28
1 IUFM DE BOURGOGNE CONCOURS DE RECRUTEMENT : professeur certifié SUJET Mettre en apprentissage la notion de pouvoir en classe de cinquième Pourquoi et comment utiliser la notion de pouvoir comme fil directeur du programme d’histoire de 5° ? Présenté par COMTET Frédéric MEMOIRE PROFESSIONNEL Mémoire réalisé sous la direction de HISTOIRE GEOGRAPHIE Madame Annie COMPOS Année 2004/2005 Dossier stagiaire n° 01112544600

IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

1

IUFM DE BOURGOGNE

CONCOURS DE RECRUTEMENT : professeur certifié

SUJET

Mettre en apprentissage la notion de pouvoir en classe de cinquième

Pourquoi et comment utiliser la notion de pouvoir comme fil directeur du programme d’histoire de 5° ?

Présenté par COMTET Frédéric MEMOIRE PROFESSIONNEL Mémoire réalisé sous la direction de HISTOIRE GEOGRAPHIE Madame Annie COMPOS Année 2004/2005 Dossier stagiaire n° 01112544600

Page 2: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

2

SOMMAIRE : Bibliographie page 3 Remerciements page 3 INTRODUCTION page4 PREMIÈRES EXPÉRIENCES ET RÉFLEXION SUR MA PÉDAGOGIE page 5

Contexte de départ page 5 Premiers comptes rendus de cours page 6 Interprétation des situations de cours page 7 Positionnement dans la classe et autorité page 8 La question de la pédagogie page 9 Intervention en classe page 10 Analyse de pratique : Séquence Monde Musulman page 12 Plan de déroulement de la séquence page 12 Eléments d’analyse de la séquence page 15 La responsabilité de l’enseignant page 17 Responsabilité d’asseoir son autorité page 17 Responsabilité pédagogique page 18

L’ APPROCHE NOTIONNELE DANS LA PÉDAGOGIQUE page 19

Mon a priori pédagogique page 19 Pourquoi placer la notion de pouvoir au cœur de l’enseignement ? page 21 Repérer la notion de pouvoir dans le programme page 22 Définir la notion de pouvoir en repérant ses attributs. Page 25

CONCLUSION Page27

Page 3: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

3

BIBLIOGRAPHIE CNDP – Enseigner au collège, programmes et accompagnement 2001 Balard, Genet, Rouche – Le moyen âge en occident – Hachette 1990 Dictionnaire encyclopédique Mourre – Bordas - 1996 Les ouvrages de la collection Bibliothèque de travail Henri Pirenne – Histoire économique et sociale du moyen âge – PUF 1963 Philippe Meirieu - L’éducation en question « Célestin Freinet » PEMF 2001 Henri Moniot – Didactique de l’histoire – Nathan Paris 1993 Gérard de Vecchi – Aider les élèves à apprendre – Hachette 1992/2000 Max Weber – Le savant et le politique – Plon 1982 Jean Luc Guichet - LE POUVOIR - Collection Philosopher - Editions Quintette Paris 1996. Remerciements à Madame Annie Compos et Monsieur Jacques Thivilliers, formateurs à l’IUFM de Bourgogne, à Madame Patricia Pompier, conseillère pédagogique au collège Clos de Pouilly de Dijon, à Monsieur Jean Pierre Alimondo, tuteur pédagogique au Lycée Gustave Eiffel de Dijon à tous mes collègues du collège Clos de Pouilly pour leur accueil et les conseils bienveillants qu’ils ont su me donner.

Page 4: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

4

INTRODUCTION

Les premières heures d’enseignement de l’année de stage de professeur certifié constituent un moment marquant car elles représentent en quelque sorte la transition entre la théorie et la pratique. C’est à ce moment précis que le souci de la maîtrise des connaissances scientifiques perd du poids face à la nécessité de transmettre ces connaissances et les savoir-faire propres aux disciplines.

Cette entrée dans la profession d’enseignant requiert un effort particulier qui est celui d’être à même de constater, d’identifier les difficultés rencontrées en classe pour s’adapter aux circonstances du métier. Le sujet du présent mémoire professionnel, centré sur la question de l’enseignement de la notion de pouvoir dans le programme d’histoire de cinquième, est né des prises de conscience successives survenues durant les premières semaines de mon apprentissage du métier de professeur d’histoire géographie. En effet la définition de mon sujet n’a pas été générée par un fait ponctuel mais s’est structurée au fur et à mesure de ma pratique de l’enseignement. L’objectif de ce mémoire est de montrer en quoi l’enseignement de la notion de pouvoir peut constituer une réponse plausible à certaines difficultés rencontrées en classe et un moyen d’organiser le travail de classe. Il est donc très important à mon sens de souligner les différents aspects de cette pratique à l’origine de ma démarche et d’expliquer la façon dont elle s’est structurée, mettant en œuvre conjointement connaissances disciplinaires et compétences pédagogiques.

Je souhaite, dans un premier temps, montrer comment les difficultés rencontrées lors des expériences pédagogiques orientent ma réflexion vers la définition de la place de la notion de pouvoir dans le programme. Puis j’envisagerai, dans un second temps, le rôle et la place dévolue à l’étude de la notion de pouvoir en classe.

Il va sans dire que ma position de stagiaire confère à cette réflexion un caractère très provisoire.

Page 5: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

5

PREMIÈRES EXPÉRIENCES ET RÉFLEXION SUR MA PÉDAGOGIE

Contexte de départ :

Le collège clos de Pouilly dans lequel j’effectue mon stage en responsabilité est un établissement de périphérie de ville qui a été construit en 1973 avec une capacité d’accueil de 800 élèves. Actuellement il est fréquenté par 612 élèves..

Ces élèves viennent soit des quartiers d’habitat individuel ou collectif du secteur nord de la ville de Dijon, soit des communes de la périphérie de l’agglomération urbaine en forte croissance ces dernières années. Cette distinction des origines géographiques reflète la diversité des situations économiques et sociales des élèves de l’établissement. Si il apparaît que globalement les catégories sociales les plus représentées sont les catégories moyennes et moyennes supérieures, le projet d’établissement 2003-2006 mentionne parmi les éléments significatifs le fait que le nombre d’élèves issus de catégories sociales défavorisées est en faible mais constante augmentation. Sans stigmatiser les personnes en difficulté mais en considérant que les difficultés économiques rencontrées ont des répercutions sur les parcours scolaires, Il faut donc considérer qu’au collège Clos de Pouilly, les bonnes conditions de travail favorisées par un effectif en dessous des capacités d’accueil et l’implication de tout le personnel du collège sont fragiles.

En prenant mon poste au Collège Clos de Pouilly, je manquais de repères dans la fonction. Tout ou presque était nouveau, j’avais pour moi mon expérience acquise de la vie et une quasi « trousse de secours ». Par expérience de la vie, je veux parler de celle qui aide à se positionner dans le rapport aux autres. Et, dans la « trousse de secours », je place mes a priori pédagogiques et quelques conseils bienveillants de collègues ou d’amis, conseils touchant principalement aux précautions à prendre dans le domaine du contact avec les classes et avec les élèves individuellement. La rentrée des classes a eu lieu et je me suis vite rendu à l’évidence que l’enseignement ne déroge pas à une règle des rapports humains sans cesse mise en avant selon laquelle le premier contact, les premiers regards laissent une empreinte durable dans les relations futures. Je venais de sceller ma première relation d’enseignant avec une classe.

Très rapidement, en fait dès mes premières heures d’animation de classe, les représentations que j’avais de la pédagogie ont été bouleversées. Je me retrouvais dans la situation d’apprenti. Apprenti qui a certes avec lui un bagage de connaissances des disciplines enseignées et qui dispose d’un certain nombre d’outils pour agir mais qui ne sait pas vraiment quand ni comment utiliser à bon escient ces outils. Néanmoins, aussi bouleversantes quelles furent, ces premières heures confirmèrent mon choix d’orientation professionnelle pour l’enseignement. C’est heureux et il s’agit là de ma première et une de mes rares certitudes.

Après une première heure de prise de contact au cours de laquelle je fis remplir aux élèves une fiche sommaire de renseignements, je leur communiquai mes attentes et les règles de travail qui allaient être mises en œuvre et je leur présentai le programme de l’année, le cours fut amorcé par la partie histoire du programme de cinquième : De l’empire romain au moyen âge.

Page 6: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

6

Pour replacer mon propos au plus près de mon expérience, je retranscris en caractères italiques les compte rendus originaux de mes premières heures d’enseignement car ils témoignent à mon avis de l’état d’esprit dans lequel je me situe à cette date. Cette retranscription met en évidence un nombre important d’erreurs de débutant, je demande à mes lecteurs un peu d’indulgence. Premiers comptes rendus de cours Lundi 6 septembre 2004 prise de contact : Heure de prise de contact – Appel - Je me sens observé, j’observe. Elaboration d’une fiche de présentation des élèves. Présentation des règles de travail. Présentation succincte du programme. Remise d’un questionnaire visant à remobiliser les connaissances du programme de l’année précédente pour favoriser la transition avec le programme de cinquième, lecture des questions. Travail à faire à la maison : questionnaire à remplir pour demain. Mardi 7 septembre 2004 Histoire : Ramassage des questionnaires Première leçon : le Monde Byzantin – Travail à partir de 3 documents pour mettre en avant l’évolution territoriale de l’Empire romain d’orient. Réalisation simultanée d’une carte et d’une frise chronologique en classe, exercice guidé avec rétroprojecteur. Exercice visant à mettre en relation l’espace et le temps. Problèmes rencontrés : Ecriture au tableau (lisibilité, consignes pas assez précises qui suscitent beaucoup de questions, entravent le travail et provoquent aussi du relâchement dans l’effort et des bavardages Vendredi : 10 septembre 2004 Histoire : Objectif prévu : rendre le questionnaire du 6 septembre et donner une trace écrite de rattrapage du premier cours pour aborder dans un second temps la religion. Le cours a mal commencé à cause de problèmes d’attention des élèves . Je n’ai pas pu aborder la question de la religion à cause de l’accumulation de retard. J’ai ramassé 3 carnets de liaison, ceci les a calmé. J’ai pu expliquer des notions : Unité / Morcellement. La rigueur m’a permis de gagner de l’autorité sur certains mais je reste réservé par rapport à d’autres. Lundi 13 septembre 2004 Histoire : Christianisme Orthodoxe. Elaboration d’un tableau comparatif des religions chrétienne : orthodoxe et latine, (Culte, liturgie, place du clergé…..) Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes et latins. On explique et on place la date du schisme sur la frise chronologique. J’ai donné un tour de vis en début de leçon (j’ai précisé la discipline ).

Page 7: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

7

La leçon a assez bien fonctionné, mais j’ai éprouvé quelques difficultés à faire élaborer un tableau par les élève (la prochaine fois , il faudra être beaucoup plus clair sur les dimensions du tableau ou alors fournir un modèle). La classe est difficile à «bouger » il me faut plus de temps pour « boucler » la question de la religion. Mardi 14 septembre 2004 Histoire : Religion orthodoxe suite : la diffusion Encore des difficultés au démarrage (beaucoup d’élèves tentent de faire diversion, demandes diverses pour retarder la mise au travail) Mon cours me semble un peu « rugueux », je ne suis pas satisfait de la transition entre l’analyse de document et la trace écrite. Question discipline, il faut continuer à serrer. Le cours sur l’Empire Byzantin est « bouclé » Programmation du devoir d’évaluation pour le Mardi 21septembre 2004. Vendredi 17 septembre 2004 Histoire : Première leçon sur le monde Musulman. Discipline au cordeau (rang, silence, correction d’attitude d’un élève) je n’accepte aucun écart de comportement visant à remettre en cause mon autorité et je l’explique. Travail à partir d’une fiche de questions pour dépasser, pour contourner l’inertie, la lenteur de classe. Exercices variés. J’investis la classe, j’encourage à répondre, je ne vilipende pas les erreurs, cela fonctionne assez bien, trace écrite fournie, recopiée, il faudra voir ce qui à été perçu ? ont-ils compris ? Un de mes élèves vient me voir en fin de leçon et me demande : « que veux dire sélectionner ? » J’explique. Cela confirme qu’il se pose des questions, mais qu’en est il du plus grand nombre qui n’ose pas s’exprimer ? Il faut que je réduise la trace écrite et le nombre de questions.

Interprétation des situations de cours :

Les écrits réalisés au jour le jour, aussi inachevés soient-ils, contiennent une vérité que la mémoire transforme souvent. La relecture de ces exposés de situations de cours s’avère ainsi riche d’enseignements.

Il est possible d’aborder ces écrits selon une double optique. Une première lecture permet d’appréhender la perception que j’ai de la situation sur le vif. Une seconde lecture, plus critique, peut envisager ces écrits au regard de mon expérience acquise.

Dès les premières heures d’animation de classe, un grands nombre d’obstacles se sont fait jour. En effet, au cours des premiers contacts avec la classe, l’inexpérience fait commettre un grand nombre d’erreurs. Ceci est immanquable. De plus, ces erreurs sont aussi nécessaires ou tout du moins bénéfiques à condition que soient repérés les moments de classe où l’enseignement n’a pas bien fonctionné, à condition aussi d’accepter ses propres erreurs et de chercher des pistes de résolution. En qualifiant ces erreurs de nécessaires et bénéfiques

Page 8: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

8

j’accepte l’idée selon laquelle l’apprenant avance grâce à ses erreurs en surmontant les obstacles. Le professeur, placé en position d’apprenant, à fortiori en début de carrière, se perfectionne lui aussi grâce à ses erreurs identifiées. La résolution des problèmes, quant à elle, nécessite du temps car une fois l’erreur repérée, il faut rechercher, mettre en œuvre et s’approprier les solutions. Les difficultés rencontrées sont de différentes natures.

Positionnement dans la classe et autorité :

La première difficulté que j’ai perçue fut celle de mon positionnement par rapport à la classe et la définition de mes critères d’autorité. Mes premiers écrits mentionnent largement les questions de la discipline et de l’autorité : « ramassage de carnets de liaison » le 10 septembre, « tour de vis » donné le 13, volonté « de serrer » les élèves le 14… On peut voir qu’à mes débuts, l’autorité est une de mes préoccupations quotidiennes. Persuadé que les limites doivent être claires aux yeux des élèves pour instaurer un climat de travail, j’ai dès la rentrée inscrit mes relations avec la classe dans cette perspective. Cette préoccupation s’explique en partie par le stress généré par la nouveauté de la situation et la méconnaissance du comportement de l’adolescent. Je me sens quelque peu démuni face à cette situation. Cette perception de l’autorité a certes été confortée par le contenu des modules de formation suivie à l’IUFM, mais en même temps elle évolue, son champs d’action se déplace. Il serait réducteur d’assimiler l’autorité à la simple question de la discipline, nous y reviendrons plus loin en abordant la question des responsabilités liées à la fonction de professeur.

Concernant la question de mon rapport avec la classe, les premières semaines ont également été délicates à gérer. A la lecture du compte rendu de leçon, le temps de classe s’apparente à une véritable course contre la montre. Le 10 septembre par exemple j’envisage de « donner une trace écrite toute faite pour rattraper le retard pris la veille ». Le même jour je n’atteins pas les objectifs d’avancement dans le cours que je m’étais donnés. Le 13 septembre je dis que la classe est « difficile à bouger » sous entendu : « j’ai du mal à faire travailler la classe » et de rajouter : « il me faut plus de temps pour « boucler la question ». Très souvent, durant les premières semaines, je ne maîtrise pas le temps. Je prends ainsi rapidement conscience de ma responsabilité dans cet état de fait et envisage des remédiations qui prennent la forme de travaux sur fiche pour limiter au maximum la prise de note des élèves. Je m’aperçois néanmoins rapidement du caractère provisoire de cette « solution ». En l’absence d’expérience je tâtonne pour trouver les attitudes favorisant le travail des élèves. Je reste un temps passablement insatisfait des résultats obtenus. La résolution partielle de ces difficultés est venu avec le temps, à l’appui des expériences quotidiennes et à été largement favorisée par les conseils de madame Pompier qui m’a aidé à identifier un certain nombre de points à améliorer concernant le rapport que j’avais avec la classe. Ces difficultés relevaient en partie de la distance que j’entretenais avec les élèves. Je n’étais pas assez présent dans les rangs pour dynamiser et contrôler le travail des élèves. Ma voix, mon regard ainsi que mon positionnement trahissaient un manque d’expérience dont les élèves en groupe n’hésitent pas à retourner à leur avantage si on les laisse faire.

Pour autant, l’expérience acquise me persuada peu à peu que l’amélioration de mon rapport à la classe ne pourrait pas être totalement satisfaisant par la seule acquisition de méthode d’encadrement et de dynamisation des élèves.

Page 9: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

9

La question de la pédagogie

Dans le domaine de la pédagogie aussi, les difficultés apparaissent très rapidement. Le 7 septembre je mets l’accent sur « l’imprécision du travail que j’ai demandé » aux élèves. Le 14 je suis insatisfait de la forme que prend mon cours et trouve son articulation trop rigide. Les nombreuses questions des élèves au sujet du bon usage du cahier me persuadent que je n’ai pas fait le bon choix en optant pour une organisation matérielle gauche/droite du cahier. Cet aspect qui n’était au départ qu’un détail pour moi devint très envahissant au point de perturber sérieusement le cours (les élèves ne se sont pas approprié cette organisation, nouvelle pour eux, et moi non plus d’ailleurs certainement). Le fait d’y renoncer permis d’améliorer la situation.

Toutefois la question de la pédagogie est une vaste question qui ne doit pas être assimilée à une juxtaposition de petites astuces favorisant la mise en œuvre du cours. Le choix d’une pédagogie renvoie à des questions de fond sur lesquelles je ne m’étais guère penché auparavant. Or, lorsque le 17 septembre j’écris « cela fonctionne assez bien, trace écrite fournie, recopiée, il faudra voir ce qui à été perçu ? ont-ils compris ? » je pense que je suis au début d’une réflexion qui modifie profondément ma conception de mon intervention dans la classe, auprès des élèves.

En effet, les résultats des premières évaluations de connaissances me convainquent que le modèle de cours « fourniture d’une trace écrite toute faite aux élèves » pour aller plus vite ne constitue pas un choix pédagogique pertinent pour intéresser les élèves. Peu à peu je me rends compte que les bavardages en classe ne s’expliquent pas seulement pas le défaut d’autorité et que en fonction de ce que je demande aux élèves, j’obtiens ou pas une adhésion du plus grand nombre. Cela peut revenir à dire aussi que l’autorité s’acquiert auprès des élèves par le choix d’une pédagogie adaptée à leur besoins. Les prises de conscience successives m’incitent à accorder ma préférence à une pédagogie dans laquelle les élèves sont amenés à construire leurs connaissances. Ceci me paraît être un objectif souhaitable pour le développement des capacités à réfléchir des élèves qui est un gage de leur réussite future. Toutefois il faut relativiser cette compétence en classe de cinquième et trouver le bon dosage entre l’autonomie qu’on laisse aux élèves (autonomie qui relève de la confiance dont on doit leur témoigner) et le soutien qu’on assure. Il s’agit là d’une de mes principales préoccupations du moment qui demeurera centrale très longtemps je l’espère. En même temps ayant conscience du côté empirique de la connaissance, je ne suis pas en mesure d’en dire beaucoup plus en la matière. L’enseignement est un métier dont l’apprentissage demande du temps.

Ce choix pédagogique, fruit d’une évolution, a eu des répercussions sur ma démarche quotidienne. Après m’être interrogé sur la relation entre la pédagogie et la construction des connaissances ainsi que sur la vocation de la pédagogie à favoriser le respect du calendrier de programmation annuel, je me suis questionné sur le choix des contenus de l’enseignement proposé aux élèves. Le choix des contenus, qui fait partie de notre quotidien, relève certes de la liberté de l’enseignant mais aussi de sa responsabilité. Mais avant de développer la question de la responsabilité qui conclura la première étape de mon raisonnement vers la définition des enjeux de l’enseignement des notions dans la discipline histoire, géographie, éducation civique, je dois dire quelques mots sur le groupe d’élèves dont j’ai la charge durant cette année de stage.

Page 10: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

10

Intervention en classe :

L’ Education nationale m’a confié la responsabilité des cours d’histoire géographie éducation civique de la cinquième 2 du collège Clos de Pouilly de Dijon. C’est une classe de 24 élèves constituée de 11 filles et 13 garçons. Mis à part une histoire entre élèves réglée durant le premier trimestre par une exclusion temporaire de 3 jours, le groupe semble présenter une assez bonne cohésion, assez souvent je décèle un esprit solidaire entre eux, ceci est agréable.

Placé pour la première fois dans la situation d’animateur d’une classe, j’ai débuté l’année avec assez peu de points de repère, si bien que mon attention est trop longtemps restée centrée sur le groupe. Très vite cependant, la nécessité aidée des observations et conseils prodigués par les collègues formateurs ou autres m’a amené à considérer aussi les individus.

Du point de vue des relations professeur / groupe, les compétences à développer relèvent principalement de l’animation. Ce niveau d’intervention requiert un énorme travail qui s’acquiert avec sa propre expérience et avec celle des autres.

Le niveau des relations entre le professeur et chaque élève est le niveau dans lequel il faut rentrer pour affiner la pédagogie. C’est à ce niveau que l’on comprend l’hétérogénéité des compétences et des besoins des élèves. C’est à ce niveau qu’il faut travailler principalement pour transmettre des connaissances car l’apprentissage est un acte individuel à bien des égards.

Toutefois, un des mes acquis de cette année, qui me fascine le plus, est l’intérêt à attacher à ces différents niveaux de relation, et, dans une perspective de pédagogie favorisant la construction du savoir par les élèves eux-mêmes, il s’agit de l’intérêt que le professeur a, à s’effacer pour favoriser les échanges d’informations entre les élèves.

Une analyse individuelle des élèves de la classe fait partie du rôle du professeur. C’est en fonction du profil de la classe qu’on adapte les objectifs de progression des savoirs et des savoir-faire. Si l’hétérogénéité du niveau de compétence et de résultat des élèves est une constante, c’est que cette hétérogénéité est au collège unique, ce que les statuts économiques sociaux et culturels sont à la société. Cette hétérogénéité qu’elle soit « naturelle » ou « sociale » est une source de difficultés pour le travail de l’enseignant car elle accroît le nombre de contraintes à prendre en considération dès la phase de conception des séquences, elle implique des choix.

La prise en considération de l’hétérogénéité des élèves s’impose au professeur et est quelque peut déroutante quand on dispose de peu d’expérience. Pourtant l’hétérogénéité des élèves est un état pas si difficile à comprendre si on se réfère à Célestin Freinet dans « Les méthodes naturelles dans la pédagogie nouvelles ». Célestin Freinet parle de plus ou moins grande perméabilité à l’expérience, l’expérience se fondant sur les essais et les erreurs. Pour être plus clair il utilise la métaphore de la goutte d’eau qui, sur un sol perméable, créé un impact. La succession de gouttes sur ce sol finit par tracer un sillon. Ce processus ressemble au processus d’acquisition des savoirs. Chaque contact avec l’expérience modifie le terrain de l’élève, laissant une trace dans le comportement. La durée d’acquisition dépend des individus, pour certains il faut répéter de nombreuses fois avant que l’acquisition ne se fasse car ils sont peu perméables à l’expérience. Pour d’autres, la perméabilité à l’expérience est telle qu’il n’y a pas à répéter les exercices. De plus, pour être dans une situation de disponibilité vis-à-vis d’une nouvelle acquisition, il faut que l’expérience en cours soit validée pour servir de base à une nouvelle acquisition. La compréhension de cet état de fait m’a aidé à réagir face à

Page 11: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

11

l’hétérogénéité de la classe dont j’ai la charge. Je n’ai pour l’instant encore peu de piste à proposer mais je travaille dans ce sens.

Cette nouvelle dimension de l’expérience qui émerge du quotidien, mêlée aux autres expériences, celles que j’ai exposé plus avant ou celle que je n’ai encore pas décrite forme un système qui touche à ce que j’ appellerai la responsabilité de l’enseignant. Pour illustrer cet aspect essentiel du métier d’enseignant, je prends appui sur la séquence que j’ai proposé aux élèves pour l’étude du monde musulman. Le regard porté a posteriori sur cette séquence m’a permis d’une part de repérer quelques une de mes erreurs – étape essentielle pour toute progression – mais aussi de clarifier mes responsabilités d’enseignant.

Page 12: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

12

Analyse de pratique : Séquence Monde Musulman Plan de déroulement de la séquence : Les éléments qui suivent sont une retranscription du support de cours que j’ai élaboré pour mettre en œuvre la séquence sur le monde musulman. Pour ne pas rendre la lecture trop difficile je n’ai conservé que la structure principale permettant tout de même de suivre le fil directeur. La partie I : NAISSANCE ET DIFFUSION DE L’ISLAM a été laissée quasi intacte alors que les parties II : L’ISLAM : UNE RELIGION et III : LA CIVILISATION MUSULMANE ont été beaucoup réduites. Cette retranscription constitue une illustration du rôle joué par ma pratique dans les problèmes rencontrés en début d’année. J’en livre ultérieurement une interprétation personnelle. LE MONDE MUSULMAN I] NAISSANCE ET DIFFUSION DE L’ISLAM Objectif : Présenter Mahomet et le contexte dans lequel naît l’Islam ? Savoirs : polythéisme/monothéisme – Mahomet – Hégire - Islam Savoir faire :Repérer l’information, rédiger des phrases courtes pour raconter un évènement. Fil directeur : Comment naît la nouvelle religion et comment se diffuse t elle ? 1)Le contexte des débuts de l’ islam - Répondre à l’oral, Que montre la carte page 26 ? avec quel procédé ? Il s’agit d’une carte qui nous montre l’évolution du territoire conquis par l’islam. L’évolution est montrée avec la couleur : du foncé pour le plus ancien au clair pour le plus récent. - (Question 3 p 25)Quelle est la région d’où est partie la conquête arabe ? Elle prend naissance dans la péninsule arabique, vers les villes de la Mecque et médine. Mais attention aujourd’hui, le terme « Islam » n’est pas synonyme de « arabe ». - (Question 1 p 25)Date et évènement qui marquent le début de l’ère musulmane ? sur la frise 622 hégire (émigration) Avant l’apparition de l’Islam, les peuples polythéistes (arabes) et monothéistes (juifs, chrétiens) cohabitaient dans la péninsule désertique d’Arabie. Sur ce territoire sans unité, La Mecque, ville caravanière et destination de pèlerinage (sanctuaire de la Kaaba), était la ville la plus importante. 2) l’ hégire (622) : la naissance de l’ islam Document 1 page 26: texte « la révélation » extrait du Livre de l’Echelle de Mahomet Document 2 page 26 : Mahomet sur le mont Hira, Miniature turque 12° siècle Question 1 : D’après le texte, qui fait la révélation ? Ange Gabriel

Réponse attendue

Cours dialogué

Cours dialogué

Page 13: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

13

Question 2 : de la part de qui intervient-il ? Allah = dieu Question : à qui est faite cette révélation ? Mahomet (Mohammad) Question : qu’elle est cette révélation ? croyance en un dieu unique Allah Montrer que « révélation » engendre l’expression de religion révélée. On dit que l’islam est une religion révélée. Quelles autres religion révélées connaissez vous ? Judaïsme, christianisme. On voit par là que ces 3 religions ont des points communs. Souligner la parenté entre les 3 religions révélées (monothéisme, le prophète et son rôle, le salut). Maintenant qu’on a mis en évidence cette opposition monothéisme/polythéisme, essayez d’imaginer ce qui s’est passé au moment de l’hégire Selon la tradition, vers 610, l’Ange Gabriel révèle à Mahomet sa mission prophétique. A partir de 613, le prophète prêche la foi en un seul dieu éternel : Allah et rallie des adeptes. Rejetant la coutume des ancêtres, sa prédication ébranle le système mecquois. En 622, par crainte des persécutions Mahomet et ses fidèles émigrent vers l’oasis de Yathrib (Médine). Cette émigration ou HEGIRE, constitue le point de départ de l’Ere musulmane. 3) la diffusion de l’islam Le travail a consisté à réaliser (plutôt recopier) une carte visant à mettre en avant : Les principales localisations : villes saintes, grandes villes, éléments naturels. Les trois étapes de la conquête musulmane II] L’ ISLAM : UNE RELIGION Objectif : montrer les principes de la religion et leur rôle dans l’expansion de l’Islam Savoirs : Extraits du Coran – Piliers de l’Islam – règles de vie - Djihad Savoir faire : repérer une information – description rédigée d’une pratique religieuse. Fil directeur : Quelle est l’importance de la religion musulmane dans la société,

quel rôle joue-t-elle dans l’expansion de l’aire musulmane ? 1) présentation du coran et de la religion :

Le coran, livre sacre de l’ islam Les 5 piliers de la foi musulmane La vie des croyants

2) la guerre sainte : djihad Le coran appelle à la guerre sainte (djihâd) pour propager l’Islam Entre 632 et 750 le Djihâd permet la conquête d’un vaste empire qui s’étend de l’atlantique à l’indus. Les populations locales peuvent se convertir à l’Islam ou conserver leur religion contre le paiement d’un tribut. 3) Un lieu de culte : la mosquée Reprise du plan de la Mosquée de Kairouan en Tunisie

Eléments à approfondir

Réponse attendue

Travail commencé en classe Et achevé à la maison

Réponses attendues

Page 14: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

14

III] LA CIVILISATION Objectif : Montrer l’importance de la civilisation musulmane Savoirs : la ville musulmane – le commerce – l’héritage Savoir faire : Faire un croquis des échanges entre le monde musulman et les autres espaces Fil directeur : Quelle est l’originalité de la civilisation musulmane ? 1) L’importance de la ville musulmane Les villes sont nombreuses dans le monde musulman. La ville islamique est organisée en quartiers comprenant un centre politique et militaire (palais, garnison, …), un centre religieux ( mosquée), un centre économique (les ports, souks , caravansérail). 2) Un espace d’échange de marchandises et d’idées : A partir d’une carte (document 2 page 25), réalisation d’un croquis mettant en évidence localisations, routes, marchandises échangées.

Monde Musulman

Occident Byzance

Asie

Afrique

Pour chaque territoire les élèves notent les marchandises échangées

Les élèves doivent retrouver le nom des territoires

Réponses attendues

Page 15: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

15

Eléments d’analyse de la séquence :

A l’issue de la séquence d’étude du monde musulman pour laquelle j’ai consacré 5 heures et demie (hors évaluation), je n’arrivais pas clairement à formuler, dans ce que j’avais essayé de transmettre aux élèves, ce qu’ils pourraient en retenir pour comprendre la période étudiée, à savoir le haut moyen âge.

Une des principales raisons que je retiens pour expliquer mon impression d’échec est la cadence imposée aux élèves. Le cours nécessitait une forte participation des élèves qui étaient quelque peu déstabilisés car je leur demandais beaucoup. Le début de la leçon a été abrupt car je leur ai demandé d’interpréter un carte alors que la majorité des élèves n’était pas à l’aise sur ce terrain. Le cours étais trop mécanique. Pour cette seconde séquence de l’année, je me souviens m’être focalisé sur le contenu dicté par le programme officiel et sur le nombre d’heures préconisées. Le résultat donné par cette stratégie n’a pas été satisfaisant car cela faisait trop de choses en trop peu de temps pour les élèves compte tenu de ma faible expérience en animation/dynamisation de la classe. J’ai compris l’importance du savoir faire du professeur dans la transmission des connaissances. En début de carrière il convient à mon avis d’être sage et d’opter pour des projets réalisables. Avec le temps on peut revoir ses ambitions au fur et à mesure qu’augmentent nos capacités à mieux transmettre plus de connaissances. N’ayant pas encore pris la pleine mesure de la situation, je remplissais mon cours sans vraiment penser aux élèves. J’avais en quelques sorte oublié les élèves. Pourtant, mon discours théorique plaçait les élèves au centre de mes préoccupations : « les élèves ne doivent pas hésiter à me poser des questions s’ils ne comprennent pas », « ma démarche vise à inciter les élèves à mettre en relation plutôt qu’à recopier un discours dicté ». Hélas, je me rendais compte que j’étais loin de mon idéal théorique d’une part et que d’autre part cet idéal théorique demandait à être revu.

En effet je sentis rapidement que certains élèves avaient du mal à suivre. Les raisons étaient diverses, je m’efforce depuis à les identifier. Ces difficultés me permirent d’approcher la question de l’hétérogénéité de la classe. Je repérais d’un côté un groupe d’élèves qui suivait à priori le fil du cours et de l’autre un certain nombre d’élèves en difficulté, voire perdus. Les questions, bien légitimes, des élèves, d’autant plus nombreuses que je les sollicitais, ralentissaient l’avancement du cours au point de « m’obliger » à dicter une trace écrite pour arriver à finir à peu près dans les temps. J’en venais donc certaines fois à dicter des traces écrites, prenant peu à peu conscience que ce procédé fini par nuire au travail des élèves puisque ceux-ci savent qu’avec ou sans travail de leur part, ils auront la leçon sur le cahier Je prenais ainsi la mesure de la difficulté à enseigner, difficulté maintes fois évoquée au sein des équipes pédagogiques. Je devais entamer une réflexion sur mes choix de contenus de cours et sur ma pédagogie.

Un second aspect de l’échec rencontré ne tarda pas à se faire jour. Je remarquais que les élèves ne me montraient pas beaucoup d’enthousiasme à travailler sur les sujets que je leur proposais. Globalement, je ne rencontrais pas leur consentement au travail. Je me retrouvais pour un temps face à un problème à résoudre : celui de mettre les élèves au travail. Je comprenais subitement un des sens de cette expression « mettre les élèves au travail » énoncé dans les documents d’accompagnement de programme. Jusqu’à présent je l’avais surtout perçue comme une évidence qui se décrète. Il n’en était rien. La mise au travail des élèves relevait d’un savoir faire à acquérir, savoir faire visant à captiver les élèves : ce que Célestin Freinet avait perçu en disant qu’ « on ne fait pas boire un cheval qui n’a pas soif »

Page 16: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

16

Très rapidement le côté beaucoup trop mécanique, quasi artificiel de mon cours me paru insupportable. Cet aspect mécanique du cours est d’ailleurs fortement perceptible dans la transcription que j’en ai donné précédemment. Je m’étais efforcé d’organiser le cours selon une logique tantôt chronologique, tantôt thématique, animé du soucis reconnu plus haut d’être en adéquation avec les exigences du programme et avec le quota horaire indicatif. Cela ne signifie pas que ce cours était le pire qui n’ai jamais existé, mais il lui manquait quelque chose pour passionner les élèves sans les assommer : je ne mobilisais pas assez leur soif de savoir pour certains, leur imaginaire pour d’autres. Je n’ai perçu qu’après qu’il aurait fallu y mettre un peu plus d’intrigue, un peu plus de vie, par exemple en intégrant à la séquence la lecture d’un extrait des « Contes des Mille et Une Nuits ». Un document de ce type constitue en effet un outil intéressant permettant d’aborder le sujet du pouvoir ou du fait religieux inscrits au programme sous une forme qui mobilise assez bien les élèves . La transcription d’un extrait des « Contes des Mille et Une nuits » qui est faite ici,vise à illustrer la force que peuvent posséder de tels documents pour aider les élèves à rentrer dans un sujet d’étude comparé à d’autres documents « plus scolaires ». Je pense désormais opter pour un usage courant de ce type de documents comme support de cours.

Sous le règne du Calife Haroun Al Rachid, il y avait à Bagdad un marchand qui s’appelait Ali Cogia qui vivait content de ce que son négoce lui produisait. Il eut trois jours de suite un songe dans lequel un vieillard le réprimandait de ce qu’il ne s’était pas encore acquitté du pèlerinage de la Mecque.

Il fallait aussi complètement repenser l’optique dans laquelle je concevais le cours et dans laquelle je l’animais. La façon dans laquelle je concevais le cours devait certes tenir compte des exigences du programmes mais mon approche personnelle devait faire le reste, c'est-à-dire faire coïncider ces exigences avec les miennes : trouver le « profil d’équilibre ». J’avais construit la séquence dans l’optique de présenter un sujet en soi. Il aurait fallu avoir pour objectif prioritaire de relier le monde musulman aux autres espaces étudiées, à ce que les élèves connaissent de ces espaces. J’ai certes achevé la séquence en mettant en évidence ces relations du monde musulman avec ses voisins, mais trop tard, trop timidement. Je m’en suis rendu compte plus tard à la lecture d’un passager de « Histoire Economique et Sociale du Moyen âge » de Henri PIRENNE où il place la charnière antiquité / moyen âge, non pas à la construction des royaumes barbares mais à la rupture que représentait pour les territoires du nord la prise de la Méditerranée par les Musulmans. C’était la fin de la Méditerranée trait d’union. Une telle optique ( qui est celle que je développerai certainement l’an prochain) sans être un modèle, aurait offert l’avantage de redire la relativité de la portée des « invasions barbares » dans la chute de l’Empire romain. Elle aurait permit de réactiver les notions de

Page 17: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

17

territoire, d’unité abordées l’année précédente et aurait surtout permis de donner plus de sens à l’intégration de l’étude du monde musulman dans le programme.

Toujours dans une optique de relation, j’aurai pu aborder lors de cette séquence les relations diplomatiques au moment de l’apogée du califat des abbassides entre Haroun al Rachid, célèbre calife immortalisé par les Contes des mille et une nuit et Charlemagne. J’aurai aussi pu présenter les enjeux de cette rencontre lors de laquelle Charlemagne choisit d’offrir au Calife un drap de Bruges. On voit ici tout l’intérêt de la mise en relation. Parler de Bruges à cette date, c’est porter à la connaissance des élèves l’existence de la draperie flamande et préparer l’étude de l’essor urbain et du commerce qui aura lieu plus tard.. Parler de fermeture de la Méditerranée et l’avancée de l’Islam en Occident c’est annoncer la Reconquista et préparer à la période des Grandes Découvertes.

Aborder l’accord autorisant les chrétiens à se rendre en pèlerinage sur les lieux Saints c’est préparer la compréhension par les élèves des départs en Croisades. C’est tout l’intérêt de considérer les séquences dans une optique de relation. Cette prise de conscience salutaire me permit d’envisager mon métier dans une nouvelle optique et de mettre le doigt sur les responsabilités inhérentes au métier d’enseignant .

Ce cheminement permis par l’expérience m’a aidé à clarifier ma vision des responsabilités d’enseignant

La responsabilité de l’enseignant :

L’enseignant assure une fonction sociale importante qui est énoncé dans les documents d’accompagnement des programmes de collège. Les finalités de l’enseignement de l’histoire géographie, éducation civique sont d’ordre intellectuelles, civiques, patrimoniales et culturelles. La mission de l’enseignant est donc de favoriser l’acquisition par l’élève d’un état d’esprit et de connaissances lui permettant de s’insérer dans la société. La mission de professeur d’histoire, géographie, éducation civique au collège n’est donc pas de former des historiens et des géographes mais des citoyens responsables. La valeur des disciplines en question réside en ce qu’elles constituent des outils privilégiés de décryptage du monde contemporain et d’acquisition des apprentissages fondamentaux. Ce fait mérite d’être souligné dans un contexte où l’échec scolaire conduit les individus dans des situations économiques et sociales de plus en plus difficiles à surmonter. « Le sort de ceux qui sortent sans diplôme du système scolaire est peu enviable. En 1975, 90% d’entre eux avaient trouvé un emploi quatre ans après leur arrivée sur la marché du travail. Aujourd’hui ils ne sont plus que 65% dans ce cas. (Le Monde du 6 février 2005)

La mission du professeur n’est donc pas sans conséquences. L’enseignant doit être irréprochable dans les domaines dont il a la charge et qui font partie de ses responsabilités.

Responsabilité d’asseoir son autorité.

Du point de vue de la relation avec la classe, le professeur doit être capable de mettre en place une ambiance sereine permettant de remédier aux difficultés rencontrées, notamment celles qui relèvent des élèves n’acceptant pas les règles de l’école et les contraintes. Le professeur doit pour cela assurer son autorité en faisant au mieux. Nous touchons-là au

Page 18: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

18

domaine de la discipline énoncé précédemment. Il convient en effet d’être humble en la matière, surtout en début de carrière, car l’autorité est une des expressions de la relation humaine la plus difficile à instaurer et à maintenir. Quelques règles peuvent être énoncées.

Pour faire appliquer les règles de comportement, il faut que le professeur les appliquent lui-même par la sincérité de son implication, la ponctualité de ses interventions et le respect qu’il témoigne envers les autres en général et envers les élèves en particulier.

L’autorité s’acquiert aussi en ralliant les élèves à la cause défendue pour le projet d’éducation. L’élève doit comprendre la chance qu’il a de vivre dans un système qui lui permet d’apprendre, il faut favoriser la perception par l’élève de l’intérêt des savoirs qu’il rencontre à l’école. Ses efforts ainsi que ses progrès doivent être valorisés.

Enfin l’autorité s’acquiert par la justesse du jugement et par le côté raisonnable des exigences imposées par le professeur. Ce dernier point est fondamental et sera développée plus précisément car il est au cœur de mes préoccupations.

Responsabilité pédagogique

Lorsque j’ai abordé précédemment mes difficultés d’ordre pédagogique, j’ai, concernant la journée du 17/09, présenté mon interrogation au sujet de ce que perçoivent les élèves, en définitive, comme un déclic dans ma réflexion et ma façon d’enseigner . Je prenais conscience qu’il s’installait une sorte de quiproquo entre les élèves et moi. Autrement dit mon discours n’était pas adapté à la situation : « le jeune professeur tire souvent dans le plafond » me dit un jour un collègue. Depuis ce jour, une de mes principales préoccupations d’enseignant est la recherche de pertinence et d’efficacité. Etant responsable de l’acquisition par les élèves des contenus définis par les programmes officiels, je recherche les moyens pour arriver à cette fin. La première année oppose à cette quête un certain nombre de difficultés car toutes les options sont à définir en même temps que l’assimilation des autres facettes incontournables du métier sur lesquelles j’ai mis l’accent précédemment (relation avec la classe, animation de la classe, choix des supports de travail…) Un des points le plus délicat est d’envisager un enseignement dans un processus d’apprentissage continu. Pour cela, il faut bien sûr connaître les programmes, instructions officielles de la classe de 5° ainsi que les contenus cognitifs, mais il est important aussi de se référer aux programmes amonts et avals. Une des responsabilités du professeur est d’apprendre à organiser une année scolaire dans une perspective pluriannuelle favorisant une acquisition progressive des notions. Nous verrons par la suite que c’est par l’acquisition des notions que les élèves donnent du sens aux savoirs enseignés. Cette responsabilité inclus aussi la nécessité de permettre une réactivation régulière, je le rappelle, des connaissances des élèves, car c’est par la succession des expériences que la construction des connaissances se fait.

La responsabilité de l’enseignant implique donc des choix car il serait illusoire de penser pouvoir céder à la tentation de « tout dire » et d’atteindre une quelconque cohérence assimilable par les élèves qui suivent par ailleurs un enseignement pluridisciplinaire très exigeant dans un système d’enseignement obligatoire L’enseignant doit ainsi faire des choix. Il doit faire des choix des contenus qui vont servir ses objectifs. Il doit aussi faire des choix d’activités prenant en compte les acquis et les capacités des élèves, c'est-à-dire établir une progression.

Face aux difficultés et interrogations que je rencontre au quotidien, j’ai été amené à réfléchir à la place de la notion dans ma pédagogie et à la place de la notion de pouvoir en particulier.

Page 19: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

19

L’ APPROCHE NOTIONNELE DANS LA PÉDAGOGIE

Mon a priori pédagogique

Un retour sur le compte-rendu de mes premières heures d’enseignement montre que le recours à la notion n’est pas étrangère à ma pédagogie. « Mettre en relation Temps et Espace » le 7 septembre, « expliquer les relations entre la configuration des territoires (Unité ou Morcellement) et l’efficacité du pouvoir » le 10 septembre, sont deux exemples parmi d’autres que le recours à la notion n’est pas étrangère à ma pédagogie. Il n’y a là rien d’étonnant car la notion fait partie intégrante des outils de la compréhension. toutes les séances de cours auxquelles j’ai pu assister en tant qu’observateur durant cette année de stage se sont référées à un moment ou à un autre à des notions car la compréhension et/ou l’explication des faits nécessitent le recours à l’usage de la notion qui, définie comme objet abstrait de connaissance, permet de relier les faits étudiés à des objets réels de pensée.

Toute entreprise pédagogique implique une abstraction, c'est-à-dire un changement d’échelle d’observation ou un changement de point de vue pour rendre la « chose étudiée » plus facilement intelligible. Souvent on change d’échelle ou de point de vue en fractionnant le fait considéré et en extrayant les éléments pour les expliquer. C’est en mettant en relation cet élément isolé avec d’autres phénomènes qu’on arrive à comprendre, à interpréter.

La discipline historique tire particulièrement profit du recours à l’abstraction. En effet, faire de l’histoire, c’est avant tout comprendre les actions des hommes qui ont vécu. Ceci nécessite un effort intellectuel car pour comprendre les actions humaines pour un période donnée plusieurs conditions doivent être réunies à mon sens.

La première condition est de prendre du recul par rapport aux faits. L’objectif n’est pas de juger un fait ( même si dans des cas comme celui de la « solution finale nazie » il est difficile de ne pas faire autrement) mais de la replacer dans son contexte. Le rapport des hommes à la vie, à l’au-delà, au matériel… varie fortement d’une époque historique à une autre ou d’un espace à un autre. La compréhension des faits historiques demande donc à ce que les faits étudiés soient replacés dans le système de valeur qui leur correspond (première abstraction).

La seconde condition est de s’interroger sur les intentions qui animent les Hommes dans leurs actions. C’est la prise en compte des mobiles de l’action qui en livrent le sens ou une partie du sens. (deuxième abstraction)

La troisième condition est la transcription des actions passées dans un langage et une forme de pensée qui a du sens aujourd’hui. La compréhension des faits passés mobilise les objets de la pensée d’aujourd’hui. (troisième abstraction)

Ce bref plaidoyer pour le recours à l’abstraction dans la discipline historique constitue en quelque sorte l’état d’esprit dans lequel j’abordais le métier d’enseignant. Cet état d’esprit représente mon vécu de la discipline. Il est appelé à évoluer avec l’expérience. Progressivement mon a priori pédagogique s’est transformé. Je me suis rendu compte que j’intégrais l’approche notionnelle à ma pédagogie comme par réflexe, à la façon que j’avais intégré l’approche notionnelle et conceptuelle pour forger mon propre savoir. Mais je n’avais pas encore beaucoup réfléchi à une pédagogie plaçant la notion au cœur de mon enseignement. Et, face à l’insatisfaction que je ressentais quand je constatais le manque d’unité de mon cours, je me suis donc mis en quête de nouvelles pratiques de classe.

Page 20: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

20

Il n’est pas toujours aisé d’identifier les raisons qui font qu’une séance réussit ou qu’elle ne fonctionne pas. Les tentatives de remédiation ne sont pas toujours adaptées, mais peu à peu, des habitudes de travail se prennent dans le groupe et on arrive peu ou prou à identifier certains facteurs favorisant la réussite. J’ai remarqué par exemple que lorsque j’arrive à formuler un fil directeur de séance invitant les élèves à reconstituer un raisonnement logique, un nombre appréciable d’entre eux s’investit. Concernant mon expérience, cette stratégie a bien fonctionné plusieurs fois.

Elle fût notamment efficace lors de l’étude du « temps des crises aux 14° et 15° siècles » qui clôt le chapitre « cadres politiques et société au moyen âge ». Après avoir expliqué aux élèves que j’attendais d’eux qu’ils m’expliquent pourquoi on pouvait parler de crise et à quoi étaient dues ces crises, je demandais aux élèves d’identifier un phénomène caractéristique de la crise à partir de la lecture d’un diagramme. Le diagramme d’évolution de la population que je leur proposait montrait nettement la rupture entre la période de croissance démographique du 13° siècle et la période suivante où la population diminue d’un tiers. L’accent ayant été mis sur les caractères d’une situation de croissance lors des leçons précédentes (croissance démographique, développement du commerce, défrichement…), le phénomène de dépopulation fut vite assimilé à la crise. Il suffisait alors de faire émerger la question qui devait servir de fil directeur pour la suite de la leçon. Le simple fait de dire que nous passions de la phase d’identification/description à la phase d’explication permit aux élèves de formuler le question des raisons du recul démographique : « Pourquoi la population diminue-t-elle d’un tiers aux 14° et 15° siècles ? » Les élèves étaient ensuite invités à rechercher dans leur manuel un aspect de l’explication à la crise afin de réaliser un croquis. Chaque élève pouvait ainsi rechercher un ou plusieurs aspect(s) du phénomène crise et apporter sa contribution à la question. C’est lors de cet échange qu’étaient alors précisées un certain nombre de notions (épidémie, famine, guerre, peste…). Un schéma de ce type était ensuite construit :

LA CRISE DE L’OCCIDENT AUX 14° ET 15° SIECLES :

FAMINE (ou disette)

PESTE Peste noire 1348

GUERRES Guerre de cent ans

1337 / 1453

DEPOPULATION UNE PERSONNE

SUR TROIS MEURT EN OCCIDENT

FIN DE LA PERIODE D’EXPANSION

� : dépopulation � : violences rurales et urbaine � : croyance en la punition divine, les chrétiens demande protection aux Saints � : dans l’art, on voit la souffrance et la mort, ainsi que la hantise de la famine

Page 21: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

21

Il serait illusoire de présenter cette stratégie comme un modèle. J’ai simplement remarqué qu’elle fonctionnait assez bien dans son principe qui est de créer une sorte d’énigme à découvrir, une sorte de challenge pour l’élève. L’avantage de cette forme de travail est qu’elle n’est pas figée ni statique. Il est possible de lui rattacher d’autres stratégies comme celle visant à inciter les élèves à compléter un ensemble de documents dans lesquels certaines informations non présentes doivent être retrouvées par déduction/réflexion ou encore ces exercices dans lesquels on doit reconstituer un ordre ou un schéma à partir d’une succession d’affirmation.

Il est intéressant de constater que ces exercices incitent les élèves à proposer des hypothèses pour répondre à la question ou résoudre le problème. C’est à ce moment là qu’on laisse à l’élève une part d’autonomie dans sa stratégie de résolution des questions et qu’il construit ses connaissances. C’est à ce moment aussi qu’on constate l’hétérogénéité du groupe. Chaque élève développe plus ou moins chaque type d’intelligence. Certains réussissent à l’oral, d’autre se sentent mieux à l’écrit. De même chaque élève a ses portes d’entrée préférées dans la réflexion. Pour certain, la réflexion est stimulée par le récit alors que d’autres préfèrent les images et d’autres encore sont plus sensibles au texte. Il est souhaitable de prendre en compte ces éléments et j’inscris cet aspect à la liste de mes objectifs à moyen terme.

Mais il est un aspect beaucoup plus rapidement exploitable. Ces expériences réussies m’ont montré que les élèves adhèrent plus facilement aux projets qu’ils construisent qu’aux projets qu’on leur fournit « clés en main ». Les élèves construisent leurs savoirs en maniant les notions. Je considère ainsi de plus en plus mon cours comme l’occasion d’un travail sur les notions. Bien entendu, il n’est pas question d’étudier les notions en soi. C’est à partir des documents, c’est à partir des faits que les notions sont abordées. Et c’est en mettant en relation les faits comme j’en ai souligné l’importance dans l’exemple de la séquence traitant du Monde musulman que l’on permet la construction des notions chez l’élève. Reconnaître la capacité des élèves à mener des raisonnements abstraits relève de l’évidence à mon avis. La difficulté réside dans sa mise en œuvre. Pour construire leurs connaissances, les élèves ont besoin de rattacher les notions les unes aux autres de manières à donner du sens. Pour cela ils ont besoin d’aide et de méthode, c’est le rôle dévolu à l’enseignant de leur apporter.

C’est donc à ce moment que l’enseignant doit faire des choix. Le mien est d’envisager une approche qui incite à considérer en priorité les rapports de pouvoir dans la société.

La chronologie de progression de mon projet pédagogique a été la suivante. Il a fallu que je prenne conscience de l’importance de la place de la notion dans le travail de l’enseignant, il a fallu ensuite que je constate que l’étude des notions est non seulement envisageable mais aussi souhaitable car elle facilite l’apprentissage des élèves ainsi que le travail de l’enseignant, pour commencer à construire un projet autour de la notion de pouvoir .

Pourquoi placer les notions de pouvoir au cœur de l’enseignement ?

Avant d’exposer les raisons qui motivent ce choix je dois préciser que le fait de privilégier l’intégration d’une notion (le pouvoir) dans le programme ne signifie pas que cette étude sera exclusive. Au cours de chaque séance, nous manions de nombreuses notions, les unes entrant en résonance avec les autres de sorte à favoriser une imbrication des connaissances, indispensable pour développer chez l’élève la capacité de transfert. Le fait de

Page 22: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

22

placer la notion de pouvoir au centre du questionnement de classe, contribue à orienter le fil directeur du programme annuel, autrement dit la programmation.

Une première raison qui motive ce choix est que la notion de pouvoir est une des notions privilégiées de la discipline historique. En effet, l’histoire, en étudiant la vie des sociétés ainsi que les rapports sociaux s’intéresse aux relations de pouvoir qu’entretiennent les hommes entre eux. Ce choix permet la mise en avant d’un large éventail de relations pour favoriser la compréhension des élèves, car les relations de pouvoir ne sont pas confinées à la sphère politique mais investissent de larges champs propres aux diverses sciences humaines. Cette approche de l’histoire par la notion de pouvoir permet en outre de s’émanciper de la chronologie. Cette liberté me permettra j‘espère de dépasser le sentiment désagréable de se sentir presque obligé, du fait de la vision linéaire qu’on peut avoir de l’histoire,de combler les vides chronologiques entre deux « périodes » étudiées.

Une seconde raison qui motive le choix des relations de pouvoir est l’intérêt que présente cette notion au regard des principales finalités de l’enseignement : favoriser la compréhension du monde et permettre aux élèves de devenir des citoyens responsables. La notion de pouvoir est en effet au cœur de la régulation des rapports sociaux. Tout individu, du fait qu’il vit en société, est confronté aux rapports de pouvoir, qu’il les exerce ou les subisse de façon plus ou moins consciente. Pour participer à la citoyenneté, il est important que chacun dispose des outils permettant de reconnaître les situations de pouvoir afin de comprendre le monde qui nous entoure. Permettre à l’individu devenu adulte de reconnaître les situations de pouvoir et faire en sorte qu’il soit conscient des enjeux, sont deux objectifs de la démarche. Les programmes de collège doivent y contribuer.

Une autre raison qui confère de l’intérêt à la notion de pouvoir est qu’il s’agit d’une notion englobante, très générale que l’on retrouve tout au long des cycles d’apprentissage de collège et dans les deux disciplines histoire géographie. Il est donc utile de travailler sur cette notion car elle sert de trait d’union entre les disciplines ainsi que d’un cycle à l’autre. En d’autres termes, elle peut constituer un outil de décloisonnement des savoirs ce qui me paraît essentiel pour que les connaissances scolaires deviennent des connaissances pratiques.

Repérer la notion de pouvoir dans le programme

Voici assez schématiquement la façon dont j’ai abordé la notion de pouvoir depuis la rentrée de septembre.

thème Notion (attribut) Savoir-faire

Rupture de l’unité romaine Unité/morcellement Repérer le morcellement politique au IX° siècle (carte)

Empire Byzantin Nature et exercice Mettre en avant les deux pouvoirs de l’administration (temporel/ spirituel)

Page 23: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

23

Unité Repérer et mettre en avant les ressemblances entre code justinien et droit romain

Territoire

Prendre conscience de la puissance du monde musulman à l’aide d’une carte

Lieu de pouvoir Mettre en avant les fonctions de la ville à partir d’un plan

Monde musulman

Nature et exercice Comprendre l’autorité politique et religieuse du Calife

Nature Voir la justification religieuse du pouvoir avec le baptême de Clovis ou le couronnement de Charlemagne

Exercice A partir du serment de fidélité, voir les difficultés d’exercice du pouvoir (centralisation , Missi Dominici)

Empire carolingien

Unié/morcellement Mettre en relation texte (serment de Strasbourg) et carte (partage de Verdun)

Hiérarchie Schéma de la hiérarchie

Nature Repérer le pouvoir politique, économique et social de l’Eglise (Paix de Dieu, Dîme, hôtel Dieu)

L’Eglise

Symbole Etude d’un monument gothique

Forme Distinguer Royaume, empire cité-état sur une carte

Hiérarchie Schéma organisation du royaume et société féodale

Cadre politique et société

Lieu de pouvoir La seigneurie

L’étude de la notion de pouvoir, parce qu’il s’agit d’une notion englobante, est complexe à présenter. Mon approche de la notion, pour l’instant, a plus été dictée par l’intitulé du programme et les recommandations que par une vision claire d’un parcours réfléchi à l’avance. Par commodité, je limiterai la critique de mon travail à deux aspects.

Le premier aspect concerne la façon dont la notion est travaillée à chaque séance. Au départ, la notion est travaillée sans être définie en tant que telle. Elle est abordée trop confusément, simultanément aux autres notions (croyances, société, activités…) mais elle fini

Page 24: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

24

par émerger progressivement. C’est à ce moment que j’ai essayé de faire percevoir aux élèves ce que je percevais personnellement de la notion de pouvoir, et j’ai souvent constaté que les élèves trouvaient la réflexion demandée difficile. C’est le travail que je demandais qui était difficile et pas tant l’approche d’une notion. Mes consignes n’étaient pas adaptées parce qu’elles n’étaient pas suffisamment maîtrisées du point de vue du langage utilisé. Par exemple, en demandant à des élèves de mettre en relation un texte et une carte je faisais appel à une compétence de raisonnement de l’information alors qu’une majorité des élèves de la classe n’en sont pour l’instant qu’au stade de repérage de l’information. J’ai réajusté en redéfinissant la consigne de travail, en distinguant les différents niveaux d’exigences : relever – organiser – raisonner l’information et en m’en tenant à leur niveau de compétence. Ce travail est demeuré difficile pour nombre d’entre eux mais ce n’est pas une raison pour renoncer d’autant plus que les élèves progressent. Je pense que ces difficultés relèvent du fait que les élèves ne sont pas habitués à travailler de cette façon qui requiert un minimum d’engagement et d’autonomie. Je remarque aussi que les élèves qui ont le plus de facilités, ceux que j’ai présenté précédemment comme les plus perméables à la connaissance, ont besoin d’être mis en face de situations « un peu complexes » pour conserver leur motivation. L’expérience m’a appris que, si il est difficile d’accepter que des élèves en difficultés se rendent régulièrement indisponibles aux apprentissages de classe, il est encore plus regrettable de constater que des élèves aux forts potentiels perdent leur motivation parce que le cours stagne. Il convient donc de trouver des solutions qui puissent mobiliser le plus de monde possible. Pour cela, je m’efforce de mettre en oeuvre la démarche inductive qui fait avancer la réflexion du fait historique vers son explication. Les vertus de cette démarche me sont apparues progressivement au fil de ma pratique et des formations disciplinaires à l’IUFM. La mise en œuvre de la démarche inductive doit aussi permettre de créer des unités de travail qui correspondent à la séance. Chaque jour, l’élève doit pouvoir quitter le cours avec une acquisition identifiable, repérable dans le cahier et par le fait, mémorisable.

Ce premier aspect présenté fait corps avec le second, qui est celui de la programmation/progression.

En effet, après avoir défini mes niveaux d’exigence en terme de compétences, il me fallait définir mes objectifs de connaissance à l’échelle des séquences et même à l’échelle du programme de l’année : que doit savoir l’élève. Cet aspect me renvoie à la place de la notion dans le programme. Au départ, l’étude de la notion de pouvoir n’est pas programmée. Je l’intègre à mon enseignement de façon quasi instinctive. Elle est utilisée au fil du programme. C’est peu à peu qu’elle s’est inséré dans ma programmation de façon réfléchie car elle ressort comme élément dominant de mon interprétation du programme. Pour autant la progression de l’apprentissage de la notion n’est pas encore clairement définie, le choix des attributs étudiés n’est pas finalisé et il faut être prudent avant d’intégrer aux apprentissages un nouvel aspect de la notion car cela risque de conduire les élèves de cinquième à la confusion plus que de les aider à se forger leur connaissances. La programmation doit prévoir des retours successifs sur chaque attribut déjà vu au cours de l’année et doit aussi rechercher la clarté dans un souci d’efficacité. Elle doit chercher à utiliser les liens entre les trois disciplines enseignées par le professeur d’histoire, géographie éducation civique pour décloisonner les connaissances des élèves et faciliter les capacités de transfert. Ce décloisonnement n’empêche pas de conserver la démarche méthodologique propre à chaque discipline. Enfin, dans le cadre de la démarche inductive, les documents d’appui seront choisis prioritairement parmi les documents patrimoniaux inscrits au programme pour ne pas alourdir inutilement les séquences. Il m’est arrivé de manquer de temps pour étudier un document inscrit au programme après avoir passé du temps sur des documents moins significatifs.

Page 25: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

25

Ces deux remarques constituent des pistes de travail pour l’avenir. Une des questions posées visera à déterminer la place relative des phases de travail à l’échelle des séquences. Le travail de découverte favorisé par le démarche inductive doit être suivi de séances d’activités formatives où les élèves s’approprient les notions en transformant les savoirs en connaissance. Ce travail peut s’envisager par exemple en demandant aux élèves d’approfondir les aspects entrevus lors de la première phase à l’aide des documents du manuel de classe. Cette remarque constitue une hypothèse que je suis en train de mettre en place en leçon de géographie.

Définir la notion de pouvoir en repérant ses attributs.

Dans l’observation des rapports sociaux, nous pouvons remarquer que certains individus agissent sur le comportement d’autres individus et les amènent par divers moyens à se conformer à leur volonté. Cette capacité dont tous les individus font usage à un moment donné, nous montre que pris dans ce sens le pouvoir n’appartient pas à une seule personne. L’exemple des obligations réciproques du vassal et du suzerain en est une expression. Chacun des deux personnages dispose d’un pouvoir sur l’autre. Ceci est un aspect à ne pas perdre de vue car la vision unilatérale du rapport de pouvoir est erronée.

La notion de pouvoir doit aussi s’intéresser aux acteurs et aux relations de pouvoir. Il s’agit d’observer comment s'impose la volonté des uns à celle des autres, comment s'obtient le consentement ou pourquoi il en est ainsi que certains dirigent et que d’autres sont dirigés.

La notion pouvoir est complexe, un cours ne saurait prétendre faire le tour de la question. Afin d’organiser l’étude et favoriser l’assimilation de la notion, je pense qu’il est souhaitable de limiter l’étude à un nombre restreint d’attributs et d’y revenir plusieurs fois dans l’année. Il est mieux de s’attarder plus longuement à bien apprendre peu de chose que de s’éparpiller en apprenant peu sur beaucoup de choses. L’idée est de se concentrer sur l’essentiel et sur ce qui suscite l’intérêt des élèves pour favoriser la construction des savoirs. Pour être efficace, les informations retenues seront précises. Les mots utilisés, les définitions, le résumé de fin de leçon seront clairs et sans ambiguïté. Les connaissances doivent être actualisées même si il est tolérable de faire des concessions au discours trop rigoureux dans une optique de simplification. Pour aider les élèves à comprendre et à accepter les règles de notre monde l’étude mettra en avant les interdépendances et reconnaîtra le rôle et l’utilité de chacun dans la société.

Page 26: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

26

Mon approche de la notion de pouvoir n’est pas aboutie et doit être considérée comme un projet provisoire, appelé à évoluer en même temps que mes représentations. La structure actuelle de mon approche retient trois pôles. La notion s’envisage par un triple questionnement : Qui ? Pourquoi ? Comment ? Chacun des pôles peut être approfondi par une des entrées proposées (une à la fois). C’est sur cette base de travail que la progression des connaissances pourra être envisagée.

Ceci revient à envisager comme principaux aspects

- Qui détient le pouvoir ? :

- présentation des personnages (chefs/serviteurs/sujets – institutions - hiérarchie)

- les symboles du pouvoir

- charges / responsabilités / obligations

- avantages attendus et retirés (intérêt personnel / désintéressement)

- Formes politiques (monarchie, république… )

- Formes de pouvoir : législatif, exécutif et judiciaire

- Pourquoi ? (Sur quoi repose le pouvoir ?) :

- légitimité du pouvoir = type de domination (coutume / charisme / légalité)

- les fondements du pouvoir (peur de vengeance, espoir de récompense)

- le savoir

- Comment ? (L’exercice du pouvoir) :

- les procédés utilisés pour obtenir l’obéissance (distinguer état-major / sujets)

- Menace (crainte de perdre les avantages, châtiments matériels)

- Récompense (rétribution et honneur social : gloire, butin, bénéfices, fief…)

- persuasion

- Les moyens de l’exercice ( encadrement des hommes, moyens financiers, militaires)

- mesure de la puissance [concentration des moyens, territoire (unité / morcellement)]

- les lieux de pouvoirs

- Manifestation du pouvoir ( être vu / être en représentation)

Pourquoi ?

Qui ?

Comment ?

Page 27: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

27

CONCLUSION

Ainsi, ma vision de l’enseignement se structure avec l’expérience. Ce travail de réflexion sur mes premières heures d’enseignement a permis de mettre en avant quelques aspects des difficultés et succès rencontrées, mais aussi et surtout peut être, il m’a permis de faire évoluer ma vision de l’enseignement au collège. Ce travail m’a aidé à prendre conscience de la complémentarité entre connaissances disciplinaires et compétences pédagogiques. Il m’a aussi permis de mieux définir le regard sur la connaissance que je souhaite transmettre aux élèves. Si le sujet a été abordé principalement du point de vue de la discipline historique, c’est que mon sujet de départ était ainsi défini.

Or, après avoir réfléchi sur le sujet, ce cloisonnement entre les disciplines ne me paraît pas souhaitable au collège. Depuis quelques semaines, il m’est apparu utile de décloisonner l’approche de l’histoire, de la géographie et de l’éducation civique pour faire en sorte que ces savoirs scolaires a priori théoriques deviennent des connaissances utiles dans la vie de tous les jours. De même, il faudra envisager les liens entre les séquences des différents cycles du collège. Lorsque je considère les difficultés à motiver certains de mes élèves, je me dis que ce projet n’est peut être que vaine espérance. Cependant si les difficultés rencontrées face aux réalités de la classe peuvent me conduire à reconsidérer ce projet dans sa forme, la définition du projet dans son fond relève à mon sens d’un objectif suffisamment accessible et propre à favoriser la mise en œuvre du programme pour être poursuivi.

Ma première expérience de l’enseignement m’a aussi persuadé qu’en la matière, les petites réalisations valent souvent mieux que les grands projets. C’est la raison pour laquelle je n’inscris pas l’achèvement de ce projet en urgence dans ma démarche, l’essentiel à mon avis étant de définir des objectifs clairs et raisonnables pour pouvoir être atteints.

Page 28: IUFM DE BOURGOGNE · Etude d’une mosaïque de Ravenne pour mettre en avant la puissance de l’Empereur sur la religion. Cette étude nous conduit aux rivalités entre orthodoxes

28

Mettre en apprentissage la notion de pouvoir en classe de cinquième

Pourquoi et comment utiliser la notion de pouvoir comme fil directeur du programme d’histoire de 5° ?

RÉSUMÉ : L’enseignement de l’histoire géographie au collège est un métier exigeant qui ne s’improvise pas. La première année d’enseignement constitue une première occasion de mettre en œuvre un programme. Des enseignements tirés des difficultés rencontrées lors de cette mise en œuvre, émergent peu à peu les principes d’une démarche personnelle visant à accorder à la notion de pouvoir un place à part dans la programmation annuelle. MOTS CLÉS : Décloisonnement - Information concernant l’établissement en responsabilité : Collège Clos de Pouilly de Dijon Classe de cinquième.