Jacques Aumont - L’histoire du cinéma n’existe pas

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    Jacques AumontCinmas : revue d'tudes cinmatographiques / Cinmas: Journal of Film Studies, vol. 21, n 2-3, 2011, p.

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    Lhistoire du cinma nexiste pas

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    Lhistoire du cinma nexiste pas

    Jacques Aumont

    RSUM

    En nonant que lhistoire du cinma nexiste pas , on nen-tend ni dnier ni dnigrer limportant travail accompli depuisplusieurs dcennies par des historiens. On peut toujours soup-onner lhistoire de ntre pas assez bien faite, mais dans le textequi suit, cest sur cinma que portera le soupon. Ce mot, en

    effet, dsigne un objet htrogne (et mme, plusieurs objets) :de la pratique prive la pratique spectaculaire, des industries(celle des appareils, celle des films, fort diffrentes) aux com-merces. Dans tous les cas, les difficults sont de deux ordres :dune part, le cinma a toujours t, mme lchement, rattach lart ; or, lhistoire de lart ne saurait offrir un modle incontes-table, loin de l, car elle est surtout remarquable par ses apories.Dautre part, et plus essentiellement, le cinma consiste enimages, dont la varit est infinie et qui se manifestent comme

    prsence un sujet humain : ni de cette varit, ni de ces phno-mnes subjectifs, il nest rellement possible de faire lhistoire.Lhistorien du cinma doit donc dterminer la pertinence de sontravail tout en ayant lesprit ces difficults.

    For English abstract, see end of article

    Le titre du prsent article est-il aussi provocant que jelavais espr ? Peut-tre pas. Lorsque, il ny a pas si long-temps 1, jai expos ces quelques remarques devant un publiccompos en grande partie dhistoriens, je nai pas t lapid ;aprs la sance, un historien et sociologue du cinma bienconnu me disait mme tre daccord avec moi pour lessentiel.Quest-ce dire ? Sans doute que, plutt que provocateur, cetitre est ambigu, et ne peut sembler sen prendre lHistoireque par malentendu. Cest ce malentendu et ces ambiguts

    que je voudrais rapidement dissiper, pour insister sur unpoint un seul, mais qui me semble important, et qui justi-fie mes yeux que lon dise que, non, lhistoire du cinma nexiste pas .

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    Je commence par vacuer les raisons ngatives : dire que lhis-toire du cinma nexiste pas, cela peut vouloir dire quellenexiste pas encore. Cest un regret, et un soupon. La possibilit

    de faire lhistoire du cinma nest pas mise en doute, mais elleaurait t retarde ou handicape, pour diverses raisons :1. Le soupon peut porter sur les historiens : ils nont pas t

    assez bons. Il ne mappartient certes pas de porter ce genre dejugement, mais entre eux, les historiens sont moins prudents.Ce fut, pour en rester une poque dj lointaine, le fond de laquerelle (gnrationnelle et pas seulement) faite par les succes-seurs de Georges Sadoul (typiquement, Jacques Deslandes) ce

    grand dfricheur : erreurs factuelles, fausses perspectives dter-mines par trop da priori (marxistes), ngligences. Il sagissaiten principe dexiger plus de rigueur et de professionnalisme et en fait, aussi dun rglement de comptes idologique.

    2. Le soupon peut porter sur lhistoriographie. Il nexiste pasassez de matriaux (ou pas assez de matriaux intressants,fiables, exploitables) pour faire cette histoire. Cest une histo-rienne qui, au dbut dun livre consacr des questions de

    mthode, qualifiait lhistoire du cinma d histoire passionnelleaux sources incertaines (Lagny 1992, p. 15) deux pithtesdautant plus intressantes que ce jugement a t mis unepoque o dj on stait souci dune plus grande exigencequant aux sources, et o la passion qui imprgnait les his-toires faites par des cinphiles stait passablement estompe.

    3. Le soupon peut porter sur lcriture mme de lhistoire :on na pas trouv les problmatiques pertinentes, et du coup, cequi sest avanc comme histoire du cinma nen a pas t mais at de la critique, ou pis, un discours pris dans une vise apolo-gtique. Cest typiquement le sens du mouvement de redcou-verte du cinma des premiers temps engag en 1978 Brighton, et de ses prolongements les plus actuels, jusquauxrcents travaux du groupe de recherche qubcois GRAFICS vaste ensemble de travaux prcisment dtermin par la

    volont de dpasser une telle histoire dnue de pertinence.Lhistorien qui dfend cette conception est gnralement unhistorien srieux, qui sait que lhistoire doit se poser des ques-tions ; mais tout aussi souvent, il a tendance penser que tout

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    phnomne social, cinma inclus, nest au fond quune source de lhistoire de plus, et que toute dmarche intellec-tuelle peut commodment tre range au rayon des sciences

    auxiliaires de lhistoire .4. Le soupon enfin peut relativisme extrme portersur la morale de lhistoire : lhistoire du cinma nexiste pasencore parce quelle nexistera jamais sous forme unifie.Lhistoire varie sans cesse, au gr des problmes poss par les his-toriens ; la vrit est que la vrit varie (Veyne 1979). Variantepostmoderne, dont on trouve lquivalent un peu partout (ycompris propos des sciences dures).

    Ce sont l, on le voit, points de vue dhistoriens. Rien nem-pche, en principe, de faire lhistoire du cinma comme lhis-toire de nimporte quoi. Il suffit dy mettre le temps, davoirassez de documents, de trouver une problmatique pertinente,et bien entendu de ne pas tre un amateur 2. La tentation quan-titative ( ouvrir des chantiers , avoir accs de nouvelles sources ) reste, pour autant que je sois au courant des travauxrcents, encore trs frquente mais chez les meilleurs des his-

    toriens actuels, ce point de vue est parfaitement honorable.Pourquoi lhistoire ne sattaquerait-elle pas un phnomnesocial complexe, significatif, important, tel que le cinma ? Etpourquoi ne le traiterait-elle pas comme elle traite tout le reste ?Si lhistoire du cinma a des dfauts, la situation peut tre am-liore, et elle ne pose aucun problme de principe.

    *

    Cest donc dun point de vue un peu diffrent que jentendsmon assertion provocatrice. Le nud de la question, ce seraitque lexpression histoire du cinma est tout simplement malforme, et que cest sur cinma , plus que sur histoire , quilconvient de faire porter le soupon.

    Pourquoi ? Dabord, parce que cinma est un terme forte-

    ment polysmique et htrogne. Le cinma a commenc par lasphre prive, comme une espce dcriture pour soi : lesLumire filment Bb, son goter, ses premiers pas, ils filmentleur domestique qui leur ouvre la portire, leur valet de chambre

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    ou leur jardinier et filment ensuite par procuration le mondeentier comme si ctait chez eux. Ce cinma-l na pratiquementjamais cess, du moins ds quen ont exist les moyens tech-

    niques : camras damateur, en tous formats, jusquau camscopenumrique, de plus en plus maniable, pour arriver aujourdhui lappareil tout faire coups de fil, SMS, courriels, navigation,photos, petits films que chacun a dans sa poche. Sur ceversant-l, le cinma allait quasi ncessairement devenir uneindustrie classique, produisant des machines, divisant technique-ment le travail, vendant ses produits, etc. Aujourdhui, Samsungou Nokia se soucient aussi peu du contenu des films produits

    avec leurs tlphones que, un sicle plus tt, Singer se souciait dellgance des vtements faits avec sa machine coudre.Cependant, trs vite, en vertu de la nature spectaculaire quon

    lui dcouvre (Mlis, Path et mme dj Lumire), le cinmaest devenu un commerce, et un tout autre type dindustrie,ncessaire pour que le commerce dobjets de spectacle puisse sedrouler rationnellement. De Lumire on passe Path (je pr-cise que je ne suis pas en train de faire une priodisation et

    que ces noms propres sont seulement ici proposs commeemblmes). Cest un peu comme pour lcrit : il y a le journalintime (avec papier et stylo, puis lordinateur), le journal toutcourt (commerce) et la littrature (industrie). Lindustrie ducinma, partir du moment o celui-ci devient avant tout spec-tacle, cesse dtre production de machines pour devenir produc-tion de films : une industrie de prototypes, qui jamais ne res-semblera tout fait une autre.

    Il nest pas exclu quon puisse faire lhistoire de la vie prive ou du moins, de laspect social de la vie prive. On peut cer-tainement comprendre lactivit des Lumire comme participantdun sociusbourgeois lyonnais fin de sicle ; mais jimagine mallhistorien qui reconstituerait (ce nest pas sa tche) laspect rel-lement personnel de cette pratique prive. Pourquoi cettefamille-l, outre quon y jouait aux boules, quon sy baignait en

    famille, quon y tait peintre amateur, a-t-elle fait des images enmouvement ? Premire difficult : lhistoire bute sur le privparce quil est forcment singulier, l du moins o il se plie quelque chose comme un dsir. (Or, du dsir, lhistoire nexiste

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    pas.) Il existe aujourdhui, sinon des historiens, du moins dessociologues du film de famille 3 : ils sont bien forcs daborderleur objet selon la pente de la gnralisation, et pour cela, de le

    prendre en masse, comme pratique socitale.Faire lhistoire de lindustrie est plus vident, et de ce point devue Edison serait un objet dtudes plus simple que Lumire,parce que lorganisation du travail a t chez lui fonde sur unedivision plus apparente, et surtout parce que les sujets de ses filmstaient demble plus sociologiques. Plus gnralement, il existeaujourdhui de nombreux ouvrages sur les grandes industries ducinma Hollywood, la UFA, le cinma italien des annes 1930

    1960, etc. Pourtant, je garde limpression que, jusque dans lesmeilleurs de ces travaux, on nen a jamais fini avec une espce deretour du priv dans lindustrie. Dans son livre sur United Artists,par exemple, Tino Balio (1976) dsigne les films sous le nom deleur producteur (Stagecoach est un film de Walter Wanger, pas deJohn Ford). Cest droutant pour un cinphile franais, mais celagarde le trait de personnalisation du produit : pas purement unproduit industriel, mais quelque chose qui a la marque de son

    producteur un style par exemple. Or, comment faire lhistoiredu style ? Lhistoire de lart, qui sen est beaucoup proccup, adonn des rponses plus problmatiques quautre chose, prcis-ment par hsitation entre la dimension collective du style (le stylerococo ou Louis-Philippe) et sa dimension individuelle (le style,cest lhomme). Dans la monumentale Histoire du cinma amri-cain dirige par Charles Harpole, cette tension est trs sensible etdailleurs les divers volumes, rdigs par divers auteurs, la rsol-vent diffremment.

    Mais la plus grosse difficult, cest que le cinma, ce sont tou-jours des images, et surtout, que ces images peuvent tre deschoses trs diffrentes, au point dtre pratiquement nimportequoi. Limage de film est un lieu o nimporte quoi peut appa-ratre quil a plu ceux qui ont ralis le film dy faire figurer (Chion 2003). Nimporte quoi, vraiment. So Is This (fait par

    Michael Snow en 1982) est un film de 43 minutes comportantuniquement un texte qui saffiche sur lcran mot par mot.Arnulf Rainer(Peter Kubelka, 1958-1960) ne comprend que desmonochromes noirs (opaques) et blancs (transparents). Dans

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    Gertrud (Dreyer, 1964) ou dans Blisfully Yours (ApichatpongWeerasethakul, 2002), on me propose de regarder durant delongues minutes des personnages qui ne font presque rien,

    incarns par des acteurs quasi immobiles. Au contraire, dans laplupart des bandes pour adolescents et dans une forte propor-tion de films underground, limage changera constamment, par-fois la limite de la perception. Des essais raliss en cinma,comme les Histoire(s) du cinmade Godard ou Sans SoleildeMarker, me proposent de suivre le fil dune rflexion plus oumoins dcousue que des images inattendues viennent toiler.Or, tout cela sappelle, indistinctement ou presque, du

    cinma.Comment faire lhistoire de ces images ? Comment faire lhis-toire des dispositifs avec lesquels elles ont t produites ? Etlhistoire des conceptions de limage dont elles relvent ? Fairelhistoire de toutes les images produites en cinma, ce serait unpeu comme essayer de faire lhistoire de tous les noncs verbauxjamais produits. Encore, en matire de langage, les choses sont-elles un peu plus claires, les noncs que lhistoire tudie ressor-

    tissant presque toujours un type de discours nettement identi-fiable (juridique, politique, philosophique, potique, littraire,voire historique) et la notion mme de discours tant deve-nue, depuis Michel Foucault, capable de subsumer toutes lesappartenances possibles dun nonc particulier. Or il nexiste,en matire dimage, aucun quivalent exact de cette notion dediscours, mais seulement quelques notions, palliatives parnature, telles celles de style ou de genre. Le fond du problme,cest que, la diffrence du langage, qui est outil de communi-cation et de signification universel, utilisable aussi bien pourproduire un pome hermtique quun texte de loi, un noncscientifique ou une lettre damour, limage na que des possibili-ts smiotiques limites, non seulement en raison de ses usagessociaux avrs, mais de par sa nature mme.

    Dans ltat actuel des choses, et en raison de la confusion

    longtemps rgnante entre historien et critique, il y a deuxgrandes faons de faire lhistoire des images de cinma : soit enles tirant vers lauteur (et sa suppose intentionnalit), soit en lestirant vers la machinerie industrielle de production (et une

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    rationalit technique ou conomique). On en revient toujours style et genre , avec les apories de la premire notion (lestyle est-il un trait dauteur ou une norme accepte dans un cer-

    tain milieu ? les problmes bien connus du Kunstwollen deRiegl). Le genre est plus prcisment dfinissable, parce quilrpond plutt une dtermination industrielle, parce quilconstitue un argument de vente de certains produits quonappelle des films : genres are defined by the film industry andrecognized by the mass audience (Altman 1999, p. 15). Maisentre ces deux extrmes de lindividuel et de linstitutionnel,tout un territoire cre : le cinma comme art et de cela, com-

    ment envisager lhistoire ? Ce quon appelle par commodit histoire de lart peut sans doute en constituer un modle,mais cest un modle lui-mme bien douteux, essentiellementparce que dans cette locution, le mot histoire na pas un sensparfaitement dlimit : ce quon appelle histoire de lart, cest enfait lanalyse interprtative historiquement informe et par-fois historiquement argumente dimages, le plus souventpicturales. (Je vais y revenir dans un instant.)

    Le cinma navait, sa naissance, rien voir avec lart. Il a trevendiqu trs tt comme art, mais par des cercles trs res-treints et de peu daudience. Il ne faut pas oublier, par exemple,que le fameux Club des Amis du Septime Art (CASA) deCanudo tait un cercle ferm, litiste. Du ct de sa rception, ily aurait bel et bien une histoire de la considration possible ducinma comme art : elle irait de lmerveillement des premierstemps devant un joujou inou sans porte artistique aucune, jus-qu la situation actuelle, o au contraire tout produit cinmato-graphique mme le plus commercial est a priori susceptibledtre glos comme uvre dart, avec auteur et projet esthtique.Du ct de la production, les choses sont aussi confuses. Aucundes actants de la production des films, pas mme le ralisateur,na jamais atteint clairement au statut dartiste du peintre oumme du romancier mme aprs le coup de force de la

    politique des auteurs . Surtout, il nexiste absolument aucuncritre distinctif qui permette de ranger tel dans lart, tel autredans le commerce. La Cinmathque franaise, lorsquelle pro-gramme une rtrospective Michael Mann aprs celle consacre

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    Buuel, prend position nettement : tout le monde est auteur,tout le monde est artiste. Dans un autre registre, un ClaudeBerri, qui mon avis na pas produit des films vraiment impor-

    tants pour une histoire de lart cinmatographique

    4

    , est consi-dr (et se considrait) comme un grand producteur . Pourlhistorien, cela nest pas un problme, puisquil ne fait pas a prioriacception de valeur. Mais qui ne voit quaucune histoire ducinma ne parle de tous les films, et quil a donc bien fallu slec-tionner ? Et que, le plus souvent, cette slection implicite obit lune ou lautre de deux logiques : linstitutionnelle (on traite desfilms oscariss et des blockbusters, comme souvent les historiens

    anglo-saxons) ou lartistique (tendance plutt europenne : onparle des films dauteur)?Que peut donc bien tre lhistoire du cinma ? Une histoire de

    lindustrie, une histoire des techniques, cela on le conoit, ce sontdes branches de lhistoire conomique. Mais lhistoire des films?Et, plus radicalement, lhistoire des images? Cela rsiste. LorsqueGunning ou Gaudreault (voire Burch) nous disent que le modleattractionnel est tout autre que le modle narratif, ils met-

    tent le doigt sur une ralit importante de limage mouvante: ellepeut servir, moyennant certaines contraintes, raconter une his-toire, mais elle peut aussi fonctionner autrement, en jouant deressorts plus lmentaires, de lordre de la sensation. Font-ils ipsofacto uvre dhistoriens ? Pas vraiment : il y faut une hypothsesupplmentaire, savoir une chronologisation de ces deuxmodles : lattractionnel aurait prcd le narratif. Dans lesgrandes lignes, cela ne se discute pas, ou plus mais dans ledtail, est-ce vraiment si sr? Il y a beaucoup dattractionnel dansle cinma des annes 1920, 1930, 1940, et coup sr, 1980,1990, et la suite. (Dailleurs, attraction est repris un textedEisenstein dat de 1924 5.) Bref, si la connaissance des imagesmouvantes de 1890 1920 a grandement progress depuis trenteans y compris dans les termes trs terre terre de la vision desfilms , je ne suis pas certain quon soit encore parvenu propo-

    ser quelque chose comme une histoirede ces images.Je reviens lhistoire de lart car, par quelque bout quon laprenne, lhistoire du cinma y ramne, pour deux raisons : dunepart, lantriorit de fait de la rflexion critique et historique sur

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    la peinture (je mets sous ce mot, par commodit et pour allervite, les arts plastiques tout entiers) ; dautre part, une authen-tique communaut de problmes, tenant lexistence mme de

    limage, de sa semiosiset de sa matrialit. Or ce que lhistoire delart peut apporter, ce nest pas un modle tout constitu quilny aurait plus qu copier ou adapter ; cest bien plutt, juste-ment, ses difficults. Il y a eu, dans ce que les Anglo-Saxonsappellent poststructuralisme, un important mouvement deretour sur ce que fait lhistorien, et lhistorien de lart en par-ticulier. Mouvement dabord critique, comme en tmoigneraitpar exemple, crit au milieu de la dcennie 1980, ceci :

    Quoi quelle fasse, lhistoire de lart postule, quand elle nen pr-juge pas tout simplement, la continuit de sa substance, linva-riance de son concept, la permanence de son fondement etlunit de ses limites. Vous tes historien de lart et cest pour-quoi, bien quen tout tat de cause vous ne sachiez pas ce questlart, son histoire ne saurait tre pour vous que cumulative. []En anthropologue, vous avez dfini lart empiriquement commetant constitu de tout ce que les humains nomment art. En his-

    torien humaniste, vous redfinissez ce corpus historiquement :cest un patrimoine (de Duve 1989, p. 13-14).

    Critique svre : lhistorien de lart ne sait littralement pas dequoi il fait lhistoire, sinon dun thesaurus arbitraire.

    De Duve entrouvrait une porte de sortie, avec son ide char-mante de lart comme nom propre : si, comme il le soutenait, lart est un nom propre, on ne peut pas plus en faire lhistoirequon ne peut faire lhistoire de loncle Jules ou de la cousineRosalie. On ne peut que le prendre comme une personne , quina dhistoire que personnelle. Solution lgante et frustrante,qui ne dit pas quoi peuvent ds lors servir les enqutes histo-riographiques rudites, dont cependant il nest pas question dese dispenser (dailleurs elles nont cess de se multiplier, de plusen plus rudites). Il me semble que le mouvement mtahisto-rique que lon associait la mme poque la figure de

    Hayden White est potentiellement plus utile (malgr sa ten-dance mettre en avant de manire un peu trop insistante voireexclusive la rhtorique propre lcriture de lhistoire). Le par-tage traditionnel tait le suivant :

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    Historians are interested in facts, critics in impressions and judg-ments. Historians coolly analyze ; critics are passionately en-gaged. Historians are exempt from ideological commitments ;critics revel in their presence. And perhaps most fundamentally,

    historians deal with the art of the past, critics with the art of thepresent (Holly 1996, p. 67).

    Ce quavance la mtahistoire de White et de ses pigones,cest deux choses : un, ce partage est bien moins tanche quonne le dit, et deux, lhistorien, comme le critique, se sert du lan-gage pour sexprimer, et nest donc pas exempt de proccupa-tions rhtoriques, voire stylistiques, voire potiques.

    La mtahistoire de White a eu un cho important dans lesdpartements dhistoire de lart tats-uniens ; de lautre ct delAtlantique, cest plutt l archologie de Foucault (dont serevendique aussi de Duve). Le mot est suggestif, car larcho-logue est celui qui trouve des documents dont il ne sait a priorique faire, quand lhistorien est celui qui cherche des documentsdont il a besoin. En outre, les archologues exhument plus sou-vent des images que des textes. Ils sont donc rduits plus souvent

    et plus purement de linterprtation. Aussi bien ces deux mou-vements intellectuels des annes 1960 et 1970 ont-ils ceci encommun quils soulignent la part dinterprtation quil y a danstoute criture de lhistoire (comme dans toute criture en gn-ral). Interprter a mauvaise presse, parce que souvent onentend sous ce mot la complaisance envers une suppose subjec-tivit du critique ou de lhistorien et bien videmment en cesens-l linterprtation est fatale la science. Mais il ne faut toutde mme pas oublier, dabord que la question de linterprtationest une des plus constantes et des plus anciennes questions desmiopragmatique jamais souleves (bien avant sa formulationmoderne par Schleiermacher et ses prdcesseurs immdiats),ensuite et surtout, que le geste interprtatif est, par lui-mme,invitable et essentiel toute ralisation dun sens.

    Que lon soit critique ou historien en effet que lon

    cherche comprendre le sens dun texte, dune image, duneuvre de lesprit en quelque sens que ce soit, ou que loncherche comprendre la rationalit dun vnement ou lesdterminations dun tat de choses , il nexiste pas de mthode

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    qui fasse lconomie dun temps interprtatif, cest--dire que dumoment o, une fois rassembles des donnes, une fois assurquon a fait tous les gestes grammaticaux possibles, il faut

    bien risquer une hypothse densemble (et de dtail). On nychappe pas. Sagissant du critique, cela est si patent quil estinutile dinsister. Quant lhistorien, sauf sil est dune espcedevenue rare lhistorien qui croit une vrit objective delHistoire , il sait que son travail consiste donner un sensnon seulement plausible, mais intressant, ce qui a priorinena pas ncessairement.

    [I]l ny a pas de vrit historique dj l, sub specie ternitatis,mais bien plutt une suite de questions qui ne surgissent pastoutes faites dun Absolu abstrait mais qui doivent chaque foistre formules, calibres, ajustes en fonction de loptique choi-sie, des sources disponibles, et du travail historiographique exis-tant. Autrement dit, le vrai historique nest pas donn ontolo-giquement ; il se construit partir de lanalyse dun rseau demdiations et il est le produit dune relation entre diffrents l-ments : plus exactement, il consiste dans la dfinition mme decette relation (Grandazzi 1991, p. 109).

    Le vrai historique (trange expression, presque un oxymore), cest je me contente de souligner une suite de questions,variables selon le point de vue adopt, cest une construction, et leproduit dune relation dfinir. Mme dans cette version mod-re (chez un historien poststructuraliste), on voit que le travail delcriture historique est trs largement un travail dhermneute.

    *

    partir de l, je vois deux faons de poursuivre (qui nen fontpeut-tre quune) :

    1. Toute image implique et demande une production, uneprsentation et une rception. Lhistoire de la production esttoujours envisageable (et avec elle, lanalyse gntique) ; symtri-

    quement, lhistoire de la rception peut aussi se faire, dans lesgrandes masses et les grandes lignes (et avec cette nuance, oucette diffrence, quelle est proprement interminable, la rcep-tion ntant en principe pas limite dans le temps). Mais entre

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    les deux, reste la prsentation de limage son public. Or, decette prsentation, si on peut toujours tudier les modalits pra-tiques et mme le dispositif , lessentiel chappe largement

    lhistoire parce que de ce qui sy joue (comme tout lheuredans la famille lyonnaise), cest--dire en fin de compte dundsir, il ny a pas dhistoire envisageable. On peut, comme lafait Jonathan Crary, tenter de contourner cette impossibilit enfaisant lhistoire idologique dun dispositif mental ( lart de lobservateur ), mais lidologie nest que la transcriptionsocialement code de toute possibilit dmergence dun dsir.

    Une histoire de la prsentation des images, quoi quon en ait,

    oblige considrer le film lui-mme, comme film (donc entreautres comme images). Cela implique donc davoir une ide unpeu approfondie de ce que cest quune image de ce que cestsocialement et de ce que cest subjectivement. Pour aller vite, jedirai ici que, pour ma part, je suis de plus en plus convaincu delimportance de reconnatre, avec Jean-Louis Schefer (1997),que les images ne sont pas les vhicules de significations djformes, mais des outils pour penser. Schefer a crit la fois sur

    le cinma, sur la peinture et sur les images paritales, et cetteconjonction signale un point de vue auquel jadhre : de limage,ce nest pas la position ou la valeur historique qui est premire,mais les puissances smantiques et le type particulier, forcmentvariable, dhermneutique (je prends le mot sans acception quiserait rattache une doctrine) quelle appelle. Faire lhistoiredes images de cinma, cela passe forcment par quelque chosecomme une interprtation de ces images, ou en tout cas par lareconnaissance du fait quelles sont interprter.

    2. Plus radicalement, les images nont pas une histoirelinaire. Il serait ici clairant de suivre, malgr ses incertitudes etses excs, la proposition dAby Warburg, telle que glose parDidi-Huberman (2002, p. 91) : Si lart a une histoire, lesimages, elles, ont des survivances. Toute temporalit dimageest, par nature, impure ou hybride. Lhistoire de lart, ou ce qui

    sappelle ainsi (il faut se rappeler que cette expression est din-vention trs rcente fin dix-neuvime), a beaucoup travaill exorciser cette revenance ; cest, grosso modo, la fonction dumodle si longtemps hgmonique de liconologie de Panofsky.

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    On touche du doigt trs clairement et trs simplement cettedifficult de lhistoire des images dans une activit qui est lordre du jour, celle de la reconstitution de versions origi-

    nales des films anciens, et des conditions originelles de leurvision. Comme en musique, comme au thtre, on a le choixentre la volont de reconstitution la plus authentique possible,ou la tentative dactualisation : entre leMetropolisde Patalas etcelui de Moroder, pour grossir les choses. Les restaurateurs sontdes historiens qui prennent un risque plus grand que les histo-riens de lcrit, car on peut les juger trs vite (et souvent, trsviolemment). Mais comme eux, et plus clairement queux, ils se

    heurtent cette vidence : une image du pass ne peut se retrou-ver en vie que de manire artificielle, et le souffle qui va lanimerappartiendra autant son r-inspirateur qu elle-mme.

    Au fond, il nest pas tout fait incongru de considrer lesimages comme des organismes vivants. Il ne manque dailleurspas dapproches en peinture, surtout, et trangement peuappliques au cinma pour affirmer cette vie de limage,depuis la thorie de la pure visibilit de Fiedler (2003, 2004)

    jusqu la Vie des formesde Focillon (1934), et au del, laLogique de la sensation de Deleuze (1982). Une image est unchamp de forces et une source daffects, et devant limage (pour reprendre le titre dun autre ouvrage de Didi-Huberman[1990]), je ne puis me contenter de dplier des effets de sens.Comme les tres vivants, les images ont aussi une vie posthume,parfaitement imprvisible. Que nous puissions prendre un vifplaisir esthtique aux films de Murnau est tonnant, tant ils sontloin tous points de vue des modes actuels de lart et de la sen-sation, mais cela peut encore se comprendre parce quil y a euune tradition ininterrompue qui les a comments, valoriss etainsi prservs dans les mmoires (un peu comme, il ny a pas silongtemps, on pouvait encore entendre de vieux pianistes lvesdlves de Liszt). En revanche, la vie posthume des filmsGaumont des annes 1910 (pour prendre lexemple de rcentes

    et copieuses ditions en DVD) repose sur une rappropriationdun ordre bien diffrent, o lamusement le dispute uneespce de condescendance. On me dira que je reviens lhistoire(parfaitement explicable) des rceptions mais ce que je

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    cherche souligner, cest que les aventures des images sur unelongue priode dpendent aussi, et beaucoup, de ce que sont cesimages. Il est possible quun jour on trouve Nosferatu et Faust

    ridicules, mal fichus, sans imagination ni posie, mais je narrivepas imaginer quon puisse jamais considrer lopus de JeanDurand ou de Romeo Bosetti comme autre chose quun diver-tissement sans porte esthtique.

    Je ninsiste pas, ni ne cherche dvelopper. Cela me condui-rait redire ce que, tant bien que mal, jai essay dexposerailleurs, autrement 6. Il me suffit davoir dit, aussi nettement queje le pouvais, que ce qui fait obstacle lhistoire du cinma, cest

    avant tout lextrme difficult, pour ne pas dire limpossibilit,de traiter historiquement (cest--dire sur le mode de la chro-nique et de lexplication) des puissances de limage et toutautant, la difficult quil y a les contourner, sauf ne plus faireune histoire du cinma mais seulement de ses conditionssociales 7.

    *

    Lhistoire du cinma existe bel et bien. Nous la rencontronstous les jours, dans les intituls de nos cours et sur la couverturedes livres de nos amis. Elle se fait aujourdhui dans de nombreuxsites institutionnels (pas seulement luniversit), et il existebeaucoup de passionnants travaux sur lhistoire des appareils,sur linvention du cinma, sur telle ou telle priode de lindus-trie du cinma. Ce que jai voulu indiquer, sans prendre letemps de la nuance, cest quelle est sans cesse menace par lefait quun film, quoi quon en ait, vit sa vie dimage, et nestjamais un artefact social simplement rductible un nonc(idologique, culturel). Il existe dans toute image des puissances,que lon peut analyser mais qui, en dernier ressort, sont desdynamismes, des vitesses, des glissements quil nest possible derationaliser qu la condition de ngliger leur effet. En ce sens, il

    nexiste pas dhistoire adquate des images seulement de leurtre socialis. Ce nest dj pas si mal.

    Universit Sorbonne Nouvelle Paris 3

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    NOTES1. Colloque Sauvegarder, enrichir et exploiter : nouveaux quilibres et filires de forma-

    tion, sous la direction de Marc Vernet, Bibliothque du film, Paris, octobre 2003.2. Laurent Le Forestier me fait observer que lon peut se demander ce quest au

    juste un amateur , quand lhistoriographie du cinma fourmille dhistoriens nonuniversitaires qui ont fait des propositions fcondes, et quon ne peut nier quen his-toire (du cinma ou autre) les apports damateurs ont souvent t dcisifs (voirBenjamin voquant Kracauer en outsiderde lhistoire, ce qui nest pas loin de ce quepeut vouloir dire amateur ). Je suis bien daccord, et il est donc clair que ma proso-pope tait exagre : jai prt Clio, ou ses servants, un discours trop rigide.

    3. Voir, en franais, les deux ouvrages dirigs par Roger Odin (1995, 1999).4. Jexagre un peu : on peut au moins le crditer de la production de Lenfance nue

    (Pialat, 1968) et de Lhomme bless (Chreau, 1983).5. L encore, je ne peux faire mieux que de reproduire cette remarque de Laurent

    Le Forestier, qui nuance pertinemment mon discours : Pour autant, ne peut-on ima-giner de faire lhistoire de cette rcurrence presque cyclique de lattractionnel, dinter-roger les conditions de ce retour lattractionnel ? Cest dailleurs une tendanceactuelle intressante darticulation entre histoire, thorie et analyse de films (voir parexemple louvrage dAlain Boillat sur la voix over).

    6. De Lil interminable(2007) Matire dimages(2009).7. Typique, me semble-t-il, dun ouvrage, dailleurs trs bien fait, comme celui de

    Montebello (2005).

    RFRENCES BIBLIOGRAPHIQUESAltman 1999 : Rick Altman, Film/Genre, Londres, BFI, 1999.Aumont 2007 :Jacques Aumont, Lil interminable[1989], 3e dition revue et aug-mente, Paris, La Diffrence, 2007.

    Aumont 2009 : Jacques Aumont , Matire d images , Redux [2005], Paris, LaDiffrence, 2009.Balio 1976 : Tino Balio, United Artists, Madison, University of Wisconsin Press,1976.Chion 2003 : Michel Chion, Un art sonore, le cinma. Histoire, esthtique, potique,

    Paris, Cahiers du cinma, 2003.De Duve 1989 : Thierry de Duve,Au nom de lart. Pour une archologie de la moder-nit, Paris, Minuit, 1989.Deleuze 1982 : Gilles Deleuze, Logique de la sensation, Paris, La Diffrence, 1982.Didi-Huberman 1990 : Georges Didi-Huberman, Devant limage, Paris, Minuit,1990.Didi-Huberman 2002 : Georges Didi-Huberman, Limage survivante. Histoire de lartet le temps des fantmes selon Aby Warburg, Paris, Minuit, 2002.Fiedler 2003 : Konrad Fiedler, Sur lorigine de lactivit artistique, Paris, Rue dUlm,2003.

    Fiedler 2004 : Konrad Fiedler,Aphorismes, Paris, Images Modernes, 2004.Focillon 1934 : Henri Focillon, Vie des formes, Paris, PUF, 1934.Gaudreault 2008 :Andr Gaudreault, Cinma et attraction. Pour une nouvelle histoiredu cinmatographe, Paris, CNRS, 2008.

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    Lagny 1992 : Michle Lagny, De lHistoire du cinma. Mthode historique et histoire ducinma, Paris, Armand Colin, 1992.Montebello 2005 : Fabrice Montebello, Le cinma en France, Paris, Armand Colin,2005.Odin 1995 : Roger Odin (dir.), Le film de famille : usage priv, usage public, Paris,Mridiens-Klincksieck, 1995.Odin 1999 : Roger Odin (dir.), Le cinma en amateur, Paris, Seuil, 1999.Schefer 1997 : Jean-Louis Schefer, Du monde et du mouvement des images, Paris,Cahiers du cinma, 1997.Schleiermacher 1987 : Friedrich Daniel Ernst Schleiermacher, Hermneutique. Pour

    une logique du discours individuel[1805], Paris, Le Cerf, 1987.Veyne 1979 : Paul Veyne, Comment on crit lhistoire[1971], Paris, Seuil, 1979.White 1974 : Hayden White,Metahistory : The Historical Imagination in Nineteenth-Century Europe, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1974.

    White 1978 : Hayden White, Tropics of Discourse : Essays in Cultural Criticism,Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1978.

    ABSTRACT

    There Is No Such Thing as Film HistoryJacques Aumont

    By stating that there is no such thing as film history I have nointention of denying or denigrating several decades worth ofimportant work by film historians. One can always suspect thehistory in question of being done well enough, but in this articlewhat is suspect is cinema. This word is used to describe a het-erogeneous object (and even several objects): from private con-sumption to movie-theatre consumption, from industries (pro-ducing both equipment and films, quite dissimilar to eachother) to businesses. In each case, there are two kinds of difficul-ties: first of all, cinema has always, even loosely speaking, beentied to art, but art history is unable to provide an incontestablemodelfar from it, because it is mostly remarkable for its apor-ia. Second, and more essentially, cinema is made up of an infi-nite variety of images which appear to the human subject as apresence, and it is not truly possible to write the history of eitherthis variety or these subjective phenomena.

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