Je suis Conducteur

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  • 8/20/2019 Je suis Conducteur...

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    J e suis conducteur ! Dans ma tête, je suis « conducteurs de trains » … au pluriel. Nous sommes tou s dans la même tête, nous ne faisons qu’un ….au travail !On se relève, on vit ensemble nuit et jour, jour et nuit, on s’énerve mutuellement, on déconne, on se côtoie, on seconnaît bien. Très bien... Je crois même que finalement, on s’aime bien. Ni plus ni moins que... dans une grandefamille. Conducteurs !

    Conducteurs ! Mais pas n’importe où ! Conducteurs à Eurotunnel ! La classe !Le Tunnel ! The Channel Tunnel ! Chantier du siècle ! 20 ans d’allers -retours ! Il fut un temps béni où l’on

    parlait de frein, de dépannage, de traction, de documents toujours et toujours remis à jour. Pour la sécurité, le

    bien-être de la clientèle, normal ! 20 ans de navette pour rapprocher des millions, relier deux entités. La belle viequoi... café gratos, good job... Jusqu’à aujourd’hui !Oui aujourd’hui où nous avons cette âcre, fétide et désagréable impression d’avoir mangé no tre pain blanc,d’avoir vécu le meilleur tout en espérant nous tromper .

    Aujourd’hui où nous avons peur. Peur de commencer, peur de finir, peur de conduire, peur du devant, peur de percuter, d’écraser, d’électrocuter, de réduire en bouillie un pauvre hère, un déshérité, un maudit de la vie, undamné de la Terre.

    Ne pas connaître notre fin de service, l’heure de nos départs, l’heure de nos retours, l’heure de NOTRE dernierretour !!

    Aujourd’hui, un blessé, un mort ? Un adulte ? Un enfant ? Une femme ? Sur mon train ? Non ?

    Ouf !!! A demain alors…. Alors on roule, on roule comme on peut ! Non plus les yeux fixés sur les instruments de bord mais sur les abords,sur la voie, sur les alentours, priant secrètement pour qu’il n’y ait pas un désespéré qui se jet te sur le train !

    A travers les couloirs de concertina nous ne voyons plus les lapins. Ni même les arbres, ni même le vert !Auraient-ils tout arraché ? Non !! .Les frênes, les bouleaux et toutes ces essences dont nous ne connaîtrons jamais le nom étaient notre décor !

    Notre scène. C’était beau ! Plus vivant, plus nature que dans le tube en béton !Là des barbelés, là des policiers, là des gens en armes, là des chiens mais plus d’arbres, plus aucun arbre. Untableau de guerre. Et des gens qui courent ! Désolation ! On n’arrive pas à s’ y faire. Vraiment pas ! Mais Dieumerci, je n’ai tué personne aujourd’hui ! Peut-être demain. On verra bien.

    Que faire ? Que dire ? Se lamenter indéfiniment ?

    En tout état de cause, cela ne peut perdurer ; nous conducteurs , ne voulons mais surtout ne pouvons continuerà exercer notre méti er dans de telles conditions de stress, d’angoisse et de peur au ventre…Le cœur n’y est plus !Combien de blessés encore ? Combien de morts ? Allons-nous devoir nous accommoder sur le long terme decette comptabilité morbide ? Jusque quand encore serons-nous hantés, durant notre activité mais aussi pendantnos repos, par ces images et ces situations surréalistes ?

    Pour la énième fois, avec cette force et cette énergie du désespoir qui nous aident à nous maintenir à notre postetant bien que mal, nous interpelons les pouvoirs publics, les acteurs locaux, les décideurs de tous bords et toutes

    les bonnes volontés à nous venir en aide le plus rapidement possible de manière à ce que nous puissionscontinuer à travailler normalement. A accomplir cette tâche pour laquelle nous nous sommes tant investis.

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