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IV. - MUTATIONS ET RÉFORMES'DE STRUCTURES DE L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE Si le problème de l'enseignement a préoccupé les Tunisiens, et si ceux-ci l'ont défendu avec vigueur dans l'espoir de le faire évoluer pendant le protec- torat, il est resté d'une actualité brûlante, une fois que les Tunisiens ont accédé à l'indépendance politique. Ils se sont fort heureusement vite rendu compte que cette indépendance n'était pas et ne pouvait pas être une fin en soi. Tout leur restait à faire et l'enseignement paraissait à nouveau comme la pierre angulaire de toute entreprise de réforme ou de modernisation. Les citoyens tunisiens étaient en mesure de demander des comptes à leurs responsables et ceux-ci ne les ont pas déçus apparemment. Les respon- sables tunisiens sont, en principe, plus que jamais à même de réaliser ce qu'ils n'ont fait que solliciter des autres. Mais à la longue, ils s'aperçoivent aussi que l'oeuvre qu'il entreprennent n'est jamais parfaite et que des solutions nouvelles doivent sans cesse être apportées à des conditions nouvelles, quand ils ne sont pas purement et simplement stoppés dans leur élan par une situation financière qui n'est pas à la hauteur de l'oeuvre envisagée. D'autre part, les responsables tunisiens ont trouvé à leur arrivée au pouvoir une infrastructure que certains d'entre eux avaient contribué à élaborer mais qu'il fallait compléter ou réorganiser complètement. Tel est le cas de la réforme de 1949 et du plan théorique de scolarisation de 1949, tel est aussi le cas de la réforme tunisienne de l'enseignement de 1958 qui se voit elle-même contestée et corrigée par les aménagements apportés par la réforme de 1967. Tel est le cadre que nous aurons à étudier. Nous essaierons ainsi de dégager de cette oeuvre continue, mais en mutation quasi permanente, les caractères constants ou les modifications originales. Mais voyons auparavant, qu'elle était l'organisation des divers enseignements avant l'indépendance tunisienne. Sous le protectorat français l'enseignement en Tunisie n'était pas unifié mais divers à tous les niveaux de l'enseignement. L'enseignement primaire comprenait trois types d'écoles: - L'école française destinée plus particulièrement aux enfants de la colonie européenne, mais qui restait en principe (1) ouverte à tous. (1) En effet. dans certaines régions et notamment dans ce qu'on appelait les territoires militaires (sud tunisien) ces écoles étalent exclusivement réservées aux enfants de la colonie européenne et israélite,

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IV. - MUTATIONS ET RÉFORMES'DE STRUCTURES

DE L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

Si le problème de l'enseignement a préoccupé les Tunisiens, et si ceux-ci l'ont défendu avec vigueur dans l'espoir de le faire évoluer pendant le protec­torat, il est resté d'une actualité brûlante, une fois que les Tunisiens ont accédé à l'indépendance politique. Ils se sont fort heureusement vite rendu compte que cette indépendance n'était pas et ne pouvait pas être une fin en soi. Tout leur restait à faire et l'enseignement paraissait à nouveau comme la pierre angulaire de toute entreprise de réforme ou de modernisation.

Les citoyens tunisiens étaient en mesure de demander des comptes à leurs responsables et ceux-ci ne les ont pas déçus apparemment. Les respon­sables tunisiens sont, en principe, plus que jamais à même de réaliser ce qu'ils n'ont fait que solliciter des autres. Mais à la longue, ils s'aperçoivent aussi que l'œuvre qu'il entreprennent n'est jamais parfaite et que des solutions nouvelles doivent sans cesse être apportées à des conditions nouvelles, quand ils ne sont pas purement et simplement stoppés dans leur élan par une situation financière qui n'est pas à la hauteur de l'œuvre envisagée.

D'autre part, les responsables tunisiens ont trouvé à leur arrivée au pouvoir une infrastructure que certains d'entre eux avaient contribué à élaborer mais qu'il fallait compléter ou réorganiser complètement. Tel est le cas de la réforme de 1949 et du plan théorique de scolarisation de 1949, tel est aussi le cas de la réforme tunisienne de l'enseignement de 1958 qui se voit elle-même contestée et corrigée par les aménagements apportés par la réforme de 1967.

Tel est le cadre que nous aurons à étudier. Nous essaierons ainsi de dégager de cette œuvre continue, mais en mutation quasi permanente, les caractères constants ou les modifications originales. Mais voyons auparavant, qu'elle était l'organisation des divers enseignements avant l'indépendance tunisienne.

Sous le protectorat français l'enseignement en Tunisie n'était pas unifié mais divers à tous les niveaux de l'enseignement.

L'enseignement primaire comprenait trois types d'écoles: - L'école française destinée plus particulièrement aux enfants de la

colonie européenne, mais qui restait en principe (1) ouverte à tous.

(1) En effet. dans certaines régions et notamment dans ce qu'on appelait les territoires militaires (sud tunisien) ces écoles étalent exclusivement réservées aux enfants de la colonie européenne et israélite,

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46 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

Cette école française comportait elle-même, l'école française de garçons (de 5 à 15 ans), l'école française de filles (de 5 à 15 ans) et l'école française mixte (5 à 15 ans).

L'enseignement donné dans ces écoles était identique à celui de la métropole.

- L'école franco-arabe où l'enseignement était donné dans les deux langues (arabe et française).

Il y avait l'école franco-arabe de garçons (de 5 à 15 ans) et l'école franco-arabe de filles de types A et B. Les études y étaient divisées en deux cyles.

Les quatre premières années formaient le premier cycle qui avait le même programme que les écoles franco-arabes de garçons, ainsi que le tricot, la broderie, couture se substituant aux travaux manuels de garçons.

Les trois dernières années formaient le deuxième cycle qui comportait deux types A et B. Le type A conduisait, comme dans les écoles franco-arabe de garçons, au Certificat d'Etudes Primaires Elémentaires et à l'examen d'entrée aux lycées et collèges, tandis que le type B était nettement plus orienté vers l'enseignement ménager. L'enseignement de ce dernier type était ainsi réparti: français: 6 heures, arabe: 6 heures, des notions de calcul, d'hygiène, de puériculture, d'histoire et de géographie: 3 h 30 m, dessin, couture, coupe tricot et broderie :11 h 30 m.

- Les écoles coraniques modernes avaient été conçues et réalisées par des Tunisiens musulmans dès 1908. Elles avaient deux buts fondamentaux: pallier le manque de classes et permettre à des jeunes gens de fréquenter l'école, régénérer ensuite la langue et la culture arabes auxquelles, étaient substituées la langue et la culture françaises. Il serait bon de noter à cet égard que jusqu'en 1949, l'enseignement de l'arabe dans les classes primaires ne dépassait pas 9 heures sur un total de 30 heures d'enseignement hebdo­madaire dans les écoles publiques.

- Nous pourrions ajouter à ces modes d'enseignement primaire celui des kouttabs qui ne pouvait en rien prétendre être un enseignement efficace et moderne. Il s'agissait, dans ces écoles coraniques de faire apprendre à de jeunes élèves le Coran et quelques données de théologie et de grammaire. Il n'y avait ni locaux décents, ni maîtres qualifiés et l'enseignement était confié la plupart du temps à un moueddeb qui n'avait d'autre mérite ni compétence que de savoir par cœur les soixante chapitres (hizb) du Coran.

Ce n'est qu'en octobre 1951 que le Directeur de l'Instruction Publique, agissant sur les insistances de la Commission des affaires culturelles de la section tunisienne du Grand Conseil, a décidé d'entreprendre une expé­rience qui ferait de ces écoles coraniques une sorte d'école préparatoire comme c'était le cas en Egypte. L'horaire de ces écoles était porté à trente heures ainsi réparties :

Morale ............... . Hygiène T,ecture ............. .

1 h 40 o h 50 7 h 30

Ecriture ............. . Calcul ............... . Langage ............. .

2 h 30 2 h 30 3 h 45

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 47

Dessin ................ 1 h 15 Chant ................ 1 h 15 Récitation ............ 1 h 15 Récréation ............ 2 h 30 Coran ................ 5 h 00

Si l'expérience paraissait intéressante, son application n'en demeurait pas moins très limitée puisqu'en 1951-52 et 1952-53, 12 kouttabs seulement étaient touchés par cette mesure de réforme.

Telle était l'organisation de l'enseignement primaire public en Tunisie avant l'indépendance.

Il faudrait y ajouter l'enseignement primaire privé. L'organisation des écoles privées était régie par le décret du 24 janvier 1920 réglementant cet enseignement. Il y avait les écoles congréganistes catholiques, deux écoles protestantes, 1 franco-hébraïque, 3 laïques, 4 musulmanes ou écoles cora­niques modernes libres.

Ce coup d'œil rapide sur l'organisation de l'enseignement suffit pour donner une idée globale de la diversité dans laquelle il se trouvait.

Les choses se compliquent davantage quand on essaie d'étudier les em­plois du temps dans cet enseignement selon qu'il s'agit des écoles d'ensei­gnement public ou des écoles d'enseignement privé. Si les matières ensei­gnées dans les différentes écoles étaient quasiment les mêmes, l'horaire variait. Il est évident que dans cette étude, il ne faut tenir compte, en ce qui concerne l'enseignement primaire public, que de l'école franco-arabe, l'école française étant calquée sur le système métropolitain. Par conséquent, tout changement concernant celles-ci ne touche pas les écoles franco-arabes sauf pour un cas de réforme précis, celui de l'enseignement de l'arabe dans les écoles françaises, résumé dans le tableau suivant:

Cours Cours Cours Moyen Cours Préparatoire Elémentaire Supérieur

2 H.30 2 H.30 3 H. 3 H.

C'est d'ailleurs sur ce point de l'enseignement de la langue arabe dans l'école primaire que la contestation porte le plus. Selon qu'il s'agit des écoles publiques ou des écoles coraniques modernes, l'enseignement de l'arabe est plus ou moins important. A titre d'indication, nous reproduisons les deux tableaux ci-dessous, concernant l'horaire des écoles franco-arabes jusqu'en 1949, à tous les niveaux de l'enseignement primaire et où l'on peut facilement se rendre compte de la place réservée à l'enseignement de la langue arabe (tableau I).

En ce qui concerne les écoles coraniques modernes, nous constaterons que les horaires d'enseignement en langue arabe et en langue française variaient d'une école à l'autre comme le prouvent les deux tableaux ci­dessous (tableau II) ;

Nous pouvons nous rendre compte, d'après ces tableaux, que l'impor­tance de la langue arabe et des études islamiques était plus ou moins impor­tante selon que l'école était dirigée par la Direction de l'Instruction Publique ou par des personnalités tunisiennes.

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48 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

TABLEAU l

Cours Cours Cours Cours

Matières enseignées Prépara- Elémen-

Moyen Supérieur toire taire

(2 années) (1 année) (2 années) (2 années)

Morale - Instruction o h 30 o h 30 Civique

Langage et observation 5 h 3 h 30 Lecture courante et

4 h 4 h 4 h 4 h expressive Ecriture 2 h 1 h Langue française 1 h 30 3 h 50 4 h 20 4 h 20

Histoire - Géographie 1 h 30 2 h

Calcul 2 h 2 h 30 3 h 3 h

Sciences 1 h 30 1 h 30

Dessin et manuel

travail 1 h 30 1 h 30 1 h 30 1 h 30

Activités dirigées 1 h 1 h 1 h 0 h 30

Plein air et éducation physique

2 h 2 h 2 h 2 h

Récréations 2 h 1 h 40 1 h 40 1 h 40

Arabe 9 h 9 h 9 h 9 h

TOTAL 30 h 30 h 30 h 30 h

TABLEAU II

1°) Ecole coranique moderne de filles c El Abassya :t à Sfax

Matières Cours Pro Cours Elé. Cours Moven Fr. Ar. Fr. Ar. Fr. Ar.

Coran - Instruction 4 3

Religieuse 1,20

Langage 2 Lecture 8

3,30 3

4 2,30

Ecriture 2,20 0,30 Langue 3,30 2,30 4 4 4,30 Calcul 2,30 2,30 1,30 Leçons de choses 1 2

2,30 1,30

Histoire & géographie 1,20 1 Dessin - Travail man. 3 4 4,30 Education physique - - - - - -Récitation - chant 2 2 1

Totaux 5 23,20 10 18,20 15 13,20

Récréation 1,40 1,40 1,40

Total de l'horaire 30 h. 30 h. 30 h. hebdomadaire

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 49

2°) Ecole coranique moderne «Tamimya:. à Menzel-Témim (Cap Bon)

Matières Cours Pro Cours Elém. Cours Moyen Fr. Ar. Fr. Ar. Fr. Ar.

Coran - In s t ru ction 5,05 4,35

Religieuse 5,50

Langage 4,35 Lecture 4,10 2,55 2,55 2,30 2 1,45 Ecriture 2 0,50 0,30 Langue 1,30 3,15 6,35 5,25 5,20 5,10 Calcul 1,15 2,40 3,20 Leçons de choses 0,30 Histoire & géographie 2 0,35 Dessin - Travail man. 0,30 0,30 0,30 Education physique 1 0,30 0,30 Recitation - chant 0,25 0,50 0,30 1,40 0,50

Totaux 14,10 14,10 14,10 14,10 14,10 14,10

Récréation 1,40 1,40

Total de l'horaire 30 h. 30 h. hebdomadaire

Prédominance d'une langue sur l'autre, souci d'équilibre entre les deux ou substitution progressive de la langue française à la langue arabe durant la scolarité, telles étaient les solutions que chacun cherchait à faire prévaloir. Mais il ne semble pas qu'on ait abouti à un accommodement. En effet, un projet d'horaire unique soumis par le syndicat du personnel des écoles cora­niques modernes à l'approbation de la Direction de l'Instruction Publique et pour sa mise en application était resté lettre morte. Cet horaire était le suivant (tableau III) :

TABLEAU III

MATIERES 1ère 2ème 3ème 4ème 5ème 6ème ENSEIGNEES année année année année année année

FRANCAIS

Lecture 4 h 4h 3h 3 h 30 3 h 3 h Langage - Vocabulaire 1 h 30 1 h 30 1 h 30 1 h 30 1 h 1 h Elocution Ecriture 1 h 30 1 h 30 1 h Oh 30 Récitation Oh 30 Oh 30 Oh 30 Oh 30 Oh 30 Oh 30 Rédaction 1 h 30 2 h Orthographe et Gra-

2 h 30 3. h 30 4 h 4 h 30 maire Calcul 1 h 2 h 30 2 h 30 3 h 3 h Leçons de Choses - Oh 30 1 h 1 h 30 Sciences Histoire et Géographie Oh 30 1 h 2 h Dessin Oh 30 1 h Oh 30 Oh 30 Oh 30 Educati.;m Physique 1 h 1 h 1 h Oh 30 Oh 30 Chant

Récréation 2 h 30 2 h 30 2 h 30 2 h 30 2 h 30 2 h 30

ARABE 20 h 1 Th 30 14 h 30 13 h 30 11 h 30 9h

TOTAUX 30 h 30 h 30 h 30 h 30 h 30 h

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50 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

Outre ce problème de la langue arabe que nous retrouverons à tous les niveaux de l'enseignement, il s'agit de parler des effectifs. En effet, même si le Gouvernement du Protectorat a construit spontanément ou sous la pression des habitants du pays un certain nombre d'écoles, cet effort est demeuré insuffisant. La poussée démographique se développait à un rythme très rapide, et ceci rendait l'infrastructure scolaire plus inadéquate d'année en année.

Le budget de l'Etat alloué à l'enseignement restait néanmoins très insuffi­sant (10,60 % en 1941, 11 % en 1948-49 et 14,76 % en 1951-52).

D'autre part, une comparaison des effectifs entre élèves français ou européens et tunisiens-musulmans, montre un déséquilibre frappant. En 1949, c'est-à-dire 68 ans après l'installation du Protectorat français en Tunisie, la situation était la suivante (2) :

Année 1949 Enfants d'âge sco-

Enfants scolarisés Pourcentages larisable (5-14 ans)

Français 27 500 26 000 94 %

Européens 45 500 35 000 77 %

Tunisiens 775 000 95 000 12 %

Musulmans

Le développement de la scolarisation n'était pas assez rapide. Ainsi entre 1946 et 1949, l'effectif n'avait augmenté que de 15700 ce qui donne un déve­loppement annuel de 6 %; la scolarisation totale ne serait alors effective qu'après cent ans, si ce rythme de développement se maintenait.

A la veille de l'indépendance tunisienne, c'est-à-dire en 1953, le nombre des élèves de l'école primaire atteignait 168661 dont 124071 tunisiens sur une population tunisienne d'âge scolarisable de l'ordre de 850 000. Plus de 700000 enfants se trouvaient ainsi privés de l'enseignement primaire qui leur était nécessaire (3).

La situation était semblable dans l'enseignement secondaire. Les Tuni­siens faisaient les mêmes reproches aux autorités du Protectorat qui avaient en main les destinées de l'enseignement dans le pays. Trois modes d'ensei­gnement coexistaient en effet: un enseignement français, un enseignement tunisien et un enseignement traditionnel donné à l'Université de la Grande Mosquée de la Zitouna à Tunis et dans certaines de ses annexes dans quelques villes de l'intérieur.

L'enseignement français était identique, à tous les points de vue, à celui de la Métropole.

L'enseignement sadikien ou tunisien tel qu'on le dénommera plus tard était un dosage d'enseignement français et d'enseignement à caractère arabe et islamique.

A côté de ces deux modes d'enseignement, l'enseignement archaïque et '

(2) République Tunisienne. Secrétariat d'Etat à l'Education Nationale. - «Inbi'âthuna 't-tarbawî mundhu'l-istiqlâl. Içlâh atta'lîm wa't-takht'it 'at-tarbawî.. [L'essor de notre éducation depuis l'indépendance. La réforme de l'enseignement et le plan d'éducation]. Tunis, Publications de l'Office Pédagogique, 1963, p. 15 (en arabe).

(3) Ibid.

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 51

sclérosé qu'était l'enseignement Zitounien. Outre la vestuté de son enseigne­ment qui ne comptait pas moins de 12000 élèves vers l'année 1953, la Zitouna était sous l'autorité du Ministre d'Etat (c'est-à-dire le Premier Ministre, sous le Protectorat), et non de l'administration de l'Instruction Publique. Il faut noter aussi, l'existence d'un enseignement secondaire subventionné soumis aux dispositions du décret du 24 janvier 1920 comme c'était le cas pour l'enseignement primaire privé.

Deux autres modes d'enseignement: les cours complémentaires et les écoles normales, en fait établissements d'enseignement secondaire, étaient rattachés administrativement au service de l'Enseignement primaire.

Il reste l'enseignement professionnel et technique. Les programmes d'études de cet enseignement étaient assez diversifiés aussi. Il existait un enseignement technique du second degré qui comprenait un enseignement commercial pour les garçons et pour les filles. Les horaires et les programmes étaient les mêmes que pour la Métropole et la sanction des études était le Brevet d'Enseignement commercial, 1"' degré après 4 ans d'études, 2" degré après 5 ans.

Un enseignement industriel pour garçons comprenait deux types. Dans les écoles industrielles, les études duraient 4 ans et étaient sanctionnées par un certificat d'aptitude professionnelle avec mention de la spécialité. Ensei­gnement général et enseignement professionnel occupaient chacun la moitié de l'horaire.

Dans les collèges techniques, un premier cycle de 4 ans avait les mêmes horaires et les mêmes programmes que les collèges techniques de la Métro­pole; un second cycle, à Tunis seulement, portant sur 3 ans, comportait 5 sections spécialisées: une section préparatoire aux écoles d'Art et métiers de la métropole, une section des Travaux publics et des mines, une section d'électricité, une section de mécanique, et une section préparatoire au Bacca­lauréat technique qui conduisait les élèves aux études spérieures scientifiques.

Au Collège Technique de Tunis, il existait aussi deux années d'apprentis­sage spécialisé destiné aux élèves des Ecoles Industrielles qui avaient terminé leurs quatre années d'études.

Un enseignement industriel pour filles était donné à Tunis, au Collège Technique Paul-Cambon, spécialisé dans les industries du vêtement. Les études de quatre ans menaient à l'obtention du Brevet Industriel.

En plus de cet enseignement technique, un enseignement professionnel était donné dans des Centres de Formation professionnelle masculins et féminins. Les apprentis étaient recrutés de 14 à 17 ans qu'ils aient ou non fait des études primaires. La durée des études y était de 3 années. Si la première année était une année de transition entre l'école primaire et l'apprentissage, au cours des deuxième et troisième années les élèves se spécialisaient et les heures d'ateliers allaient en augmentant et occupaient au moins les 2/3 de l'horaire.

Parmi ces centres on distinguait: - Les centres masculins urbains orientés vers les métiers manl1els

modernes ou le perfectionnement de l'artisanat traditionnel tunisien.

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52 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

- Les centres ruraux qui formaient des artisans aptes à rendre service dans les agglomérations rurales ou les entreprises agricoles. ~ Les centres féminins du type moderne qui préparaient à un métier

moderne féminin: coupe, couture ... - Les centres féminins du type traditionnel qui préparaient à un métier

d'art traditionnel tunisien: tissage, broderie, dentelle, etc ...

Pour saisir l'importance de l'évolution de cet enseignement dans son ensemble, nous reproduisons les statistiques fournies par la Direction de l'Instruction Publique pour les années 1946-47 et 1947-48, afin de pouvoir les comparer avec les développements ultérieurs.

(Cf. Rapport d'activité du Service de l'Enseignement technique durant l'année scolaire 1947-48).

TABLEAU IV

Année scolaire 1946 -1947 Année scolaire 1947-1948 GARCONS

tunisiens tunisiens Fran. Mus .. Isr. Etr. totaux Fran. Mus. Isr. Etr. totaux

Collèges Techniques Sections Techniques 914 179 139 134 1. 366 984 269 131 215 1.599 des Collèges.

Ecoles Industrielles Sections d'appren- 314 424 52 55 845 374 520 59 64 1. 017 tissage des Collèges

Centre de Formation 163 905 38 82 1. 188 239 1.170 40 96 1.545 pro fessionnelle

1. 391 1.508 229 271 3.399 1. 959 1. 959 230 375 4.161

FILLES

Collèges Techniques Sections techniques 521 13 272 65 871 617 16 315 82 J.030 des collèges

Centres de Formation 433 868 387 150 1.838 586 1. 337 385 208 2.516 professionnelle

Augmentations totales 954 881 659 215 2.709 1.203 1. 353 700 290 3.546

Tunisiens

Fran. Mus. Isr. Etr.

1. GARCONS 206 451 1 104 II. FILLES 249 472 41 75

455 923 48 179

A côté de la diversité de l'enseignement primaire ou secondaire, l'ensei­gnement supérieur était resté le parent pauvre en Tunisie. Nous ne parlerons pas longuement de l'Enseignement Supérieur Zitounien qui est resté archaï­que, malgré les réformes entreprises en son sein.

Il reste l'enseignement prodigué par l'Institut des Hautes Etudes de Tunis.

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 53

Cet Institut a été créé par le décret beylical du rr octobre 1945 et l'ordon­nance du Gouvernement français de la même date.

Placé sous le patronage de l'Université de Paris il était le seul repré­sentant de l'enseignement Supérieur en Tunisie. Il vait pour but de:

a) provoquer et encourager les recherches scientifiques en Tunisie; b) développer la culture littéraire et scientifique par l'organisation de

cours publics et la publication d'ouvrages; c) préparer à des examens et concours et délivrer des diplômes dans les

conditions définies par la convention passée entre lui et le Rectorat de l'Aca­démie de Paris.

L'Institut comportait quatre sections:

La section d'Etudes Juridiques, économiques et administratives qui s'occupait de la préparation aux deux examens du baccalauréat en Droit et de la Capacité en Droit.

La section d'Etudes Sociologiques et historiques qui préparait au Certi­ficat d'Histoire Ancienne et qui comprenait également un cours d'histoire et d'Archéologie punique et un cours d'histoire moderne de la Tunisie.

La section d'Etudes philologiques et linguistiques qui, indépendamment des trois certificats de licence d'arabe (littérature, philologie, études prati­ques), préparait à un diplôme tunisien, le Diplôme Supérieur d'Arabe. Cette section remplaçait en fait l'Ecole Supérieure de langue et littérature arabes qui était auparavant le seul centre d'enseignement supérieur. Créée en 1911, elle préparait au Brevet et au Diplôme d'Arabe, accessoirement, aux Certi­ficats de la Licence d'arabe que l'on présentait à l'Université d'Alger (4).

La Section d'Etudes Scientifiques qui préparait au P.C.B., aux trois certi­ficats de propédeutique (mathématiques générales, S.P.C.N. et M.P.C.) et à l'examen de validation de stage en pharmacie pour lequel des cours spéciaux et des travaux pratiques étaient organisés.

Plus tard on y a préparé aussi les certificats de mécanique rationnelle calcul intégral. méthodes mathématiques de physique, etc. (5).

Outre ces sections d'études rattachées aux facultés correspondantes de l'Université de Paris, cet organisme mettait à la disposition des chercheurs des laboratoires de : Géologie, Biologie animale, Biologie végétale, géographie, chimie physiologie, hydroclimatologie, biologie appliquée, pharmacologie et médecine expérimentale.

Tel qu'il était, l'Institut des Hautes Etudes de Tunis, présentait une solu­tion pratique plutôt que le souci d'instaurer un enseignement supérieur répondant aux exigences et aux nécessités des divers secteurs de la vie du pays, aussi bien sur le plan économique que social. Son mérite était tout de même de permettre aux Tunisiens nécessiteux de commencer des études supérieures sur place en attendant d'avoir les moyens d'aller les achever ailleurs (soit en France métropolitaine, soit à l'Université d'Alger).

(4) Cf. André LOUIS. - «Enseignement supérieur en Tunisie >, in Ema, supplément Cahier n° 32, juillet-aoilt 1953, note 1, p. 1.

(5) Ibid.

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54 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

Nous avons essayé de brosser tant bien bien que mal un tableau, loin d'être exhaustif, de l'organisation générale des enseignements en Tunisie sous le Protectorat. Nous avons montré l'essentiel de ce qui différenciait ces divers enseignements. Nous avons souligné aussi quelques unes des critiques que les Tunisiens portaient sur cet enseignement et dont les plus fréquentes étaient la diversité des enseignements, la négligence de la langue arabe et l'effectif insuffisant de la population tunisienne musulmane dans les écoles, dû en grande partie au manque d'infrastructure scolaire.

Si la diversité est demeurée, les autres problèmes ont été l'objet de réformes qu'il serait malhonnête et injuste de ne pas indiquer. C'est certes là une première victoire de la pression populaire à laquelle le groupe de la revue al-Mabah'ith peut se flatter d'avoir contribué (6). Mais il faut aussi souligner que cet appel avait trouvé un écho favorable auprès de M. Lucien Paye, alors Directeur de l'Instruction Publique. Les réformes, même si elles n'étaient pas aussi hardies que l'eussent souhaité les Tunisiens, ne consti­tuaient pas moins une véritable mutation qu'il serait aisé de compléter et de perfectionner en temps propice.

Il s'agissait, à notre avis, de deux points très importants: le premier concernant la part réservée à l'arabe classique dans les programmes d'Ensei­gnement en Tunisie, le second portant sur un plan théorique de scolarisation totale s'échelonnant sur vingt ans (1949-1969).

Nous avons pu voir dans le tableau I de l'horaire appliqué dans les écoles primaires, la part consacrée à la langue arabe. Cet horaire pouvait être considéré à juste titre comme insuffisant. Dans ce cas, une réforme était nécessaire et les responsables de l'enseignement semblaient en avoir pris conscience.

Un projet de réformes, élaboré par la Direction de l'Instruction Publique, fut présenté à la section de l'Enseignement Primaire du Conseil de l'Instruc­tion Publique le 17 juin 1947.

Dans les termes mêmes du projet, celui-ci prévoyait (7) .

- l'institution d'une première année d'études primaires (cours prépara­toire) exclusivement en arabe,

- un accroissement de l'horaire arabe durant les 3 années suivantes (cours élémentaire l'", 2" et 3" années), cet horaire serait porté à 14 heures hebdomadaires, .

- le maintien de l'horaire d'arabe (9 heures hebdomadaires) aux cours moyens 1re et 2e années ainsi qu'au cours supérieur.

- enfin, l'adjonction d'une classe qui préparerait les élèves des écoles

(6) Il n'est pas de notre propos d'exposer ici tous les combats menés par les Nationalistes tunisiens au sujet de l'enseignement. Ceci fait l'objet d'un sujet de thèse de 3° cycle pré­parée à Aix-en-Provence sous la direction de M. le Professeur Roger Le TOURNEAU qui fut durant les tristes années de la dernière guerre, Directeur de l'Instruction Publique en Tunisie.

(7) Direction de l'Instruction Publique, Tunis. «Note sur la part réservée à l'arabe classique dans les programmes d'enseignement en Tunisie •. Dactylographié, [Décembre, 1952]. p.2.

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 55

franco-arabes à l'examen d'entrée en sixième classique moderne ou techni­que, et où l'enseignement aurait été donné exclusivement en français.

Voici les horaires prévus (8) (tableaux V et V bis)

TABLEAU V et Vbis

a) Horaire des écoles franco-arabes de garçons

Cours Elementaire Cours Moyen Matières d'ensei-

Cours gnement prépa-

1ère 2ème 3ème 1ère 2ème Cours

ratoire année année année année année Supérieur

Coran 2 h 30 1 h 30 1 h 30 1 h 30 1 h 30 1 h 30 1 h 30 Langue arabe 7 h 3 h 30 4 h 30 4 h 30 4 h 30 4 h 30 4 h 30 Lecture 6 h 2 h 30 3 h 30 4 h 2 h 30 2 h 30 2 h 30 Ecriture 4 h 2 h 1 h 30 1 h Oh 30 Oh 30 Oh 30 Calcul 2 h 30 1 h 30 Activités dirigé.es Dessin, travail ma- 6 h 3 h 3 h 3 h nuel, gymnastique

TOTAL 28 h 14 h 14 h 14 h 9 h 9 h 9 h

Morale et instruction Oh 30 Oh 30 Oh 30

civique Langue française 7 h 30 5 h 5 h 4 h 30 4 h 30 4 h Lecture 4 h 5 h 5h 4 h 30 4 h 30 4 h 30 Ecriture 2 h 30 2 h 1 h Oh 30 Oh 30 Oh 30 Calcul 2 h 3 h 3 h 3 h 3 h Histoire et Géographie 1 h 30 1 h 30 1 h 30 Sciences 1 h 30 1 h 30 1 h 30 Activités dirigées, Dessin, travail ma-

3 h 3 h 3 h nuel, gymnastique

TOTAL 14 h 14 h 14 h 19 h 19 h 19 h Récréations : 2 h 2 h 2 h 2 h 2 h 2 h 2 h

Horaire hebdomadaire 30 h 30 h 30 h 30 h 30 h 30 h 30 h

b) Horaire de la classe de préparation des élèves des écoles franco-arabes à l'examen d'entrée en 6'

Matières d'enseIgnement Nombre d'heures

Morale et instruction civique 1 h

Langue française 7 h

Lecture et compte-rendu de lecture 5 h

Ecriture 0 h 30

Calcul 5 h

Histoire et Géographie 3 h

Sciences 2 h 30

Activités dirigées, dessin, travail

J 4 h manuel, Gymnastique Récréations 2 h

TOTAL 30 h

(8) Ibid., p. 3.

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56 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

Ce projet ne put être appliqué. Les membres de la délégation tunisienne s'y opposèrent, hostiles au maintien d'un enseignement bilingue tel qu'on le leur présentait, et au principe d'une réforme limitée au seul cycle primaire. L'existence d'une année préparatoire faite exclusivement en français laissait croire aux Tunisiens qu'il n'y aurait pas de changement dans l'enseignement secondaire des Lycées et Collèges.

Un nouveau projet fut donc mis à l'étude lors de la «Semaine Pédago­gique ~ de Tunis d'avril 1949. Sur la proposition du Directeur de l'Instruction Publique, on prit pour base des discussions le projet présenté par la Fédé­ration Nationale de l'Enseignement Tunisien de l'Union Générale des Tra­vailleurs de Tunisie (U.G.T.T.).

Un plan d'ensemble soumis au Conseil de l'Instruction Publique, le 22 septembre 1949, proposait (9) :

1) La révision des horaires et des progz:ammes des écoles primaires françaises et franco-arabes, en vue d'une extension des horaires d'arabe, cette langue devenant le véhicule de certaines disciplines essentielles.

2) L'ajustement, dans le même esprit, du régime des études dans les é.coles normales. .

3) La révision de l'enseignement secondaire tunisien. 4) Une modification des études dans les établissements d'enseignement

technique.

Le projet relatif à la révision des horaires et programmes de l'ensei­gnement primaire visait à accroître l'horaire consacré à l'enseignement de l'arabe et des disciplines islamiques dans les écoles franco-arabes. Il faisait, d'autre part, de l'arabe la langue véhiculaire de l'enseignement:

- du calcul dans les cours préparatoires et élémentaires; - des leçons de choses, dans les cours élémentaires moyens et su-

périeurs; - de l'histoire et de la géographie, pour les 3/5 de l'horaire affecté à

l'enseignement de ces disciplines aux cours moyen et supérieur. Il mainte­nait en outre l'horaire consacré à l'enseignement de la langue française au niveau antérieur afin de permettre aux élèves d'affronter dans des conditions normales l'examen d'entrée en sixième sans pourtant être obligés de faire une année supplémentaire en langue française exclusivement. comme cela était prévu dans le premier projet de réformes.

Le projet prévoyait aussi l'apprentissage de la langue arabe et de la langue française simultanément aussi bien pour les écoles franco-arabes que pour les écoles françaises. Nous avons indiqué par ailleurs les heures accor­dées à l'enseignement de l'arabe (dialectal et littéraire) dans les écoles fran­çaises. Nous verrons plus loin dans le tableau que nous reproduisons les parts réservées à chacune des deux langues dans les écoles franco-arabes.

Les leçons d'histoire, de géographie, de connaissances usuelles devaient

(9) Ibid.

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 57

être concrètes, vivantes, adaptées à la réalité et au milieu local. Ceci nous semble être un apport fondamental dans cette réforme. En effet, jusque là, les Tunisiens s'étaient plaints de ce que l'enseignement donné à leurs enfants fût un enseignement inadapté à la société tunisienne et au milieu environ­nant. C'était un pas vers la nationalisation de l'enseignement réclamé par les Tunisiens.

Les horaires et les programmes étaient établis suivant deux cycles, que les tableaux ci-dessous montrent clairement, les deux cycles étant les cours préparatoires et élémentaires, et les cours moyens et supérieurs (tableau VI).

TABLEAU VI

a) Horaire des écoles franco-arabes

Cours Cours Cours Moyen et

MATIERES Préparatoire Elémentaire Cours Supérieur

Arabe Français Arabe Français Arabe Français

Coran - Morale 2 h 2 h 1 h Langage 4 h 40 4 h Lecture 4 h 4 h 3 h 30 4 h 2 h 30 4 h Ecriture 2 h 2 h 1 h 1 h Langue 2 h 30 1 h 3 h 20 3 h 4 h 50 5 h Chant 1 h 0 h 30 o h 30 0 h 30 0 h 30 Calcul 2 h 40 3 h 4 h Leçons de choses o h 50 1 h 30 Hist. et Géogr. 1 h 30 1 h Dessin - T. M. 1 h o h 40 1 h 30 Education phys. 1 h 1 h 1 h

14 h.10 14 h 10 14 h 10 14 h 10 11 h 20 17 h

Récréations 1 h 40 1 h 40 1 h 40

Horaire hebdoma-30 h

daire 30 h 30 h

b) Horaire de l'enseignement de l'arabe dans les écoles françaises

Cours Préparatoire Cours Elémentaire Cours Moyen Cours Supérieur

2 h 30 2 h 30 3 h 3 h

Ce projet de réforme a été mis en application à partir de l'année scolaire 1949-50, avec l'approbation des délégués tunisiens, de manière progressive évidemment, et sous diverses formes d'expérimentation, afin d'être plus efficace.

Ce n'est qu'en 1952-53 que le nouvel horaire a commencé à être appliqué à l'ensemble des classes de cours élémentaire première année, tandis qu'on a maintenu des classes expérimentales dans les autres cours afin de mieux évaluer en comparant les résultats, la portée et l'efficacité de la réforme. Mais dès lors, on peut dire que la presque totalité (excepté les 20 classes

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expérimentales de chaque cours) des élèves suivant les cours des trois pre­mières années primaires recevaient un enseignement où l'arabe et le français s'équilibraient dans l'horaire et véhiculaient l'un et l'autre des disciplines de base.

Nous avons vu ailleurs que les réformes concernant les écoles coraniques modernes et les kouttabs n'apportent pas de modifications notables.

L'Enseignement secondaire, n'a pas autant profité des nouvelles réformes prises pour le primaire. En 1944, on élargit à d'autres Lycées et Collèges de Tunisie des sections dites tunisiennes, où, à côté des enseignements donnés en langue française, on a ajouté des matières de langue arabe, sans avoir recouru pour autant à une réforme qui ait pu alléger les programmes déjà établis. Un coup d'œil sur le tableau horaire de cet enseignement le montre clairement (tableau VII).

TABLEAU VII

Horaire hebdomadaire de l'enseignement

En Français * En Arabe ** Total ***

6ème et 5ème 15 h 30 11 h 30 27 h 4ème classique 21 h 9 h 30 30 h 30

4ème moderne 20 h 30 9 h 30 30 h 3ème classique 21 h 30 10 h 30 32 h 3ème moderne 20 h 10 h 30 30 h 30 3ème spéciale 15 h 30 12 h 30 28 h

2ème classique 22 h 30 9 h 31 h 30 A et B

2ème classique e 25 h 30 9 h 34 h 30 2éme moderne 21 h 30 9 h 30 h 30 2ème spéciale 15 h 30 12 h 27 h 30

1ère class. A et B 24 h 9 h 33 h 1ère class. e 27 h 30 9 h 36 h 30 1ère moderne 23 h 30 9 h 32 h 30

1ère spéciale 17 h 13 h 30 h

N. B.: • Mêmes disciplines que dans les sections classique ou moderne. *. Langue et littérature arabes. histoire et géographie du monde musulman. enseignement islamique. traduction de textes administratifs. instruction civique. calligraphie. paléographie .

••• Certaines heures sont facultatives.

La conséquence logique de l'extension de cet enseignement aux divers Lycées et Collèges de Tunisie, a été d'étendre le diplôme de fin d'Etudes du Collège Sadiki à ces mêmes établissements. Ceci donnait à l'élève de la section tunisienne la charge d'un nouvel examen à passer, et par conséquent beaucoup plus de travail à fournir, car, cette même année, l'élève se pré­sentait également à la première partie du Baccalauréat Cette extension a été décidée par un arrêté du Directeur de l'Instruction Publique en date du 31 mars 1950, tandis qu'un arrêté du 26 janvier 1950 instituait un bacca­lauréat franco-tunisien, par application du Décret n° 48-1267 du 13 août

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 59

1948 (10) relatif aux épreuves du Baccalauréat dans les territoires de la France d'Outre-Mer et à l'étranger et dont l'article premier stipulait que: «les candidats à la première partie du baccalauréat qui résident dans les territoires de la France d'Outre-Mer ou à l'étranger peuvent demander à subir à l'écrit une composition dans la langue du pays où se passe l'examen et se rapportant à la littérature, à l'histoire ou à la civilisation de ce pays à la place des épreuves suivantes: ... ». Cet arrêté, s'il n'apportait pas de chan­gement sérieux, instituait cependant des épreuves d'histoire et de géographie concernant la Tunisie en particulier et l'Afrique du Nord en général.

D'autre part, les épreuves pouvant être remplacées par des épreuves de langue arabe, étaient les suivantes, en ce qui concernait la Tunisie.

TABLEAU VIII

Séries Baccalauréat Baccalauréat

Normal Franco -Tunisien

Langue vivante Composition Arabe

tOit Version Arabe ou Moderne Sciences Physiques

Sciences Physiques

Oral Langue vivante Arabe

At"it Langue vivante

Composition Arabe Classique ou Mathématiques

Oral Mathématiques Arabe ou Mathématiques

Langue vivante l Composition Arabe

f"it Langue vivante II Arabe dialectal ou

Classique ou Mathématiques autre langue ou Mathématiques

Langue vivante l Arabe Oral Mathématiques ou Mathématiques ou Arabe dia-

Langue vivante II lectal ou autre langue vivante

Sciences Physiques ou Composition Arabe JECCit Classique C Langue vivante l

Oral Langue vivante Arabe

N. B. - A l'oral de chaque sene, l'épreuve d'Histoire et Géographie du Baccalauréat Franco-Tunisien porte sur le programme allégé de la classe de 1"" et l'Histoire et la Géogra­phie de la Tunisie.

Par ailleurs, le diplôme sanctionnant les études de la section tunisienne comportait les épreuves suivantes (tableau IX) .

Ce diplôme était assimilé de facto en Tunisie au baccalauréat. Les élèves de la section spéciale D du Collège Sadiki ou de l'enseignement tunisien des autres collèges ne se présentaient pas au Baccalauréat. Ils ne pouvaient se

(10) Il serait long de reproduire ici tout le programme des épreuves. On peut néanmoins voir les textes in Bu.lletin Officiel de l'Edu.cation Nationale, nO 6, jeudi 9 février 1950, pp. 429-432.

Pour le décret du 13 aollt 1948 voir J.O.R.F. du 17 aollt 1948.

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60 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

présenter qu'à ce diplôme qui leur donnait droit à certains postes de l'admi­nistration ou de l'enseignement.

TABLEAU IX

A. - Epreuves écrites

Durée Séries et Coefficients

EPREUVES des Classique Moderne Spéciale

épreuves A B C D

Composition française 3 h 1 1 1 1 1 Composition arabe 3 h 1 1 1 1 1 Version arabe 3 h 1 1 1 1 1/2 Thème arabe 3 h 1 1 1 1 1

2 h Mathématiques ou 1/2 1/2 1 1 1/2

3 h Sciences 2 h 1/2 Seconde langue 2 h 1/2 Grec 2 h 1/2 Latin 2 h 1/2 1/2 1/2 Civilisation musulm'ane 2 h 1 Version de presse 2 h 1/2

B. - Epreuves orales

Séries et Coéfficients EPREUVES

Classique A B C

Moderne Spéciale D

Explication française 1 1 1 1 1 Explication arabe 1 1 1 1 1

Mathématiques 1/2 1/2 1 1 1/2 Physique et Chimie 1/2 1/2 1 1/2 1/2 Latin 1/2 1/2

Seconde langue 1/2 1 Grec 1/2 Civilisation musulmane 1/2 1/2 1/2 1/2 1 Législation tunisienne 1 Histoire et Géographie 1 1 1 1/2 1/2 Histoire et Géographie des

1 Pays Musulmans

1 1 1 1

Le changement apporté à l'école primaire devait avoir des répercussions sur l'enseignement des Ecoles Normales. Aussi certaines dispositions nou­velles leur ont-elles été appliquées.

Il fallait accroître dans la section bilingue l'horaire de langue arabe et faire de cette langue - comme dans le primaire - le véhicule de certains enseignements. Il fallait donner d'autre part aux unilingues de français un enseignement de langue arabe et aux unilingues d'arabe un enseignement de langue française. Il fallait aussi équilibrer l'enseignement scientifique et

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 61

l'enseignement littéraire. Ces mesures décidées en octobre 1950 donnaient l'horaire suivant (tableau X et X bis) :

TABLEAU X

Horaire he<bdomadaire de la Section de langue arabe des Ecoles Normales d'Instituteurs et Institutrices

Sous -Section A Sous -Section B·

1ère et 2ème 3ème année

1ère et 2ème Matières années années

Français Arabe Français Arabe Arabe

Enseignement religieux 3 h 2 h 4 h Droit Musulman 1 h 1 h 1 h Langue et littérature 6 h 8 h 30 6 h 8 h 30 10 h Mathématiques 3 h 30 2 h 30 1 h 3 h 30 Sciences Naturelles ou Hygiène (Filles) physique 2 h 30 2 h 30 3 h et Chimie Histoire et Géographie des

1 h 30 1 h 30 1 h 30 Pays Musulmans Histoire et Géographie

1 h 30 Générale

1 h 30 1 h 30

Dessin-Travail manuel 2 h 3 h 2 h

ou Puériculture (Filles) Musique 2 h 2 h 1 h Education Physique 2 h 30 2 h 30 2 h 30

17 h 30 16 h 30 17 h 30 16 h 30 30 h

34 h 34 h 33 ou 35 h .*

• La 3· année sera créée en octobre 1953 . •• 5 heures d'enseignement du Français sont données aux élèves (3 h seulement à ceux

ayant déjà une certaine connaissance du Français).

L'horaire hebdomadaire de la Section de langue française comporte un enseignement de l'arabe dialectal:

1'. année ........... . 2· année ........... . 3· année ........... . 48 année ........... .

2 h 30 3 h 00 2 h 00 3 h 00

Ainsi par l'extension de l'horaire d'arabe, par le transfert à la langue arabe de certains enseignements essentiels, notamment dans l'année de for­mation pédagogique, par l'institution enfin d'un cycle complet d'études «nor­males ~ dans la sous-section B de la langue arabe (4 années au lieu d'une), l'on peut espérer que l'adaptation souhaitable de l'enseignement à la popu­lation tunisienne pourra être efficacement réalisée.

C'est l'ens~ignement technique qui a été le moins touché par cette mesure. En dehors des heures normales d'atelier et de culture générale, 4 heures d'enseignement arabe ont été ajoutées à toutes les sections à l'exception de la section masculine du type rural qui n'avait que 3 heures d'arabe. Les Européens étaient également tenus de suivre le même horaire, mais au lieu de l'arabe littéraire, ils faisaient de l'arabe dialectal.

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62 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

TABLEAU X bis

Horaire de la quatrième année (formation professionnelle)

Matières Sous -Section A Sous -Section B

Français Arabe Arabe

Psychologie, sociologie, morale 6 6 Psychologie de l'enfant 3 1 4 Pédagogie spéciale des divers enseignements 1 1 2 Pédagogie générale 3 3 Morale professionnelle et lé-gislation 1 1 Leçons d'essai 1 1 2 Arithmétique 1 2 Sciences Naturelles et Hygiène 1 1 Travaux dirigés : initiation à la recherche per sonnelle, aux enquêtes et aux activités de l'école 1 1 1 Dessin, Musique et Chant choral 3 3 Enseignement ménager (Filles) 2 2 Agriculture (Garçons) Education Physique 3 2 Activités scolaires et péri-scolaires 1

18 h 12 h 30 h

30 h' 30 h"

En sus de l'horaire normal: • 2 heures d'enseignement du Coran sont données, aux stagiaires de la Sous-Section A

qui ne sont pas élèves-maîtres . •• 4 heures d'enseignement du Français à la Sous-Section B.

L'enseignement supérieur, et plus particulièrement l'Institut des Hautes Etudes n'a subi aucun aménagement.

Ainsi donc les années 1949 et 1950 ont marqué la première réforme qui, loin d'être radicale, n'en a pas moins constitué des premiers pas dont nous essaierons de déceler les traces dans le futur.

Mais l'enseignement n'en a pas été pour autant nationalisé, il faut le reconnaître.

L'allègement souhaitable à apporter aux programmes n'a pas été fait. Les examens devenaient plus nombreux pour les élèves tunisiens musul­mans. Comme nous l'avons vu, l'élève de troisième de l'enseignement tunisien avait à subir le B.E.P.C. et le Brevet Elémentaire d'Arabe, celui de la classe de première les Diplômes de fin d'Etudes et le Baccalauréat. L'enseignement technique ne subissait aucun changement tandis que sur le plan des effectifs, la situation était toujours aussi médiocre pour la population tunisienne, malgré le progrès relatif dû aux réalisations du plan théorique de scolari­sation, ou comme on l'appelait officiellement Plan de développement de l'Instruction Publique (1949-1969).

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 63

Ce plan comportait les perspectives suivantes: a) une scolarisation totale à atteindre en vingt ans par franchissements

de paliers successifs. b) Un ajustement de l'effort de la D.I.P. (*) aux possibilités du pays et

aux conditions sociales, par: - l'établissement de secteurs scolaires comprenant des écoles satellites

où l'enseignement primaire durerait 5 ans, autour d'écoles centrales où la durée des études serait de 7 ans. Une sélection serait faite pour envoyer, à la fin de leurs études primaires, les meilleurs éléments aux cours complé­mentaires, secondaires ou techniques dont ces écoles seraient éventuellement dotées;

- l'adjonction aux crédits du budget de l'Etat des aides spontanées de la population;

- le développement de l'enseignement féminin; - le développement de l'enseignement technique; - la formation d'élites aux différents degrés; - la création auprès de chaque catégorie d'établissements scolaires de

conseils dont les avis seraient sollicités et étudiés en vue de réalisations et d'améliorations souhaitables (associations de parents d'élèves, conseils d'admi­nistration, comités de patronage, caisses des écoles, comités de fondations d'écoles coraniques modernes, etc.).

Mais il est évident que le problème démographique devait retenir l'atten­tion des responsables avant que soit entreprise toute politique de scolarisation planifiée. En effet, en 1936 la population était de 2608310 habitants. Elle était de 3230952 habitants en 1946 dont 857619 garçons et filles âgés de 5 à 14 ans, par conséquent d'âge scolarisable.

L'augmentation normale de la population donnerait pour 1966, 2 400000 citadins et 2100000 ruraux. Transposés sur le plan scolaire, ces chiffres donneraient un effectif scolarisable approximatif de :

- 520 000 enfants dans les agglomérations (villes et villages de plus de 25 foyers);

- 460000 enfants dans la population éparse (vivant dans des maisons isolées ou non encore sédentarisée).

Il est évident aussi que ces chiffres ne pouvaient constituer qu'un mini­mum, car l'augmentation de la population se faisant par la base, elle accrois­sait le nombre d'enfants d'âge scolarisable.

Le projet de scolarisation a décidé d'accorder une priorité à la popula­tion agglomérée sur la population éparse car « ... la faible importance des effectifs. qui s'établissent aux environs de 6 000 élèves [en 1946], par rapport aux effectifs totaux de l'enseignement primaire (104620 dans l'enseignement public, 29585 dans les écoles privées) suffit à montrer que l'appel à l'ensei­gnement et le besoin de cet enseignement, en dehors des difficultés particu-

• O.l.P. : abréviation de Direction de l'Instruction Publique.

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64 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

lières que pose la création d'une école au milieu d'une population éparse, ont été moindres que dans les agglomérations:. (11).

Il s'agirait donc de continuer le développement de la scolarisation totale dans les villes et les agglomérations en remettant à une date plus lointaine la scolarisation totale dans la population éparse (25 ans au lieu de 20 ans) où l'on donnerait. aux élèves un enseignement de première urgence et où l'on sélectionnerait les meilleurs éléments pour l'accès aux formes supérieures de la culture dont bénéficient les jeunes citadins. C'est en fait le principe des écoles satellites dont nous avons parlé auparavant.

D'après ces analyses démographiques, le plan des créations jusqu'en 1969 se ferait selon l'échelonnement suivant:

TABLEAU XI

Année Accrois. Accrois. Accrois. Pop. sco-total pop. agglo. pop. éparse laire totale

1949 12. 000 10.000 2.000 147.000

1950 16.000 13.000 3.000 163.000

1951 16.000 13.000 3.000 179.000

1952 16.000 13.000 3.000 195.000

1953 16.000 13.000 3.000 211.000

1954 16.000 10.000 6. 000 227.000

1955 18.000 12. 000 6.000 245.000

1956 20.000 12.000 8.000 265.000

1957 20.000 12.000 8. 000 285.000

1958 2 0.000 12. 000 8.000 305.000

1959 2 0.000 12.000 8.000 325.000

1960 25.000 15.000 10.000 350.000

1961 30.000 2 0.000 10.000 380.000

1962 3~.000 25.000 10.000 415.000

1963 4 0.000 25.000 15.000 455.000

1964 40.000 25.000 15.000 495.000

1965 60.000 30.000 30.000 555.000

1966 60.000 30. 000 30.000 613.000

1967 60.000 30.000 30.000 675.000

1968 70.000 30.000 40.000 745.000

1969 70.000 30.000 40.000 815.000

680.000 392.000 288.000

(11) Direction de l'Instruction Publique. - «Plan de Développement de l'Instruction Publique (1949-1969) >, Tunis, dactyl., p. 2.

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 65

Ainsi donc la scolarisation des enfants appartenant à la population agglo­mérée serait effective dès 1969 puisque l'effectif de 520000 enfants aurait été atteint.

La scolarisation des populations éparses serait très avancée puisque 294000 enfants seraient scolarisés sur un total de 460000. Cet accroissement de la population scolaire nécessiterait l'ouverture de plusieurs écoles nor­males, Lycées et Collèges. L'application de ce plan exigerait:

50 à 60 établissements secondaires 8 à 10 écoles normales.

Mais, en ce qui concerne l'enseignement des jeunes filles, le mouvement serait sans doute moins rapide que pour les garçons pour des raisons sociales ou autres et notamment chez les populations rurales. De ce fait, la scolari­sation des garçons serait plus rapide grâce ou à cause de l'absence des jeunes filles dans les écoles.

En dehors de ces données techniques, certaines considérations générales nous sont soumises par ce plan; et elles ont le mérite de placer ce plan dans le contexte général de la Tunisie. Concernant surtout l'enseignement tech­nique, elles portent aussi sur l'enseignement primaire. L'enseignement pri­maire doit être adapté au milieu dans lequel il est donné, il doit d'autre part permettre à l'élève 1'apprentissage d'un métier.

D'autre part un enseignement n'a de valeur réelle que dans la mesure où il parvient à satisfaire les besoins du pays. Aussi faut-il faire l'inventaire, de manière précise et avec le concours de tous les organismes actifs, publics ou privés, de tous les besoins du pays. Ce n'est que d'après cet inventaire que la sélection et l'orientation des élèves pourront être rentables et efficaces.

Dans ses grandes lignes, ce plan semble acceptable au premier abord. Il est certain qu'il constitue un progrès sensible tout au moins sur le plan des effectifs (tableau XII).

Mais il demeure néanmoins très insuffisant, semble-t-il. En effet, un plan limité à l'enseignement primaire est incomplet. Les promoteurs ont prévu, certes, la création de nouveaux Lycées et de nouvelles écoles normales. Si l'augmentation des écoles semble logique, vu l'accroissement de la scolari­sation dans le primaire, elle paraît par contre tout à fait arbitraire dans la mesure où un inventaire des cadres et des élites n'a pas été établi à la base en vue de déterminer la nature et la fonction des collèges ou lycées à créer. En effet, ce n'est que selon cet inventaire qu'une ventilation et une orien­tation pourront être faites en fonction des besoins du pays. Or pour connaître les besoins réels d'un pays, un plan général de développement économique et social est indispensable.

Et là encore d'autres implications surgissent. Un enseignement qui veut tenir compte des réalités du pays doit être obligatoirement un enseignement national, puisant ses éléments dans la personnalité même du pays. D'autre part, pour que cet enseignement soit vraiment complet, l'existence d'une université nationale est indispensable. Or jusque là, l'enseignement en Tunisie était un calque de l'enseignement français, malgré 1'existence d'un enseigne­ment parallèle en langue arabe, tandis que l'enseignement supérieur était,

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66 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

comme nous l'avons vu, inexistant en dehors des quelques sections de l'Ins­titut des Hautes Etudes de Tunis. Ainsi donc, en plus de ce plan de scolari­sation totale, il aurait fallu procéder à une réforme totale des structures de l'enseignement qui aurait pu l'unifier, le tunisifier et lui donner ainsi toute l'efficacité et la valeur voulues.

TABLEAU XII

PopuLation scolaire au 10 novembre 1953 Garçons et filles

Tunisiens

Français Musul. lsrael Italiens Maltais Divers

Enseignement ~ Cl. françaises 27.618 12.003 11.848 3. 622 332 321 primaire Cl. franco -arabes 389 112.068 307 76 1 76

TOTAUX 28.007 124.071 12.155 3.698 333 397

Enseignement ~ Ens. du 1er degré 1. 819 5.685 518 442 21 26 technique Ens. du 2ème degré 2.163 951 699 455 15 42

TOTAUX 3.982 6.636 1. 217 897 36 68

Enseignement 1 Ens. classique 2.262 299 501 79 8 40

secondaire Ens. moderne 3.379 2. 015 1. 2 30 234 10 50 Ens. tunisien 20 4.368 - - - 2

TOTAUX 5.661 6.682 1. 731 313 18 .92

Enseignement Supérieur 593 676 157 38 - 9

Totaux Enseignement Public 38.243 13B.065 15.260 4.946 387 566

Ecoles Coraniques Modernes ré-gies par le décret du 15 Octobre - 33.271 - - - -1953

E,o' .. "","" 1 >CO" primairQ 4.938 3. 637 760 480 121 59

régies par le Ens. technique 192 J09 260 12 1 1 décrpt du 24 Ens. secondaire 1. 670 193 76 207 15 21 janvier 1920

TOTAUX 6.800 3.839 1.096 699 137 BI

Totaux Enseignement privé 6. 800 37.210 1.096 699 137 81

Totaux de l!Enseignement 45.043 175.275 16.356 5.645 524 647 public et privé

Plan de scolarisation totale

Effectifs prévus 227.000 1953/1954 Total au 10. Il 1952 220.257 Augmentation prévue 16.000 Augmenlation 23.233

Totaux généraux

55.744 112.917

168. 661

8.511 4.325

12.836

3.189 6.918 4.390

14.497

1. 473

197.467

33.271

9.995 575

2. 182

12.752

46.023

243.490

Mais les contradictions internes de la colonisation ne permettaient pas, objectivement, l'application d'une telle réforme de structures. En effet, si certaines bonnes volontés pensaient réellement qu'un changement était nécesaire, le parti des Prépondérants voyait différemment les choses. Ce qui semblait intéresser ceux-ci, en toute priorité, c'était de pouvoir se procurer une main-d'œuvre suffisamment qualifiée pour la bonne marche de la ferme ou de l'usine. La formation de cadres supérieurs tunisiens leur faisait peur: ils auraient pris en main le fonctionnement des rouages de l'économie et de l'administration, jusque-là entre les mains des Prépondérants.

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Dès lors, il semble que nous trouvions des justifications à nos critiques, formulées à l'égard de ce plan qui est demeuré, malgré tout, sélectif et surtout théorique. En effet, en 1953, c'est-à-dire quatre ans après son application, le nombre d'élèves tunisiens dans l'enseignement secondaire public n'était que de 6682. Ils étaient 676 dans l'enseignement supérieur, 6636 dans l'enseigne­ment technique. L'enseignement privé secondaire et technique ne comptait pas plus de 302 élèves tunisiens musulmans (12). Tout ceci constituait un total de 13293 Tunisiens qui poursuivaient leurs études secondaires, tech­niques et supérieures, aussi bien dans les établissements publics que dans les établissements privés, sur un total de 31 563 élèves et étudiants inscrits la même année dans ces enseignements.

Ceci semblait insuffisant pour les Tunisiens, malgré les efforts fournis en vue d'augmenter les effectifs scolarisables.

D'autre part, nous avons vu que cet enseignement ne tenait pas suffisam­ment compte des réalités du pays et qu'il ne pouvait, par conséquent, appor­ter les modifications notables auxquelles on pouvait s'attendre. Aussi, au moment de l'indépendance tunisienne, le problème restait-il à résoudre dans son ensemble.

Des travaux de réflexion se poursuivirent de 1954 à 1958 aussi bien dans des conférences publiques, que dans les revues et les journaux tunisiens. On essaya de déceler le mal, on chercha le remède adéquat. La nécessité d'une mutation dans le contenu et d'une réforme dans les structures semblait s'imposer à tous. Le Ministère de l'Education Nationale prit en main l'entre­prise, et la réforme de l'Enseignement tunisien naquit en 1958 (13).

Le Président de la République tunisienne, M. Habib Bourguiba, l'annonça lors de la cérémonie de clôture de l'année scolaire, le 25 juin 1958, au Collège Sadiki. Il donna les lignes directrices et l'esprit de la nouvelle réforme. Il s'agissait de redonner à l'enseignement tunisien son caractère national, de l'unifier et de le démocratiser. Il fallait, par ailleurs, que cet enseignement fût ouvert au monde extérieur et sensible à toutes les transformations et à tous les développements scientifiques et techniques. Ces nouvelles perspectives devaient entraîner inévitablement une réforme des structures et une réorga­nisation de l'enseignement à tous les niveaux. La réforme de 1958 les avaient prévues. Désormais, il y aurait les ordres et les degrés suivants:

l'enseignement primaire; l'enseignement du second degré: a) Moyen; b) Secondaire; l'enseignement supérieur.

L'enseignement primaire devrait permettre à l'élève d'acquérir des connaissances théoriques et pratiques en langue, calcul, histoire, géographie ... Une formation élémentaire serait destinée à dégager l'ensemble des virtuali-

(12) Tous ces chiffres sont tirés des statistiques établies par la Direction de l'Instruc­tion Publique en Tunisie (Population scolaire au 10 novembre 1953 - Garçons et filles).

(13) Il serait long d'énumérer ici la liste des travaux de réflexion sur l'enseignement tunisien. Nous en reproduisons dans l'orientation bibliographique que nous joignons à notre article.

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68 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

tés de l'enfant afin de l'orienter de manière efficace et d'assurer son adapta­tion et son maintien.

Une mesure réduisant la scolarité primaire, ramènerait celle-ci à 6 années au lieu de 7. Un allègement serait également apporté dans l'emploi du temps:

15 heures hebdomadaires pendant les deux premières années; 25 heures hebdomadaires pendant les quatre autres années.

La fin de cet enseignement primaire serait sanctionnée par le Certificat d'Etudes Primaires ou l'entrée en classe de 6~ (1re année) de l'enseignement secondaire ou moyen.

L'enseignement du second degré, de son côté, serait aussi réorganisé. Il y aurait dorénavant un enseignement moyen et un enseignement secondaire à proprement parler.

L'accès à l'enseignement moyen se ferait par l'examen d'entrée en l'" année, dans les mêmes conditions que pour l'enseignement secondaire. Il faudrait donc avoir fait une scolarité primaire normale pour être à même d'aborder l'examen d'entrée. Aussi le but de cet enseignement serait-il de donner un complément de formation générale et de préparer les élèves qui y accéderaient à l'exercice d'un métier.

Les études dureraient trois ans. Elles seraient réparties en 3 sections: une section générale, une section commerciale et une section industrielle. Pourraient accéder à l'enseignement moyen les élèves dont l'âge varie de 14 à 16 ans. Des élèves de 17 ans pourraient être autorisés à suivre l'enseigne­ment dans la section industrielle.

Ainsi donc, l'enseignement moyen présenterait divers mérites: il permet­trait de résorber un grand nombre d'élèves atteints par la limite d'âge et qui ne pourraient pas accéder à l'enseignement secondaire, il demanderait à l'élève 'me formation primaire équivalente à celle exigée pour l'entrée dans les lycées et collèges, il permettrait enfin au pays d'avoir, à plus ou moins longue échéance, les cadres moyens de techniciens de différentes branches dont il a grandement besoin pour son développement économique et social.

Il faut noter par ailleurs, qu'une 4" année destinée à des stages de per­fectionnement pourrait être instituée dans telle ou telle section.

Les études de l'enseignement moyen seraient sanctionnées par un Brevet portant mention de l'option choisie par l'élève.

L'enseignement secondaire, de son côté, subirait aussi des modifications et des changements réels. La loi de 1958, détermine sa mission qui serait dorénavant:

- d'assurer aux jeunes, par une éducation poussée et méthodique de leurs facultés aussi bien intellectuelles que pratiques, une formation et une culture générales qui dégagent et affirment leur personnalité;

- de former les cadres moyens techniques et non techniques nécessaires aux différentes branches de l'activité de la nation;

- de révéler et de développer les vocations et les aptitudes à l'ensei­gnement supérieur et de préparer ainsi la formation des cadres supérieurs du pays (14).

(14) S.E.E.N. - «Inbi'âthuna·t-tarbawÎ.. .• op. cit .• p. 44.

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 69

L'apport nouveau de cette réforme est incontestablement le mode d'orien­tation adopté par les responsables. Se situant entre le mode français (spécia­lisation tardive) et le mode anglo-saxon (spécialsation précoce), le système tunisien s'efforce de faire la part nécessaire à «une orientation rationnelle des études dans le sens des aptitudes des enfants et des besoins du pays en cadres >, «d'éviter la confusion entre l'orientation et la spécialisation au niveau du secondaire:., «de révéler à l'enfant et de lui donner la possibilité de cultiver de préférence ses aptitudes les plus fortes ~ (15).

Les études secondaires s'étendraient sur six années.

La r e année de l'enseignement secondaire constituerait un tronc commun. On y étudierait les matières principales telles que les langues, les mathéma­tiques, l'histoire, la géographie ... L'élève y serait également astreint à une préparation manuelle dans des ateliers affectés au Collège ou au Lycée. Cette méthode permettrait en effet de déceler les dispositions de l'élève aussi bien intellectuelles que pratiques, à la lueur desquelles son orientation pour­rait être faite.

En effet, à la fin de la première année, l'élève serait orienté vers l'une des trois options suivantes:

- option générale; - option économique; - option technique.

Il devrait ensuite continuer ses études en deuxième et troisième années. Ainsi il achèverait le premier cycle de l'enseignement secondaire à la suite duquel il serait de nouveau orienté vers l'une des sections des diverses options, toujours selon ses aptitudes.

Le deuxième cycle durerait 3 ans. Selon l'orientation donnée à l'élève, il devrait suivre les cours dans l'une des sections des options établies.

Ainsi, l'option générale serait constituée de cinq sections, quatre d'entre elles conduisant au Baccalauréat. La section de Lettres Modernes comporte­rait surtout un enseignement des langues et des littératures arabes et étran­gères. La section de Lettres Classiques approfondirait les études en langues et civilisations arabo-islamiques. Il existerait en outre, la section de sciences et la section de mathématiques. Quant à la section normale, elle aurait pour but de former des instituteurs pour l'enseignement primaire.

L'option économique, comporterait deux sections: une section écono­mique proprement dite qui ménerait au Baccalauréat, permettant ainsi aux élèves désireux de le faire, de poursuivre leurs études supérieures en sciences économiques, et une section commerciale dont le but serait de fournir des cadres commerciaux notamment dans le domaine de la comptabilité et du secrétariat.

La se grande option, l'option technique comprendrait également deux sections: la section de technique mathématiques dont les études seraient sanc­tionnées par le baccalauréat et la section de technique industrielle qui forme­rait les cadres techniques dans les divers branches, telles que la mécanique, la radio-électricité, les ponts et chaussées, la topographie, etc.

(15) Ibid., pp. 45-46, voir aussi République Tunisienne. S. E. au Plan et à l'Economie Nationale. - «Plan Quadriennal 1965-1968 >, t. III, Tunis, Imprimerie al-Asrla (1965), p. 65.

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70 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

Les études s'étaleraient sur deux ans dans ces différentes sections et la 3e année qui constituerait la fin du cycle confirmerait l'élève dans la spécia­lité qu'il aurait choisie.

Le schéma général que nous reproduisons ci-dessous pourrait peut-être donner une vue d'ensemble sur l'organisation de l'enseignement au niveau du primaire, du secondaire et du moyen.

10 11 12 13 14 15 16 17

Section générale

Enseignement moyen Section commerciale

Enseignement primaire Â

000000 Section technique mathématiques

Enseignement secondaire

Concours d'entrée en le année o Brevet de 1 T Enseignement moyen

• Brevet industriel

• Brevet commercial

o Baccalauréat

o Diplôme de fin ct' études normales

Ce schéma a été reproduit d'après l'ouvrage publié par le S.E.E.N., déjà cité, p. 45 (en arabe).

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 71

Si par ailleurs, des écoles coraniques modernes avaient été supprimées depuis 1957, les écoles privées devraient continuer à fonctionner. Elles seraient néanmoins soumises à une réglementation stricte. L'ouverture de ce genre d'établissements dépendrait de l'accord préalable du Ministre de l'Edu­cation Nationale qui l'autoriserait par décret; certains diplômes seraient exigibles à tous les niveaux de l'enseignement et même de la Direction; l'inspection de ces écoles se ferait par les fonctionnaires de l'éducation natio­nale.

Tout ceci ne constitue pas. en fait, un grand changement par rapport à ce qui avait déjà été institué par le Protectorat français. L'apport réel, et nouveau rapport à la situation précédente, c'est qu'un enseignement en langue et littérature arabes, en histoire et en géographie de l'Afrique du Nord, analogue à l'enseignement donné dans les écoles publiques, doit être fourni aux élèves.

D'autre part, une réforme des structures de l'enseignement n'est valable que si elle concerne tous les degrés de cet enseignement. La conséquence logique qui en découle est la création d'une université qui couvre les divers enseignements et qui soit, en même temps, «compatible avec le génie propre du pays, ses traditions culturelles et les valeurs des temps modernes:. (16).

Nous avons pu voir, dans la partie précédente, que l'enseignement supé­rieur était resté le parent pauvre. Un seul organisme, l'Institut des Hautes Etudes de Tunis, prodiguait un enseignement supérieur aussi précaire qu'in­complet.

Aussi, les responsables tunisiens avaient-ils commencé par se préoccuper du problème et une étude présentée au mois de mai 1959, déterminait-elle les conditions dans lesquelles pourrait être créée une université tunisienne.

A partir de 1956, on commença à jeter les bases d'un enseignement supé­rieur. Outre l'Institut des Hautes Etudes qui demeura l'institution principale de l'enseignement supérieur, on créa l'Ecole Normale Supérieure dont le but fut de former dans les meilleurs délais des professeurs d'enseignement secon­daire, une Ecole Nationale d'Administration, qui se substitua à l'ancienne Ecole Tunisienne d'Administration, dotée d'un centre de formation politique et administrative, une Ecole Supérieure du Droit et un Centre d'Etudes Economiques, destiné à former les cadres économiques supérieurs et moyens.

Pendant les années 1957-58 et 1958-59, les effectifs étaient les suivants:

1957-58 1958-59

Institut des Hautes Etudes de Tunis 1503 1543 Ecole Normale Supérieure 70 106 Ecole Supérieure de Droit 79 136 Centre d'Etudes Economiques 45 46 Université Zitouna 436 658 Ecole des Beaux Arts 95 117 Cours de lé gislation 31 0

Total 2259 2606

(16) Intervention de M. Mahmoud Messadi, secrétaire d'Etat à l'Education Nationale au Congrès International sur le Rôle de l'université dans la Société, a!-Fikr, nO spécial (1), octobre 1959, 5· année, p. 5 (en arabe).

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72 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

Malgré leur importance, ces nouvelles créations demeuraient assez dis­parates et ne pouvaient répondre aux exigences d'un enseignement homogène. L'Université tunisienne, dont l'existence devenait nécessaire fut donc créée par le décret du 31 mars 1960, complété par le décret du l or mars 1961, avec ses diverses facultés:

- Faculté des Lettres et des Sciences Humaines dont la durée des études varie de 3 à 4 ans et où l'on prépare les licences suivantes:

Langue et littérature arabes; Langue et littérature anglaises; Histoire; Géographie; Histoire et géographie; Sociologie; Certificat d'Etudes littéraires modernes (réservé aux Etudiants titu­

laires de la licence Zitounienne «' Alamiyya »).

- Faculté des Sciences Mathématiques, Physiques et Naturelles. Les études y durent 3 ou 4 ans. On y prépare les licences de :

Physique; Mathématiques; Chimie; Sciences Naturelles (Biologie, géologie ou physiologie).

- Faculté de Droit et des Sciences Politiques et Economiques, où la durée des études est de 4 ans. Elle prépare aux licences de :

Droit; Sciences Economiques; Administration des Entreprises Economiques et Industrielles.

- Faculté Zitounienne de Théologie. On y prépare soit la licence de théologie et des Sciences religieuses (4 ans), soit le certificat de prédication et d'orientation (3 ans).

- L'Ecole Normale Supérieure à laquelle est rattaché un centre de recherches et de formation pédagogiques qui prépare au certificat d'Etudes Supérieures de psycho-pédagogie. L'Ecole même prépare aux licences de :

Langue et littérature arabes; Langue et littérature anglaises; Histoire; Géographie; Mathématiqu~s ; Physique et Chimie; Sciences Naturelles.

Ajoutons à tout ceci l'Ecole Normale des Professeurs adjoints. Le but de cette Ecole est de former en l'espace de deux ans des professeurs-adjoints dans de diverses spécialités:

- Langue et littérature arabes, histoire et géographie; - Langue et littérature arabes, éducation religieuse et civique; - Langue et littérature françaises; - Langue et littérature anglaises;

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- Mathématiques; - Sciences; - Enseignement commercial; - Industrie mécanique; - Electricité ...

Outre une Ecole Supérieure d'Etudes Commèrciales et l'Institut Bour­guiba des langues vivantes, divers centres de recherches ont été institués dont, notamment: Le Centre d'Etudes et de Recherches Economiques et sociales (C.E.R.E.S.), le Centre de Recherches sur les Problèmes de la Zone Aride (C.R.P.Z.A.), l'Institut de Physique Atomique et le Centre didactique audio-visuel (17).

Nous avons essayé de donner une vue assez globale des transformations qui ont touché l'organisation de l'enseignement tunisien à tous ses niveaux depuis l'indépendance du pays. Mais cette réforme de structures a été suivie d'une mutation dans le contenu de l'enseignement. Deux idées forces sem­blent guider cette mutation. Il faut, tout d'abord, donner à l'enseigement un contenu et un cadre spécifiquement tunisiens prenant leur source dans la tradition culturelle arabo-islamique du pays, en d'autres termes renationaliser l'enseignement.

D'autre part, il faut sortir la Tunisie de son état sous-développé et lui permettre de jouer un rôle dans le concert des échanges internationaux et plus particulièrement méditerranéens. Pour entretenir ces relations perma­nentes dans un monde dominé par les progrès techniques et scientifiques, il faut envisager un enseignement qui puisse permettre une adaptation conti­nuelle au monde moderne et, sur le plan intérieur, un développement adéquat au niveau de la connaissance scientifique sous toutes ses formes et du déve­loppement économique et de ses exigences toujours plus grandes.

M. Ahmed Ben Salah, répondant à une question de la revue de langue arabe al-Fikr, disait, en effet, ceci: «Il faut que notre enseignement national et arabe facilite la compréhension du monde et de la civilisation humaine dans tous leurs aspects. Il faut conserver la langue (arabe), les spécificités de notre patrie, celles de la communauté africaine et arabe à laquelle elle appartient ainsi que notre spécificité dans le cadre méditerranéen à la glo­rieuse histoire. Mais, tout en conservant ces caractéristiques, il faut que les esprits soient ouverts sur le monde et le progrès. Il faut que la génération prenne conscience de ce qu'elle vit en harmonie avec le siècle et ceci à condition que l'enseignement même soit adapté aux structures économiques et sociales que nous voulons instaurer dans le pays (18).

C'est aussi le point de vue adopté par d'autres responsables ou intellec­tuels tunisiens. C'est également l'avis de M. Mahmoud Messadi, Secrétaire d'Etat à l'Education Nationale jusqu'à la fin de juin 1968 et parrain de la

(17) Nous avons omis tantôt consciemment. tantôt sans le vouloir un certain nombre de données. qui pourraient être intéressantes. Aussi prions-nous le lecteur de voir les divers articles de M. Michel LELONG, spécialiste des problèmes culturels en Tunisie. dans la revue lblet. Pour ce qui concerne l'enseignement supérieur. voir Son article: «Aspects nouveaux de l'enseignement supérieur en Tunisie >. lbla, 1"' trimestre 1957. 37-43.

(18) AI-Fik1' (9). juin 1956. p. 27.

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74 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

réforme de l'Enseignement de 1958. Parlant de l'enseignement en Tunisie, M. Messadi dit ceci, après avoir abordé l'unification structurelle de l'ensei­gnement (19) : « Cette unification structurelle [ ... ] fut doublée par une «rena­tionalisation qui rendit à la langue et à la littérature arabes, dans le cadre des nouveaux programmes, la place qu'elles doivent normalement occuper dans la formation et la culture des jeunes Tunisiens. De même une large part est désormais faite dans les programmes nationaux à l'histoire et la géogra­phie de la Tunisie, du Maghreb et du monde arabo-musulman. En outre, dans les divers ordres d'enseignement le contenu de l'instruction religieuse a été rénové, enrichi et relié à l'instruction civique de façon à intégrer dans la formation de l'enfant tunisien les éléments spirituels permanents et vivants de sa culture nationale et à lui permettre de connaître la structure politique et sociale de son pays, de prendre conscience de ses obligations et de ses droits ainsi que du rôle qu'il a à jouer dans la vie de la collectivité nationale ».

Nous avons, en effet, vu la part qui était réservée à l'enseignement en langue arabe dans les établissements scolaires sous le Protectorat français et nous avons mentionné les diverses modalités 'prises pour renforcer cet enseignement. Or les contestataires d'hier, ont été ceux-là mêmes qui ont mis sur pied la réforme de l'enseignement et ils ont pu concrétiser ainsi ce qu'ils souhaitaient. Ils ont rendu à la langue arabe sa fonction de langue véhiculaire. Ainsi donc dans l'enseignement primaire, toutes les matières doivent être enseignées dans la langue nationale exclusivement, durant les deux premières années. A partir de la 3e année, le français est enseigné comme première langue secondaire mais il est le véhicule de matières impor­tantes telles que le calcul. Il est plus aisé de constater les changements apportés dans le tableau que nous reproduisons ci-dessous (20) (Tableau XIII).

Dans l'enseignement secondaire, la langue et la littérature arabes ont repris leur place de premier ordre tandis que la langue et la littérature fran­çaises sont devenues secondaires; mais malgré tout, la langue française a conservé sa première place dans l'enseignement des matières scientifiques, de l'histoire et géographie - sauf pour la section A où l'arabe est resté la langue véhiculaire principale.

En plus de la langue et de la littérature arabes, un enseignement consacré aux courants de la pensée islamique a été intégré à la dernière année de l'enseignement secondaire, voisinant ainsi avec l'enseignement des courants mondiaux de la pensée philosophique.

D'autre part, on a posé les nouvelles bases d'une éducation civique et religieuse. Ceci répond à deux objectifs: la Tunisie étant un pays musulman, l'Islam constitue un élément de sa personnalité de base; il faut ensuite per­mettre au jeune Tunisien, citoyen de demain, de prendre conscience, dès son enfance, de ses droits et de ses devoirs, d'être à même de comprendre les rouages des institutions de son pays.

(19) Mahmoud MESSADI. - «L'Enseignement en Tunisie >, La Revue Française (166), juillet 1964, 37-40.

(20) Ce tableau est reproduit par Robert VERDONK. - «L'enseignement >, in la Tunisie, dix ans après. Session d'étude 25 juillet - 18 août (1966), conférence Olivaint de Belgique, Bruxelles (1966), p. 248.

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

TABLEAU XIII

Répartition des horaires sur les différentes matières Enseigneme'Ttt primaire

MATIERES ENSEIGNEES 1ère 2ème 3ème 4ème 5ème

année année année année année

1. Enseignement Linguistique

A. ARABE - Langage, Elocution 2.30 h 2.30 h 3.35 h 3.35 h 4.35 h - Lecture 4.00 h 4.00 h 3.00 h 3.00 h 2.00 h - Ecriture 2.00 h 2.00 h 0.30 h 0.30 h

B. FRANCAIS - Langage, Elocution 3.00 h 3.00 h 4.00 h - Lecture 3.30 h 3.30 h 2.30 h - Ecriture 2.05 h 2.05 h

II. Calcul. (en arabe pendant deux ans

2.40 h 2.40 h 3.00 h puis en français)

3.00 h 4.30 h

III. Enseignement Pratique

- Exercices d'habileté (par le maître 1. 00 h 1.00 h

d'arabe) - Travaux pratiques et connaissances 1. 00 h

usuelles (par le maître de français) 1.00 h 1.30 h

Dessin (par le maître de français) 0.50 h 0.50 h 0.55 h - Chant (en arabe) 0.30 h 0.30 h 0.30 h 0.30 h 0.30 h - Education physique (par le maître

1.00 h de français)

1.00 h 1.00 h

IV. Etude du milieu

- Observation de la nature (en arabe) 1. 00 h 1. 00 h - Géographie (en arabe) 0.45 h

V. Education morale et sociale

Coran et morale 1. 30 h 1. 30 h 1.00 h 1.00 h 0.30 h - Histoire et instruction civique

(en arabe) 1.15 h

TOTAL enseignement 14.10 h 14. 10 h 24.00 h 24.00 h 24.00 h

Récréations 0.50 h O. 50 h 1. 00 h 1. 00 h 1.00 h

TOTAL GENERAL 15.00 h 15.00 h 25.00 h 25.00 h 25.00 h

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6ème année

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Mais ce qui nous semble le plus intéressant dans tout ceci, ce n'est pas tant l'instauration de cette éducation civique et religieuse que la nouvelle conception dans l'enseignement de ces matières. En effet, dans le domaine de l'éducation religieuse surtout, il ne s'agira plus d'inculquer à l'enfant des dogmes qu'il ne comprend pas, mais de les lui expliquer. C'est également dans le même esprit qu'a été réformé l'enseignement supérieur islamique, après l'unification de l'enseignement Zitounien dans son ensemble sous l'égide du Secrétariat d'Etat à l'Education Nationale (21).

Dans le cadre de cette «re-nationalisation », d'autres dispositions très importantes, nous semble-t-il, ont été prises: il s'agit de l'enseignement de

(21) Voir Michel LELONG. - «L'Enseignement Supérieur Islamique " Ib!a (98), 2' trimestre 1962, 181-184, ainsi que les chroniques culturelles de H. BLEUCHOT dans les A.A.N.

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76 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

l'histoire et de la géographie. Si cet enseignement existait déjà du temps du Protectorat français, il n'était pas suffisant en ce qui concernait les pays nord-africains et le monde arabe et musulman. L'Afrique du Nord n'était étudiée que dans le cadre de ce qu'on appelait alors l'Empire colonial fran­çais. Il est vrai que certaines modifications avaient été apportées à cet ensei­gnement. Nul ne peut nier l'intérêt et l'importance que peut revêtir cet enseignement. Dans un fascicule consacré aux programmes officiels de l'ensei­gnement secondaire et plus précisément à l'enseignement de l'histoire et de la géographie, le texte dit: «La connaissance scientifique de l'ensemble géographico-historique auquel l'élève appartient, le prépare, et cela quel que soit le domaine de son activité future, à une contribution active et efficace à la construction du monde dans lequel il vit.

Ainsi l'histoire et la géographie constituent un enseignement de grande importance pour la formation du citoyen et du technicien et figurent parmi les éléments indispensables d'un véritable humanisme moderne» (22).

Ce qui n'est pas moins fondamental, c'est l'adaptation du programme à la réalité nationale. Ainsi donc, en histoire, « Nos ancêtres (ne sont donc plus) les Gaulois» et le programme de géographie régionale n'est plus la France (3/4 du programme) et ses colonies (1/4) ! Au delà de cette évidence, on s'est efforcé de «donner» sa juste place à l'histoire et à la géographie de l'Afrique du Nord. ( ... ). Aussi l'importance accordée à cet ensemble géogra­phico-historique varie-t-elle suivant les années selon l'importance de leur rôle historique dans la période étudiée (23).

Ainsi, l'étude de l'histoire de l'Antiquité au XVI· siècle est «centrée autour de l'histoire du monde musulman y compris l'Afrique du Nord », tandis que «le programme de sixième année, qui étudie le monde de 1914 à nos jours, consacre neuf leçons à l'étude des mouvements de libération des peuples dépendants (principalement à la lutte pour l'indépendance nationale en Afrique du Nord) »(24).

Le même effort d'adaptation a été fait en ce qui concerne la géographie. Les exemples de géographie générale doivent être pris dans le milieu réel, l'étude de la Zone Subtropicale, à laquelle la Tunisie appartient, doit être mieux approfondie, tandis que le programme de géographie régionale est «consacré entièrement aux problèmes des pays méditerranéens, à l'Afrique du Nord et au Moyen-Orient» (25).

Deux nouveautés doivent être néanmoins signalées. En effet, en histoire «la modernisation se fera dans la réduction de l'histoire événementielle et diplomatique au profit de l'histoire des civilisations et des faits économiques, sociaux et culturels », tandis qu'en géographie, «un effort de modernisation dans les programmes a porté sur l'importance qu'on a accordée aux dévelop­pements relatifs à la géographie humaine et économique» (26).

(22) Cité par R. GENOUD. - «Un instrument mod~rne: l'enseignement (réformé) de la géographie et de l'histoire >, Ib!a (98), 2- trimestre 1962, p. 194. C'est d'ailleurs à cet article que nous prendrons les citations officielles concernant la question. Nous ne disposons pas, en effet, des textes édités par le secrétariat d'Etat à l'Education Nationale.

(23) Ibid., p. 196. (24) Ibid. (25) Ibid. (26) Ibid. On pourra trouver dans l'article de M. Genoud, la répartition détaillée des

programmes, ainsi que certaines critiques pertinentes sur cet enseignement.

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 77

Ces éléments semblent indispensables, en effet, à un besoin d'adaptation de l'enseignement à la réalité du pays qui doit obligatoirement l'inspirer aussi bien dans sa conception que dans son contenu.

Jusque là nous nous sommes bornés aux mutations qualitatives qui ont touché l'enseignement tunisien depuis l'indépendance du pays. Or, la réforme de l'enseignement a tenu compte aussi du développement quantitatif, et c'est ce que nous nous proposons d'examiner.

Deux raisons fondamentales poussaient les dirigeants tunisiens à prendre des mesures en vue de développer les effectifs. Ils reprochaient, en effet, aux autorités du Protectorat de n'avoir pas fait assez dans ce sens. Nous avons vu quels étaient les effectifs des élèves tunisiens scolarisés. Aussi était-ce par souci de démocratisation de l'enseignement que la loi du 4 novembre 1958, relative à l'enseignement, prescrivait dans son article 2 que «les portes de l'éducation et de l'enseignement étaient ouvertes pour tous les enfants dès l'âge de 6 ans ». Ainsi donc, «chaque enfant a droit, en tant qu'être humain, à ce minimum d'éducation qu'est l'instruction primaire, et que chaque Etat a le devoir d'assurer à tous les enfants le plein bénéfice de ce droit. » (27).

La deuxième raison, était que la Tunisie, ancien pays colonisé, avait perdu une grande partie de ses cadres par le départ massif des fonctionnaires et agents français. Il fallait, par conséquent, les remplacer. Les Tunisiens, soucieux d'un développement rapide et continu du pays, s'étaient vite rendu compte qu'un développement économique et social n'était possible que dans la mesure où ils pouvaient disposer de cadres compétents à tous les niveaux. Mais le développement économique et social exigeait deux conditions essen­tielles: un capital financier (dont la Tunisie ne disposait pas suffisamment) et un capital humain compétent (que la Tunisie n'avait pas encore, non plus).

Aussi fallait-il opter. Devait-on choisir la voie d'un enseignement sélectif qui aurait permis à la Tunisie de disposer d'un cadre compétent mais restreint et investir le reste de ses finances dans des secteurs plus immédiatement rentables, ou bien devait-elle élargir l'enseignement à tous les enfants d'âge scolarisable et y consacrer une partie très importante de son budget, par souci de démocratisation et aussi parce qu'elle «estimait que plus la diffu­sion de l'instruction atteignait de sujets, plus les chances étaient grandes de dégager les cadres valables» (28) ?

On opta pour la deuxième voie et le plan décennal de scolarisation vit le jour en 1959. Devant cet accroissement de la population scolaire quelles mesures fallait-il prendre pour assurer le fonctionnement des établissements vu la pénurie de maîtres et de locaux, inhérente à une scolarisation précé­demment réduite? Que fallait-il faire aussi pour maintenir les études à un niveau assez élevé? Tels étaient les problèmes posés par l'extension horizon­tale de l'enseignement.

Nous avons vu qu'à la veille de l'indépendance il y avait au moins 700000 enfants qui n'étaient pas scolarisés. On évaluait le nombre à environ 980000 pour 1966. C'était donc sur ces données préliminaires d'évolution

(27) République Tunisienne. Secrétariat d'Etat à l"Education Nationale. «Perspective décennale de scolarisation (1959/60 - 1968/69) •. Tunis, S.E.E.N., dactyl., sd., p. 12.

(28) M. MESSADI, art. cité, p. 38.

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 79

démographique qu'il fallait se baser pour déterminer les besoins en locaux et en maîtres qualifiés. D'autre part, les prévisions établies par les services des statistiques donnaient, pour les années 1959-1968, l'augmentation annuelle nécessaire suivante: (Tableau XIV).

Un accroissement plus rapide était prévu pour les cinq premières années. Il semble que les besoins en cadres aient fait prendre aux autorités tuni­siennes cette mesure, qui veut pallier le manque immédiat. En effet, les accroissements prévus pour la période 1959-63 ne se répercuteront sur l'ensei­gnement secondaire que de 1965 à 1970 et les cadres attendus ne seront formés que:

en 1968: pour les cadres de base, issus de l'enseignement moyen qui ne dure que trois ans;

en 1971 : pour les cadres moyens, issus de l'enseignement secondaire qui dure 6 ans;

et à partir de 1974 seulement: pour les premiers cadres supérieurs dont la durée des études ne dépasse pas trois ans. Or, l'augmentation des effectifs avait pour corollaire une augmentation des locaux et des maîtres, et la Tuni­sie n'en disposait pas encore suffisamment. La première mesure prise dans la réforme de l'enseignement fut de limiter les horaires. La scolarité primaire passait en outre de 7 à 6 ans. Ainsi, de 30 heures hebdomadaires, l'enseigne­ment primaire ne compta plus que:

15 heures hebdomadaires durant les 2 premières années, 25 heures hebdomadaires durant les 4 dernières années. Ceci permettait une économie sur le personnel et sur les locaux à

construire. Avec l'ancien régime (30 heures hebdomadaires, 1 instituteur pour une classe de 40 élèves), il eût fallu prévoir 20000 instituteurs pour 800000 élèves scolarisés. La formation de cet effectif eût demandé au moins 20 ans. La réforme permettait donc l'économie d'un instituteur sur six, celui-ci devant effectuer, toujours, 30 heures par semaine.

Cette réduction de l'horaire, permettait aussi de disposer de manlere plus efficace du nombre de locaux existant déjà. En effet, par un roulement quotidien, dans chaque salle, de deux classes à raison de deux heures le matin et deux heures l'après-midi chacune, on arrivait à admettre le double d'élèves, à capacité égale. Ainsi par exemple, en 1958-59, il a été possible de faire fonctionner 7474 classes dans 4400 locaux.

Compte tenu de ces considérations et du développement de la scolari­sation, les perspectives des réalisations ont été définies ainsi (Tableau XV).

Il est utile de souligner que ces mesures d'allègement du programme ont été prises après que les responsables eurent étudié le contenu de l'ensei­gnement. Il leur a ainsi paru, que du point de vue pédagogique, il était possible de donner un enseignement de formation plutôt qu'un enseignement de connaissance et que, par conséquent, il fallait centrer l'enseignement pri­maire sur cinq éléments qui leur paraissaient fondamentaux à savoir:

- l'arabe, - le calcul, - le français, - la formation pratique, - la formation morale et civique.

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80 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

TABLEAU XV

1) Besoins en maîtres

Maîtres de Français Total

Années Martres d'arabe en plus ou bilingues général

Total en plus Total en plus

1958/59 2.105 - 3.253 - 5.358 -

1959/60 2.474 + 369 3.802 + 549 6.276 + 918

1960/61 2.931 + 437 4.349 + 547 7.280 + 984

1961/62 3.442 + 511 4.904 + 555 8.346 + 1. 066

1962/63 3.931 + 489 5.442 + 538 9.373 + 1. 027

1963/64 4.426 + 495 5.986 + 464 10.412 + 1. 039

1964/65 4.920 + 494 6.476 + 490 11. 396 + 984

1965/66 5.395 + 475 6.903 + 427 12.298 + 902

1966/67 5.834 + 439 7.430 + 527 13.264 + 966

1967/68 6.244 + 410 7.868 + 438 14. 112 + 848

1968/69 6.622 + 378 8.315 + 447 14.937' + 825

• On notera que le nombre de classes prévu pour cette année scolaire 1968/69 serait de 19872. Si l'ancien régime des études avait été maintenu (une classe = 30 heures hebdoma­daires = 1 Instituteur) on aurait eu besoin de 21060 maîtres pour ces 19872 classes. C'est donc une économie totale de 6 123 maîtres en 10 ans que la Réforme de 1958 permettra de réaliser.

2) Besoins en locaux scolaires

Augmentation Constructions néces-Cout

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Total 516551 12412 8830 2939 Il 769 11638500 1324650

• Base de calcul: nombre de locaux = 5/7 du nombre de classes . •• Base de calcul: nombre de logements = 1/3 du nombre de locaux-classes.

••• Base de calcul : 1 000 D par unité en moyenne, pour les classes ; 1 500 D par unité en moyenne, pour les logements .

•••• Base de calcul: 150 D par unité en moyenne pour les classes seulement.

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 81

Dans l'esprit des responsables, ceci ne devait en rien diminuer la qua­lité de l'enseignement, ni empêcher les élèves - dont l'orientation se ferait de manière efficace - de se confirmer le long de leurs études dans les diverses options qui leur seraient offertes au niveau du secondaire.

En effet, en plus de l'extension horizontale au niveau du primaire, une extension verticale a été prévue; elle n'a été que la suite logique du déve­loppement de l'enseignement primaire. D'autre part, c'est l'enseignement secondaire qui devra «fournir au pays les cadres moyens, techniques et non techniques dont il a besoin, et préparer les jeunes à l'accès aux études supé­rieures techniques, scientifiques, économiques, intellectuels, etc., que le pays réclame» (29).

Nous avons également souligné l'existence de l'enseignement moyen pour la formation des cadres techniques et non techniques.

Comme pour l'enseignement primaire, un allègement dans les programmes et la durée des études a été entrepris en vue de permettre une économie de locaux et d'enseignants mais aussi dans le même but de pédagogie et d'effi­cacité que pour l'enseignement primaire.

On a vu, par ailleurs, l'organisation nouvelle de ces deux enseignements. Il reste à exposer ce que les responsables se proposaient de réaliser sur le plan des effectifs, de la création des locaux, et du corps enseignant.

Il semble plus aisé de laisser parler les chiffres. Pour le recrutement à l'enseignement moyen, la basse de calcul est le 1/3 du nombre de candi­dats qui se présentent à la première année de l'enseignement secondaire, 2/3 des effectifs se dirigent vers l'enseignement secondaire proprement dit. D'après les chiffres de 1958, les possibilités de recrutement, fonction du développement progressif des classes terminales de l'enseignement primaire (tableau XV), peuvent être estimées ainsi, pour les 10 années des perspec­tives de scolarisation (tableau XVI) .

TABLEAU XVI

... Répartition des admis

Années Nombre de Nombre total Enseignement Enseignement Candidats . d!admis .. Secondaire Moyen

1959-60 27000 9990 6662 3331 1960-61 32000 11 840 7872 3936 1961-62 37000 13690 9126 4563 1962-63 47000 17390 11590 5796 1963-64 55000 20350 13566 6783 1964-65 64000 23680 15780 7893 1965-66 74000 27380 18252 9126 1966-67 84000 31080 20720 10360 1967-68 93000 34410 22940 11 470 1968-69 102000 37740 25160 12580

• Le nombre de candidats pour chaque année scolaire est celui des classes terminales du Primaire de l'année précédente .

•• Base de calcul adoptée: 37 % du nombre des candidats. ••• Base de calcul adoptée : 2/3 des admis, pour l'Enseignement Secondaire.

1/3 des admis, pour l'Enseignement Moyen.

(29) Perspective décennale, p. 20.

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 83

Les besoins en maîtres et en locaux seraient les suivants (tableau XVII)

TABLEAU XVIII

Enseignement moyen

Tableau des constructions à prévenir

Augmentation Locaux a construire

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Coût

Années du nombre

bre de Classes Ateliers Total e onstruction Equipement

des élèves classes

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Total 28586 812 568 507 1 075 3228600 3569000

N. B. A la suite de la correction des épreuves, nous nous sommes aperçus que les totaux des additions ne correspondaient pas à la somme des chiffres donnés. Le lecteur devra donc prendre des précautions et voir les corrections à apporter. Les tableaux que nous reproduisons sont de source officielle, le Tableau XVIII, par exemple a été reproduit d'après perspective décennale de scolarisation (1959-60-1968-69), p. 17 publiée par le Secrétariat d'Etat à l'Education Nationale, Ces erreurs d'addition peu'Jent être relevées dans de nombreux tableaux. Nous les avons laissées telles qu'elles.

• Coût moyen par unité: classe 2 700 D - Ateller : 5 000 D . •• Coût moyen par unité: classe: 1 500 D - Atelier: 8000 D.

TABLEAU XIX

Maîtres en plus pour les Total de maf-Années tres en plus

Classes Ateliers

1959-60 12 22 34 1960-61 12 21 33 1961-62 13 23 36 1962-63 25 43 68 1963-64 33 59 92 1964-65 37 66 103 1965-66 38 68 106 1966-67 39 69 108 1967-68 38 69 107 1968-69 37 67 104

Total 284 507 791

Pour l'enseignement secondaire les prévisions seraient les suivantes:

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1958-59

TABLEAU XX

Développement de l'enseignement secondaire (de 1959-60 à 1968-69)

1959-60 1960-61 1961-62 1962-63 1963-64 1964-65 1965-66 1966-67

Elèves des classes termi-27000 32000 37000 47000 55000 64000 74000 84000 93000

nales du Primaire

Elèves à admettre dans 6662 7872 9126 11 590 13566 15780 18252 20720

le Secondaire

Elèves de 1° Année (6è) 4908 7496 9 146 10700 13409 15845 18473 21 392 24356

Elèves de 2° Année (5è) 3502 4197 6185 7727 9124 Il 339 13493 14773 18 123

Elèves de 3° Ann(,e (4è) 2874 3244 3614 5237 6687 7997 9876 11824 13 151

Elèves de 4° Année (3è) 1 841 2322 2669 2701 3601 4624 5585 6874 8262

Elèves de 5° Année (2de) 1074 1286 1 610 1874 2073 2754 3555 4341 5336

Elèves de 6° Année (1 ère) 875 873 1009 1247 1467 1248

1 901 2 513 3106 293

Classes terminales an-cien régime)

Total

494 623 647 734 894 1058 211 - -

15569 20041 24840 30220 37255 45158 53094 61722 72 339

N. B. - Base de calcul: a) Il est prévu 17 % d'élèves redoublants aux passages de 1'" en 2- année, de 2- en

3° année, et de 4- en 5- année et de 20 % de redoublants également, pour les passages de 3e en 4- année (début du 2e cycle) et de 5e en 6e année (examens de la ,. partie du Bacca­lauréat) .

b) Il est posé: - que de l'" en 2e et de 2e en 3- année. 73 % des élèves passent dans la classe supérieure: - que de 3" en 4e et de 5° en 6- année. 60 % des élèves passent dans la classe supérieure: - et que de 4e en 5e année, 65 % des élèves passent dans la classe supérieure. Ces pourcentages calculés d'après les résultats constatés au cours de deux ou trois der­

nières années scolaires, ne prétendent à aucune rigueur, encore moins à obéir à une loi.

1967-68

102 000

22940

27080

20860

14943

9294

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1968-691

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 85

Tous ces projets de réalisation exigeaient des sacrifices financiers de la part des citoyens et de l'Etat. Nous serions incomplets si nous ne mention­nions pas les coûts prévus de l'œuvre scolaire de la Tunisie après son indé­pendance. Ainsi donc les dépenses pour la période 1959/1969 s'élèveraient à (tableau XXI) :

TABLEAU XXI

Tableau réC1./,pituLatif des dépenses pour La période 1959/1969

Ordres Crédits nécessai- Budget de Fonctionnement

D'enseignement res pour Construc-tion et Equipement 1959/60 1968/69 Augmentation

Ens. Primaire 12963150 D 5465180 D 12393919D 6928739 D Ens. Moyen 6797600 D 1260824 D 3068315D 1807491 D Ens. Secondaire 31188400D 2215105D 8876 572 D 6661467 D

Total ..... 50949150 D' 8941109 D 24338806 D 15397697 D

• Il faut faire oDserver qu'aux 50949 150 D prévus ici, il y aura à ajouter 7 500 D prévus par ailleurs, pour la même période décennale, pour le projet d'Université.

Années

1959-60 1960-61 1961-62 1962-63 1963-64 1964-65 1965-66 1966-67 1967-68 1968-69

Total

TABLEAU XXII

Enseignement secondaire

Tableau des constructions à prévoir

Augmentation Coût des Constructions

des Effectifs

et de l'Equipement

4472 1788800D 4799 1919600 D 5380 2 152000 D 7035 2814000 D 7903 3161200D 7936 3 174400 D 8628 3351200 D

10617 4246800 D 10097 4038800 D 11 354 4341600 D

78221 31188400 D

Là-dessus nous pouvons nous poser certaines questions. La Tunisie, pays sous-développé, est-elle à même de continuer cet effort de financement de l'enseignement au détriment d'autres secteurs économiqus plus rentables immédiatement?

D'autre part, nous avions reproché au plan théorique de scolarisation totale établi par la Direction de l'Instruction Publique de ne pas avoir tenu compte, à l'avance' des besoins réels du pays parceque ce plan théorique n'était pas intégré dans un plan de développement économique et social et

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86 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

que, par conséquent il ne permettait pas une orientation et une ventilation des effectifs scolarisés sur les postes à pourvoir nécessairement dans les divers secteurs de la vie économique, sociale, etc.

TABLEAU XXIII

Professeurs nécessaires

Augmentation Professeurs Années

des des nécessaires effectifs classe s .

1959-60 4472 149 223 1960-61 4799 159 239 1961-62 5380 179 269 1962-63 7035 234 352 1963-64 7903 263 395 1964-65 7936 264 396 1965-66 8628 287 431 1966-67 10617 353 530 1967-68 10097 336 504 1968-69 Il 354 378 567

Total 78221 2602 3892

* On compte 30 élèves en moyenne par classe . •• Traitement annuel moyen: 1 200 D.

Crédits et traitements correspondants

..

267600 D 286800 D 322800 D 422400 D 474000 D 475200 D 517200 D 636000 D 604800 D 680400 D

4687200 D

Pour le premier point, il semble que la Tunisie, à son indépendance ait trouvé une solution qui a allégé les charges de l'Etat en faisant participer les collectivités locales à la création de nouveaux établissements et où l'apport financier de l'Etat n'était que de 50 %. D'autre part, avec le départ des cadres français, les Tunisiens se sont trouvés dans une situation telle qu'il fallait à tout prix les remplacer. Car un développement économique ne pouvait être entrepris que s'il existait des cadres compétents à tous les niveaux. Ainsi donc, instruction et développement restaient intimement liés et la priorité accordée à l'un ne pouvait être que profitable à l'autre - il y a en effet interaction permanente et soutenue.

Pour le df'uxième point, il s'agit plus d'un choix politique, semble-t-il, que d'une simple coïncidence. En effet, à son indépendance, la Tunisie a choisi la voie du libéralisme économique, et cela pour de nombreuses raisons qu'il n'est pas de notre propos d'étudier dans le cadre de cet article. Mais entre-temps, il y a eu une évolution due à des raisons contingentes et objec­tives surtout, qui ont contraint les responsables tunisiens au niveau du Parti et de l'Etat à opter pour un nouveau mode de développement économique et social qui devait mener le pays à la réalisation de certains projets. C'est ainsi que, le 3 janvier 1961, a été créé le Secrétariat d'Etat au Plan. Des perspec­tives décennales de développement économique et social (1962-1971) ont vu le jour et c'est dans ce cadre qu'a été intégré le Plan décennal de scolari-

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 87

sation après 4 années d'application. Jusqu'en 1962, les prévisions du plan de scolarisation n'ont été réalisées ni en ce qui concerne les effectifs scolaires .465 577 élèves en 1961-62 au lieu de 484961 prévus), ni en ce qui concerne les locaux scolaires (6163 locaux en 1961-62 au lieu de 7310 prévus), ni non plus en ce qui concerne les effectifs des instituteurs (7 736 maîtres au lieu de 8346 prévus) (30).

Pour intégrer le plan décennal de scolarisation au Plan décennal de développement économique et social, il fallait refondre celui-là et prendre pour base des prévsions, les chiffres réels obtenus en 1959-1962.

Le plan décennal prévoyait une scolarisation totale à la base en 1966. Compte tenu des effectifs constatés à la rentrée scolaire d'octobre 1961, le rythme de scolarisation devrait être le suivant (31) :

TABLEAU XXIV

Nombre d'enfants

Nombre d'Elèves Nouveaux scolarisables âgés Proportion

Inscrits en Première Année de 6 à 7 ans devant trouver place (évaluations dans les écoles

démographique s)

Admis en Octobre 1961 = 84000 106300 79 % Admis en Octobre 1962 = 96000 110200 86 0/0 Admis en Octobre 1963 = 103000 112300 91 0/0 Admis en Octobre 1964 = 104900 114100 92 0/0

La Perspective prévoit un taux d'admission de 97 % en octobre 1965 et de 100 % en octobre 1966.

Cet apport de nouveaux élèves s'ajoutant à ceux déjà en cours de scola­rité feront progresser les effectifs globaux des écoles primaires (toutes classes comprises) de la façon suivante:

Année scolaire 1961-62 = 465577 en augmentation de 48085 élèves sur l'année précédente

~ ~ 1962-63 = 522 600 en augmentation de 57 023 ~ ~ 1963-64 = 577 800 en augmentation de 55200 » »1964-65 = 627 100 en augmentation de 49 300

Le développement des effectifs globaux ainsi déterminés se base sur des coefficients de passage d'une classe à une autre, de proportions de redou­blants et de taux d'abandons variables selon les classes et, dans l'ensemble, plus favorables que les coefficients constatés au cours de ces dernières années. Cette hypothèse d'amélioration se fonde sur les efforts entrepris et ceux à entreprnedre pour relever le niveau des Enseignants, perfectionner les

(30) Chiffres indiqués par Robert VERDONK, Op. cit., p. 256. (31) République Tunisienne. Secrétariat d'Etat au Plan et aux Finances. «Plan Triennal

1962-1964 >. Tunis, Imprimerie officielle (1962), p. 302.

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88 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

méthodes et le matériel pédagogiques et faciliter les conditions de travail et de vie de certaines catégories d'enfants (3piS).

Coefficients retenus

1ère 2ème 3ème 4ème 5ème 6ème Année Année Année Année Année Ann('e

Constatés en

1959-60 Passent ... 64 76 67 62 51,5 37 et Redoublent. 32 22 27 31 38 43

1960-61 Abandonnent 4 2 6 7 10,5 20

100 100 100 100 100 100

Prévus pour

1961-62 Passent ... 67 75 70 65 60 37 1962-63 Redoublent. 30 23 25 30 33 43 1963-64 Abandonnent 3 2 5 5 7 20

100 100 100 100 100 100

Prévus pour

1964-65 Passent ... 70 75 74 70 65 40 1965-66 Redoublent. 28 23 24 28 30 40 1966-67 Abandonnent 2 2 2 2 5 20

100 100 100 100 100 100

Il a été également prévu un nombre de locaux et d'instituteurs néces­saires. Toutes ces prévisions ont été atteintes ou même dépassées durant l'année 1964-65, c'est-à-dire à la fin de l'exécution du plan triennal 1962-1964 (32). Il semble en effet que l'on soit parvenu à scolariser plus de 65 % des enfants d'âge scolarisables en octobre 1964. (320362 en octobre 1958 et 658766 en 1964 sur une population scolarisable évaluée à 1009000 soit une augmentation de 50 % en six ans) (33). Devant de tels résultats, il fallait par conséquent poursuivre l'effort. Mais déjà des problèmes inhérents au déve­loppement de l'enseignement primaire se posaient: en effet, l'enseignement primaire devait déboucher pour tous sur une formation ultérieure ou complé­mentaire. En dehors des Lycées, collèges ... il fallait aussi penser à des struc­tures d'accueil et de iormation pour ceux qui ne pouvaient pas accéder à l'enseignement du second degré.

D'autre part, il fallait tenir compte des données démographiques. Les perspectives décennales avaient estimé le nombre d'enfants scolarisables chaque année d'après la base d'un taux d'accroissement annuel moyen de 2,1 %. Or les projections statistiques de mai 1964 dégageaient un taux réel

(31 bis) Ibid. (32) Nous trouverons ailleurs les courbes des prévisions et des réalisations 1958-1967. (33) Statistiques du Plan Quadriennal 1965-1968, p. 37.

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 89

de 2,3 %. Il Y avait donc un nombre d'enfants à scolariser plus fort que celui qui avait été prévu initialement (118 200 enfants de 6 à 7 ans en octobre 1966 et 984000 enfants d'âge scolaire de 6 à 14 ans en 1971 contre 140000 enfants de 6 à 7 ans en octobre 1966 et 1230000 enfants d'âge scolaire de 6 à 14 ans en 1971).

Compte tenu de cette nouvelle donnée démographique, il fallait voir si l'on devait maintenir la scolarisation totale à la base pour 1966 ou étaler la scolarisation totale jusqu'en 1971. Il fallait en outre prévoir une extension du réseau scolaire dans les régions les plus éloignées et isolées, par consé­quent prévoir un système de ramassage, de cantines, etc., ce qui aurait valu une augmentation très sensible du budget de l'enseignement.

Outre tout cela, et par souci de maintenir un niveau élevé de l'ensei­gnement, on a décidé le principe du retour aux 30 heures hebdomadaires dans l'enseignement primaire. C'était donc autant de problèmes exigeant des solu­tions adéquates qui devaient également tenir compte des possibilités réelles du pays surtout du point de vue financier, de l'existence des cadres et des locaux nécessaires. Si l'on devait maintenir le principe de la scolarisation totale à la base pour 1966, cela donnerait un pourcentage global de 97,90 % dont 97,25 % des garçons et 62 % des filles. Alors qu'en 1964 les pourcen­tages étaient respectivement de 86,82 % et 44,39 %. Sur la masse qui s'était alors scolarisée, nous aurions 61,80 % de garçons et 38,20 % (1964: 66,45 % et 33,55 %). Il faudrait en outre 5710 maîtres en plus et 5473 locaux. Si par contre, on devait étaler la scolarisation totale à la base jusqu'en 1971, avec le principe du retour au régime des trente heures, le pourcentage global de scolarisation serait de 76,53 % dont 93,93 % des garçons et 58,58 % des filles (1964: 86,82 % et 44,39 %). Sur la masse scolarisée, nous aurions 62,23 % de garçons et 37,67 % de filles (1964: 66,45 % et 33,55 %).

Cette deuxième hypothèse permettrait d'autre part une économie de 580 maîtres (5130 au lieu de 5710) et 639 locaux (4334 au lieu de 5473).

C'est cette deuxième hypothèse qui a été retenue pour la quadriennie (1965-1968) .

Il est évident que ces modifications apportées au niveau de l'enseignement primaire auront des répercussions sur les autres enseignements. Aussi repro­duisons-nous les prévisions et les réalisations dans ces catégories afin d'apprécier le chemin parcouru sur le plan quantitatif car, il ne semble pas qu'il y ait eu de changement qualitatif et aux divers niveaux de l'enseigne­ment (34) durant cette période. Ce sera le bilan des efforts fournis jusqu'en 1967.

(34) Sur les modalités d'orientation, les divers pourcentages concernant le passage du primaire en secondaire ou d'une classe à l'autre, les diverses bases de calcul, les débouchés. etc., voir le Plan Quadriennal 1965-1968, publié par le Secrétariat d'Etat au Plan et aux Finances, pp. 35 à 134.

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90

1 000 000

900000

800000

50

700000

50

600000

50

500000

50

400000

50

300000

15000

14000

13000

12000

11 000

10000

9000

8000

7000

6000

L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

/'

---=---------------_..-

des effectifs primaires

Réalisations

Prévisions

Prévisions Réalisations

5000L-______ ~ ______ _L ______ ~ ______ ~ ________ L_ ______ ~ ______ _L ______ ~ ___

1959 1960 1961 196? 1963 1964 1965 1966 1967

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11000

10000

900

800

700

6000

5000

4000

3000

2000

Tableau comparatif

1962

1 - Enseignement primaire 1963

1/ Etah~lssements publics 527373 (rekvant du S.E.E.N.)

2/ Autres Ptabllssements (Etablissement;.; Français 9.')56 IEtablissements pnvÉ's 10416

Total. 547345

II - Enselg:neml'nt secon-daire erofessiunnel

1/ Etablu';é;eml'nts pubhcs (rl']{>vant du S.E.E.N. 16386 (rl'lf'vant d'dutres S.E. 2195

2/ Autres Etolbllss('ments (Etab]~ssemC'nts Fr.an53lf-; 568 (Etablissements 2942

Total. 22091

III- EnsC'lgn('mC'nt secon-dalre

1/ Etabli <.;Sé'I1H'nts publics (re!('vant du S.E.E.N. 35047 (rel,'vant d'autres S.E. 712

2/ Autrl's Etahlu.;sements (Etahil<';<"l'm,'nh i, S 254 (Etablls<';l'lllvnts 2086

Total 43099

IV - Enspign(,rTlC'nt sup('rlcur

- U!llvers~t{' dp TUllL:-' 3298

- Etabllsspnll'nt<.; rp]pvant 289

d'autn'<.; S. E.

Tutal. :3 .587

Total g('n('ral . G16122

L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

TABLEAU

(Réalisations 1965-66 (Réalisations 1966-67

XXV Statistiques des effectifs scolaires

91

non disponible) 1029)

de la population scolarisée des années 1962-63 à 1967-68

Bilan

1963 1964 1965 1966 1967 62-63 63 -64 64-65 65-66 66-6, 1964 1965 1966 1967 1968 63-64 64-65 65-66 66-67 67 -88

593059 6,18766 717 09 <~ 777686 81079.) -l- 6.'1686 + 6:'1707 + 58327 60 593 + 3:~ 1 O~)

8524 6858 5936 .') 323 4246 1032 1 fl66 922 613 1077 9371 10228 11287 11026 11028 104'5 - 857 + 10.')9 - 261 +

6109.')4 675852 714316 794035 826069 + 63609 +- 64898 +- 58464 ~ S9 719 -1- 32034

18731 21469 25408 29769 35922 + 2345 , 2738 , 3939 + 4361 + 6153 4568 7347 8279 8234 4- 6.39 + 2,17:1 + 2779 " 932 "' 1:1 9S

494 41.') "'4 393 74 494 41;) :n 3374 3206 3886 341 9 4 OB.') + 432 - 168 G80 4G7 + 666

27167 32022 37988 41846 45039 , 5076 , 48.')5 + .'i 966 + '3858 + 3lfJ3

40207 46818 37:HA 70836 82489 + ') 160 + fi611 .>- 10 :î26 ... 1:3492 + 11653 1066 1287 1308 1026 370 + 'n4 ~ 201 21 282 ()5G

fj 222 5644 4995 4810 4152 + 9G8 - .'iïS 649 ~ 8 5 6')8 2217 2253 2704 2101 2557 + 131 3R + 451 603 436

49732 56002 663S1 78773 89.')68 ~ 66.13 , G 2711 + Hl '{.l9 + 12422 + 107%

3884 5458 6230 fi 830 7828 + 53(-) + 127..J. 1072 (-)00 , 998

181 211 224 .100 96 - 108 ~ 30 + 11 76 204

..J. 065 ~ 369 (-j 454 71.'30 7924 + 478 ~ l'W4 108S + 67G 79--1

691918 769245 84,,) 109 921784 968 fion + 7:)7% ... 77327 + 75srQ +- 76075 4G III (i

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Secrétariat d'Etat

Secrétariat d'Etat à l'Educatiun Nationale

Secrétariat d'Etat à l'Agricul ture

Secrétariat d'Etat à la Santé Publique

Secrétariat d'Etat aux Affaires Sociale s, à la Jeunesse et aux

Sports

Secrétariat d'Etat aux Travaux Publics

et à ] 'Habitat

Secr('tariat d'Etat au Plan et à

l'Economie Nationale

Total

TABLEAU XXVI

Développement de l'Enseignement dans la République Tunisienne

Statistiques de l'année scolaire 1966-67

Enseignement Enseignement En::-'C'lgnement EniSeignement Primaire Moyen S('(,( mdaire Sup<,rieur

Garç. Fil. Total Garç. Fil. Total Garç. Fil. Total Garç. Fil. Total Carc;.

500133 277 553 777686 21723 8046 29769 52007 1 R 829 70836 5470 1 360 6830 579333

- - 3655 43 3698 368 - 368 179 7 186 4202

- - - 143 616 759 266 139 405 - - 409

- - 3 647 - 3647 - - - - 3647

- - - - - - 233 233 - - 233

- - 130 - 130 20 - 20 114 114 264

500133 277 .553 777686 29298 8705 38003 52894 18968 71 862 5763 1 367 7 130 ,,88088

Total

Fil. Total

30.0788 885121

50 42.02

755 1 164

- 3647

233

264

306 593 894G81

Pourcentage

9S, n3 Œ~

0,48 %

0,14 %

0,40 1J10

0,02 %

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 93

TABLEAU XXVII

Développement de l'enseignement primaire depuis l'indépendance

Année Scolaire 1956/1957 Année Scolaire 1966/1967

Gouver-Nombre d'Elèves Salles Nombre d'Elèves Salles

Ecoles de Ecoles de norats

Garç. Fil. Total Classes Garç. Fil. Total Classes

Beja 5997 2957 8954 24 101 34229 15387 49616 131 575 Bizerte 9533 6318 16251 35 192 36383 23017 59400 156 800 Gabès 10576 4725 15301 35 177 24239 11894 36133 99 483 Gafsa 9582 3368 12950 27 139 36016 14245 50261 162 696 Kairouan 5465 2202 7667 17 69 30635 10224 40859 141 569 Kasserine 2043 653 2696 6 26 19830 5828 25658 100 359 Le Kef 5909 1796 7705 32 113 34003 15228 49231 189 603 Medenine 4300 2151 6451 45 189 26982 13203 40585 144 563 Nabeul 11501 5162 16663 51 230 37337 23710 61047 158 812 Sfax 20384 9371 29755 62 250 49118 30653 79771 214 1008 Djendouba 6027 1399 7426 20 84 25499 9819 35318 94 432 Sousse 25243 11 395 36638 87 456 65748 39601 105349 203 1397 Tunis et

33104 25658 58762 134 Banlieue

769 80114 64744 144858 214 1854

Total 149664 77255 226919 575 2795 500133 277 553 777 686 2005 10101

Augmentatior 350499 200298 550797 1430 7306

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TABLEAU XXVIII

Développement de l'enseignement secondaire et moyen depuis l'indépendance

Ann{'(' Scn\cu r~ 1956/19')7 :\nn('<: Scolatrc 1866}1907

GnU\'t'l'n(,rats 1 Effectif ~îfl'(~-I--~mlJrl' dt' SD.~ Ef!pctlt I<:ffpctif Numbre de Salles

dt's E1È'vcs dps [nttTnl'~ Il'\umbrl' l ,Nombre

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20:11 Hl 1 2~41 1341 j 134

:H~)I ')831 9301 2301101 240

%71 2621 6191 401 40

358\ 6::1 1 461

2851 165 1 450

2551 1281 3841 1:\01201 150

3391 182 l ,521

84 \ 345 \ 429

29241 477 1 34011 57512161 791

1451 :'.7 1 202 99 99

32001 344135441 8441 941 ~:l:38

G67ôl371l211045S1219ïl37012567 11

1517C)lfi408121583142491710149591 20

l09:n 408 III 341

71 1 1 - 1 - 1 41 12

80 1 91 2 1 2 1101108 422::>114631 56881 12601 289\ 1 ::>49 1541301 4116131123.5

111 - 1- 1 - 1 Hl! 21 34761 6781 41.541 60]1 301 6:i3 891 9 1 .'3 1 fl 1 181 125

7\ 15 3971\ 598\ 4569\ 918\ 231 941 8511814181241139

7 \ 15 38801 8551 47351 7591 771 836 931 10 1 21 :i 1 111 121

14521 1581 16101 9701 11111081 341 G 1 21 41 51 51

11 4 \ 1.5 29021 6481 3550120541 30012354 75\ 10 1 21 G 1 161 109

16 19 27991 4381 32371 4901 1351 57;) 651 fi 1 21 41 151 f.J2

13 8\ 21 444011704\ 6144\ 1676\ 631\ 2307 1141 271 61 181 321 Hl7 10

113 4 1 181135 109071412611503.'312548147113019 2881 72 1 271 401 7.5 J 502 12 1972\ 2211 21931 7781 1821 9f)0 38 71 141 69

1281917121301176 13934144241183591 33861114014526 3651 931241311691 ~)82 16

2601:30122151971414\ 20 117144110;;961 277401 4486114:i~1 59381 16 :i77IIf;11 31176117011015 36

664149132113 t:0219601 :i9 17384912667(jll0052512Q.~)!HI48271 2;)~1~11 62 204814G31I13123614~J7133571 Ils

80 80

~-uLdg('n""all2G10BI68161329~- 1 1- 1-1-1- 1"""'i2"fi761I00"05120594149271255211 ---.J

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TABLEAU XXIX Développement de l'enseignement dans les Ecoles normales

et les sections normales depuis l'indépendance

Ann('c Sculaire 1956/57. .-\nm"e Scolaire 1966/67.

Effectif Nombre de Salle~ Effechf Nombre de Salles

llÛlNCmoratl Localité 1 Etablissement

~::~ ITotal

Ecoles Normales

Tunis et Tunis ~f01e Normale d'Iostituteurs 238 247 12 14 685 685 19 27 Banlieue Tunis Ecole Normale d'Institutrice 162 162 8 12 425 425 17 21 t"~ La Ma~sa Ecole Normale d'Instituteurs 333 89 422 8 10

~ Sousse Monastir Ecole Normale d'Instituteurs 323 328 10 14

75 l ln Total 238 171 409 20 26 1341 519 1860 54 ~

Cl Z

Sections Normales ~ Reja Béja Lycée Mixte 71 71 fi Bizerte Bizerte Lycée de Garçons 147 147 >il Bizerte Bizerte Lycée de Jeunes Filles 33 33 fi Gabès Gabès Lycée Mixte 253 233 Gafsa Gafsa Lycée Mixte 117 117

~ Kairouan Kairouan Lycée Mixte 227 227 Le Kef Le Kef Lycée l\Iixte 17 17 Z Nabeul Nabeul Lyc6e MixtE' 153 153 SI Sfax Sfax Lycée de Garçons 23 23 292 292 t;1 Sfax Sfax Lycée de Jeunes Filles 125 125 Sfax Sfax Collège (Ruute El-Atn) 264 264 Sfax Maharès Collège Secondaire Mixte 36 36 Sousse Sousse Lycée de Garçons 25 25 228 228 Sousse Sousse Lycée de Jeunes Filles 106 106 Sousse Mahdla Lycée Mixte 115 115 Sousse Monastir Lycée de Garçons 192 192 Sousse Monastir Lycée de Jcun€'s Filles 298 298 Sousse M' Saken Collège Secondaire Mixte 32 32 Tunis et Bardo Lycée de Garçons 193 193 Banlieue Carthage Lycée Mixte 55 55

Radès Lycée de Jeunes Filles 51 51 Tunis Lycée de Garç. Ibn Charaf 160 160 Tunis Lycée de J. Fil. El ümrane 251 254

Total 48 48 2552 867 3419 1 55 19 1 " 1 1 88

Total G{'néral 1 286 1171 1 457 20 26 13893 1148615279 1 109 Il:1 CO

27 10 Il c.n

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TABLEAU XXX Développement de l'enseignement supérieur

Ann('c Universitaire 1956/57 ..:\nrH:'e Universitaire 1966/67

Effectif des Etudiants Total

Effectif des Etudiants

Facultés ou Ecoles Tunisiens Etrangers Tunisiens Etrangers Gl'néral

Garç. Fil. Total Garç. Fil. Total Garç. Fil. Total Gare;.

Faculté des Lettres et des 105 43

Sciences Humaines 148 92 75 167 315 864 420 1284 64

Faculté de Droit 173 29 202 18:1 119 302 504 1080 126 1206 70

Faculté des Sciences 216 13 229 166 76 242 471 1 151 270 1 421 101

Faculté de Médecine - - - - - - - 159 23 182 2

Faculté de Théologie - - - - - - - 490 14 504 24

Ecole Normale Supérieure . 91 22 113 - - - - - - -

Centre de Formation - - - - - - - - - - -

Pédagogique

Ecole Supl·rieure de Droit 60 - 60 - - - 60 261 4 265 21

Ecole Supérieure d'Etudes - - - - - - - 78 8 86 -

Commerciales

Ecole Normale des Profes-1 081 298 1 379 24

seurs Adjoints - - - - - - -

Totaux 554 85 639 441 270 71 l 1350 5164 1 163 6327 30G '----.

• Le nombre des élèves de l'E.N.5. n'intervient pas dans le total car ces élèves font partie de la Faculté des Lettres et de la Faculté des Sciences.

Institut Bourguiba des Langues Vivantes: 1 500 élèves.

Fil. Total

87 151

31 101

75 176

1 3

- 24

- -

- -

- 21

- -

3 27

197 503

Total

G('néral

1435

1 307

1 597

185

528

113

-

286

86

1 406

6830

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 97

Nous n'avons pas noté dans notre étude les diverses ventilations effec­tuées en vue de pourvoir les postes de toutes les catégories, nécessaires à la marche du pays dans ses divers secteurs de la vie économique et sociale. Le Plan quadriennal (1965-71) les indique plus précisément. Nous n'avons pas parlé non plus des divers enseignements spécialisés dépendant d'autres Secré­tariats d'Etat que celui de l'Education Nationale (Santé Publique, Agriculture, Affaires sociales ... ), ni de l'Enseignement de la Mission Culturelle Fran­çaise (35) qui est identique à l'enseignement donné en France.

Sur les divers points étudiés, nous pouvons d'ores et déjà faire les remar­ques suivantes:

La réforme de l'enseignement de 1958 et la perspective décennale de scolarisation (1959/1969) constituent dans l'histoire de la Tunisie, une réalisa­tion sans précédent.

Sur le plan des réformes des structures aussi bien que sur celui des mutations effectuées dans le contenu, l'enseignement s'est adapté aux données réelles du pays sur deux points au moins: la «re-nationalisation de l'ensei­gnement a été, en partie, faite et la démocratisation est devenue effective. L'enseignement n'est plus l'apanage des fils de riches; des fils d'ouvriers ou même de chômeurs ont dorénavant accès à toutes les branches du savoir pour autant qu'ils fassent valoir leurs aptitudes ». Une statistique donne à ce sujet les résultats suivants (36).

Fonction-Fonction-

naires et Ouvriers Paysans naires Commerçants et et Sans

professions moyens Employés agriculteurs

Profession libérales

15 % 16 % 14 % 22 % 21, 5 % 12,5 %

Cette augmentation du nombre d'élèves et d'étudiants est due à une forte distribution de bourses d'études provenant soit du Secrétariat d'Etat à l'Edu­cation Nationale soit des Comités de Solidarité sociale institués à l'échelle des gouvernorats et qui viennent en aide aux élèves nécessiteux de leur région surtout au niveau de l'enseignement secondaire et primaire.

Mais il semble que malgré tous les efforts et les sacrifices consentis, l'on ne soit pas arrivé aux résultats escomptés en ce qui concerne les construc­tions scolaires et la préparation des maîtres. Cela exige un investissement financier dont la Tunisie ne dispose pas dans l'immédiat, vu l'importance des autres secteurs aussi vitaux que l'enseignement et qu'il faut aussi développer. Aussi le pays reste-t-il tributaire de l'aide financière et de la coopération technique internationale dont chacun sait le caractère aléatoire, en fonction des développements politiques mondiaux ou bipartites (Bizerte - nationali-

(35) Voir l'article de Bruno ErmNNE dans le présent Annuaire. (36) Cité par M. LELONG. - «Les bourses d'Etudes >, Ibta (90), 2· trimestre 1960, p. 237

(d'après M. ABDERAZAK. - «L'Origine sociale de la nouvelle vague des étudiants in l'Etudiant Tunisien, avril 1960).

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98 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

sation des terres ... ) et qui obligent les pays sous-développés à être de plus en plus dépendants de leurs créanciers.

Ce manque d'infrastructures a inévitablement des répercussions sur les études. Les classes sont surchargées (une moyenne de 40 élèves par classe) et les instituteurs ne sont pas toujours à la hauteur de leur tâche. Devant le besoin accru d'enseignants, les autorités tunisiennes ont souvent eu recours à des modes de recrutement qui ne sont pas toujours des meilleurs. Certains moniteurs chargés d'enseigner n'ont pas les titres requis et malgré les efforts de formation pédagogique, les résultats ne sont pas toujours concluants et les prévisions sont souvent faussées parce que le nombre d'élèves qui redou­blent leur classe est plus important. Même les élèves qui passent dans l'ensei­gnement secondaire ne sont pas toujours du niveau requis. Plusieurs témoi­gnages de professeurs le constatent. Ainsi M. B. Girod de l'Ain, parlant de l'enseignement dans le Tiers-Monde, dit à propos de la Tunisie: «Dans un pays où la situation est cependant bien meilleure (que dans d'autres pays du Tiers-Monde), la Tunisie, nous avons constaté que les élèves de la dernière année de l'enseignement primaire lisaient certes en français, mais étaient sou­vent incapables d'expliquer le sens des mots les plus simples. A la suite de cet emploi massif de moniteurs, il est fréquent, m'ont assuré plusieurs pro­fesseurs tunisiens que beaucoup d'élèves entrant en sixième ne sachent pas conjuguer le verbe être. Ils ont ajouté que leurs connaissances en arabe clas­sique n'étaient pas plus brillantes» (37).

Il faudrait ajouter à tout ceci, la réduction des années de scolarité qui, dans les termes mêmes du Président Bourguiba, a obligé maîtres et élèves à «fournir un effort supplémentaire pour aboutir, malgré la réduction des durées et des horaires d'études, aux résultats escomptés. Cette situation, si elle devait se maintenir, aboutirait à un surmenage préjudiciable à tous et au niveau même de la formation» (38). Il semble néanmoins que l'on soit parvenu dans de très nombreux cas à ce stade de surmenage et que le niveau de l'enseignement ait pu être atteint en conséquence. Cela est confirmé par le Président Bourguiba lui-même. Dans un discours reproduit par le journal Le Petit Matin, le Président de la République Tunisienne dit ceci: «( ... ) les données statistiques concernant les succès aux examens ne donnent pas une idée précise de l'efficacité du système. Numériquement la courbe est ascen­dante; mais elle ne nous renseigne pas sur la valeur des résultats. Un grand nombre d'élèves sont admis au secondaire et au moyen sans avoir obtenu la moyenne réglementaire. Je me suis laissé dire qu'on a parfois racheté des élèves qui n'ont eu qu'une moyenne de 6 sur 20. Comment un élève peut-il suivre utilement l'enseignement des Lycées et Collèges avec une moyenne si basse? Le niveau des études secondaires s'en ressent nécessairement» (33).

Dans les réformes de 1958, la langue arabe devait, en l'espace transitoire de dix ans, devenir la langue véhiculaire de l'ensignement à l'image de la section classique A. Or, il se trouve que tel n'est pas le cas. Un regard rapide

(37) B. GmoD DB L'AIN. - c L'Ecole dans le Tiers-Monde, II. Ils n'apprennent rien., Le Monde, 27-28 novembre 1967.

(38) Discours du Président Bourguiba, l'Action, samedi 1er juillet 1967. (39) Allocution du Président Bourguiba, in le Petit Matin, du 4 mars 1967.

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 99

sur les emplois du temps de l'école primaire du temps du Protectorat et le nouvel emploi du temps de la réforme de 1958 montre que l'on s'achemine progressivement vers une substitution du français à l'arabe. Si en effet, la langue arabe est enseignée exclusivement dans les deux premières années de l'enseignement primaire, elle est devancée par l'enseignement en langue fran­çaise dans les autres années. Ainsi sur un horaire hebdomadaire de 25 heures, le français occupe 14 h 25 et 13 h 45 au niveau des 3e_4e années et 5e_6e années.

Si les arguments pour le maintien de cet état de fait sont valables, elles ne justifient pas pour autant la position de principe formulée par les respon­sables de l'enseignement tunisien. Nous ne voulons pas tomber dans le dog­matisme, mais nous pouvons dire néanmoins que les responsables n'ont pas tenu suffisamment compte des situations objectives de l'enseignement en Tunisie et plus particulièrement de l'enseignement supérieur qui n'est pas du tout arabisé et qui devrait en principe fournir des enseignants pour l'ensei­gnement secondaire, qui devraient à leur tour former des instituteurs pour l'enseignement primaire ... Or nous savons que la Tunisie demeure et demeu­rera encore tributaire de la coopération internationale et surtout française, aussi bien sur le plan des échanges économiques et politiques que culturels; ceci d'autant plus que les relations politiques de la Tunisie avec les pays du Moyen-Orient arabe ne sont encore pas assez stables et sereines pour permettre une coopération culturelle fructueuse.

C'est ce qui explique, dans une large mesure, le maintien du bilinguisme (arabe-français) dans l'enseignement Tunisien. Il est évident qu'il ne s'agit pas de minimiser l'apport de la langue française dans le développement éco­nomique et social de la Tunisie à son étape actuelle. Se voulant national et ouvert sur le monde extérieur, l'enseignement doit profiter de cette situa­tion de fait - l'existence de la langue française depuis le Protectorat ou même avant déjà, avec Kheireddine et le Collège Sadiki - pour s'enrichir.

Dans une déclaration à l'Agence Française de Presse d'Alger, M. Messadi disait ceci: «Il faut redonner à la langue arabe la place à laquelle elle a droit en tant que langue nationale, mais cela n'implique pas nécessairement qu'il faille abandonner le français qui ne la menace nullement.. le français a encore un rôle important à jouer dans certains pays du Tiers-Monde: nous appartenons aux pays en voie de développement, nous devons rattrapper notre retard sur les pays industrialisés, pour cela nous disposons du français qui est à la fois une langue de travail et une langue de culture. Pour nous, il s'agit moins d'apprendre une langue étrangère que d'utiliser un instrument qui nous permettra de franchir les siècles de retard qui nous séparent du monde développé. Il nous permettra d'accéder à la modernité) (40).

Le problème du bilinguisme reste ainsi posé pour plusieurs années encore. Si nous le soulevons c'est pour le montrer sous son aspect idéologique.

En effet, la langue est un élément essentiel de la constitution de la per­sonnalité nationale. Sur ce plan, elle doit avoir la place qui lui est due dans tous les enseignements. Mais la langue est aussi le véhicule des données scien-

(40) Cité par le Journal "AeUon, du 29 avril 1967.

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lOO L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

tifiques et techniques modernes, nécessaires au développement économique des pays sous-développés dont la Tunisie fait partie.

Or, pour le moment, et jusqu'à nouvel ordre, la langue arabe ne peut pas encore contribuer à ce développement, la science et la technique restant le privilège des pays industrialisés. Le dilemme semble se poser à ce niveau (41).

Tous ces problèmes techniques et matériels créent des difficultés aux responsables tunisiens.

L'évolution quantitative a peut-être atteint son point de saturation. En fait, il semble qu'on ait prévu plus qu'on ne pouvait réaliser effectivement, et surtout efficacement.

Le rendement de l'enseignement moyen plus particulièrement a été faible pour diverses causes: la dispersion de cet enseignement entre les Secrétariats d'Etat (Agriculture, Santé Publique et Affaires Sociales ... ), le manque de personnel compétent, le coût très élevé de l'infrastructure néces­saire à cet enseignement, la répugnance que beaucoup de tunisiens ont encore à tout mode d'enseignement technique ou agricole et peut-être aussi le manque de débouchés sur le marché du travail.

Aussi fallait-il prévoir de toute urgence des palliatifs pour tous ces défauts, dussent-ils mener à une nouvelle réforme de l'enseignement. Il fallait alléger les classes, former les cadres enseignants valables, résorber les déchets du primaire et du secondaire, etc.

Lors d'une réunion de la commission idéologique du Parti Socialiste Destourien (P.S.D.) présidée par M. Bourguiba, celui-ci recommanda la création d'une sous-commission de l'enseignement, le 17 janvier 1967. Compo­sée des membres influents du Parti et du Gouvernement (42), elle avait pour mission «de faire le point, de (se) prononcer sur ce qu'il convient de main­tenir ou de corriger ». Telle est la tâche de cette sous-commission, telle que la définira le Président Bourguiba dans l'allocution qu'il prononcera le 31 janvier 1967 devant la sous-commission réunie sous sa présidence (43). Il y soumet les grandes lignes à suivre. Il faudrait tout d'abord s'occuper des déchets de l'enseignement primaire qui sont, d'après les termes du Chef de l'Etat lui­même très importants «(. .. ). Certains mettent en cause, dit-il, le niveau des

(41) Mais en reportant toujours à plus tard l'utilisation de la langue arabe dans les sciences exactes au profit exclusif de la langue française, ne reporte-t-on pas sine die le développement et l'évolution de l'arabe? On a essayé, en effet, de donner à la langue française une place secondaire et de lui faire changer de rôle dans l'enseignement tunisien. On a introduit de nouvelles méthodes pédagogiques pour l'enseignement de cette langue, Inspirées de certaines expériences pour l'enseignement des langues étrangères. Il serait peut­être bon que dans le cadre de l'Office Pédagogique Tunisien on essaie de chercher de nou­velles méthodes, de trouver de nouveaux modes d'enseignement de l'arabe et de fournir un effort considérable en vue d'élaborer les lexiques nécessaires aux diverses branches scienti­fiques, semblables ou pas aux divers travaux déjà élaborés par le Bureau d'Arabisation de Rabat. L'enseignement du français peut et, même, doit être envisagé pour permettre par la suite à tel ou tel spécialiste de se perfectionner dans telle ou telle branche. On reviendrait ainsi normalement à une situation où la langue nationale serait la langue de l'enseigne­ment de toutes les disciplines et où le français serait une deuxième langue qu'on enseigne­rait comme toute autre langue étrangère et qui permettrait cette ouverture sur l'extérieur, qui ne peut être assurément que louable et souhaitable, parce que toujours enrichissante.

(42) La liste de ce personnalités est reproduite par le journal le Petit Matin, du 31 jan­vier 1967.

(43) Voir le Petit Matin, 2 février 1967.

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 101

maîtres, la conception des programmes ou la surcharge des classes. Nous devons examiner tous ces éléments et trouver des remèdes ( ... ) (44). Il faudra donc insister sur les problèmes de pédagogie et d'inspection. La Commis­sion aura en outre «à se prononcer en particulier sur le maintien ou le ralentissement du rythme actuel de scolarisation et à proposer (au Président Bourguiba) les moyens propres à augmenter la rentablité de l'enseigne­ment ( ... ) :. (45). Le Chef de l'Etat juge également nécessaire une harmoni­sation entre le département qui a en charge la formation professionnelle et celui de l'Education nationale. L'enseignement agricole pose, de son côté, des problèmes qu'il faudra régler afin de favoriser son développement et lui assu­rer une meilleure audience auprès des jeunes.

Après examen par le Président Bourguiba, les conclusions seront commu­niquées pour avis au Bureau Politique et au Conseil de la République, après quoi les réformes qui seront adoptées devront entrer en vigueur dès la prochaine rentrée scolaire, c'est-à-dire celle de 1967-68.

Il semble bon de noter que, bien avant l'institution de la sous-commission de l'enseignement, et durant la période d'application du Plan de scolarisation, un certain nombre d'aménagements avaient été apportés. Nous ne les avons pas cités au cours de notre exposé (46). A part ces retouches partielles l'orga­nisation et l'esprit de la réforme de 1958 sont restés les mêmes. L'enseigne­ment professionnel reste toujours du ressort du Secrétariat d'Etat à la Jeu­nesse, aux Sports et aux Affaires Sociales, l'enseignement agricole relève du Sous-Secrétariat à l'Agriculture aux niveaux Secondaire et Supérieur, tandis que le Secrétariat d'Etat à la Santé Publique s'occupe des écoles de la Santé.

C'est donc sur ces données que la sous-commission de l'enseignement aura à se prononcer. Après plus de 3 mois de travaux et de réunions tenues à tous les niveaux, avec la participation de tous ceux qui étaient intéressés par les problèmes de l'enseignement: instituteurs, professeurs, parents d'élèves ... la sous-commission présentait ses rapports au Chef de l'Etat (47).

Sur la base de ces documents, nous essaierons d'exposer les analyses et les recommandations de sous-commissions à propos des divers degrés de l'enseignement primaire, secondaire et supérieur.

Pour l'enseignement primaire, la sous-commission a dû aborder un cer­tain nombre de questions telles que: La langue et les méthodes d'enseigne­ment; l'avenir des élèves; les cadres de l'enseignement et l'orientation; l'allè­gement des effectifs des classes; les programmes: l'horaire hebdomadaire;

(44) Le Petit Matin, 4 mars 1967. (45) Ibid. (46) Nous renvoyons le lecteur aux Rappons su,. le mouvement Educatif en Tunisie que

la S.E. à l'Education Nationale publie tous les ans à l'Intention de la Conférence Internationale de l'Instruction Publique de Genève (B.I.E.) ainsi qu'aux chroniques de Michel LELONG et d'autres collaborateurs de la Revue Ibla sur l'enseignement tunisien sous ses divers aspects.

(47) Les rapports ont été publiés par les journaux et revues locaux et notamment dans la revue ash-Sha'b, «Rapport sur l'enseignement primaire >, ln ash-Sha'b du 1er juillet 1967 et «Rapport sur l'enseignement secondaire et supérieur >, in ash-Sha'b du 16 septembre 1967 (en arabe). Voir aussi l'Action du 4 juin 1967 (Rapport sur l'enseignement primaire) in l'Action du 16 septembre 1967 (Rapport sur l'enseignement secondaire) et ln l'Action du 20 septembre 1967 (Rapport sur l'enseignement supérieur). Cf. aussi Documents IV dans le présent Annuai,.e.

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les livres scolaires; l'âge de scolarisation; la généralisation dans le cycle pri­maire de la formule des écoles mixtes et enfin, la durée de l'enseignement primaire. Ainsi donc, elle a soulevé des problèmes généraux et particuliers qui exigent souvent une grande compétence et de la technicité. Elle s'est limi­tée par conséquent à des suggestions ou à des recommandations en attendant la création d'un «organisme permanent d'études pédagogiques qui devra élaborer à partir de données pratiques et techniques une étude d'ensemble qui servira de base à une réforme générale de longue haleine dans le cadre du plan national de développement» (48). Il s'agit donc dans l'immédiat de parer au mal en attendant une nouvelle réforme éventuelle découlant de la réalité mouvante, et du pays et de l'enseignement lui-même.

En ce qui concerne la langue et les méthodes d'enseignement, la sous­commission maintient l'attachement de la Tunisie à la culture et aux tradi­tions arabo-islamiques et par conséquent à l'option fondamentale de l'arabi­sation de l'enseignement, tout en conservant la porte ouverte sur les civili­sations et les littératures étrangères et plus particulièrement françaises. La langue française devra, ainsi, être maintenue pour l'enseignement des sciences, « nécessité inéluctable dans cette phase transitoire que traverse notre pays en attendant que soient consolidées les bases de notre Université (Tunisienne) et renforcées les structures de notre enseignement national ».

Tels étaient d'ailleurs les principes édictés dans la réforme de 1958. Mais l'apport nouveau de cette sous-commission est d'exiger dorénavant de tout étudiant poursuivant ses études supérieures la possession de connaissances sérieuses, à défaut d'un diplôme, en langue arabe afin qu'il puisse enseigner ou rédiger dans cette langue n'importe quel sujet et doter ainsi le pays « d'un corps enseignant apte à enseigner en arabe aussi bien au cycle secon­daire qu'à l'Université ».

Nous avons souligné ailleurs que les résultats de l'enseignement primaire n'étaient pas ce qu'on pouvait souhaiter. La sous-commission note que le « nombre des élèves qui accèdent aux cycles secondaire et moyen ne dépasse pas 40 % de l'effectif total en dépit de la complaisance manifeste dans certains cas ». D'autre part, la majorité de ces déchets, si ce n'est la totalité, ne trouve pas de structures d'accueil qui leur permettent de prendre part à la vie active du pays, par l'apprentissage d'un métier, par exemple. Devant cette situation critique, il faut donc trouver des solutions adéquates. La sous-commission fait des recommandations qui ne sont pas nouvelles, à notre avis, puisqu'elles ont été déjà notifiées antérieurement dans le cadre de la réforme de 1958 et qui consistent en ceci:

1) fixer pour objectif à l'enseignement primaire de faire parvenir tous les élèves au terme de cet enseignement afin de leur assurer l'accès à un autre cycle d'enseignement ou de formation;

2) orienter les élèves qui terminent avec succès l'enseignement primaire vers l'une des sections de l'enseignement secondaire: scientifique, littéraire, technique, agricole ou économique;

(48) Les citations que nous reproduisons dans cette partie seront tirées des rapports indi­qués infra. Nous n'indiquerons donc nos sources en bas de page que dans le cas où elles ne 'proviennent pas directement et ces rapports, afin d'éviter les surcharges.

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 103

3) orienter les élèves qui ont obtenu des moyennes insuffisantes pour accéder au cycle secondaire vers la formation professionnelle industrielle, commerciale ou agricole pour en faire des ouvriers qualifiés ou spécialisés;

4) diriger tous les déchets de la classe terminale du cycle primaire vers l'apprentissage d'un métier pour en faire des ouvriers habiles capables de s'intégrer dans un circuit productif ».

Autant de recommandations valables mais qui ne peuvent en aucun cas constituer en elles-mêmes un remède au mal qui est ailleurs. En effet, si ces déchets existent en si grand nombre, c'est que l'infrastructure scolaire demeure insuffisante. La situation actuelle n'est qu'une conséquence d'un état de fait: manque d'instituteurs qualifiés, réduction des horaires. surcharge des classes... - et pourquoi ne pas le dire? - condition sociale des élèves de l'école primaire (49) .

La sous-commission étudia ces questions. Au sujet des cadres de l'ensei­gnement, nous avons vu qu'une grande partie des enseignants était constituée de moniteurs qui n'étaient pas qualifiés pour donner un enseignement pri­maire valable. Il faudra donc, pour les rendre efficaces, «les prendre en charge », en leur faisant des conférences pédagogiques, en organisant des sta­ges pendant les congés, en leur faisant suivre des cours par correspondance, en leur envoyant des fiches, des cours, des conseils, etc. L'existence de classes rurales à l'intérieur du pays pose des problèmes à ces moniteurs qui sont loin de tout lieu d'activité ou de rayonnement culturels et qui restent par consé­quent enfermés dans un milieu assez arriéré, sans contact avec les grandes villes, car ils manquent même souvent de moyens de transport ou de commu­nications rapides. Ainsi isolés, ils ne peuvent pas prendre conseil auprès de leurs aînés et collègues plus compétents et plus expérimentés - ceux-ci se trouvant la plupart du temps concentrés dans les grandes agglomérations urbaines - ni auprès de leur directeur - s'ils en ont - pris par les charges de gestion qui lui incombent (cantines, fournitures scolaires ... ).

Il s'agira donc d'effectuer un recyclage quasi-permanent de ces moni­teurs et aussi de trouver les cadres compétents (inspecteurs surtout) qui puissent les aider dans leur travail. La commission propose en outre de «prendre toutes dispositions utiles pour se passer des moniteurs et notamment de ceux qui n'ont pas réussi à s'adapter à la fonction d'enseignant et les reclasser dans d'autres fonctions; de renoncer au recrutement de jeunes gens ne justifiant pas de cinq années d'études secondaires (niveau de l'examen probatoire du Baccalauréat) sauf nécessité impérieuse et sous réserve de les former valablement », et enfin, «de définir une méthode rationnelle pour relever le niveau culturel et professionnel des moniteurs afin d'en déceler les éléments doués et permettre au plus grand nombre possible de s'intégrer dans le cadre des instituteurs ». •

Il est évident que pour réaliser tout cela des inspecteurs compétents sont nécessaires. Aussi faudra-t-il en augmenter le nombre, encourager les instituteurs expérimentés et les professeurs à participer aux concours qui

(49) Voir à ce sujet dans la tribune libre sur l'Enseignement parue dans la Revue Il8h-ShaMb (1), avril 1967, l'Intervention de Mohammed al-Ayari, c Réflexions sur l'ensei­gnement. (en arabe).

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seront dorénavant le mode unique de recrutement en vue duquel des cours de différents ordres devront être donnés dans le cadre de l'Université.

On vise ainsi, par une formation plus sérieuse et aussi par l'intéresse­ment du corps enseignement dont on veut réviser les modes de rémunération, à doter l'enseignement primaire des cadres compétents qui lui manquent actuellement en grande partie.

Ces diverses mesures peuvent prétendre à une amélioration qualitative de l'enseignement. Mais il paraît aussi indispensable d'alléger les effectifs des classes. Si la commission est d'accord sur le principe de l'allègement, il ne semble pas pour autant qu'elle soit parvenue à réaliser concrètement cet allègement. Elle ne fait que recommander que ces effectifs ne dépassent pas 44 élèves par classe (Les effectifs étaient de l'ordre de 45 élèves en moyenne, auparavant) .

On pourrait peut-être expliquer cette prudence par le manque de moyens immédiats dont dispose le Secrétariat d'Etat à l'Education Nationale et qui sont liés aux réalisations du plan et à ses prévisions comme nous le prouve le tableau ci-dessous:

Nombre d'élèves en âge scolaire au rr octobre 1967 ... . Nombre de redoublants à prévoir ..................... .

Soit au total ..... .

Surnombre

Admissions prévues par le 185078 26600 plan

Admission avec un maxi-mum de 45 élèves par 174730 36948

classe

Nombre d'Instituteurs prévus par le plan pour 1997

la 1ère année

Nombre d'Instituteurs exigés après l'allègement 2056

des effectifs

Nombre de salles de classes prévues par le plan pour 1997

la 1ère année

Nombre de salles de classes exigées après l'allègement 2056

des effectifs

160000 + 51678

211678

Décalage

10348

+ 59

D'après la commission, il faudrait aussi procéder à une révision des pro­grammes d'enseignement quant à l'horaire et à sa distribution. Elle juge, en effet, insuffisants les horaires consacrés à l'éducation morale, civique et reli­gieuse, à certaines matières fondamentales telles que le calcul et les langues;

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNXSm 105

elle dénote en outre l'absence de travaux manuels et pratiques, ce qui donne à l'enseignement un caractère théorique et abstrait ne suscitant pas auprès des jeunes le désir de s'orienter vers des carrières professionnelles. Et la commission de proposer :

1) de réserver dans les programmes de l'enseignement, à tous les niveaux une large place aux travaux manuels et aux exercices de travaux pratiques qui inculquent à la jeunesse l'amour de l'effort, de la production, de la mise en valeur de la terre et le désir d'acquérir habileté et tour de main;

2) d'établir des relations étroites entre les programmes scolaires et le milieu social et économique de l'enfant, de telle sorte que l'élève aura, dans les régions rurales, à pratiquer en cours de scolarité des travaux agricoles et d'élevage, par référence aux études scientifiques qu'il aura reçues. De même l'élève aura, dans les villes et les villages, à mettre en œuvre ses connais­sances scolaires en pratiquant les métiers en honneur dans son agglomération;

3) de créer dans les écoles des salles équipées en vue des travaux manuels ainsi que des jardins scolaires dans les écoles rurales où doit être prévu également un centre d'élevage. La même importance doit être accordée tant à ces nouvelles créations qu'aux salles de classe;

4) de recourir à la télévision pour l'organisation de cours-types dont profiteront les instituteurs en vue de perfectionner leurs méthodes d'ensei­gnement :..

La commission eut ensuite à se prononcer sur l'horaire hebdomadaire. Il était de 15 heures pour les deux premières années et de 25 heures pour les quatre dernières années. D'autre part, le plan quadriennal prévoyait le retour au régime des trente heures hebdomadaires, comme nous l'avons déjà indiqué. Ainsi donc, par un souci d'efficacité on se prononce pour le régime des trente heures. Pour ne pas entraîner de bouleversement sur le plan de la scolarisation, entre autres causes, on a décidé que ce retour se ferait à partir de la 6e année afin de pouvoir donner une base plus solide aux élèves des classes terminales de l'enseignement primaire, et leur permettre ainsi de continuer des études normales dans les cycles secondaire et professionnel. Il est noté aussi que ce changement d'horaire devra favoriser plus particulière­ment l'enseignement du français et du calcul, et ceci s'explique bien. En effet, les élèves ne commencent simultanément l'étude de ces deux matières qu'à leur troisième année, après avoir fait deux années de calcul en langue arabe seulement. Or comment faire du calcul en français quand on n'est pas en mesure de comprendre les données d'un problème posé en langue française?

Un autre problème qui ne manque pas d'intérêt ni d'importance a été soulevé: il s'agit des livres scolaires. Du temps du Protectorat, les livres scolaires étaient importés soit de France pour les matières enseignées en français, soit du Moyen-Orient pour les matières d'arabe. Certains tunisiens ont essayé à leur tour de publier des ouvrages qui étaient surtout des livres de lecture.

Si la lecture est importante, elle n'est pas la seule matière à enseigner. D'autre part, un enseignement national implique un certain nombre d'impé­ratifs et dont le plus immédiat est que l'œuvre soit inspirée par les réalités du pays. C'est pourquoi les livres importés de France ou du Moyen-Orient

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106 L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE

(à quelques exceptions peut-être, dont les livres de grammaire par exemple) ne peuvent plus et ne doivent plus avoir leur place dans l'enseignement tunisien. Un effort a d'ailleurs été fait dans ce sens et les ouvrages publiés sous l'égide de l'Office pédagogique tunisien sont en grande partie une réussite. Ils demeurent néanmoins insuffisants et. la commission en impute la responsabilité au peu d'empressement que manifestent les auteurs, aux difficultés de l'impression, de l'édition et au contrôle d'autre part. Elle pro­pose en conséquence:

1) de réviser les méthodes de contrôle des manuels et de créer à cet effet un comité National composé d'enseignants aux compétences confirmées en matière d'éducation et d'enseignement ayant pour tâche de susciter des vocations d'auteurs valables et de provoquer dans leur rang une saine ému­lation;

2) d'organiser rationnellement l'édition et la diffusion pour obtenir «le livre le meilleur, au meilleur prix et dans les meilleurs délais »;

3) d'assurer la tunisification du livre scolaire pour en faire par ses textes, par l'image qu'il donne de la réalité, par sa présentation un instrument adapté au caractère évolutif de la science et de la civilisation dans le monde.

Pour appuyer l'action du livre, la commission propose d'équiper les écoles de tous les instruments d'illustration moderne: moyens audéo-visuels, images fixes, magnétophones, cartes, planches, récepteurs radio, appareils de télé­vision, pour mieux expliquer les leçons exposées et aider les élèves de les assimiler ».

La scolarisation dans le primaire se fera maintenant à 6 ans. D'autre part, la commission propose l'extension de la mixité dans les écoles primaires et maintient à 6 années la scolarité dans ce cycle, compte tenu des nouvelles réformes qui devraient être fructueuses en permettant d'élever le niveau de l'enseignement primaire et préparer les élèves à poursuivre des études nor­males au niveau du cycle secondaire.

D'ailleurs, l'enseignement secondaire aussi a fait l'objet d'études et de critiques sérieuses de la part de la commission. .

Celle-ci a réaffirmé les principes et objectifs énoncés par la réforme de 1958, à savoir:

«assumer aux jeunes une formation et une culture générale capable de révéler leur personnalité par le développement de leurs facultés intellectuelles et pratiques selon des méthodes judicieusement élaborées,

«former des cadres moyens techniques ou non spécialisés nécessaires à tous les secteurs d'activité de la Nation,

«découvrir les sujets doués et aptes aux études supérieures, et déve­lopper leurs aptitudes en vue d'en faire des cadres supérieurs du pays. [ ... ] », inculquer à notre jeunesse une culture authentiquement tunisienne,

«pratiquer cet enseignement selon des programmes et des méthodes adaptés à l'évolution scientifique du monde moderne qui est en progrès constant,

«répondre, dans la formation des cadres, aux exigences des plans de développement national dans leurs lignes directrices ».

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Il ne s'agit pas de changer l'esprit de l'enseignement secondaire ni ses objectifs mais de changer ses structures en le dotant d'une unité adminis­trative et d'une unité de structure.

Il y a en effet, malgré la volonté d'unification de l'Enseignement, une certaine diversité qui est demeurée au niveau de l'enseignement secondaire et supérieure (notamment au niveau des diverses sections A. B. C., sections normales et écoles normales ... ) et surtout au niveau de l'enseignement moyen dépendant de divers secrétaires d'Etat.

Ainsi donc, pour pallier les inconvénients que peut provoquer une telle situation - que les Tunisiens reprochaient d'ailleurs à l'enseignement sous le Protectorat - la commission se prononce pour le rattachement des éta­blissements secondaires au Secrétariat d'Etat à l'Education Nationale «à l'exclusion des écoles de la Santé Publique pour lesquelles le statu quo doit être maintenu pour des raisons techniques particulières ».

Il fallait, en outre, donner à l'enseignement une unité de structure pour éviter certaines disparités au niveau des étapes, des cycles, et des sections. L'organigramme que nous avons reproduit supra le montre suffisamment (page 70).

D'autre part, « [ ... ] dans le but d'assurer aux élèves une maturité d'esprit plus grande et de confirmer leur aptitude à affronter avec succès les études supérieures» la commission a estimé qu'il y avait lieu d'étaler la scolarité du cycle secondaire sur 7 années au lieu de 6, tenant ainsi compte des sur­charges qui existent dans les programmes.

Il est prévu aussi une réorganisation de l'orientation qui se faisait à la fin de la première et de la troisième années de l'enseignement. La commission juge inefficace ce mode d'orientation. Elle estime en effet, qu'au lieu de prendre acte des aptitudes des élèves pour les orienter, il faut dorénavant laisser un certain choix à l'élève lui-même qui serait plus à même de choisir la voie qui lui conviendrait le mieux. Pour permettre à l'élève de se confir­mer et à ses aptitudes de se dévoiler, l'orientation devrait se faire à la fin de la troisième année et la deuxième orientation à la fin de la quatrième année.

L'enseignement secondaire conservera ses deux cycles - le premier cycle sera un tronc commun pour tous les élèves des différentes sections de l'ensei­gnement secondaire. Son objectif «est de donner à l'enfant issu de l'ensei­gnement primaire une formation de base solide et de l'habituer à fournir un effort diversifié et équilibré. [ ... ] Dans le but de doter les élèves de ce cycle d'un esprit scientifique et technique, la commission propose d'accorder à l'enseignement scientifique pratique et technique la place qui lui convient dans les études que comporte ce cycle ».

Le deuxième cycle sera basé essentiellement sur les aptitudes des élèves. Il sera réparti en quatre sections:

1) Section Générale. 2) Section Technique. 3) Section Agricole. 4) Section Economique.

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Les quatre sections devront être ramifiées à la fin de la premlere année du deuxième cycle selon les spécialités vers lesquelles les élèves seront orien­tés après cette année de scolarité. «Ainsi les études au cours des trois der­nières années du «secondaire:l> seront centrées plus particulièrement sur les matières de la spécialisation choisie, la formation générale étant commune à toutes les sections :1>.

La section «normale» qui préparait les élèves au métier d'instituteur sera supprimée au profit de classes dites «pédagogiques:i>. Il s'agira d'orien­ter vers ces classes l'élite des élèves de Lycées et Collèges qui feront montre d'aptitudes particulières et prometteuses. Les sujets d'élite de cette section peuvent passer à l'Ecole Normale Supérieure sur concours l'année même où ils passent leur examen du baccalauréat. Ainsi ces classes pédagogiques, dont il faudra réorganiser les structures et les méthodes, pourront fournir des instituteurs pour le primaire, des professeurs pour le secondaire et le Supé­rieur. Selon la commission, l'institution de cette commission n'a d'autre objec­tif que d'harmoniser et unifier la formation pédagogique «conçue pour tout le corps enseignant qu'il soit primaire, secondaire ou supérieur:i>. Un nou­veau mode d'enseignement - l'enseignement secondaire professionnel -dont la durée des études sera de 4 ans, remplacera l'enseignement moyen. Cet enseignement servira à former les cadres de base pour le commerce, l'industrie et l'agriculture. La nouveauté dans cet enseignement est que les élèves pourront poursuivre leurs études dans un deuxième cycle, alors que l'ancien système n'exigeait d'eux que 3 ans d'enseignement. En outre, les élèves les plus méritants de cet enseignement pourront accéder au deuxième cycle de l'enseignement secondaire.

La formation des ouvriers qualifiés restera toujours confiée au Secré­tariat d'Etat aux Affaires Sociales.

Ces diverses mesures provoqueront une révision des programmes, de la langue d'enseignement et des livres scolaires. Si la commission propose que le problème de l'enseignement dans la langue nationale soit étudié de manière sérieuse et selon un plan bien établi dont l'orientation de la section A », elle soumet les autres questions aux services compétents du Secrétariat d'Etat à l'Education Nationale et à l'organisme permanent chargé des études péda­gogiques dont la création a été suggérée par la commission.

La commission est consciente, néanmoins, que pour la réalisation de tous ces projets, l'existence de cadres enseignants est indispensable. Or le problème de la formation des cadres pour l'enseignement secondaire est intimement lié à celui de l'Université qui doit les fournir.

C'est ainsi que l'Université a été étudiée sous trois aspects: l'Enseigne­ment supérieur, la Recherche Scientifique et la formation des cadres. Après des considérations générales sur l'Université dans la société et son rôle de formation, ses rapports avec les organisations sociales et économiques et leur interaction, la commission étudie les trois questions sus-indiquées.

Une impression générale se dégage du rapport de la commission. Il s'agit de retouches plus que de réforme de l'enseignement supérieur. En effet sur le plan de l'organisation de l'enseignement et de ses structures, la

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L'ENSEIGNEMENT EN TUNISIE 109

corrumsslOn reprend les mêmes propositions qui ont toujours préoccupé les responsables de l'enseignement supérieur tunisien, une université qui soit en harmonie avec le développement économique et social, un enseignement qui tienne compte de la réalité tunisienne et qui aboutisse à une tunisification de l'enseignement dans ses programmes et dans son esprit.. (50). Ajoutons à tout ceci les méthodes d'enseignement qui devront être surtout basées sur les travaux pratiques. Ceci exigera un nombre d'enseignants suffisants qui devront encadrer et suivre les étudiants à tous les niveaux. La commission prévoit l'existence de professeurs conseillers qui seront à l'entière disposition de l'étudiant.

Le problème de la recherche a également été soulevé. Il faudra déve­lopper une recherche interdisciplinaire et coordonnée entre les diverses Facultés. Mais, d'après la commission, la recherche ne doit pas se limiter à l'enseignement. Elle doit aussi englober les divers secteurs de l'activité nationale. «Aussi peut-il être envisagé de créer des centres de recherches en dehors de l'Université mais en liaison étroite avec les chercheurs univer­sitaires ».

Pour éviter une dispersion des efforts et des équipements, la Commission propose la création d'un Haut Conseil de la Recherche Scientifique qui aurait, entre autres attributions, «à organiser les recherches, en coordonner les pro­grammes et doter les chercheurs d'un statut fixant leurs droits et définissant les critères de leur recrutement ».

Tous ces éléments demeurent largement liés à l'existence de cadres compétents. Ce sera à l'Université de les fournir, tel est son rôle essentiel pour le développement de la recherche et de l'enseignement à tous ses degrés.

La commission a dû se prononcer là-dessus. Elle considère que le bacca­lauréat n'est plus un critère suffisant pour l'accès à l'Université. Ainsi l'ensei­gnement supérieur deviendra-t-il, selon les conclusions de la commission, sélectif. On sacrifiera le nombre à la qualité. Est-ce là la bonne solution?

Nous avons vu quelles étaient les recommandations de la commission concernant la création des classes dites pédagogiques en vue du recrutement des professeurs pour l'enseignement secondaire et le rôle qu'aura à jouer l'Ecole Normale Supérieure dans cette formation d'élite. Nous avons souligné également la nécessité, pour tout étudiant d'avoir des connaissances précises en langue arabe, lui permettant d'enseigner dans la langue nationale.

Il semble que tout cela soit fait dans le but de pourvoir l'Université et l'enseignement de cadres compétents mais aussi d'orienter l'enseignement dans une voix dynamique qui mènerait le pays à une auto-suffisance en cadres nationaux qui pourraient donner à l'enseignement dans son ensemble l'arabisation souhaitée.

Cette tunisification des cadres de l'enseignement supérieur n'a pas encore trouvé sa voie. Elle demeure souhaitée, mais demeure souhaitée aussi l'ou­verture de l'Université tunisienne sur le monde extérieur, eu égard au

(50) M. Chedly AYARI a répondu en fait à toutes ces questions dans une interview accor­dée au journal l'Action, du jeudi 21 décembre 1967.

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double rôle que toute université doit jouer: un rôle national spécifique et un rôle international qui la conditionne mais auquel elle doit s'associer aussi.

Tel est le nouveau cadre établi par la sous-commission de l'enseignement Nous avons essayé d'exposer ses soucis et ses recommandations en toute fidélité. Il nous reste à voir ce qui a été réalisé à la rentré scolaire 1967-68.

M. Mahmoud Messadi l'expose dans sa conférence de presse à l'occasion de la rentrée scolaire et universitaire 1967-68 (51).

Au niveau de l'enseignement primaire le retour au régime des trente heures hebdomadaires était prévu par le plan quadriennal pour octobre 1968. Or après réunion de la commission, ce retour a été avancé à la rentrée d'octobre 1967. Mais vu les prévisions du plan, cette mesure ne pourra être généralisée qu'en octobre 1968, comme prévu et elle ne sera donc que par­tielle cette année. « ... les inspecteurs de l'enseignement primaire ont été invi­tés à étendre immédiatement à autant de classes que possible, l'horaire de 30 heures qui se trouve au reste appliqué depuis un an déjà dans certaines écoles de Tunis à titre expérimental:., dira M. Messadi.

D'autres mesures ont été prises par ailleurs, à savoir que le nombre des élèves des classes surchargées sera réduit (M. Messadi ne dit pas quel sera le nombre d'élèves par classe ni comment il fera face à ce problème vu le nombre de salles et de maîtres disponibles); la mixité dans les écoles pri­maires sera également étendue «dans toute la mesure du possible» (52) notamment en r e, 2e, 3e et 4e année. «Il est à signaler à ce propos que dans la plupart des cas la mixité est de règle. Les écoles nouvellement construites, depuis l'indépendance, sont en majorité mixtes, garçons et filles s'y côtoient:. (53).

Une commission est chargée d'étudier les méthodes pédagogiques adé­quates pour l'enseignement du calcul en 3e année, tandis qu'une autre commission est chargée d'établir l'organisation et les programmes des cours de perfectionnement à l'usage des moniteurs. Dans le domaine de l'ensei­gnement secondaire, les établissements d'enseignement agricole seront attachés au S.E. à l'Education Nationale alors qu'ils dépendaient auparavant du S.E. à l'Agriculture. Ceci est fait dans un souci d'unification de l'enseignement. L'enseignement secondaire durera 7 années au lieu de 6. Il demeurera le même dans sa structure et ses sections différentes. Il sera en outre enrichi par l'introduction de l'option agricole secondaire.

Sur le plan de l'application, l'enseignement secondaire de 7 ans a été créé en octobre 1967. Il ne comporte plus qu'une section unique qui aboutit à la suppression des appelations des sections A, B, C. L'enseignement moyen est remplacé par un enseignement dit secondaire professionnel qui groupe les 3 sections industrielle, commerciale et technique de l'ancien enseignement moyen et où la durée des études est de 4 années au lieu de 3.

Dans le domaine de l'enseignement supérieur, et en vue de respecter le principe de l'unification, «il a été décidé de constituer une commission appelée

(51) Journal l'Action, du 9 septembre 1967. (52) Souligné dans le document. (53) l'Acion, 9 sepembre 1967.

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à étudier les modalités de rattachement de l'Ecole Supérieure d'Agriculture à l'Université :. (54).

Le reste des recommandations de la sous-commission de l'enseignement est laissé aux soins des conseils de Facultés qui sont appelés «à présenter avant le début de l'année universitaire, au conseil de l'Université, des rapports circonstanciés concernant notamment les modalités d'accès aux facultés, la durée des études supérieures, et les conclusions des travaux entrepris depuis un an par les commissions universitaires en vue de la réforme des études universitaires:. (53.

Dans le même cadre de l'enseignement supérieur une autre mesure est prise; elle concerne l'attribution des bourss universitaires. Il a été décidé de tenir compte désormais du mérite scolaire de l'étudiant et du revenu annuel de la famille.

- d'accorder un taux spécial pour les étudiants qui se destinent à la carrière enseignante;

- de procéder à un contrôle strict de l'assiduité et de l'avancement des études des boursiers, afin de les aider à terminer au mieux et dans les meilleurs délais les études qu'ils ont netreprises et pour lesquelles l'aide de l'Etat ne peut continuer à leur être accordée que s'ils font la preuve, par leur sérieux et leur progrès, qu'ils continuent à la mériter» (56).

Pour tout ce qui n'a pas été fait le travail se poursuivra. Outre les commissions chargées à tous les niveaux de l'enseignement de préparer les réformes des programmes, des horaires ... , il est prévu la création, rendue nécessaire par l'évolution de l'enseignement, d'une nouvelle division «qui aura la charge permanente de promouvoir les études, recherches et program­mations pédagogiques intéressant les divers ordres d'enseignement et à cet effet d'impulser et de développer les activités des organes tels que le Centre d'Etude et de Formation Pédagogique de l'Université, le Centre didactique et audio-visuel de la Rabta, l'office pédagogique, etc ... :' (57).

Ainsi vue sous son aspect théorique et ses modes d'application, quels éléments nouveaux cette réforme de 1967 apporte-t-elle? A première vue, un objectif se dégage: améliorer l'enseignement.

Il s'agit de pallier les erreurs et lacunes surgies de dix années d'appli­cation de la réforme de 1958. Nous avons examiné ces erreurs et les moyens proposés pour les réduire. Or pour y arriver, il faut surtout des cadres compétents et une infrastructure adéquate. C'est ce qui manque pour le moment à la Tunisie, d'autant plus que les nouvelles réformes proposées visent plus loin que le plan quadriennal et ne tiennent pas compte des prévisions tout au moins au sujet de la réduction des effectifs des classes surchargées. Que fera-t-on pour éponger les élèves dont le nombre dépassera les limites prévues pour un classe? On pourra évidemment renvoyer les élèves qui redoublent ou qui triplent parfois la même classe. Et alors que

(54) Ibid. (55) Ibid. (56) Ibid. (57) Ibid.

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deviendront-ils? A-t-on prévu pour eux de nouvelles structures d'accueil ? Or si des structures d'accueil existent - et l'on sait qu'elles ne peuvent pas contenir tous les élèves du primaire qui ne peuvent pas poursuivre leurs études (entre 50 et 60 % des effectifs) - seront-elles suffisantes pour un nombre d'élèves plus grand?

Si on en prévoit d'autres, les moyens financiers du pays ne le permettront pas. Ainsi donc, logiquement on est porté à croire que l'accès à l'enseignement sera limité. Or, toutes les commissions ont prévu une poursuite de l'exécution du Plan quadriennal. On verra donc probablement les prévisions de scola­risation pour la dernière tranche du plan décennal qui sera achevé en 1971 diminuées par rapport aux autres plans. Le même phénomène s'est déjà produit pour le plan de 1965-1968 qui a réajusté les données du plan de 1962.

D'autre part, nous ne savons pas encore quelles ont été les mesures prises en matière d'horaires et de réorganisation des programmes, dont les premières devaient être appliquées à la rentrée 1967-68. Nous ne pouvons par conséquent pas nous prononcer là-dessus, ni établir des comparaisons avec les horaires et les matières de la réforme de 1958.

Que donnera l'expérience de «recyclage ~ des moniteurs, trouvera-t-on les inspecteurs nécessaires compétents pour les encadrer? Autant de ques­tions, comme tout ce qui a été prévu d'ailleurs, qui attendent des réponses que nous ne sommes pas à même de fournir dans l'immédiat.

Mais on sent malgré tout une évolution nette de l'enseignement tunisien dont nous avons essayé de dégager les caractéristiques au long de notre exposé et que l'on pourrait regrouper sous trois noms: un enseignement colonial, un enseignement de «prestige ~ et enfin, peut-être, un enseignement d'efficacité. Toutes ces options sont discutables, il est vrai, et l'option pour l'un ou l'autre implique inévitablement une option politique.

Si l'enseignement de «prestige» n'a pas atteint tous les objectifs escomp­tés, il constitue néanmoins un succès important par rapport à l'enseignement colonial. Que donnera l'enseignement d'efficacité? Il est trop tôt pour pou­voir répondre. Mais il semble qu'il n'exige pas moins de sacrifices et d'inves­tissements. Il serait donc bon de se demander si l'évolution économique du pays permettra à l'enseignement de se développer de façon normale pour lui fournir les cadres nécessaires dont il a besoin, ou si dans le cas contraire la situation économique empêchera l'enseignement de se développer selon les plans établis et par conséquent de limiter le nombre des cadres.

Nous retombons ainsi dans un cercle vicieux dont le dénouement est fonction de nombreux éléments. La situation mondiale y est pour beaucoup (aides - coopération technique et culturelle ... ), les rapports internationaux évoluent d'une façon telle qu'il est impossible de considérer la coopération comme inaltérable.

Une solution pourrait par contre être trouvée dans un regroupement régional pour le cas de la Tunisie à l'échelle maghrébine et africaine ensuite - capable d'organiser un enseignement homogène et commun, une harmoni­sation des programmes d'enseignement et des méthodes pédagogiques.

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B.S.A. dit dans un article de Révolution Africaine, son espoir: - «De la croyance sans complexe et sans réserve en une nécessaire

complémentarité dans l'équipement universitaire, dans la création et l'entre­tien des facultés, instituts, écoles supérieures et centres de recherches. Les quatre pays du Maghreb sont-ils assez nantis matériellement et scientifique­ment pour que chacun d'eux se dote d'un institut de recherches nucléaires?:..

- «L'espoir de la création d'un institut pédagogique maghrebin auquel aurait été confié le soin d'élaborer des programmes communs d'enseignement et d'éducation de masse ».

- «L'espoir de la fondation d'une société maghrébine d'édition et de diffusion qui se chargerait de concevoir, d'éditer et de distribuer des manuels scolaires communs à tous les niveaux de l'enseignement et dans toutes les disciplines ... » (58).

Ce plan ne nous paraît nullement ambitieux. Beaucoup d'éléments concourent logiquement à ces réalisations. Une première étape aurait pu être déjà franchie dans le cadre de l'enseignement supérieur qui aurait déterminé les modes et structures de l'enseignement secondaire et primaire dans les divers pays.

La question est ainsi posée. L'avenir de l'enseignement dépendra en grande partie de la réponse que les politiciens voudront bien lui donner.

Noureddine SRAIEB.

ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

Les problèmes de l'enseignement en Tunisie présentent un intérêt réel, si l'on considère le nombre d'articles en langue française ou en langue arabe écrits sur le sujet; nous ne voudrions pas les énumérer tous. n demeure néanmoins nécessaire de donner quelques orientations bibliographiques pour ceux que le sujet intéresse.

Nous ne citerons pas les articles de journaux quotidiens tels que L'Action, al-'Amal, aç-Çabâh, Le Petit Matin, La Presse. Ils contiennent un certain nombre d'articles d'intérêt Inégal mais aussi des documents tels que les discours officiels, conférences de presse qui sont, eux, d'un intérêt capital. Nous les avons utilisés au cours de notre exposé; les références ont été mises en bas de page. Outre les journaux, nous avons dépouillé des revues en langue française Ibla, Faiza ... , et en langue arabe al-FikT, at­Tajdîd, ash-Sha'b, ash-Shabâb où nous avons relevé un certain nombre d'articles et de documents. L'Annuaire de l'Afrique du Nord a été aussi une de nos sources par ses bibliographies et ses chroniques culturelles.

Pour la partie réservée à l'enseignement sous le Protectorat, nous avons surtout utilisé un Rapport dactylographié dont nous ne pouvons donner le titre exact, la page du titre ayant été arrachée. Nous ne pouvons nullement douter du caractère officiel de ce document qui nous a été remis par une personne très digne de confiance et que nous remercions vivement. Ce rapport contient 83 pages et brosse un tableau de l'enseignement sous tous ses aspects. Nous avons consulté également un certain nombre

(58) B.S.A. - Maghreb: quatre pays, quatre systèmes d'éducation jusqu'à quand? Révolution AfTicaine (159). 11-19 février 1967.

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d'articles dont celui de M. Lucien Paye, «L'enseignement et les réalités démographiques et économiques », exposé fait aux Journées de la Productivité (Tunisie, 5 et 6 mai 1953), Dactyl. 8 p. (Archives d'Outre-Mer, Aix, 8 X 164). Il est bon de signaler que M. Paye était alors Directeur de l'Instruction Publique en Tunisie. Nous n'avons pas pu nous procurer l'article de M. Perrin, «L'enseignement en Tunisie », publié par la Documentation Française dans la série «Notes et Etudes Documentaires» n° 3235 du 10 novembre 1965, cité dans l'article «Projets de réforme de l'enseignement en Tunisie », Maghreb (23), septembre-octobre 1967, p. 11.

Un certain nombre d'ouvrages et d'articles ont traité du problème de l'enseignement après l'indépendance et ont essayé de donner des solutions. Nous n'en citerons que les plus importants:

Kerrou (A.M.), «at-Ta'lîm at-tûnisî bayna'l-h'âd'ir wa'l-mustaqbil» [L'enseigne­ment tunisien entre le présent et l'avenir]. Tunis, impr. at-Taraqqî, 1955, 48 p.

Un chapitre intéressant est consacré à l'enseignement dans le livre de Tlatli (Sa­laheddineL «Tûnis al-jadîda. Mashâkil wa-nadh'ariyyât» [Tunisie nouvelle. Problèmes et Théories]. Tunis, éd. Bouslama, 1959, pp. 209-240.

Un numéro spécial d'an-Nadwa (9), novembre 1954, nouvelle série, est entièrement consacré aux problèmes de l'enseignement et de la culture, de même qu'un numéro spécial d'al-Fikr (2), novembre 1956, 2" année, comportant le titre «Ta'lîmunâ bayna'l­ams wa'l-yawm» [Notre enseignement entre hier et aujourd'hui].

Un numéro spécial d'al-Fikr (1), octobre 1959 est consacré au rôle de l'Université dans la société et le numéro 9 de juin 1956 à la culture.

Certains articles méritent d'être indiqués. Citons notamment Ahmed El Fani, «Min mashâkil at-ta'lîm» [Des problèmes de l'enseignementJ. al-Fikr (3), décembre 1965, 10-18, 1re année; du même auteur: «Istiqlâlunâ wa-mashâkil at-ta'lîm» [Notre indé­pendance ... et les problèmes de l'enseignement]. al-Fikr 18), mai 1956, 37-44, pe année. Ahmed Abdesselam, «Fî tah'wîr at-ta-'lîm» [De la réforme de l'enseignement]. al­Fikr (4), janvier 1959, 4-6, 4' année, du même auteur: «Ittijâh at-ta'lîm» [L'orientation de l'enseignement]. al-Fikr (5), février 1958, 6-8, 3" année. Dans le même numéro, un article de Ahmed El Fani, «at-Ta'lîm wa-muqtad'ayât al-istiqlâl» [L'enseignement et les exigences de l'indépendance], p. 9-13.

Sur la réforme de l'enseignement, à proprement parler, nous nous sommes basés sur le petit ouvrage publié par le Secrétariat d'Etat à l'Education Nationale intitulé: «Inbi'âthuna't-tarbawi mundhu'l-istiqlâl» [L'essor de notre enseignement depuis l'in­dépendance]. Tunis, Publication de l'Office Pédagogique et notamment le discours du Président Bourguiba (25 juin 1958), et la loi du 4 novembre 1958 relative à l'ensei­gnement.

Nous avons consulté également un certain nombre d'articles et conférences de presse de M. Messadi. Les articles de Michel Lelong sont trop nombreux pour être tous cités. Signalons néanmoins son article: «L'enseignement tunisien en 1959. Bilan et perspectives ». Cahiers Nord-Africains (77), février-mars 1960, 28-40. Nous avons utilisé également la série de «Rapports sur le mouvement éducatif en Tunisie» publiés par le Secrétariat d'Etat à l'Education nationale à l'intention des Conférences inter­nationales de l'Instruction de Genève Œ.I.E.) (1926-63 à 1966-67).

En ce qui concerne le plan de scolarisation, nous avons consulté la «Perspective décennale de scolarisation <1959/60-1968/69) », publiée par le Secrétariat d'Etat au Plan et aux Finances.

Les statistiques reproduites sont celles fournies par le Secrétariat d'Etat à l'Edu­cation Nationale ou que nous avons trouvées dans les Plans triennal et quadriennal.

Pour la nouvelle réforme <1967/68) nous avons utilisé les discours et conférences de presse et surtout les divers rapports de la sous-commission de l'enseignement, signalés déjà par ailleurs.