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Je m'appelle Jéricho

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C O L L E C T I O N F O L I O

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Catherine Paysan

Je m ' a p p e l l e J é r i c h o

Denoël

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Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays.

© Éditions Denoël, 1964.

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Jacques Jéricho et sa femme Marie se sont aimés passionnément. Dès le début du roman ils sont désunis. Cousins, ils se sont mariés très jeunes dans la Sarthe, leur pays d'origine. Mais la situation de Jacques les ayant obligés à venir s'installer à Paris, leur union a très mal supporté cet exode. Marie, jeune créature saine sans artifice et sans coquetterie, n 'a pas subi comme Jacques le charme de la ville. Un malentendu sourd, mais grave, s'est installé. Le jeune homme a pris une maîtresse : Viviane, Parisienne parfaitement « dans le vent », et Marie, trop fière pour supplier, a laissé faire. Sa vie conjugale ne tient plus qu'à un fil. Fil que doit rompre un très prochain divorce.

Mais le grand-père Jéricho (un vieux patriarche qui vit seul dans les bois) les invite à venir passer trois semaines de vacances dans sa maison forestière. Impossible de refuser, de lui laisser soupçonner leur mésentente. Jac- ques et Marie, devenus étrangers, ont gardé en commun une tendresse profonde pour ce vieillard simple et superbe. A cause de lui, ils vont simuler le bonheur et l'intimité charnelle.

Replongé dans le climat de son enfance, Jacques redécouvre la nature, sa force et l'accord de sa femme avec cette nature. Marie, de son côté, redevenue plus sûre d'elle, joue quelque peu à éveiller la jalousie de son époux. Par le plus grand des hasards, elle assiste une bohé- mienne lors de son accouchement, et Jacques, bouleversé,

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découvre le désir de Marie d'être mère. Une affection paternelle se révèle aussi en lui, qui le lie brusquement au fils aîné de la tribu dont il entreprend l'éducation...

Ce retour aux sources, cette nécessité de vivre à un rythme archaïque, provoquent la conversion de Jacques. II repart à la conquête de Marie, à la conquête de sa maturité d'homme fait.

Catherine Paysan est née à Aulaines dans la Sarthe, d'un père gendarme et d'une mère institutrice de campagne. Après le succès de son premier roman publié en 1961, Nous autres les Sanchez, elle entame une carrière d'écrivain confirmée au fur et à mesure des années avec Histoire d'une Salamandre, adaptée à la télévi- sion, Les Feux de la Chandeleur, prix des Libraires de France, adapté au cinéma avec Annie Girardot et Jean Rochefort. Auteur du Nègre de Sables, de L'Empire du Taureau, de deux livres de chronique familiale et sociale : Comme l'or d'un anneau et Pour le plaisir, son dernier roman, Le Clown de la rue Montorgueil, remporte actuellement un beau succès. Je m'ap- pelle Jéricho a été adapté au cinéma avec Michel Simon et Marie Dubois.

Au-delà des récompenses officielles venues peu à peu sanctionner son talent, ce qui importe, comme l'a écrit Robert Kanters, c'est que les « vrais lecteurs » ont compris et apprécié les premiers son message : « Une voix leur parlait d'autrefois et d'aujourd'hui, non pour les opposer, mais pour marquer une continuité, effective et intelligente, des hommes d'ici et des hommes d'ailleurs, pour jeter un pont entre eux, et leur parlait de l'amour comme d'une chose saine et forte : ils ont écouté. »

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Huit heures du soir ! Un dernier cahot nous brise

les reins. Coup de frein du conducteur bossu. L'automotrice, contente de souffler un peu, cra- chote d'aise.

J'ai ouvert la portière, posé le pied sur ce quai de gare sans bitume où la poussière, sous la lumière économe d'un lampadaire municipal, a cette teinte radieusement grise, vergetée de brun, des terres cultivables, humé l'odeur de ruisselante fraîcheur des végétations environnantes, car la rivière est là, toute proche, et sa voilure de peupliers qui la fait ressembler sous la lune à une nymphe renversée dans les plis verticaux de sa chemise de feuilles. Je bois l'air comme du vin doux. En même temps, j'ai peur. Trois ans que je n'ai pas revu grand-père Jéricho. J'ai fui cet homme redoutable et bon qui vit avec son ânesse, ses vingt poules et son chat noir, dans une maison à la lisière d'une forêt. Auprès de lui, je ne suis qu'un garçon sans envergure, que la communauté partagée avec les bêtes déconcerte,

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que l'hiver et ses brouillards épouvantent. Com- ment affronter Grand-Père ?

Ah ! il ne nous en a pas écrit bien long, voilà trois mois, à Marie et à moi, pour que nous sachions qu'il voulait nous voir.

« Mes enfants, « Il y a deux ans, vous avez passé vos vacances à

Nice, l'année dernière en Italie, cette année, ce sera chez moi, dans la Sarthe, sinon je vous déshérite. Les lettres ne suffisent plus pour contenter un homme de mon âge. J'ai besoin de vous deux, au moins une fois avant de disparaître.

« Grand-Père qui vous embrasse. »

Marie, derrière moi, ne cesse de tousser. Elle a pris ce tic nerveux depuis que nous ne nous entendons plus. Chacun de nous a préparé, pour venir ici, sa valise personnelle. J'ignore la couleur de son linge, celle de ses chemises de nuit. De son côté, elle ne sait rien non plus de celle de mes pyjamas neufs. Au départ, à la gare Montparnasse, elle a refusé mon aide pour porter ses bagages. En montant dans le train, j'ai tout de même insisté pour hisser son sac de voyage. Elle a dit : « Non, je peux bien toute seule. »

Depuis que je la trompe, cette phrase revient toujours, avec en même temps, au-dessus du nez, deux plis durs, quand la bouche jette : « Non, laisse-moi, je peux bien toute seule. »

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Je me demande comment, finalement, elle envi- sage notre séparation future. La lettre de grand- père Jéricho nous a fortement émus. Sans doute a- t-elle retardé la rupture officielle. Non par crainte de perdre l'héritage. D'ailleurs cette menace n'est qu'une plaisanterie, le masque rude d'une tendresse violente. En vérité, Jéricho a besoin de nous. Il crie son amour comme il peut.

Pour un couple, il y a deux manières d'être unis. Par un attachement qui ne doit rien à l'influence des autres, ou par la volonté de l'entourage qui le brasse dans le même creuset sans s'inquiéter de ses désirs profonds. Grand-Père nous contraint pour le moment, Marie et moi, à rester ensemble. L'affec- tion qu'il nous voue, chaleureuse, omnipotente, nous laisse désarmés. Je suis son petit-fils. Marie est la fille de sa belle-sœur. Un seul devoir : ne pas lui faire de peine. Nous sommes, ma femme et moi, présentement d'accord sur ce point.

Il est là, sur le quai. Il m'ouvre les bras. Peut-on résister à cela ? Il empoigne Marie, la serre contre sa veste de chasse en velours côtelé, à boutons de cuivre. Elle pousse un cri léger, joyeux, féminin !

« Bon-Papa, tu me fais mal avec tes boutons. Ils me sont rentrés dans l'estomac. »

Et elle rit. Depuis combien de temps n'ai-je plus entendu ma femme rire ? Je m'affaire avec les valises, la sienne, la mienne. Grand-Père lui ayant offert son bras, Marie ne proteste pas quand j'emprisonne l'autre dans mon coude. Elle marche

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entre nous deux, la tête haut dressée, les pieds ailés. Elle est parfaite dans son rôle d'épouse comblée.

Le chef de gare nous apostrophe. Je le reconnais, Gauthier. Il n'a pas changé. Un ventre qui menace de faire éclater la culotte, une chemise de laine à col

fripé, une jovialité irrésistible d'homme simple. « Alors, M'sieur Jéricho, on a de la visite ? — Oui, cette année, j'ai les petits. » Les petits tendent la main, bafouillent les phrases

consacrées : « Ça va-t-il, M'sieur Gauthier, et votre dame et le fils ?

— Le fils ? il est au cours complémentaire. C'est bien les études ! Il apprend l'anglais et les sciences. La semaine dernière, c'était la leçon sur le lombric. Vous vous rendez compte, le lombric? L'instruc- tion, c'est pas croyable jusqu'où ça vous pousse. Voilà un gamin qui connaît tout du lombric. Hier, il me dit comme ça : Papa, les vers de terre et ben c'est des lombrics que ça s'appelle ! »

Je ne crève pas de rire, je suis touché. Je trouve subitement que Gauthier a de la grandeur. Il ne sait pas grand-chose, sinon les heures d'arrivée et de départ des trains de marchandise et de l'automo- trice des voyageurs circulant sur la ligne à voie unique, une fois le matin, une fois le soir. Il a pour coller une étiquette sur les cageots de pêches et de poires expédiés vers Paris, des gestes lents, mal assurés. Il rend la monnaie aux usagers de la ligne, avec respect, parce que l'argent est rare, fait dix fois le tour de la gare avec sa lampe-tempête pour

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s'assurer, à la tombée du jour, que tout est en ordre : les sacs de pommes de terre dans le hall poussiéreux, la balance romaine. Il veille à l'aéra- tion nocturne des w.-c. puants, et rentre chez lui, à l'étage, au-dessus du bureau, manger sa soupe avec bruit. Parfois, il s'arrête de « friper » la cuiller avec sa langue et demande à son fils Gaston, en pantalon rayé et souliers montants, si c'est bien vrai que Charlemagne a fondé des écoles et qu'il voulait qu'on instruise les pauvres, aussi bien que les riches.

Gaston, douze ans, faciès de Normand, nez en biseau cachant presque les lèvres, pas l'œil dans sa poche, regard de furet qui vous transperce, avec de fausses naïvetés peintes sur les joues roses, des airs de paltoquet trop vite grandi qui ne connaîtrait pas la différence entre une locomotive à charbon et une

machine à traction électrique, a ce qu'on appelle ici « du cerveau ». Il vient de terminer sa classe de

cinquième, a ingurgité, sans sourciller, le pro- gramme d'histoire, du Moyen Age aux guerres de religions comprises. Il a trouvé moyen de parcourir en gros, à la bibliothèque de l'école, l'Histoire des Mérovingiens d'Augustin Thierry, en a gardé des souvenirs confus qu'il répand en famille avec suffi- sance, à l'heure du souper. Il mêle emphatiquement les Wisigoths, les Burgondes et les Vandales, situe la lutte entre les reines Frédégonde et Brunehaut sous le règne de Louis XI, affirme que les ligueurs étaient protestants. Gauthier le croit. Mais le

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bonhomme se fâche d'apprendre du même coup que Charlemagne nourrissait un harem et peuplait le Saint Empire Romain Germanique de solides nichées de bâtards. Pour en avoir trop dit, Gaston reçoit, à travers la table, un coup de casquette de son père qui entend lui enseigner le respect !

Depuis un bon quart d'heure, nous sommes plantés là, dans l'encadrement de la petite porte. Gauthier nous barre le chemin. Il ne nous laissera

pas partir avant de s'être déchargé le cœur au sujet des guerres de religions. Sa formule est bonne d'ailleurs, elle résume tout : des gens qui se servent du Bon Dieu pour égorger leurs voisins. Des salauds, quoi !

Sous mon bras, celui de Marie est tiède, presque aussi tiède que le bras de Viviane, ma maîtresse. Le clair de lune nous projette en noir sur le sol d'argent. Trois longues barres surmontées de la boule des crânes, comme des quilles. Au milieu, la plus petite, c'est Marie. Qu'allons-nous devenir, elle et moi, durant ces trois semaines de vie commune forcée? A Paris, nous avions trouvé un statu quo. Je dormais dans la salle à manger, sur le divan, elle dans la chambre. Nous frappions pour rentrer l'un chez l'autre : « La salle de bains est- elle libre ? »

Elle partait à son travail le matin, dès huit heures. Moi qui ne rentrais que tard, jamais avant minuit, j'étais encore couché. Elle passait devant moi, très raide, dans son imperméable bleu ou son

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manteau rouge, selon les caprices du temps. Je ne bougeais pas d'un poil, n'ouvrant les yeux pour la voir que lorqu'elle avait déjà dépassé mon lit et ne montrait plus que son dos. Je notais au passage la couture mal tirée de son bas, dans sa hâte de se vêtir, une boucle folle dans sa chevelure, cette extrême simplicité de sa personne qui m'avait autrefois ravi et que je ne peux plus supporter depuis que je connais Viviane.

Marie ne s'est jamais guérie de la province. Elle use ses jupes consciencieusement, ne suit la mode que de loin. Avec ses gants fourrés l'hiver, ses bottillons solides, son bonnet de fourrure noire et son teint clair, elle ressemble à une jeune femme moscovite. Elle est saine, drue. On a envie de l'installer sur un traîneau, avec des couvertures autour d'elle, et de la promener dans une grande plaine de neige. Elle possède l'éclat vigoureux, étonnant d'une rose de Noël. Mais je n'ai jamais pu lui faire comprendre qu'en ville, elle aurait dû s'adapter, consentir à devenir une fleur de serre. Dans un café des Champs-Élysées, elle fait tache, pèche par manque d'harmonie avec les verres de gin et de coca-cola. Elle continue à se croire en pleine nature, à ne compter qu'avec la verdure, les soleils couchants agrestes, pour exalter la roseur de sa peau, justifier l'ampleur de ses formes pleines, au milieu d'un paysage de labour. Dans les miroirs des bars, le profil de Viviane, sous le hennin des cheveux doucement oxygénés, irradie, gouache

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délicate. Dans une grande cité, les femmes doivent avoir l'air d'orchidées.

Sur la place, Marguerite nous attend, bien sage, comme toujours. Ses larges yeux noirs, sans trans- parence, sous les paupières ourlées de bistre, bou- gent doucement de droite à gauche au rythme de son cou qu'elle balance pour se donner du mouve- ment, tromper l'attente. Elle n'a pas vieilli. Tou- jours cette cheville fine, ce genou élastique, cette jambe nerveuse dans le soulier luisant, cette expres- sion d'entêtement concentré mais doux, ce frémisse- ment passionné des narines quand grand-père Jéricho l'appelle par son nom : Marguerite.

Nous tournons autour d'elle. A notre approche, elle tressaille dans les brancards. Le tonneau de

bois à roues caoutchoutées fait un bruit léger et les oreilles de l'ânesse, contente de n'être plus seule, se mettent à bouger. Marguerite rit. Elle rit parce qu'elle aime Jéricho, qu'il vient de lui fourrer un sucre entre les dents, que sa solitude sur ce lieu découvert est enfin rompue.

Il faut ranger les bagages, prendre garde à ne pas heurter le panier d'oeufs placé sous le siège, s'ins- taller.

Bon-Papa a quelques rentes. Il a été autrefois épicier en gros, possède une grosse ferme tenue par des métayers, mais il n'a jamais acheté d'automo- bile, parce qu'il aime les bêtes, que grand-mère Jéricho, morte il y a dix ans, avait acheté Margue- rite pour ses petites promenades dans les environs

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et que ce serait faire offense à sa mémoire que de voyager autrement qu'en charrette à âne.

Marie enjambe le marchepied. Bon-Papa, déjà assis, l'installe à son côté. Maintenant, mon tour

vient de prendre place le long d'elle, à son flanc gauche. La voici de nouveau entre nous deux. Elle ferme les boutons de son gilet, à cause de l'air frais. Elle a toujours eu la gorge fragile.

Nous allons partir. Grand-Père se racle la gorge, saisit les rênes,

paume renversée, avec délicatesse. Le mouvement qu'il imprime pour fouetter, en douceur, le dos gris de Marguerite est aussi léger que celui d'un vir- tuose effleurant les touches d'un piano.

Eh... Eh... eh... Youk!

Aussi obéissante qu'un moteur, Marguerite démarre, museau en avant. Elle a soif de mouve-

ment, d'écurie. Nous prenons la route départemen- tale. Une première automobile nous double, une seconde. Serrant à droite, nous trottons. Je suis déjà devenu indifférent à tout ce qui n'est pas le charme de cette promenade en bordure de fossé, dans l'illumination des vers luisants, l'odeur animale des fougères. Il faut aller lentement pour goûter les surprises du relief, le raidissement devant soi d'une côte qui vous refuse le passage, contraint Margue- rite à marcher au pas, à protester d'un braiment excédé. La dispute s'engage entre l'âne et le raidil- lon. Hargneuse, la route fait le gros dos, mais Marguerite, de toute sa volonté, le piétine, le gravit.

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Elle a charge d'âmes, doit mener jusqu'au gîte ces trois êtres humains, le col relevé, les genoux serrés sous une couverture. Et puis, c'est la descente. Nous la dévalons, à tombeau ouvert, dans une

frange de lune liquide. La merveille n'est pas qu'une auto atteigne le cent cinquante, mais que Margot fasse du quinze à l'heure. Jamais je n'ai été aussi étonné que ce soir de pouvoir me déplacer si vite, de par la grâce et la bonne volonté d'une mécanique de chair.

« Bon-Papa, regarde, voici la forêt. » Jéricho, le chapeau de feutre sur les oreilles,

tourne vers moi son bel œil gris. « Assieds-toi, fiston. Bien sûr, c'est la forêt. Ça te

donne un coup, hein ! Quand tu étais gamin, tu te levais au même tournant pour me crier la même chose. Et toi, qu'est-ce que tu en penses, Marie, de la forêt ?

— C'est la plus belle des forêts, Bon-Papa, tu le sais bien.

— Tu l'aimes pourquoi, Marie? Parce qu'elle est silencieuse, vivante, ou parce que Jacquot t'y a donné beaucoup de baisers ? Quel joli mariage vous avez eu : les photos au bord de l'étang et tout ! et puis quand tu as couru, pieds nus, autour du puits, en criant : " Jacquot, mon amour, Jacquot ", et le puits répondait. Vous verrez : il répond toujours. Tu ne dis rien, Marie ? »

Elle murmure très bas : « Ce que tu es gentil,

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Bon-Papa », et elle l'embrasse très vite sur la tempe.

Les premiers hêtres de la grande allée où s'en- gage la voiture arrondissent leurs chaperons bour- rus. Derrière, la futaie, ocellée de barres de lumière, s'étire à n'en plus finir. La masse verticale des fourrés s'anime de la présence crépitante des insec- tes et des oiseaux. Une branche éclate comme de la

poudre. Les arbres, l'enlacement de leurs muscles velus, leur coude à coude, nous pressent. Nous passons entre deux haies de gladiateurs en armes et nous baissons la tête par crainte de rencontrer leur regard.

Dans le tronc d'un bouleau, un trou a la fixité

sombre d'une prunelle de cyclope et la souche renversée d'un chêne profile, sur la pénombre, le renversement d'un géant tué, en pleine violence, les reins creusés par la souffrance, les doigts raidis en l'air. Il meurt, en posture d'humilié, tête enfoncée dans la terre et cul en l'air. Nous longeons l'étang. Que de fois, Marie et moi, y sommes venus. J'ôtais mes sandales pour entrer dans la vase lui cueillir du cresson qu'elle broutait aussitôt avec l 'appéti t d'une chèvre. Elle essuyait mes orteils avec son mouchoir. A genoux devant moi, courbée, je l'écou- tais soupirer, ne voyais que sa nuque, le fermoir doré de son petit collier de fausses perles et la colline de ses hanches sous le rideau de sa jupe.

Marguerite s'arrête. Pourtant, Jéricho ne lui a rien dit. Peut-être est-elle lasse ou trouve-t-elle

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belle, attirante, cette nappe d'eau qui sert d'abreu- voir aux herbes et aux étoiles.

« Eh bien, Marguerite! Margo... o... ot... Margo... o... ot... »

Au-dessus de ses oreilles renversées, le coup de fouet allègre n'est pas une menace, mais un siffle- ment de gars amoureux, invitant à danser une belle fille. Fouaillée, conquise, Marguerite repart. « C'est une enfant qui veut se sentir aimée, explique Grand-Père. Les bêtes sont comme les gens. » Marie fouille dans son sac à main, sort ses cigaret- tes et son briquet. Elle me tend son paquet, allume ma cigarette à la sienne, se met à parler très vite : « Ah oui, les bêtes sont comme les gens. Si on les méprise, elles le sentent. Elles continuent à obéir, mais elles sont mortes par le dedans. » (Et puis sans transition, sans doute pour faire diversion :) « Qu'est-ce que nous allons manger de bon à souper, dis, Grand-Père?

— Tu as faim, mignonne. Et le Jacquot, il a faim ? A-t-il faim ton bonhomme de mari ?

— Tu peux en être sûr. Il dévore. N'est-ce pas, Jacquoton, que tu as un appétit d'ogre ? »

Quel toupet ! Elle n'en sait rien. Depuis plusieurs mois, je prends mes repas au-dehors, ou chez Viviane. Marie prend les siens seule à la maison ou au restaurant, avec son amie Monique. Je m'ébroue. Voyons, il faut jouer le jeu. Je peux être aussi malin qu'elle.

« Tu exagères, Marinette. Hier, c'est toi qui as

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ingurgité presque tout le chou-fleur au gratin que tu avais mitonné soi-disant pour moi. »

Pas mal, ma petite histoire de chou-fleur au gratin. Qui dit mieux ?

« Et les moules alors, les moules de vendredi

dernier, riposte Marie, qui est-ce qui les a toutes gobées ?

— C'est moi, ma petite caille, c'est moi. » Elle tourne vers moi un visage embrasé, m'écrase

le pied, sauvagement, de son soulier pointu. Ma petite caille ! Jacquoton ! Nous sommes en

train de ressortir la panoplie des appellations amoureuses. Nous extirpons, de la malle du grenier, les vêtements fripés. Nous les secouons avec fureur, soufflons sur la poussière, endossons de vieilles nippes pour la grande fête du Carnaval. Et ce n'est qu'un début ! Il faut sauver la face, contenter Jéricho, reconstituer, pour lui, le cadre exact d'une idylle aussi fervente qu'au premier jour. Par ten- dresse pour cet aïeul avide d'assister encore une fois avant de mourir au spectacle du bonheur des autres, nous allons monter un feu d'artifice énorme,

faire éclater les pétards jusqu'au ciel même. Ce sera plus vrai, plus brûlant que la vérité. Il

suffit de s'échauffer.

De nouveau, nous obliquons. Nous galopons depuis trois quarts d'heure. Un village vient d'être traversé : Aulaines, avec son clocher de travers, ses maisons appuyées les unes aux autres comme des sœurs. J'ai reconnu à l'entrée du bourg, à droite, la

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maison du marchand de chevaux, à gauche, celle du marchand de bestiaux, les deux fortunes de l'endroit, à la proue du navire. Derrière, les autres habitations s'étirent, dans un alignement serré, modeste. Ce sont les gîtes des journaliers. De temps en temps, une baie fleurie, une façade plus large, un étage annoncent quelque aisance. L'instituteur, l'épicier, un commerçant retiré habitent là ! Inutile d'aller plus loin qu'ici pour déchiffrer l'image du monde. De nouveau, la forêt nous happe.

Marguerite court un peu plus vite. Dans la grande allée de Noailles, à trois cents mètres, tout au bout, à la lisière, entre bois et champs, à côté de la ferme de la Blanchardière, la maison de mon grand-père Jéricho.

Margot brait de plaisir, cravache ses reins de sa queue et finalement, d'un mouvement sec, s'immo- bilise devant la barrière.

La voilà donc cette sacrée bicoque ! Avec ses airs d'étouffer sous le capuchon de ses tuiles lourdes. Et j'avais cru l'oublier, comme si on oubliait ces choses-là, comme si c'était possible ! Oublie-t-on une maison, ses lézardes ? Toucher du doigt chaque crevasse comme on effleure les rides d'un visage. Et puis pleurer un bon coup dans le noir, quand personne ne vous voit.

« Regardez, Petits. J'ai fait repeindre en blanc la barrière et les volets pour votre visite. »

Une telle jubilation dans la voix de l'aïeul ! Sa joie me désespère.

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Une source passe sous les fondations de l'écurie, et le puits creusé en face du hangar a, si je m'en souviens, vingt-deux mètres de profondeur. Il serait si facile de s'y tuer! J'ai toujours vu autour de la margelle ce grillage qui avait été fixé là, quand j'étais petit, pour m'empêcher de mourir et sauver par ricochet la vie du chat intrépide. Comment une telle solitude peut-elle être supportable pour un homme de soixante-quinze ans, veuf déjà depuis huit ans ! J'imagine les nuits d'hiver dans cette cahute, au milieu des arbres déguenillés. Le pas- sage tumultueux des sangliers affolés de faim, le cadavre des oiseaux découverts le matin, au seuil de la porte et ce cri dramatiquement régulier des chouettes noctambules. Au milieu de cet univers

furtif, anonyme, dans ce silence qui fait qu'on a l'impression, même blotti dans un lit chaud, d'être enfermé au fond d'une cave, à quoi pense mon grand-père? Il n'a jamais voulu, malgré notre insistance, nos conseils, se résoudre à vendre cette maison pour retourner au canton. Pourquoi, d'ail- leurs, sa femme et lui se sont-ils retirés là, après avoir dirigé trente ans leur épicerie dans le bourg, je ne l'ai jamais exactement su. Jéricho secoue la tête, répète : « J'ai vécu là vingt ans avec Julia, en pleine forêt. Je n'irai pas ailleurs. Je n'ai pas peur. »

Sans doute dit-il la vérité. Ici, il poursuit une ombre, vit avec elle. Le miaulement de l'armoire, le chuintement du bois en travail, un choc mal défini, du côté du hangar, c'est la présence de grand-mère

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Julia, et cette masse noire qui s'installe régulière- ment, chaque soir, sur le fauteuil, en face de la fenêtre, c'est sa jupe qu'elle a ôtée pour aller se coucher à côté de lui.

En descendant, Marie bute contre une branche morte. Elle s'agite, parle extrêmement fort, s'amuse à m'éblouir avec la lampe électrique. En réalité, elle est remplie de crainte. Ici tout l'oppresse et l'en- voûte.

« Tiens, Marion, prends la clef, ouvre. Installez- vous tous deux. Je rentre Marguerite. »

Je suis Jéricho à l'écurie, pour l'aider et laisser à Marie le temps de se reprendre. Je la connais. Elle est femme. Pendant que Bon-Papa et moi aurons dételé l'ânesse, vérifié le niveau d'herbe dans sa mangeoire, rangé le tonneau, brancards en l'air, suspendu les étrivières à un clou, elle aura déjà ouvert sa valise, ranimé le feu dans la cuisinière, enfilé ses chaussons et son peignoir.

Quand nous rentrons, avec des grognements satisfaits, des rires virils d'hommes contents de retrouver la tiédeur, elle dit en désignant son déshabillé de cotonnade rouge tapissé de margueri- tes blanches : « Tu vois, Bon-Papa, j'ai déjà eu le temps de me mettre à l'aise. » Mais moi, je sais que tant de hâte à se dévêtir cache autre chose, une pudeur tragique. Pendant le voyage, elle a dû dresser des plans pour ne pas avoir, dans la chambre commune qui nous attend, à se déshabil- ler en ma présence. Ce n'est pourtant pas moi qui ai

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consommé la rupture entre elle et moi. Lorsque je suis tombé amoureux de Viviane, je ne l'ai pas humiliée, elle; du moins pas consciemment. Sim- plement, souvent, je rentrais tard et j'inventais des tas de prétextes pour dîner en ville. Évidemment, j'avais cessé d'avoir du goût pour ma femme. L'odeur animale, directe de son corps ne m'émou- vait plus guère, parce que Viviane se parfume. Les yeux de Marie, aussi, ont perdu leur mystère. Elle n'a jamais appris à les farder. Autrefois, bien sûr, je m'y noyais quand même. Je guettais leurs lueurs : malice, convoitise, et ce brouillard dont ils s'em- buaient quand je la possédais, mais j'ai découvert autre chose. Il est possible que le regard de Viviane ne soit pas plus émouvant, plus intelligent, plus sensuel que celui de Marie, mais quand elle le cache sous la frange des cils noirs rebroussés, sous le rideau d'argent d'une paupière luisante, elle me prend à tous les pièges du rêve et chaque détail de sa personne, ses corsages transparents, ses mules dorées, la délicatesse de son linge, le gonflement de ses cheveux, ce rire à peine esquissé — rien à voir avec la franchise du rire de Marie —, jusqu'à l'affectation de ses gestes, les incroyables écharpes ornées de bouddhas ou de chevaux dont elle se

ceinture la taille, me donnent ce sentiment d'irréa- lité constante, de fantaisie absurde qui rendent la volupté délicieuse. Avec elle, je feuillette le livre poétiquement enluminé des contes de l'enfance : « Il y avait une fois une princesse qui ne portait

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que des chemises en fil d'or et dont les doigts étaient si blancs qu'ils ressemblaient à des ailes de colombe... »

Viviane m'éblouit. Je n'ai pas voulu brusquer les choses pourtant avec Marie. J'ai continué à l'aimer un moment, jusqu'au printemps, avec de gros baisers de nourrisson, des claques sur le derrière, des étreintes simplettes qui l'avaient rendue heu- reuse jusque-là et moi m'avaient contenté. Un bel amour conjugal de province qui avait le goût de la brioche faite à la maison. Mais l'épouse était cent fois plus fine que je ne l'avais cru. Elle ne s'y est pas trompée. J'ai dû manquer de conviction, c'est vrai. J'avoue l'avoir possédée plus d'une fois en rêvant aux blondeurs de Viviane, à ses seins aigus (ceux de Marie sont ronds), à cette manière avide qu'elle a de m'entraîner dans sa chute, souple comme un orvet, nerveuse, avec des mots de passion modulés entre ses dents petites, des grognements doux qui vous transforment un homme en demi-dieu. Marie

n'est pas froide, cependant. L'aborder, c'est entrer dans une baie pleine de soleil. Sa volupté est grave, mais souriante. Perspicace aussi. La preuve : très exactement, le 14 avril de cette année, elle a deviné la fêlure. Ce soir-là, elle s'est redressée sur son séant, dans le noir, à côté de moi, a ouvert l'électricité brutalement, planté ses yeux dans les miens, m'a jeté : « Dis donc, Jacques Jéricho, j'ai l'impression que je ne t'inspire plus. Est-ce que je me trompe ? »

Le sang battait dans sa gorge avec violence, la

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gonflait. On aurait dit qu'elle était devenue goi- treuse.

Pris au dépourvu, furieux d'être débusqué, j'ai littéralement aboyé : « Parce que tu trouves que je ne fais pas assez de frais ?

— Non, mon cher, au contraire, tu en fais trop, et puis tu rentres vraiment bien tard, ces temps-ci. Je ne t'ai jamais poursuivi de mes défiances maladi- ves, mais trois fois par semaine, aller au cinéma, dîner en ville, jouer aux échecs, c'est beaucoup pour un dessinateur industriel qui serait encore amou- reux de sa femme. Dis-le, si tu ne m'aimes plus. »

Ah ! ces mots acides, lucides ! Ces façons entières, arrogantes, de demander des comptes d'un coup, comme si c'était elle l'homme à la maison, le vrai : Jéricho, fils de Jéricho, lui-même fils de ce vieux bonhomme qui ne triche, dans ses bois, ni avec la nuit, ni avec le froid, ni avec la solitude. A Marie qui exigeait virilement la vérité, je l'ai jetée en pleine figure. J'ai manié la massue, comme une brute, au-dessus de cette tête rebelle : « Je t'aime toujours bien, mais je ne suis plus amoureux de toi, c'est vrai. »

Livide, elle a eu un sursaut énorme du corps et s'est jetée hors du lit. Il devait être une heure du matin. Elle a ouvert les portes de l'armoire avec fracas, empoigné une paire de draps et une couver- ture neuve. Devant moi, abruti par la violence de mon propre aveu, elle est passée, avec son ventre rond, ses cuisses solides, sa chair épanouie ; et son

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visage blafard semblait avoir été posé comme une chose étrangère, un masque mort, sur ses épaules pleines et vivantes. Elle est allée dans la salle à manger, a rejeté la tapisserie kabyle du divan et s'est mise à dresser un lit avec une hâte désordon-

née, des mouvements brusques, meurtriers. Par la porte de communication, je la voyais faire. Ses gestes remplissaient la pièce d'éclairs griffus, ses fesses, quand elle se courbait, formaient une arche, et l'étoile du pubis fleurissait toute noire, quand elle se redressait. Mais cette nudité sauvage ne m'émouvait plus !

« Tu n'as pas l'intention, ai-je dit, de dormir sur ce divan ?

— Non. C'est toi qui vas y dormir, si tu le veux bien. Ce lit (elle désignait celui de notre chambre) est le mien. C'est toi qui découches, c'est donc toi qui émigrés !

— Parfait, ma chère. Tu es complètement folle et la formule que tu me proposes ne résoudra rien, mais puisque tu es l'offensée, que dis-je, l'épouse bafouée, j'obéirai donc.

— Ce n'est pas (elle haletait) une question d'orgueil de ma part, mais je désire dormir seule, puisque tu ne me désires plus. »

Je me suis levé et suis passé devant elle pour aller m'étendre sur ma nouvelle couche. Ce fut la

dernière fois que nos corps nus se sont frôlés au passage, sans se reconnaître, sans se saluer, comme

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des aveugles. Les draps de ce divan étaient glacés, je m'en souviens.

Et puis, deux jours après cette scène, avant que nous ayons eu le temps d'organiser la rupture, il y a eu cette lettre de Grand-Père, cette menaçante, chaleureuse lettre écrite de cette belle écriture

ronde et nette des gens âgés qui ont appris à la mouler dans les écoles de la Troisième République.

Pourtant, en quarante-huit heures, j'avais déjà dressé des plans. Un statu quo en attendant de trouver un appartement assez grand pour y vivre plus tard avec Viviane qui loge dans un studio minuscule, la mise en train de la procédure du divorce et tout le reste. Une colère énorme me

dressait contre cette femme qui avait pris l'initiative des hostilités, qui m'avait devancé.

A cause de cette lettre, je n'ai pas dit à Marie qu'elle m'était devenue insupportable, que je la détestais presque. De son côté, elle s'est tue. Nous avons décidé de temporiser pour un moment. Grand-Père est un homme avec lequel il faut compter. Ma mère, celle de Marie, sont veuves. On affronte les veuves, on leur annonce les catastrophes sans les ménager trop. Elles ont l'habitude du chagrin et de la faiblesse. On les entoure de tendresse calculée ; on se fait plaindre, elles vous absolvent. Mais Jéricho, Félicien Jéricho, l'ancêtre, comment le défier ? On ne ruse pas en face des patriarches. On tremble devant eux. Non par

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lâcheté mais par vénération, et cette soumission est le visage de l'amour.

« Elle est bien belle ta Marie et bien diligente, Jacquot, s'extasie Bon-Papa en se mettant à table. Elle a trouvé moyen de nous servir déjà la soupe qui nous attendait. Mignonne, nous feras-tu l'omelette, s'il te plaît ? La Jeanne, avant de rentrer chez elle, l'a déjà battue et les lardons sont dans la poêle. Mazette, quel peignoir ! »

Ah oui, quel peignoir! Au fait, il n'est pas mal dans le genre simplet. Juste à hauteur des seins, deux grosses pâquerettes comme des soleils jumeaux. Dans le bas de la jupe, un volant double. Viviane porta du satin. Mais Marie, ce n'est que Marie ! Juste au-dessus de ma tête, à la solive, pendent des saucisses et un jambon fumé. Regarder le plafond et savoir qu'il ne mourra pas de faim, durant l'année, quel réconfort pour un homme simple, un paysan. N'avoir que des besoins élémen- taires : manger, boire, un peu d'eau pour s'abreu- ver soi et ses bêtes, se contenter d'une cheminée, d'une soupe aux haricots, d'un matelas de laine grise, d'une femme, la sienne, pareille à vous, rugueuse, active, une créature de glaise aux pieds longs, aux mollets durs, une femme qui ressemble à un arbre, une génisse, une chienne de chasse, une carpe râblée !

Jéricho tend son assiette à Marie. Elle brandit la louche dans une envolée sculpturale. Tous deux se sourient.