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Introduction Les clés du management relationnel L’émergence d’un mode de management Dans le droit fil de la conception d’Edwards Deming et de l’un de ses quatorze principes de la qualité 1 , considérons le « management » comme l’ensemble de la fonction dévolue à un responsable, et le « management relationnel » comme la partie de cette fonction dédiée à la prise en charge des personnels composant une équipe, un service, une structure. Jusqu’à une époque récente, le responsable d’une équipe de travail puisait son autorité dans l’exercice de la compétence technique qu’il possédait. Le chef savait démontrer son savoir-faire en toute occasion : le contremaître d’un atelier se devait de montrer l’exemple des connaissances et des pratiques qu’il détenait, et son coup de main pouvait être copié et reproduit par le néophyte. Alors, la démonstration du chef sert d’exemple à tous et emporte l’adhésion de chacun. Un premier glissement commence à s’opérer dans le dernier quart du XX e siècle : les experts prédisent – dès la décennie 1960 – que 98 % des activités manuelles routinières, taylorisées, peuvent être automatisées, changeant fondamentalement la fonction du responsable qui ne doit plus montrer ou démontrer mais manager : c’est-à-dire organiser, superviser et surtout encourager. 1 Edwards Deming, Hors de la crise, Economica, 2008.

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Introduction Les clés du management

relationnel

L’émergence d’un mode de management

Dans le droit fil de la conception d’Edwards Deming et de l’un de ses quatorze principes de la qualité1, considérons le « management » comme l’ensemble de la fonction dévolue à un responsable, et le « management relationnel » comme la partie de cette fonction dédiée à la prise en charge des personnels composant une équipe, un service, une structure. Jusqu’à une époque récente, le responsable d’une équipe de travail puisait son autorité dans l’exercice de la compétence technique qu’il possédait. Le chef savait démontrer son savoir-faire en toute occasion : le contremaître d’un atelier se devait de montrer l’exemple des connaissances et des pratiques qu’il détenait, et son coup de main pouvait être copié et reproduit par le néophyte. Alors, la démonstration du chef sert d’exemple à tous et emporte l’adhésion de chacun.

Un premier glissement commence à s’opérer dans le dernier quart du XXe siècle : les experts prédisent – dès la décennie 1960 – que 98 % des activités manuelles routinières, taylorisées, peuvent être automatisées, changeant fondamentalement la fonction du responsable qui ne doit plus montrer ou démontrer mais manager : c’est-à-dire organiser, superviser et surtout encourager.

1 Edwards Deming, Hors de la crise, Economica, 2008.

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En outre, dans cette même décennie, voit survenir dans le champ social un changement de paradigme qui envahit la sphère du travail, transformant les relations : il est désormais interdit d’interdire. En résonance, le champ éducatif égrène ce message et les jeunes qui en sortent (de plus en plus diplômés et de plus en plus analphabètes et illettrés2, aux deux extrémités de l’échelle) s’interdisent alors d’être régis par des interdictions, d’où qu’elles viennent. Le chef n’est plus accepté que s’il est un leader charismatique, tolérant et apprenant.

D’un autre côté, le technicien est rapidement dépassé par l’évolution des techniques et la compétence technique d’un ingénieur est dépassée pour 80 % de ses savoirs dans les cinq années qui suivent sa sortie de l’école. Dans le secteur des hautes technologies, informatique en particulier, l’obsolescence est encore bien plus rapide. Ce sont alors les compétences intellectuelles qui servent de repères à l’autorité : analyse de problèmes, logique formelle, organisation, anticipation, acuité, synthèse, créativité et culture scientifique diversifiée constituent les bases de la compétence d’un chef de service.

Tableau i.1 Les quatorze principes d’Edwards Deming

Principes Propositions

1Retrouver les voies

de l’éthique du travail

« Adopter une nouvelle philosophie de l’homme au travail, car nous sommes entrés dans une nouvelle ère économique. En effet, la misère de la condition ouvrière et un service indigent ne sont plus tolérables. Rester compétitif et maintenir l’emploi sont conditionnés par l’innovation, la recherche et une amélioration constante. »

2 Fixer des objectifs« Créer et maintenir la constance de l’objectif pour améliorer produit et service. »

3Profiter des avancées

scientifiques

« Utiliser les avancées de la science. Couper la dépendance du contrôle pour réaliser la qualité. Celle-ci ne provient pas du contrôle mais de l’amélioration des processus. Il s’agit de construire la qualité à l’intérieur de la relation produit-processus. »

4Comptabiliser le coût total de la non-qualité

« Arrêter de récompenser le travail en fonction du coût d’une seule tâche de production. Il faut prendre en compte l’ensemble des coûts induits à tous les stades : conception, achat des matières premières, planification, production, contrôle, stockage, maintenance, expédition, retour client, et non pas le seul coût de fabrication. Il faut rechercher la meilleure qualité à tous les stades et non le moindre coût apparent. »

2 La France comptait 10 % de bacheliers en 1960. En 2000, leur nombre atteignait 80 % (tous bacs confondus, dont 30 % de bacs généralistes en 2007), tandis que 240 000 élèves sortaient du système éducatif sans diplôme et que le taux des analphabètes (ne sachant ni lire, ni écrire, ni compter couramment) était de 20 %, selon le BO de l’Éducation nationale.

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Principes Propositions

5Engager un programme d’amélioration continue

« Améliorer constamment et toujours le système de production et de service, afin d’améliorer la productivité et la qualité, afin de diminuer constamment les coûts. Trouver les problèmes et leurs causes. Le management doit travailler constamment pour améliorer les éléments de ce système. »

6Évaluer et perfectionner

les compétences« Continuer toujours le perfectionnement des compétences nécessaires à la réalisation du travail. »

7 Instaurer le leadership

« Améliorer la supervision des employés et des managers pour instituer un management basé sur le leadership. Le but du leadership est d’aider chacun, d’améliorer les machines et de trouver des astuces pour effectuer un meilleur travail. »

8Établir et maintenir

un climat serein« Écarter la peur, afin que chacun travaille effectivement pour l’organisation. »

9Ouvrir la structure pour améliorer la coopération

« Briser les barrières entre services : l’organisation doit travailler comme une équipe solidaire. »

10Donner un sens

à l’action« Éliminer les slogans, les exhortations, et les injonctions aux travailleurs pour viser la qualité et la productivité. »

11Développer

le management relationnel

« Éliminer les standards de fabrication qui portent uniquement sur des quantités numériques. Les quotas prennent en compte seulement des chiffres, mais ni la qualité ni les méthodes. Il faut leur substituer le management relationnel et éliminer le management par objectifs, éliminer le management qui utilise seulement des chiffres et des objectifs quantitatifs. »

12Reconnaître et valoriser

l’Homme au travail« Enlever les barrières existant entre le travailleur et son droit à être fier de sa condition. »

13Développer

les personnalités« Instituer un programme vigoureux de formation et de développement personnel. »

14 Tous ensemble« Inciter chacun au sein de l’organisation à travailler à accomplir cette transformation, car c’est l’affaire de tous. »

Un second glissement est en train de se manifester avec acuité. Selon une enquête récente menée par Hervé Sérieyx3 auprès de milliers de jeunes diplômés, ceux-ci attendent désormais d’un chef qu’il soit un modèle de comportement, une source de savoir permanente et qu’il démontre sa compétence de formateur. Le leadership remplace l’autorité, l’intelligence affective supplée le coup de gueule, l’écoute active et la persuasion s’allient pour supplanter les ordres abrupts. Dorénavant, la motivation est obtenue par le dialogue et par la stimulation des besoins psychologiques fondamentaux, et non par des ordres intempestifs ou une autorité hiérarchique imposée par un organigramme figé, une bureaucratie tatillonne, un formalisme mécanique inadapté aux mœurs du temps.

3 Hervé Sérieyx, Boussoles pour temps de brume, Village mondial, 2004.

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L’enquête de « L’entreprise idéale de demain » par Deloitte et JobTeaser.com, d’avril 2013 confirme cette carence : « 67 % des étudiants considèrent que les qualités du manager devraient être avant tout relationnelles plutôt qu’organisationnelles. Néanmoins, les répondants attendent de leur manager qu’il soit « organisé et structuré » (29 %), et « enthousiaste et communicatif » (21 %). L’expertise ne recueille que 5 % des attentes ».

Un autre facteur, déterminant ce changement de paradigme, est procuré par l’avancée progressive des normes dans tous les secteurs de l’activité humaine. Cette poussée normative a connu une première traduction concrète avec l’implantation des normes ISO dans le secteur de production et la certification concomitante. Les normes concernant l’environnement ont ensuite suivi. Avec l’Agenda 21, les grandes entreprises définissent une nouvelle frontière tendant à prendre en compte le fonctionnement interne de l’organisme dans toutes ses composantes, tandis que la norme NF ISO 26000 Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale, 2010 concernant la responsabilité sociétale4 vise à prendre dans ses filets le « développement durable du capital humain ».

Or, cette normalisation ne peut réussir qu’avec le concours de ceux qui sont chargés de la mettre en œuvre puis de la respecter. Sans cela, la normalisation devient une contrainte – voire une aliénation supplémentaire qui renforce le taylorisme dont la chape de plomb s’étend encore dans de nombreux secteurs et envahit les pays émergents, Inde et Chine comprises.

Reste aussi à accomplir une nouvelle mutation commencée avec l’élaboration des normes regroupées sous le sigle X 50-9035, qui ont comme objectif de proposer des normes et des procédures prenant en compte toutes les actions de gestion des ressources humaines. Edwards Deming avait indiqué depuis longtemps, dans la démarche de qualité qu’il proposait, que 94 % des défaillances étaient dues à l’inexistence ou à l’insuffisance des procédures, tandis que les 6 % des autres dysfonctionnements étaient liés aux négligences humaines. Derrière ce principe se cache en réalité la nécessité d’attribuer à l’homme en situation de travail la place qui lui appartient : la première, à laquelle souscrit un autre principe fondamental du pape de la qualité.

Or, seul l’exercice quotidien du management relationnel est en mesure d’exercer cette primauté en prenant en charge chacun des membres de l’équipe qui est confié à un responsable.

4 Mérylle Aubrun et alii, ISO 26000, responsabilité sociétale, comprendre, déployer, évaluer, AFNOR Éditions, 2013.

5 X 50-903, Outils de management – Ressources humaines dans un système de management de la qualité – Management des compétences, ISO 10018.

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Pour aider celui-ci dans cette tâche, il est impératif de lui fournir des protocoles opératoires qui l’aideront à atteindre les objectifs de résultats exigés par l’organisme et à répondre aux nécessités de stimulation des besoins fonda-mentaux attendus par chacun des membres de l’organisme.

C’est le but du présent ouvrage : proposer à chaque responsable, à chaque instant de rencontre avec l’un de ses collaborateurs, les procédures et supports adaptés à cette prise en charge. Chaque action du management relationnel, pour être efficace, c’est-à-dire concourir à la motivation et à la performance d’un collaborateur, doit concourir à la stimulation des quatre besoins fondamentaux qui l’animent.

L’exercice de l’ensemble de ces procédures peut être regroupé sous le terme proposé par Edwards Deming de management relationnel.

Cette composante du management est désormais une exigence majeure attendue par tous les salariés. Les actions qui le composent constituent des savoir-faire organisés en des domaines de compétences à part entière.

Citons les principaux que nous avons définis et détaillés par ailleurs6 : ► communication ; ► écoute active ; ► préparation mentale ; ► affirmation de soi ; ► leadership ; ► intelligence affective.

Ils représentent les domaines essentiels pour lesquels il convient d’entamer un perfectionnement continu afin de répondre à la nouvelle demande, de plus en plus exacerbée, de ceux qui travaillent sous la responsabilité des managers.

Or, puisque cet ensemble de compétences n’est guère enseigné – encore moins démontré ou développé et plus grave encore supprimé – dans les grandes écoles de notre pays qui forment des ingénieurs, des polytechniciens, des énarques ou des cadres commerciaux, financiers ou administratifs, il devient urgent de leur proposer des points de repères, des boussoles, des cartes qui leur permettront de diagnostiquer leur niveau dans chaque domaine, voire de choisir des formations adaptées à leur besoin. Ils pourront ensuite mettre en pratique les procédures de management relationnel qui sont de leur ressort chaque jour, à chaque instant de la prise en charge des hommes et des femmes qui travaillent sous leur responsabilité.

6 Alain Labruffe, Les Compétences relationnelles, AFNOR Éditions, 2005.

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L’objectif du management relationnel devient alors celui est alors de prendre en charge les collaborateurs par l’exercice d’une ingénierie des ressources humaines (IRH)7, qui constitue le volet indispensable associé à l’exercice de toute fonction technique d’encadrement.

Les clés du management relationnel

Le manager souscrit désormais à un objectif essentiel. Il doit stimuler l’énergie de tous les membres d’une équipe, inciter à faire pour obtenir des résultats en termes d’efficacité et de qualité dans des conditions de contraintes internes et externes de plus en plus fortes et concurrentielles.

Ce management, rénové dans sa conception et sa pratique humaniste, entraîne l’adhésion de tous à des objectifs ardus qui nécessitent la prise en compte des besoins fondamentaux de chaque femme et homme au travail, la mise en œuvre d’une méthode de management relationnel basée sur l’écoute active permanente et l’exemplarité, et surtout dans les situations les plus difficiles où autrui s’oppose. Cette métamorphose du management équivaut, comme en chimie, à un changement de phase. Il n’ajoute pas seulement des compé-tences à une fonction, il transforme complètement la pratique du responsable d’encadrement et la performance d’une équipe. Sa mise en œuvre débouche inéluctablement sur l’émergence d’un nouveau management correspondant pleinement aux attentes et besoins des collaborateurs. Il implique le passage d’un mode d’organisation taylorien à un autre, plus évolué, prenant en compte la dimension humaine, relationnelle, du management dont chacun s’appropriera la spécificité en faisant émerger un talent propre à chacun qui transformera le fonctionnement de chaque équipe et de proche en proche l’organisme de travail tout entier.

C’est donc le projet de cet ouvrage que d’entraîner concrètement chaque manager à maîtriser ces situations, où il faut impérativement transformer la tendance au rapport de force en situation propice au dialogue grâce à un ensemble de clés pragmatiques, d’outils, de techniques et de méthodes qui transcendent le savoir-être de chacun (responsable et collaborateurs) en savoir-faire relationnel. Ainsi s’agit-il de satisfaire à la fois aux buts de l’organisme et aux aspirations de chacun des protagonistes qui doivent continuer à collaborer, ensemble, quelles que soient leurs divergences et leurs affinités.

7 L’ingénierie des ressources humaines (IRH) est constituée par l’ensemble des connaissances en psychologie et neurosciences, scientifiques, techniques, pratiques et procédures qui concourent à prendre en charge les hommes et femmes au sein d’une structure : nous avons développé ce « génie » spécifique dans Optimiser les compétences par l’ingénierie des ressources humaines de Nathalie Descamps, Alain Labruffe, AFNOR Éditions, 2013.

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XV

� Le besoin de s’exprimer et de dire

Le premier principe du management relationnel, exercé dans la totalité de ses composantes synthétisée dans une compétence globale, réside dans la compréhension d’une réalité universelle. Chacun de nous recèle un besoin fondamental qui doit trouver à se faire jour en toute occasion. Il se manifeste spontanément, puissamment et de façon irrépressible lors de notre naissance : le cri primal exprime notre être au monde, c’est la première expression indis-pensable à notre existence. Ce besoin vital d’expression va animer toutes nos rencontres et constituer une réaction spontanée à toutes les stimulations reçues de l’environnement et de l’entourage.

Tout au long de notre vie, nous avons besoin de nous exprimer, de parler, de communiquer nos sentiments, nos idées, nos convictions, nos pensées même les plus intimes, les plus saugrenues, les plus dérangeantes (de l’avis même d’autrui) ainsi que tous nos fantasmes, nos rêves les plus fous, les images les plus délirantes… À cette nécessité vitale répond le management relationnel, qui doit prendre en compte et favoriser l’expression de chacun, en toute occasion. Il faut remarquer que tout ce qui est ainsi exprimé, sans barrière ni censure, n’est pas forcément pertinent par rapport à autrui ou à la situation. L’autre ne se prive d’ailleurs pas de nous opposer de péremptoires « Vous n’avez pas le droit de dire » ou bien : « Je ne vous autorise pas à dire cela », ou même encore : « Vous dépassez les bornes ! ».

Il convient donc de considérer toute expression comme une nécessité psycho-logique vitale du point de vue de celui qui s’exprime. Il s’agit de considérer l’expression comme un phénomène essentiellement cathartique, en ce sens que 80 % de l’expression correspond à un processus de libération psychologique d’une tension interne, dont le libre cours favorise un retour émotionnel au calme, permettant par la suite une parole plus adaptée et une écoute acceptée des propos d’autrui. À l’inverse, la répression de cette expression déclenche la violence, la passivité ou la démission. C’est ce que l’on sait depuis plus de 25 siècles, quand le théâtre grec proposait aux citoyens de dire à leurs « tyrans » démocratiquement élus par les seuls citoyens mâles, ce qu’ils pensaient vraiment de leur « démocratie », alors que Freud a remis la catharsis à la mode dans la cure psychanalytique.

Réprimer l’expression par un interdit verbal ou une attitude de rejet, c’est mutiler la vie et faire le lit de toutes les révoltes ou de tous les abandons. Or, il s’agit d’encourager l’expression alors que chacun de nous a été plus ou moins réprimé par la famille, puis par l’éducation, puis par l’organisation professionnelle. L’expression, comme nous le montrons plus loin, est une véritable compétence

Le kit minute du Manager

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complexe comportant, au-delà des savoirs théoriques, des savoir-faire pratiques qui nécessitent des entraînements méticuleux. Elle doit s’apprendre par paliers successifs pour être restaurée et se perfectionner, afin de devenir véritablement opérationnelle puis favoriser la diffusion de la communication interne, comme nous l’avons montré dans plusieurs organismes et à travers plusieurs ouvrages relatant des cas vécus dans de multiples situations professionnelles. Réunions et entretiens ponctuent en effet la vie organisationnelle et servent de cadre méthodologique au réseau relationnel qui doit se professionnaliser pour mériter un label de qualité : rapides réunions quotidiennes pour faire le point et donner des consignes, réunions hebdomadaires de management pour décider et motiver, et multiples entretiens pour organiser, faire le point, encourager et suivre les actions entreprises.

Voici définie la tâche prioritaire du management relationnel : restaurer, favoriser, encourager l’expression adaptée aux diverses circonstances de la vie au travail ; relations quotidiennes, entretiens plus ou moins formalisés, conduite et participation en réunions, exposés, explications de tous ordres, négociations, transmissions de l’information, acceptation des valeurs et prise de conscience des différents acteurs concernant leurs responsabilités. Dans ce processus de communication, organisé et méthodique, l’expression correspond à une nécessité au sein des organismes actuels, dans la mesure où chacun est en droit d’exprimer son point de vue sur le fonctionnement du service ou du produit auquel il participe. Chacun a le droit et le devoir d’exprimer des idées, des opinions, des avis, des solutions utiles aux autres : il appartient au management de les accepter puis de les trier. Comme nous le disait récemment Xan8, un patron de PME : « C’est aux fruits [les résultats concrets] que l’on juge l’arbre [des idées]. »

Le management relationnel doit instaurer des programmes de formation dont les thèmes encourageront l’expression des salariés. En effet, la majorité d’entre nous n’a pas eu l’opportunité de s’exprimer, tout au long du cursus scolaire puis universitaire, de façon structurée et adaptée à des situations professionnelles. Rares ont été les occasions de s’entraîner aux multiples et difficiles prises de parole en public de façon à maîtriser le trac, à juguler l’émotion, à être écouté et à convaincre. En outre, les ravages de PowerPoint réduisent les exposés à de pâles succédanés, à l’image d’un insipide karaoké.

� Le besoin d’être informé, de savoir et de comprendre

L’information constitue le deuxième pilier du management d’une équipe : chaque membre de l’organisation a un besoin vital d’être informé. Chacun a un besoin

8 Prononcez « tchan », c’est un prénom basque !

Introduction – Les clés du management relationnel

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aussi impérieux d’informer, donc d’échanger des informations sur sa situation de travail, le système organisationnel et la place de son entité dans le système plus vaste dans lequel il intervient.

Comprendre sa place dans l’organisme et agir en conséquence suppose que chacun soit parfaitement informé des objectifs et des enjeux aux divers niveaux des systèmes dans lesquels se situe l’action : groupe de travail, groupe de projet, service, usine, hôpital, compagnie, marché. Il convient aussi que chacun sache précisément « qui fait quoi et pourquoi », afin de s’adresser aux bons interlocuteurs. Chacun doit être informé de sa place et de ses attributions exactes dans le vaste réseau clients-fournisseurs de l’organisme. Or, cette information est le plus souvent inexistante ou parcellaire : rares sont les organismes qui détiennent des descriptions de fonction (et pas seulement des fiches ou des profils de postes) en bonne et due forme, les mettent à jour lors des entretiens annuels, puis les remettent lors de l’embauche des nouveaux collaborateurs. Ceux-ci devraient aussi être en possession d’un livret d’accueil, du manuel des procédures propres à la fonction et du trombinoscope des principaux interlocuteurs du réseau clients-fournisseurs dans lequel le nouvel arrivant va devoir se mouvoir et filer son tissu relationnel. Ce premier moment d’information est capital pour forger la motivation d’un collaborateur et éviter les problèmes de communication qui surgissent dès les premiers jours, quand les carences des informations sur la fonction, les interlocuteurs, le produit ou le service se font sentir avec une douloureuse acuité.

Comme élément d’un tout, chaque action a un retentissement sur l’ensemble et vice versa. Il est donc essentiel que chacun, devenant un nœud d’informations multiples et complexes, soit en mesure de les comprendre pour en saisir toutes les subtilités et les implications. Chacun doit ensuite être en mesure de traiter ces informations en prenant soin d’analyser les conséquences dans l’univers dans lequel il se situe, à la fois pour le client final (qu’il est lui-même, comme nous l’avons expliqué dans Communication et Qualité9), mais aussi pour les collègues et les destinataires intermédiaires.

L’atteinte de cet objectif de performance implique que chacun voie ses compé-tences de compréhension et d’analyse développées en permanence par un effort de formation adapté. Là encore, il s’agit d’une compétence particulière qu’il est possible de regrouper – avec d’autres – sous le terme d’efficacité personnelle, développée par l’apprentissage du travail en équipe et de la méthodologie qualité.

Le management a donc une mission particulière à l’égard de l’information : ap-prendre à la faire comprendre et à la diffuser, de façon à ce qu’elle soit disponible

9 Alain Labruffe, Communication et Qualité – Le maillon fort !, AFNOR Éditions, 2008.

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en temps voulu et correctement interprétée par chacun des acteurs. Pour chaque manager, cela suppose l’élaboration de stratégies adaptées à la complexité du phénomène, et le développement d’une compétence exigeante que nous hésitons à dénommer tutorat, formation ou coaching, ou un panachage de ces trois compétences.

Chaque stratégie suppose une élaboration minutieuse et donc une réflexion particulière dans un monde assailli par la surinformation et où tous (les citoyens comme les salariés), cependant et paradoxalement, les citoyens comme les salariés se plaignent de ne pas disposer de l’information nécessaire malgré tous les outils modernes de transmission et de stockage. En parallèle, les gouvernants et les patrons désenchantés se lamentent à l’unisson que leur message ne passe pas tandis que les émissions pédagogiques tendant à leur décodage sont supprimées de l’antenne.

Dans la conception d’une stratégie du management relationnel, la question centrale à résoudre s’exprime ainsi : « Comment faire pour que mes partenaires, indissociables du projet global de l’entité considérée, puissent gagner avec moi, sachant que le gain principal réside dans la pérennité de l’entité ? ». De façon plus triviale je dois désormais comprendre et accepter un fait nouveau majeur : si je fais correctement mon travail (en appliquant normes et procédures, et en souscrivant aux impératifs de mon réseau clients-fournisseurs), je n’ai pas droit à plus d’argent car ma seule récompense sera la survie de mon entreprise face à la concurrence mondialisée. Ainsi, et ce dernier exemple l’illustre bien, les informations disponibles au plus haut niveau sont parfois peu agréables à exprimer, à entendre et à discuter, une fois les préjugés des partenaires sociaux mis entre parenthèses et les sentiments de rejet des salariés exprimés :

► tel site doit fermer, ou être cédé à un concurrent ; ► une délocalisation s’avère indispensable à la survie de l’entreprise et au maintien des emplois ;

► les coûts doivent baisser sans moyens supplémentaires ; ► les produits sont au-dessus du prix du marché ; ► les gains de productivité, ou une extension nécessaire, ne se traduisent pas par des embauches correspondantes attendues par le personnel ;

► une personne doit être choisie parmi plusieurs aussi compétentes ou méri-tantes lors d’un recrutement ou d’une promotion ;

► une série de reclassements ou de mutations s’impose ; ► les actionnaires exigent une performance accrue ; ► un grave dysfonctionnement met en péril l’efficacité de l’organisme ; ► deux ou plusieurs établissements doivent se regrouper.

Introduction – Les clés du management relationnel

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Dans beaucoup de cas (notamment dans le dernier, comme le montrent les projets en cours dans des organismes qui s’éveillent aux « problèmes humains »), la reformulation du problème remet en cause l’analyse initiale pour mettre en pleine lumière la nécessité de perfectionner les responsables à cette nouvelle compétence : le management relationnel.

Par ailleurs, l’information complète a trop souvent été considérée par les dirigeants comme devant faire l’objet d’une « stratégie du secret »10, car les destinataires, étant immatures par définition (taylorienne), il convenait de garder confidentielles des informations dont, en fait, la connaissance et la compréhension par tous entraînent la survie de l’entité organisationnelle. Suite à la formule d’Alain « Savoir, c’est pouvoir »11, l’information constitue un enjeu de pouvoir, d’où sa conservation par ceux qui l’obtiennent et la détiennent captive. Or, l’information diffusée et partagée mobilise l’énergie vitale de chacun. Il s’agit donc désormais de changer le paradigme « Le secret est de rigueur » pour « Partageons l’information » grâce à une stratégie adaptée.

Le management d’équipe doit savoir gérer cette évolution. Pour y parvenir, il convient d’inscrire dans des plans de formation un objectif prioritaire valable pour tous les salariés : augmenter le niveau de culture générale pour que chacun puisse comprendre les mécanismes, les rouages et les enjeux de l’économie et de la mondialisation, pour qu’ensuite ils puissent adopter les comportements de réflexion et de décision qui conviennent à leur survie. Voici le gain essentiel attendu par l’instauration d’une politique d’information totale, structurée en séquences adaptées, véhiculée de façon pédagogique et mise en œuvre par une stratégie où la transparence domine le secret.

Cette tâche suppose l’apprentissage des techniques de travail en équipe, d’analyse et de résolution de problèmes, favorable au développement de la communication interne, elle-même composée par une ambiance harmonieuse facilitant la coopération et le partage de l’information. L’atteinte de cet objectif suppose l’instauration d’un dialogue généralisé, mais aussi l’élaboration concertée de techniques et de procédures propices à l’édification d’une démarche de qualité de cinquième génération12, pour accéder enfin à un

10 Ce que nous avons montré dans Audit de l’entreprise communicante, d’Alain Labruffe, Socrate, 1991.

11 Alain, Propos sur l’éducation, collection « Quadrige », PUF, 2005.12 Cinq étapes marquent l’évolution de la qualité : la première se limite à un contrôle final de

production ; la deuxième permet au producteur de se contrôler (le fido ka) ; la troisième introduit des groupes d’amélioration (cercles de qualité) ; la quatrième prend en compte l’ensemble de l’organisme (TQC, Total Quality Control) ; la cinquième étape intègre les répercussions d’une production ou d’un service dans le temps et dans l’espace, la responsabilité sociétale, les droits humains fondamentaux, l’épanouissement parmi d’autres préconisations de la norme NF ISO 26000.

Le kit minute du Manager

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management en phase avec le troisième millénaire. Ce management alliant des compétences techniques d’un haut niveau et les multiples compétences relationnelles exigées par la stimulation des motivations des salariés, saura alors instaurer et diffuser ce dialogue attendu par tous les acteurs de l’organisme.

� Le besoin de progression et de perfectionnement continu

Chacun d’entre nous a à cœur de progresser, de faire mieux. À une condition : être constamment encouragé par l’entourage, stimulé par l’environnement, excité dans ses motivations, satisfait dans ses besoins fondamentaux vitaux et psychologiques. Nous sommes de véritables « machines affectives » dont l’énergie motrice et la satisfaction sont renforcées par l’encouragement continu prodigué par notre entourage immédiat : collègues, conjoint, enfant, chef ou subordonnés et même simple passant.

Ces cinquante dernières années se sont vainement consacrées à la quête du Graal de la motivation de l’homme au travail. Maintes théories ont été échafaudées, maints systèmes proposés pour motiver. Question mille fois posée, réponse mille fois éludée par les responsables car la mise en œuvre de la réponse exige un effort constant, une remise à niveau incessante.

Peine perdue en effet ! L’homme est normalement motivé parce qu’il se cherche en permanence : c’est le sens de son objectif principal de développement personnel qui va bien au-delà des aspirations et contingences matérielles. Il veut se trouver, s’atteindre, se comprendre, être satisfait de ce qu’il est et de ce qu’il fait… dans le cadre de sa vie professionnelle, son responsable d’encadrement doit lui permettre de se diriger lui-même sur cette voie royale en levant les obstacles, les interdits, les enfermements prodigués par les tenants d’une conception archaïque des structures organisationnelles figées et les apôtres d’une conception réifiée de la personnalité dans des caractéristiques sculptées une fois pour toutes dans le marbre.

« Qui suis-je ? » Pour répondre à cette question et parvenir au terme de cette quête incessante de l’homme – dont Einstein disait qu’elle ne se réalisait que le jour de sa mort –, il est obligé de s’améliorer chaque jour davantage.

Un obstacle, à cette quête éperdue pour mieux faire, réside dans l’histoire et la culture de chacun de nous qui conduit à s’autolimiter, en étant négatif, en manifestant critique et pessimisme à tout propos. L’entourage familial, éducationnel, organisationnel ne facilite pas les choses puisqu’il censure, réprime, limite, sanctionne, félicite du bout des lèvres et critique à toute occasion, alors que les récompenses matérielles se raréfient.

Introduction – Les clés du management relationnel

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Un bravo par jour, un sourire de sympathie, une intonation chaleureuse, un ordre accompagné d’une expli cation et la machine humaine, alimentée par l’énergie affective ainsi délivrée, tourne à plein régime, prête à affronter les montagnes et à relever tous les défis.

Pour aider chacun dans sa quête, il lui faut à la fois un révélateur et une mé-thode : le management d’équipe et la communication positive constituent des facteurs déterminants de cette aide. Les premières idées émises peuvent être approximatives, mais si le flot de paroles qui les exprime est bien accueilli, favorisé et stimulé par l’entourage, alors la créativité, la coopération et la méthodologie mises en œuvre au sein des groupes de travail doivent permettre de trouver les solutions efficaces, libérées de la peur de la sanction. Les propositions et les améliorations deviennent quotidiennes pour faciliter le travail, améliorer la qualité du service rendu, pour soi, sa tâche, les autres. Elles bénéficient alors à la collectivité tout entière.

Le management relationnel doit permettre à chacun de progresser en proposant un « leadership par projet de compétences ». Il devient alors nécessaire de posséder une méthodologie adaptée à l’évaluation continue des compétences, et de l’utiliser à chaque étape de la gestion des collaborateurs, de leur entrée dans un service à leur départ. Cette responsabilité stimule cette propriété spécifique à l’homme qui consiste à rechercher de façon permanente – et exigeante – à progresser, à se transcender, à repousser ses limites. Elle déclenche ainsi un perfectionnement continu et incessant. Il appartient donc au management relationnel de développer ce puissant désir de progression, en favorisant l’approfondissement des savoirs et savoir-faire relationnels indispensables, ainsi que les savoirs et pratiques techniques. La loi sur la formation du 4 mai 2004 et l’outil qui la sert, l’entretien professionnel13, sont les moyens privilégiés mis à la disposition du management pour réellement mettre en œuvre ce développement continu des compétences.

Dans le cadre du travail, il est de la même importance pour chaque salarié de comprendre sa situation et de pouvoir la faire progresser au quotidien. Ce sont les mêmes ressorts et les mêmes motivations qui sont en jeu. Il ap-partient au management de fournir les informations indispensables à la pleine compréhension des phénomènes organisationnels, d’ensemencer régulièrement la réflexion de chaque collaborateur (entretiens et réunions se justifient alors pleinement) afin qu’il détermine lui-même, par sa connaissance renouvelée des processus de travail, les axes et les moyens d’une progression continue.

13 Alain Labruffe, Guide psychopratique pour l’entretien professionnel AFNOR Éditions, 2012 ; La formation des adultes, AFNOR Éditions, coll. 100 questions pour comprendre et agir, 2005.

Le kit minute du Manager

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Le dialogue permanent, organisé en une méthode et décliné en procédures formalisées, devient alors l’instrument de cette progression et du management d’équipe souscrivant aux besoins fondamentaux.

� Le besoin de reconnaissance et d’encouragement

Être reconnu comme un être unique, maîtrisant l’expression, porteur d’information et décidé à progresser pour atteindre encore plus de reconnaissance, puis parvenir à une plus grande plénitude de soi : c’est la vocation du management d’équipe pour soi et ses collaborateurs.

Reconnaître l’autre, non plus comme un double insupportable, mais comme un alter ego indispensable dans sa complémentarité et son unicité. Forger un groupe humain reconnu lui aussi comme exceptionnel, le meilleur au sein du service afin de faire reconnaître ce dernier et que, de proche en proche, la pleine reconnaissance soit accordée à chacun comme à tous ses composants, afin de pouvoir clairement se reconnaître dans l’organisation dont chacun des membres véhicule l’image positive et est sincèrement reconnu pour ses apports.

Il revient à des hommes et des femmes dont c’est la fonction d’encadrer, de diriger et de motiver, de fournir effectivement cette reconnaissance. Les managers doivent impérativement souscrire à cette compétence relationnelle pour remplir leur fonction et répondre à ce que leur équipe attend d’eux : écoute, dialogue et encouragement. À consommer sans modération.

Le management doit fonder et stimuler cette reconnaissance dans une pratique quotidienne authentique, exigeante et respectueuse de l’identité de chacun. Cette identité doit donc être connue et appréciée dans ses diverses composantes, notamment en termes de compétences techniques et relationnelles, afin que chacun puisse donner le meilleur de lui-même et atteindre des objectifs de progression structurés, définis et acceptés en concertation permanente avec l’encadrement et – dans bien des cas où des dysfonctionnements sont constatés – avec les collègues.

Chacun étant apprécié dans son groupe, par ses pairs comme par sa hiérarchie et de façon continue, il devient donc connu et reconnu dans ses savoirs et ses savoir-faire, qui sont valorisés dans leur actualisation et encouragés dans leur progression. Chaque atteinte d’un objectif, chaque étape d’un projet, chaque résultat et – bien sûr – chaque succès devient un moment privilégié de la reconnaissance à laquelle chacun a droit (et qu’il attend impatiemment) dans le cadre du management relationnel. Un simple mot, un simple regard peuvent suffire. Cependant, pour y consentir, il convient souvent de maîtriser

Introduction – Les clés du management relationnel

XXIII

un comportement dont les composantes sont plus complexes, et qui a tendance à manifester plus de rejet spontané que d’acceptation d’autrui.

Chacun peut alors tout normalement devenir l’élu, désigné unanimement, dans le cadre d’un projet parce que, ses compétences étant reconnues par un groupe, celui-ci lui confère un leadership indiscutable pour mener à bien un projet. Il pourra ensuite se fondre dans le groupe de travail dédié à un autre projet mené par un autre leader, et ainsi de suite selon ses vœux. Ce leadership est soutenu tout au long de l’action par la mise en œuvre optimale des compétences, la maîtrise de l’expression et la stratégie d’information adaptée. Par là même, chacun peut aussi trouver l’occasion d’être reconnu pour un ensemble de compétences spécifiques dont l’exercice lui permettra à son tour d’être choisi pour mener un nouveau projet ou réaliser un objectif particulier.

Chacun devient alors dépositaire et promoteur de ce management relationnel. Celui-ci s’actualise dans des projets et puise son énergie dans l’excitation des quatre besoins fondamentaux dont nous venons de définir l’importance capitale. Leur actualisation permet de faire fonctionner de façon optimale l’organisation industrielle, commerciale, administrative ou hospitalière, en générant la satisfaction de tous les acteurs internes et externes, dans le respect scrupuleux des procédures ainsi que dans l’acceptation des exigences de coût et de qualité, révélées et formalisées lors de la mise en œuvre de la méthodologie propre au management des ressources humaines.

� Le besoin d’une éthique et de vertus morales

La définition des bases théoriques et la pratique effective du management d’équipe, dont la communication positive constitue la clé de voûte, impliquent un autre changement fondamental de paradigme. Les partenaires sociaux doivent désormais mériter leur appellation et jouer dorénavant dans le même camp : celui de la qualité, c’est-à-dire du service dû au client. Cette qualité, recherchée par tous, doit être comprise comme une réponse aux exigences convergentes, donc dialogiquement reconnues et acceptées, de tous les acteurs, internes et externes, de l’organisation.

Ainsi, pour que ce « management total » soit crédible, il faut qu’il pénètre dans l’organisation à la fois par l’entremise des relations quotidiennes instaurées par les managers avec leurs collaborateurs, mais aussi par le biais de nouvelles règles, définies plus haut, entre les partenaires sociaux. Or le défi est difficile à relever. En effet, l’histoire récente montre à l’évidence, qu’à chaque avancée sociale déclarée en théorie, voire légalement instaurée, a correspondu en

Le kit minute du Manager

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pratique une régression des relations sociales, à telle enseigne qu’à tous les niveaux de l’organisation le moindre salarié s’est senti dupé « jurant mais un peu tard… ».

Il faut donc bien admettre que toute déclaration de changement, toute instau-ration d’une nouvelle donne sociale, toute déclaration d’intention d’inspiration réglementaire, patronale ou même gouvernementale, se heurte désormais à l’incrédulité la plus totale des salariés de base comme des prétendus partenaires sociaux.

Le psychologue américain Jonathan Haidt, qui a étudié cette caractéristique dans toutes les sociétés, propose la définition synthétique suivante : « Les systèmes moraux sont des groupes entremêlés de valeurs, de vertus, de normes, de pratiques, d’identités, d’institutions, de technologies et de mécanismes psychologiques évolués qui agissent ensemble pour supprimer ou réguler l’égoïsme et rendre la vie sociale possible14 ». Comme pour la satisfaction des autres besoins fondamentaux, le comportement managérial a probablement besoin de franchir un palier supplémentaire dans l’évolution de ses pratiques…

Pour y parvenir, la nouvelle norme NF ISO 26000 préconise une nouvelle avancée en la matière en s’intéressant aux « bonnes pratiques des affaires ». En est-ce pour autant fini des privilèges de tous ordres et des salaires extravagants que certains patrons s’octroient ? L’éthique, c’est aussi mettre ses actes en conformité avec ses paroles et ne pas procéder à un « poker menteur » quand il s’agit de discuter entre partenaires sociaux, informer des collaborateurs, décider en concertation, choisir le personnel ou évaluer des compétences… Vaste programme et comme le disait déjà Hervé Sérieyx dans les années 1980, « l’esprit n’y est (toujours) pas15 ».

� Le besoin de donner du sens à l’action

Ces besoins psychologiques fondamentaux doivent souscrire à une dernière exigence : donner du sens à ce qui est fait. Chaque acteur de l’organisation a besoin de savoir quel est le sens de son travail, à quoi servent le produit et le service qu’il contribue à fournir. Ce sens s’inscrit dans une perspective systémique car, de proche en proche, de la simple tâche vers un ensemble plus global, cette tâche a des répercussions en cascade au sein du réseau clients-fournisseurs, aussi bien au plan technique qu’au plan affectif, et chaque tâche a un effet papillon dans le temps et dans l’espace.

14 Michael S. Gazzaniga, Le libre arbitre et la science du cerveau, Odile Jacob, 2013, p. 181.15 Sérieyx Hervé, Pilotes du 3e type, Le Seuil, 1986.

Introduction – Les clés du management relationnel

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Ce que je vous dis aujourd’hui a, ou aura volens nolens, un effet dans votre réflexion. Cet effet va se répercuter au sein de votre bureau et de votre atelier. Vous allez en parler lors de vos rencontres et vos voyages à travers le monde, à condition que vous compreniez le sens du message. Il faut donc que je vous l’explique, vous allez le contester, alors je vais devoir démontrer l’excellence de toutes mes compétences relationnelles et du dialogue en particulier (cette fameuse « communication positive » que je prétends posséder !) pour que cette conférence ait un sens pour vous. Alors vous-même, vous déciderez d’enfaire usage dans votre pratique professionnelle, voire personnelle, en faisant davantage attention à vos relations et à la communication interpersonnelle qui est la vôtre.

Or beaucoup de choses que nous vivons, que nous apprenons – surtout dans des domaines aussi complexes que le comportement, la relation, la communication – n’acquièrent un sens que dans des situations éloignées dans le temps. Souvent le sens ne s’acquiert que bien plus tard dans un rapprochement improbable de ce qui est dit et fait aujourd’hui avec ce que vous allez vivre et dire ultérieurement. Le fameux « Eurêka ! » éclairera votre cerveau dans un éclair qui vous fera prendre tout le sens d’un savoir enfoui et oublié apparemment. Alors, à ce moment-là, et de façon inouïe, vous vous exclamerez « mais c’est bien sûr ! »… ce sera la fameuse révélation de tous les processus de découverte et le sens éclatera devant vos yeux ébahis…

En conséquence, vous devez expliquer, expliquer encore, et expliquer toujours afin que ce sens du travail soit perçu, capté, compris et cru par chacun des acteurs qui travaille au sein d’une organisation ou s’implique dans une démarche qualité. Une partie de la non-qualité (défaillances, risques psychosociaux) résulte de cette incompréhension de l’utilité d’une tâche ou d’une fonction parce que ni l’une ni l’autre n’est mise en relation avec le contexte spatio-temporel et l’intérêt du salarié.

Ainsi, comme exemple emblématique vécu, dans cette usine chinoise dont les ouvriers fabriquent des tire-bouchons, plus de 50 % de ces ustensiles sont défectueux. Pourquoi ? Parce que ces ouvriers de Shenzhen n’ont jamais vu une bouteille de vin de leur vie, comme nous avons pu en avoir la preuve en travaillant à leurs côtés ! Ils ne comprennent en rien à quoi sert l’ustensile qu’ils fabriquent. N’en percevant aucune utilité ni sur le client final ni l’impact sur leur feuille de paie, alors que leurs autres besoins fondamentaux étant négligés, ils prennent leurs aises avec les consignes et les procédures…

Dans beaucoup de cas, en France cette fois, les salariés ne connaissent ni la majeure partie de leurs collègues ni les installations de leur établissement et

Le kit minute du Manager

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n’ont jamais rencontré leur patron. Ce sont autant de facteurs qui occultent tout sens à leur activité et dont l’absence contribue à désactiver leur motivation et à renforcer la non-qualité de leur activité.

Des clés pragmatiques pour manager

Les exigences de la norme ISO 9001:200016 imposent l’application de la norme X 50-90317 dans toutes les actions du management afin de souscrire à la satisfaction du client final. Chaque responsable doit être formé à la gestion humaine de ses collaborateurs afin qu’ils soient satisfaits de leur travail et de leurs relations interpersonnelles. Cette satisfaction déclenche alors la motivation nécessaire pour appliquer et respecter les normes de production et de service.

Ce manuel d’autoformation propose donc une série d’outils appelés clés, que chaque manager peut s’approprier et mettre dans son jeu, utiliser chacune des procédures qui la composent, en suivant les conseils d’application qui sont offerts avec chaque clé. Certaines de ces clés constituent des atouts dans des jeux de pouvoir, de dialogue ou de négociation difficiles qui structurent la vie d’un organisme et défient les compétences habituelles du management relationnel.

Le management doit donc être formé à sa nouvelle mission relationnelle pour posséder les bonnes clés et les utiliser à chaque occasion utile

► en adoptant un comportement relationnel à base d’écoute et d’encouragement qui nécessite un entraînement rigoureux et prolongé pour acquérir une mé-thode de communication et des compétences qui garantiront son leadership ;

► en utilisant des outils, des cadres de référence formalisés, des grilles d’ana-lyse, des protocoles, des instruments pratiques qui lui permettent à la fois d’analyser son action en termes de management technique, et de la fortifier en termes de management relationnel et de perfectionnement des compétences.

Dans ce dernier cas, il peut apprendre et se perfectionner par lui-même, avec l’aide de ce manuel, puis utiliser des grilles d’analyse, de réflexion et de procédures relationnelles dans chacune des situations de gestion des ressources humaines qui l’exigent.

C’est à ces deux objectifs conjointement réalisés que souscrit cet ouvrage. Au fur et à mesure de son action, le manager pourra analyser et perfectionner sa pratique managériale, s’approprier et adapter les clés proposées à la spécificité des circonstances, des situations, du contexte et des hommes et femmes qu’il a

16 NF EN ISO 9001, Systèmes de management de la qualité – Exigences de 2000.17 X 50-903, Outils de management – Ressources humaines dans un système de management

de la qualité – Management des compétences, AFNOR Éditions, 2012.

Introduction – Les clés du management relationnel

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en charge. De même, il pourra faire évoluer les outils et en élaborer de nouveaux afin de mieux connaître les attentes, besoins et contraintes de tous les mem-bres du réseau clients-fournisseurs dans lequel il évolue. En disposant bien ses clés dans une véritable stratégie d’action managériale, et en jouant ses atouts à bon escient, il pourra répondre en permanence aux appels et exigences des différents acteurs de ce réseau pour le rendre plus performant, plus efficace, plus compétitif.

Ces outils sont regroupés en fonction d’une trame chronologique qui, partant de la réflexion que le manager doit porter sur lui-même et sa pratique managériale, conduit à envisager et préparer les différentes actions que celui-ci doit mener pour prendre en charge chacun de ses collaborateurs tout au long de son itinéraire, de sa carrière au sein d’un organisme : de l’embauche à son départ à la retraite. À chacun de ces moments correspondent des situations qui doivent être maîtrisées à partir de grilles d’analyse et de procédures formalisées qui produisent un résultat efficace en termes de satisfaction des acteurs, de qualité du produit ou du service obtenu et de performance économique. Au fur et à mesure, des exercices de perfectionnement seront proposés sur tel ou tel aspect important du management relationnel.

Cet ouvrage est donc conçu comme un moyen d’analyse et de perfectionnement personnel utile à tous les moments du management relationnel, c’est-à-dire à chaque instant où un manager est en relation avec autrui : collaborateurs, clients, fournisseurs, collègues et hiérarchie, etc.

Dans chaque situation, il existe des clés qui constituent un jeu dont le manager doit se servir. Certaines de ces clés représentent des atouts gagnants dans tous les cas, d’autres sont à utiliser avec discernement, mais toutes doivent être connues afin d’en tirer le meilleur parti dans les situations où le manager est appelé à jouer une partie déterminante de sa mission : entretien, réunion, négociation, conflit.

Pour y parvenir, il devra apprendre à mieux se connaître, voire à se ménager pour mieux manager. Il pourra alors apprécier chacun de ses partenaires en utilisant la procédure et le support proposé comme un outil servant à l’efficacité de sa mission essentielle attendue par tous ceux qui l’entourent : un management de qualité qui s’évalue objectivement et se perfectionne dans les divers domaines de compétences qui le composent.

Le lecteur peut commencer à entreprendre son perfectionnement en comparant sa conception du management, analysée à l’aide de l’exercice ci-après, avec l’avis de l’expert présenté ensuite pour chacune des 20 pratiques essentielles du management relationnel.

Le kit minute du Manager

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Autodiagnostic des pratiques du management relationnel

Voici des affirmations (réellement entendues) concernant une vingtaine d’attri-butions (parmi les plus importantes) du management qui traduisent, sur une échelle en quatre points, une conception associée à une pratique plus ou moins réfléchie, élaborée et relationnelle de la fonction.

Repérez pour chacune de ces affirmations, que vous pouvez aussi entendre autour de vous de la part de tel ou tel manager, laquelle vous paraît la plus proche de l’idéal et de la pratique managériale, et ainsi réfléchissez à leur pertinence :

► A : identifie de belles paroles, mais réalisation inexistante ► B : identifie une réalisation partielle ou ponctuelle ► C : identifie une réalisation qui mériterait d’être précisée et optimisée ► D : identifie une réalisation optimale prônée dans cet ouvrage et que vous

pratiquez déjà ou que vous souhaitez pratiquer

Comparez ensuite avec la grille de diagnostic proposée à la fin de cet exercice.

Tableau i.2 Autodiagnostic des principales pratiques

Les pratiques du management relationnel A B C D

1Recrutement

Une fiche de profil de poste, un examen graphologique et un entretien doivent garantir le choix du meilleur candidat.

2Accueil des nouveaux

Un livret d’accueil et la tournée du service pour présenter le nouvel embauché doivent favoriser son intégration.

3Évaluation des compétences

On ne peut se fier aux diplômes et un essai professionnel de quelques heures ou quelques jours constituent le meilleur test.

4Appréciation

Un entretien annuel rondement mené à l’aide du questionnaire type doit permettre de juger de la progression.

5Relation

Instaurer la confiance avec les membres de l’équipe et veiller à l’harmonie au sein de l’équipe sont les meilleurs gages de l’autorité.

6Qualité

Tout commence par la satisfaction du client final et toutes les procédures doivent viser cet objectif.

7Formation

Doit se faire en utilisant les ressources internes de spécialistes plus compétents.

Introduction – Les clés du management relationnel

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Les pratiques du management relationnel A B C D

8Information

Tout n’est pas bon à dire mais les réunions de service et les moyens traditionnels doivent aller dans le sens de la transparence.

9

Réunions

Une réunion hebdomadaire est capitale pour manager une équipe ; les autres ne doivent réunir que des participants préparés et concernés.

10

Communication

Des pots pour fêter un collaborateur et un événement annuel doivent constituer des occasions de se retrouver et de fortifier la communication interne.

11

Décisions

Informer d’abord individuellement des éléments et des choix possibles, puis réunir toutes les personnes concernées pour obtenir une décision collégiale.

12Gestion du temps

Complètement débordé par les urgences, l’art du management est de savoir improviser.

13Travail en équipe

Nécessaire pour souder une équipe, diversifier les rôles à condition qu’une méthodologie commune soit adoptée.

14

Management

Organiser, anticiper, affecter les moyens et motiver par des récompenses matérielles doivent être les grands principes du management éternel.

15Motiver

Manier le bâton et la carotte, féliciter quand il le faut et réprimander quand nécessaire.

16Résistance au changement et conflit

Pour éviter les conflits, il faut repérer les meneurs et les intimider.

17Promotion

C’est un dilemme que de se séparer de quelqu’un de compétent pour le récompenser en lui offrant de nouvelles responsabilités.

18

Écouter et dialoguer

Ce sont des mots à la mode, il faut donc savoir expliquer des objectifs et être attentif aux questions posées.

Il faut savoir argumenter, accepter la contestation mais sans se fourvoyer dans des discussions interminables.

Le kit minute du Manager

XXX

Les pratiques du management relationnel A B C D

19

Délégation

S’opère en anticipant à partir de compétences repérées et dont l’écart a été mesuré précisément par rapport au travail à déléguer, nécessite une démonstration préalable et un suivi pour analyser la qualité de l’exécution et améliorer la performance.

20

Plus de cinquante ans

C’est une mine pour le management en termes de ressources disponibles, d’expérience, de transmission de savoir et de motivation pour l’ensemble de l’organisation. Il est donc essentiel de faire le point pour la vie du service et l’épanouissement des personnes.

Par rapport aux items présentés ci-dessus et aux propositions de réalisation effectuées pour chacun d’eux, la grille du tableau i.3 indique le niveau atteint pour chacune des pratiques du management relationnel.

Tableau i.3 L’avis d’expert pour les items présentés ci-dessus

Les pratiques du management relationnel

A B C D

1 Recrutement

2 Accueil

3 Compétences

4 Appréciation

5 Relation

6 Qualité

7 Formation

8 Information

9 Réunions

10 Communication

11 Décisions

12 Travail en équipe

13 Gestion du temps

14 Management

15 Motiver

16 Changement

Introduction – Les clés du management relationnel

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Les pratiques du management relationnel

A B C D

17 Promotion

18 Écoute

19 Délégation

20 Plus de 50 ans