile appelé l’ interaction d’échange qui fait intervenir le principe d’exclusion

de Pauli et la répulsion électrostatique entre les électrons.

Pour comprendre qualitativement ce phénomène, considérons deux atomes voisins

possédant chacun un électron. La fonction d’onde ψ(1,2) des deux électrons est le produit

d’une orbitale φ(r1,r2), construite par la superposition de deux orbitales atomiques localisées

sur chaque atome, par une fonction d’onde de spin χ(1,2). Cette fonction d’onde devant être

antisymétrique par échange des électrons, c’est à dire ψ(1,2)= - ψ(2,1), deux situations

apparaissent:

i) Si les deux spins sont parallèles, χ(1,2) est symétrique. Par conséquent l’orbitale

φ(r1,r2) est antisymétrique. Cela signifie que les électrons auront tendance à être

loin l’un de l’autre et à rester localisé sur leur atome respectif. Ainsi, l’ interaction

électrostatique positive sera minimisée.

ii ) Inversement, si les deux spins sont antiparallèles l’orbitale φ(r1,r2) est symétrique.

Les électrons pourront se rapprocher et l’ interaction électrostatique sera plus forte.

Page 6: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

6

Ainsi, on peut s’attendre à ce que deux électrons de spins parallèles aient une énergie « moins

positive » que deux électrons de spins antiparallèles. Cette différence d’énergie d’origine

électrostatique revient à imposer un couplage entre deux spins de la forme :

(2.1) 210 SJSVV −=

où J>0 est appelée intégrale d’échange.

Dans le modèle d’ Ising, on considère un milieu ferromagnétique comme étant formé

d’un ensemble de N sites atomiques distribués régulièrement sur les nœuds d’un réseau

solide. Chaque site atomique possède un spin iS , pouvant prendre les valeurs +1 et –1, qui

interagit avec les spins des sites plus proches voisins selon la loi décrite par l’Eq.(1.1).

L’Hamiltonian de l’ensemble de spins est donc :

(2.2) ∑−=>< j,i

jiSSJH

où <i,j> désigne une somme sur les plus proches voisins.

Sous sa forme particulièrement simple, l’Hamiltonian d’ Ising cache une complexité

étonnante. En effet, bien qu’ il existe une solution analytique triviale pour un réseau de

dimension D=1, son analyse en dimension D=2 relève d’un exploit mathématique. En

dimension D=3, il n’y a pas de solution. Ainsi, malgré sa simplicité, le modèle d' Ising est d' un

très grand intérêt puisqu' il permet de comprendre qualitativement l' origine des transitions de

phase ferromagnétique.

b) Paramètre d'ordre et symétrie

Avant d' étudier les propriétés thermodynamiques du modèle d' Ising, il convient de

définir le paramètre d'o rdre. Bien que cette opération ne soit pas toujours évidente, elle

apparaît relativement simple dans la situation qui nous préoccupe. En effet, à température

nulle, l' énergie libre de Helmoltz associée au modèle d' Ising sera entièrement caractérisée par

la partie énergie interne, c' est à dire par l' énergie fondamentale de l' Hamiltonien. Celui-ci

favorise une structure ordonnée dans laquelle tous les spins du solide sont parallèles et

orientés dans une même et unique direction. A l' inverse, à haute température, la contribution

entropique dominera l' énergie libre. Cette contribution favorisant un désordre total,

l' orientation des spins, gouvernée par l' agitation thermique, sera aléatoire : il y aura autant de

spins up que de spins down ! Pour distinguer la phase basse température de la phase haute

température, le paramètre d' ordre choisi sera la magnétisation, c' est à dire la valeur moyenne

Φ du spin total du système définie par :

Page 7: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

7

(2.3) ii

i

i SavecN

1 =ΦΦ=Φ ∑où <…> désigne une moyenne thermodynamique. Dans l'Eq.(2.3), la grandeur iΦ sera

appelée paramètre d'ordre local. Ainsi, si 1=Φ , tous les spins sont parallèles et si 0=Φ , les

spins sont orientés de manière aléatoire.

D'après la théorie de Landau, la notion de paramètre d'ordre est intimement lié au

propriétés de symétrie du matériau. Dans le cas du modèle d'Ising, l'Hamiltonien Eq.(2.2) est

invariant par retournement des spins. En d'autres termes, si on note R l'opération de symétrie

qui consiste à retourner tous les spins, l'Hamiltonien d'Ising se conserve sous l'application de

R : RH=H . De manière générale, la phase désordonnée haute température possède les mêmes

propriétés d'invariance que l'Hamiltonien. Ceci se retrouve dans le modèle d'Ising où la phase

haute température se conserve sous l'action de R. En effet, si tous les spins sont orientés "up

and down" de façon aléatoire, le retournement de l'ensemble des spins conduit à une structure

identique où tous les spins sont encore orientés aléatoirement. Dans ces conditions, le

paramètre d'ordre de la phase haute température se doit d'être invariant sous l'action de R,

soit:

(2.4) 0SN

1RS

N

1R

ii

ii ≡Φ⇒Φ−∑ =−∑ ==Φ

A basse température, l'Hamiltonien privilégie une direction de l'espace bien précise: les spins

étant tous parallèles, il s sont orientés soit vers le haut soit vers le bas. Par conséquent, la phase

basse température n'est plus invariante par l'opération de symétrie R. Partant de la phase "up",

l'application de R conduit à une nouvelle phase "down" différente. On dit que la structure

basse température brise la symétrie de l'Hamitlonien si bien que le paramètre d'ordre n'est plus

invariant sous l'action de l'opération R.

Ces propriétés sont relativement générales et s'appliquent à l'ensemble des transitions

avec paramètre d'ordre. Ainsi, si l'Hamiltonien du système est invariant sous l'action d'un

ensemble d'opérations de symétrie formant un groupe de symétrie G, le phase haute

température possède généralement les mêmes propriétés de symétrie que l'Hamiltonien: elle

est invariante sous l'action des opérations du groupe G. Dans la phase basse température,

généralement ordonnée, il existe des grandeurs thermodynamiques qui ne sont plus

invariantes sous l'action de certaines opérations de symétrie du groupe G: ces grandeurs sont

appelés paramètre d'ordre. Ainsi la phase basse température est invariante sous l'action des

opérations de symétrie appartenant à un sous groupe g du groupe G.

Page 8: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

8

Chapitre III – Physique Statistique du modèle d'Ising

a) Thermodynamique dans l'ensemble canonique

Pour étudier les propriétés thermodynamiques de l'Hamiltonien d'Ising, supposons que

les N spins se trouvent en équili bre avec un réservoir d'énergie imposant la température T.

Nous utili serons alors l'ensemble canonique pour décrire ses propriétés. Dans ces conditions,

l'ensemble des propriétés thermodynamiques du système de spins peut être caractérisé à partir

de la connaissance de la fonction de partition :

(3.1)∑

∑∑∑= ><β

+

−=

+

−=

+

−=

j,ijSiSJ

1

1NS

1

12S

1

11Se...)T(Z

Le potentiel thermodynamique dans l'ensemble canonique est l'énergie libre de Helmoltz F(T)

définie par :

(3.2) )T(ZlnkT)T(F −=

A partir de la connaissance de F(T), on déduit les différentes observables thermodynamiques

comme l'énergie interne U(T), l'entropie S(T) ou la capacité calorifique C(T) :

T

F

TT)T(U 2

∂∂−=

T

F)T(S

∂∂−=

2

2

T

FTC

∂∂−=

A ce stade, le paramètre d'ordre est défini à partir de la moyenne thermodynamique des spins

constituant le système :

(3.3)[ ]∑∑

∑=ΦΦ=Φ ><

β

S

j,ijSiSJ

i

i

ii eS)T(Z

1avec

N

1)T(

b) Fonction génératrice des fonctions de corrélation

Une façon plus générale pour calculer les valeurs moyennes des variables de spin est

d'introduire un Hamiltonien de couplage avec un champ magnétique externe H. Ce champ

peut bien sure avoir une signification physique si le matériau est soumis à un champ

magnétique. Dans le cas contraire, il apparaît simplement comme un outil mathématique

permettant de définir l'énergie libre de Helmoltz comme une fonction génératrice des

fonctions de corrélation de spins. Ainsi, introduisons l'Hamiltonien de couplage V défini par :

Page 9: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

9

(3.4) ∑−=i

ii HSgV

où Hi dénote le champ extérieur agissant sur le spin i et où g est un simple paramètre de

couplage. La fonction de partition devient maintenant :

(3.5)∑∑

=β+

><β+

−=

+

−=

+

−=∑∑∑ i

iHiSgj,i

jSiSJ1

1NS

1

12S

1

11S

e...),T(Z H

Si le champ externe possède une signification physique, Z(T,H) est la fonction de partition du

système. Par contre, si cela n'est pas le cas, il faut considérer dans tous les calculs la limite où

le champ H tend vers zéro. Ainsi, partant de l'égalité :

(3.6){ }

[ ]

∑∑∑β=

∂∂

β+><

βi

iHiSgj,i

jSiSJ

Si

i

i egSH

)H,T(Z

On en déduit :

(3.7)i0Hi0H

i H

),T(ZlnkTlim

g

1

H

),T(Z

),T(Z

1lim

g

1

∂∂=

∂∂

β=Φ

→→

HHH

-kT LnZ(T,H) n'étant rien d'autre que l'énergie libre, on obtient la relation générale :

(3.8)0Hi

i H

),T(F

g

1

=

∂−=Φ H

Outre le paramètre d'ordre qui permet de caractériser la nature de la structure, une

autre grandeur s'avère capitale pour connaître les propriétés thermodynamique du système.

Cette grandeur, la fonction de corrélation des spins, fournit des renseignements sur l'ordre

régnant dans le système à travers l'existence ou non de corrélations entre les différents spins

du réseau. La fonction de corrélation permet de mesurer l'influence de l'orientation fixée du

spin i sur les spins j voisins. La fonction de corrélation entre deux spins i et j, notée Gij , est

définie par :

(3.9) )SS)(SS(G jjiiij ><−><−=

En effectuant les mêmes manipulations que précédemment, on a :

(3.10)0Hj

i

0Hji

2

2ij Hg

1

HH

),T(F

g

1G

==

∂Φ∂

β=

∂∂

∂β

−= H

La fonction de corrélation Gij possède une propriété très importante dans le cas où le champ

externe H serait physique. C'est en effet la réponse du spin i à une variation du champ

magnétique appliqué au spin j. On montre en effet aisément que sous l'action d'un champ

Page 10: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

10

magnétique faible, le paramètre d'ordre local, c'est à dire l'aimantation au niveau du site i,

admet un développement limité de la forme :

(3.11) ∑χ+Φ=Φj

jijii H)0,T(),T( H

où ijχ est la susceptibilit é magnétique. En comparant les Eqs. (3.10) et (3.11), on en déduit

que la susceptibilit é s'expriment en fonction de la fonction de corrélation selon la relation :

(3.12) ijj

iij gG

Hβ=

∂Φ∂=χ

c) Transformation de Lengendre et autre potentiel thermodynamique

L'énergie libre de Helmoltz F(T,H) est une fonction de la température et du champ

extérieur (physique ou non !). Par conséquent, l'ensemble des grandeurs thermodynamiques

s'exprime en fonction de T et H. Au lieu de cela, il est souvent préférable d'exprimer ces

dernières en fonction de la température et du paramètre d'ordre local. Il faut alors construire, à

partir de F(T,H), un nouveau potentiel thermodynamique qui soit une fonction de T et iΦ . Ce

potentiel s'obtient par une transformation de Legendre de F(T,H) selon la relation :

(3.13) ∑ Φ+=Φi

iiii Hg)H,T(F),T(W

Compte tenu des expressions précédentes, on obtient :

(3.14)

∑ Φ+∂∂=

∑ Φ+Φ+Φ−+∂∂=

∑ Φ+Φ+∂∂+

∂∂=

iii

iiiiiii

iiiiii

i

dgHdTT

F

dHgdgHdHgdTT

F

dHgdgHdHH

FdT

T

FdW

Soit :

(3.15)

ii

gHW

ST

F

T

W

=Φ∂

−=∂∂=

∂∂

A partir de ces relations, on obtient une équation pour la fonction de corrélation en fonction

de l'énergie libre W(T,Φ ). En effet, on :

Page 11: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

11

(3.16)

βδ

=

∂∂

β=

∂Φ∂

β∑

Φ∂∂=∑

Φ∂Φ∂∂

ij

j

i

j

k

k k

ikj

k ki

2

H

H1

Hg

1HgG

W

Cette équation montre que la fonction de corrélation, à β près, se réduit à la fonction de Green

de la dérivée seconde de l'énergie libre W.

Page 12: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

12

Chapitre IV - Les théor ies de champ moyen

a) Formalisme du champ moléculaire

L'approximation de champ moyen repose sur l'idée suivante : on suppose que dans le

matériau, chaque spin Si ressent une influence moyenne exercée par l'ensemble des spins

voisins. Ainsi, si on s'intéresse au spin i, les termes de couplage de la forme SiSj seront

remplacés par Si<Sj>. De plus, on suppose que la moyenne des spins est uniforme dans le

matériau : <Sj>= Φ=Φ j . Dans ces conditions, l'Hamiltonien de champ moyen s'écrit :

(4.1) ∑ +Φ−=i

iCM CteSzJH

où z désigne le nombre de sites plus proches voisins entourant le site i. La constante est

choisie de façon à égaliser les moyennes de l'Hamiltonien réel H et de HCM afin de ne pas

compter deux fois les interactions entre deux spins. En effet, on a

(4.2) 222CM zJ2

NCtezJ

2

NHCteNzJH Φ=⇒Φ−>==<+Φ−>=<

D'où

(4.3) )zJ2

1SzJ(H 2

ii

CM Φ∑ +Φ−=

L'Hamiltonien devient donc égale à la somme de N termes indépendants. Par conséquent, la

fonction de partition sera la produit de N fonctions de partition identiques, chacune faisant

référence à un unique spin placé dans le champ moyen exercé par ces voisins. Soit :

(4.4) ( )N2zJ2/1 zJcoshe2),T(Z

Φβ=Φ Φβ−

Cette fonction de partition ne représente pas explicitement la fonction de partition dans

l'ensemble canonique. Elle dépend en effet de la température T et du paramètre d'ordre Φ si

bien qu'elle est associée à l'énergie libre W(T, Φ ) (cf. Eq.(3.13)). Celle-ci est alors définie

par:

(4.5) ( )( )

Φβ−Φ=Φ zJcosh2lnkT

2

zJN),T(W 2

Page 13: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

13

L'équili bre thermodynamique, caractérisé par le minimum de l'énergie libre W, conduit à

l'équation fondamentale de la théorie de champ moyen fournissant l'équation d'état de la

substance ferromagnétique :

(4.6) )zJtanh(0W Φβ=Φ⇒=Φ∂

avec la contrainte d'équili bre stable :

(4.7) 0W

2

2

≥Φ∂

L'équation d'état (4.6) est une équation transcendante que l'on peut résoudre graphiquement.

Ainsi, comme le montre la figure 1, les solutions de cette équation dépendent de la

température et font apparaître l'existence d'une transition pour la température critique Tc

définie par :

(4.8) zJkTc =

Ainsi, si T>Tc, l'équation d'état admet une unique solution pour le paramètre d'ordre : 0=Φ .

A l'inverse, si T<Tc, l 'équation d'état possède une solution nulle et deux solutions non nulles

et opposées. Cependant, en utili sant la contrainte sur l'énergie libre, seule les deux solutions

non nulles correspondent à une situation d'équili bre.

L'évolution du paramètre d'ordre en fonction de la température est alors montrée sur la figure

2 :

Φ

����� ������ �

��� 7

Φ

IHUUR

SDUD

Figure 1

Figure 2

Page 14: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

14

Ainsi, en champ extérieur nul, l 'approximation de champ moyen prédit l 'existence

d'une transition de phase avec annulation du paramètre d'ordre au-dessus d'une température

critique Tc. La transition sépare une phase basse température pour laquelle il existe une

aimantation spontanée d'une phase haute température où il n'y a pas d'aimantation.

Pour analyser le comportement asymptotique des différentes observables

thermodynamique, concentrons notre attention sur ce qu'il se passe au voisinage de la

transition. Ainsi, lorsque T tend vers Tc, le paramètre d'ordre est uniforme et tend vers zéro.

Par conséquent, on peut réaliser un développement limité des différentes grandeurs autour de

la transition lorsque Φ tend vers zéro. En particulier, l'énergie libre Eq.(4.5) s'écrit :

(4.9)

+Φ+Φ+≈Φ ...)T(u)T(r

2

1)0,T(wN),T(W 42

avec

(4.10)

3

4c

cc

T

Tk)T(u

)TT(T

Tk)T(r

)2ln(kT)0,T(w

=

−=

−=

Au voisinage du point critique, la forme de l'énergie libre, révélatrice d'une transition de

phase, dépend fortement du signe du paramètre r(T), lui-même fonction de T-Tc. Ainsi, si r(T)

est positi f (T>Tc), la courbe W(T,Φ ) présente un unique minimum en 0=Φ . Par contre, si

r(T) est négatif (T<Tc), deux états stables apparaissent (cf. Figure 3).

En effet, à l'équili bre thermodynamique, on a :

(4.11) 0)T(u4)T(rW 3 =Φ+Φ=Φ∂

soit :

:�7�Φ�

Φ

U�7�!�

U�7���

Figure 3

Page 15: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

15

(4.12) 0)T(rsi0 >=Φ et 0)T(rsi)T(u4

)T(r <−±=Φ

Compte tenu de l'expression des paramètres r(T) et u(T), on en déduit le comportement du

paramètre d'ordre au voisinage de la transition pour T<Tc.

(4.13) ( ) 2/1c2/3

c

TTT

T3)T( −±=Φ

De la même façon, on peut déterminer le comportement de l'ensemble des propriétés

thermodynamiques au voisinage de la transition (Energie Interne, capacité calorifique … etc).

Par exemple, la susceptibilit é magnétique est définie par (cf. Eqs. (3.12) et (3.16))

(4.15)

1

2

2Wg

Φ∂

∂=χ

Soit :

(4.16) ccc

TTsiTT

1

kT

gT>

−=χ et c

cc

TTsiTT

1

kT2

gT <−

L'Eq.(4.16 ) correspond à la loi bien connue de Curie-Weiss.

b) Comparaison avec les théories exactes et l'expérience

La théorie de champ moyen qui vient d'être présentée a le mérite d'être relativement

simple et d'expliquer qualitativement l'existence d'une transition de phase dans le modèle

d'Ising. Cependant, elle est loin d'être exacte et fournit de surcroît quelques résultats

catastrophiques.

Tout d'abord, on constate expérimentalement que les différentes observables

thermodynamiques possèdent un comportement en loi de puissance au voisinage de la

transition critique. Par exemple, en connexion avec les résultats précédents, on constate les

lois suivantes pour l'aimantation et la susceptibilit é :

(4.17)( )

γ−

β

−≈χ

−≈Φ

c

c

TT

TT

Les nombres β et γ sont appelés exposants critiques (il s en existent beaucoup d'autres ….) et

sont, dans l'approximation du champ moyen, définis par β=0.5 et γ=1.0.

Il est alors intéressant de comparer ses résultats avec les théories exactes ou les valeurs

expérimentales. Tout d'abord, pour un système de dimension D=1 (une chaîne de spins),

Page 16: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

16

l'approximation de champ moyen est tout simplement une catastrophe. En effet, elle prédit

l'existence d'une transition de phase alors que l'on peut montrer qu'il n'existe pas de transition

(méthode des matrices de transferts). Plus précisément, la température critique du modèle

d'Ising à 1D est nulle. La situation est un peu meill eure pour un système de dimension D=2.

Dans ce cas, il existe également une solution exacte (Onsager) et on montre qu'il y a une

transition de phase à kTc=2.27J. Si D=2, pour un réseau cubique, le nombre de voisins étant

z=2D, la théorie de champ moyen donne une température critique kTc=4J, soit une erreur

relative de 76% !!! De plus, les exposants critiques en dimension D=2 sont notablement

différent des valeurs de champ moyen puisque β=0.125 et γ=1.75. En fait, on constate que les

résultats de champ moyen sont d'autant meill eur que la dimension de l'espace augment et ils

deviennent exacts lorsque cette dimension devient infinie !

Pour comprendre pourquoi la théorie de champ moyen est fausse pour des systèmes de

basses dimensions, examinons de plus près l'approximation de champ moyen. A cette

approximation, on néglige toutes les fluctuations des spins puisque l'on remplace chaque spin

par une valeur moyenne, uniforme dans tout le matériau. Par conséquent, il n'y a aucune

corrélation entre les différents spins puisque l'Hamiltonien de champ moyen est le somme de

N Hamiltoniens indépendants. Or, ce sont justement les fluctuations thermiques qui jouent un

rôle clé et cela d'autant plus que la dimension du système est basse.

Ainsi, analysons le cas d'une chaîne unidimensionnelle de spins. Dans une chaîne de

spins, les différents états microscopiques peuvent être caractérisés par leur énergie. L'état

fondamental, d'énergie E0, correspond au cas où les N spins sont parallèles (Figure 4). Le

paramètre d'ordre est donc égale à 1.

Bien évidement, il existe un autre état fondamental de même énergie et dans lequel les spins

sont tous orientés vers le bas. Cependant, dans la suite, nous supposerons que l'application de

contraintes sur les bords de la chaîne privilégie une orientation up. Dans ces conditions,

puisqu'il n'y a qu'une seule phase possible, l'énergie libre de celle-ci est égale à l'énergie E0 (il

n'y a pas de contribution entropique). Le premier état excité, correspondant au retournement

d'un seul spin (Figure 5), possède une énergie E1=E0+4J.

Figure 4

Page 17: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

17

Cet état est loin d'être unique puisqu'un état avec deux spins consécutifs retournés, c'est à dire

qui présent deux interfaces, possède également une énergie E1=E0+4J. Il en est de même de

tout état possédant deux interfaces comme celui représenté sur la figure 6 où 5 spins

consécutifs sont retournés.

Ainsi, le nombre total d'états d'énergie E1 est égal au nombre de façon de distribuer 2

interfaces parmi N sites, soit 2/)1N(NC2N −= . L'entropie associée au premier état excité est

Nlnk2ClnkS 2N ≈= si bien que la variation d'énergie libre s'écrit :

(4.18) NlnkTJ4FFF 01 −=−=∆

On voit donc qu'à toute température non nulle, aussi petite soit elle, les configurations où les

spins sont retournés sont plus favorable que l'état fondamental ordonné puisque 0F <∆ . Or,

un nombre macroscopique de spins pouvant être retourné, aucun ordre ne subsiste dès que T

est non nulle.

Ainsi, les fluctuations entropiques sont si violentes pour un système 1D qu'il ne peut

pas présenter de transition de phase. Ceci est en total contradiction avec le modèle de champ

moyen qui néglige totalement ces fluctuations et qui prédit une transition.

c) Le modèle de Landau: divergence de la longueur de corrélation

A partir du modèle de champ moyen, la théorie de Landau, qui est aussi une théorie de

champ moyen, à pour objet d'analyser l'influence des fluctuations thermiques du paramètre

d'ordre. D'après la théorie de champ moyen, l'état d'équili bre est caractérisé par un paramètre

Figure 5

Figure 6

Page 18: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

18

uniforme dans tout le système. Landau considéra alors les fluctuations possibles de ce

paramètre d'ordre. Pour cela, il i ntroduisit un paramètre d'ordre local, noté iΦ , qui dépend de

la position du spin i. Supposant que ce paramètre varie lentement dans l'espace, on peut

utili ser l'approximation continue pour traiter le système a priori discret. La position de chaque

spin i est alors repérée par l'indice continu x=ia où a caractérise le pas du réseau de site. Dans

ces conditions, Landau postula la forme suivante pour l'énergie libre W au voisinage du pont

critique:

(4.19) ( )

Φ+Φ+Φ∇=Φ ∫ 422 )T(u)T(r

2

1c

2

1

a

dx),T(W

Si le paramètre d'ordre est uniforme, l'énergie libre de Landau est identique à l'énergie libre de

champ moyen évaluée précédemment (Eq.(4.9)). Par contre, on autorise ici les fluctuations

spatiales du paramètre d'ordre au voisinage de l'équili bre. En d'autres termes, on tient compte,

dans le calcul de l'énergie libre, des configurations où les degrés de liberté de spins sont

corrélés sur un volume fini. Ces fluctuations se traduisent par un coût en énergie par rapport à

l'équili bre, qui localement est proportionnelle au gradient du paramètre d'ordre.

A partir de l'énergie libre de Landau (Eq. (4.19)), on retrouve tous les résultats de

champ moyen lorsque l'on suppose uniforme la paramètre d'ordre. Par contre, il est

maintenant possible d'examiner le comportement de la fonction de corrélation entre les spins,

qui, je le rappelle, est nulle en champ moyen. La fonction de corrélation, en fonction de

l'énergie libre W est définie Eq.(3.16). Cependant, dans une formulation continue, l'énergie

libre n'est plus une fonction du paramètre d'ordre mais une fonctionnelle de ce paramètre qui

est lui-même une fonction de la coordonnée d'espace x. Par conséquent, il faut considérer les

dérivations fonctionnelles de l'énergie libre. En utili sant la propriété suivante :

W

W

)x(

W

)x(

W

∂∇∂∇−

Φ∂∂=

Φδδ

on montre facilement que la fonction de corrélation est une fonction de Green qui satisfait

l'équation :

(4.20) ( ) )'xx(kT)'x,x(G)T(u12)T(rc 2 −δ=Φ++∆−

Les corrélations étant évaluées à l'équili bre thermodynamique, le paramètre d'ordre est

supposé uniforme dans l'Eq.(4.20). Il prend alors les valeurs d'équili bre définies par l'E.(4.12).

En réalisant la transformée de Fourier de l'Eq.(4.20), on a :

(4.21) ( )22

)'xx(iqDD

)T(u12)T(rcq

eqd2)'x,x(G

Φ++π=

−− ∫

Page 19: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

19

D'après la théorie des intégrales dans le plan complexe, on montre facilement que G(x,x')

varie selon une loi exponentielle de la forme :

(4.21) ξ−

−≈

'xx

e)'x,x(G

où ξ (T) est la longueur de corrélation définie par :

(4.22) 2)T(u12)T(r

c

Φ+−=ξ

Ainsi, la théorie de Landau prédit l 'existence de corrélations entre les spins sur un domaine

dont la taill e est typiquement proportionnel à la longueur de corrélation ξ (T). En considérant

les expressions de r(T), u(T) et )T(Φ (Eqs.(4.10) et (4.12)), on en déduit le comportement

général de la longueur de corrélation (Figure 7):

(4.23) 2/1

cTT)T(−−≈ξ

Le résultat de la théorie de Landau est consternant ! En effet, partant d'une théorie de

champ moyen où l'on suppose qu'il n'existe aucune corrélation entre les spins, on s'aperçoit,

lorsque l'on tente d'étudier l'influence de celles-ci, qu'elles jouent un rôle capital à la transition

de phase. La longueur de corrélation diverge à la transition est devient infinie. Cela signifie

qu'un spin i est fortement corrélé à l'ensemble des tous les spins du réseau à la transition. Ceci

est en complète contradiction avec la théorie de champ moyen et rend celle-ci totalement

inopérante au voisinage de la transition.

��� 7

ξ

IHUUR SDUD

Figure 7

Page 20: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

20

Chapitre V : Introduction au Groupe de Renormalisation:

Le modèle d'Ising unidimensionnel

a) Description d'une transition critique

Afin de comprendre pourquoi la théorie de champ moyen ne permet pas de décrire

correctement ce qui se produit durant la transition, il faut se plonger sur la description

microscopique d'une transition.

Pour cela, considérons un ensemble de spins à une température T>Tc . On observe

dans le matériau des amas de spins up et des amas de spins down. La taill e typique des amas

est de l'ordre de la longueur de corrélation ξ . Bien évidemment, ceci résulte d'une moyenne

statistique mais en réalité le système de spins fluctue et on trouve des amas de spins de taill e

supérieure et inférieure à ξ . Par aill eurs, à l'intérieur d'un amas de spins up, il est possible de

trouver des îlots de spins down.

Diminuons la température et approchons nous de Tc. Dans ce cas, on observe que la

taill e moyenne des amas augmente car la longueur de corrélation, comme prédit par la théorie

de Landau, augmente lorsque l'on se rapproche du point critique. Lorsque T=Tc, la situation

devient particulière et l'on trouve des amas de toutes les taill es possibles. A l'intérieur de mers

de spins up, on trouve des îles de spins down, à l'intérieur desquelles on peut observer des lacs

de spins up au niveau desquels se trouvent des ilots de spins down … etc.

Configuration des spins dans unmodèle d'Ising 2D. Les régions enblanc caractérisent les spins up alorsque les régions en noir correspondentaux spins down.

Page 21: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

21

A la transition, les fluctuations ont toutes les taill es possibles. I l n'y a plus

d'échelle de longueur ce que l' on expr ime en disant que la physique est invar iante

d'échelle au point critique. La transition de phase présente un aspect remarquable. En effet,

nous sommes partis d'interaction entre plus proches voisins et nous découvrons des

corrélations sur des longueurs macroscopiques, voir infinies. Ces corrélations à très longues

portées rendent inopérantes toutes les théories perturbatives classiques.

Sous cette complexité de la transition critique ferromagnétique/paramagnétique, se

cachent des principes fondamentaux et des comportements universels. En effet, cette

transition appartient à une classe de transitions particulières qui possèdent des comportements

similaires, voir identiques, bien que faisant référence à des systèmes physiques totalement

différents. Ainsi, on observe au point critique des comportements en loi de puissance des

différentes observables thermodynamiques et ce quelque soit le type de système appartenant à

cette classe de transition. Ces lois sont caractérisées par des exposants critiques qui sont

indépendant de la nature physique du système mais qui sont fonction de propriétés très

générales comme la dimensionalité de l'espace, la dimension du paramètre d'ordre …etc. On

parle d'universalil té. Par exemple, pour le modèle d'Ising à 2D, les exposants critiques sont

les mêmes que le réseau soit carré ou triangulaire. Par contre, il s changent pour un réseau 3D.

Dans le même esprit, l'exposant critique β associé au comportement du paramètre d'ordre est

égal à 0.33 dans un système 3D à la fois pour les transitions ferro/para, hélium normal/hélium

superfluide, liquide/gaz (au point critique).

b) Les idées du Groupe de Renormalisation

Considérons le modèle d'Ising de dimensionalité D au voisinage du point critique de

transition. Nous avons vu que dans ces conditions la longueur de corrélation ξ entre spins

devient très importante si bien qu'un spin i donné ressent l'influence de tous les spins voisins

inclus dans un volume Dξ autour du spin i. En d'autres termes, le nombre de spins qui

interagissent au voisinage du point critique est de l'ordre Dξ et il devient infini

(macroscopique) à la transition. La méthode du Groupe de Renormalisation consiste alors

à réduire ce nombre de spins en interaction en effectuant des transformations d'échelles

successives sur le système initial. Plus précisément, la divergence de la longueur de

corrélation à la transition fait que le système de spins devient invariant d'échelle. Cela signifie

Page 22: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

22

que globalement, l'ensemble de spins possède les mêmes propriétés physiques quelque soit

l'échelle de longueur à laquelle on l'analyse. On peut visualiser intuitivement ce concept en

supposant que l'on regarde notre réseau de spins avec deux microscopes de grossissement

différent. Le premier, dont la résolution est caractérisé par une longueur L, permet d'observer

tous les détails dont la taill e est supérieure ou égale à L. Le second, de résolution 2L, ne

permet d'observer que les détails de taill e supérieure à 2L. Avec ce dernier, on ne peut donc

pas voir les détails dont la taill e est comprise entre L et 2L. En d'autres termes, l'utili sation du

second microscope revient à intégrer toutes les fluctuations de longueur typique comprise

entre L et 2L. Cependant, pour des phénomènes de taill e supérieure à 2L, les deux

microscopes fournissent la même information. Or, au point critique, les fluctuations de la

taill e des amas de spins prenants toutes les valeurs possibles, on observera des images

analogues (invariance d'échelle) avec les deux microscopes. Ainsi, bien que le grossissement

du second microscope soit moins bon, on ne perdra aucune information à la transition puisque

le comportement du système est similaire quelque soit l 'échelle à laquelle on l'observe.

Comme les microscopes, le Groupe de Renormalisation consiste à intégrer sur les

fluctuations de petites taill es du réseau initial pour faire correspondre à ce réseau un nouveau

réseau qui possède le même comportement à longue distance. Partant d'un réseau de pas a,

l'intégration sur les fluctuations de longueur comprise entre a et 2a nous amène à un nouveau

réseau de pas 2a qui possède les mêmes propriétés physiques que le réseau initial au point

critique. Le facteur 2 est appelé facteur de dilatation. Si on répète plusieurs fois ce type

d'opération, on va générer une multitude de nouveaux réseaux de pas 2a, 4a, 8a, ….jusqu'à

l'obtention d'un réseau dont le pas sera typiquement de l'ordre de la longueur de corrélation.

Dans ce cas, on aura considérablement réduire le nombre de degrés de liberté en interaction et

l'on pourra résoudre explicitement le problème !

Dans la suite, au lieu de présenter formellement la théorie du Groupe de

Renormalisation, nous introduirons les différents concepts à travers la présentation d'une

multitude d'exemples

c) Le modèle d'Ising à 1D

Considérons un réseau de spins unidimensionnel de pas a. Les spins interagissant entre

plus proches voisins, l'Hamiltonien d'Ising s'écrit :

(5.1) ∑ +−=i

1iiSSJH

Page 23: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

23

La fonction de partition, qui reste dans la théorie du Groupe de Renormalisation un élément

central pour l'étude des transition, s'exprime sous la forme :

(5.2) ∑∑∑ ∑ −++++=1S 2S 3S NS

NS1NKS...4S3KS3S2KS2S1KSe...)T(Z

où K=J/kT.

Nous allons utili ser la procédure de décimation qui représente une transformation

particulière du Groupe de Renormalisation. Cette procédure est une méthode de nature

récursive qui permet de réaliser une succession de transformation d'échelle sur le réseau 1D.

Elle consiste à réduire le nombre de spins interagissant entre eux en intégrant sur les

configurations accessibles à tous les spins paires S2,S4, … de la chaîne. Ainsi, à partir de

l'Eq.(5.2), isolons les termes ou intervient le spin S2 et effectuons l'intégration sur les valeurs

+1 et -1 accessible à S2. On a :

(5.3) )3S1S(K)3S1S(K

2S

3S2KS2S1KS eee +−++ +=∑

Sachant que quelque soient deux spins S et S' pouvant prendre les valeurs +1 et -1 on a

eBSS'=cosh(B)+SS'sinh(B) , l 'expression Eq.(5.3) peut s'écrire sous la forme :

(5.4) 3S1S'KA)3S1S(K)3S1S(K eee ++−+ =+

Puisque S1 et S3 peuvent prendre les valeurs +1 et -1, on montre que l'identification des deux

membres de l'Eq.(5.4) permet de déterminer les expressions des paramètres A et K'. On a

ainsi:

(5.5)

( )( )

( ) ( )

−=

= −

2

KsinhKcoshlnA

Ktanhtanh'K

44

21

Si maintenant on effectue exactement la même procédure pour éliminer les spins S4, S6 … on

obtient l'expression suivante de la fonction de partition :

(5.6) ∑∑∑ ∑ ++++=1S 3S 5S NS

Cte...7S5S'K5S3S'K3S1S'Ke...)T(Z

En comparant les Eqs.(5.2) et (5.6), on constate avec surprise qu'elles sont relativement

similaires, à une constante près. En fait, si l 'on oublie cette constante, l'Eq.(5.6) décrit un

nouveau modèle d'Ising qui couple les spins impairs avec un paramètre de couplage K' donné

par l'Eq.(5.5). En d'autres termes, la procédure de décimation à fait correspondre au réseau

initial de pas a et de couplage K un nouveau réseau de pas 2a et de couplage K' (cf. Figure 8)

Page 24: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

24

Cet type de démarche est générale dans la théorie du Groupe de Renormalisation. En

effet, de manière générale, un Hamiltonien attaché un système particulier est caractérisé par

un ensemble de paramètres de couplage. Dans le cas du modèle d'Ising, l'Hamiltonien ne

possède qu'un paramètre de couplage K. Pour une température T fixée, l'ensemble des

paramètres de couplage définissent un point dans l'espace des paramètres. Réaliser un

décimation revient alors à établi r une correspondance entre deux systèmes de spins en

effectuant une transformation du groupe de Renormalisation (une TGR) qui agit dans l'espace

des paramètres. Dans le cas de la chaîne de spins, la TGR notée R est donnée par l'Eq.(5.5)

qui se réécrit :

(5.6) ))K((tanhtanh)K(R'K 21−==

Une fois la décimation réalisée, nous avons vu que nous obtenions un nouveau

système de pas a'=2a. L 'i ntérêt de la procédure de décimation (est de tout TGR en règle

générale) réside dans le fait que la transformation d'échelle a'=2a s'accompagne d'une

conservation de la longueur de corré lation au voisinage du point critique. En effet, si on

mesure les longueurs de corrélations des deux réseaux en unité naturelle, c'est à dire par

rapport à leur pas respectif, celle du réseau transformé sera 2/)K()'K( ξ=ξ . Si par exemple

dans le réseau initial il y a une corrélation entre les spins 1,2,3,4 et 5, alors dans le réseau final

il n'y a plus qu'une corrélation entre les spins 1'=1,2'=3 et 3'=5. La longueur de corrélation est

donc bien divisé par 2. Il est alors logique d'associer à chaque TGR une dilatation des

longueurs (scaling) d'un facteur 2 ce qui permet de comparer les deux systèmes de spins sur

� � � � � � � � �

� � � � �

��

� � � � �

��

������ � �� � ���

� � �� � ���

Figure 8

Page 25: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

25

un même réseau (cf Figure 8). Or, au voisinage du point critique, la longueur de corrélation

diverge : ∞→ξ )K( . Par conséquent, la longueur de corrélation du nouveau réseau présente

également une divergence : ∞→ξ )'K( . Ainsi, et c'est là toute l'astuce de la théorie du

Groupe de Renormalisation, si le système initial se trouve au point critique, alors le système

obtenu par une TGR sera également au point critique.

Cette conservation du caractère cr itique par une TGR se manifeste par

l' existence de points fixes dans les transformations qui définissent les valeurs critiques

associées à la transition. En effet, supposons que la chaîne de spins initiale se trouve au point

critique et notons K=K* la valeur du paramètre de couplage correspondant. En appliquant la

décimation, nous venons de voir que le nouveau système se trouve également au point

critique. En d'autres termes, son paramètre de couplage K' doit être égal à K*. Par

conséquent, la valeur cr itique K* correspond à une point f ixe de la TGR Eq.(5.6) qui

vérifie K*=R(K*).

Avant de poursuivre, concentrons nous sur le système 1D et analysons les points fixes

de la TGR. Ceux ci sont donc solutions de l'équation :

(5.7) )Ktanh(xavecxxsoit)K(tanh)Ktanh( *2*2* ===

L'Eq.(5.7) admet deux solutions, K*=0 et K*=∞ qui correspondent respectivement au

températures critiques T=∞ et T=0 compte tenu de la définition K=J/kT. Parmi ces deux

points fixes, un seul représente la température de transition du modèle d'Ising 1D. L'étude des

points fixes de (5.7) revient à analyser la comportement de la récurrence xn+1=xn2 pour tout x

compris entre 0 et 1. Ainsi, si on choisit x0 entre 0 et 1, la suite convergera vers 0 pourvu que

x0 soit différent de 1. Par contre, si x0=1 alors tout les éléments de la suite seront égaux à 1

(voir l'ill ustration sur la Figure 9). Si maintenant on reprend les notations on constate que tout

��

� �

� �������

Figure 9

Page 26: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

26

point K non infini convergera vers le point fixe K*=0. Ce point fixe sera caractérisé de point

fixe stable et l'ensemble des points qui entraîne une convergence vers ce point stable est

appelé le bassin d'att raction du point fixe K*=0. Le point fixe K*=∞ est dit instable

puisque n'importe quel point de départ infiniment près de lui s'en écartera irrémédiablement

pour converger vers le point fixe stable. Ce point fixe instable correspond à la transition de

phase du modèle d'Ising 1D dont la température critique est Tc=0.

Pour ce convaincre que le point fixe instable défini bien la température de transition,

analysons le comportement de la longueur de corrélation. De façon générale, la longueur de

corrélation est fonction des paramètres de couplage. Si on suppose qu'elle est fonction de

tanh(K) alors on a :

(5.7) ))K(tanh(2

1))'K(tanh( ξ=ξ

Compte tenu de la TGR Eq.(5.6), la longueur de corrélation est une fonction qui vérifie

(5.8) )Ktanh(xavec)x(2

1)x( 2 =ξ=ξ

Une fonction qui satisfait cette propriété est la fonction logarithme ln(x) ce qui nous permet

de définir la loi de variation de la fonction de corrélation :

(5.9) 0Tavece)Kln(tanh

1)K( T/J2 →≈≈ξ

D'après l'Eq.(5.9), la longueur de corrélation présente donc une divergence exponentielle

lorsque la température tend vers zéro alors qu'elle s'annule lorsque la température tend vers

l'infini. Ceci indique sans ambiguité que la transition de phase correspond bien à une

température critique nulle. On notera que tous ces résultats, y compris la forme de la fonction

de corrélation, sont exacts. Ils peuvent en effet être démontrer en utili sant la solution exacte

du modèle d'Ising 1D basée sur la méthode des matrices de transferts.

L'étude du système d'Ising 1D nous à permit de découvrir le fonctionnement du

Groupe de Renormalisation et en particulier comment l'analyse des points fixes d'une TGR

permettait d'obtenir la valeur critique de la température. Cependant, l'exemple 1D n'est pas le

plus intéressant comme tenu du fait qu'il ne présente pas a priori de transition.

Page 27: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

27

Chapitre VI : La méthode des Blocs de spins

a) Formalisme général

Une stratégie différente de la décimation pour intégrer sur les fluctuations de courte

longueur d'onde consiste à former des blocs de spins. Considérons à cette effet le modèle

d'Ising 2D sur un réseau triangulaire de maill e a et d'Hamiltonien ∑ −= jiSKSH . Comme

dans le chapitre précédent K=J/kT désigne le paramètre de couplage et la somme s'étend sur

les spins plus proches voisins.

La méthode des blocs de spins, comme son nom l'indique, consiste à regrouper les

spins du réseau en blocs, que nous choisirons ici comme formés de trois spins, est d'attribuer

un nouveau spin à chaque bloc. Ainsi, comme le montre la figure 10, un bloc α contient trois

spins α1S , α2S et α3S . A ce bloc, nous allons associer un spin α'S dont la valeur sera égal au

signe de la somme des trois spins originels :

(6.1) )SSS(signe'S 321 αααα ++=

L'Eq.(6.1) montre que le spin de blocs α'S peut prendre les valeurs +1 et -1 et ce pour

différentes configurations des spins initiaux. Ceci est ill ustrer dans le tableau suivant :

S1 S2 S3 S'

1 1 1 1

-1 1 1 1

1 -1 1 1

1 1 -1 1

-1 -1 1 -1

-1 1 -1 -1

1 -1 -1 -1

-1 -1 -1 -1

La formation des blocs est la première étape du groupe de Renormalisation. La second

consiste à déterminer le nouvel Hamiltonien en fonction des spins de Blocs α'S . Pour cela,

Tableau 1

Page 28: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

28

notons H'[S'] le nouvel Hamiltonien et H[S] l'Hamiltonien originel. Le but de la méthode est

de déterminer H' de façon à ce que la relation suivante soit satisfaite :

(6.2) ∑∑ −− ==S

]S[H

'S

]'S['H eeZ

Considérons un bloc particulier α . La valeur du spin de ce bloc est entièrement défini pour

une configuration donnée des spins qui le constituent. L'inverse n'est bien sur pas le cas,

puisque d'après le tableau précédent on voit que plusieurs configuration des spins génerent

une même valeur du spin de bloc. Dans ces conditions, si on fixe tous les spins αiS on a

α� �

� β� �

α

βa3

��������� � ��� � ��

������������� ������ �������

Figure 10

Page 29: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

29

(6.3) ( ) 1)SSS(signe'S1'S

321 =++−δ∑±=α

αααα

En insérant l'Eq.(6.3) dans l'expression de la fonction de partition, on obtient

(6.4)

( )

( )]'S['H

'S

]S[H

'S iS321

]S[H

iS 1'S321

e

e)SSS(signe'S

e)SSS(signe'SZ

α

α α ααααα

α ±=ααααα

α

∑=

∑ ∑∏ ++−δ=

∑ ∑ ++−δ∏=

Par identification, on en déduit l'expression formelle du nouvel Hamiltonien :

(6.5) ( ) ]S[H

]S[321

]'S['H e)SSS(signe'Se −

ααααα

− ∑∏ ++−δ=

La méthode des blocs nous a donc permit de faire correspondre au réseau originel de pas a et

d'Hamiltonien H[S], un nouveau réseau, de pas a3 et d'Hamiltonien H'[S']. De part la

définition de ce dernier, Eq.(6.5), former des blocs de spins revient à intégrer les fluctuations

de longueurs inférieures à a3 .

b) Détermination de H'[S']

Nous allons résoudre de manière approximation l'Eq.(6.5). Pour cela, l'Hamiltonien

d'origine est décomposé sous forme H=H0+V. La contribution H0 rend compte de toutes les

interactions entre spins appartenant à un même bloc. En d'autres termes, c'est une somme

d'Hamiltonien indépendants faisant référence aux différents blocs : ∑=α

α00 HH . La

contribution V prend alors en compte toutes les autres interactions qui se réduisent aux

couplages entre spins appartenant à deux blocs distincts. A partir de cette écriture, l'Eq.(6.5)

peut se mettre sous la forme suivante:

(6.6)

( )

( )

∑ ∏ ++−δ=

∑ ∏ ++−δ=

−α−

ααααα

−α−

ααααα

]S[V]S[0H

]S[321

00

]S[V]S[0H

]S[321

]'S['H

ee)SSS(signe'SZ

1Z

ee)SSS(signe'Se

avec

(6.7) ( ) ]S[0H

S3210 e)SSS(signe'SZ α−

α α∈αααα∏ ∑ ++−δ=

Z0 représente la fonction de partition des blocs de spins pour une valeur donnée des spins de

blocs S'. C'est le produit de l'ensemble des fonctions de partition attaché à chaque bloc, ceci

Page 30: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

30

provenant du fait que H0 ne tient pas compte du couplage entre bloc. Avec cette

décomposition, on s'apercoit immédiatement que l'Eq.(6.6) représente une moyenne de

l'exponentielle du coulage V au sens de la distribution de fonction de partition Z0. Le calcul

de cette moyenne sera fait ici de manière approximative en utili sant la méthode des cumulants

qui consiste, à l'ordre 1, à remplacer le moyenne d'une exponentielle par l'exponentielle de la

moyenne. On obtient alors la forme suivante de l'Eq.(6.6) :

(6.8) ]S[V0

]S[V0

]'S['H eZeZe −−− ≈=

Tout d'abord, évaluons la fonction de partition en considérant un bloc α particulier.

D'après la définition Eq.(6.7), la fonction de partition représente une somme sur toutes les

configurations accessibles aux spins α1S , α2S et α3S pour une valeur bien définie du spin de

bloc α'S . Ces configurations accessibles sont résumées dans le tableau suivant :

S1 S2 S3 Energie S'

1 1 1 -3K 1

-1 1 1 K 1

1 -1 1 K 1

1 1 -1 K 1

-1 -1 1 K -1

-1 1 -1 K -1

1 -1 -1 K -1

-1 -1 -1 -3K -1

Ainsi, que α'S soit égal à 1 ou à -1, la fonction de partition du bloc α sera toujours

KK30 e3eZ +=α . Par conséquent, la fonction de partition Eq.(6.7) sera définie par :

(6.9) ( ) 3/NKK30 e3eZ +=

où N/3 désigne le nombre de blocs formé à partir des N spins originels.

Pour calculer la moyenne du couplage V entre blocs, considérons deux blocs

particuliers α et β comme indiqué sur la figure …. Le terme de couplage associé à ces deux

blocs est )SSSS(KV 3121 βααβαβ +−= . Si on considère la moyenne de ce terme au sens de la

distribution gouvernée par l'Hamiltonien H0, alors la moyenne su produit de deux spins

appartenant à deux blocs distincts se réduit au produit des moyennes. Ceci provienant du fait

Tableau 2

Page 31: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

31

que H0 ne couplage pas deux blocs différents. Ainsi, on a )SS(SKV 321 ααβαβ +−= . Pour

évaluer la moyenne des spins, considérons le cas particulier du spin α2S et analysons ces

valeurs possibles en utili sant le tableau 2. Contrairement à la fonction de partition, la valeur

moyenne des spins d'un bloc dépend de la valeur du spin de bloc α'S . En effet, pour α'S =1 la

valeur moyenne s'écrit α−−−

α +−+= 0KKKK3

2 Z/)eeee(S . De même, pour α'S = -1, cette

moyenne devient α−−−

α −−+−= 0KKKK3

2 Z/)eeee(S . Ainsi, de façon générale, on a :

(6.10) α−

α

++= 'S

e3e

eeS

KK3

KK3

2

La valeur moyenne su couplage devient alors :

(6.11)

2

KK3

KK3

KK3

KK3

e3e

eeK2'Kavec'S'S'K'S'S

e3e

eeK2V

++=−=

++−= −

βαβα−

αβ

Ainsi, en considérant l'interaction entre tous les blocs voisins, l'Eq.(6.8) s'écrit finalement :

(6.12)

∑ −−=>βα<

βα−

,0

]'S['H 'S'S'KexpZe

A une constante près, l'Eq.(6.12) définit un modèle d'Ising qui caractérise le couplage

entre les spins de blocs du nouveau réseau transformé. En d'autres termes, le méthode des

blocs, qui est une TGR, à fait correspondre au réseau initial de pas a et de couplage K un

nouveau réseau de pas 3 a et de couplage K'. La correspondance entre les deux réseaux est

définit par la transformation du groupe de Renormalisation suivante :

(6.13) 2

KK3

KK3

e3e

eeK2'K

++= −

c) Etude des points fixes de la TGR

Comme nous l'avons vu au cours du chapitre précédent, les valeurs critiques associées à une

transition sont définies par les points fixes de la TGR. A partir de l'Eq.(6.13), ces points sont

solutions de l'équation :

(6.14)

2

*K*K3

*K*K3

e3e

ee*K2*K

++= −

Page 32: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

32

L'Eq.(6.14) admet une unique solution définie par 221e *K4 += . A partir de ce résultat, la

procédure que nous venons de décrire prédit donc l'existence d'une transition de phase à la

température kTc=J/K* égale à : J979.2Tc = . Ce résultat est à comparer avec, d'une part la

théorie de champ moyen, et d'autre part le résultat exact obtenu par simulation numérique. En

effet, on montre que le modèle d'Ising sur un réseau 2D triangulaire admet une température

critique égale à 3.636J. Puisque pour ce réseau un spin donné possède 6 voisins, la théorie de

champ moyen conduit à une température critique de 6J. Ainsi, on voit que l'erreur relative du

résultat de champ moyen est de l'ordre de 65% alors que le Groupe de Renormalisation

fournit un résultat avec une erreur relative de 18%. On notera que par soucis de simpli fication,

nous avons réalisé les calculs en utili sant l'approximation des cumulants à l'ordre le plus bas.

Si l 'on calcule les termes d'ordre supérieurs, les résultats se rapprochent des résultats exacts.

d) Comportement au voisinage du point fixe

Jusqu'à présent, à la fois dans l'étude des systèmes 1D et 2D, nous avons vu comment

l'étude des points fixes d'une TGR permettaient d'obtenir la valeur critique de la température

de transition de phase. Nous allons maintenant nous intéresser au comportement de certaines

observables aux voisinage du point critique, et en particulier, voir comment le Groupe de

Renormalisation permet d'obtenir avec une grande précision les exposants critiques en

réalisant une linéar isation de la TGR au voisinage du point fixe.

Par la suite, nous allons nous intéresser à l'exposant critique ν de la longueur de

corrélation. En effet, au voisinage de la transition, la longueur de corrélation diverge selon

une loi de puissance de la forme :

(6.15)ν−

ν−ν− −∝−∝−∝ξ *KK

*K

1

K

1TT)T( c

Pour calculer l'exposant critique ν , considérons que le réseau triangulaire de spins

originel se trouve proche de la transition critique. Par conséquent, son paramètre de couplage

K est voisin de la valeur critique K*. Après avoir réalisé une TGR par la méthode des blocs,

on obtient un nouveau réseau triangulaire qui se trouve également au voisinage de la

transition. En d'autres termes, le nouveau paramètre de coulage K' est également voisin de K*.

Puisque K' est une fonction de K (Eq.(6.13)), on peut réaliser son développement limité

autour du point fixe K* :

Page 33: INTRODUCTION AUX PHENOMENES CRITIQUES

33

(6.16) ( ) ( )*KKdK

'dK*K)K('K*KK

dK

'dK*K)K('K

*KK*KK

≈−⇒−

+≈

==

Tout comme la procédure de décimation, la méthode des blocs de (et de tout TGR en règle

générale) s'accompagne d'une conservation de la longueur de corrélation au voisinage du

point critique. Si on mesure les longueurs de corrélations des deux réseaux en unité naturelle,

c'est à dire par rapport à leur pas respectif, celle du réseau transformé sera s/)K()'K( ξ=ξ où

s est le facteur de dilatation ici égal à 3 . Par conséquent, au voisinage de la transition, on a:

(6.17) ν−ν− −=− *KK*K)K('Ks

Soit, en utili sant l'Eq.(6.16) :

(6.18)

*KKdK

'dKln

)sln(

=

L'exposant critique ν est donc relié à la dérivée de la TGR au point critique. On remarquera

que cette expression est valable pour T>Tc comme pour T<Tc. A partir de l'expression

Eq.(6.13) de la TGR, on en déduit facilement la valeur de l'exposant : 118.1=ν . Ce résultat

est à comparer avec le résultat exact qui donne 0.1=ν . Par contre, la théorie de champ

moyen de Landau prévoyait un exposant critique pour la longueur de corrélation égal à 0.5.