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27 INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE Chapitre I : Cadre théorique 1- Problématique 2- Objectifs de l’étude 3- Hypothèses de travail 4- Revue critique de la littérature 5- Définition des concepts 6- Pertinence du sujet Chapitre II : Approche méthodologique 1- Cadre d’étude 2- Délimitation du champ 3- La population cible 4- L’échantillonnage 5- Les instruments de collecte a- La recherche documentaire b- Le questionnaire c- Le guide d’entretien d- L’enquête proprement dite 6- Les difficultés rencontrées DEUXIEME PARTIE : ANALYSE ET INTERPRETATION DES DONNEES Chapitre I : Analyse des facteurs culturels Chapitre II : Analyse des facteurs économiques Chapitre III : Analyse des facteurs sociaux CONCLUSION ANNEXE

INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

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Page 1: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

INTRODUCTION

PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

Chapitre I : Cadre théorique

1- Problématique2- Objectifs de l’étude3- Hypothèses de travail4- Revue critique de la littérature5- Définition des concepts6- Pertinence du sujet

Chapitre II : Approche méthodologique

1- Cadre d’étude2- Délimitation du champ3- La population cible4- L’échantillonnage5- Les instruments de collecte

a- La recherche documentaireb- Le questionnairec- Le guide d’entretiend- L’enquête proprement dite

6- Les difficultés rencontrées

DEUXIEME PARTIE : ANALYSE ET INTERPRETATION DES DONNEES

Chapitre I : Analyse des facteurs culturels

Chapitre II : Analyse des facteurs économiques

Chapitre III : Analyse des facteurs sociaux

CONCLUSION

ANNEXE

Page 2: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

PREMIERE PARTIE

INTRODUCTION

Dans toutes les sociétés humaines, l’éducation constitue une composante essentielle de la

reproduction sociale. Toute société, pour assurer la transmission de l’ensemble de ses valeurs,

coutumes, croyances et traditions, a besoin de l’éducation.

Page 3: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

Sous cet angle, elle apparaît comme un facteur naturel et spontané faisant partie intégrante du

processus de socialisation nécessaire à tout individu pour son intégration dans une société

donnée.

Mais, avec l’évolution des sociétés et l’apparition de la colonisation, nait une nouvelle forme

d’éducation : la scolarisation qui était quelque part un moyen pour les colons d’inculquer leur

civilisation aux peuples colonisés. Celle-ci suppose l’apprentissage de savoirs, de langues et

pratiques qui sont différents de ceux des peuples colonisés. Et, à partir de ce moment, une

« langue d’usage » sera adoptée et imposée dans des structures formelles comme

l’administration, l’école etc. Maîtriser cette langue devient une obligation pour les individus

qui veulent intégrer différents milieux, interagir avec d’autres individus appartenant à des

horizons différents, évoluer dans différents secteurs de la vie économique, sociale et politique

entre autres.

Dans ce cadre, la scolarisation apparaît comme une composante indispensable à toute société

qui aspire au développement. D’ailleurs, en considérant le statut des pays du Nord, aussi bien

aux plans économique, politique que social, il s’avère que l’éducation scolaire joue un rôle

très important dans le processus de développement.

C’est ce dernier aspect institutionnel de l’éducation qui nous intéressera dans notre étude.

Ainsi, nous nous proposons d’étudier les causes de l’abandon de l’école avant la fin du cursus

par les jeunes filles à Dakar et plus particulièrement dans le quartier de Dalifort.

Pour mener à bien cette étude, nous allons dans un premier temps procéder à la présentation

du cadre général de l’étude à savoir le cadre théorique et le cadre méthodologique. Ensuite,

nous allons à partir des données obtenues sur le terrain, tenter d’analyser les causes de

l’abandon de l’école par les jeunes filles avant la fin de leur cursus dans le quartier de

Dalifort.

CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE

Problématique

Page 4: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

La scolarisation en Afrique remonte à la période coloniale. Mais, à cette époque, elle avait en

général pour but la formation de cadres pour les besoins de l’administration coloniale. Ainsi,

elle n’était pas accessible à tous. Cependant, après l’accession à l’indépendance de beaucoup

de pays africains, la scolarisation commence à prendre d’autres dimensions d’ordre

économique, politique et social. En effet, avec le retrait des colons, les africains

commençaient à prendre en main leurs Etats. De ce fait, ils étaient quelque part contraints

d’emprunter le mode d’organisation administrative occidentale.

Sur cette lancée, il devenait nécessaire d’accroître le taux de scolarisation qui sera dès lors

révélateur du fonctionnement des sociétés. A partir de ce moment, il semble que la

scolarisation des enfants joue un rôle très important dans le processus de développement de

tout pays particulièrement des pays sous développés. Seulement, ces derniers sont encore en

général caractérisés par la faiblesse du niveau d’instruction et, le taux de fréquentation

scolaire des enfants y est encore limité malgré les efforts fournis dans ce sens. En effet, les

organisations internationales se sont beaucoup penchées sur la question de l’éducation

scolaire des enfants d’année en année notamment avec la Conférence d’Addis Abeba de Mai

1961, le Congrès Mondiale des ministres de l’éducation nationale réuni à Téhéran en

Septembre 1965, les Conférences de Yaoundé, de Paris, d’Abidjan, la Conférence Mondiale

sur l’Education Pour Tous qui s’est tenu 5 au 9 Mars 1990 à Jomtien en Thaïlande et plus

récemment, le Forum Mondial sur l’Education Pour Tous (EPT) tenu en Avril 2006 à Dakar. A

l’issu de ce dernier, six objectifs ont été visés concernant la scolarisation des enfants et plus

particulièrement celle des filles.

Il faut cependant noter que malgré l’engagement de ces organisations, de la communauté

internationale et des Etats africains, le problème de la scolarisation des filles se pose toujours

dans beaucoup de pays africains. En effet, dans des pays comme le Sénégal, et plus

particulièrement dans la ville de Dakar, le taux brut de scolarisation n’a pas encore atteint les

90% ; il tourne autour de 87,6% chez les garçons et 86,4% chez les filles en 20051. Cela

témoigne du retard qu’accuse encore la Sénégal dans la scolarisation et plus particulièrement

celle des filles du moment où en 2005, sur 440438 filles scolarisables, seules 35491, soit 8%

ont été scolarisées2.

Il apparait ainsi que pendant que le problème de la scolarisation des enfants est au centre des

préoccupations actuelles, celle des filles est encore plus notoire. D’une part, cette tendance

1 PDEF, Directon de la Planifcaton et de la Réforme de l’Educaton, (FFRE), OCT 20052 PDEF, Direction de la Planification et de la Réforme de l’Education, (FFRE), OCT 2005

Page 5: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

peut être dans certains cas expliquée par le fait que la plupart des sociétés africaines sont de

types patriarcales, elles ne favorisent pas toujours la présence de la fille au sein du système

scolaire. Autrement dit, la culture africaine dans son ensemble c'est-à-dire avec ses coutumes,

traditions, idéologies et croyances assigne à ces dernières d’autres rôles à savoir ceux de

bonne maitresse de maison, d’épouse exemplaire entre autres. Dans ce contexte, on constate

que le problème du genre se pose dans la scolarisation des enfants. Il semble ainsi que l’esprit

traditionnaliste qu’ont encore certains africains et le type de société dans lequel on évolue

constituent quelque part une entrave à l’insertion des filles et éventuellement leur maintien

dans le système scolaire.

D’autre part, le Sénégal, appartenant aux pays du Tiers Monde est aussi caractérisé par la

pauvreté et la faiblesse du niveau de vie. Le phénomène de l’exode rural s’est alors développé

très rapidement durant ces trois dernières décennies occasionnant l’émergence de beaucoup de

quartiers populaires comme Médina Gounass, Guediawaye, Thiaroye, Dalifort entre autres.

Ces derniers étant composés de foyers très nombreux, ne réunissent pas en général les

conditions d’hygiène, de confort et de santé requises. Et, tous ces facteurs, reflétant la

précarité de la vie des populations, ne semblent pas être en adéquation avec un bon cadre

d’étude pour les enfants.

Pour bien mener cette recherche, il nous sera nécessaire de partir d’un certain nombre de

questionnement au cours de notre étude à savoir :

Quels sont les facteurs qui contribuent à l’abandon de l’école par les filles avant la fin

de leur cursus ? Quelle place occupe la problématique du genre dans ce phénomène ? Y a-t-il un lien entre ce phénomène et la situation socio-économique et le milieu dans

laquelle évoluent ces filles ?

Sur la base de ces questionnements, nous allons passer à l’élaboration de nos objectifs et

hypothèses de travail qui sont d’une importance capitale dans toute étude parce qu’étant les

fils conducteurs qui nous orienteront tout au long de notre recherche.

Objectifs

Avec l’évolution des sociétés et les changements sociaux (passage d’une société traditionnelle

à une société moderne), l’école prend de plus en plus de l’importance dans les sociétés

actuelles. Seulement l’existence des inégalités de chance devant la réussite scolaire, les

Page 6: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

rapports complexes milieu d’origine (culture sénégalaise) et école (institution formelle), le

niveau d’instruction des parents, les origines sociales différentes sont des facteurs qui se

retrouvent au sein de cette institution qu’est l’école.

Fort de cela, notre objectif principal est de comprendre pourquoi les jeunes filles du quartier

de Dalifort quittent-elles prématurément l’école. Pour ce faire, nous élaborerons des objectifs

spécifiques qui s’articuleront comme suit :

D’abord, nous chercherons à analyser les facteurs qui sont à la base de cet abandon

scolaire Ensuite, il s’agira de saisir les rôles des populations d’une part et du problème lié au

genre d’autre part Enfin, nous allons essayer de soulever les conséquences qui peuvent en découler avant

de décrire les plans d’action et stratégies visant au maintien des filles à l’école en vue

d’apprécier leur pertinence.

Hypothèses

Pour mener à bien notre recherche, nous partirons d’un certain nombre d’hypothèses qui

seront confirmées ou infirmées suite à la descente sur le terrain.

Nos hypothèses sont au nombre de trois dont la principale est :

Les conditions socio-économiques des filles jouent un rôle déterminant dans le

phénomène de l’abandon scolaire dans le quartier de Dalifort.

Ensuite nous pouvons avancer que :

Les jeunes filles issues de milieux défavorisés ont plus tendance à abandonner l’école

avant la fin de leur cursus.

Les facteurs culturels débouchant souvent sur les discriminations entre sexes contribue

à la persistance de l’abandon scolaire chez les filles.

Revue critique de la littérature

Dans tout travail de recherche qui se veut scientifique, il faut nécessairement passer par une

phase d’exploitation de tout document qui peut permettre de rassembler des informations sur

Page 7: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

le sujet abordé. Dans cette logique, nous avons eu à consulter un certain nombre d’écrits ayant

trait à la question de l’éducation.

Ainsi, pour des auteurs comme E. DURKHEIM, « l’école est primordiale pour une bonne

formation politique, sociale et morale des enfants »3. Dans ce cadre, l’école est perçue comme

le lieu par excellence où l’enfant acquiert l’ensemble des composantes qui lui permettent de

mener une bonne vie en communauté. L’éducation scolaire apparaît alors comme une priorité

qui permettra à l’enfant de s’épanouir au sein du groupe. Suivant cette analyse, les garçons et

les filles ont tous le même besoin d’intégrer l’école car ils sont les uns comme les autres des

agents au sein de la société avec les mêmes besoins d’interagir, de communiquer et d’évoluer

au sein du groupe. Seulement, il faut noter que DURKHEIM n’accorde pas trop d’importance

à la dimension culturelle. En effet, dans sa conception, il ne prend pas en compte une possible

incompatibilité entre l’école en tant qu’institution et les réalités qui existent dans certaines

sociétés. Son analyse est plus orientée vers la dimension économique du rapport école-société.

Cette inadaptation de l’école à certaines sociétés est soulignée par P. ERNY dans son ouvrage

Les premiers pas de la vie de l’enfant en Afrique Noire4. P. ERNY y explique la forte

influence que le milieu exerce sur l’enfant du fait de sa dépendance vis-à-vis de son

environnement. Pour lui, la société africaine façonne l’enfant en fonction de ses normes, ses

préoccupations culturelles et ses réalités. De ce fait, si les réalités de sociétés ne sont pas en

adéquation avec les normes de l’institution scolaire, l’enfant aura du mal à trouver sa place

dans le milieu scolaire. Selon cette analyse, faite par P. ERNY, on peut voir comment l’école

s’adapte difficilement au milieu socioculturel africain. Cette explication nous permet de

conforter notre thèse sur le fait de l’influence de la société africaine sur l’éducation des filles

au Sénégal qui n’échappe pas à cette règle.

C’est d’ailleurs dans le même sens qu’abonde J. KI-ZERBO quand il parle dans son ouvrage

Eduquer ou Périr 5 « d’incompatibilité entre le système scolaire occidental et les valeurs

culturelles africaines ». Pour ce dernier, « l’appareil éducatif est une bombe à retardement qui

épuise les ressources sans contrepartie, désintègre les structures sociales et stérilise la

culture ». Ici, on note qu’au-delà de la perception de P. ERNY, KI-ZERBO qualifie quelque

part l’école d’un instrument qui « tue » la culture et enfonce l’Afrique dans le sous

développement. On voit ainsi que ces deux auteurs, bien qu’ayant des approches différentes

3 E. DURKHEIM, Education et Sociologie, Paris, PUF, Collection Quadrige, 19854 P. ERNY, Les premiers pas de la vie de l’enfant en Afrique Noire, Paris, Edition de l’Ecole, 19725 J. KI-ZERBO, Eduquer ou Périr, UNICEF-UNESCO, Paris, Editions l’Harmattan, 1990

Page 8: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

(la première est psychologique, la deuxième est plutôt économique), défendent l’un comme

l’autre la thèse selon laquelle l’école occidentale ne rime pas avec réalités socioculturelles

africaines.

Mais, cette perception commune à P. ERNY et J. KI-ZERBO est quelque part hermétique en

ce qu’elle n’encourage pas l’échange entre cultures. En effet, dès lors qu’il y a l’idée

d’incompatibilité entre l’école occidentale et la société africaine, tout rapprochement entre les

deux cultures devient difficile. Aussi, ces auteurs ne mentionnent pas l’utilité que l’école peut

avoir au sein de la société.

C’est sans doute ce que P. JACCARD a voulu faire ressortir en établissant le rapport entre

l’éducation scolaire et le développement économique. Dans son ouvrage intitulé Sociologie de

l’Education, il soutient l’idée selon laquelle « la préparation scolaire et professionnelle de la

jeunesse dans tous les pays est la condition première non seulement du progrès mais déjà de

la survivance de notre civilisation »6. Donc, comme DURKHIEM, il rattache le

développement économique, social, et politique à l’éducation scolaire. Certes, l’éducation de

base universelle et efficace demeure encore une priorité pour plusieurs Etats africains eu

égard du faible taux de scolarisation et de l’alphabétisation dans lequel végètent les adultes,

mais ce n’est pas pour autant que l’éducation culturelle et sociale inculquée à l’individu dans

son environnement immédiat doit être reléguée au second plan. L’assertion de P. JACCARD

nous donne l’impression que l’évolution de la société dans sa globalité dépend exclusivement

de la scolarisation des enfants. Or, chaque société a son identité culturelle et risque de

disparaître si cette dernière n’est pas sauvegardée. Ainsi, comme le disait J.KI-ZERBO,

« l’éducation inclut la scolarisation d’inspiration occidentale, mais aussi l’éducation

traditionnelle qui a produit tant d’intellectuels et de savants »7

Il faut noter que d’une part, DURKHEIM et JACCARD ont axé leur analyse sur le plan

économique, politique et social et se placent dans un contexte occidental. D’autre part, des

auteurs comme KI-ZERBO et ERNY fondent leurs analyses sur la base d’une dualité entre la

culture africaine et l’école occidentale.

Dans un autre registre et de façon plus approfondie, P. BOURDIEU émet sa thèse sur l’école

et le type de société. Pour lui, on intègre bien ou pas l’école selon le milieu social d’origine

c'est-à-dire que la position sociale de l’enfant définit sa capacité d’adaptation et d’assimilation

6 P. JACCARD, Sociologie de l’Education, Paris, Payot, 1962, p.147 J.KI-ZERBO, op.cit.

Page 9: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

à l’école. Ainsi, il affirme que « les élèves appartenant à un milieu social aisé ont plus de

chance de réussir à l’école que ceux des classes populaires »8. Dans ce cadre, BOURDIEU

met en évidence le caractère économique et culturel de l’éducation.

Cette thèse s’adapte d’ailleurs le mieux à notre sujet du moment où nous nous intéressons aux

facteurs dus à l’abandon de l’école par les filles. Aussi faut-il souligner que la thèse de

BOURDIEU ne prend pas en compte le problème du genre face à l’inégalité des chances à

l’école. Cet aspect ne peut être omis en ce qui nous concerne dans notre étude. Il existe déjà

dans certaines sociétés africaines une certaine marginalisation des femmes au profit des

hommes dans beaucoup de secteurs du fait que la plupart des peules africains ont une

organisation sociétale de type patriarcale. Ces inégalités peuvent se reproduire dans différents

domaines comme celui de l’éducation scolaire. Dans ce sens, l’école devient « un instrument

de reproduction sociale ». Il semble qu’elle couve en son sein des inégalités aussi bien de

milieux d’origine que de sexe.

Nous allons nous appuyer sur l’ensemble de ces idées et thèses soulevées par ces divers

auteurs pour l’analyse de notre sujet dans plusieurs aspects du moment où ils ont abordé la

question sous différents angles. Une fois passée la revue critique de la littérature, nous allons

aborder la définition des concepts clés de notre sujet de recherche.

Définition des concepts

L’éducation :

Selon le Dictionnaire de sociologie9, l’éducation prise dans son sens le plus général, recouvre

toute activité sociale visant à transmettre à des individus l’héritage collectif où ils s’insèrent.

Comme le soutient P.JACCARD, « en effet, l’éducation est en elle-même un fait social, et des

plus importants, puisqu’elle est une communication d’idées, d’arts et de techniques, bref de

manières d’être, de penser, d’agir »10. Cette assertion inclut dons aussi bien la socialisation de

8 P. BOURDIEU, Les Héritiers. Les étudiants et leur études, Paris, Minuit, 19649 G. FERREOL, Dictionnaire de Sociologie, Editions Armand Collin, Paris, 1991-199510 P. JACCARD, op. cit, p.8

Page 10: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

l’enfant par sa famille, la formation qu’il reçoit des institutions ayant un ut éducatif que

l’influence du groupe de pairs.

On voit ainsi que le champ de l’éducation est si complexe qu’aucune action menée en vue une

quelconque transmission de la culture, des valeurs ou du savoir ne peut en être exclue.

Cependant, c’est dans un cadre plus restreint et qui colle le plus avec notre sujet que le

sociologue de l’éducation E. DURKHEIM définit l’éducation. Ce dernier nous dit que

« l’éducation a pour objet de susciter et de développer chez l’enfant un certain nombre

d’états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et la société dans son

ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné »11

Il existe deux principaux types d’éducation :

L’éducation familiale (éducation culturelle transmise par les parents et amis et fixant les bases

et précède l’éducation scolaire) et l’éducation scolaire. C’est cette dernière qui nous intéresse

le plus car étant celle reçue par l’enfant à l’école. Elle est administrée par des spécialistes

appelés enseignants et comprends différentes étapes à savoir l’élémentaire, le secondaire et le

supérieur. Il faut cependant retenir qu’il y a une interdépendance entre la structure du système

scolaire et celle du système familial.

La déscolarisation ou l’abandon scolaire en cours d’étude :

Selon le Dictionnaire Universel, déscolariser est synonyme de soustraction volontaire ou

involontaire de l’enfant du système éducatif. Nous entendons par abandon en cours d’étude le

fait qu’un élève quitte l’école avant la fin de la dernière année de l’étape dans laquelle il est

inscrit. Selon cette logique, l’enfant qui finit une étape sans entamer la suivante ne constitue

pas un cas d’abandon. En effet il s’agirait plutôt de déperdition scolaire.

Cette dernière peut se définir comme l’abandon de l’enfant après son échec au BFEM

(s’agissant de l’enseignement secondaire).

L’abandon scolaire peut avoir plusieurs causes a savoir le mauvais fonctionnement du

système, un environnement socioculturel inadéquat au système scolaire (langue

d’apprentissage, analphabétisme des parents), l’érosion économique (pauvreté des parents,

manque de moyens), les conditions environnementales désastreuses (inondations, forte

concentration humaine, mauvaises conditions d’hygiène).

11 E. DURKHEIM, op. cit, p.9

Page 11: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

Pour ce qui est de la déperdition, les causes en sont souvent une inaptitude à dispenser un

enseignement universel, à recruter les élèves après leur passage à une autre étape

(orientation), à retenir les élèves après leur échec à un examen et à fixer des objectifs

appropriés à ces problèmes.

La justification et la pertinence du choix du sujet

La déscolarisation des enfants et plus particulièrement celle des filles est un phénomène réel

au Sénégal. Actuellement, malgré les efforts fournis, d’une part par le gouvernement à travers

différentes politiques visant à l’insertion scolaire des filles, et d’autre part par les populations

à travers la prise de conscience de la nécessité d’envoyer et de maintenir leurs filles à l’école,

le problème de la scolarisation de ces dernières persiste et pose la question de leur devenir

dans la société.

En effet, la déscolarisation des filles pose le problème de leur insertion dans milieu

professionnel et socioculturel. Dans une logique structuraliste, ce sujet s’avère

particulièrement intéressant pour l’investigation sociologique si l’on prend en compte

l’influence qu’a l’école comme structure sur les autres structures de la société à savoir celles

économique, sociale et culturelle.

D’autre part, cette recherche se justifie par l’intérêt de comprendre l’abandon scolaire des

filles en tant que fait social réel

CHAPITRE II : APPROCHE METHODOLOGIQUE

Tout travail en sciences sociales et particulièrement en sociologie est validé scientifiquement

à travers ses procédures méthodologiques. Ces dernières permettent au chercheur de vérifier à

travers un ensemble de techniques la véracité ou non de ses hypothèses.

La phase méthodologique comporte plusieurs parties dont nous allons nous atteler au

traitement tout au long de ce chapitre.

1- Cadre d’étude

Page 12: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

Appartenant au département de Pikine et situé entre Belvédère, Hacienda et Cité Soleil,

Dalifort est le quartier sur lequel s’est porté notre choix pour étudier le phénomène de

l’abandon scolaire féminine.Etant un quartier auparavant irrégulier, Dalifort est devenu au fil du temps une zone

caractérisée par une forte concentration humaine, une précarité des conditions d’existence,

une insalubrité accentuée et une diversité ethnique. La population de Dalifort est

essentiellement composée de jeunes, ce qui a contribué à notre intérêt porté à ce site pour les

besoins de notre étude.

2- Délimitation du champ d’étude

Dans la mesure où notre recherche est centrée dans le milieu scolaire, la population jeune est

celle qui nous intéressera le plus dans l’analyse de notre sujet. En effet il s’agit de déterminer

les facteurs aussi bien culturels, économiques que sociaux qui sont à l’origine de cet abandon

scolaire des filles.

Dans cette perspective, nous avons choisi le quartier de Dalifort qui est un quartier populaire

caractérisé par une forte concentration humaine et des conditions socioéconomiques limitées,

donc peu favorable à l’épanouissement des enfants aussi bien au niveau social qu’au niveau

scolaire. Nous avons aussi pris en compte le CEM Dalifort comme champ d’étude, ceci nous

permettra d’avoir la perception de l’abandon scolaire selon les jeunes filles qui sont encore à

l’école.

3- La population ciblée

Notre étude est essentiellement orientée vers le phénomène de l’abandon de l’école par les

jeunes filles. Et, face à la structure aussi bien économique, sociale, géographique que

culturelle du quartier de Dalifort, il serait intéressant d’étudier le rapport des jeunes filles qui

y évoluent avec l’école en tant qu’institution.

Dans ce cadre, les jeunes filles déscolarisées dans ce quartier sont les principales concernées

dans cette étude dont le but est de diagnostiquer et d’analyser les facteurs en rapport avec le

phénomène de l’abandon scolaire chez les jeunes filles avant la fin d leur cursus. Nous avons

aussi jugé nécessaire de prendre en compte les jeunes filles qui scolarisées au niveau du

Page 13: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

college. Ce choix est motivé par le fait que c’est dans cette étape de la vie scolaire que nous

remarquons le plus de cas d’abandon.

4- L’échantillonnage

Au cours de notre étude, nous avons utilisé l’échantillonnage de hasard simple. Nous avons

choisi des élèves au hasard au sein du CEM Dalifort. Certaines de ces élèves nous ont mis en

rapport avec leurs connaissances qui ont déjà abandonné l’école et nous avons aussi eu à

chercher des jeunes filles déscolarisées dans le quartier de Dalifort.

Ainsi nous avons interrogé 49 élèves soit 10% de la population féminine du CEM Dalifort, 20

jeunes filles qui ne sont plus à l’école et le principal de l’établissement en question.

5- Les instruments de collecte

Nous avons utilisé différents instruments pour la collecte des informations sur le terrain. En

effet, nous avons fait recours à des méthodes et techniques de recherche propres à la

sociologie afin de soumettre notre travail à une certaine rigueur scientifique.

a-La recherche documentaire

Dans tout travail de recherche, il est important de partir d’un certain nombre d’informations

qui permettront de mieux cerner le sujet. Dans ce cadre, nous avons eu, dès la formulation de

notre objet de recherche, à faire le tour d’un certain nombre de structures susceptibles de nous

donner des éclairages concernant la scolarisation des filles en général et leur abandon en

particulier. C’est dans cette lancée que nous sommes allés vers l’IRD, le Ministère de

l’Education Nationale, l’UNESCO et le bureau des prévisions statistiques. Mais le plus

important de notre phase exploratoire s’est déroulé à la bibliothèque universitaire et celle du

département de sociologie du fait qu’elles offrent une documentation assez vaste sur notre

sujet de recherche.

b- Le questionnaire

Le questionnaire est une méthode quantitative qui a été le moyen de résumer l’objectif

recherché à travers des questions ordonnées et bien structurées. L’administration du

questionnaire a été faite au sein de l’établissement et sur la base du hasard à des jeunes filles

âgées entre 13ans et 19ans. Il est composé de parties à savoir l’identification, la situation

Page 14: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

familiale, la situation économique, les conditions de travail, la perception de la déscolarisation

et les représentations sociales féminines.

c- Le guide d’entretien

Il s’agit d’une conversation opérée en vue d’obtenir à partir du vécu de l’enquêté des

informations relatives à notre sujet de recherche. Dans notre étude, nous avons adopté la

technique de l’entretien semi directif vu que la plupart des enquêtées ont acquiert un certain

niveau d’instruction leur permettant d’être en mesure de bien comprendre la formulation de

certaines questions sous forme de thème.

d-L’enquête proprement dite

Dans la première partie de cette étape, nous avons, pour vérifier la fiabilité de nos outils et la

clarté des questions posées, procédé à un pré test. Pour ce faire, nous avons distribué un

certains nombre de questionnaire et de guide d’entretien à quelques enquêtées. Cette

procédure nous a permis d’apporter des corrections afin de rendre plus pertinentes les

questions soulevées. Une fois cette étape achevée, nous sommes descendus sur le terrain

pendant au moins un mois afin de pouvoir rassembler aussi bien les questionnaires que les

guides d’entretien.

6- Les difficultés rencontrées

Lors de cette étude, comme dans tout travail de recherche, nous avons rencontré des

difficultés à différents niveaux.

La première est liée à la disponibilité des personnes ressources. En effet, ces dernières sont

censées nous donner les informations qui nous permettrons de mieux cerner notre sujet.

Seulement, l’absence ou le manque de disponibilité de certains d’entre eux comme M. Ndong

de l’école communautaire de Dalifort nous ont quelque part porté préjudice.

D’autre part, nous avons rencontré des problèmes du point de vue relationnel. Il y a un

manque de confiance accentué de la population vis-à-vis des chercheurs qui sont souvent

perçus comme des individus qui violent la vie privée de l’enquêté. Il y a aussi le problème de

la transcription du discours des enquêtés qui ont parlé pour la plupart du temps en wolof.

Page 15: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

DEUXIEME PARTIE

Page 16: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27Au cours de ce chapitre, nous allons nous atteler à analyser et interpréter les données aussi

bien quantitatives que qualitatives recueillies au cours de la recherche empirique.

Chapitre I : Analyse des facteurs culturels

Tableau 1 :

Age

Classe

[13-15[ [15-17[ [17-19[ TOTAL

5ème 5 2 0 74ème 1 7 1 93ème 1 7 25 33

TOTAL 7 16 26 49Source : enquête de terrain (Mars 2008)

Page 17: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

Ce tableau est relatif aux âges et classes des élèves. Nous pouvons constater que la tranche

d’âge [17-19[est la plus importante soit plus de la moitié de la population. Ce fait attire

particulièrement l’attention du moment où l’âge normale d’admission à la première année

scolaire est sept ans et que si l’élève suit son cursus normalement, il devrait être en classe de

3ème à l’âge de 16ans. Seulement, suivant ce schéma ci-dessus, tel n’est pas le cas. Ceci peut

être lié d’une part au redoublement de certaines filles qui, partagées entre la vie scolaire et la

vie sociale, ont du mal à suivre correctement leur cursus scolaire. En effet, beaucoup de filles

sont appelées à accomplir des tâches ménagères soit avant d’aller à l’école, soit après les

cours. Et, cela peut influencer leur capacité de se concentrer sur leurs études. D’autre part ce

fait peut être rattaché à des facteurs d’ordre culturels. En effet, certains parents, baignant

encore dans les traditions africaines, préfèrent veiller d’abord à l’éducation social de leur fille

c'est-à-dire qu’ils se préoccupent de lui apprendre les différentes tâches qui incombent à la

femme avant de l’envoyer à l’école. Cette pratique constitue dès lors une contrainte à la

scolarisation des filles du moment où celle-ci sera admise tardivement à l’école, ce qui réduit

quelque part ses chances de réussite.

D’autre part, la lecture de la classe d’âge [13-15[nous montre qu’elle est moins représentée

surtout en classe de 4ème. Cela témoigne une fois de plus du retard accusé par les jeunes filles

dans cette zone.

Ce qu’il faut surtout retenir sur ce tableau est qu’il y a un décalage entre l’âge normal requis

dans le système scolaire en classe de 3ème et la réalité observée sur le terrain. Dans le cadre de

notre étude, ce phénomène constitue un facteur considérable sur l’abandon. Cette thèse est

confortée par le cas de N.D qui nous a confié lors d’un entretien que « A chaque fois que je

revenais de l’école, il y avait du travail qui m’attendait à la maison. Et le soir, j’étais trop

épuisée pour apprendre mes leçons. A la longue je ne suivais plus correctement les cours et

j’ai échoué deux fois au BFEM avant d’avoir quitté les bancs parce que j’étais découragée».

Une autre jeune fille d’origine toucouleur interrogée sur le pourquoi de son abandon scolaire

nous a répondu que « j’ai abandonné l’école parce que mon père m’a donné en mariage à un

cousin qui ne vit pas au Sénégal. Avant le mariage, il m’avait promis que cela ne risquait pas

de perturber mes études vu son absence, mais par la suite, mes beaux parents ont fait

pression sur lui et il a fini par m’ordonner de quitter l’école. J’ai beaucoup souffert de ça

parce que j’étais brillante en classe et maintenant je n’ai d’autres occupations que de rester à

la maison à ne rien faire de mes journées ».

Page 18: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

Tableau 2 : répartition des cas d’abandon selon l’ethnie

Ethnie Effectif %

Wolof 0 0

Sérère 9 45

Toucouleur 2 4,08

Diola 2 4,08

Manjack 7 14,28

Mandingue 0 0

TOTAL 2O 100

Source : enquête de terrain (Mars 2008)

Sur ce tableau, nous pouvons lire que ce sont les sérères qui ont plus tendance à quitter l’école

avant la fin de leur cursus avec 45% de l’effectif total. Cette tendance est sans doute liée à

leur statut social très précaire. Nous avons remarqué que la plupart des jeunes filles sérères

qui ont quitté l’école se sont reconverties en aides ménagères. Elles sont dans la majorité

envoyées à des tuteurs qui sont supposées assurer leur éducation. Seulement, vue la forte

urbanisation et la cherté de la vie qui existent dans la plupart des banlieues dakaroises, il est

de plus en plus fréquent de voir la participation économique précoce de jeunes filles à

l’entretien des foyers. Elles sont suivies par les manjack avec un taux d’abandon de 14,28%.

Celles-ci sont pour la plupart du temps des lingères ou des marchandes.

Le dénominateur commun entre ces deux catégories est qu’elles sont toutes les deux victimes

de l’exode rural, elles sont presque toutes dans des familles d’accueil et elles vivent dans des

conditions défavorables aussi bien culturellement qu’économiquement. Ces catégories sont

caractérisées par l’attachement au travail des femmes. En effet, souvent dans les sociétés

sérères comme dans les sociétés manjack, on note une forte participation de la femme au

niveau économique au sein des foyers. Et, par le biais de la socialisation, la plupart des jeunes

filles intériorisent ce modèle.

Nous pouvons voir dans ce chapitre que les facteurs culturels sont très importants car plus de

la moitié des filles interrogées affirment que leurs parents ne voyaient pas l’intérêt de les

envoyer à l’école. En effet, lors de notre entretien avec A.S, celle-ci nous dit clairement que

« mon père m’a retiré de l’école parce qu’il dit que la place de la fille est dans la maison et

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27

qu’il m’y avait envoyé pour que j’apprenne quelque chose avant de devenir femme et de me

marier » . Cette affirmation nous éclaire une fois de plus sur les aspects culturels qui

constituent une entrave à la scolarisation des filles et éventuellement à leur maintien à l’école.

En Afrique, malgré une certaine ouverture d’esprit constatée par rapport au phénomène de la

scolarisation des filles, on remarque toujours des cas qui stagnent encore dans un esprit

purement traditionnaliste.

Chapitre II : Analyse des facteurs économiques

Les enquêtes de terrain nous ont révélé l’importance de la situation économique des familles à

Dalifort dans le phénomène de l’abandon scolaire des filles. La pauvreté est un facteur non

négligeable dans l’analyse de ce phénomène. Dans ce chapitre, nous essaierons d’analyser la

relation entre la situation économique des élèves et les résultats obtenus à l’école. Car, selon

la logique structuraliste, le dysfonctionnement d’une structure dans la société se répercute sur

les autres. Cela pour dire que les structures sont dépendantes les unes des autres. Ainsi, la

situation économique de l’élève va être déterminante quant à ses capacités scolaires du

moment où pour pouvoir bien mener leur cursus scolaire, les enfants auront besoin d’un

certain nombre de matériels à savoir les fournitures, l’argent pour la cantine, le transport, les

cotisations entre autres.

Tableau 3 : répartition des élèves selon moyennes et les personnes à la charge des parents

Personne à la charge des parents

Moyenne

Moins de 3 [3 - 6[ [6 - 9[ 9 et plus TOTAL

06-08 0 1 3 3 7

08-10 2 3 2 3 10

10-12 5 7 4 3 19

12-14 3 2 2 1 8

14-16 2 1 1 0 4

16-18 1 0 0 0 1

TOTAL 13 14 12 10 49

Source : enquête de terrain (Mars 2008)

Le capital économique est un facteur assez important dans l’analyse du phénomène. En effet

on constate à la lecture de ce tableau que les élèves dont les parents ont plus de charges sont

Page 20: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

celles qui ont les moyennes les moins élevées. Nous pouvons nous apercevoir sur ce tableau

que dans les familles où les parents prennent en charge 6 personnes et plus, la moyenne des

enfants n’y est pas très fameuse en comparaison avec celles où les parents prennent en charge

le moins d’enfants. En effet celles-ci sont au nombre de 13 et seules deux filles se situent en

deçà de la moyenne. Ainsi pouvons-nous avancer que si les parents ont à leur charge plusieurs

personnes, il leur sera plus difficile d’assurer à chacun le minimum requis pour le bon

déroulement de son cursus scolaire.

Comme nous l’affirme A.S.Diawara, une jeune fille de 18ans, « mon père n’arrivait plus à

nous acheter toutes nos fournitures scolaires mes frères et moi, alors j’ai été obligée d’arrêter

mes études après mon entrée en 6ème parce que les professeurs me renvoyaient toujours pour

manque de matériels. Ce que je désirais le plus dans la vie c’était de réussir à l’école pour

aider mes parents, mais la pauvreté de mes parents ne m’ont pas permis de continuer mes

études. Actuellement je travaille comme une bonne à tout faire afin de les aider à joindre les

deux bouts et assurer à mes cadets une bonne éducation ». Ce récit montre que le statut

économique des parents joue un rôle très important dans la scolarisation des filles. D’autre

part, nous pouvons noter que les facteurs culturels et les facteurs économiques sont liés en ce

qui concerne l’histoire de cette jeune fille. En effet, face aux difficultés économiques, les

parents ont préféré retirer la fille de l’école au profit des garçons. Cela montre qu’il place plus

de confiance dans la réussite des garçons à l’école qu’à celle de la vie. Aussi, la fille est-elle

appelée à se marier et être gérer par son mari selon la logique dans la société sénégalaise alors

que c’est la situation inverse pour les garçons. Ainsi nous apercevons nous d’une certaine

discrimination selon le sexe ce qui empêchera d’apprécier la pertinence des jeunes filles face

à l’école.

Tableau 4 : répartition des moyennes selon la taille de la famille

Taille famille

Moyenne

[1 - 3[ [3 - 6[ 6 et plus TOTAL

06-08 0 3 4 7

08-10 2 4 4 10

10-12 8 6 5 19

12-14 4 3 1 8

14-16 3 1 0 4

Page 21: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

16-18 0 1 0 1

TOTAL 17 18 14 49

Source : enquête de terrain (Mars 2008)

Nous pouvons lire sur le tableau ci-dessus que se sont dans les familles les plus larges qu’on

note les moyennes les plus basses. En effet sur un total de 7 personnes qui ont eu une

moyenne comprise entre 06/20 et 08/20, les 4, soit 57,14% appartiennent à des familles

composées de plus de 6 personnes. Et, on constate une absence des filles issues de famille

larges dans l’intervalle des notes variant de 14/20 à 18/20, Par contre, les meilleures

moyennes sont remarquées dans les familles restreintes, c'est-à-dire composées de un à trois

membres. En effet, nous pouvons voir que parmi les moyennes comprises entre [12-14[ et

[14-16[, les familles restreintes représentent respectivement 50% et 75% de l’ensemble de la

population.

Ces données témoignent de l’influence du cadre de vie sur les résultats obtenus. L’individu

qui appartient à une famille large va avoir moins de temps pour étudier que celui qui évolue

dans un environnement très calme du moment où ce dernier, n’ayant pas d’autres activités qui

retiennent son attention, aura tendance à consacrer plus de temps aux études que celui qui a un

rythme de vie mouvementé.

Chapitre III : Analyse des facteurs sociaux

Tableau 5 : répartition des élèves selon la tendance à quitter l’école et le CSP de la mère

CSP mère

Tendance

Formel Informel Retraité Sans TOTAL

OUI 2 5 1 7 15

NON 13 10 2 9 34

TOTAL 15 15 3 16 49

Source : enquête de terrain (Mars 2008)

Ce tableau ci-dessus nous montre à quel point les femmes de Dalifort sont confrontées au

manque d’activité socioprofessionnelle formelle. En effet, les femmes évoluant dans des

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27

activités formelles ne représentent que 30,6% de l’ensemble des femmes parents d’élève. Ce

schéma nous montre aussi comment le statut socioprofessionnel de la mère peut influencer la

tendance des jeunes filles à vouloir quitter l’école. Seulement, malgré leur absence dans cette

catégorie, elles constituent une source de revenus non négligeable. Ce fait joue un rôle

important dans la vision qu’auront leurs filles de l’école. Celles-ci considèrent pour la plupart

du temps l’école comme un moyen de sortir de la pauvreté certes, mais elles ont tendance à se

lasser de l’attente des fruits de leur travail scolaire quand elles voient leur mère s’investir

autant dans la gestion du foyer sans avoir pour autant fait des études approfondies. Le vécu de

leur mère sera déterminant quant à leur tendance à quitter l’école car elles auront souvent

tendance à vouloir la seconder dans ses différentes activités. C’est ainsi que D.Mbaye, une

fille déscolarisée d’origine wolof nous confie que « chaque jour, avant d’aller à l’école,

j’allais installer la table de ma mère qui vendait des sandwiches à coté de mon école et à la

descente, je l’aider à ramener ses bagages à la maison. Par la suite, quand on sortait en

récréation, j’allais l’aider parce qu’elle était débordée. C’est comme ça que j’ai décidé de

quitter naturellement l’école malgré ses protestations pour la seconder dans son commerce

parce que ça lui permettait de gagner plus vite de l’argent ». Cette situation témoigne de

l’influence du vécu social de l’enfant sur l’orientation de ses choix. Ici, nous pouvons dire que

si sa mère avait d’autres occupations, cette jeune fille serait sans doute entrain de mener à

bien ses études. Et, quand nous lui avons posé la question de savoir si elle regrettait d’avoir

quitté l’école, sa réponse était la suivante « non je ne regrette pas parce que je l’ai fait pour

aider ma mère à mieux prendre soin de ses enfants. Et aujourd’hui, je suis en mesure de

régler certains de mes problèmes sans avoir à demander de l’argent. C’est ce que je voulais

en allant à l’école donc comme je peux le faire actuellement je ne plains pas ».

Tableau 6 : répartition des élèves selon la tendance à quitter l’école et le niveau d’étude de la

Mère.

Niveau

Tendance

Sans Elémentaire Secondaire Supérieur TOTAL

OUI 6 6 1 1 14

NON 3 13 11 9 35

TOTAL 9 19 12 10 49

Source : enquête de terrain (Mars 2008)

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27

A la lecture de ce tableau, nous pouvons remarquer que parmi les 14 filles qui ont répondu

avoir voulu quitter l’école, 6 ont des mères analphabètes et 6 autres qui n’ont atteint que le

niveau élémentaire. Notons ici que, par rapport à la société sénégalaise où la référence

première de la fille est sa mère, le niveau de celle-ci peut fortement influencer les orientations

de la fille. D’autre part, les mères sont celles qui ont le plus tendance à passer le plus de temps

avec les enfants, donc elles sont censées veiller à leur éducation. Or, si elle n’est pas du tout

ou assez instruite, cela posera certainement des difficultés dans l’encadrement de l’enfant à la

maison. En effet, comme nous le voyons, 85,7% des femmes dont les enfants veulent quitter

l’école sont soit non instruites, soit pas assez. De ce fait, elles ne seront pas en mesure d’aider

leurs enfants à faire leurs exercices à la maison. Et, vu leur capacité intellectuelle très réduite,

elles ne sauront pas souvent user des meilleures moyens pour bien inculquer à leurs enfants le

désir d’étudier. La thèse de P. BOURDIEU selon laquelle le milieu social d’origine détermine

les capacités de l’enfant à intégrer le milieu scolaire vient conforter notre analyse. Car, si ces

filles ne voient pas leur mère lire ou bien se dévouer à des activités intellectuelles, elles

n’apprendront pas cette culture de la lecture et cela se sentira face aux enfants qui ont de

mères instruites qui veillent à leur encadrement.

Il faut souligner, dans ce chapitre que, l’essentiel de notre analyse nous a été fourni par les

entretiens que nous avons eu avec les filles déscolarisées. La question de savoir les raisons de

leur abandon est celle qui a plus répondu aux besoins de ce chapitre. En effet S. Thiam a

répondu à cette question que « je n’avais personne pour m’aider à faire mes exercices à la

maison parce que mes parents étaient analphabètes et je suis l’ainée. Ils ne pouvaient pas non

plus me payer des cours particuliers. Donc j’étais livrée à mon propre sort jusqu’en classe de

3ème. A ce niveau j’ai redoublé deux fois et j’ai finalement abandonné ». Dans un autre

registre, O. Diallo répond «nous déménagions beaucoup quand j’étais à l’école et je

changeais souvent d’école à cause de cela. Ainsi je n’arrivais pas à suivre normalement dans

mes nouvelles écoles. Arrivée en CEM2, j’ai échoué trois fois à l’entrée en sixième et mes

parents ont refusé de me réinscrire ».

Pour clore ce chapitre nous pouvons dire que les facteurs sociaux sont non moins importants

dans le phénomène de l’abandon scolaire féminin. Nous avons remarqué que la majorité des

cas d’abandon était lié à l’environnement social dans lequel évoluaient les jeunes filles

interrogées.

Page 24: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

C’est dans cette optique d’ailleurs que S. GOMIS nous fait remarquer, dans son ouvrage La

relation famille-école au Sénégal12, comment l’école couve en son sein le caractère inégal des

chances dû en grande partie à l’origine sociale des enfants.

Conclusion

A l’issue de cette étude, nous avons pu mieux cerner le phénomène de l’abandon scolaire chez

les filles. Ce dernier était pensé comme un problème exclusivement d’ordre culturel. Certes,

cette composante a une influence accentuée sur le phénomène, surtout en Afrique où il existe

des parents qui hésitent encore à envoyer leurs filles à l’école. Cela est sans doute lié au fait

que certaines populations baignent encore dans la tradition. Seulement, il faut souligner que

des efforts ont été fournis dans le sens d’envoyer et de maintenir les filles à l’école durant les

trois dernières décennies, et, paradoxalement à ces actions, le phénomène persiste toujours.

Cela nous oriente ainsi vers la prise en compte de l’existence d’autres facteurs non moins

importants qui contribuent à sa persistance.

En effet, il est aisé de s’apercevoir, dans le contexte de crise économique actuel, que la

pauvreté joue un rôle important dans le problème de la déscolarisation des filles, surtout dans

le quartier de Dalifort qui est caractérisé par un niveau de vie très faible. Avec la conjoncture

qui sévit au Sénégal, on assiste à une baisse de plus en plus importante et inquiétante du

niveau de vie. Le capital qui, autrefois, était amassé pour les besoins scolaires des enfants se

transforme en moyen de subsistance dans beaucoup de famille. On voit ainsi que le besoin de

survie prend le dessus sur le besoin d’instruction.

D’autre part, pour mieux appréhender le problème, nous nous sommes intéressés au milieu

social dans lequel évoluent les jeunes filles dans le quartier de Dalifort. Dans ce cadre nous

12 S. GOMIS, La relation famille-école au Sénégal, l’Harmattan, 2003

Page 25: INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE L’ETUDE

27

pouvons dire que ce dernier influence fortement leurs performances scolaires et conditionne

leurs aptitudes à acquérir les connaissances qui leur sont inculquées à l’école. En effet, selon

la thèse bourdieusienne sur l’école, les enfants issus de milieu social peu favorable auront plus

de mal à s’intégrer dans le milieu scolaire en raison de leur faible capital culturel. De ce fait,

les jeunes filles de Dalifort, vivant dans un milieu social non enviable, avec un taux

d’analphabétisme notoire chez les adultes, auront quelque part des difficultés à développer les

mécanismes nécessaires pour une meilleure adaptation au milieu scolaire.

Nous pouvons dire que cette études nous a permis d’avoir une vision plus net du phénomène

de l’abandon scolaire chez les filles. La réflexion sur ce sujet nous a poussés à mettre en

rapport les aspects culturels, économiques et sociaux. Pour finir, nous ajoutons que si malgré

tous les efforts fournis en vue d’améliorer l’éducation des filles, le phénomène de leur

abandon scolaire avant la fin de leur cursus persiste, il faudrait chercher des solutions dans

une perspective non seulement culturelle mais aussi et surtout sociale et économique.

Autrement dit, le fait d’inviter les parents à une prise de conscience leur permettant d’inscrire

leurs filles à l’école est certes une initiative à louer, mais il faudrait quelque part que

l’environnement social et les capacités économiques répondent eux aussi aux exigences de

cette institution.

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27

BIBLIOGRAPHIE

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KANE Zeinab

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