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F. Wolff Le temps ENS Doc. 2 Page 1 Introduction : Définir le temps ? (Plan et références) Introduction : Ne pas définir le temps. - Saint Augustin, Confessions XI, chap. 14 : « Qu’est-ce que le temps ? Si personne me le demande, je le sais. Si quelqu’un pose la question et que je veuille l’expliquer, je ne sais plus. » - Pascal, De l’esprit géométrique, Seuil, L’intégrale, p. 350 : Il est des choses « qu’il est impossible et inutile de définir. Car par exemple, le temps est de cette sorte. Qui pourra le définir ? Et pourquoi l’entreprendre puisque tous les hommes conçoivent ce qu’on veut dire en parlant du temps, sans qu’on le désigne davantage ? Cependant il y a bien de différentes opinions touchant l’essence du temps. Les uns disent que c’‘est le mouvement d’une chose créée ; les autres la mesure du mouvement, etc. Aussi ce n’est pas la nature de ces choses que je dis qui est connue de tous : ce n’est simplement que le rapport entre le nom et la chose ; en sorte qu’à cette expression temps, tous portent la pensée vers le même objet : ce qui suffit pour faire que ce terme n’ait pas besoin d’être défini. » - Épicure Lettre à Hérodote 72-73 (trad. J.-F. Balaudé modifiée) : « Il n'y a certainement pas à mener la recherche sur le temps comme sur le reste, c'est-à-dire tout ce que nous recherchons en un substrat et que nous rapportons aux prénotions considérées en nous-mêmes; mais nous devons, par analogie, nous référer à l'évidence même suivant laquelle nous parlons d'un temps long ou court, parce que nous la portons en nous, congénitalement [?]. Et il ne faut pas changer ces termes pour d'autres qui seraient meilleurs, mais il faut se servir à son propos de ceux qui existent; et il ne faut pas non plus lui attribuer autre chose, dans l'idée que son être est identique à cette propriété — c'est bien là ce que font certains — mais il faut surtout raisonner avec précision sur cette seule chose: à quoi nous lions ce caractère qui lui est propre, et par quoi nous le mesurons. » Quatre définitions classiques du temps et leur rapport à l’expérience du temps 1/ Chrysippe : « Le temps est la dimension du mouvement » (définition stoïcienne, cf. Zénon et Chrysippe ; (d'après Simplicius, Commentaire aux Catégories d'Aristote fr. 88 Z. = SVF II, 510 ; Arius Didyme, selon Stobée = SVF II, 509 ; voir M. Casevitz, Chrysippe, Œuvre philosophique, Les Belles Lettres, vol. I, fgt 522-535) 2/ Aristote « Le temps est le nombre du mouvement selon l’antérieur et le postérieur » Phys. IV, 11, 219 b1. 3/ Leibniz : « L’ordre des possibilités inconsistantes » (Erdmann., 189 b) ; « L’ordre des existences successives ». « L’espace est un ordre de coexistences, comme le temps est un ordre de succession » (Troisième Écrit à Clarke ; Lettre 6 décembre 1715, in Correspondance Leibniz-Clarke, PUF, p. 43 etc.) « De deux états contradictoires d’une même chose, est antérieur par le temps celui qui est antérieur par nature, c‘est-à-dire celui qui enveloppe la raison de l’autre (« Définition des premiers termes et des premiers attributs », in Recherches générales sur l’analyse des notions et des vérités, PUF, p. 104. « Si deux incompatibles existent, alors ils diffèrent selon le temps et celui des deux qui est antérieur par nature (postérieur) est temporellement antérieur… Et deux êtres posés comme existant dont l’un est conjoint à un incompatible de l’autre sont également antérieurs ou postérieurs. Si A et B sont conjoints, si B et C sont incomptables et si C existe, alors A est antérieur ou postérieur à C selon le temps. Si deux propositions sont vraies et si elles apparaissent comme contradictoires selon tous les critères à l’exception d’un seul, qui est lui-même connu de manière extrinsèque, alors la différence de ces deux propositions est temporelle ». (Vorausedition 330, cité par J.B Rauzy, in Recherches générales sur l’analyse des notions et des vérités, p. 120) 4/ Kant : « Le temps est la condition formelle a priori de tous les phénomènes en général » Critique de la raison pure, Esthétique transcendantale, II, § 6.

Introduction Définir Le Temps

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F. Wolff Le temps ENS Doc. 2 Page 1

Introduction : Définir le temps ? (Plan et références)

Introduction : Ne pas définir le temps. - Saint Augustin, Confessions XI, chap. 14 : « Qu’est-ce que le temps ? Si personne me le demande, je le sais. Si quelqu’un pose la question et que je veuille l’expliquer, je ne sais plus. » - Pascal, De l’esprit géométrique, Seuil, L’intégrale, p. 350 : Il est des choses « qu’il est impossible et inutile de définir. Car par exemple, le temps est de cette sorte. Qui pourra le définir ? Et pourquoi l’entreprendre puisque tous les hommes conçoivent ce qu’on veut dire en parlant du temps, sans qu’on le désigne davantage ? Cependant il y a bien de différentes opinions touchant l’essence du temps. Les uns disent que c’‘est le mouvement d’une chose créée ; les autres la mesure du mouvement, etc. Aussi ce n’est pas la nature de ces choses que je dis qui est connue de tous : ce n’est simplement que le rapport entre le nom et la chose ; en sorte qu’à cette expression temps, tous portent la pensée vers le même objet : ce qui suffit pour faire que ce terme n’ait pas besoin d’être défini. » - Épicure Lettre à Hérodote 72-73 (trad. J.-F. Balaudé modifiée) : « Il n'y a certainement pas à mener la recherche sur le temps comme sur le reste, c'est-à-dire tout ce que nous recherchons en un substrat et que nous rapportons aux prénotions considérées en nous-mêmes; mais nous devons, par analogie, nous référer à l'évidence même suivant laquelle nous parlons d'un temps long ou court, parce que nous la portons en nous, congénitalement [?]. Et il ne faut pas changer ces termes pour d'autres qui seraient meilleurs, mais il faut se servir à son propos de ceux qui existent; et il ne faut pas non plus lui attribuer autre chose, dans l'idée que son être est identique à cette propriété — c'est bien là ce que font certains — mais il faut surtout raisonner avec précision sur cette seule chose: à quoi nous lions ce caractère qui lui est propre, et par quoi nous le mesurons. » Quatre définitions classiques du temps et leur rapport à l’expérience du temps 1/ Chrysippe : « Le temps est la dimension du mouvement » (définition stoïcienne, cf. Zénon et Chrysippe ; (d'après Simplicius, Commentaire aux Catégories d'Aristote fr. 88 Z. = SVF II, 510 ; Arius Didyme, selon Stobée = SVF II, 509 ; voir M. Casevitz, Chrysippe, Œuvre philosophique, Les Belles Lettres, vol. I, fgt 522-535) 2/ Aristote « Le temps est le nombre du mouvement selon l’antérieur et le postérieur » Phys. IV, 11, 219 b1. 3/ Leibniz : « L’ordre des possibilités inconsistantes » (Erdmann., 189 b) ; « L’ordre des existences successives ». « L’espace est un ordre de coexistences, comme le temps est un ordre de succession » (Troisième Écrit à Clarke ; Lettre 6 décembre 1715, in Correspondance Leibniz-Clarke, PUF, p. 43 etc.) « De deux états contradictoires d’une même chose, est antérieur par le temps celui qui est antérieur par nature, c‘est-à-dire celui qui enveloppe la raison de l’autre (« Définition des premiers termes et des premiers attributs », in Recherches générales sur l’analyse des notions et des vérités, PUF, p. 104. « Si deux incompatibles existent, alors ils diffèrent selon le temps et celui des deux qui est antérieur par nature (postérieur) est temporellement antérieur… Et deux êtres posés comme existant dont l’un est conjoint à un incompatible de l’autre sont également antérieurs ou postérieurs. Si A et B sont conjoints, si B et C sont incomptables et si C existe, alors A est antérieur ou postérieur à C selon le temps. Si deux propositions sont vraies et si elles apparaissent comme contradictoires selon tous les critères à l’exception d’un seul, qui est lui-même connu de manière extrinsèque, alors la différence de ces deux propositions est temporelle ». (Vorausedition 330, cité par J.B Rauzy, in Recherches générales sur l’analyse des notions et des vérités, p. 120) 4/ Kant : « Le temps est la condition formelle a priori de tous les phénomènes en général » Critique de la raison pure, Esthétique transcendantale, II, § 6.