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Fait clinique Mddecine et Maladies Infectieuses -- 1986 - 10 -- 562 b 563 Isolement de Yersinia enterocolitica partir d'une phl bite suppur e* par A. STRADY**, V. VERNET*** et C. ROUGER** RESUME Yersinia enterocolitica a ~t~ isol~e du pr~lbvement op&atoire d'une phl~bite suppu- r~e de la veine saph~ne interne. Une porte d'entr~e cutan~e possible b partir d'un ulc~re variqueux chronique est envisag~e. Mots-Cl~s : Yersinia enterocolitica - Phl~bite suppur~e - Cellulite Y. enterocolitica, bacille gram n~gatif de la famille des Enterobacteriaceae, est responsable chez I'homme de syn- dromes ent~riques (5), de syndromes doutoureux de la fosse iliaque droite (ad~nite m~sent&ique - il~ite terminale aigue) (5) et de septic~mies (5) ; ce germe n'a pas ~tE~ rapport~ comme origine de phl~bite suppur~e (2) (3) quoique des I~sions de type ~rysip~le aient ~t~ observ~es par Hagen et Coll. (4). Dans cette observation, nous relatons I'isolement de Y. enterocoEtica Iors d'une thrombectomie saph~ne i nte r ne. antibiotique, la temperature reste ~lev~e et les signes Ioco- r~gionaux r~gressent lentement. Le cordon veineux saph~ne interne, tr~s inflammatoire au niveau du genou est alors incis~ le 14 octobre ; un caillot purulent est recueilli ~ par- tir duquel est isol~e en culture Y, enterocolitica. 200 rag/24 h de doxycycline sont ajout~s ~ la pristinamycine et apr~s 10 jours de ce traitement, les signes infectieux ont disparu. BACTERIOLOGIE OBSERVATION Madame D. 72 ans est hospitalis~e le 27 septembre 1984 pour une volumineuse phl~bite superficielle de la saph~ne interne gauche int~ressant la jambe et la cuisse. S'y associent des signes de cellulite ~ pyog~nes du dos du pied du m~me c6t~, satellite d'un ulc~re variqueux chroni- que. II s'agit d'une obese, vivant en milieu rural, sans facteur de risque ni antecedents notables autres qu'une H.T.A. trai- t~e. La patiente est f~brile ~ 39°C, sans frissons, ni signes g~n~raux de gravitY. Le reste de I'examen clinique est nor- mal. Les ~l~ments biologiques sont les suivants : hyperleu- cocytose neutrophile (11 100 GB/mm 3 avec 77,6 % de polynucl~aires), syndrome inflammatoire (VS = 95 mm la premiere heure - 124 mm fi la deuxi~me heure ;fibrino- g~ne ~ 8 g/I) ; isolement en flore monomorphe de Staphy- lococcus aureus ~ partir des I~sions de cellulite. Une h~parinoth~rapie hypocoagulante et 20 millions d'unit~s par 24 h de p~nicilline G, relay~es par 3 g/24 h de pristinamycine sont prescrites. Apr~s 15 jours de traitement Le pr~l~vement effectu~ au niveau du cordon veineux a ~t~ ensemenc~ sur deux g~loses au sang de cheval Colum- bia (Oxoid R) incub~es en atmosphere a&obie et ana~robie 37°C. Parall~lement un examen direct avec coloration de Gram a ~t~ effectu~. L'examen direct ~tait n~gatif, par con- tre la culture en 24 heures ~tait constitute d'une flore poly- morphe compos~e de Staphylococcus epidermidis en faible quantit~ et de Y. enterocolitica dont I'identification a repo- s~ sur les caract~res suivants : culture en atmosphere a~robie et ana~robie, oxydase n~gative, mobilit~ ~ 22°C, immobilit~ 37°C, galerie d'identification API 20 E. La souche a ~t~ confi~e au Centre National des Yersinia (Professeur H.H. Mollaret - Institut Pasteur) qui a confirm~ I'identification avec les donn~es compl~mentaires suivantes: Yersinia enterocofitica, chimiotype 2, s&otype 9, lysotype X3. * Rec;u le 8.6.1986. Acceptation d~finitive le 22.6.1986 **Service de M~decine Interne et de Maladies Infectieuses (Prof. Deville), H6pital Robert Debr6, F-51092 Reims C~dex ***Service de Bact~riologie (Prof. Chippaux), H6pital Robert Debr~, Reims 562

Isolement de Yersinia enterocolitica à partir d'une phlébite suppurée

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Page 1: Isolement de Yersinia enterocolitica à partir d'une phlébite suppurée

Fait clinique Mddecine et Maladies Infectieuses -- 1986 - 10 -- 562 b 563

Isolement de Yersinia enterocolitica

partir d'une phl bite suppur e* par A. S T R A D Y * * , V. V E R N E T * * * et C. ROUGER**

RESUME Yersinia enterocolit ica a ~t~ isol~e du pr~lbvement op&atoire d'une phl~bite suppu- r~e de la veine saph~ne interne. Une porte d'entr~e cutan~e possible b partir d 'un ulc~re variqueux chronique est envisag~e.

Mots-Cl~s : Yersinia enterocolit ica - Phl~bite suppur~e - Cellul i te

Y. enterocolit ica, bacille gram n~gatif de la famil le des Enterobacteriaceae, est responsable chez I'homme de syn- dromes ent~riques (5), de syndromes doutoureux de la fosse iliaque droite (ad~nite m~sent&ique - il~ite terminale aigue) (5) et de septic~mies (5) ; ce germe n'a pas ~tE~ rapport~ comme origine de phl~bite suppur~e (2) (3) quoique des I~sions de type ~rysip~le aient ~t~ observ~es par Hagen et Coll. (4). Dans cette observation, nous relatons I' isolement de Y. enterocoEtica Iors d'une thrombectomie saph~ne i nte r ne.

antibiot ique, la temperature reste ~lev~e et les signes Ioco- r~gionaux r~gressent lentement. Le cordon veineux saph~ne interne, tr~s inf lammatoire au niveau du genou est alors incis~ le 14 octobre ; un cail lot purulent est recueilli ~ par- t i r duquel est isol~e en culture Y, enterocolitica. 200 rag/24 h de doxycycl ine sont ajout~s ~ la prist inamycine et apr~s 10 jours de ce traitement, les signes infect ieux ont disparu.

BACTERIOLOGIE

OBSERVATION

Madame D. 72 ans est hospitalis~e le 27 septembre 1984 pour une volumineuse phl~bite superficielle de la saph~ne interne gauche int~ressant la jambe et la cuisse. S'y associent des signes de cellul i te ~ pyog~nes du dos du pied du m~me c6t~, satellite d'un ulc~re variqueux chroni- que.

II s'agit d'une obese, vivant en mil ieu rural, sans facteur de risque ni antecedents notables autres qu'une H.T.A. trai- t~e. La patiente est f~brile ~ 39°C, sans frissons, ni signes g~n~raux de gravitY. Le reste de I'examen cl inique est nor- mal. Les ~l~ments biologiques sont les suivants : hyperleu- cocytose neutrophile (11 100 GB/mm 3 avec 77,6 % de polynucl~aires), syndrome inf lammatoire (VS = 95 mm la premiere heure - 124 mm fi la deuxi~me heure ; f ib r ino- g~ne ~ 8 g/I) ; isolement en flore monomorphe de Staphy- lococcus aureus ~ partir des I~sions de cellulite.

Une h~parinoth~rapie hypocoagulante et 20 mil l ions d'unit~s par 24 h de p~nici l l ine G, relay~es par 3 g/24 h de prist inamycine sont prescrites. Apr~s 15 jours de traitement

Le pr~l~vement effectu~ au niveau du cordon veineux a ~t~ ensemenc~ sur deux g~loses au sang de cheval Colum- bia (Oxoid R) incub~es en atmosphere a&obie et ana~robie

37°C. Parall~lement un examen direct avec colorat ion de Gram a ~t~ effectu~. L'examen direct ~tait n~gatif, par con- tre la culture en 24 heures ~tait const i tute d'une flore poly- morphe compos~e de Staphylococcus epidermidis en faible quanti t~ et de Y. enterocolit ica dont I ' ident i f icat ion a repo- s~ sur les caract~res suivants : culture en atmosphere a~robie et ana~robie, oxydase n~gative, mobi l i t~ ~ 22°C, immobi l i t~

37°C, galerie d ' ident i f icat ion API 20 E.

La souche a ~t~ confi~e au Centre National des Yersinia (Professeur H.H. Mollaret - Inst i tut Pasteur) qui a confirm~ I ' ident i f icat ion avec les donn~es compl~mentaires suivantes: Yersinia enterocofit ica, chimiotype 2, s&otype 9, lysotype X 3 .

* R ec;u le 8.6.1986. Acceptation d~finitive le 22.6.1986 **Service de M~decine Interne et de Maladies Infectieuses (Prof. Deville), H6pital Robert Debr6, F-51092 Reims C~dex ***Service de Bact~riologie (Prof. Chippaux), H6pital Robert Debr~, Reims

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Page 2: Isolement de Yersinia enterocolitica à partir d'une phlébite suppurée

En Europe, 90 % des souches isol~es d' infect ions hu- maines sont de type 4 /3 /V I I I ou 2 /9 /X3 (1), ce qui corres- pond ~ notre souche.

Un antibiogramme a ~t~ effectu~ sur g~lose Mueller- Hinton par la m~thode de di f fusion des disques. Le germe ~tait r~sistant & I 'ampicil l ine, la c~falotine, et sensible aux aminosides, cyclines, chloramph~nicol, r i fampicine, coli- mycine, t r im~thoprime et sulfamides. Trois coprocultures successives mais trop tardives (23, 24 et 25 octobre) n 'ont pas d~tect~ la presence de Y. enterocofitica dans les selles.

La s~rologie des yersinioses par r~action d'agglut ination en tube vis-a-vis du s~rotype 09 a donn~ les r~sultats sui- rants : le 19 octobre = 1/160~ ; ie ler d~cembre = 1/80~.

Les antistreptolysines O, les antistreptokinases, les an- t istaphylolysines ~taient ~galement ~ des taux non signifi- catifs.

DISCUSSION

Notre convict ion cl inique init iale d'une cellul i te germes pyog~nes banals et I ' isolement inattendu de Y. en- terocofitica plus de 15 jours apr~s le d~but de I'hospitali- sation, fon t que manquent dans cette observation h~mocul- tures, coprocultures et s~rologies initiales ; ceci nous prive donc d'arguments formels pour expl iquer cette exception- nelle ~tiologie d'une phl~bite suppur~e. L'hypoth~se la plus s~duisante parait ~tre une porte d'entr~e situ~e au ni- veau de I'ulc~re de jambe avec di f fusion Ioco-r~gionale de proche en proche. La cellul i te de voisinage ~tait-elle pure- ment staphylococcique (comme le sugg~re le pr~l~vement local init ial) ou streptococcique ?

II faut remarquer I 'am~lioration peu convaincante des signes infect ieux avec le traitement par la p~nici l l ine G puis la pristinamycine. Le parcours septic~mique, ~ partir de la mSme porte d'entr~e ou d'une porte d'entr~e digestive, pour aboutir ~ une Iocalisation phl~bit ique, s'il ne peut ~tre ~limin~ faute d'etre v~rifi~ bact~riologiquement, appa- rait peu vraisemblable, du moins cl iniquement. II n'a pas ~t~ retrouv~ dans I'anamn~se ni pendant I 'hospitalisation d'~l~ments en faveur d'une atteinte digestive. La patiente n'a, ~ aucun moment, pr~sent~ un tableau ~vocateur d'~tat septic~mique, en plus aucun antecedent ni cl inique, ni biologique, ne permettait d'envisager un ~tat d ' immuno- suppression. Les r~sultats s~rologiques obtenus vis-a-vis du s~rotype 09 sont al~atoires (5), t rop tardifs et espac~s pour ~tre valablement interpr~t~s et corral,s avec I'obser- rat ion cl inique et bact~riologique.

Lors de I ' in t roduct ion du traitement par doxycycl ine, la prescription de pristinamycine a ~t~ maintenue. L'asso- ciation peu or thodoxe de prist inamycine et de doxycyc l i - ne nous a sembl~ se justif ier par la presence de Staphylo- coccus epidermidis associ~ ~ Y. enterocolitica au niveau du cordon pht~bitique.

Cette Iocalisation de Y. enterocofitica est inhabituelle et ne peut ~tre, par son caract~re apparemment exception- nel, qu'une surprise de pr~l~vement bact~riologique.

REMER CIEMENTS

Nous remercions Monsieur le Professeur Mollaret (Centre National de R6f6rence des Yersinia ~ l'Institut Pasteur) d'avoir bien voutu compl6ter l'identification de la souche que nous avons isol~e.

S U M M A R Y Yersinia enterocolitica isolated from a patient with suppurated phlebitis

Y. enterocolit ica was cultured from chirurgically collected specimen in a pat ient with phlebit is o f internal saphena vein. Cutaneous origin from chronic varicose ulcer is suggested.

K e y - w o r d s : Yersinia enterocolit ica - S u p p u r a t e d p h l e b i t i s - Cellulitis

1.

2.

B I B L I O G R A P H I E

ALONSO J.M., MAZIGH D., BERCOVIER H., MOLLARET H.H. -- Contribution ~ I'~tude ~pid~miologique des infections

Yersinia enterocolitica. Med. MaL Inf., 1976, 6, 434-441

BEUREY J., WEBER M., THANRY P., ETCH D., BARTHEL- ME D. -- Manifestations dermatotogiques des yersinioses. Med. Mal. Inf., 1983, 13, 5-9

3. FROTTIER J., DOURNON E., VERLIAC F. -- Manifestations

4.

5.

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HAGEN A.G. , LASSEN J., B E R G E L.N. -- Erysipelas like disease caused by Yersinia enterocolitica. Scand. J. Inf. Dis., 1974, 6, 101-102

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