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«J’enlève tout. Il reste l’essentiel.» - Journal L'UQAM · 2005. 5. 27. · vache rose dont le lait coule directe-ment dans le savon. Le carnet de commandes n’a par la suite

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  • Michèle Leroux

    «J’enlève tout. Il reste l’essentiel.» – Raymond Savignac, affichiste

    Juste au moment où l’hiver s’étiredans la grisaille, le Centre de design del’UQAM s’offre la gaieté mur à mur enprésentant l’exposition Ça c’est de lapub! Raymond Savignac affichiste, du24 février au 10 avril prochain. Cetterétrospective de l’œuvre d’un des plusgrands affichistes français du siècledernier permettra de revoir, ou dedécouvrir, plus d’une centaine d’af-fiches qui ont fait le tour du monde etconsacré le champion du gag visuel.Une quinzaine d’affiches de cinéma etde télévision conçues par l’artiste se-ront également présentées à laCinémathèque québécoise, du 11 marsau 10 avril.

    Né à Paris le 6 novembre 1907, ausein d’une famille modeste, RaymondSavignac a démarré sa carrière en1935, après que son maître l’artisteCassandre – créateur du slogan pu-blicitaire Dubo, Dubon, Dubonnet –lui eut refilé la réalisation d’une af-fiche de roquefort. Mais le succèsn’est venu qu’en 1949, avec la cam-pagne Monsavon, la sympathiquevache rose dont le lait coule directe-ment dans le savon. Le carnet decommandes n’a par la suite jamais

    dérougi. Air France, Cinzano, Bic,Citroën, Dunlop, les cigarettesGitanes, tous se l’arrachent. Savignaca aussi dessiné pour le théâtre et le ci-néma. L’affiche des films Alexandre lebienheureux et La guerre des bou-tons d’Yves Robert, L’argent de RobertBresson portent sa signature. Vingtans après s’être installé à Trouville-sur-Mer, en Normandie, il y meurt en

    2002, à l’âge de 95 ans. Savignac a prouvé que la publici-

    té peut être belle, intelligente et sen-sible. «Il voulait faire de ses affichesdes slogans graphiques, des petitsspots auxquels le passant ne pourraitéchapper. Et il y parvenait magnifi-quement bien», estime le professeurMarc H. Choko, directeur du Centre dedesign. Savignac a dessiné plus de 600affiches. Son travail était visible par-tout, dans la rue, dans le métro, à lacampagne, dans la presse et l’édi-tion, et au travers de quantité d’objetsde la vie quotidienne (buvards, porte-clefs, objets de toutes espèces). En ap-parence simples, ses dessins aux al-lures gamines révèlent de solidesprincipes : une idée forte conçue àpartir de contraintes clairement énon-cées, exprimée par une image-choc.Un gros dessin mettant en scène, avecune pincée de bonne humeur, un pro-duit-personnage. Et une palette decouleurs attrayantes savamment do-sées. Voilà comment Savignac conce-vait l’affiche publicitaire, précise M.Choko.

    S’il maîtrisait parfaitement son art,Savignac ne s’est jamais prétendu ar-tiste, revendiquant le titre d’affichistetoute sa vie. «Il appréciait la com-mande de ses clients et les contraintesde la publicité. La majorité de sesgrandes réussites vantait des produitscommerciaux», rappelle M. Choko.Ses amies les bêtes ont été une sour-ce intarissable d’inspiration. La vache,d’abord et encore (pour Monsavon etpot-au-feu Maggy), le zèbre (Cinza-no), la mouette (pour la ville Trouvil-le-sur-Mer), et puis la girafe (AirFrance). L’humain partage aussi l’af-fiche, mais Savignac rompt avec la tra-dition : les généreuses beautés sou-vent dénudées cèdent la place à desenfants et à des petits bonhommessympathiques, plus rarement à desfemmes. À l’instar des modernistes dudébut du 20e siècle, tel LucienBernhard, Savignac prône l’affiche-objet. Le produit occupe l’espace,composant même le personnage quel-quefois. «Mais si on regarde bien, leproduit est toujours au service del’humain», de noter le professeur.Comme en témoigne Vite Aspro, la su-blime affiche mettant en scène unmigraineux dont le crâne est traversépar un cortège de voitures qu’on en-tend presque klaxonner.

    L’art du clin d’oeilSavignac, c’était «L’homme qui faitsourire les murs et réfléchir le papier»,lisait-on dans la revue Caractère en1951. Mélange parfait de surprise,d’émotion, de style et d’humour «c’est

    la potion magique, l’élixir antistress»,sa méthode loge d’abord à l’enseignede la simplicité. «J’enlève tout, ilreste l’essentiel», résumait d’ailleurs lemaître de l’ellipse. Pour M. Choko, larecette de l’artiste réside en une gran-de fraîcheur, une pseudo-naïveté, unbon gag, le plus souvent gai, sensibleet intelligent, à la manière de CharlieChaplin qu’il admirait tant, et le sou-rire, toujours le sourire.

    Souvent très grandes, comme levoulait le format standard del’époque, les quelque 116 affiches ori-ginales présentées au Centre de desi-gn couvrent la période allant de 1935à 2002, soit de l’affiche réalisée parSavignac pour l’autorail Paris-Lillejusqu’à ses toutes dernières créations.L’exposition présentera également unfilm-interview réalisé par FlorenceRobert, enseignante en histoire et ac-tualité du graphisme, en collaborationavec Romain Novarina et NicolasCrosnier, dans le cadre d’un cours àl’École de communication visuelle deParis. Filmé dans son atelier deTrouville en juillet 2002, soit quelquesmois avant sa mort, Savignac y parlede son travail. Des interviews de pu-blicitaires, graphistes, illustrateurs,parents et amis complètent le docu-

    ment inédit, un prototype non com-mercialisé portant le titre Savignac,une vie d’affichiste.

    Produite par la BibliothèqueForney à Paris, cette exposition ma-jeure est présentée à Montréal grâceau soutien de nombreux commandi-taires, notamment Hermès etInfopresse. Le lancement de l’ouvra-ge Raymond Savignac, publié auxÉditions Pyramyd, dans la collection «design&designer», aura lieu lors duvernissage de l’exposition, le 23 fé-vrier. Une conférence sous le thème«Affiche et publicité» se tiendra auStudio-théâtre Alfred-Laliberté, cemême jour, à 16h30.

    Dans le cadre de la «Nuit blanche»du Festival Montréal en lumière, lesamedi 26 février prochain de 18h à5h du matin, le public est invité à par-ticiper à un atelier de sérigraphieanimé par le groupe «Made inSérigraphie», qui regroupe des étu-diants et diplômés en design gra-phique de l’UQAM, et à visiter l’ex-position •

    Raymond Savignac (1907-2002)

    Photo : Baumann

    www.centrededesign.uqam.caSUR INTERNET

    Monsavon, 1948 / 1950

    Eau Perrier, 1949 / 1955

    L’UQAM / le 21 février 2005