Ipi Pub Les Conflits Electoraux

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Ipi Pub Les Conflits Electoraux

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  • La collection Union africaine

    Les conflits et la violence politique rsultant des

    lections

    Consolider le rle de lUnion africaine dans la prvention, la gestion et

    le rglement des conflits

    RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE LUA

    DCEMBRE 2012

    INTERNATIONAL PEACE INSTITUTE

  • Les conflits et la violence politique rsultant des

    lections

    Consolider le rle de lUnion africaine dans la prvention, la gestion et

    le rglement des conflits

  • Les conflits et la violence politique rsultant des

    lections

    Consolider le rle de lUnion africaine dans la prvention, la gestion et

    le rglement des conflits

    RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE LUA

    La collection Union africaine

  • REMERCIEMENTS

    Cette publication est le rsultat dune collaboration entre la

    Commission de lUnion africaine et lInternational Peace Institute

    (IPI, Institut international pour la paix), avec laide financire

    de la Deutsche Gesellschaft fr Technische Zusammenarbeit

    (GTZ) et le gouvernement du Japon. LUnion africaine et lIPI

    souhaitent en particulier remercier les auteurs ayant rdig le

    premier rapport : Pr Gilbert M. Khadiagala, chaire du dpartement

    des relations internationales de lUniversit du Witwatersrand en

    Afrique du Sud ; Dr Khabele Matlosa, le directeur des programmes

    de lInstitut lectoral de lAfrique australe (Afrique du Sud) ; et

    Dr Nour Eddine Driss, un consultant indpendant bas New

    York. LIPI voudrait galement remercier Ramtane Lamamra, le

    commissaire la paix et la scurit de lUnion africaine pour

    son appui, ainsi que lindfectible Wane El-Ghassim, chef de la

    Division de la gestion des conflits (galement directeur intrimaire

    pour le Dpartement Paix et Scurit) pour son aide. En outre,

    ce rapport naurait pu tre ralis selon lchancier prvu sans

    le soutien rsolu de Kapinga-Yvette Ngandu, la coordinatrice du

    secrtariat du Groupe des Sages de lUnion africaine, et qui est

    galement la tte du Projet de coopration de mdiation de

    lONU-UA-CER. Nanmoins, nous manquerions notre devoir si

    nous ne reconnaissions lnorme contribution apporte par les

    gnreux donateurs au Programme Afrique de lIPI. Leur appui

    reflte le besoin global qui existe pour llaboration de solutions

    novatrices aux dfis auxquels est confronte lAfrique. Ce rapport

    a t publi pour la premire fois en anglais sous le titre Election-

    Related Disputes and Political Violence: Strengthening the Role of

    the African Union in Preventing, Managing, and Resolving Conflict .

    Citation suggre :

    Groupe des Sages de lUnion africaine, Les conflits et la violence politique

    rsultant des lections. Consolider le rle de lUnion africaine dans la prvention,

    la gestion et le rglement des conflits , La collection Union africaine, New York

    : International Peace Institute, dcembre 2012.

    par lInternational Peace Institute, 2012

    dition corrige 2013

    www.ipinst.org

  • 7RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE LUA

    TABLE DES MATIRES

    Liste des abrviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . vii

    Avant-propos, Terje Rd-Larsen, IPI . . . . . . . . . . . . . . . . . .viii

    Prface, Ramtane Lamamra, UA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .xi

    Rsum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

    Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

    Processus de dmocratisation et lections en Afrique : progrs, problmes et perspectives . . . . . . . . . 13

    La violence et les conflits politiques lis aux lections : causes et consquences . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

    Instruments importants de lUA pour la paix, la dmocratie, et les lections crdibles . . . . . . . . . . . . . . 31

    LES INSTRUMENTS CLS DE LUA POUR LA PAIX, LA DMOCRATIE, ET LA SCURIT

    LActe constitutif

    La Confrence sur la scurit, la stabilit, le dveloppement et la coopration en Afrique (CSSDCA)

    La Charte africaine de la dmocratie, des lections et de la gouvernance

    LES INSTRUMENTS CLS DE LUA POUR LES LECTIONS CRDIBLES

    La Dclaration de lOUA/UA sur les principes rgissant les lections dmocratiques en Afrique

    Les Directives pour les missions dobservation et de suivi des lections de lUnion africaine

    Le rle de lUA dans la prvention, la gestion et le rglement des conflits et de la violence politique rsultant des lections . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .50

    v

  • LE SYSTME DALERTE RAPIDE ET LA DIPLOMATIE PRVENTIVE

    Systme continental dalerte rapide

    Le Groupe des Sages

    OBSERVATION ET SUIVI DES LECTIONS

    MDIATION DANS LES DIFFRENDS POST-LECTORAUX

    LASSISTANCE TECHNIQUE ET DE GOUVERNANCE

    CADRE DACTION POUR LA RECONSTRUCTION ET LE DVELOPPEMENT POST-CONFLIT (RDPC)

    Conclusion et recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

    GROUPE THMATIQUE I : MCANISMES DE PRVENTION ET DALERTE RAPIDE

    GROUPE THMATIQUE II : GOUVERNANCE ET ADMINISTRATION LECTORALES

    Administration et gestion effectives et efficaces des lections

    Suivi et observation effectifs et professionels des lections

    GROUPE THMATIQUE III : COORDINATION PAR LUA DE LASSISTANCE LECTORALE

    GROUPE THMATIQUE IV : MCANISMES DE TRANSFORMATION DES CONFLITS POST-LECTORAUX

    GROUPE THMATIQUE V : COOPRATION ET PARTENARIATS INTERNATIONAUX

    GROUPE THMATIQUE VI : INTERVENTIONS STRATGIQUES DU GROUPE DES SAGES

    tape pr-lectorale

    tape post-lectorale

    Notes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84

    Annexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91

    DCLARATION DE TRIPOLI

    propos de ce rapport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99

    vi

  • vii

    Liste des abrviations

    CEDEAO Communaut conomique des tats de lAfrique de lOuest CER Communauts conomiques rgionalesCPS Conseil de paix et de scuritCUA Commission de lUnion africaineCSSDCA Confrence sur la scurit, la stabilit, le dveloppement et la coopration en AfriqueDAP Dpartement des affaires politiquesFAA Force africaine en attenteFDAE Fonds pour la dmocratie et lassistance lectoraleMAEP Mcanisme dvaluation par les pairsNEPAD Nouveau partenariat pour le dveloppement de lAfriqueOGE Organismes de gestion des lectionsOSC Organisations de la socit civileOUA Organisation de lunit africainePPA Parlement panafricainRDPC Reconstruction et dveloppement post-conflitSADC Communaut de dveloppement dAfrique australeUA Union africaineUDAE Unit pour la dmocratie et lassistance lectorale

  • viii

    Avant-propos

    En 2010, lAfrique se prparait plus de treize lections prsiden-tielles et lgislatives diffrentes, et une vigilance particulire tait ncessaire. la suite des crises post-lectorales au Kenya et au Zimbabwe en 2008, lUnion africaine (UA) et les communauts conomiques rgionales reconnurent quelles seraient confron-tes dimportants dfis afin dassurer que les lections aient un impact positif sur la dmocratie africaine.

    Cest dans ce contexte que fut publi le rapport Election-Related Disputes and Political Violence: Strengthening the Role of the African Union in Preventing, Managing, and Resolving Conflict par lInternational Peace Institute (IPI, Institut international pour la paix) en collaboration avec lUnion africaine en juillet 2010. Nous sommes maintenant heureux de pouvoir prsenter la version franaise de ce rapport, qui demeure extrmement pertinent pour le continent africain aujourdhui.

    Ce rapport est le premier de La collection Union africaine, qui souhaite fournir une vision nouvelle des choix politiques disponibles pour le travail de la Commission de lUA. Le Groupe des Sages de lUA a choisi de consacrer ses premires rflexions thmatiques llaboration de stratgies pour prvenir la violence lie aux lections et pour assurer que les processus post-lectoraux garantissent des transitions responsables et pacifiques en confor-mit avec ltat de droit et le respect des droits de lhomme. Ce rapport contient dimportantes recommandations qui, comme le souligne le Groupe lui-mme, dpendent en grande partie de la volont et lengagement politique des chefs dtat au pouvoir dans les pays particulirement susceptibles aux conflits rsultant des lections.

    LIPI se rjouit davoir pu collaborer avec lUA sur ce projet, lune des plus rcentes initiatives dans le cadre dun programme de travail marquant un nouveau chapitre dans lhistoire de leur coopration, en vigueur depuis vingt ans. Lengagement de lIPI avec lOrganisation de lunit africaine (OUA) commena en 1993 sous mon prdcesseur Olara Otunnu ; la premire directrice du

  • ix

    Programme Afrique, Dr Margaret Vogt, joua galement un rle dcisif en aidant lOUA laborer Le mcanisme de prvention, de gestion et de rglement des conflits adopt lors du Sommet de lOUA au Caire en 1993.

    Du Libria et de la Somalie au dbut des annes 1990 jusquau dploiement de missions de maintien de la paix africaines et de lONU en Sierra Leone, en Rpublique dmocratique du Congo et depuis 2007 dans le contexte de la mission hybride ONU-UA au Soudan, les Nations Unies ainsi que les organisations africaines ont rgulirement t appeles renforcer les capacits autoch-tones et dvelopper des partenariats afin de prvenir, de grer et de rsoudre les conflits sur le continent africain.

    Depuis la transformation de lOUA en Union africaine en 20002002, lIPI sest efforc dagir comme partenaire dans le dveloppement progressif de lArchitecture africaine de paix et de scurit de lUA. la demande du premier prsident de la Commission de lUA, Alpha Oumar Konar, lIPI a organis une runion de rflexion pour les spcialistes africains en octobre 2003 Addis-Abeba ; ce fut la premire tape dans llaboration du cadre daction actuel pour la paix et la scurit de lUA. Depuis lors, lIPI a tenu diverses runions avec lUA, parmi lesquelles une runion Addis-Abeba en mai 2008 sur la respon-sabilit de protger et deux runions en mai 2009, lune Kigali sur le dveloppement de la Force africaine en attente et lautre Monrovia sur limpunit, la justice et la rconciliation .

    Sous son ancien directeur, lambassadeur Adonia Ayebare, le Programme Afrique de lIPI dveloppa une srie de nouvelles initiatives pour 20092012. Celles-ci furent intgres dans un protocole daccord avec lUA qui fut renouvel en avril 2012. La collection Union africaine marque le rsultat de cette entreprise. Son objectif principal est daccrotre la base de connaissances de lUA, en soulignant dabord le renforcement des capacits du Groupe des Sages. lavenir, la collection publiera des rapports sur limpunit, la justice et la rconciliation nationale, et sur comment rduire la vulnrabilit des femmes et des enfants dans les conflits arms.

  • xLa publication de ce rapport marque un nouveau chapitre dans les relations entre lIPI et lUA. Celle-ci est une heureuse initiative qui renforce notre engagement conjoint consacrer nos forces intellectuelles pour faciliter le travail de lUA, des communauts conomiques rgionales et des Nations Unies dans llaboration dune approche viable et de long terme envers la paix et la scurit. Je suis extrmement reconnaissant envers la Commission de lUA davoir eu la possibilit de travailler ensemble sur ce projet.

    Terje Rd-Larsen

    Prsident, International Peace Institute

  • xi

    Prface

    Dans toute dmocratie reprsentative, les lections sont le moyen ou le mcanisme par lequel le peuple peut se prononcer sur les individus qui les reprsentent et sexprimer sur des politiques diffrentes : cela est galement lespoir dans nombre de pays africains qui ont tent ou russi, des degrs divers, dinstaller ce systme politique. Les lections sont des instruments de lgitima-tion pour la socit dans son ensemble. Elles facilitent la transi-tion dans un cadre juridique du leadership dun parti vers un autre dune faon structure, comptitive et transparente. Lors de tels processus, des tensions sont invitables et peut-tre mme souhaitables, car elles peuvent faire ressortir le meilleur des partis et des indivi-dus ; nanmoins, les tensions peuvent galement faire ressortir le pire des deux. Les lections peuvent alimenter la violence dans des situations o les adversaires politiques ne respectent pas les rgles ou nacceptent pas les rsultats lectoraux comme lexpression lgitime de la volont populaire. Cependant, il convient de souligner que les lections ne sont pas la seule cause de violence pr- ou post-lectorale. Souvent, les lections fournis-sent lopportunit pour le peuple dexprimer dautres griefs de nature politique ou sociale, au sujet du partage des ressources, de la justice sociale, de la marginalisation, des rivalits ethniques, de lintimidation ou dautres malaises perus ou rels.

    En outre, nous ne pouvons oublier le rle jou par certains lments rebelles dans de telles situations. Pour une foule de raisons (structurelles, institutionnelles, juridiques et organisa-tionnelles), ces dernires annes ont vu la recrudescence de la violence politique et des conflits lis aux lections, malgr la croissance de la dmocratie travers le continent. Le rapport entre les lections, la paix et la scurit et la dmocratisation nest pas automatique : il dpend de nombreux facteurs. Dans certains cas, les lections soutiennent et avancent la cause dmocratique et ses institutions, tandis que dans dautres, les lections mnent des rsultats contests et des conflits violents.

    Ce fut donc en reconnaissance de cette volution ngative que le Groupe des Sages dcida de sinterroger sur comment prvenir, grer et rgler les conflits rsultant des lections et la violence

  • xii

    politique. Lide tait dlaborer des mcanismes et des modalits permettant de crer un procd dinflexion pour assurer que les lections contribuent lvolution viable de la dmocra-tisation travers les tats diffrents de lAfrique. Le rapport du Groupe nous montre trs clairement que les lections ne sont pas un vnement singulier. En ralit, comme la dmocratisa-tion elle-mme, les lections sont un processus qui confrent dans lidal la lgitimit un gouvernement particulier et contribue la dmocratisation long terme de la socit.

    Un cycle lectoral idal contiendra les lments cls suivants : uncadrejuridique;

    uneplanificationlectoraleetunemiseenuvre organise ; uneformationetducationcivique;

    linscriptionofficielledeslecteurs;

    descampagneslectorales;

    unscrutin;

    lavrificationcertifiedesrsultatslectoraux;

    desprocdspost-lectoraux.

    Le rapport note que les conflits lectoraux et la violence politique signalent des faiblesses dans la gouvernance des lections, les rgles de la comptition politique organise et labsence dun pouvoir judiciaire impartial pour interprter et statuer sur les diffrends lectoraux . Dans cette perspective, le rapport recommande que les mcanismes pour prvenir les diffrends et les conflits lis aux lections soient aligns sur le cycle lectoral dune manire viable et long terme.Les recommandations fournies par le rapport pour amliorer les processus lectoraux drivent leur autorit partir de trois documents essentiels de lUnion africaine :(i) La Charte africaine de la dmocratie, des lections et de la

    gouvernance, entre en vigueur en fvrier 2012 ;(ii) La Dclaration sur les principes rgissant les lections

    dmocratiques en Afrique, adopte par lOUA/UA Durban en 2002 ;

  • xiii

    (iii) Les Directives pour les missions dobservations et de suivi des lections de lUnion africaine, galement adoptes Durban en 2002.

    En outre, le cadre de travail et lapproche de lUA concernant les conflits lis aux lections devraient tre organiss autour des groupes thmatiques suivants, dcrits en dtail dans ce rapport : lesmcanismesdeprventionetdalerterapide;

    lagestionetlagouvernancelectorales;

    lacoordinationdelassistancelectorale;

    lesmcanismesdetransformationdesconflitsen priodes post-lectorales ; lacooprationetlespartenariatsinternationaux;et

    lesinterventionsstratgiquesduGroupedesSages.

    Ceux-ci sont les principes fondamentaux du rapport adopt par la Confrence des chefs dtat et de gouvernement lors de sa 13me session ordinaire tenue Sirte, en Libye, en juillet 2009. La Confrence adopta galement la Dcision 254 qui demande la Commission de prendre toutes les mesures ncessaires pour mettreenuvrelesrecommandationsduGroupedesSagesetdefaire rgulirement rapport sur les progrs raliss cet gard . Voilenquoiconsisteledfi.Lamiseenuvredecettedcisionaura lieu aux niveaux national, rgional et continental, et devra tre dtermine sur la base dun principe de subsidiarit et de respect pour la souverainet des tats. Il est reconnu que la mise enuvredpendprincipalementdes dcisions souveraines destats et quelle est autant fonction de la lgitimit du procd par lequel elle fut cre que des mrites de la dcision elle-mme. La dcision de la Confrence confre cette lgitimit, et les mrites des recommandations du Groupe des Sages ne font pas de doute. La miseenuvredemanderaainsilepleinengagementdesgouver-nements nationaux ainsi que des communauts conomiques rgionales (CER). Dans cette optique, le premier pas a t franchi lors de la convocation de la premire Runion continentale des organes de gestion des lections de lUnion africaine Accra, au Ghana, du 17 au 19 dcembre 2009. Lobjectif de cette runion tait de dtailler la nature et la forme de lassistance qui sera offerte par

  • xiv

    lUA aux organismes de gestion lectorale (OGE) et le procd par lequel cette aide sera attribue, ainsi que la cration dun rseau lectoral UA/OGE.En publiant le rapport du Groupe des Sages, lIPI sassure que son contenu sera disponible au plus grand nombre dindividus possible, en particulier aux lgislateurs et aux organisations politiques,afinquilpuisseaiderdclencherlesprocessuslgisla-tifs ncessaires pour permettre au cadre juridique de prvenir, de grer et de rgler les conflits lis aux lections et la violence politique. Les circonstances dans lesquelles nos lections sont tenues doivent changer ; ce nest quaprs de tels changements que lon pourra esprer une volution du comportement des parties prenantes.Cedfiexigeducouragepolitique,ainsiquedutempset des ressources importantes.

    Ceci nest pas un moment Eurka ! pour le Groupe des Sages, maisledfiatlanc.

    Ramtane Lamamra

    Commissaire charg de la paix et de la scurit, Union africaine

  • 1Rsum

    Les lections constituent la caractristique principale de la dmocratie reprsentative ; elles permettent au peuple de rgulire-ment choisir leurs dirigeants et leurs programmes politiques. Elles nen sont pas moins des processus comptitifs pouvant provoquer des conflits qui, sils ne sont pas grs de manire constructive, peuvent potentiellement dstabiliser les tats et les socits. Avec lavnement de la nouvelle vague de dmocratisation en Afrique au dbut des annes 1990, les lections sont devenues un lment central de la participation populaire au processus de gouvernance dmocratique. En mme temps, les lections ont engendr des conflits et de la violence et ont mis mal des alliances ethniques et rgionales, allant mme parfois jusqu menacer lordre social, le dveloppement conomique et les efforts visant consolider lintgration rgionale. Les dfis ns de la violence lectorale et politique mettent en relief limportance que revt la mise en place dinstitutions pour garantir lquilibre entre la comptition et lordre, la participation et la stabilit, la contestation et le consensus.

    Conscient de laugmentation des conflits et de la violence politique lis aux lections, le Groupe des Sages a judicieusement dcid dinitier une rflexion sur les mcanismes et les modalits susceptibles de garantir que les lections contribuent la paix et une gouvernance dmocratique viable, par le biais de strat-gies dynamiques visant prvenir, grer et rsoudre les conflits lectoraux et rparer la violence politique. Cette mission revt une importance dautant plus grande que depuis la fin des annes 1980, lUA et son prdcesseur, lOrganisation de lunit africaine (OUA) ont consacr une nergie et des ressources considrables larticulation, llaboration et la mise en application de divers instruments et protocoles portant sur les fondements et les principes de base de la gouvernance dmocratique et de la paix. cette tape dcisive du processus de dmocratisation de lAfrique, les conflits et la violence politique rsultant des lections mettent

  • LES CONFLITS LECTORAUX2

    en pril les acquis enregistrs ce jour par lOUA/UA dans les multiples efforts que celles-ci ont dploys en vue de lavnement dune Afrique pacifique et dmocratique. Le prsent rapport semploie identifier des mesures pour prvenir les conflits et la violence politique lis aux lections, dans le contexte des progrs dj accomplis par lOUA/UA envers le renforcement dinstitutions charges de la gouvernance dmocratique, de la paix et de la scurit.

    Ce rapport fait le point de lvolution du processus de dmocrati-sation en Afrique depuis les annes 1990, en soulignant les tapes principales de la promotion du pluralisme politique, de la partici-pation et de la responsabilit. Cet historique est instructif parce quil met en exergue limportance des processus de dmocratisa-tion dans la consolidation de la stabilit en Afrique. Ce rapport passe galement en revue les causes et les consquences de la violence lectorale et des conflits politiques au cours de ces dernires annes. En analysant les divers efforts dploys par lUA pour laborer un large ventail de protocoles et dinstruments pour consolider les modles et les pratiques dmocratiques, ce rapport vise souligner les progrs dj raliss par lAfrique en ce qui concerne lamise enuvre desmcanismes visant garantir une participation harmonieuse et linclusivit politique. Dans ses conclusions et recommandations, ce rapport raffirme limportance de larticulation par lAfrique de solutions aux dfis lectoraux auxquels le continent est confront, travers la mise en place de systmes de gestion et de gouvernance lectorale plus solides. Ce rapport souligne galement la ncessit pour le Groupe des Sages de travailler troitement avec les autres institu-tions de lUA et les communauts conomiques rgionales (CER), afin de trouver de nouvelles approches permettant de rduire les conflits et la violence politique lis aux lections.

    Les principales recommandations contenues dans ce rapport reposent sur deux hypothses fondamentales. La premire, cest que des progrs remarquables ont t raliss dans ltablissement

  • RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE LUA 3

    de normes, de rgles et de meilleures pratiques dmocratiques relatives lorganisation et la tenue dlections libres et rgulires en Afrique. La seconde, cest que les initiatives continentales de rforme dans ce domaine, tel que le Mcanisme dvaluation par les pairs (MAEP), ont reconnu lexistence de lacunes et dinsuffisances dans les mcanismes et les systmes lectoraux africains auxquelles il convient de trouver des solutions, afin de renforcer leur efficacit et leur lgitimit. Ainsi les recommanda-tions sont-elles regroupes en six rubriques : (a) la diplomatie prventive et les mcanismes dalerte rapide ; (b) la gestion et la gouvernance lectorales ; (c) la coordination par lUA de lassistance lectorale; (d) les mcanismes de transformation des conflits en priodes post-lectorales ; (e) la coopration et les partenariats internationaux ; et (f) les interventions stratgiques du Groupe des Sages.

    GROUPE THMATIQUE I : MCANISMES DE PRVENTION ET DALERTE RAPIDE

    Il est crucial que toutes les institutions de lUA travaillent la mise en place effective de mcanismes de prvention et dalerte rapide centrs sur les pays qui ont des antcdents de violence lectorale ou qui prsentent de signes druption de conflits du fait de la concurrence inhrente la contestation politique et aux lections. La richesse des informations socio-conomiques et politiques sur les pays africains gnres par le MAEP, la Salle de veille de lUA, les institutions universitaires et de recherche et les rapports des mdias offre des lments de savoir collectif qui doivent informer les dcisions sur les zones potentielles de tension lectorale. Face aux contraintes srieuses auxquelles lUA est confronte en matire de ressources, il est important que lUA dveloppe des mesures dinterventions stratgiques centres sur les pays qui en ont le plus besoin. tant donn que le Groupe des Sages est un pilier essentiel de laction de prvention des conflits de lUA, il est bien plac pour assumer un rle de premier plan

  • LES CONFLITS LECTORAUX4

    dans llaboration de mcanismes dalerte rapide pour prvenir la violence lectorale.

    GROUPE THMATIQUE II : GOUVERNANCE ET ADMINISTRATION LECTORALES

    La gouvernance et la conduite des lections sont dtermines par des rgles constitutionnelles qui dfinissent les paramtres de la concurrence politique en vue de laccession au pouvoir au sein de chaque tat membre de lUA. leur tour, ces rgles sont influences par les caractristiques dmographiques, culturelles et sociales des diffrents pays africains. Les expriences rcentes relatives aux conflits politiques et la violence lectorale sont le tmoignage de lexistence de questions non rsolues dans les arrangements constitutionnels des diverses socits qui composent le continent. Mme si les systmes lectoraux en Afrique devraient reflter les besoins et diffrences rgion-ales, ethniques et dmographiques, la ralit montre plutt des scrutins marqus par des enjeux considrables et o le vainqueur remporte tout, ce qui semble tre lune des causes principales de la violence et de linstabilit politique. LAfrique doit faire des efforts concerts pour voluer, de faon progressive et crative, vers des systmes lectoraux qui largissent la reprsentation, reconnais-sent la diversit et respectent le principe dgalit et la rgle de la majorit, tout en protgeant les minorits. Depuis quelques temps, une tendance ladoption darrangements de partage du pouvoir lissue de crises post-lectorales a gagn du terrain. Dans certains cas, des considrations lies la justice et la consolidation de la paix peuvent justifier ce type darrangements. Nanmoins, si cette tendance nest pas bien gre, il existe un grave risque de la voir chapper tout contrle et devenir ainsi un outil politique servant manipuler le processus dmocratique et ignorer le choix populaire lors des lections. Une telle volution est susceptible daffaiblir la confiance de lopinion publique dans les institutions dmocratiques et provoquer une faible participation lectorale. Il importe de mettre en place des cadres

  • RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE LUA 5

    juridiques, institutionnels et constitutionnels robustes afin de btir une solide fondation pour la gouvernance et la gestion lectorale.

    GROUPE THMATIQUE III : COORDINATION PAR LUA DE LASSISTANCE LECTORALE

    Limplication de lOUA/UA dans les lections, passant princi-palement par le biais de lobservation, remonte au dbut des annes 1990. Entre 1990 et 2008, lOUA/UA a observ prs de 200 lections dans lensemble du continent. Il sagit l incontest-ablement dune performance notable. Bien que lUA continue observer les lections, le processus en lui-mme doit se profes-sionnaliser en devenant plus technique et moins politique. cet gard, une assistance particulire doit tre apporte au Dpartement des affaires politiques de lUA, travers son Unit dassistance lectorale, afin quil puisse assurer une coordination plus efficace et effective de lobservation et de lassistance lecto-rales. Lunit dassistance lectorale, de concert avec le Fonds daffectation spciale pour lassistance lectorale, a la capacit de changer le paysage lectoral en Afrique de manire favoriser la stabilit politique, la paix, la dmocratie et la bonne gouvernance.

    GROUPE THMATIQUE IV : MCANISMES DE TRANSFORMATION DES CONFLITS POST-LECTORAUX

    LUA et les CER ont un vaste ventail dinstitutions ayant comptence grer les crises post-lectorales en temps opportun. La question la plus importante qui se pose est de savoir quand et comment lUA peut mobiliser ces diverses nergies institu-tionnelles pour parvenir des rsultats tangibles dans les pays secous par la violence lectorale. Le rle de ces institutions dpend largement de leur degr de prparation et de leur aptitude travailler de manire coordonne, afin dagir en sorte que les contextes post-lectoraux incertains et violents dbouchent

  • 6 LES CONFLITS LECTORAUX

    sur des rsultats pacifiques, quitables et justes, respectant les normes dmocratiques. Des leons peuvent galement tre tires des cas du Kenya et du Zimbabwe sur les moyens permettant lUA de coordonner les divers mcanismes dintervention dans la transformation des conflits post-lectoraux.

    GROUPE THMATIQUE V : COOPRATION ET PARTENARIATS INTERNATIONAUX

    Les acteurs internationaux constituent un lment essentiel de la gestion des lections en Afrique, travers leur rle dans la mobili-sation des ressources, de lexpertise administrative et technique, ainsi que dans lchange dexpriences dans le cadre des efforts de consolidation dmocratique. tant donn que la violence lectorale grande chelle devient une question principale dans le paysage africain, les acteurs bilatraux et multilatraux, tatiques et non tatiques, deviendront encore plus indispensables chaque tape du cycle lectoral en matire de financement et dassistance technique.

    GROUPE THMATIQUE VI : INTERVENTIONS STRATGIQUES DU GROUPE DES SAGES

    En tant que nouvelle institution dote dune autorit morale, le Groupe des Sages se trouve en position stratgique pour mettre profit de manire judicieuse son ascendant, ainsi que ses talents de mdiation et de ngociation, pour prvenir, grer et rsoudre les conflits lectoraux, lui-mme ou par le biais dautres structures et instruments de lUA. Sa composition rduite lui offre la flexibilit requise pour intervenir rapidement dans toutes les tapes du processus lectoral, en particulier dans les cas o des crises semblent probables. Le prestige des membres du Groupe et leurs comptences leur donnent la latitude requise pour se faire une place de choix dans le rglement et la prvention des conflits lectoraux.

  • RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE LUA 7

    Le Groupe des Sages doit galement tre dot, sur le moyen et le long termes, des ressources financires et techniques lui permet-tant de mener, de manire durable, des missions techniques, ainsi que des activits de bons offices, de conseil et dvaluation. Lappui technique laction du Groupe des Sages en matire de gestion des conflits doit tre apport par le Dpartement paix et scurit et le Dpartement des affaires politiques. Le secrtariat du Groupe des Sages devra tre renforc afin dtre en mesure dassurer le lien entre les interventions stratgiques du Groupe et celles des deux Dpartements dans le domaine de la prvention, de la gestion et du rglement des conflits rsultant des lections. Grce au nombre croissant danciens hommes dtat africains et dautres minentes personnalits, le Groupe des Sages disposera dun grand cercle dindividus expriments auxquels il pourra constamment faire appel dans laccomplissement de ses prroga-tives. En troite collaboration avec les systmes dalerte rapide de lUA et ceux des rgions, le Groupe des Sages devra rgulire-ment effectuer une valuation des situations lectorales pouvant dboucher sur la violence et des conflits, afin de jouer un rle prventif.

    Le Groupe des Sages peut tre dploy deux tapes cruciales des lections : savoir, lors de ltape pr-lectorale, en mettant laccent sur la diplomatie prventive et lalerte rapide, et pendant ltape post-lectorale, en se focalisant dabord sur la mdiation. Au cours de ses interventions lors de la prvention, la gestion et le rglement des conflits rsultant des lections, le Groupe des Sages devra troitement collaborer avec les autres organes cls de lUA, ainsi quavec les autres fora existants des anciens chefs dtat en Afrique.

  • 8 LES CONFLITS LECTORAUX

    Introduction

    1. LActe constitutif de lUnion africaine (UA) de 2000 engage les tatsmembresde lUAuvrerenfaveurde lapromotionde la gouvernance dmocratique. LActe stipule que lUnion doit promouvoir les principes et les institutions dmocra-tiques (article 3g). Divers autres textes de lUA soulignent que la dmocratie garantit la protection des droits de lhomme et du droit au dveloppement, ainsi que la paix et la scurit. Lengagement de lUA en faveur de la dmocratie, de la paix et de la scurit est clairement nonc dans le Protocole daccord sur la scurit, la stabilit, le dveloppement et la coopra-tion de 2002 et dans la Charte africaine de la dmocratie, des lections et de la gouvernance de 2007. Dans le cadre de leur engagement promouvoir la gouvernance dmocratique, la paix et la scurit, les tats membres de lUA ont institution-nalis la pratique de la tenue rgulire dlections. Si la tenue dlections est importante, il est tout aussi crucial de faire en sorte que les processus lectoraux soient sous-tendus par une culture dlections transparentes et crdibles. La Dclaration sur les principes rgissant les lections dmocratiques en Afrique de lOUA/UA de 2002 stipule que des lections transparentes et crdibles constituent un lment cl permet-tant de garantir le droit fondamental et universel la gouver-nance participative et dmocratique .1

    2. Par ailleurs, lUA reconnat quil nexiste pas de lien direct entre les lections en soi, dune part, et le processus de dmocratisation, la paix et la scurit, dautre part. En dautres termes, certaines lections permettent dinstaurer la gouver-nance dmocratique, la paix, la scurit et la prosprit pour les citoyens. Dans dautres cas, des lections mal prpares et/ou organises un moment peu propice mettent en pril la dmocratie et gnrent une instabilit politique qui remet en cause les acquis du dveloppement. Pour certains tats membres de lUA, les lections ont contribu jeter les

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    fondements solides de la gouvernance dmocratique ; pour dautres, par contre, elles ont conduit des conflits violents entre les acteurs politiques et la contestation des rsultats. Plusieurs textes de lUA reconnaissent les risques lis aux lections, et ont mis en relief la violence et linstabilit rsultant des lections contestes. Les efforts visant consolider la dmocratie sont compromis lorsque les rsultats sont contests et lorsque de tels diffrends peuvent dgnrer en violence politique.

    3. Il importe de relever que, bien que les lections soient un lment central du processus dmocratique, elles ninstaurent pas toujours la dmocratie et ne garantissent ni la paix, ni la scurit. Afin que les lections contribuent la consolida-tion de la dmocratie, il est impratif de mettre en place des institutions appropries, y compris des organismes indpen-dants et impartiaux chargs de la gestion des lections, et de garantir le rle des partis politiques et des organisations de la socit civile toutes les tapes du cycle lectoral.2 En outre, les lections consolident la paix et la scurit dans les situations o il existe dj une culture de tolrance, ainsi quun dialogue politique rgulier entre les principales parties prenantes du processus dmocratique, et o les populations font confiance aux institutions dmocratiques. En particulier, il est essentiel que les prparatifs politiques appropris soient effectus avant la tenue des lections, notamment dans les pays sortant dun conflit, et o le processus de promotion de la dmocratie et de la paix est actuellement en cours.

    4. Compte tenu de tous ces facteurs, lapproche de lUA concer-nant les conflits et les tensions lis aux lections doit tre adapte au cycle lectoral et, ce faisant, avoir ainsi une approche long-terme. Le cycle lectoral complet est dcrit dans le schma ci-dessous.

    5. Du point de vue du cycle lectoral, lUA doit mettre laccent sur la prvention des conflits et la diplomatie prventive

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    avant les lections. Outre le travail quaccomplit actuel-lement le Dpartement des affaires politiques, lUA doit dployer davantage defforts pendant la priode pr-lecto-rale en vue dempcher que des conflits surgissent aprs la proclamation des rsultats des lections. Actuellement, lUA concentre surtout ses efforts sur lobservation et le suivi des lections pour tablir si les processus lectoraux ont t libres et rguliers. Pendant la phase post-lectorale, lUA axe essentiellement ses efforts sur la mdiation, surtout lorsque les rsultats dune lection sont contests et dgnrent en violence politique. En fait, dans la majorit de ces situations, lUA nassume pas de rle de leadership ; elle cde plutt le rle de premier plan aux communauts conomiques rgionales (CER).

    6. Cest compte tenu de ce qui prcde, et la suite de la crise post-lectorale survenue au Kenya en dcembre 2007, que la Confrence de lUnion et le Conseil de paix et de scurit ont soulign la ncessit de mener une tude sur les conflits lis aux lections. Le Groupe des Sages a t charg dinitier une rflexion sur les tensions et crises lectorales, afin de recommander au Conseil de paix et de scurit et au prsident de la Commission de lUA des stratgies pour la prvention, la gestion et le rglement des conflits et diffrends lis aux lections. Dans le cadre de son programme de travail pour lanne 2008, le Groupe des Sages a entrepris cette tude sur les tensions et les crises lies aux lections en vue de contribuer la prvention des conflits sur le continent. Cette tude a pour objectif principal le renforcement des capacits africaines relever ces dfis, notamment celles de lUA dans le domaine de lobservation des lections aux niveaux national, rgional et continental.

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    Processus de dmocratisation et lections en Afrique : progrs, problmes et perspectives

    7. La vague de dmocratisation en Afrique qui dferle depuis la fin des annes 1980 et le dbut des annes 1990 est le rsultat de la convergence dun certain nombre de conditions et dvnements. Aprs des annes de dictatures militaires et de gouvernements parti unique, il y a eu une forte pression populaire en vue dune participation accrue la vie politique et du respect de la responsabilit des gouver-nements, et ce dans le cadre dune nouvelle dynamique en faveur du renouveau politique. Un autre facteur important a t la fin de la Guerre froide, qui a dclench des pressions externes en faveur de la dmocratisation, lesquelles ont t dterminantes pour le processus de changement. La simultanit de ces facteurs a dbouch, grands renforts de publicit, sur la seconde libration du continent, marquant ainsi une tape importante dans la renaissance politique de lAfrique. Prs de vingt ans aprs linstauration du pluralisme politique, lAfrique a ralis des avances remarquables dans linstitutionnalisation des principes fondamentaux et des pratiques de gouvernance dmocratique avec lorganisation systmatique et rgulire dlections et une plus grande frquence des alternances la tte des tats. Si la tenue dlections et les alternances dmocratiques sont la preuve que la dmocratie est en progrs, des obstacles ne continuent pas moins subsister. Ainsi que lont dmontr les violences lectorales qui ont marqu les scrutins organiss rcemment dans certains pays africains, la consolidation et la viabilit du processus dmocratique dpendent de ladoption de rgles fondamentales et de la mise en place de structures annexes rgissant la comptition politiques.

    8. Au cours de ces deux dernires dcennies, la lame de fonds constitue par les pressions internes et externes a contraint les

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    dirigeants africains organiser des confrences nationales et dautres espaces de dialogue qui ont contribu la transition de gouvernements autoritaires des gouvernements lus. Dans la majorit des pays africains francophones, des confrences nationales souveraines ont contribu la mise en place de mcanismes de transition qui ont donn un souffle nouveau au pluralisme politique et faonn lenvironnement socio-politique pour quil soit propice la comptition politique. Dans la plupart des pays africains anglophones, il y a eu des changements mineurs aux structures constitutionnelles existantes, afin de permettre linstauration du pluralisme politique. Depuis lavnement du pluralisme, les lections sont devenues des lments dterminants dans le processus de changement, parce quelles permettent aux populations dexprimer leur volont, facilitent lalternance et confrent la lgitimit aux gouvernements lus. Non seulement les lections permettent au peuple de choisir ses reprsentants, mais elles constituent galement le moyen le plus important pour redfinir les relations mutuelles entre le gouvernement et la population.

    9. Entre 1989 et 1994, 38 pays africains ont organis des lections pluralistes, tandis que 11 autres tats ont suivi, en tenant leurs premires lections entre 1995 et 1997. Pendant la mme poque, 16 pays ont organis leur deuxime lection pluraliste. Les premires lections pluralistes qui se sont droules au dbut des annes 1990 ont dbouch sur des perces dcisives qui ont amorc la libralisation progressive de la scne politique et llargissement des liberts civiles. La premire phase des transitions dmocratiques africaines sest faite suivant trois modles diffrents. Dans certains pays, les partis dopposition, en conjonction avec une socit civile dynamique, ont men campagne en faveur de rformes fondamentales qui ont fait la diffrence en permettant lentre en scne de nouveaux dirige-ants, grce des lections pluralistes. Dans le second modle, bien que des groupes dopposition aient pris linitiative pour

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    que soient entreprises des rformes du systme politique, les partis au pouvoir ont soit fait chouer ces initiatives, soit les ont vides dune bonne partie de leur substance. Ainsi, la majorit des partis au pouvoir ont fini par remporter les lections qui ont suivi. Dans le troisime modle, les pressions dmocra-tiques ont t le dtonateur de profondes divisions ethniques qui ont conduit des guerres civiles.

    10. Les dbuts des transitions dmocratiques ont t marqus par le dveloppement graduel de partis politiques ayant des programmes et objectifs communs. Les partis politiques sont incontournables dans le processus de dmocratisation, parce quils sont les principales structures de participation, confrant un sens la comptition et offrant llectorat des perspectives et visions alternatives. travers lAfrique, les pratiques et les normes dmocratiques ont t consolides l o des partis politiques ont pu merger avec des programmes politiques cohrents jouissant de lappui populaire. Dans la plupart des pays, aprs de nombreuses annes au cours desquelles les partis politiques avaient t interdits, il leur a fallu beaucoup de temps pour retrouver leur force et reprendre leur envergure. Le processus de structuration des partis politiques a galement t entrav par des enjeux ethniques et rgionaux exacerbs par le processus dmocra-tique et soulevant de graves inquitudes sur la stabilit politique de certains pays.

    11. Vers la fin des annes 1990, bien que les lections et le plural-isme politique aient t intgrs dans de nombreuses socits, il y a eu un renouvellement du dbat dans diffrents pays sur la ncessit de rviser les rgles qui rgissent la comptition politique, en particulier travers la mise en place de structures constitutionnelles vritablement adaptes aux exigences des transitions dmocratiques. Les mouvements en faveur des rformes constitutionnelles sont ns de la reconnaissance que la plupart des avances dmocratiques des annes 1990

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    avaient t ralises dans la prcipitation et que, de ce fait, la plupart des pays africains avaient eu trs peu de temps pour institutionnaliser des procdures appropries pour une gouvernance base sur la volont populaire. Par ailleurs, bien que les lections soient devenues des lments essentiels de la transformation de la scne politique, seule une attention limite a t accorde llaboration de rgles et la mise en place dinstitutions solides pour faciliter une comptition prvisible et structure. La dynamique en faveur de la rforme des rgles lectorales a conduit la mise en place de structures lectorales comptentes, autonomes et impartiales pour grer lorganisation des lections. Ces efforts ont, en partie, vis la mise en place de structures transparentes et autonomes charges de grer le processus lectoral. En plus des campagnes en faveur des rformes lectorales, les mouvements pour la rforme constitutionnelle ont, de manire plus large, port sur la promotion dun environnement institutionnel propice une vritable concurrence lectorale. Il y a l une reconnais-sance que la dmocratie implique davantage que la tenue dlections ; do la ncessit dune socit civile dynamique, dun pouvoir lgislatif indpendant et efficace et dun pouvoir judiciaire impartial.

    12. Les expriences de rformes lectorales et dautres change-ments constitutionnels diffrent dun pays lautre travers le continent, traduisant ainsi la force des mouvements de rforme, la disposition des autorits rpondre ces demandes et les enjeux politiques lis au changement consti-tutionnel. Dans lensemble, depuis la fin des annes 1990, les rformes constitutionnelles et lectorales ont abouti trois rsultats. Dans le premier cas, en raison des conflits parmi les lites et des divisions ethniques, certains pays nont pas ralis de progrs notables dans la modification des rgles rgissant la comptition lectorale ; au contraire, et malgr les demandes de rformes constitutionnelles, ces pays ont plutt connu une impasse dans le dialogue sur les rgles rgissant le

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    pluralisme politique. Ces pays continuent tre marqus par de profondes dissensions et une grande incertitude politique. Dans le deuxime cas, certains pays ont institu des rformes constitutionnelles et lectorales denvergure qui ont stabilis le paysage politique pluraliste et libralis de faon significa-tive lenvironnement politique et social. Dans la plupart de ces pays, les dirigeants ont t rgulirement lus par le biais de processus participatifs, comptitifs, libres et rguliers, et qui ont galement t pacifiques.

    13. Entre ces deux cas, il y a des pays qui sefforcent dinstaurer des dmocraties participatives en se fondant sur des institutions qui nont pas t rformes et dont le fonctionnement nest pas clairement dfini. Dans ces pays, le processus dlaboration de nouvelles rgles fait face de grandes difficults, dues en grande partie lexistence de srieuses contraintes entravant la participation effective des partis politiques au processus. Par ailleurs, certains de ces pays ont connu des reculs dans le domaine des rformes dmocratiques, rendant ainsi difficile la libralisation de lespace politique.

    14. Malgr ces trois scnarii trs divers, depuis lavnement du pluralisme, la plupart des pays africains ont organis en moyenne trois lections, tmoignant ainsi des relles avances enregistres dans la vague de dmocratisation. Lorganisation rgulire dlections a t lune des plus grandes russites du processus de dmocratisation, qui a pu ainsi sauto-consolider. Dans le contexte socio-conomique difficile que connaissent la plupart des pays africains, lessor de la dmocratie a dfi les scnarii pessimistes qui doutaient de la possibilit de changements politiques positifs en Afrique. La dmocratie a prospr dans des pays o il y a eu alternance entre les principaux partis politiques et o les partis dopposition ont pu accder au pouvoir. Ces pays ont galement bnfici de niveaux levs de confiance dans la crdibilit des rgles lectorales et dans la consolidation des

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    institutions qui compltent et sous-tendent une comptition saine. Mieux encore, ces pays sont devenus des modles de dmocratie viable dont les expriences ont t reproduites dans diverses rgions travers lAfrique. Dans dautres pays, le systme du parti dominant a persist, celui-ci tant marqu par le maintien au pouvoir de faon continue dun seul parti, le rle marginal des partis dopposition et, dans certains cas, la prvalence de lintolrance et de lanimosit dans les relations sociales.

    15. Lautre tendance marquante du processus de dmocratisation depuis la fin des annes 1980 et le dbut des annes 1990 a t le redressement remarquable de pays qui avaient t plongs dans des guerres civiles. Les efforts internationaux dploys dans les nations ravages par la guerre pour ngocier des compromis constitutionnels ont permis de crer progressive-ment des conditions propices lmergence dexpriences dmocratiques solides, qui ont leur tour permis de mettre un terme plusieurs annes de leffondrement de ltat et de dmentir les clichs selon lesquels lAfrique est un continent o rgne lanarchie. Outre les leons tires des expriences ayant dclench des guerres civiles, ces pays ont bnfici des ressources accordes par la communaut internationale en vue, entre autres, dappuyer llaboration de rgles constitu-tionnelles stables avant les lections, la gestion des processus lectorauxetlamiseenuvredunensembledeprogrammesdappui dans les domaines socio-conomiques pour consol-ider les acquis de la dmocratie. Bien quils soient encore au tout dbut de leurs expriences dmocratiques et quils soient toujours confronts des obstacles lis des capacits institu-tionnelles insuffisantes, le relvement remarquable des pays qui ont t ravags par la guerre est une tape importante dans les annales du processus de dmocratisation sur le continent. Ces expriences russies de relance dmocratique peuvent galement tre difiantes et formatrices pour les pays

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    qui continuent tre confronts, de faon persistante, des conflits politiques et des violences structurelles.

    16. Aprs presque deux dcennies de transition dmocratique, les progrs accomplis en Afrique dans ce domaine sont loin dtre uniformes, mais il est gnralement admis que dans pratiquement tous les pays du continent la dmocratie est un processus et non un vnement instantan ; en outre, il est accept que llment primordial dans linstauration dune culture dmocratique en Afrique est dancrer les pratiques actuelles dans des procdures claires et prcises et dans des institutions solides, soutenues par des groupes dynamiques de la socit civile jouant le rle dopposition. Les trs importantes rformes opres au sein des processus lectoraux en Afrique ont abouti une convergence apprciable sur les rgles rgulires et transparentes devant rgir lorganisation des lections. Cette convergence continentale est dmontre par la mise en place de multiples organismes de gestion des lections oprationnels (OGE), financs par le trsor public. Il a t reconnu que de tels organismes, lorsquils sont bien outills, constituent la meilleure protection contre toute forme de manipulation et dautres pratiques compromettant la crdibilit des lections et provoquant de la violence. De mme, la tendance actuelle qui consiste observer et faire superviser les lections par des acteurs locaux et interna-tionaux a jou un rle important dans le renforcement de la crdibilit et de la transparence des processus lectoraux. Dans plusieurs pays africains ayant russi organiser des lections qui ont conduit des alternances et au renforcement de la dmocratie, il y a eu une volution saine visant conso-lider ces processus.

    17. Cest dans ce contexte que la limitation du nombre de mandats prsidentiels, trs souvent deux mandats, est devenue une disposition commune aux constitutions dmocratiques adoptes dans les annes 1990. Du fait de ces dispositions, un

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    certain nombre de prsidents ont quitt leurs fonctions aprs avoir achev leurs deux mandats. Dans dautres cas, les partis au pouvoir ont dcid dabolir cette limitation ou de proroger le mandat prsidentiel au motif que ces dispositions consti-tutionnelles limitaient le choix dmocratique des citoyens de faon factice. Alors que certains des pays qui se sont engags dans ce processus ont russi mener les reformes constitu-tionnelles requises, dautres ont chou dans leurs tentatives en raison de fortes ractions internes hostiles.

    18. Au moment o les normes et les modles dmocratiques se renforcent dans les pays africains, un consensus est en train dmerger selon lequel la comptition lectorale a produit des effets multiplicateurs qui ont eu des rpercussions sur dautres volets de la socit. Les lections et la comptition lectorale ont contribu la libralisation de la socit en permettant aux citoyens de mieux faire entendre leur voix et en les dotant dune plus grande capacit de lutte pour obtenir des liberts politiques et civiles. Les pays qui ont organis des lections connaissent galement une plus grande libert de la presse, des exigences plus fortes de la part des citoyens qui demandent des comptes leur gouvernement et lessor dun large ventaildorganisationsuvrant linstaurationde la dmocratie. Ces effets dentranement positifs ont, leur tour, renforc la lgitimit des dirigeants et la rciprocit entre gouvernants et gouverns. La culture dmocratique mergente est encourage par les rsultats des enqutes grande chelle effectues travers lAfrique, qui montrent que les populations appuient massivement la dmocratie et rejettent les systmes autoritaires.

    19. Les progrs accomplis dans lapprofondissement de la dmocratie sont menacs par lmergence dlections qui sont violemment contestes et par le retour des militaires au pouvoir dans certaines rgions dAfrique. Malgr les dispositions de lUA contre la prise du pouvoir par la force

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    et la dnonciation des coups dtat militaires, au cours des trois dernires annes, il y a eu une rsurgence du milita-risme et des gouvernements militaires dans plusieurs pays. Dans certains cas, les militaires ont tir prtexte du dsordre existant au sein des institutions civiles, en particulier des divisions entre les dirigeants civils sur des questions natio-nales cls. Dans dautres, les militaires se sont empars du pouvoir soit disant pour empcher leur pays de sombrer dans le chaos et la violence civile, suite un processus de transition majeure. En rgle gnrale, lavnement des rgimes militaires est un signe dchec de lentreprise visant consolider les relations entre civils et militaires, qui doivent tre sous- tendues par lthique dmocratique du contrle civil. Cette situation tmoigne galement de la fragilit ou du dclin des institutions dmocratiques qui sont par consquent dysfonc-tionnelles. Renforcer et consolider les institutions dmocra-tiques et inculquer une culture de la dmocratie et de la paix contribueront normment au renversement du phnomne inquitant du militarisme.

    La violence et les conflits politiques lis aux lections : causes et consquences

    20. Les conflits lectoraux et la violence politique ont caractris les processus de dmocratisation en Afrique, rvlant des faiblesses dans la gestion des lections et dans les rgles en vue dune comptition politique saine, ainsi que labsence dun pouvoir judiciaire impartial pour interprter et statuer sur les diffrends lectoraux. Les dfis relever du phnomne de la violence lectorale refltent les problmes transition-nels initiaux lis la gestion des lections et la mise en place dinstitutions charges de grer la comptition et qui seront largement acceptes par les vainqueurs comme par les perdants. Dans dautres situations, la violence politique et lectorale survient dans une certaine mesure cause des

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    ractions de groupes qui ont t dlibrment dsavantags par leurs opposants. Les perdants aux lections invoquent toujours la manipulation intentionnelle des processus dmocratiques et lectoraux pour justifier le recours la violence. Bien quun certain niveau de violence intervienne aux diffrentes tapes du processus lectoral, la multiplica-tion du nombre de contestations lectorales conduisant des actes de violence grande chelle est un nouveau sujet de proccupation. Le fait que des lections dbouchent sur des conflits et de la violence, en plus dentraner des pertes en vies humaines et la destructions de biens, pose des questions non seulement par rapport lorganisation et la gestion des lections, mais galement par rapport leur impact long terme sur la consolidation de la comptition politique.

    21. Dans lensemble, toute forme de violence qui, nimporte quelle tape du cycle lectoral, rsulte de diffrences de points de vue, dopinions et de pratiques peut se percevoir comme violence lectorale. Comme lune des formes de conflit politique, la violence lectorale survient en rgle gnrale lorsque des groupes et des partis recourent la force pour intimider leurs opposants, afin de modifier le processus lectoral et ses rsultats en leur faveur. Dans le fond, la violence lectorale nuit la comptition politique et criminalise toute opinion dissidente. Le recours aux menaces et lintimidation au cours de linscription sur les listes lectorales peut priver une partie de la population de ses droits, tandis que les attaques et les assassinats pendant la campagne lectorale peuvent amener les candidats boycotter les lections. Dans certains cas, les partis peuvent recourir certaines formes de violence lectorale pour semparer du pouvoir et touffer, une fois pour toutes, le processus dmocratique. La violence lectorale et politique peut survenir galement au lendemain dlections contestes, lorsque des groupes ou partis recourent la violence pour remettre en question la lgitimit des rsultats ou pour les modifier entirement. La violence, quelle soit locale

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    ou nationale, affecte ngativement la stabilit sociale et si elle nest pas bien matrise peut, juxtapose avec dautres divisions conflictuelles, mener lanarchie et la guerre civile.

    22. Vers la fin des annes 1980 et au dbut des processus de dmocratisation en Afrique, la violence lectorale et politique tait cause par la dtermination des partis au pouvoir, alors en butte la contestation de partis dopposition mergents, se maintenir au pouvoir. Dans cette phase fragile du processus de dmocratisation, les partis au pouvoir, habitus occuper les devants de la scne politique, ntaient pas disposs reconnatre la contribution et la lgitimit des forces dopposition. La violence survient souvent pendant le processus lectoral, en particulier lorsque les candidats aux lections cherchent mobiliser llectorat en utilisant tous les moyens disponibles. Confronts aux pressions intenses de nouveaux partis politiques inexpriments, certains partis au pouvoir ont eu recours la violence politique, afin de manipuler le processus lectoral et ses rsultats. Ils ont galement exploit leurs fins des institutions publiques partisanes, en particulier les forces militaires, paramilitaires et de police, contre les groupes dopposition. Les violences politiques et lectorales perptres par les partis politiques au pouvoir comprenaient, entre autres, la dispersion par la force des runions politiques, lagression physique, lattaque et la dtention arbitraire des dirigeants et de leurs sympathisants, la torture, lassassinat et la destruction injustifie de biens. Par ailleurs, la manipulation flagrante du processus lectoral, notamment lachat de votes, lintimidation des lecteurs, la fraude et la destruction des urnes, est devenue partie intgrante du rpertoire des actes de violence pour les partis rsolus empcher leurs opposants daccder au pouvoir. De mme, les groupes et partis dopposition, invoquant le principe de lquit et cherchant se dfaire des annes de dictature, ont galement commis des formes de violence comme des manifestations violentes dans les rues, des

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    incendies criminels et la destructions de biens pour rpondre la violence initie par ltat.

    23. Les formes de violence lectorale qui ont caractris les processus lectoraux ont souvent persist dans la phase post-lectorale, en particulier lorsque des partis ayant perdu les lections ont remis en cause la lgitimit des vainqueurs. Au milieu des annes 1990, les partis ayant perdu les lections en ont contest les rsultats, en organisant des manifesta-tions publiques et des arrts de travail, en dtruisant de manire injustifie les biens et en menaant et intimidant leurs opposants. Ces vnements ont, leur tour, suscit des rponses violentes de la part de rgimes qui ont cherch rtablir lordre, la paix et la scurit. Dans certains cas, la spirale de la violence tout au long du processus lectoral a oblig les partis dopposition revoir leurs stratgies par rapport aux partis vainqueurs, surtout dans les situations o des violences organises ont russi limiter les aptitudes organisationnelles de jeunes partis fragiles.

    24. En outre la rticence des partis au pouvoir accepter le pluralisme et la comptition politique lgitime pendant la priode initiale du processus de dmocratisation, les profonds clivages ethniques et rgionaux existant dans la plupart des pays africains ont galement contribu la violence politique et lectorale, en amplifiant les enjeux de la comptition. Dans les socits ethniquement divises, les enjeux quimplique lchec ou la victoire aux lections sont souvent essentiels pour le bien-tre de communauts tout entires. Avec la politisation des identits ethniques et communautaires, gagner une lection peut devenir une question de survie aux yeux des partis qui saffrontent pour le pouvoir. En Afrique, la violence lectorale est survenue lorsque des incertitudes quant aux rsultats lectoraux ont exacerb les conflits communautaires, ethniques et religieux. Llment le plus caractristique de ce courant se voit lorsque

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    des hommes politiques recherchent le soutien des lectorats ethniques et rgionaux pour remporter les lections, sans essayer datteindre dautres groupes. Les cas les plus connus de violence lectorale en Afrique ont vu la participation des lites des groupes ethniques diffrents utilisant lintrt partisan et sectaire respectif de ces derniers pour transformer ainsi les lections en une lutte somme nulle. Ces formes de mobilisation ont, leur tour, provoqu des ractions violentes de la part des groupes rgionaux et ethniques en comptition, et ont dclench la violence pendant et aprs les lections.

    25. Dans les situations extrmes, la violence lectorale sest traduite par le nettoyage ethnique, la balkanisation, des actes de sabotage, des expulsions et des dplacements de masse. Les consquences de ces actes de violence ont t la privation des droits lectoraux pour les populations appartenant ces ethnies et ces rgions, ce qui na pas permis aux candidats des partis dopposition de bnficier des conditions ncessaires pour efficacement participer au processus. Dans certains pays, les formes de marginalisation et de privation de droit de vote se sont poursuivies mme dans la phase post-lectorale, o des groupes et des communauts entires ont subi des privations sur le plan conomique en raison de leur appui aux partis ayant perdu les lections, ce qui a accentu leur marginalisation et leur exclusion de la scne politique.

    26. Une des consquences des conflits politiques et lectoraux des annes 1990 a t la militarisation progressive de la socit, du fait que dans certains pays, les groupes qui sestimaient marginaliss et lss ont pris les armes pour se protger contre la violence perptre par les groupes dopposition. Bien que dans certains pays africains la milita-risation de larges couches de la socit ait t la consquence de plusieurs annes de guerre civile, il y a des pays o la violence rsultant des lections a presque toujours gnr

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    une militarisation dautodfense qui a continu davoir un impact sur les lections suivantes. Lorsque dans certains pays la militarisation concide avec la marginalisation conomique et politique, une infrastructure de violence dissidente voit le jour. Utiliss au dpart pendant la premire phase de la comptition lectorale et politique, les milices armes et les groupes de jeunes violents se sont progressivement transforms en de solides structures organisationnelles, commettant des actes de violence pendant et aprs les lections. Dans certains pays, la militarisation des jeunes concide avec une pauvret croissante et prononce, situation qui favorise lmergence dune couche de la population prive de ses droits conomiques et dont on peut exploiter le mcontentement et lamener commettre des actes de violence politique et lectorale.

    27. Dans les socits qui se sont dmocratises juste aprs une guerre civile, les processus lectoraux ont souvent tourn en confrontation militaire entre des factions armes. La comptition lectorale dans des situations dinstabilit politique amne certains partis dclencher la violence politique comme solution pour accepter la dfaite lecto-rale. Cest surtout le cas dans les pays o des programmes dedmobilisationetdedsarmementonttmisenuvrede manire peu efficace et inapproprie. Dans de telles situations, les lections dans les pays en post-conflit exacer-bent les conflits existants et durcissent les alliances rsultant des conflits, ce qui conduit des actes de violence. Cest pour cela que les dbats sur les lections dans les situations de post-conflit portent essentiellement sur les questions de calendrier et de surveillance : parfois, les lections qui se tiennent trop tt sans une forte supervision internationale peuvent aboutir des rsultats qui risquent de prolonger le conflit plutt que de le rsoudre. Cependant, comme le dmontre la plupart des pays en Afrique sortant de guerre civile, les lections qui se droulent en priode post-conflit

  • RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE LUA 27

    et qui sont organises grce aux ressources internationales peuvent contribuer dsamorcer les conflits existants, en mettant en place des institutions durables charges de la gestion des conflits.

    28. Depuis la fin des annes 1990, la dynamique en faveur des rformes constitutionnelles et lectorales trouve sa source dans la volont rpandue des populations pour la mise en place de structures pour assurer lquilibre de toute comptition politique, pour lutter contre les divisions ethniques et rgion-alistes et pour amliorer la transparence, la prvisibilit et limpartialit de la gouvernance et de ladministration des lections. Certaines rformes constitutionnelles prvoient des changements dans les systmes lectoraux pour attnuer les systmes selon lesquels le vainqueur rafle toute la mise, privant ainsi certains partis de reprsentativit lectorale. Dautres rformes ont permis de renforcer lindpendance et lefficacit des organismes de gestion des lections, les dotant ainsi de capacits et dautonomie pour en faire des acteurs impartiaux. La priorit accorde la gestion impartiale et efficace des lections dcoule essentiellement du fait que les populations dues par les rsultats des lections sont toujours susceptibles de contester les rsultats lectoraux par des moyens violents. Par ailleurs, pour apaiser la violence lecto-rale et accrotre la confiance mutuelle, certaines rformes cls en Afrique ont prvu llaboration de codes de bonne conduite pour rgir la comptition entre les partis. Lorsque des partis politiques ont eu recours la violence et des manuvres dintimidation des fins partisanes, les codesde bonne conduite les obligent respecter un ensemble de principes fondamentaux et de normes civiques.

    29. Au-del des changements visant amliorer la qualit de la gestion des lections afin de rduire la violence et les conflits, les pays africains ont entrepris des changements constitu-tionnels fondamentaux pour crer des conditions offrant

  • LES CONFLITS LECTORAUX28

    des chances gales tous. Entre autres, il sagit : de lever les interdictions relatives la formation de partis politiques ; dassurer un financement quitable des partis politiques ; de mener des rformes pour rduire la main mise du parti au pouvoir sur linformation et de permettre un accs gal des partis aux principaux organes de presse ; de permettre la socit civile et dautres parties prenantes de donner leur point de vue sur les questions politiques ; et de renforcer les capacits du pouvoir judiciaire statuer sur les diffrends lectoraux. Nanmoins, dans certains pays llaboration de constitutions a galement occasionn des violences politiques un degr lev pendant le processus et la suite des referenda constitutionnels ultrieurs. linstar des lections, les referenda constitutionnels organiss pour tablir des rgles de comptition ont d faire face des ractions violentes de la part des partis et des groupes lintrieur et lextrieur du gouvernement, qui cherchaient imposer des restrictions sur le pluralisme et carter les opposants. Dans la plupart des cas, le processus dlaboration de la constitution a t trs contest et marqu par des conflits, lorsque des groupes et des parties intresss narrivent pas sentendre sur de nouvelles rgles de partage du pouvoir.

    30. De mme, la violence et les conflits politiques ont t provoqus par des tentatives des gouvernements et des dirige-ants au pouvoir qui voulaient modifier les rgles constitu-tionnelles en vigueur, afin de proroger leurs mandats ou de reformuler les textes pour favoriser certains candidats leur succession. Depuis le dbut des annes 2000, les dbats sur la limitation du nombre des mandats en Afrique ont t une source de conflits, divisant les socits et aggravant les tensions politiques, avec des partis qui, parce quils sestimaient lss, ont eu recours ou ont menac de recourir la violence pour dfendre le statu quo. Les consquences des conflits provoqus par les tentatives de limitation des mandats ont presque toujours influ sur les processus lectoraux, ceux

  • RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE LUA 29

    qui dtiennent le pouvoir essayant dutiliser les lections pour lgitimer de tels changements, tandis que les adversaires se battent pour les empcher de raliser leurs desseins. Dans certains cas, les contestations sur les dispositions constitu-tionnelles et la limitation des mandats ont t violentes ou ont prsag un dbut de violence lectorale gnralise.

    31. Lorsque des rgles lectorales et constitutionnelles sont tablies, la violence survient en raison soit de la modification dlibre des rgles tablies, soit de carences organisation-nelles dans la gestion de ces rgles. Les pays qui ont connu la violence lectorale sont souvent caractriss par une contesta-tion leve de la lgitimit des prcdents rsultats lectoraux, en particulier par les partis ayant perdu les lections. La frustration face aux lections entaches de fraude dgnre souvent en violence, en particulier dans les situations o il existe une forme dutilisation slective de la loi aux fins dexclure les adversaires politiques et dtouffer la volont du peuple. Les rcentes explosions de violence lectorale rappel-lent la phase naissante du processus de dmocratisation en Afrique, pendant laquelle les rgles lectorales pour une comptition pluraliste ntaient pas gnralement admises et des partis politiques puissants qui avaient longtemps domin le processus politique refusaient de reconnatre leur dfaite. Dans ces cas, les groupes dopposition qui nont jamais eu lopportunit dtre au pouvoir peroivent les lections comme un moyen de parvenir au pouvoir, tandis que ceux qui dtiennent ce pouvoir considrent les lections comme un moyen dasseoir et de prenniser leur rgne.

    32. Quel quen soit le lieu, la violence lectorale met en pril la dmocratie, en altrant les mcanismes courants de la comptition politique mais, de manire plus radicale, en accentuant la rsignation et lisolement des masses populaires vis--vis des hommes politiques. Dans les situations o des pays africains ont accompli des progrs considrables vers

  • 30 LES CONFLITS LECTORAUX

    linstauration du pluralisme, lincidence sans cesse croissante de la violence lectorale a frein llan en faveur de la consoli-dation du processus dmocratique. Dans certains pays qui ont connu une histoire de coexistence et dentente interethniques, les conflits violents rsultant des lections mal organises ont ressuscit des failles dans la socit, mettant ainsi en doute les modles de construction de ltat et la coexistence nationale.

    33. Il existe actuellement une inquitude croissante envers les actions menes par la communaut internationale lors des derniers rsultats dlections ayant fait lobjet de contesta-tions ; la communaut internationale a rapidement ragi en proposant des arrangements ngocis, afin de stabiliser les situations explosives. Bien quon puisse comprendre que les acteurs nationaux et internationaux ragissent promptement pour prvenir la dstabilisation des institutions nationales suite la violence lectorale, des propositions radicales sur les arrangements relatifs au partage du pouvoir et des institu-tions pourraient affaiblir la tendance vers ltablissement de rgles comptitives qui dterminent de manire claire et prcise les vainqueurs et les perdants. la suite de processus lectoraux violents, les arrangements relatifs au partage du pouvoir qui mettent en place des coalitions dirigeantes base largie peuvent rcompenser des partis qui ont intimid les opposants et commis des actes de violence. Elles peuvent ventuellement compromettre les valeurs dmocratiques, en enlevant toute valeur la comptition lectorale. En outre, les institutions post-lectorales de partage de pouvoir peuvent finir par tre des solutions phmres qui, bien quelles mettent un terme la vague de violence, crent des gouverne-ments diviss et dysfonctionnels. Dans le cas de ces disposi-tions de partage de pouvoir, le dfi pour les partenaires concerns est de saisir les opportunits phmres qui soffrent eux pendant les priodes de stabilit relative, pour laborer des rgles durables qui empchent la reprise de la violence lectorale.

  • RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE LUA 31

    Instruments importants de lUA pour la paix, la dmocratie et les lections crdibles

    34. LUA sest rsolument engage instaurer la gouvernance dmocratique et la paix en Afrique. cet effet, les 53 tats membres de lUA ont adopt des instruments importants relatifs la paix, la dmocratie et des lections crdibles. Le prsent chapitre examine le contenu desdits instruments, tels que consacrs dans les divers textes officiels de lUA. Le chapitre est scind en quatre parties. La premire partie analyse les engagements de lUA concernant la gouvernance dmocratique, la paix et la scurit en gnral. La deuxime partie concerne essentiellement les dclarations de lUA sur lorganisation dlections dmocratiques crdibles. La conclusion met en exergue les autres dfis qui exigent de lUA des rponses de politiques stratgiques.

    LES INSTRUMENTS CLS DE LUA POUR LA PAIX, LA DMOCRATIE ET LA SCURIT

    LActe constitutif

    35. LActe constitutif de lUnion africaine adopt en 2000 est le principal instrument et le trait fondateur qui engage les tats membres tablir des structures de gouvernance dmocra-tique reprsentatives et attentives aux besoins des popula-tions, dans un environnement de paix et de stabilit. Les articles 3 et 4 de lActe constitutif noncent respectivement les objectifs et les principes fondamentaux de lUA. Llment central de ces deux articles est lacceptation claire et sans quivoque de gouvernements dmocratiquement lus, ainsi que la condamnation et le rejet sans appel des changements anticonstitutionnels de gouvernement conformment la Dclaration de Lom adopte en 2000. Dans ces deux articles, lUA dfend les principes dmocratiques fondamentaux selon lesquels les lections sont la voie lgitime de changement

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    de pouvoir et lunique moyen dmocratique dexprimer la souverainet du peuple dans une dmocratie reprsentative. LActe constitutif reconnat galement quune gouvernance dmocratique viable en Afrique exige la stabilit politique, la paix et la scurit conformment au Protocole relatif la cration du Conseil de paix et de scurit de lUnion africaine, adopt en 2002. Sans stabilit politique, sans paix et scurit, la dmocratie risque dtre compromise et le dveloppement socio-conomique ne pourra pas tre ralis. Cest la raison pour laquelle lUA sest fixe, entre autres, les principaux objectifs suivants tels que consacrs dans lActe constitutif :

    promouvoir la paix, la scurit et la stabilit travers lecontinent ;

    promouvoirlesprincipesetlesinstitutionsdmocratiques,la participation populaire et la bonne gouvernance ; et

    promouvoiretprotgerlesdroitsdelhommeetdespeuplesconformment la Charte africaine des droits de lhomme et des peuples et aux autres instruments importants relatifs aux droits de lhomme.3

    36. Les objectifs ci-dessus illustrent larchitecture en volution des droits de lhomme, de la dmocratie et de la paix en Afrique. Un ensemble de principes clairs et prcis les complte, principes qui orientent le fonctionnement de lUA tel qunonc dans larticle 4. Il sagit notamment :

    du respect des principes dmocratiques, des droits delhomme, de ltat de droit et de la bonne gouvernance ;

    durespectducaractresacro-saintdelaviehumaineetdela condamnation et du rejet de limpunit, des assassinats politiques, des actes de terrorisme et des activits subver-sives ; et

    delacondamnationetdurejetdeschangementsanticonsti-tutionnels de gouvernement.4

  • RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE LUA 33

    37. LUA a ritr travers divers autres textes5 son engagement construire une Afrique dmocratique, stable, pacifique et prospre.

    La Confrence sur la scurit, la stabilit, le dveloppement et la coopration en Afrique (CSSDCA)

    38. Les tats membres de lUA sengagent travers la Dclaration solennelle sur la Confrence sur la scurit, la stabilit, le dveloppement et la coopration en Afrique (CSSDCA) instaurer la paix, la scurit, la stabilit politique et assurer le dveloppement socio-conomique, ainsi que la coopration et lintgration rgionales/continentales. La Dclaration stipule clairement que la dmocratie, la bonne gouvernance, le respect des droits de lhomme et des peuples et ltat de droit sont des conditions pralables la ralisation de la scurit, de la stabilit et du dveloppement sur le continent .6 La Dclaration adopte trois principes complmentaires, savoir :

    le rglement pacifique des diffrends doit privilgier larecherche de solutions africaines aux problmes de lAfrique ;

    laprvention,lagestionetlerglementdesconflitscrentun environnement propice la promotion de la paix, de la scurit, de la stabilit et du dveloppement ; et

    laresponsabilitpourlascurit,lastabilitetledveloppe-ment socio-conomique du continent incombe principale-ment aux chefs des tats africains.7

    39. Au cours de la Confrence des chefs dtat et de Gouvernement de lUA tenue en 2002 Durban, en Afrique du Sud, le Protocole daccord sur la scurit, la stabilit, le dveloppe-ment et la coopration en Afrique a t adopt, afin de mettre en uvre la Dclaration solennelle sur la CSSDCA pralablement adopte en 2000. Les dispositions du Protocole daccord stipulent clairement comment les tats membres de

  • LES CONFLITS LECTORAUX34

    lUA doivent raliser les principaux objectifs de scurit, de stabilit, de dveloppement et de coopration. Le Protocole a galement tabli un plan pour atteindre cet ensemble dobjectifs et a identifi des indicateurs de performance avec des calendriers prcis. Le Protocole daccord exhorte les tats membres :

    Adhrer aux principes fondamentaux dune socitdmocratique plurielle. Ces principes sont notamment : une constitution promulgue avec une convention relative la dclaration des droits de lhomme, des lections libres et justes organises des intervalles dfinis dans la constitu-tion, des systmes politiques multipartites, la sparation des pouvoirs, un organe judicaire indpendant, une presse libre et la libert dexpression et de runion, la subordination effective des militaires lautorit civile, le devoir de respon-sabilit et la participation populaire la gouvernance.

    Respecter le principe du constitutionalisme afin que laclasse politique et la socit civile tous les niveaux sengagent respecter scrupuleusement les dispositions de la constitution de leurs tats.

    Accepter la ncessit dune amlioration sensible duprocessus lectoral africain, y compris la cration de commissions lectorales nationales indpendantes et dautres mcanismes appropris de nature garantir la transparence, lquit et la crdibilit des lections.

    Assurerlerespect,laprotectionetlapromotiondesdroitsde lhomme de tous les Africains.

    La mise en place dans les meilleurs dlais de la Courafricaine des droits de lhomme et des peuples.

    Renforcer, amliorer et pratiquer la bonne gouvernancedans les secteurs publics et privs en Afrique afin dassurer le respect de ltat de droit, le devoir de responsabilit au

  • RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE LUA 35

    niveau de tous et la transparence dans la gestion des affaires publiques.8

    40. Le Protocole daccord va au-del de simples dclarations et tablit clairement les indicateurs de performance et des calendriers pour raliser un ensemble dobjectifs. Dabord, dans le domaine de la scurit, le Protocole exhorte les tats membres, entre autres, mettre en place dici 2004 des mcanismes ou des institutions nationales pour la prvention, la gestion et le rglement des conflits avec la participation active des organisations de la socit civile et des organisa-tions base communautaire. Ensuite, en ce qui concerne la stabilit, le Protocole insiste sur les objectifs suivants qui doivent tre raliss :

    Adopter,dici2004,unedispositionrelativedesconstitu-tions et des chartes des droits, des lections libres et justes, lindpendance de la magistrature, la libert dexpression et la subordination de larme aux autorits civiles lgitimes, le rejet des changements anticonstitutionnels de gouverne-mentetmettreenuvrecesprincipesdici2005.

    Adopter, dici 2005, un code de conduite lendroitdes responsables politiques prvoyant, entre autres, une limitation constitutionnelle du mandat des responsables politiques lus, bas sur le renouvellement de leur mandat ; les gouvernements devront se conformer scrupuleusement ces rgles.

    Crer, dici 2003, l o elles nexistent pas encore, descommissions nationales indpendantes et/ou dautres mcanismes et institutions appropris afin de garantir des lections libres, justes et transparentes dans tous les pays africains.

    Adopter et normaliser, dici 2003, les directives pourlobservation indpendante et effective des lections dans les tats membres de lUnion africaine comportant la

    RAPPORT DU GROUP DES SAGES DE LUA

  • 36 LES CONFLITS LECTORAUX

    mise en place dune unit lectorale efficace au sein de la Commission de lUnion africaine. Ces directives doivent comporter des dispositions sur le renforcement des groupes de la socit civile et des groupes de contrle au niveau local dans chaque pays et sur lensemble du continent, en vue dappuyer le processus dans son exercice dlections libres et justes et la publication des rapports des diffrentes quipes dobservation de lUnion africaine.

    Adopter, dici 2004, l o elles nexistent pas encore, deslois favorables la formation et au fonctionnement des partis politiques en veillant ce que ces partis ne soient pas constitus et grs sur des bases ethniques, religieuses, sectaires, rgionales ou raciales, et dterminer le nombre dlecteurs quun parti doit sassurer pour bnficier du financement de sa campagne par ltat, sans comprom-ettre la libert dassociation et le principe de la dmocratie multipartite.

    Dici 2005, prendre des mesures visant promouvoirlgalit des sexes et garantir la reprsentation des femmes dans toutes les institutions nationales, rgionales et continentales, ainsi que labrogation de toutes les lois discriminatoires lencontre des femmes dans les pays africains. Ceux-ci devront galement adopter, signer et ratifier le Protocole la Charte africaine relatif aux droits de la femme en Afrique, ainsi que dautres instruments et mcanismes pour garantir et prserver les droits de la femme.

    La Charte africaine de la dmocratie, des lections et de la gouvernance

    41. Le Sommet de lUA de 2002 Durban, en Afrique du Sud, a non seulement impuls une dynamique pour la promotion du processus dmocratique sur le continent par le biais de ladoption aussi bien de la Dclaration du

  • RAPPORT DU GROUP DES SAGES DE LUA 37

    NEPAD sur la dmocratie que celle du Mcanisme africain dvaluation par les pairs (MAEP), mais a en outre suscit de lenthousiasme en faveur de llaboration dune Charte africaine sur la dmocratie. Cet enthousiasme a conduit lorganisation dune confrence continentale sous les auspices de la Commission lectorale indpendante de lAfrique du Sud, de lAssociation des autorits lectorales africaines et de la Commission de lUnion africaine. Cette confrence sest tenue Pretoria, en Afrique du Sud, du 7 au 10 avril 2003 sous le thme lections, dmocratie et gouvernance : renforcer les initiatives africaines . Dans la dclaration finale quils ont adopte lissue de cette confrence, les participants ont exhort les tats africains tendre les frontires de la dmocratisation.9 Un an aprs la tenue de cette Confrence, les chefs dtat et de gouverne-ment de lUA au cours de leur Sommet de 2004, Maputo, au Mozambique, ont examin le projet de Dclaration sur les lections, la dmocratie et la gouvernance et ont donn mandat la Commission de lUA de transformer cette dclaration en charte. Lors de la session en mai 2004 du Conseil excutif, tenue Addis-Abeba en thiopie, la Dcision de lUA dlaborer une Charte africaine sur la dmocratie a t ritre. Il a fallu lUA presque trois ans (20042007) pour laborer la Charte africaine de la dmocratie, des lections et de la gouvernance qui est, ce jour, le texte qui traduit le plus fermement lengagement de lUnion vers lapprofondissement et la consolidation de la gouvernance dmocratique en Afrique.

    42. La Charte africaine de la dmocratie, des lections et de la gouvernance a t adopte le 30 janvier 2007, au cours de la 8me session ordinaire de la Confrence des chefs dtat et de gouvernement de lUnion africaine tenue Addis-Abeba. Ladoption de la Charte a t laboutissement de plusieurs runions dexperts gouvernementaux indpendants et juridiques qui ont examin et amlior les divers projets

  • 38 LES CONFLITS LECTORAUX

    entre 2004 et 2006. De ce fait, llaboration de la Charte a t un processus inclusif, afin dassurer, autant que faire se peut, que les principales parties prenantes apportent une contribu-tion lors de la prparation de ce document historique, destin mettre le continent africain sur la voie du respect de la dmocratie, des constitutions, de ltat de droit et des droits de lhomme. La Charte est linstrument de dmocratie et des droits de lhomme le plus exhaustif en Afrique.

    43. Au dbut de 2009, les 24 tats membres de lUnion africaine ci-dessous avaient sign la Charte africaine de la dmocratie, des lections et de la gouvernance : le Bnin, le Burkina Faso, le Burundi, la Rpublique centrafricaine, la Rpublique du Congo, Djibouti, la Rpublique dmocratique du Congo, lthiopie, la Gambie, le Ghana, la Guine-Bissau, le Kenya, le Libria, le Mali, la Mauritanie, la Rpublique de Maurice, la Namibie, le Nigeria, le Niger, le Rwanda, la Sierra Leone, le Soudan, le Swaziland, et le Togo.

    44. Les signataires de la Charte ont tard la ratifier. ce jour, elle na t ratifie que par la Mauritanie et lthiopie. Pour que la Charte devienne un instrument lgalement contraig-nant, il faut que 13 autres tats la ratifient. Il faut dployer davantage defforts auprs des signataires et de tous les autres tats membres afin quils ratifient la Charte le plus tt possible, et quelle puisse ainsi entrer en vigueur et devenir un instrument juridiquement contraignant.

    45. Entre 2007 et 2008, le Dpartement des affaires politiques de lUA a entrepris demettre enuvre un programme desensibilisation auprs de ses tats membres, les exhortant signer et ratifier la Charte. Les principaux objectifs de ces ateliers de sensibilisation auxquels ont particip toutes les rgions du continent taient de :

    sensibiliserlesdcideursetlesautrespartiesprenantessurle contenu et limportance de la Charte ;

  • RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE LUA 39

    adopterdesperspectivescommunessurlamaniredontlaratification de la Charte peut contribuer lamlioration de la gouvernance dans chacune des rgions ;

    parvenir une comprhension commune du rle desdiffrents acteurs dans le processus de ratification ;

    partager des informations sur les diverses procdures deratification appliques par les tats membres de lUA ;

    adopter une perspective commune sur les actions quidoivent tre entrepris