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Université de Sherbrooke Mémoire Présenté à L'Université de Sherbrooke comme exigence partielle de la maîtrise en histoire Par Jean-Alexandre Charland Les pratiques commerciales et l'influence sociale de l'élite marchande sur le développement du village d' Arthabaska (1 853-1 890) Décembre 2000

Jean-Alexandre Charland

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Page 1: Jean-Alexandre Charland

Université de Sherbrooke

Mémoire

Présenté à

L'Université de Sherbrooke

comme exigence partielle

de la maîtrise en histoire

Par

Jean-Alexandre Charland

Les pratiques commerciales et l'influence sociale de l'élite marchande sur le

développement du village d' Arthabaska

(1 853-1 890)

Décembre 2000

Page 2: Jean-Alexandre Charland

National Library 1*1 ofCanada Bibliothèque nationale du Canada

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Page 3: Jean-Alexandre Charland

Composition du jury

Les pratiques économiques et l'influence sociale de l'élite marchande sur le

développement du village d7Arthabaska (1 853- 1 890)

Jean-Alexandre Charland

Ce mémoire a été évalué par un jury composé des personnes suivantes :

Christine Hudon, directrice de recherche (Département d'histoire et sciences politiques, Faculté des lettres et sciences humaines)

Peter Southam, examinateur (Département d'histoire et sciences politiques, Faculté des lettres et sciences humaines)

Peter Gossage, examinateur @épartement d'histoire et sciences politiques, Faculté des lettres et sciences humaines)

Page 4: Jean-Alexandre Charland

REMERCIEMENTS

Mes remerciements s'adressent tout particulièrement à ma directrice de mémoire,

madame Christine Hudon, professeure à I'Université de Sherbrooke, pour son soutien à

toutes les étapes de la réalisation de ma recherche. Elle a mis à contribution son

incommenswable talent de chercheure pour m'écIairer, me guider et m'encourager.

J'exprime également toute ma gratitude aux membres du personnel des Archives

nationales du Québec à Trois-Rivières pour leur extraordinaire collaboration.

Page 5: Jean-Alexandre Charland

RÉSUMÉ

L'objectif principal de ce mémoire est de mettre en lumière les différents champs

d'interventions d'une élite marchande et d'apprécier du fait même, !es manifestations de

son influence à l'intérieur du village d'Arthabaska dans la deuxième moitié du XIXe

siècle.

Pour ce faire, le premier chapitre de ce mémoire sera entièrement consacré au

contexte historique et géographique à l'intérieur duquel la petite bourgeoisie marchande a

évolué. Nous aborderons les sujets suivants : la formation du canton d7Arthabaska,

l'occupation du territoire, la genèse du village d'Arthabaska, les caractéristiques

culturelles et socio-professionnelles des habitants du village, l'économie, ainsi que les

institutions villageoises. À l'intérieur du deuxième chapitre, nous définirons le rôle du

marchand rural dans son environnement pour ainsi mettre en lumière ses activités

économiques reliées au commerce au détail et au crédit. Finalement, le troisième chapitre

de ce mémoire portera sur les autres activités parallèles affiliées aux domaines forestier,

minier, foncier et des transports. On y traitera également de l'intervention des marchands

a l'intérieur des institutions municipales ainsi que de leur implication dans le domaine

socio-politique du village.

Page 6: Jean-Alexandre Charland

S . . .......................................................................................................... REMERCIEMENTS 111

TABLE DES MATLÈRES ..... .............................................................................................. v

- * .

LISTE DES TABLEAUX ............. .. ............................................................................... wii

LISTE DES FIGURES ........................................................................... ............................ x

LISTE DES ANNEXES .................................................................................................... xi

INTRODUCTION ........................ .... ............................................................................. 1

CHAPITRE I : LE CONTEXTE HISTORIQUE ET SOCIO-ÉCONOMIQUE DU VILLAGE D'ARTHABASKA

....... 1. De la colonisation du canton dYArthabaska à la naissance du village d'Arthabaska 9

................................................................ 1.1 La formation du canton d' Arthabaska 9 . - 1.2. Les routes de colonisation ................................................................................. 1 1 1.3 La colonisation du canton d' Arthabaska ........................................................... 13

................................................................................... 1 -4 L'encadrement religieux 14 .......... 1 -5 L'érection canonique de la paroisse de Saint-Christophe d' Arthabaska 16

.................................................... 1 -6 L'incorporation du village d9Arthabaska.. 1 7

2. Les caractéristiques culturelles et ventilation socio-professio~elle des habitants du village d' Arthabaska en 1871 et 188 1 .................................................................... 9

............................................................. ....................... 2.1. La méthodologie .... 19 2.2. Le lieu de naissance, l'origine, l'appartenance religieuse et l'âge de la

.......................................................................................................... population 20 2.3. La ventilation des secteurs d'occupations professionnelles des habitants du

............................................................................................................... village -22

....................................................................................................................... Conclusion

Page 7: Jean-Alexandre Charland

CHAPITRE II : LE COMMERCE AU DÉTAIL ET LE CRÉDIT MARCHAND

.......................................................................................................... 1 . La vente au crédit -33

............................................................................................ 1 .1 . La méthodologie -33 1.2. Le corpus marchand ........................................................................................ 34

.............................................................................................. 2 . Le commerce au détail 35

.................... 2.1. L'inventaire de magasin : méthodologie et critique des sources 35 2.2. Une analyse de l'inventaire de magasin .......................................................... 36 2.3. Les associations marchandes et l'ouverture de nouveaux comptoirs de

.............................................................................................................. vente -41 2.4. Le niveau de fortune des marchands dYArthabaska ........................ ., .............. 49 2.5. La force économique et le niveau de solvabilité de l'élite marchande

................................................................................................. d' Arthabaska -52

3 . Le crédit et la pratique marchande ............................ ... ............................................... -58

.................................. ................................................. . 3.1 Les modes de crédit .... 59 ................................................................... 3 2 Une analyse du crédit obligataire 61

.................................................. 3.3. La distribution géographique des obligations 63 3.4. Le profil socioprofessio~el des débiteurs ...................................................... 65

.................................................. 3 .5 . L'échéance des remboursements obligataires 66 ............................................................. 3 6 Les taux d'intérêt et les hypothèques -67

................................................ ...................... 3 .7 . Les quittances d'obligations ... -70

....................................................................................................................... Conclusion -71

CHAPITRE III : LES MARCHANDES HORS DU COMMERCE AU DÉTAIL ET DU CREDIT

1 . Les activités économiques hors du commerce au détail ............................................ 73

........................................................................................... secteur forestier 73 .................................................................................. secteur des transports 78 . * ............................................................................................. secteur minier -80

.......................................................................................... domaine foncier 83

Page 8: Jean-Alexandre Charland

2 . Les interventions marchandes dans le domaine villageois ............................................ 87

2 1 . Les charges publiques ..................................................................................... -87 ...................... 2.2. Les pouvoirs émanant des charges municipales et scolaires ..... 90

3 . Les interventions personnelles de l'élite marchande dans le développement du village ........................................................................................................................... 94

Conclusion ............................................................ ..,.... ......... -98

. . CONCLUS ION GENERALE ......................................................................................... -1 O0

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................. .... ..................... 103

Page 9: Jean-Alexandre Charland

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1.1 : Caractéristiques socio-religieuses et ethniques de la population d'Athabaska en 1 87 1 et 1 88 7 ................................................................ 20

Tableau 1.2 : Ventilation socio-professionnel2e des chefs de inénage ................................................................. d7Arthabaska en 1871 et 185 1 23

Tableau 1.3 : Comparaison du nombre d'employés des industries ............................................................. d'kthabaska et de Victoriaville 29

Tableau 1.4 : Évolution de la population du village d' Arthabaska et de ................................................................... Victoriaville de 185 1 à 1891 3 1

Tableau 2.1 : Répartition des marchandises de l'inventaire de magasin ......................................................... d7Adolphus Stein et James Buteau 37

Tableau 2.2 : Les états financiers du marchand Georges Gendreau en 1899 .................................................................................................... 49

Tableau 2.3 : Force financière et niveau de crédit des magasins généraux de James Goodhue, Georges Gendreau et Louis-Ovide Pépin ................................................................................. -54

Tableau 2.4 : Ventilation de Ia force financière des principaux marchands, commerçants et manufacturiers du village d7Arthabaska .......................................................................................... .55

Tableau 2.5 : Ventilation de la force financière des principaux magasins .... ..............*.................... généraux d' Arthabaska et de Victoriaville .... ..57

Tableau 2.6 : Nombre et valeur des obligations consenties aux marchands .................................................................... d7Arthabaska ...... ........... ..63

Tableau 2.7 : Répartition des obligations selon le lieu de résidence du débiteur ............................................................................................... -64

Tableau 2.8 : Répartition des obligations selon l'occupation socioprofessio~elle .............. des débiteurs.. ......... .. - 6 6

Tableau 2.9 : Répartition des obligations selon l'échéance du remboursement .......... ..6?

Tableau 2.10 : Répartition du pourcentage des intérêts inscrits dans les ............................................................................................. obligations.. -6 8

Page 10: Jean-Alexandre Charland

Tableau 2.1 1 : Nombre et valeur des créances transportées aux marchands ....................................... .................................................. d' Arthabaska ,., 69

Tableau 3.1 : Nombre de terres et d'emplacements acquis par l'élite .................... marchande d' Arthabaska entre 1 853 et 1 890 ................ ..-.. 84

Tableau 3.2 : Répartition des charges municipales et scolaires occupées par l'élite marchande d'Athabaska ......................................................... 89

Page 11: Jean-Alexandre Charland

LISTE DES FIGURES

Figure 1.1 :

Figure 1.2 :

Figure 1.3 :

Figure 1.4 :

Figure 1.5 :

Figure 1.6 :

Figure 1.7 :

............................................ La division du Bukingharnshire en cantons 1 O

Le canton d'kthabaska ........~....~............................................................. 1 1

......... Tracé du chemir, de Craig et du chemin provincial d' Arthabaska -1 2

................................................ La municipalité du village d'Athabaska 19

Répartition selon l'âge et le sexe de la population d'Arthabaska en 1871 .................................................................................................. 21

Répartition selon l'âge et le sexe de la population &Arthabaska en 188 1 .................................................................................................... 22

Tracé du Grand Tronc et du chemin de fer Trois-Rivières-Arthabaska ..................................................................... -3 0

Page 12: Jean-Alexandre Charland

LISTES DES ANNEXES

. . Annexe I : La colonisation des Bois-Francs ........................................................... XII

... Annexe II : Relevé industriel du village de Victoriaville en 187 1 ........................... xiii

Lhmexe III : Articles recensés dans l'inventaire de magasin de la société ................................................................ (t James Buteau Compagnie » xiv

Annexe IV : Actes de procuration et autres ...................... .. ...................................... xxi

Page 13: Jean-Alexandre Charland

ANNEXE I

La colonisation des Bois-Francs

Source : La société d'histoire de la région d'Arthabaska, Aux Sources des Bois-Francs, Arthabaska, vo1.3, no 4, Juin 1985, page de présentation du document.

Page 14: Jean-Alexandre Charland
Page 15: Jean-Alexandre Charland

A m m

Articles recensés dans l'inventaire de magasin de la société << James Buteau Com~amie »

ARTICLES DE COUTURE

COTON Coton (barré) Coton bleu Coton bleu Coton bleu Coton bleu Coton jaune Coton ouatté lndienne lndienne lndienne lndienne Indienne lndienne Indienne Indienne lndienne Indienne Indienne Mousseline Velour Coton Total (coton)

LAINE Beauragan (bouracan) Cobourg Cobourg rouge Cobourg gris Flanelle Laine Mousseline laine Mousseline laine Mousseline laine Total (Laine) SOIE Satinette Satinette Satinette Satinette Satinette Total (soie)

Quantité ( en verges)

25 verge: 18 verge: 30 verge: 40 verges 52 verge: 6 verge3 5 verges

1 112 verge 18 verges 24 verges 28 verges 30 verges 32 verges 38 verges 38 verges 39 verges 45 verges 72 verges 8 verges

1 5 verges

40 verges 8 112 verges

30 verges 30 verges 38 verges 8 verges

9 314 verges 22 verges 26 verges

3 112 verges 6 verges

20 verges 21 verges 23 verges

Livres

1 1

1

1 1

14

3

1 1 2

1 11

1 2 4

10 36

Page 16: Jean-Alexandre Charland

TEXTILE ET ARTICLES DE COUTURE

AUTRES ÉTOFFES Canate ? Canate ? Crin Cuir Diaume? Malmole carottée Peau de mouton Point Sancinet ? Total (autres étoffes)

TOILES Toile Toile Toile à canevas

ARTICLES DE COUTURE Boutons Boutons Boutons Broche à tricoter Coton à filer Dé à coudre Dentelle Épingle Jalon et fil Ruban Total (Couture) Total catégorie textile

XV

I VALEUR

18 1/2 verges 1 26 verges 12 verges

24 1 21 verges 20 verges

6 3/4 16 verges 16 verges 1

30 verges 26 verges 20 verges

1 lot 3 1/3 douzaines

3 trousses

1 lot

Page 17: Jean-Alexandre Charland

VETEMENTS ET CHAUSSURES Bas Bas Bas Bretelles Bretelles Bretelles Bretelles Bretelles Bonnets de laine Capes de laine Casques Châles de laine Chaussures Chemises Cols brodés Couvertes de laine ICravates de soie Crémones Crémones Mitaines Mitaines Jeans Total

1 paire 10 paires 20 paires 5 paires 6 paires 9 paires 8 paires 3 paires

7 5

15 2

1 lot 4 3

2 paires 3 3 4

3 paires 1 paire

Quantité Livres VALEUR 1

6 paires

Schillings Deniers 1

10 12 6 7 6 6 3 9

13

Page 18: Jean-Alexandre Charland

Allumettes s Alphabets Balais Bal les Balles Catéchismes carnet (cornet) d'encre chandelles Chapelets Chaudières Empois Épinglettes (lettre) Horloge Huile de castor Huile rose Indigo Livres prières Manche de plume Miroirs Miroirs Mouchoirs Pain-killer Pierres bleues Pilules Pipe Rasoirs Savon Total

Quantité Livres 15 boîtes

1 1/2 douzaine 3

3 2/3 douzaines 5 douzaines

7 1 1/2 douzaine

90 14 2 1 32 12 1

19 bouteilles 4 fioles

8 3/4 15

3 6 5

2 1/4 douzaines 7 3/4

20 boîtes

Page 19: Jean-Alexandre Charland

QUINCAILLERIE

Bacs Boîtes de bois Boîte de vitre Boîte de vitre Bottes de ficelle Broquettes Broquettes Broquettes à collier Casseroles à perlasse Chaînes à licou Châssis Clous Clous à river Couplets Couteaux de poche Étrilles Fil à ligneur Fau lx Fourches Harnais Limes Marteaux Mastique Meules Paires de cordeau Pelles Pied-de-roi Pierres à faulx Pognées de porte Plomb Poudre à balance Poudre Râteaux Résine Seaux Soufre Tiers point Vernis Vrilles Vis Total

Quantité L

3 boîte: 1 boîtc 1 boîtc -

1

2 paquets 4C 2 E 4

25 1C

27 paires Z3 douzaine

13

1 douzaine 2 1 6 6 20 6 2 5 1

2 douzaines de paquets 2 boîtes

3 1 112 quantité

3 5 3

1 douzaine de bouteilles 1 boîte

9 grosses

Livres

C

r

2

1

1

1

)

I

!

VALEUR Schillings 1 Deniers

- -

Page 20: Jean-Alexandre Charland

L

Cale Café moulu Clou de girofle Fleur (farine) Fleur (farine) Gingembre Hareng Hareng 1 Hareng Mélasse Morue Moutarde (graine/gomme) Muscade Poivre Sel Soda Vinaigre Total

TABAC ET ALCOOL 1 1 VALEUR 1

Quantité 6 1/4'

Tabac en poudre Tabac en poudre Tabac noir Whisky en esprit Whisky Total

i

VALEUR

AUTRES

Cendre Cocotiers Cordes de bois Différents effets Grains Perlasse Plateforme Plateforme Plateforme Total

Livres

12 1 3/4

5 1/2 quantités 1 quantité

2 1/2 2 quantités 3 quantités

3 1/2 quantités 60 gallons

1/2 quantité 3/4

1 3/4 26

Quantité 16 24

8 314 28 gallons 1 0 gal Ions

Quantité 600

112 douzaine 1 02

7 quantités 1 1 1

- -

VALEUR

6 4 4 4 3 2

7 15 10 3 7

13

4 1

2 3 4 5

10

3 1 l/2

6

9

Schillings 3

Livres

5 1 8

Deniers

C

Livres 15

20

30 1 1 6

76

8 3

Deniers 1 1/2

3 112 sacs 12

10 gallons

Schillings 10 12 13 12

7

Schillings

1 8

15

15 15

15 9

l 1 6

25 16 7

Page 21: Jean-Alexandre Charland

ACTIF

Payer pour [a propriété Total

PASSIF

Montant du crédit Total

Total

Quantité

EFFETS SERVANT AU COMMERCE Relevé de compte

1 VALEUR I

Quantité

VALEUR

Quantité

Schillings Deniers 16 6 5 3 12 4 10 112 3

Livres 130 130

VALEUR

Quantité 125 quantités

5 5

1 2/6. 3

1 16 32 paires

80 1 /2 10

VALEUR

Livres

# L

P L

c

Schillings

O

Deniers 6 6

Livres 47 47

Livres 1 O

ii

Deniers

O

Schillings 2 2

Schillings 12

Deniers O

Page 22: Jean-Alexandre Charland

ANNEXE III

Actes de procuration et autres

Références de la note 64 :

Prosper Beauchesne, cultivateur de la paroisse de Saint-Médard de Warwick, nomme

James Goodhue comme son procureur spécial lors de son absence aux États-unis.

ANQTR, minutes Théophile Côté, no 2019, acte de procuration du 1865-06-03. James

Goodhue est nommé procureur spécial du marchand dYArthabaska Philip Salmon afin

d'administrer ses biens en son absence de la province. ANQTR, minutes Théophile Côté,

no 2078, acte de procuration du 1865-06-20. Charles Hutchinson, agent de la Arthabaska

Lumber Company, nomme James Goodhue comme procureur pour s'occuper de ses

affaires et régler ses comptes. ANQTR, minutes Théophile Côté, no 4228, acte de

procuration du 1874-06-1 5. Étant sur le point de partir pour un certain temps aux États-

Unis, Clovis Moreau, cultivateur de Saint-Christophe, nomme James Goodhe comme

procureur pour administrer ses biens. ANQTR, minutes Théophile Côté, no 4961, acte de

procuration du 1876-03-27. Jonathan Harvey, cultivateur du Wisconsin, nomme James

Goodhue comme procureur spécial pour agir en son nom et régler ses affaires. ANQTR,

minutes Augustin Defoy, no 1094, acte de procuration du 1854-08-04. François-Xavier

Pelletier, cultivateur de Saint-Christophe, nomme Georges Gendreau comme procureur

spécial pour administrer ses biens pendant qu'il sera aux États-unis. ANQTR, minute

Louis Rainville, no 1221, acte de procuration du 1873-03-18. Louis Gauvreau, cultivateur

dans le Massachussetts, institue Georges Gendreau comme son procureur. ANQTR,

minutes Louis-Rainville, no 6298, acte de procuration du 1887-02-23. Le cultivateur

Joseph B m e l de Saint-Christophe (en 1887, on le retrouve dans le Maine) nomme

Page 23: Jean-Alexandre Charland

Louis-Ovide Pépin pour son procureur personnel. ANQTR, minutes Louis Rainville, no

4550, acte de procuration du 1883-03-19. Chades L. Powel, avocat d'kthabaska, choisit

Louis-Ovide Pépin pour être son procureur spécial durant son absence. ANQTR, minutes

Théophile Côté, acte de dépôt de procuration du 1885-0 1-1 0.

Références de la note 65 :

Achat de lots :

Agissant pour la Société Boudreau et Buteau de Saint-Paul-deChester, Adolphus

Stein s'occupa d'acheter un terrain dans le canton de Chester.

Location d'emplacements :

James Goodhue a été mandaté par Ryan N. Hall, avocat de Sherbrooke et

exécuteur testamentaire de feu Rufus Wadleigh, pour louer l'ancienne maison et le

terrain de Wadleigh à la société marchande Fortin et Leblanc. ANQTR, minutes

Théophile Côté, no 349 1, acte de bail du 1 872-0 1 - 1 3.

Récupération de terrains :

C.W. Mitcher, écuyer de Sherbrooke prend James Goodhue pour son procureur

spécial afin qu'il récupère une terre illégalement occupée par Jacques Dubois cultivateur

du canton de Chester. ANQTR, minutes Augustin Defoy, no 1051, acte de protêt du

1854-04-03. G.A. Johnson, écuyer d'Hernrningford, avait nommé pour son procureur

spécial Adolphus Stein afin qu'il poursuive Michel Rochette, un cultrivateur du Canton

de Bulstrode, qui occupait illégalement un lot de terre appartenant à Johnson. ANQTR,

minutes Théophile Côté, no 286, acte de déguerpissement du 1856-02-06.

Page 24: Jean-Alexandre Charland

Vente de terrains :

Dans une vente de terre à François Proulx, cultivateur de la paroisse de Saint-

David dans le comté de Yamaska, Adolphus Stein a comparu au nom dYÉvangi1iste

Lavigne, cultivateur de Saint-Christophe, pour s'occuper de la transaction. ANQTR,

minutes Augustin Defoy, no 1016, acte de vente du 1854-02-24. Adolphus Stein agit

comme procureur dans une promesse de vente de terre pour James Andrew McFarlaw,

marchand de Montréal. ANQTR, minutes Théophile Côté, no 2680, acte de promesse de

vente du 1868-10-02. Dans un autre acte de vente, Stein agit encore au nom de James

Andrew McFarlaw. ANQTR, minutes Théophile Côté , no 3 11 5, acte de vente du 1870-

09-01. James Goodhue avait été nommé agent spécial pour la vente des terres de Dame

Mary McCarthy, veuve de Peter Brown de 1a ville de Trois-Rivières. ANQTR, minutes

Théophile Côté, no 255, acte de vente du 1 855- 1 1-1 9. Au sujet de cette entente, nous

avons retrouvé 9 autres actes de vente dans le greffe du notaire Augustin Defoy : les

numéros des actes sont : 1143, 1144, 1191, 1277, 1383, 1384, 1893, 1894 et 1895.

Agissant comme procureur de John McDougaIl marchand de Trois-Rivières, James

Goodhue donne quittance finale dans un acte de vente de terre. ANQTR, minutes

Théophile Côté, no 805, acte de quittance du 1859-1 1-07. James Goodhue donne

quittance finale dans un acte de vente au nom de dame Roxana Schneider. ANQTR,

minutes Théophile Côté, no 2583, acte de quittance du 1868-03-26-

Page 25: Jean-Alexandre Charland

INTRODUCTION

Dans l'historiographie québécoise, l'étude des marchands urbains et ruraux

occupe une place d'importance. Elle s'est avérée un élément clé pour l'analyse des

dynamiques socio-économiques des sociétés urbaines et rurales. En ce qui concerne les

marchands ruraux, leur apparition est intimement liée à la prolifération des villages, à

l'augmentation de la population', et à l'essor de l'économie de marché. Comme l'a

souligné Serge Courville, ces villages constituaient des centres de senices et d'échanges

pour la campagne environnante2. En raison de cette importance, les villages attiraient des

gens désireux de s'initier au commerce dans l'espoir de s'enrichir. Dans cette

perspective, nous pouvons considérer le village comme une entité économique dont les

principaux intervenants sont les marchands.

Comme l'a souligné Claude Pronovost dans son mémoire de maîtrise3, l'étude des

marchands remonte assez loin dans l'historiographie québécoise. Dans son livre Histoire

du canada fi-ançais4, Lionel Groulx se penche sur les relations économiques du Canada

avec la métropole ainsi que sur le commerce intérieur soutenu en grande partie par la

traite des foumes dont Montréal est la plaque tournante. L'interprétation de Groulx

s'insère dans ce que nous appelons aujourd'hui l'historiographie traditionnelle de la

Nouvelle-France. Avec l'utilisation de nouvelles sources tels les livres de comptes des

' En 1851, 80% de Ia population du Bas-Canada Mt en milieu rural. Ainsi, la campagne représente un marché très important. Serge Courville, Entre ville et campagne : L 'essor du village dans les seigneuries du Bas-Canada, Québec, Presses de l'université Laval, 1990, p. 37. ' Serge Courville, Entre ville et campagne.. ., p. 153-204.

Claude Pronovost, L 'écorrornie marchande au Bas-Canada : Le bourg de Terrebonne dans la première moitié du XZYe siècle, mémoire de maîtrise, Université de Montréal, 1988, 137 p. 4 Lionel Groulx, Histoire du Canadafiançais, Tome 1, Montréal, Fides, 1960, p. 95-97 et 254-266.

Page 26: Jean-Alexandre Charland

marchands et les archives notariales5, les historiens ont développé une approche plus

scientifique. L'historien Louis Michel, par ses recherches sur deux marchands maux, fait

honneur à ces nouveaux outils qui lui permettent de se rapprocher des personnages ciblés.

Dans son étude sur François-Augustin Bailly de Messein, il réussit, à travers le

dépouillement d'actes notariés, à mettre en lumière les stratégies économiques de ce

marchand rural de la ~ouvelle- rance^. En s'intéressant au monde rural, l'auteur se

distancie de l'historiographie traditionnelle de la Nouvelle-France qui a centré son

attention sur le commerce de la foumire, qui est fondamentalement relié au monde

urbain. Il faut par ailleurs remarquer que les limites temporelles de son étude chevauchent

la période de la Nouvelle-France et celle du régime britannique. Cette périodisation lui

permet d'étudier l'activité marchande en tant qu'indicateur de l'effet de la Conquête sur

l'économie marchande et le milieu rural.

La seconde étude de Louis Michel suit sensiblement le même cheminement, mais

cette fois-ci, l'historien innove en utilisant comme source principale le livre de comptes

du marchand Gaspard as sue^. À l'aide de ce document, l'auteur analyse les produits

offerts au magasin, le type de clientèle, ainsi que le taux d'endettement de celle-ci face au

marchand.

Claude Pronovost, L 'économie marchande au Bas-Canada ..., p. 4. Louis Michel, « U n marchand rural en Nouvelle-France : François-Augustin Bailly de Messein, 1709-

1771 », RfUF, vol 33, no 2, ( septembre 1980 ) , p. 215-262. Louis Michel, a Le livre de comptes de Gaspard Massue, marchand a Varennes (1784-1792) », Hktoire

sociale, vol 13, no 26, (novembre 1980), p. 369-398.

Page 27: Jean-Alexandre Charland

Une autre recherche incontournable dans l'historiographie sur les marchands est

celle de Allan Geer8 qui examine la montée du capital marchand et ses répercussions sur

la population paysanne dans trois paroisses de la vallée du Richelieu (Sorel, Saint-Ours,

Saint-Denis). Par l'étude des trois principaux acteurs sociaux de la société rurale soit le

marchand, le seigneur et l'habitant, l'auteur arrive à nuancer « [ . . . ] des thèses qui

affirment que parce qu'elle est « féodale », la société rurale québécoise avait résisté aux

changements introduits par la montée du capitalisme [. . .19 ». Pour ce faire, Allan Greer a

utilisé comme sources les archives notariales ainsi que trois inventaires de magasin d'un

important marchand. De ces inventaires, il a su tirer des informations précieuses en ce qui

a trait à l'évolution des marchandises vendues à la population. Allan Greer a aussi profité

de la correspondance marchande de Samuel Jacob pour étudier la montée de la

commercialisation des grains.

Sans dénigrer l'apport des travaux précédents, nous constatons qu'ils se limitaient

à l'analyse de la pratique marchande à partir de cas individuels. Par son étude du

développement du village de l'Assomption dans la seconde moitié du lae sièclelO, Lise

St-Georges pousse plus loin la compréhension du phénomène marchand en milieu rural.

Son but est de démontrer que le village de cette époque n'était pas seulement

« [...] un espace habité, un centre de pouvoir et de services, mais K...] une entité

- - - -

8 Allan Greer, Peasant, Lord and Merchant, Rural Society in Three Quebec Parishes 1740-1840, Toronto, University of Toronto Press, 1985,304 p. 9 Serge Courville, Note critique, « Greer, Allan, Peasant, Lord and Merchant : Rural Society in Three Quebec Parishes 1740-1840, Toronto, University of Toronto Press, 1985, 304 p. », RHAF, vol 39, no 3, (hiver 1986), p. 407. 'O Lise St-Georges, Le vi//agc de Z~4ssomption, 1748-1791, mémoire de maîtrise, Université du Québec a Montréal, 1984, 145 p.

Page 28: Jean-Alexandre Charland

économique dont le moteur est l'économie marchande" ». Contrairement aux recherches

précédentes, Lise St-Georges intègre à son analyse toute la communauté marchande du

bourg de l'Assomption pour mieux cerner ses affiliations économiques avec la campagne

environnante. À partir des archives notarialesL2, plus précisément des obligations13

consenties aux marchands, des mutations foncières ainsi que des inventaires après décès,

St-Georges réussit à reconstituer les réseaux de créances de la communauté marchande, à

définir ses activités commerciales et à établir le niveau de fortune des marchands14.

Par son mémoire sur les marchands du bourg de Terrebonne, Claude Pronovost

poursuit sensiblement dans la même voie. Sa recherche i< [. . .] vise a démystifier et à

comprendre le rôle du marchand rural dans son environnementl5 ». L'étude de Pronovost

se différencie de celle de St-Georges par sa méthodologie plus élaborée. L'auteur a

reconstitué toutes les familles marchandes de Terrebonne a partir des actes de baptêmes,

de mariages et de sépultures, et il a dépouillé tous les actes notariés ayant trait aux

marchands du bourg pour la période bas-canadienne. 11 a également consulté les

journaux d'époque et certains greffes de notaires de Montréal et des régions avoisinantes.

' ' Lise St-Georges, Le village de Z 'Assomption ... , p. IIi du résumé. t? Du point de vue méthodologique, eile se distingue en dépouillant non seulement les actes en rapport avec les marchands, mais aussi ceux des villageois, entre 1748 et 179 1. l 3 La constitution de séries complètes d'actes obiigataires (reconnaissance de dettes) permet d'examiner la situation de l'endettement local et plus largement la situation économique qui prévalait à l'époque. Lise S t-Georges, Le village de I 'Assomption.. . , p. 105- 106. 14 Une partie du mémoire de Lise St-Georges a fait l'objet d'une présentation lors du congrés de la Société historique du Canada en 1985. Lise St-Georges, << Commerce, crédit et transactions foncières : pratiques de la communauté marchande du bourg de 1'Assomption », W, vol 39, no 3, (hiver 2986), p. 323-343. (texte de la communication présentée au Congrès de la Société historique du Canada). 15 Claude Pronovost, L 'économie marchande au Bas-Canada ... , p. 7.

Page 29: Jean-Alexandre Charland

Ce mémoire repose sur un total de 3000 actes notariés, ce qui représente une base

d'analyse très so1ide16.

Dans une étude ultérieure intitulée La bourgeoisie marchande en milieu rural

(1 720-1840) ", Claude Pronovost élargit son terrain d'analyse en intégrant non seulement

les marchands de longue date, mais aussi ceux qui ont tenté leur chance dans le

commerce pendant une durée relativement courte. Son corpus comprend une liste de 345

individus représentés par des marchands, des négociants, des commis et des ccmmis-

marchand^'^. L'auteur analyse l'activité marchande sur une longue période, ainsi que sur

un vaste temtoire situé au nord de Montréal. Ce livre représente donc une très bonne

synthèse du rôle de la communauté marchande rurale au Bas-Canada.

Pour la deuxième moitié du XU(e siècle, les études strictement consacrées aux

marchands se font rares. Cette situation est peut-être due à certaines difficultés techniques

se rapportant aux source^'^. Quoi qu'il en soit, pour de nombreuses paroisses rurales

isolées des grands centres urbains et des réseaux comrnercia~x~~, le marchand du village

demeure encore l'élément moteur de l'économie rurale. C'est ce que démontrent,

l6 Claude Pronovost, L 'économie marchande au Bas-Canada ... , p. 9. l7 Clcude Pronovost, La bourgeoisie marchande en milieu rural (I720-1840)' Sainte-Foy, Les Presses de l'Université Laval, 1998,230 p. l8 Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande ... , p. 7. l9 Par exemple, la rareté des inventaires après décès pour la 2' moitié du XMe siècle. Ces actes notariés sont très utiles pour évaluer l'endettement de la population rurale, ainsi que la fortune des marchands.

Nous faisons ici référence aux paroisses dont l'économie s'appuie presque essentiel!ement sur des activités commerciales plutôt artisanales (industries rurales) et qui sont limitées au marché local. Celles-ci sont donc encore loin d'êtres industrialisées.

Page 30: Jean-Alexandre Charland

notamment, les recherches de Normand Séguin sur HéberMle au saguenaJ1 et celles de

John Inine Little sur la petite communauté du canton de ins slow^. Ces deux auteurs ont

respectivement consacré une partie de leur étude à l'évaluation du rôle de la petite

bourgeoisie marchande a l'intérieur des institutions villageoises, ainsi que dans le

commerce local. La pratique marchande demeure donc, dans la seconde moitié du XDCe

siècle, un élément de premier ordre au sein de l'économie ruraie.

Ce bilan historiographique de l'étude de la pratique marchande permet de mieux

saisir les dynamiques qui émergent du monde rural. Au delà de l'individu (le marchand),

ces études nous informent du développement économique de la région, de la situation

paysanne et des liens qui unissent le village à la campagne environnante. Inspiré par les

recherches mentionnées précédemment, nous voulons, à travers les archives notariales,

répondre aux interrogations suivantes : Quels sont les différents champs d'interventions

de l'élite marchande et comment se manifeste son influence à l'intérieur du village

d9Arthabaska dans la deuxième moitié du XIXe siècle (1 853- 1890) ?

Nous émettons I'hypothèse que les actions de l'élite marchande sur le village

d'kthabaska et ses environs sont sous-tendues par le désir de contrôler et de structurer

son enviromement. Cette mainmise sur les différentes sphères de la société rurale semble

'' Normand Séguin, La Conquête du sol au 1Y siècle, Québec, Boréal Express, 1977, 295 p.

John lnine Little, Crofrcs and Habitants : Settler Society, Economy, and Culture in a Quebec Townsh@, 1848-1881, Montréal, McGill-Queen's University Press, 199 1,368 p.

Page 31: Jean-Alexandre Charland

directement motivée par la poursuite d 'intérêts personnels donc d'avantages financiers et

de reconnaissance sociale.

À notre connaissance, aucune recherche semblable n'a été faite sur une

communauté marchande d'un village en plein essor dans la deuxième moitié du XIXe

siècle. Notre étude permettra, dans une certaine mesure, de combler ce vide

historiographique. Soulignons également que le cadre spatio-temporel retenu teinte notre

recherche d'un intérêt particulier. Notre choix d'étudier une élite marchande dans un

milieu récemment colonisé et en plein développement (les Bois-Francs) ajoute, selon

nous, de l'importance à notre étude".

Sur le plan méthodologique, notre recherche a essentiellement comporté deux

étapes. La première a consisté à sélectionner un corpus de marchands à partir de quatre

recensements nominatifs du village d'Arthaba~ka'~. Ensuite, nous avons fait, a travers

quatre greffes de notaires ayant pratiqué au village d' Arthabaska, un dépouillement

exhaustif des minutes notariales se rapportant aux marchands sélectionnés pour la période

s'étendant de 1 8 54 à 1 890. Notre étude repose sur 7 19 actes notariés.

23 Mentionnons que l'élite d'Arthabaska avait déjà fait l'objet d'une recherche spécifique. Cette étude, essentiellement qualitative, avait pour but de démontrer de quelle manière s'était formée cette élite locale et quels fiirent les moyens qu'elle utilisa pour (< [. . .] s'organiser, se structurer, s'articuler et évoluer ». 23

Gilles De l'Isle, Anhabaska et son élite, seconde partie du XUTe siècle, Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Trois-Rivières, 199 1, p. 2. '' Recensements de 1 86 1, 187 1,188 1,189 1. Afin de dresser un portrait socio-économique du village, nous avons jugé bon de transférer sur fichiers informatiques les recensements de 187 1 et de 188 1.

Page 32: Jean-Alexandre Charland

Notre mémoire se divise en trois chapitres. Dans le premier, nous établissons le

contexte historique et géographique à l'intérieur duquel la petite élite marchande a

évolué. Nous abordons les thèmes suivants : la formation du canton d9Arthabaska,

l'occupation du territoire, la genèse du village, les caractéristiques cu1turelIes et socio-

professionnelles de ses habitants, l'économie, de même que les institutions villageoises.

Dans Ie deuxième chapitre, nous définissons le rôle du marchand rural au sein de son

environnement et mettons en lumière ses activités économiques reliées au commerce au

détail et aux prêts. Dans le troisième chapitre, nous préciserons le rôle des marchands

dans les activités reliées au transport et aux domaines forestier, minier et foncier et nous

traiterons de l'influence de l'élite marchande dans diverses activités a caractère social,

professionnel, politique et religieux.

Cette introduction nous a présenté les grands traits de l'historiographie marchande

et dévoilé les grandes lignes de notre recherche. Entamons dès maintenant le premier

chapitre portant essentiellement sur l'analyse du contexte historique et socio-économique

du village d' Arthabaska.

Page 33: Jean-Alexandre Charland

CHAPITRE I : LE CONTEXTE HISTORIQUE ET SOCIO-ÉCONOMIQUE DU VILLAGE D'ARTHABASKA

1. De la colonisation du canton dYArthabaska a la naissance du village dYArthabaska

1.1. La formation du Canton d7Arthabaska

-4 l'origine, cette région incluse dans l'immense territoire de chasse concédé par

Frontenac aux Abénakis de la Nouvelle-Angleterre en 1683 n'était pas désignée sous le

nom des Bois-Francs. Dépourvu de voies navigables d'importance, ce temtoire resta isolé

et n'attira pas I'intérêt des colons et des autorités de la ~ouvelle- rance?

La signature du traité de Paris en I 763 marqua la fin de la guerre de la Conquête

et le passage de la Nouvelle-France aux mains de Ia couronne britannique. Avec

l'adoption de la Crown Land Proclamation en 1792, le gouvernement autorisa

l'arpentage et la division de ce vaste temtoire maintenant identifié sous le nom du comté

de ~uckin~hamshi re~~. De cette vaste entreprise résulta la création de 95 cantons" qui

attirèrent vite l'attention de nombreux spéculateurs.

25 André Laganière, Les missionnaires colonisateurs dans les Bois-Francs (1 840-1 U O ) , mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal, Montréal, 1979, p. 2. Il faut souligner qu'à cette époque, l'utilisation des rivières était le meilleur moyen d'exploration et de pénétration des terres. 26 Ce territoire représentait dix millions d'acres de terre en fnche. Nelson-Martin Dawson et al., Et ils bâtirent Saint-Médard de Warwick, vol 1, Victoriaville, Éditions Claude Raymond, 1999, p. 1 1 . 27 Nelson-Martin Dawson et al., Et ils bâtirent Saint-Médard ... , p. 1 1.

Page 34: Jean-Alexandre Charland

Figure 1-1

Division du Buckinghamsfire en canton

Source : Jules Martel, Histoire du système routier dans les cantons de I'Est, mémoire de maîtrise, Université d'Ottawa, p. 5.

En octobre 1795, un dénommé John Grégory, commerçant de fourrures pour la

Compagnie du Nord-Ouest, adressa une pétition dans le but de mettre la main sur c e

temtoire non encore cartographié qui allait devenir le canton d9~rthabaska? Le 30 août

1802, John Grégory réussit à s'emparer du quart du Canton diArthabaska représentant un

- -

" De forme triangulaire, le canton d'Arthabmka est situé entre les cantons de Chester, Halifax, Bulstrode, Stanfold, Somerset et Warwick. Par sa forme irrégulière, il est beaucoup moins grand (34 9 11 acres) qu'un canton régulier (64 000 acres). Ce même canton est traversé par des branches de la rivière Nicolet. Joseph Bouchette, Description topographique de la province du Bas-Canada, Londres, W . Faden, 18 15, p. 383.

Page 35: Jean-Alexandre Charland

11

total de 1 1 550 âcres de terre29. En 1 8 1 5, le canton d7Arthabaska ne comptait encore

aucune habitation3'.

Figure 1-2

Plan du canton d7Arthabaska

Source : AIcide Fleury, Arthabaska, capitale des Bois-Francs, Arthabaska, Lmprimerie d'Arthabaska, p. 230.

1 -2. Les routes de colonisation

Alors que la région accueillait ses premiers colons à la recherche de nouvelles

terres, son réseau de communication terrestre était fort peu développé. Le chemin de

79 Jean-Chrysostome Langelier, List of lands granted by the crown in the province of Quebec fiom 1 763 to 31"' december 1890, Québec, Charles-François Langlois, 1891, p. 9. 30 Joseph Bouchette, Descwtion topographique de lu ..., p. 383.

Page 36: Jean-Alexandre Charland

Craig était, à cette époque, la seule véritable route traversant le temtoire. Cette voie de

pénétration avait été construite, en 1810, dans le but de diriger vers les Cantons-de-:'Est

les nouveaux colons britanniques arrivés à ~uébec". En raison de son tracé et surtout de

son mauvais entretien, le chemin de Craig favorisa peu la colonisation des Bois-Francs.

Figure 1.3

Le chemin de Craig; et le chemin provincial dYArthabaska

Source : La société d'histoire de la région d'Arthabaska, AKY Sources des Bois-Francs, Arthabaska, vol.3, no 4, Juin 1985, page de présentation du document.

Sans voie utilisable de communication terrestre et fluviale, les premiers colons, en

provenance de la région de Bécancour, n'eurent pas le choix d'improviser leurs propres

routes de colonisation. Par l'initiative d'un certain Dominique Daly, les sentiers furent

" Jules Martel, Histoire du système routier des Cantons de ZDEst avant 1855, Victoriaville, Collège de

Page 37: Jean-Alexandre Charland

remplacés par le chemin provincial d7Arthabaska, achevé en 1 848. Malgé le bon vouloir

des autorités à of%r principakrnent aux Bois-Francs un débouché vers Trois-Rivières, le

chemin provincial d9Arthabaska devint rapidement, à L'image du chemin de Craig, une

route presque impraticable. Il faudra attendre en 1854, pour qu'une nouvelle voie de

communication fasse son apparition, soit le chemin de fer.

1.3. La colonisation du canton d' Arthabaska

En 1825, l'arrivée de Charles Héon sur le futur site de la paroisse de Saint-Louis-

de-Blandford marque le début du mouvement de colonisation des m ois-~rancs~'. En ce

qui a trait au canton d'Arthabaska, c'est en 1832 qu'un dénommé François Marchand vint

s'établir sur les bords de la rivière ~ulstrode". Selon les sources, il semble qu'il ait été

le premier colon à s9instaIIer dans le canton d'Arthabaska. En 1835, son beau-fière,

Charles Beauchesne, décida de faire de mêmd4. À la différence de Marchand, celui-ci

s'enfonça plus loin à l'intérieur des terres, soit plus précisément sur le lot numéro 6 du

troisième rang, à proximité de la montagne et de la rivière Nicolet. Trois jours après son

arrivée au pied du mont Christo, 16 hommes, en provenance de Gentilly et de Grondines,

vinrent se joindre à hi3'. En fait, Charles Beauchesne venait de jeter les bases d'un

Victoriaville, 1960, p. 110. 37- Originaire de Bécancour, Charles Héon est considéré comme le premier colon des Bois-Francs. Pour observer le mouvement de la colonisation des Bois-Francs, voir la carte de la page xii de l'annexe. " François Marchand est reconnu comme le fondateur de la paroisse de Sainte-Victoire d'Anhabaska. 34 Originaire de Bécancour, Charles Beauchesne est considéré comme le fondateur de la paroisse de Saint- Christophe d'Arthabaska. Philippe-Hyppolyte Suzor, Quelques notes sur la paroisse Saint-Christophe dJArthabaska et sur les premiers colons, Arthabaska, 1892, p. 1. 35 ~ h i l i ~ ~ e - ~ ~ ~ ~ o l y t e Suzor, Quelques notes sur laparoisse ..., p. 7.

Page 38: Jean-Alexandre Charland

nouveau regroupement humain associé à la montagne36 qui allait, plus tard, rivaliser avec

celui des pointes ~ulstrode~'.

Les premiers colons s'établirent sur le territoire du canton d'ArthabaskaS8 en tant

que squatters. À la recherche de nouvelles terres, ces pionniers venus des anciennes

paroisses seigneuriales n'hésitèrent pas à s'enfoncer à l'intérieur des terres et de s'y

installer en toute illégalité, à la merci des véritables propriétaires des lieux. Entre 1835 et

1866,74 squatters occupèrent environ 73% de l'étendue totale du canton d '~r thabaska~~.

En raison de l'ampleur de ce phénomène, nous pouvons présumer de l'importance du rôle

que les squatters ont joué dans la colonisation du canton.

1 -4. L' encadrement religieux

En 1838, la population du canton d7Arthabaska s'élevait à 206 habitants4'. Pour

répondre à cette augmentation de la population, les autorités religieuses ne tardèrent pas a

envoyer des missionnaires afin d'assurer les services religieux.

En 1838, Olivier Larue, curé de Gentilly, fut le premier prêtre a visiter le canton

d7Arthabaska. Ensuite, Denis Marcoux, vicaire à Gentilly, fut chargé des missions des

ois-~rancs~'.

36 C'est à cet endroit que vont prendre forme la paroisse de Saint-Christophe d9Arthabaska et, plus tard, le village d' Arthabaska. 37 C'est là, rang 2, lot 12 du canton d'Artùabaska, s'était établi François Marchand. Philippe-Hyppolyte Suzor, Quelques notes sur la paroisse ..., p. 9. Les Pointes Bulstrode sont en fait le premier centre économique du canton dYArthabaska. Il y avait à cet endroit, en 1839, un magasin, une perlasserie et un moulin. Claude Raymond et al., Récit d'une vieille gare jamais oubliée, Victoriaville, Éditions Claude Raymond, 2000, p. 2 1-32. 38 À cette époque, le canton d'Athabaska était divisé en trois parties : les terres de la Couronne, le domaine de Grégory et la réserve de terre octroyée aux Abénakis de Bécancour. 39 Gilles De l'Isle, Arthabaska et son élite ... , p. 8. 40 Giiles De l'Isle, Arthabaska et son élite ... , p. 9. 41 charles-Édouard Mailhot, Les Bois-Francs, vol. 1, Arthabaska, Imprimerie d7Arthabaska, 1 9 14, p. 346.

Page 39: Jean-Alexandre Charland

De 1840 à 1848, la mission d'kthabaska fut desservie par un troisième

missionnaire, l'abbé Clovis Gagnon. Il fut le premier curé résidant des Bois-Francs.

Desservant le canton depuis Somerset (Plessisville), il y érigea la première croix et la

première chapelle (appelée « chapelle des bras »). Le canton d7Arthabaska était ainsi doté

d'un lieu expressément réservé aux rites religieux4'.

Toutefois, avec la hausse rapide de la population du canton et le déplacement de

l'axe de peuplement vers la montagne, la petite chapelle des Bras ne correspondait plus

aux exigences du développement. De plus, en raison de « l'intermittence » des services

religieux offerts par l'abbé Gagnon logeant à sa in t -~orber t~~ , les colons d7Arthabaska,

qui devaient parfois effectuer de longs trajets vers les anciennes paroisses seigneuriales

ou vers Saint-Norbert pour recevoir les services manquants, avaient exprimé le désir

d'avoir leur propre prêtre résidant à la mission de s a in t -~h r i s t ro~he~ . Pour ces raisons, le

nouveau missionnaire, Moïse Duguay de Saint-Norbert, dut se rendre à l'évidence. Il

adressa une requête à Mgr Signay dans le but de faire ériger canoniquement la mission

d'kthabaska, et d'y faire construire une chapelle plus grande. Ainsi, << l'idée d'une

véritable paroisse faisait lentement son chemin »45.

42 Avant la construction de cette chapelle, les messes étaient célébrées dans la demeure d'un particulier. 43 << [. ..] l'abbé Gagnoa ne pouvait parcourir mon domaine que six ou sept fois par année, et toujours pour de brefs séjours ne dépassant pas les huit ou douze jours. » Claude Raymond et al., Récit d'une vieille gare ..., p. 22. 44 Claude Raymond et al., Récit d'une vieille gare ..., p. 25. 45 Claude Raymond et al., Récit d'une vieille gare ..., p. 35.

Page 40: Jean-Alexandre Charland

1.5- L'érection canonique de la paroisse de Saint-Christophe d'Arthabaska

Le 29 mars 1849, Mgr Signay désigna Antoine Racine, curé de Saint-Eusèbe de

Stanfold, pour identifier le meilleur emplacement pour la nouvelle chapelle. Quatre

facteurs semblent avoir incité le curé Racine à choisir la terre de sieur Olivier Héroux (lot

4, rang III) pour l'érection de ce nouveau bâtiment. Premièrement, le changement de

l'axe de peuplement de la plaine (Pointes Beaudet) vers la montagne, secondement, la

proximité de ce terrain du chemin ~ rov inc i a l~~ , troisièmement, la pression du canton de

Chester sur le découpage de la future paroisse de Saint-Christophe et finalement, les

pressions exercées par des commerçants de la montagne. Centré sur ce nouveau noyau de

développement, la nouvelle chapelle devenait plus accessible même pour certains colons

des cantons de Warwick et de Chester.

Ce déménagement du Iieu de culte vers la montagne souleva une importante

opposition de la part des habitants des Pointes. Dans une requête, les laissés pour compte

des Pointes soulignèrent à l'évêque que l'emplacement choisi ne représentait, en aucun

temps, le centre de la füture paroisse. Celui-ci était en fait a 20 arpents seulement du

canton de Chester, à 4 kilomètres du canton de Warwick et à moins de 3 kilomètres de

saint-~orbex-e7. Pour rallier de force les opposants, l'abbé Duguay demanda à

l'archevêque de faire interdire l'ancienne chapelle des Bras et en contrepartie, d'autoriser

l'abbé Duguay à célébrer la messe dans le presbytère-chapelle encore inachevé4*. À la

" L'abbé Duguay s'était plaint de nombreuses fois de l'état du chemin qu'il devait emprunter pour se rendre de Saint-Norbert à la chapelle des Bras. Ainsi, nous pouvons déduire que ces plaintes ont pu infîuencer la décision de l'abbé Racine lors du choix de I'emplacement. Claude Raymond et al., Récit d'une vieille gare ..., p. 27. 47 Claude Raymond et al., Récit b 'une vieille gare ... , p. 29. 48 Claude Raymond et al., Récit d'une vieille gare ... , p. 28.

Page 41: Jean-Alexandre Charland

suite de la construction du nouveau bâtiment, Mgr Signay ordonna que l'on transférât les

objets du culte et le chemin de croix de la chapelle des Bras à celle de la montagne.

L'abbé Paul de Villiers fut nommé a la tête de la mission de Saint-Christophe.

Malgré ce changement, les tensions restèrent vives. En guise de punition, le curé Racine

recommanda que l'on assignât la résidence du nouveau missionnaire à Saint-Norbert

plutôt qu'à Saint-Christophe, comme il était prévu49. Ce n'est qu'avec l'arrivée, en 18S17

de I'abbé Suzor, premier curé résidant à la paroisse de Saint-Christophe, que les choses se

redressèrent. Cette nomination vint mettre fin à 13 ans d'administration missionnaire et

ainsi fut canoniquement érigée la paroisse de Saint-Christophe d 7 ~ a b a s k a .

1 -6. L'incorporation du village - d' Arthabaska

L'apparition des villages est conditionnée par de nombreux facteurs liés les uns

aux autres. Comme le démontre Serge CouMlle, les infrastructures tels les moulins

(farine et à scie) et les équipements religieux comme les églises, les chapelles et les

presbytères, sont généralement les éléments autour desquels le village prend forme.

C'est autour de ces infiastructures situées dans des endroits stratégiquess0 que s'organise

peu à peu la vie sociale et économique du village. Quant à son expansion, elle est

intimement liée à l'apparition de commerces, d'industries et d'institutions répondant aux

besoins de la population.

49 Claude Raymond et al., Récit d'une vieille gare. .. , p. 3 1. 'O Nous pouvons parler ici de rivières ou de routes.

Page 42: Jean-Alexandre Charland

Le village d9Arthabaska rassemblait tous les éléments propicess' à son

développement. Entre autres, il semble que le chemin Provincial ait eu une influence

marquée sur l'établissement de cette agglomération. Dès son ouverture, en 1848, il avait

attiré quelques hommes d'affaires vers la montagne. Pour ces commerçants, cette

nouvelle voie de pénétration laissait présager un commerce florissant." De plus, avec la

translation du lieu de culte en 1849, le fuhu village venait de se doter d'un élément

essentiel à sa viabilité. Étant devenu le nouveau centre religieux, c'est vers ce hameau

qu'allait converger une large part de la population males3. Pour les premiers

commerçants de la montagne, ce déménagement de la chapelle laissait miroiter des

affaires pius prospères. Situé à l'intérieur des limites tenitonales de la paroisse, le village

dYIlrthabaska ne comptait, en 1851, qu'une dizaine de maisonss4. Cinq ans après

l'érection civile de la paroisse de Saint-Christophe (1853), le village d'Arthabaska était

incorporé (1 8%).

Soulignons qu'à la même époque, à seulement trois milles de distance du village

d'Arthabaska, était en train de se développer, autour de la station du chemin de fer du

Grand Tronc (Arthabaska Station), le futur village de Victoriaville qui devint, comme

nous allons le voir plus loin, le principal compétiteur d9~rthabaskas5.

- - --

51 Une note de Peter Southam, professeur à l'Université de Sherbrooke, précise que le village en question s'est développé là où la plaine du Saint-Laurent rencontre les premiers contreforts des Appalaches et que selon les géographes, ce genre d'emplacement donne souvent lieu à la fondation d'une agglomération. " Claude Raymond et al., Récit d 'une vieille gare ... , p. 33-34. 53 En 1849, la population de Saint-Christophe s'élevait a 659 âmes et en 1851 à 895 âmes. Pour tout le canton d'Arthabaska, la population s'élevait en 1851 à 1470 âmes. Ces données incluent les habitants du village d' Arthabas ka. Philippe-H yppolyte Suzor, Quelques notes sur la paroisse.. . , p. 43 et 74. " Alcide Fleury, Arthabaska, capitale ..., p. 104. En 1861, on en comptera 61 ; en 1871, 122 et en 188 1, 184 maisons au village d'Arthabaska. Giiles De l'Isle, Arthabaska et son élite ..., p. 88. 55 Le village de Victoriaville fut incorporé en 1861.

Page 43: Jean-Alexandre Charland

Figure I -4

Municipalité du village d' Arthabaska

Source : Société d'histoire dTArthabaska, Atlas, Arthabaska, Tome 1, Arthabaska, p. 40.

2. Les caractéristiques culturelles et la ventilation socio-professionnelle des habitants du village en 1871 et 1881

2.1. La méthodo1og;ie

Pour faire suite à l'historique du canton et du village d'krthabaska, nous allons

maintenant établir le contexte socio-économique qui prévalait dans le village. Cette

démonstration nous permettra de cerner le profil de la population d'Athabaska,

d'identifier les principaux secteurs d'activités et de saisir la place du village dans

l'environnement régional. Pour ce faire, nous avons retenu deux recensements

Page 44: Jean-Alexandre Charland

nominatifs, ceux des années 1871 et 1881. À partir de tableaux statistiques, nous

présenterons le portrait du village d9Arthabaska pour 1871 et 188 lS6.

2.2. Le lieu de naissance, 1'0ng;ine. l'appartenance religieuse et I'âge de la vo~ulation d7Arthabaska

Le tableau 1.1 démontre avec clarté l'homogénéité de la population du village

d'Arthabaska. Plus de 95% des habitants sont natifs du Québec, d'origine française et de

religion catholique.

Tableau 1.1

Caractéristiques socio-reli gieuses et ethniques de la population d' Arthabaska en 1871 et 188 1

Sources : Recensement du Canada, microfilms, bobines C- 10085 (187 1) et C-13 197 (1 88 l), Arthabaskaville.

Aux figures 1.5 et 1.6, nous observons la présence marquée de jeunes dans la

population du village. Pour les années 1871 et 1881, les individus entre O et 19 ans

représentent respectivement 55% et 5 1'2% de la population d'kthabaska. Contrairement

aux communautés établies de longue date, cette caractéristique démographique du village

semble directement liée au contexte de colonisation récente des ois-~rancs'~. Le village

se trouve alors caractérisé par un nombre important de jeunes couples dont Ia fécondité

Née au Québec D'origine française De religion catholique

-- - - ---

56 NOUS avons retenu ces deux recensements parce qu'ils sont, à notre avis, des témoins importants du développement du village et qu'ils regroupent la majorité des marchands d' Arthabaska préalablement sélectionnés pour notre étude. Comme le recensement de 1891 dépasse la limite temporelle de notre recherche (1 89O), nous ne l'avons donc pas exploité. 57 Cette caractéristique est aussi observée par Serge Courville et Normand Séguïn dans Le monde rural québécois au XZXe siècle, Ottawa, La société historique du Canada, Brochure historique no 47, 1989, p. 8.

1871 % de la population

99,6 966 97,s

1881 % de la population

99,2 95,5 98,8

Page 45: Jean-Alexandre Charland

marque profondément le paysage démographique du village. En 1871, la moyenne d'âge

de la population d'Arthabaska se situe à 22,5 ans par rapport à 24,3 ans en 188 1. Dans la

classe des adultes, le groupe le plus nombreux se situe dans la tranche de 20-24 ans et

compte pour 8,5% de la population en 1871 et pour 9,8% de la population en 188 1.

Figure 1.5

Répartition selon l'âge et le sexe de la population &Arthabaska en 1871

Hommes % Femmes %

Sources : Recensement du Canada, microfilms, bobines C- 1 O085 (1 87 1) et C- 13 197 (1 88 1), Arthabaskaville.

Page 46: Jean-Alexandre Charland

Figure 1.6

Répartition selon l'âge et le sexe de la vovulation d7Arthabaska en 188 1

Hommes % Femmes %

Sources : Recensement du Canada, microfilms, bobines C-10085 ( 1 87 1) et C-13 197 (1881), Arthabas kaville.

2.3. Ventilation des secteurs d'occupations professionnelIes des habitants du village d' Arthabaska

Afin de cerner avec plus de précision les différents secteurs d'activités de la

population d'hthabaska, nous avons choisi de ne retenir que les renseignements les plus

sûrs soit la profession du chef de famille.

Page 47: Jean-Alexandre Charland

Tableau 1.2

Ventilation socio-professiomelle des chefs de ménage d7Arthabaska

Sources : Recensement du Canada, microfilms, bobines C-10085 (1871) et C-13 197 (188 l), Arthabaskaville.

I

Catégories diverses

Catégorie service

Le tableau 1 -2 démontre le caractère rural du village. Pour 187 1 et 1 88 1, le secteur

agricole occupe la position de tête avec respectivement 33'3 % et 22'3 % des occupations

professionnelles des chefs de famille. Gilles De l'Isle avait noté cette prédominance du

monde rural pour l'année 186 1. Selon son évaluation, il y avait en 1861, 302 exploitants

agricoles. De ce nombre, 38 (12,6%) habitaient le village et 264 (87,4%), la paroisse58.

Ces données indiquent que l'agriculture formait la base de l'économie locale. Cette

Secteurs d'activité Agriculture Fabrication Travail journalier Rentiers Autres Construction Non mentionné Total Professions libérales Commerce Fonction publique Transport Services autres Clergé Total Grand total

58 Gilles De l'Isle, Arrhabnska et son élite ..., p. 24. A cette époque (1861), le temtoire de la paroisse de Saint-Christophe était très étendu. Il comprenait les terres du futur village de Victoriaville érigé en 186 1 et celles de la future paroisse de Sainte-Victoire d'Arthabaska érigée en 1863. Ainsi, si nous comparons Ies chiffres de 186 1 à ceux de 1871 ou de 188 1 , il nous faut garder en mémoire que le territoire n'était pas le même.

Nombre 42 19 19 2 2 f 1 86 12 10 7 5 4 2 40 126

YO 33,3 15,1 15,1 1,6 1,6 0,8 0,8 68,3 9,5 7,9 56 44 32 1,6 31,7

1 00,0

Nombre 43 32 29 12 2 2 18 138 18 10 9 9 6 3 55 193

YO 22,3 16,6 15,O 62 1,O i , O 9,3 71,s 9,3 52 4,7 4,7 3,1 1,6 28,5 100,O

Page 48: Jean-Alexandre Charland

prépondérance du domaine agricole n'est pas sans rappeler la principale motivation qui

avait poussé les premiers colons à s'installer sur ce territoire, soit la terre.

Le secteur des services, comprenant les professions libéraless9, le commerce, la

fonction publique60, le transport, le clergé et les autres services, regroupe 3 1'8% des chefs

de ménages en 1871, et 28'6% en 188 1. Notons que pour 188 1, le secteur des services

surpasse celui de l'agriculture. Ces données semblent confirmer la vocation du village

d'kthabaska à titre de centre de senrices.

À même cette classe, la présence marquée d'une notabilité associée aux

professions libérales et à la fonction publique n'est pas étrangère à ia fonction judiciaire

qu'avait acquise Arthabaska. Pour 1 87 1 et 1 88 1, ce groupe représente approximativement

50% de l'ensemble de la catégorie des services et 15% de l'ensemble des occupations des

chefs de famille du village.

L'implantation du régime municipal, ainsi que l'avènement de la décentralisation

du système judiciaire durant la décennie 1850, avaient largement profité au village

d7Arthabaska. Par la redistribution des pouvoirs, Arthabaska avait été choisi, en 1855,

pour devenir le chef-lieu officiel du district du même nom6'. Afin de répondre aux

exigences de sa nouvelle fonction, furent construites, entre 1858 et 1861, trois

59 Il s'agit essentieilernent de notaires, d'avocats, de médecins de juges et d'arpenteurs. Ce groupe de fonctionnaires se compose de huissiers, de connétables, de shérifs, d'officiers publics, de

geôliers, de protonotaires et de protonotaires adjoints. Faisant souvent l'objet d'enjeux politiques et de nominations partisanes, ces emplois recensés sont majoritairement liés au domaine juridique,

Le district d3Arthabaslca comprend les comtés d9Arthabaska, de Dnimmond et de Mégantic.

Page 49: Jean-Alexandre Charland

importantes infiastructures judiciaires dont une prison, un bureau d'enregistrement et un

palais de justice. Les activités judiciaires créèrent un éventail d'emplois pour les

professions reliées à I'administration de la justice et conférèrent ainsi à Arthabaska un

rayonnement beaucoup plus étendu6'.

Parallèlement à sa fonction administrative, le village M a b a s k a se voulait

également un importa. centre local de distribution. Cette fonction commerciale du

village se traduisit par la présence d'un certain nombre d'individus se livrant au

commerce au détail. Ce secteur d'occupation regroupe essentiellement les marchands et

les commerçants dont l'activité professionnelle est liée, en partie, à la vente de produits

finis ou semi-finis63. En 1871, ce groupe représente 7,9% des occupations des chefs de

ménage d'Arthabaska et en 1881, 5,2%. À l'intérieur de la catégorie des services, ils

représentent cependant en 1 87 1,24,8% des occupations associées à ce secteur et en 1 88 1,

18,2%. À cette fonction commerciale, associons le s e ~ c e des transports qui apportait un

soutien précieux aux échanges com~nerciales~~.

Le village d'Arthabaska ofçait également des infiastructures d'accueil et de

commodités. À l'époque, on y dénombrait deux hôtels de première classe soit l'Albion

" Jean Vianney Frenette, K Divisions administratives et organisation de l'espace au Québec : Essai d'interprétation D, Revue de géographie de Montréal, 1974, XXVIII, no 1, p. 49-50. 63 Comme le souligne Claude Pronovost, ils sont des « intermédiaires entre le monde de la production et celui de la consommation ». Claude Pronovost, L 'économie marchande au Bas-Cariada ..., p. 27. 64 Les voituners jouaient un rôle de premier plan dans le transport et la distribution des diverses marchandises : distribution des produits agricoles, manutention des matières premières, livraison des marchandises ouvrées vendues dans le secteur du commerce au détail et transport de la population.

Page 50: Jean-Alexandre Charland

Hôtel et I7Arrhabarkm>ile ~ ô r d ? Quant au autres services connexes dispensés à

Arthabaska, nous retrouvons les services télégraphiques6', bancaires6',

d' inf~rmations~~ et même de photographie.

La fonction religieuse du village a également profondément marqué le statut

d7Arthabaska. Comme nous l'avons souligné dans 17historique du village, Arthabaska

était devenu le siège des principales infiastructures reIigieuses. Quant aux communautés

religieuses établies à Arthabaska, elles furent à l'origine de trois institutions d'envergure :

le couvent de la congrégation de Notre-Dame de Montréal construit en 1869, le Collège

commercial des Frères du Sacré-Caeur mis en fonction en 1872 et l'hôpital des Sœurs

Hospitalières de Saint-Joseph, inauguré en 1 88570.

Le domaine de la fabrication suit le secteur des services avec 15,1% des

occupations des chefs de famille du village pour 1871 et 16,6% pour 1881. Cette

catégorie de travailleurs spécialisés et semi-spécialisés regroupe les artisans du bois

(menuisier, meublier, charron), du fer (forgeron, ferblantier, ofivre), de 1' alimentation

(boulanger, boucher, meunier), du vêtement (modiste, couturier) et du cuir (cordonnier,

65 Normandeau and Co, The Eastern Townships Directory for 1882 : cornprising Actor;, Athabash, Coaticook, Danville, Durham (South), Lennoxville, Point Levi. Richmond, Roxton Falls, Sherbrooke, Somerset, Stanfold, Sr-Hyacinthe, Upton, Warwick and Waterloo, Montréal, The Gazette, 1 8 8 1, p. 24-25.

Grâce au chemin de fer, le village d'Arthabaska avait son service postal journalier. 67 Lovell S Canadian Dominion Directory for 18 71 : containing names of professionnal and business men and others inhabitants in the cities, towns and villages troughour the provinces of Ontario, Quebec, Nova Scotia, New Brunswick, Newfoundland and Prince Edouard Island, Montreal, John Lovell, p. 933. 68 L'année 1885 marque l'ouverture de la première banque d9Arthabaska (Banque Jacques-Cartier). 69 Le journal L'Union des Cantons de ['Est fut créé en 1866 par le curé Suzor avec d'autres notables du village. 70 Gilles De l'Isle, Arthabaska et son élite ... , p. 47 et p. 54.

Page 51: Jean-Alexandre Charland

tanneur, sellier). La vocation commerciale du village explique la présence de ces gens de

métiers, fait naître une foule de petites boutiques répondant aux besoins d'une population

villageoise et rurale grandissante et crée un besoin de main d'œuvre qui sera comblée par

les journaliers. Cette catégorie occupe 15% des occupations des chefs de famille en 1871

et 188 1. Les secteurs du transport, des services, de la fabrication, du commerce au détail,

de l'industrie male et de l'agriculture sont les principales sources d'emploi pour ces

salariés.

Quant au secteur manufacturier, le relevé de 1871 identifiait 18 établissements

qualifiés d'industriels »7 ' . Les établissements recensés au village d9Arthabaska ne

marquaient pas, comme l'écrit Christian Dessureault pour Saint-Hyacinthe, une << rupture

importante avec l'ancienne économie rurale »". Nous pouvons donc présumer que le

secteur industriel d9Arthabaska était, à cette époque, essentiellement artisanal73. Certaines

données tirées du relevé industriel tels l'investissement en capital et le nombre

d'employés semblent soutenir cette assertion. Les 18 industries recensées se répartissent

comme suit : 9 avaient un capital ne dépassant pas les 200 dollars, 6 se situaient entre 300

et 500 dollars de capital, et pour les 3 autres, le capital variait entre 1000 et 2500 dollars.

7' NOUS avons mis le vocable industriel entre guillemets, car son sens littéral semble laisser place à différentes interprétations. Comme le souligne Christian Dessureault, d'un relevé industriel a l'autre, les critères de sélection peuvent varier. Ainsi, certains recenseurs incluaient dans les relevés les petites boutiques (ex : le relevé d'Arthabaska) et d'autres, seulement les plus importantes entreprises (ex. : le relevé de Victoriaville). Christian Dessureault, a Industrie et société rurale : le cas de la seigneurie de Saint- Hyacinthe des origines à 1 86 1 », Histoire Sociale/Social History, XXVm, 55, (mai 1995), p. 100- 136. 72 Christian Dessureault, a Industrie et société rurale.. .», p. 10 1. Panni les 18 établissements, on dénombre 5 boutiques de forge, 3 boutiques de charrons, 2 de boulangers, 1 de tailleur, 1 de ferblantier, 1 de menuiserie, 1 de couchettes (meuble), 1 moulin à farine, 1 moulin à scie, 1 perlasserie-potassene et 1 imprimerie. 73 Seule l'imprimerie semble dépasser ce seuil de l'artisanat.

Page 52: Jean-Alexandre Charland

Quant au nombre d'employés de ces industries, dans la majorité des cas (14 fois s u 18),

elles ne fournissaient du travail qu'a un seul individu. En fait, seulement 4 établissements

employaient de 2 à 5 Par ailleurs, les données du relevé industriel montrent

que pour 11 des 18 établissements, le montant associé à leur production ne dépassait pas

1 O00 dollars.

À la même période, les industries de Victoriaville étaient moins nombreuses, mais

de plus grande envergure que celles d9Arthabaska. Selon le relevé de 1 87 1, Victoriaville

comptait 9 industries : 3 moulins à scie7', 2 tanneries, 1 moulin à farine, 1 boutique

d'orfèvre, 1 manufacture de voitures et 1 autre de manches a balai. Le tableau 1.5 montre

que les établissement de Victoriaville procuraient un nombre relativement plus élevé

d'emplois que ceux d'kthabaska. Quant au montant total de leur production, il dépassait,

en général, les chiffies répertoriés pour les industries d'Arthabaska. Trois industries

seulement se retrouvaient sous les 1000 dollars de production. Pour les autres, les

montants s'élevaient entre 1200 et 65 000 dollars76.

74 Selon Dessureault, le capital fixe et le nombre d'employés représentent << [. . .] une sorte de seuil minimal [. . .] )> pour juger du développement des établissements. Christian Dessureault, << industrie et société rurale.. .», p. 129 (note de bas de page no 97). '' Parmi ces moulins, nous retrouvons la Arthabaska Lurnber Co dont la force financière est évaluée entre 100 000 et 250 000 dollars. Dun, Wiaan & Co, The Mercantile Agency Reference Book and Key for the Dominion of Canada; containing names and ratings of the princbal merchants, traders und manufacturers in Un tario, Quebec, Nova Scotia, Nèw Brunswick, P. E. Island, Nmfoundland, Manitoba and British Columbia, Janvier, 1 876, Répertoire Ontario and Quebec, Arthabaskaville, p. 1 5. 76 Voir le tableau à la page xiii de l'anoexe pour les industries de Victoriaville.

Page 53: Jean-Alexandre Charland

Tableau 1.3

Comparaison du nombre d'emplovés des industries d'kthabaska et de Victoriaville

d'industries

Total 1 18

oaska

4 O 4 5 O

Sources : Recensement du Canada, microfilms, bobines C - 10085 (1 87 1 ), Arthabaskaville et Vic toriaville.

Victoriaville

De toute évidence, Arthabaska cédait le pas à Victoriaville en ce qui a trait au

i Nombre ' d'industries

O 6 1 1 O 1 9

développement ind~striel'~. Ses établissements étaient, contrairement à ceux de

Total d'employés

O 12 3 4 O 72 92

Victoriaville, majoritairement axés sur le marche local78. Sans contredit, le chemin de fer

accordait un sérieux avantage au village de Victonaville. Consciente de cette situation,

l'élite d'Arthabaska essaya de mousser les avantages commerciaux que pourrait en retirer

le Grand Tronc, si la ligne de chemin de fer Trois-Rivières-Arthabaska se poursuivait

77 Déjà en 1867, on retrouvait au village de Victoriaville, la Miller S Extract of Bark Association qui avait nécessité un investissement de 80 000 dollars (transformation de l'écorce de bois). De plus, on y retrouvait une importante scierie qui exportait ses produits jusqu'en Angleterre, ainsi qu'une tannerie de bonne envergure. The Eastern Townsh@s Gazetteer and General Business Directory, Saint John, Smith & Co. hblishers, 1867, p. 97. '' À la page 98 du Eastern Tomvships Gazetteer de 1867, nous pouvons lue au sujet du village d7Arthabaska : « It is a large and active village, and has good deal of trade with the surrounding country D. Cette observation s'explique, entre autres, par la situation géographique qu'occupe le village d'kthabaska : « En effet, il est le centre, d'où rayonnent une foule de chemins qui se répandent dans les townships intérieurs des comtés d'Arthabaska, Wolfe et Mégantic [...] ». Claude Raymond et al., Récit d 'une vieille gare ... , p. 76.

Page 54: Jean-Alexandre Charland

jusqu'au village d7Arthabaska. Malgré le mémoire adressé, en 1872, à A.C.J. B~ydges,

directeur au Grand Tronc, et les propositions faites par le conseil municipal du village, le

projet ne se concrétisa jamais79.

Figure 1 -7

Tracé du Grand Tronc et du chemin de fer Trois-Rivières-Arthabaska

Source : Map of the Eastern Townsh@s of Canada, Compiled and engruved q r e s se ly for the Eastern Townsh@s Gazetteer, St John, Smith & Co, 1867.

-

79 Malgré ce revers, nous notons tout de même une certaine évolution dans le sectsur industriel d' Arthabaska. Selon le Eastern Townsh@s Directov for 1882, le village comptait alors 3 moulins à scie, 2 moulins à farine, une tannerie et 1 manufacture de tabac. Il semble que cette manufacture de tabac soit 1'Arthabaska Cigars, propriété de J.-E.-A & Fils. Celle-ci employait jusqu'à 40 personnes. Alcide Fleury, Arthabaska capitale ..., p. 16 1.

Page 55: Jean-Alexandre Charland

Il est intéressant d'observer l'effet du chemin de fer sur I'évolution de la

population du village de Victoriaville incorporé en 1861 (tableau 1.4). En peu de temps,

Victoriaville en vient à supplanter Arthabaska du point de vue démographique. Toutefois,

il est important de noter que, pour cette période, le village de Victoriaville ne s'est pas

avéré un obstacle important au développement d' Arthabaska. Même si Arthabaska

demeure défavorisé à cause de son éloignement du chemin de fer, il ne disparaît pas pour

autant au profit de ~ictonaville'~. À cet effet, le tableau 1.6 montre, pour la période

étudiée, une évolution démographique constante du village d'~rthabaska'l. Cette

évolution demeure sans doute étroitement liée à la vocation administrative et

commerciale du village, à son statut de centre de services et de distribution pour la

régions2, ainsi qu'à sa situation géographique.

Tableau 1.4

Évolution de la ~opulation du village d7Arthabaska et de Victoriaville de 1851 à 1891

Sources : Recensements de 1851, 1861, 1871, 1881, 1891.

1851 1861 1871 1881 1 891

C'est n'est qu'au début du XXième siècle que Victoriaville entre dans sa véritable phase d'industrialisation et qu'elle deviendra cet important centre régional que l'on connaît aujourd'hui. 81 11 faut toutefois signaler que cette augmentation ne semble pas correspondre à la croissance naturelle de la population. Une augmentation de 42 personnes entre 188 1 et 189 1 laisse croire à une émigration de la population.

Son statut de centre de distribution est validé par sa situation géographique. Arthabaska était la porte d'entrée d'un important temtoire agricole, celui de Chester qui, à cette époque, était en pleine expansion.

Canton d'Arthabas ka 1470 231 9 21 39 171 3 1915

Canton Chester 931

3400 3632 4247 41 95

Arthabaska

608 730 992

1034

Victoriaville

1435 1474 1300

Total 1470 2927 4304 41 79 4249

Page 56: Jean-Alexandre Charland

Conclusion

Comme nous venons de le voir tout au long de ce premier chapitre, nombreux

sont les éléments qui ont fait du village d'Arthabaska un lieu propice à l'activité

marchande. Parmi ces facteurs, retenons les plus importants : la colonisation récente du

territoire, l'évolution démographique, la position géographique et le niveau de

développement institutionnel du village.

Récemment peuplée: la région des Bois-Francs était, à cette époque, un territoire

en plein développement. L'augmentation rapide de la population ainsi que des besoins

inhérents à cette évolution favorisèrent l'éclosion d'une économie marchande. Sur le plan

géographique, le village dYArthabaska profita d'un avantage très significatif. Situé sur le

tracé du chemin provincial d'kthabaska et du chemin St-Philippe, il devint le centre de

distribution et d'approvisionnement d'un temtoire agricole relativement bien peuplé.

Quant à son rayonnement administratif et intellectuel, il fut soutenu par d'importantes

institutions liées aux domaines religieux, juridiques et scolaires. La conjugaison de tous

ces éléments fit du village d'Arthabaska une force de premier plan dans le réseau

régional.

Page 57: Jean-Alexandre Charland

CHAPITRE II : LE COMMERCE AU DÉTAIL ET LE CRÉDIT MARCHAND

1. La vente au crédit

La vente de produits manufacturés représente la base de l'activité marchande. Par

l'entremise de cette pratique, le marchand réussit à s'imposer dans son milieu. L'objectif

de ce deuxième chapitre consiste, principalement, à analyser le commerce au détail et le

crédit qui en découle. Dans un premier temps, nous expliquerons le choix de notre corpus

de marchands. Ensuite, nous analyserons les produits offms en magasin, nous mettrons

en lumière les associations marchandes, nous évduerons le niveau de fortune des

marchands, nous ferons une étude comparative de leur pouvoir économique et nous

apprécierons la place du crédit dans leur pratique commerciale.

1.1. La méthodolotzie

Les recensements de 1 86 1, 1871, 188 1 et 1891 ont été la principale source pour

déterminer le choix des marchands. Pour ne sélectionner que l'élite marchande du viilage,

nous avons retenu les individus dont l'expérience marchande s'étendait au-delà des 10

ans de pratique'. En appliquant cette règle, nous avons recensé six individus pouvant faire

l'objet de notre étude, soit James Goodhue, Adolphus Stein, Georges Gendreau, Louis-

Ovide Pépin, Elzéar Ouellet et Ferdinand Rousseau.

1 Notre démarche s'inspire directement d'une constatation de Claude Proaovost qui a clairement établi que les marchands dont la pratique dépassait dix ans étaient essentiellement des individus ayant réussi dans le commerce. Ce nombre d'années de pratique semble un élément majeur pour juger de l'importance du marchand et de son enracinement au sein de sa communauté. Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande en milieu rural (1 720-1840), Sainte-Foy, Les Presses de l'université Laval, 1998, p. 8. Dans une autre optique, les dix ans de pratique laissent présager un nombre plus important de documents historiques concernant ces marchands.

Page 58: Jean-Alexandre Charland

Après cette étape, nous avons répertorié et dépouillé tous les actes faisant

rkférence aux six candidats sélectionnés à travers les greffes de quatre notaires ayant

pratiqué au village d7Arthabaska, soit Augustin Defo y, Théophile Côté, Louis Rainville

et Louis ~ a v e r g n e ~ . En raison d'un nombre insuffisant d'actes, nous avons dû soustraire

de notre corpus les marchands Elzéar Ouellet et Ferdinand Rousseau. Notre recherche

s'appuiera donc sur pas moins de 7 19 actes notariés se répartissant comme suit : 1 15

actes pour Georges Gendreau, 155 pour James Goodhue, 179 pour Adolphus Stein et 270

pour Louis-Ovide Pépin.

1.2. Le corpus marchand

Notre étude porte essentiellement sur l'analyse des pratiques commerciales de

quatre importants commerçants d'Athabaska. Identifiés comme faisant partie de l'élite

marchande du village, James Goodhue et Adolphus Stein sont, parmi les quatre

commerçants, les premiers à s'installer sur le temtoire. Leur période de pratique pour

laquelle nous avons retrouvé des actes les concernant s'échelonne de 1854 à 1 88 1 pour

Goodhue et de 1854 à 1872 pour Stein. Quant aux deux autres, leur période couvre les

années 1 862 a 1 890 pour Georges Gendreau et 1 866 à 1 890 pour Louis-Ovide pépin3.

2 Leurs années de pratique à Arthabash s'étendent de 1853 à 1872 pour Augustin Defoy ; de 1855 à 1902 pour Théophile Côté ; de 1872 à 1887 pour Louis Rainville et de 1887 à 1931 pour Louis Lavergne.

En réalité, leur pratique au village d'Arthabaska dépasse q~elque peu les limites temporelles de notre période d'étude. La pratique réelle de ces marchands s'échelonne de 1848 à 188 1 pour James Goodhue, de 185 1 à 1874 pour Adolphus Stein, de 186 1 à 1898 pour Georges Gendreau et de 1866 à 190 1 pour Louis- Ovide Pépin.

Page 59: Jean-Alexandre Charland

Pour l'instant, il ne nous semble pas essentiel d'ajouter des informations

supplémentaires sur la vie personnelle et professionnelle de ces marchands, car, plus loin

dans la recherche, divers éléments viendront apporter un éclairage pertinent sur leurs

activités sociales et professiomelles. Entamons maintenant l'étude détaillée de ieurs

activités proprement commerciales.

2. Le commerce au détail

2.1. L'inventaire de magasin : méthodologie et critiaue des sources

Alors que le marchand représente, en premier lieu, un distributeur de produits

ouvrés, il nous est paraît important de consacrer une partie de notre recherche aux

marchandises offiertes en son magasin. L'inventaire de magasin constitue, au même titre

que l'inventaire après décès, les deux principales sources historiques pour répertorier les

produits. Cependant, dans la deuxième partie du XIXe siècle, ces documents tendent à

disparaître. Ainsi, pour les quatre marchands retenus, nous n'avons retrouvé qu'un seul

inventaire, celui de la société James Buteau et Adolphus Stein qui opéraient un magasin à

Saint-Paul-dachester sous le nom de la (( James Buteau Compagnie »'. Nous sommes

conscient qu'un inventaire de magasin tenu à Arthabaska eût été préférable. Toutefois,

même si le cadre géographique n'est pas celui qu'on aurait souhaité, nous pouvons quand

même nous appuyer sur ce document, car il constitue, à notre avis, un exemple concret du

type d'inventaire qu'il aurait été possible de retrouver dans un des magasins

dYArthabaska appartenant à l'un ou l'autre des marchands sélectionnés.

4 ANQTR, minutes Théophile Côté, no 1103, acte de dissolution de société du 1861-04-09.

Page 60: Jean-Alexandre Charland

2.2. Une analyse de l'inventaire de magasin

La liste de marchandises présentée à la page xiv de l'annexe, montre que le

magasin de Saint-Paul-de-Chester offrait une garnme de 214 produits. Cette variété

n'était sans doute pas étrangère au désir des marchands de rassembler sous un même toit

un maximum d'articles pouvant satisfaire les divers besoins de leur clientèle.

Le tableau 2.1 démontre que la catégorie « textiles et articles de couture >>

représentait 20% de la valeur totale de l'inventaire. Dans cette classe, le coton représente

30,8% du montant total témoignant ainsi d'un intérêt pour ces tissus « d'usage courant D'.

Ensuite, avec 23%' suivent les textiles à base de laine. La variété de ces tissus est limitée

mais leur valeur de vente est plus élevée que celle du coton6. La soie équivaut à 2 1,3% de

la valeur totale des textiles. Les quelques éléments associés à cette catégorie répondent

sans doute aux besoins d'une clientèle plus aisée7. Avec 16,3%, nous retrouvons la

catégorie des autres étoffes. Cette classe regroupe tous les textiles qui n'ont pu être

classifiés tels le cuir, le crin, la peau de mouton, ainsi que certains autres textiles dont

l'identification fut impossible. La dernière position est occupée par les tissus de toile

Claude Pronovost, L 'écorzornie marchande au BasCanada : Le bourg de Tewebonne dans la première moitié du m e siècle, mémoire de maîtrise, Université de Montréal, 1988, p. 57.

Peut-être pouvons-nous voir ici les effets de l'autosuffisante de la population en ce qui concerne les produits de la laine. Entre autres, dans le recensement de 1871, nous pouvons noter la présence dans Chester Nord, Chester Est et Chester Ouest, de trois moulins à carder la laine et d'un moulin à fouler les étoffes. Comme le souligne Christian Dessureault, l'apparition de ces industries est directement triiutaire de « [. . .] l'essor de l'élevage ovin et du textile domestique dans les exploitations rurales ». Comme pour le moulin à farine, les gens peuvent y apporter leurs produits pour les faire traiter et remettre, en guise de paiement, une certaine part au cardeur. Christian Dessureault, « industrie et société rurale : le cas de la seigneurie de Saint-Hyacinthe des origines à 1861 », Histoire Sociale/Social History, XXVIII, 55, (mai 1995), p. 115. ' Ces tissus de soie sont « généralement considérés comme des biens de luxe [...] ». Claude Pronovost, « L'économie marchande au Bas-Canada,.., p. 58. Avec seulement 5 articles, la soie représente 743% de la valeur totale des produits de coton.

Page 61: Jean-Alexandre Charland

(4,7%). Quant aux articles de couture, ils ne représentent que 3,9% de la valeur totale de

la catégorie.

Tableau 2.1

Répartition des marchandises de l'inventaire de magasin dYAdolphus Stein et James I3uteaua

Textile et couture 1 48 Catégories

Denrées alimentaires Quincaillerie Produits domestiques Vêtements et chaussures Ustensiles, articles ménagers Tabac et Alcool Autres

Livres

Inconnus 1 11

VAL Shillings

11 7 4 4

19 7 7 9

12 2

a. Les valeurs présentées sont en livres cours actuel : 1 livre vaut 20 shillings et 1 shilling égale 12 deniers. Afin de faciliter le calcul des pourcentages de chacune des catégories, nous avons décidé de trânsformer les livres en dollars : 1 livre vaut environ 4$ ; 1 shilling, 20 sous et 1 denier, 0,O 16 sous.

,UR

b. À ce montant, il manque, en réalité, trois sous en raison du transfert des livres en dollars.

Deniers 1 4

3 11 1/2

4 5 5

1 1/2 O 1

11

Source: ANQTR, minutes Théophile Côté, no 1103, acte de dissolution de société du 1 86 1-04-09.

Do1 iars 194,26 101,45 100,98 9686 55,88 37,48 33,42

305,80 46,42

972, 5sD

À 10,4% de la valeur totale de l'inventaire, la catégorie des denrées alimentaires

occupe la deuxième position. En scrutant de plus près les marchandises offertes, nous

nous sommes rendu compte que nous avions affaire à des produits d'importation8. À part

le poisson et la farine, l'absence de produits essentiels laisse entrevoir une certaine

Par produits d'importation, nous faisons ici allusion aux marchandises provenant de l'extérieur de la région (des marchés extérieurs). A part la farine recensée dans l'inventaire, toutes les autres marchandises ne peuvent être produites localement. Exemples : le clou de girofle, le gingembre, la muscade, le poivre, Ie sel, le café, la mélasse, la moutarde, le soda, le vinaigre, le hareng et la morue.

Page 62: Jean-Alexandre Charland

autosuffisance alimentaire de la population rurale9. De plus, il est intéressant de souligner

que le commerce de ces denrées se limitait exclusivement aux marchandises sèches. Cette

caractéristique du magasin de Saint-Paul-de-Chester est partiellement observable dans

celui de James Goodhue à Arthabaska qui ofiait cependant un plus grand éventail de

marchandises.

Le soussigné oflie en vente un assortiment complet de marchandises sèches de toutes sortes et pour toutes les saisons, savoir entre autres articles : des ferronneries, des ferblanteries, de la vaisselle, du cuir, des chaussures, etc. ; et aussi des grosseries de la meilleure qualité, consistant en fleur [fainel, lard, beurre, huile de toutes sortes, sel, riz, thé, sucre du pays, cassonade de toutes sortes, sucre blanc, mélasse, raisin, hareng fumé du Labrador et de la baie Saint- Georges, morue, saumon, truite, etc. etc.''

L'attrait pour ces marchandises sèches peut sans doute s'expliquer par la plus

grande facilité de conservation des produits1'. Quant au rapport quantitéhaleur, la farine,

les poissons, la mélasse et le sel occupent une place prépondérante avec 87,5% de la

valeur totale.

Dans son étude sur la bourgeoisie marchande, Claude Pronovost utilise plutôt le pourcentage de cette catégorie (denrées alimentaires) par rapport au reste de l'inventaire pour juger d'une certaine autosuffisance du monde m l . Selon les (29) magasins, les denrées alimentaires occupent de 0% à 1 1 % de l'inventaire. Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande ..., p. 66-67. Également, par l'observation des denrées alimentaires offertes dans un magasin de Stornoway en 187 1, John Irvine Little conclut en une << [. . .] h g a l and self-sustaîning population ». John Irvine Little, CroBers and Habitants : SettZer Society, Economy, and C~rlhire in a Quebec Torvnsh@, 1848-1 88 1, Montréal, McGill-Queen's University Press, 199 1, p. 168. Louis Michel remarque aussi une certaine autosuffisance du monde rural pour certaines denrées de base tels le blé, les pois et la viande. Louis Michel, Le livre de comptes de Gaspard Massue, marchand à Varennes (1784-1792) », Histoire sociale, vol. 13, no 26, (novembre 1980), p. 375. 'O L 'Union des Cantons de I 'Est, du 14 décembre 1866, p. 3, col. 3. " Comme l'inventaire de magasin a été fait le 9 avril, il se peut que cette périodisation ait joué sur le nombre de produits normalement disponibles, car afin d'affronter les longs mois d'hiver, il était nécessaire, pour tes familles, de faire quelques provisions, Selon Claude Desrosiers, le commerce est plus florissant dans les premiers mois de l'année. Comme notre inventaire se trouve a la fin de cette période, devons-nous y voir un inventaire amenuisé par cette période commerciale ? Comme le souligne Claude Pronovost, tout tourne autour de la question de réapprovisionnement des stocks qui demeure encore, aujourd'hui, un sujet très peu connu. Claude Pronovost, L 'économie marchande au Bas-Canada ... , p 54-55.

Page 63: Jean-Alexandre Charland

La quincaillerie représente 10,4% de l'inventaire. Cette classe regroupe 39

produits variés tels les récipients, l'outillage et les articles pour les chevaux. Pour la

construction et la réparation, le magasin propose aussi certaines marchandises. Ces

produits de quincaillerie étaient principalement destinés à la clientèle agricole.

Les produits d'utilité domestique occupent la quatrième position avec 10,1%.

Cette catégorie regroupe un éventail de biens d'utilisation courante tels des manches de

plume, des balais, des chandelles, 2 chaudières (poêle), 1 horloge, des miroirs, des

allumettes, des objets de piété et des articles de soins personnels12.

Avec 5'7% de la valeur totale de l'inventaire, la catégorie des vêtements et

chaussures >> occupe la cinquième position. Elle consiste essentiellement en un stock de

bas, de bretelles, de mitaines, de chemises, etc. La catégorie des ustensiles et articles

ménagers se retrouve en sixième position avec 3'9%. On associe à ce groupe tous les

produits liés de près ou de loin à la vaisselle et à la coutellerie. La catégorie <( tabac et

alcool >> représente 3,4% de l'inventaire. Quant a la catégorie a autres >>, elle représente

3 1,496 de la valeur totale de l'inventaire. Cette classe regroupe deux types de biens : les

articles inclassables et les produits qui, nous présumons, ont pu servir de rnomaie

d'échange pour acheter des marchandises et payer les comptes en soufiance. Dans cette

classe, nous répertorions des cordes de bois ainsi que des quantités de cendre, de grains et

" Au sujet de l'horloge et des deux poêles, il est impossible de savoir si ces articles étaient pour la vente ou s'ils appartenaient personnellement au marchand. Nous avons tranché en les incluant dans l'inventaire.

Page 64: Jean-Alexandre Charland

Comme la situation économique de la population male était plutôt précaire et que

le numéraire faisait défaut, le marchand avait dû s'adapter à la situation financière de sa

clientèle. Cette stratégie permettait au marchand d'attirer une clientèle car la population

pouvait ainsi se procurer des marchandises au magasin en échange de produits locaux que

le marchand pouvait ensuite revendre ou expédier sur les marchés régionaux. Pour

illustrer cette pratique, référons nous, une seconde fois, à l'article publicitaire de James

Goodhue : « De plus, pour la plus grande commodité des acheteurs le soussigné [James

Goodhue] prendra du Salt [sel de potasse], de l'avoine, de Ia graine de mil, des billots

d'épinette et de pin en échange pour ses marchandises et argent »".

Le marchand rural de la deuxième moitié XIXe siècle demeure un important

difheur de marchandises de tous genres. La grande variété de ses produits met en

évidence son désir de combler les multiples besoins de sa clientèle. Par ailleurs, cette

diversité souligne, une fois de plus, la non spécialisation du marchand dans la distribution

de produits précis 15.

I3 Dans ce contexte de colonisation, l'exploitation des matières Ligneuses et de la terre représente une économie de subsistance. Le défrichement des Iots, la récupération des cendres, la fabrication de potasse et la culture de céréales assuraient au paysan un revenu en produits du terroir que ce dernier pouvait par la suite troquer au magasin pour des marchandises. Le Love11 S Cunadian Dominion directory de 187 1, met en évidence l'importance du commerce du bois ainsi que de la potasse et de la perlasse dans le canton de Chester. l4 L'Union de Cantons de l'Est, du 14 décembre 1866, p. 3, col. 3. l5 Claude Raymond et al., Récit dPune vieille gare jamais oubliée, Victonaville, Éditions Claude Raymond, 2000, p. 67.

Page 65: Jean-Alexandre Charland

2.3. Les associations marchandes et l'ouverture de nouveaux comptoirs - de vente

P m conquérir de nouveaux marchés, certains marchands n'hésitèrent pas à s'unir

a h d'opérer, dans des endroits jugés favorables, de seconds comptoirs de vente. Par

l'étude des actes de sociétés marchandes, il nous est possible de mieux cerner et mesurer

les efforts déployés par certains commerçants dans I'élargissement de leur rayonnement

commercial. Dans ses recherches sur la communauté marchande de la rive Nord de

Montréal, Claude Pronovost a également révélé des preuves tangibles de l'existence de

ces comptoirs dirigés par des sociétés cornmercides. En ce qui concerne les marchands

d9Arthabaska, nous avons retracé, à travers les archives notariales, quatre documents

concernant ces association^^^.

Par un acte passé devant le notaire le 7 décembre 1860, James Goodhue et Philip

Salmon, un autre marchand d'Arthabaska, s'étaient unis sous le nom de Goodhue &

Salmon. Ces derniers avaient loué une maison à la station du chemin de fer d9Arthabaska

dans l'intention d'y fâire le commerce de marchandises et de bois de constr~ction'~. En

tout, 14 principes régissaient cette société. Entre autres, il avait été établi que cette union

aurait une durée limitée de trois ans et qu'elle pourrait, en tout temps, être résiliée par

entente mutuelle en cas de problèmes majeurs entre les associés. Le choix du nom de la

société et de l'emplacement figurait aussi dans les conditions énumérées. En investissant

à parts égales dans cette dernière, les deux marchands s'assuraient donc de la répartition

Parmi les documents, un acte de société fait référence au marchand James Goodhue ; un acte de société et deux actes de dissolution de société concernent le marchand Adolphus Stein. 17 Nous avons retracé la location de cette maison en bois de deux étages de la société Goodhue & Salmon appartenant à Julien Dermers, marchand de la paroisse de Saint-Christophe d'Arthabaska. ANQTR, minutes Théophile Côté, no 1000, acte de bail à loyer du 1860-1 1-08. Également, nous pouvons voir ici l'attrait du chemin de fer quant au choix du site pour l'ouverture de ce second comptoir commercial.

Page 66: Jean-Alexandre Charland

équitable des profits et des pertes. Également, il avait été entendu que le suivi

administratif devrait se faire par les deux sociétaires. Goodhue et Salmon s'engageaient

alors à participer équitablement à la gestion du commerce. Outre les transactions de

grande importance, les associés pouvaient conclure, sans consultation préalable, des

ventes, des achats, ainsi que tout autre petit contrat en faveur de leur sociéte C o r n e

pour toute entreprise commerciale sérieuse, des livres de comptes devaient être tenus afin

d'enregistrer intégralement toutes les entrées et sorties d'argent1*. Pour un meilleur suivi,

la société devait dresser, chaque mois d'avril, l'inventaire de ses actifs. Au terme de leur

union, une évaluation des sommes dues par chacun des associés devait être produite et

un bilan commercial dressé, afin de déterminer les profits réalisés par la société19. Les

tentatives d'expansion commerciale de James Goodhue ne se limitèrent pas uniquement à

cette association. Nous savons qu'il a fait partie de deux autres sociétés marchandes dont

l'une au village de Warwick avec le marchand local Louis ~ r i ~ a n n e " et l'autre à

Arthabaska, avec Louis-Ovide pépin2 '.

'' Ces documents rares permettent d'observer les comptes courants de tous les clients du magasin. Louis Michel, << Le livre de comptes de Gaspard Massue.. . », p. 371. Malheureusement pour notre étude, nous ne ossédons aucun document de ce genre.

P9 ANQTR, minutes Théophile Coté, no 1024, acte de société du 1860-12-07. Selon le Mercantile Agency Refereence Book for the British Provinces de 1864, Goodhue et Salmon auraient également opéré en société, un magasin général au village d' Arthabaska. 'O ANQTR, minutes Théophile Côté, no 1284, acte de marché du 1862-01-18. Nous pensons que la société Goodhue et Triganne aurait pu avoir été en fonction de 1862 à 1866. Louis Trïganne est devenu un des plus importants marchands du village de Warwick. Il a été juge de paix, manufacturier de perlasse, marchand de bois, maître de poste de 1874 a 1899 et maire de Warwick de 1876 à 1878. Ces renseignements proviennent de Lovell S Canadian Dominion Directory de 187 I et de Nelson-Martin Dawson et al., Et ils bâtirent Saint- Médard de Warwick, Victoriaville, Éditions Claude Raymond, 1998, p. 59. " Claude Raymond et al., Récit d 'une vieille gare ... , p. 73.

Page 67: Jean-Alexandre Charland

Quant à Adolphus Stein, il s'était associé à double reprise pour l'ouverture d'un

comptoir commercial à saint-~aul-de-cheste??. Signée à Québec avec le marchand

d7Arthabaska James Buteau, une première union remontait au 28 avril 1860. N'ayant pas

pu retracer le document, il nous est impossible d'expliquer les ternes de cette alliance.

Toutefois, grâce à l'acte de dissolution de la société James Buteau & Cie, nous pouvons

dévoiler les règlements adoptés à l'issue de leur union.

Le 9 avril 1861, AdoIphus Stein s'engagea à céder à James Buteau toutes les

idkastructures (maison, perlasserie et terrain) de même que les marchandises composant

le stock du magasin de Saint-Paul-de-Chester ; le tout évalué à un montant total de

1 676 S. Dans cet acte, il est intéressant d'apprendre que Stein abandonnait aussi à son

ancien associé des biens et produits qui se trouvaient entreposés dans une maison et un

hangar OU se faisait le commerce à ~rthabaska~'. Cette information prouve, hors de tout

doute, que Buteau et Stein étaient aussi associés dans l'opération de ce magasin

d'kthabaska, car Adolphus Stein prévoyait louer à son ex-partenaire, pour une somme

de 1 00 $ par année, la bâtisse d' Arthabaska où ce dernier (Buteau) « [ . . . ] entend[ait]

continuer le commerce en son nom [. . . I ' ~ ». En devenant l'unique propriétaire des lieux,

sauf à charge pour le magasin d'kthabaska, James Buteau devait, dorénavant, se porter

seul, garant de tous les crédits, billets promissoires, comptes courants et obligations que

leur société avait auparavant octroyés à leurs magasins d' Arthabaska et de Saint-Paul-de-

" L'inventaire de magasin que nous avons précédemment analysé fait référence à cette société. '3 Malheureusement, le stock de ce commerce n'a pas fait l'objet d'un inventaire- 'q ANQTR, minutes Théophile Côté, no 1103, acte de dissolution de sociéti du 1861-04-09.

Page 68: Jean-Alexandre Charland

Chester. Par cette cession, Adolphus Stein venait de se libérer de tous ses anciens

engagements.

Les raisons de cette dissolution sont inconnues, mais il semble bien qu'Adolphus

Stein détenait une position de force dans ce règlement. En échange de l'abandon de ses

droits de société, Stein exigea que Buteau lui payât sur-le-champ la rondelette somme de

1000 $. En raison probablement de son incapacité à respecter l'engagement, James

Buteau signa le jour même, au profit d'Adolphus Stein, un acte de cession visant a lui

rétrocéder le magasin de saint-~aul-de-chester25. Le grand perdant dans toute cette

a f f i e fut incontestablement James Buteau, car pour éponger sa dette de IO00 $, il avait

dû se départir du magasin alors évalué à 1 676 $26. Ce règlement expéditif semble

démontrer que le climat d'entente qui animait jadis cette société s'était peu à peu dégradé.

Selon Claude Pronovost, les discordances entre les associés étaient choses courantes, et

c'est pour cette raison que les sociétés se prémunissaient généralement de dispositions

permettant la dissolution de leur union27.

Moins de deux mois après la cession de James Buteau, Adolphus Stein conclut

une union avec ses fils Hector et Louis-Adolphe Stein pour administrer le magasin de

Saint-Paul-de-Chester. Le but premier de la société Hector Stein et fières demeurait le

même, soit le commerce de marchandises, de perlasse et de bois de construction. Selon

" ANQTR, minutes Théophile Côté, no 1 104, acte de cession du 1861-04-09. 26 Dans ce même acte, nous pouvons percevoir Ies Liens qui unissaient ces petits marchands ruraux aux fournisseurs des grandes villes. Entre autres, il est mentionné qu'Adolphus Stein se devait de rembourser 484 $ de dettes envers Monsieur Mc Farlaw de la cité de Montréal et 190 $ a J. Baptiste Fréchette de la ville de Québec- 27 Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande ... , p. 70.

Page 69: Jean-Alexandre Charland

l'acte, il était prévu que cette société aurait une durée de 5 ans. Pour sa part, Adolphus

Stein se devait d'apporter, à la société, toutes les infkstructures nécessaires, de même

que le stock de marchandises et les dettes (sans garantie) contractées par l'ancienne

société James Buteau et ~ ie" . Également, il avait été signifié qu7Adolphus se réserverait

l'entière administration de la société. En contrepartie, ses £ils Hector et Louis-Adolphe

devraient foumir une présence assidue au magasin afin que leur père soit libéré de toutes

tâches liées à la vente. Quant au terme de l'entente, il avait été précisé qu'Adolphus se

réserverait, sur la masse des biens, un montant équivalent à 1 060 $ et que le partage des

profits, avec ses fils, ne se ferait que sur les surplus, soit au tiers après paiement des

dettes et engagements de la ~ociété'~.

Le 9 janvier 1862, soit environ huit mois après sa formation, la société Hector

Stein et f?ères mettait fin à ses activités. A l'issue de leur accord, Hector dut rétrocéder à

son père tout le stock ainsi que ses droits sur l'emplacement de Saint-Paul-de-Chester.

Également, il dut abandonner ses parts sur les obligations, billets promissoires et comptes

courants émis au magasin. Par cette transaction, Adolphus Stein redevint l'unique

percepteur et en guise de part de gain, il octroya à son fils une certaine somme d'argent

dont le montant réel est inconnu30.

À travers cette étude de cas, nous pouvons dégager deux types d'unions

commerciales. Premièrement, celle de Goodhue & Salmon impliquant un partage

3 Les dettes sont évaluées à 1 736 $. 29 ANQTR, minutes Théophile Côté, no 1 145, acte de société du 1861 -05-20. 30 ANQTR, minutes Théophile Côté, no 1273, acte de dissolution de société du 1862-0 1-09.

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équitable des investissements, des taches administratives, des pertes de même que des

profits réalisés et deuxièmement, la Hector Stein et fières, regroupant trois intervenants

dont un bailleur de fonds principal fournissant à ses associés (commis marchand^)^', les

marchandises ainsi que les bâtiments nécessaires au commerce. 11 est intéressant de

souligner que ce deuxième consortium économique reflète, à quelques éléments près, le

type d'association générdernent observée chez les marchands de la rive Nord de

Montréal entre 1770 et 1840. Des similitudes sont également observables quant à la durée

de vie plutôt limitée de ces sociétés. Entre autres, la Goodhue & Salmon s'était liée pour

une période de trois ans et la Hector Stein et fière, cinq ans3'. En ce qui concerne la

James Buteau & Cie, dont les limites temporelles établies lors de l'acte de société nous

sont inconnues, elle avait été active pendant un peu plus d'un an33. Dans les faits, il

semble qu'il n'était pas rare de voir ces sociétés mettre fin à leurs activités bien avant

l'échéance de leur entente. Nous pouvons ici prendre pour exemple la société des fières

Stein qui était demeurée en fonction environ huit mois. Ainsi, ces quelques données

3' Malheureusement, nos sources demeurent peu bavardes au sujet du travail et de la rémunération de ces commis. Selon Claude Pronovost, leur rôle consistait exclusivement à l'administration générale du commerce. En ce qui concerne leur rémunération, Claude Pronovost a observé que les commis qui travaillaient à l'intérieur de (( [. . .] l'unique magasin exploité par un marchand [étaient] toujours considérés comme des salariés n. Pour ce qui est des commis administrant un commerce pour une autre personne, deux types de rémunérations étaient en vigueur : le salaire mensuel ou annuel ainsi que la division des profits faits sur les ventes. Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande ..., p. 74-75. Le partage des profits à titre de rémunération semble être la fomule adoptée par Adolphus Stein pour acquitter le salaire de ses fils, " Pour ce qui est de la société Goodhue & Salmon, nous n'avons pas retrouvé d'acte de dissolution quant à leur entente pour l'établissement d'un magasin à la station du chemin de fer d'Arthabaska- Toutefois, en ce qui concerne leur union commerciale au village d'Arthabaska, il semble, selon les actes notariés signés par leur société, qu'elle aurait été en vigueur de 1863 à 1865. Au terme de cette association, Philip Solman a vendu, le 19 avril 1866, à James Goodhue sa propriété (maison, boulangerie, étable, remise) au village d7Arthabaska et est allé poursuivre sa profession de marchand dans le canton de Stanstead. ANQTR, minutes ThSophiIe Côté, no 2257, acte de vente du 1866-04-19 et ANQTR, minutes Théophile Côté, no 2684, acte de quittance du 1868-10-22. 33 Durée de la société James Buteau & Cie : du 28 avril 1860 au 9 avril 1861 ; durée de la société Hector Stein et fières : du 20 mai 1861 zu 9 janvier 1862.

Page 71: Jean-Alexandre Charland

coïncident avec la durée des unions commerciales généralement observées sur la rive

Nord de Montréal, soit trois ans et moins34.

Pour les personnes impliquées, il est clair que ces associations commerciales

procuraient des avantages intéressants. Pour la société Goodhue & Salmon, elle

impliquait, entre les associés, un partage équitable des risques financiers encourus dans

cette aventure cornmerciale. Quoique moins égalitaire, la société Hector Stein et frères

ofiait également certains atouts. Pour les commis Hector et Louis-Adolphe Stein, le

magasin de Saint-Paul-de-Chester représentait une chance en or d'établir des contacts

commerciaux et de s'implanter à moindre coût dans la communauté marchande 10cale'~.

De son côté, en foumissant à ses fils les marchandises et les bâtiments, Adolphus Stein

s'assurait, sans aucune obligation envers eux, du partage des bénéfices faits sur les ventes

au détail. Comme nous pouvons le constater à travers cet exemple, l'ouverture de ce

second comptoir avait permis à Adolphus Stein d'introduire ses fils dans le cercle

commercial36.

35 Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande ... , p. 68. 35 Normalement pour ouvrir un magasin, il fallait préalablement fournir un certain capital de base afin de pouvoir édifier un fonds de commerce. Pour certains, cette somme pouvait représenter un montant fort élevé. Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande ... , p. 70. Également selon Claude Pronovost, l'occupation d'un poste de commis pour un autre marchand pouvait dans certains cas mener au titre de marchand. Comme exemple, nous pouvons ici penser au marchand d'Athabaska Louis-Ovide Pépin qui dans sa jeunesse avait été initié au commerce en occupant un poste de commis marchand. 36 claude Pronovost a aussi observé cette pratique chez certains marchands de Terrebonne. Claude Pronovost, L'économie marchande au Bas-Canada ..., p. 73. Nous savons également que le marchand d'Ax-thabaska James Goodhue a déjà commercé avec son fils, James H. Goodhue, sous le nom de Goodhue and Son. Nous avons retracé certains actes de cette société entre 1872 et 1883. A travers le Mercantile Agency Reference Book and key for the Dominion of Canada de 1903, nous pouvons voir que Louis-Ovide Pépin s'était aussi associé avec son fils sous le nom de L.0 Pépin & Son. Quant à Georges Gendreau, selon l'acte de déclaration de son décès, il fut également associé avec son fils sous le nom de Gendreau et fils. ANQTR, minutes Théophile Côté, no 10673, acte de déclaration de décès du 1899-01-30. Cependant, toutes ces associations familiales que nous venons ici d'énumérer, ne semblent pas, à l'image de la société Stein et fières, avoir mené a l'ouverture de second comptoir de vente. Il semble plutôt que ces unions provenaient de la vente de parts dans le magasin paternel.

Page 72: Jean-Alexandre Charland

En ce qui concerne Georges Gendreau, nous savons qu'il a opéré un commerce à

Arthabaska avec le fils aîné du juge Marc-Aurèle lam mon don^^. Pour ce qui est de Louis-

Ovide Pépin, il s'était associé avec son fière Honoré, dans un magasin au village de

Warwick (L.0 Pépin & Brother) et avec un dénommé Martel, au village de

victoriaville3 *.

À la lumière de ces informations, il est intéressant de constater l'ampleur de la

pratique associative chez cette élite marchande. En ayant probablement atteint un niveau

maximal de développement commercial au village d'Arthabaska, les marchands voyaient

certainement dans cette pratique une chance unique d'élargir leur part de marché. Ces

tentatives d'expansion ne devaient toutefois pas être faciles, car chaque village possédait

au moins un marchand principal, bien établi dans sa communauté. Ravir l'espace

financier d'un compétiteur devait donc s'avérer une tâche de longue haleine. Ceci

explique peut-être l'existence éphémère des comptoirs de Saint-Paul-de-Chester, de

Warwick et de Victoriaville.

Ces tentatives d'expansion avaient sans doute pour but d'élargir le champ

d'action des marchands et parallèlement d'augmenter leur chifie d'affaires. Ainsi, dans

les paragraphes qui suivent, nous traiterons du niveau de fortune de l'élite marchande

d'kthabaska.

37 Claude Raymond et al., Récit d'une vieille gare... , p. 73 et 83. 38 Lmell S Gazetteer de 187 1 et le Mercantile Agency Refireence Book and key for the Dominion of Canada de 1885.

Page 73: Jean-Alexandre Charland

2.4. Le niveau de fortune des marchands d'Arthabaska

En histoire économique et sociale, l'inventaire après décès s'est rapidement

imposé comme le meilleur outil pour évaluer le niveau fortune et le niveau de vie des

individus39. Pour notre recherche, nous n'avons pas trouvé d'inventaire après décès, mais

nous avons tout de même réussi à mettre la main sur l'acte de déclaration de décès du

marchand Georges Gendreau. Moins précis, mais tout aussi intéressant, ce document

nous permettra d'évaluer la situation financière de ce marchand général40.

Tableau 2.2

Les états financiers du marchand Georges Gendreau en 1899

Actif

36,6 Mauvais crédits 9,9 Don à sa bru

Valeur Passif $ 1 Y0

Hypothèques et obligations Billets personnels Comptes courants Fondsen banque Argent à son domicile Maison privée Maison de commerce Fonds de commerce Billet de société (~endreau et fils)

Assurance Un item indéfini Total

5,1 Somme due à sa sœur 19,6 Services funèbres 0,5 Frais funéraires

15548,OO 4222,40 21 61,43 8300,OO

225.00 4000,OO 2500,OO 3000,OO 1257,05 1 037,16 1 92,OO

42443,04

9,4 Don pour les pauvres 5,9 Cercueil 7 9 1

3,O 294 O S

l~alance net

Valeur

Sources : ANQTR, minutes Théophile Côté, no 10673, acte de déclaration de décès du 1899-0 1-30.

39 Ces actes foumissect une liste complète des sommes d'argent et des objets faisant partie de l'actif et du passif d'un individu. 40 Au sujet du marchand Louis-Ovide Pépin, nous avons retrouvé, à l'intérieur du greffe du notaire Lavergne, l'acte de déclaration de son décès. Toutefois, aucune information utile n'y est dévoilée. Palais de Justice dYArthabaska, minute Louis Lavergne, no 17409, acte de déclaration de décès du 1901-10-08. Pour ce qui est de James Goodhue et d'Adolphus Stein, il est tout naturel de ne pas avoir trouvé de document en raison de leur départ du viliage.

Page 74: Jean-Alexandre Charland

Par l'analyse du tableau 2.2, nous observons que la fortune mobilière de ce

marchand provenait majoritairement du domaine des créances. Les obligations, les

hypothèques, les billets personnels et les comptes courants représentaient à eux seuls,

51,6% de l'actif En comparant ce pourcentage avec les données présentées par Claude

Pronovost (55%)' Lise St-Georges (42,9%) et Louis Michel (65,5%), force est d'admettre

qu'il existe une certaine similitude quant à la place qu'occupent les créances dans les

fortunes rnar~handes~~. Par ordre d'importance, nous retrouvons en deuxième position

avec 20,1% de l'actif, le numéraire. Contrairement aux taux présentés par Louis Michel

(6%), Claude Pronovost (4%) et de Lise St-Georges (4%), ce pource~tage représente ici

un écart notable4'. À première vue, cette variation est pour le moins difficile à expliquer.

Cependant, il est fort possible qu'elle soit le résultat d'une évolution des stratégies

marchandes dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Avec le développement du secteur

bancaire, il se peut fort bien que certains marchands se soient volontairement détournés

des investissements fonciers et immobiliers afin de placer leur argent en banque dans le

but d'y retirer des intérêts. L'importance du numéraire dans l'actif du marchand ainsi que

l'absence de fortune foncière et immobilière chez ce dernier tendent à prouver cette

hypothèse43. Limités à sa maison privée et à son magasin d9Arthabaska, les biens

immeubles de Gendreau occupent alors la troisième position avec seulement 15'3% de

4 1 Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande ... , p. 42 ; Lise St-Georges, Le village de l'Assomption, 1748-1797, mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal, 1984, p. 66 et Louis Michel, « Un marchand rural ..., p. 223. La moyenne présentée par Claude Pronovost est issue de l'analyse de 24 inventaires après décès, celle de Lise St-Georges, de 10 inventaires et celle de Louis Michel, d'un inventaire. 47 Soulignons que parmi les 24 inventaires après décès analysés par Claude Pronovost, deux marchands avaient 20% et 21% de leur actif en numéraire. La situation de Georges Gendreau ne peut donc pas être considérée comme un cas isolé. Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande ... , p. 43. 43 Toutefois, en raison de son âge avancé (63 ans) et de sa santé, il se peut fort bien que ses possessions aient été iiquidées un peu avant son décès. Si c'est le cas, cette hypothèse pourrait également être considérée comme un second élément d'explication, quant à l'importance du numéraire dans l'actif de ce marchand.

Page 75: Jean-Alexandre Charland

l'actif? Quant à la quatrième position, elle est représentée, avec un pourcentage de 7'1%'

par le fonds de commerce. Si nous comparons cette donnée avec les moyennes de Lise

St-Georges (14,5%) et de Claude Pronovost (24%), il semble bien qu'elle soit

relativement basse pour un marchand général qui était encore en fonction45. Soulignons

toutefois, qu'à 63 ans (environ 37 ans de pratique), la carrière commerciale de ce

marchand devait sensiblement tirer à sa fin. La liquidation graduelle du fonds de

commerce pourrait ainsi être considérée comme un élément valable dans l'explication de

la faiblesse du stock dans l'actif de ce marchand46. Quant au reste de sa fortune, elle était

composée d'un billet de société, d'une assurance et d'un item indéfini, le tout

représentant 5'9% de l'actif total.

Le tableau 2.2 nous a permis d'établir la nature exacte de la fortune mobilière de

George Gendreau. Cependant, nous devons nous interroger sur la place qu'occupe ce

marchand dans la hiérarchie socio-économique du village d '~r thabaska~~. Dans son étude

sur les niveaux de vie dans le Richelieu-Yamaska entre 1800 et 1840, Christian

Dessureault a révélé que la communauté marchande occupait le haut de la pyramide

44 Ce pourcentage est relativement inférieur à ce qu'ont observé Lise St-Georges (26,8%) et Louis Michel (28%) pour la même catégorie. Lise St-Georges, Le village de 1 'Assomption ..., p. 66 et Louis Michel, « Un marchand nual. . . .», p. 2 19. 4S Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande ... , p. 43 et Lise St-Georges, Le village de l 'Assomption ... , p. 66. * La comparaison des pourcentages pour cette catégorie demeure cependant très relative, car pour les marchands de la rive Nord de Montréal, Claude Pronovost a observé des variations très prononcées quant au pourcentage du stock dans l'actif. Sur 24 marchands généraux en fonction, les taux variaient de 2% à 56%. Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande ..., p. 43. Il faut ici se rappeler que la période durant laquelle l'inventaire a été dressé conditionne la valeur des fonds de commerce. 47 Il aurait été très intéressant de pouvoir établir une ventilation socioprofessionnelle des fornuies du village. Ainsi, nous aurions pu confronter la fortune de Gendreau avec celles des cultivateurs, des artisans, des journaliers, des rentiers, des gens des professions libérales, etc.

Page 76: Jean-Alexandre Charland

sociale48. En raison de la rareté des inventaires après décès, nous ne pouvons réaliser une

étude semblable à celle de Dessureault pour Arthabaska. Nous pouvons cependant

examiner deux autres indicateurs qui donnent à penser que la situation financière de

Georges Gendreau pouvait être considérée comme supérieure à la majorité des autres

classes socioprofessionnelles du village.

2.5. La force économique et le niveau de solvabilité de l'élite marchande d7Arthabaska

À défaut de pouvoir évaluer la fortune personnelle de chacun de nos marchands,

nous avons voulu comparer la cote de solvabilité et la force économique de leur

commerce. Pour ce faire, nous avons utilisé comme source principale des annuaires

commerciaux édités par Dun, Wiman & Co et R.G Dun & co4'. Ces documents

présentent, pour de multiples villes et villages, la cote de crédit et la force financière de

tous les principaux marchands, commerçants et manufacturiers résidents au Canada. Ces

bottins étaient essentiellement destinés aux gens des affaires. Les informations confinées

dans ces livres permettaient aux investisseurs de mieux connaître la situation financière

des individus avec qui ils pouvaient entretenir des liens commerciaux. L'utilisation de ces

livres permettait donc de mesurer et de minimiser les risques financiers encourus.

48 Les valeurs moyennes des actifs en livres h ç a i s e s : les marchands, 45 771 livres ; les notables, 32 2 10 livres ; le clergé, 15 03 1 livres ; les paysans, 1304 livres ; les journaliers, 262 livres. Christian Dessureault, (< Niveau de vie dans le Richelieu-Yamaska, 1800-1840. Étude préliminaire pour une comparaison France- Québec », Colloque d'étude comparée Québec-France, 1990, p. 193. 49 Nous possédons les données sur Arthabaska et Arthabaska Station (Victoriaville) pour les années : 1864, 1872, 1876, 1885 et 1890. Ces exemplaires proviennent de la Bibliothèque Nationale du Canada a Ottawa.

Page 77: Jean-Alexandre Charland

Basé sur ces documents, le tableau 2.3 met en évidence la situation qui prévalait

au sein de l'élite marchande d' Arthabaska. Établi depuis plus longtemps sur le temtoire

d9Arthabaska (1848), contrairement à ses confières Gendreau et Pépin, James Goodhue

avait déjà atteint en 1864, un niveau de crédit et de force financière fort appréciables0. De

1864 à 1876, nous remarquons, cependant, une stagnation de son développement. La

concurrence résultant de I'amvée de nouveaux marchands généraux au MIlage

d7Arthabaska semble être la conséquence directe de la limitation de l'expansion

commerciale de son commerce5'. Parmi ces nouveaux venus, nous retrouvons Georges

Gendreau et Louis-Ovide Pépin qui, selon les données présentées par les annuaires,

semblent avoir évolué entre 1872 et 1890 sur un pied d'égalité. Malheureusement, au-

delà de 1890, il est impossible d'établir une distinction entre les deux commerces, car Ies

renseignements au sujet de Georges Gendreau font défaut. Selon toute apparence, te

magasin de L.0 Pépin avait continué sa progression financière. Dans l'annuaire de 1903,

il était alors dans la catégorie des 35 000 à 50 000 dollars de force financière et avait une

cote de crédit considérée comme élevées2.

Soulignons toutefois, qu'en 1864, il était associé dans le commerce avec Philip Salmon, un autre marchand d' Arthabaska. 5 1 C'est peut-être pour cette raison que Goodhue a quitté Arthabaska pour l'Ouest canadien en 1881. '' Soulignons toutefois qu'en 1903 Louis-Ovide Pépin était décédé depuis environ deux ans. Son fils poursuivait donc le commerce sous le nom de L.0 Pépin & Son.

Page 78: Jean-Alexandre Charland

Tableau 2.3

Force financière et niveau de crédit des magasins eénéraux de James Goodhue. Georges Gendreau et Louis-Ovide Pbin

Années Crédit James Goodhue 1 Georges Gendreau

Force 1 Crédit f Force Bon Bon Bon

Acceptable Acceptable

Bon Bon

2 000 à 5 000 2 000 à 5 000 10000à20000 10000à20000

Louis-Ovide Pépin For ce 1 Crédit

* Le marchand Adolphus Stein n'a pas été recensé ciam ces documents.

Sources :

2 000 à 5 000 2 000 à 5 000 10000à20000 10 000 à 20 000 35 000 à 50 000

a. The Mercantile Agency Reference Book for the British Prosinces, MontréallToronto, RG. Dun & Co, 1864, p. 19-20. b. The Mercantile Agency Reference Book and Key for the Dominion of Canada, July 1 872, Montréal, Dun Wiman & Co, 1872, p. 14. c. n e Mercantile Agency Reference Book and Key for the Dominion of Canada, January 1876, Montréal Toronto Hamilton Halifax and St John, N.B., Dun Wiman & Co, 1876, p. 15-16. d. The Mercantile Agency Reference Book and Key Containing Rating of the Merchants, Manu-acturers and Traders Generally, throughout the Dominion of Canada, Septem ber 1885, MontréaVToronto/Harnilton/ Halifax and S t John and Winnipeg, Dun Wirnan & Co, 1885. e. The Mercantile Agency Reference Book and Key for the Dominion of Canada. Jrtly 1890, Montréal, Toronto, Hamilton, London, Halifax, St John, N-B., Winnipeg and Victoria, Dun, Wiman & Co, 1890. f. The Mercantile Agency Reference Book and Key for the Dominion of Canada, JuZy 1903, Halifax, Hamilton, London, Montréal, Ottawa, Quebec, St John, Toronto, Vancotiver, WinnQeg, Etc-, R.G Dun & Co, 1903, p. 339.

Acceptable Acceptable

Bon Bon

Élevé

En replaçant dans le contexte villageois les renseignements que nous avons

recueillis dans ces annuaires, il appert que les trois commerces de ces marchands

affichaient une supériorité financière par rapport à la majorité des autres entreprises

recensées à Arthabaska. Le tableau 2.4, illustre très bien cet état de fait et vient attester la

position qu'occupe l'élite marchande, autant dans le milieu social que commercial.

Page 79: Jean-Alexandre Charland

Tableau 2 -4

Ventilation de la force financière des principaux marchands, commerçants et manufacturiers du village d' Arthabaska

Force Financière A+ 1000,000 et plus A 500,000 à 1000,000 6 250,OO à 500,000 C 100,000 à 250,000 D 50,000 à 100,000 E 25,000 à 50,000 F 1 0,000 à 25,000 G 5,000 à 10,000 H 2,000 à 5,000 K 1,000 à 2,000 L O à 1,000 Sans cote Total d'individus

Années Force Financière AA plus de 1000,000 A+ 750,000 à 1000,000 A 500,000 à 750,000 B+ 3000,000 à 500,000 B 200,000 à 300,000 C 75,000 à 125,000 D 40,000 à 75,000 E 20,000 à 40,000 F 10,000 à 20,000 G 5,000 à 10,000 H 2,000 à 5,000 K 1,000 à 2,000 L moins de 1,000 M moins de 500 Sans cote Total d'individus

Années

* Les chiBes avec l'exposant no 1 ,2 et 3 incluent Ie marchand James Goodhue et ceux avec les exposants 4,5,6 et 7, Georges Gendreau et Louis-Ovide Pépin.

Sources :

a. ïïte Mercantile Agency Reference Book for the Bn'rish Provinces, 1864, p. 29-20. b. n e Mercantile Agency Reference Book and Key for the Dominion of Canada, 1872, p. 14. c. The Mercantile Agency Reference Book and Key for the Dominion of Canada, J a n u q 1876, p. 15-16. d. The Mercantile Agency Reference Book and Key Containing Rating of the Merchants, Manufacturers and Traders Generally, throughout the Dominion of Canada, September 1885. e. m e Mercantile Agency Reference Book and Key for the Dominion of Canada, July 1890.

Également, il paraissait intéressant de présenter la position de l'élite

d7Arthabaska par rapport à la communauté marchande de Victoriaville. Le tableau 2.5

démontre, dans un premier temps, la supériorité du village d'Arthabaska en ce qui

concerne ce secteur d'activitéss3. Cependant, avec le développement rapide du village de

53 Entre 1864 et 1876, le marchand d9Arthabaska James Goodhue était un leader dans son domaine.

Page 80: Jean-Alexandre Charland

Victoriaville, on assiste à un renversement de situation. Ainsi, comparativement a

Arthabaska, Victoriaville comptait, en 1885, pas moins du double de magasins généraux.

La stimulation économique engendrée par le chemin de fer et l'augmentation de la

population villageoise ont sans doute eu des effets positifs quant à l'ouverture d'un

nombre plus important de magasins dans ce village. Malgré cette supériorité, il est

intéressant de remarquer que l'élite marchande d'Arthabaska tirait quand même son

épingle du jeu. Comme l'indique le tableau 2.5, en 1885 et 1890, les établissements

commerciaux de George Gendreau et de Louis-Ovide Pépin rivalisaient de force avec la

majorité des comptoirs installés au village de Victoriaville. En fait, seulement deux

magasins de Victoriaville surpassaient en 1885 et en 1890, la force financière des

commerces de Gendreau et Pépin. Ces deux magasins étaient la propriété des plus

imposants marchands du village, soit les fières D.0 et J.0 Bourbeau.

Page 81: Jean-Alexandre Charland

Tableau 2.5

Ventilation de la force financière des principaux magasins généraux d ' Arthab aska et de Victoriaville

Force Financière A+ 1000,000 et plus A 500,OGO à 1000,000

8 250.00 à 500,000 C 100,000 à 250,000

D 50,000 à 100,000

E 25,000 à 50,000

F 10.000 à 25,000

G 5,000 à 10,000 H 2.000 à 5,000

K 1,000 à 2,000

LO à1.000

Sans cote

Total

4rth Victc

2' 1

5 1 8 1

Années 1 872b 1876'

Arth Victc

1 l3 1

35 1

5

5 7

Force Financière AA plus de 1000,000 A + 750,000 à 1000,000

P. 500,000 à 750.000

B+ 3000.000 a 500,000 0 200,000 à 300,000 C 75,003 à 125,000

D 40,000 à 75,000

E 20.000 à 40,000

F 10,000 à 20.000

G 5,000 à 10.000

H 2.000 à 5,000

K 1,000 à 2,000 L Moins de 1,000 M moins de 500 Sans cote

Total

Années 1 - Arth -

26 1

1

2

* Le chi* avec l'exposant no 1,2 et 3 incluent le marchand James Goodhue et ceux avec les exposants 4, 5, 6 et 7, Georges Gendreau et Louis-Ovide Pépin.

1 890e

Sources :

Arth

2' 1

2 2

9

a. The Mercantile Agency Reference Book for the British Provinces, 1864, p. 19-20. b. The Mercantile Agency Reference Book and Key for the Dominion of Canada, 1872, p. 14. c. The Mercantile Agency Reference Book and Key for the Dominion of Canada, January 1876, p. 15-1 6. d. n e Mercantile Agency Reference Book and Key Containing Rating of the Merchunts, Manufacturers and Traders Generally, throughout the Dominion of Canada, September 1885. e. The Mercantile Agency Reference Book and Key for the Dominion of Canada, July 1890.

Victo

2

1 1

1 1 2

6

Favorisé industriellement et économiquement, le village de Victoriaville aurait pu

causer d'importants torts à l'élite marchande dYArthabaska, mais il semble que la

fidélisation de leur clientèle ait maintenu les commerces de Gendreau et de Pépin à un

niveau compétitif. Situées dans un centre administratif d'importance, les multiples

institutions dYArthabaska ont sans doute facilité le maintien de Gendreau et Pépin dans le

Page 82: Jean-Alexandre Charland

domaine du commerce au détail. Soulignons également que le crédit à la consommation a

vraisemblablement joué un rôle important dans leur réussite commerciale. Entamons,

dans la partie suivante, l'étude de cette pratique.

3. Le crédit et la pratique marchande

Les créances occupent une place substantielle dans le commerce au détail. La

situation financière de la clientèle est la principale raison qui motive le marchand à

octroyer du crédit afin de stimuler la consommation. Comme la région d7Arthabaska est

reconnue comme un milieu essentiellement rural, il est tout à fait normal de croire que la

majorité de la clientèle marchande tirait la plus grande part de ses revenus de la terreï4.

La périodicité et la médiocrité des bénéfices ne permettaient donc pas à ces gens d'avoir

un pouvoir d'achat constant l'année durant. Ainsi, dans les périodes difficiles, nombreux

étaient les clients qui faisaient appel à la souplesse financière du marchand afin de se

procurer, les biens et produits dont ils avaient besoin5'. Inversement, cette importance du

crédit dans le commerce au détail exigeait, de la part du marchand, << [ . . .] des assises

financières solides »56. Tout en soutenant un important crédit à la consommation, ce

dernier devait également honorer ses obligations financières envers ses fournisseurs. Il

s'avérait donc vital, pour le marchand, de trouver un équilibre parfait entre ces deux

activités financières.

'' Claude Pronovost, L 'économie marchande .. .p. 88. 55 En guise d'indice, Normand Séguin avait évalué que le revenu moyen d'un habitant osciIlait 100 et 200 dollars par année. Normand Séguin, La conquête du sol au 1F siècle, Québec, Boréal Express, 1977, p. 246.

56 Claude Pronovost, L Béconomie marchande ... , p. 90.

Page 83: Jean-Alexandre Charland

3.1. Les modes de crédit

Le crédit marchand se présente sous plusieurs facettes. En tout, il existe au moins

cinq types de crédit, tous différents les uns des autres. La première forme est le compte

courant. Nombreux sont les clients à jouir de cette formule qui leur permet de mettre sur

leur compte les biens et marchandises achetés au magasin. Pour le marchand, ce crédit à

la consommation est une nécessité, car il représente la base de l'activité commerciale de

son magasin. Ainsi, sans ce crédit à court terme, la viabilité du commerce est directement

mise en jeu.

Comme autre formule, nous retrouvons le billet promissoire. Signée sous seing

privé et devant témoins, cette note représente en fait une reconnaissance de dette. Par ce

papier, le débiteur s'engage donc à rembourser les dettes qu'il a contractées envers son

créancier. Signalons que dans la majorité des cas, l'émission d'un billet prornissoire est

i'aboutissement direct d'un compte courant impayé. En général, comme le compte

courant, le billet prornissoire ne comporte aucune clause hancière (intérêt) et

hypothécaire en faveur du marchand. Ainsi, comme l'a soulevé Claude Pronovost, le

principe fondamental de ce crédit à moyen terme se base essentiellement << [. . .] sur la

confiance mutuelle des individus [. . .] »57.

-- - -- - -

57 Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande ..., p. 102.

Page 84: Jean-Alexandre Charland

L'obligation représente la deuxième forme de crédit à moyen terme.

Contrairement au billet promissoire, elle se distingue par son caractère juridique? Dans

la majorité des cas, ces créances sont aussi associées au crédit de con~ommation~~. Par

opposition au billet promissoire, l'obligation s'avère trés avantageuse pour le marchand,

car elle prévoit, d'une part, le paiement d'intérêts sur les sommes dues et, d'autre part,

des garanties hypothécaires en cas d'insolvabilité du débiteur? Par l'entremise de

l'obligation, le crédit se révèle donc un placement des plus sWs pour le marchand. Le

risque de perte d'argent est plutôt faible, car le créancier peut réussir à récupérer sa mise

de fonds en saisissant les biens du débiteur.

À titre de crédit à long terme, nous retrouvons la rente constituée et la rente

viagère. La rente constituée est généralement utilisée Iors d'achat de propriétés foncières.

Cette demière, consiste précisément au paiement d'une rente annuelle calculée en

fonction de l'intérêt légal du moment. La rente constituée ressemble, en quelques points,

a l'obligation. Toutefois, contrairement à cette dernière, c'est le débiteur qui choisit le

moment opportun pour rembourser l'intégralité de sa dette à son créancier. Quant à la

rente viagère, elle repose sur le paiement, généralement en nature, d'une espèce de

redevance annuelle. Pour un marchand à la retraite, cette rente représente un intérêt

L'obligation est un document officiel signé par l'entremise d'un notaire. 59 En réalité, il n'est pas facile de déterminer avec exactitude la nature des dettes signifiées dans les actes d'obligation. Cette difficulté tient d'un manque de précision des documents. Sur les 146 obligations recensées, seulement 4 liaient clairement les sommes d'argent empruntées a la consommation de biens et de marchandises. Dans d'autres circonstances, il semble bien que certains actes furent rattachés à des prêts en argent sonnant, octroyés antérieurement ou lors de la signature même de l'obligation. Également, dans des cas beaucoup plus rares, certaines obligations avaient été contractées pour l'achat et l'échange d'animaux ainsi que pour l'acquisition de terre et d'emplacement. Cependant, dans la majorité des obligations, l'expression pour valeur reçue n était utilisée pour expliquer les motifs de l'endettement. Comme nous pouvons le constater, ces termes irès vagues laissent place à interprétation.

Soulignons que dans cette forme de crédit, le marchand contrôle aussi les modalités de remboursement.

Page 85: Jean-Alexandre Charland

certain, car elle assure au créancier un approvisionnement perpétuel en produits de base6'.

En raison de sa durée, la signature d'un tel engagement représentait d'énormes risques

pour le débiteur. Comme elle demeurait valide jusqu'à la mort du créancier, il est fort

possible que certains individus impliqués dans ce type de crédit aient, en réalité, déboursé

plusieurs fois la valeur de leur endettement Ainsi, il nous apparaît évident que les

débiteurs avaient intérêt à négocier ce genre de crédit avec des créanciers dont l'âge était

relativement avancé.

En ce qui concerne l'élite marchande d7Arthabaska, nous savons que les créances

marchandes passaient essentiellement par ie crédit à court et à moyen terme63. Pour des

raisons identifiables aux limites de nos sources, il nous est impossible d'étudier les

comptes courants et les billets promissoiresa. Ainsi, l'analyse du crédit marchand se fera

uniquement à partir des actes d'obligations que nous avons retracés.

3.2. Une analvse du crédit obligataire

Par la nature des renseignements qu'elle foumit, l'obligation est, sans contredit,

un document des plus intéressants. Entre autres, elle dévoile des renseignements précis

sur le débiteur tels son nom, son lieu de résidence et son statut socioprofessionel.

Également, elle rious informe sur le montant des dettes contractées, sur les raisons de

l'endettement, sur les modalités de remboursement, sur l'intérêt exigé ainsi que sur les

6' Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande ..., p. 105. 62 Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande ... , p. 105. 63 NOUS n'avons retracé aucun acte faisant référence aux rentes constituées et aux rentes viagères. 64 Nous pouvons toutefois apprécier le poids respectif de ces différentes formes de crédit dans la fortune personnelle de Georges Gendreau à la page 49 de notre mémoire.

Page 86: Jean-Alexandre Charland

divers biens hypothéqués. Dans une optique beaucoup plus large, l'étude skielle des

obligations est un excellent indice pour juger de la situation économique qui prévalait à

I'époque. Selon l'augmentation et la diminution annuelle de leur nombre, il est possible

de situer, dans le temps, Ies fluctuations de l'économie locale. Cette démarche dépasse

cependant les objectifs de notre étude. Ainsi nous nous contenterons, a travers l'analyse

des obligations, de quantifier et d'apprécier cette pratique chez l'élite marchande

d7~rthabaska6'.

En ce qui a trait aux quatre marchands d9Arthabaska qui font l'objet de notre

étude, nous avons retracé, entre 1853 et 1890, un total de 146 obligations. En examinant

le tableau 2.6, nous remarquons un écart important dans la distribution des obligations

entre les marchands présents depuis le début de la formation du village d7Arthabaska et

les autres, arrivés un peu plus tard66. Certes, il n'est pas aisé d'expliquer cette situation.

Le nombre relativement bas d'obligations signées par Adolphus Stein et James Goodhue

trahit, peut-être, chez ces marchands, un désir de ne pas « immobiliser D une part

importante de leurs profits dans des prêts à moyen et à long terme67. Comme nous le

verrons dans le chapitre trois, ces deux marchands étaient les plus actifs dans les

domaines hors du commerce au d é t d 8 . Ainsi, il semble bien que ces marchands

préférèrent investir dans des activités financières autres que le prêt obligataire. Quant

- - -

65 NOUS ne pouvons appliquer cette méthode, car notre échantillon d'obligations est trop petit paf rapport au contexte local.

Rappelons que l'établissement de ces marchands sur le temtoire du village dYArtbabaska remonte vers 1848 pour James Goodhue, 185 1 pour Adolphus Stein, 186 1 pour Georges Gendreau et 1866 pour Louis- Ovide Pépin. 67 Claude Pronovost, L 'économie marchande ... , p. 106. 68 Cette participation a des activités économiques parallèles devait sans doute exiger une certaine disponibilité financière. Si Stein et Goodhue s'étaient engagés plus sérieusement dans le crédit obligataire, nous pouvons croire que leurs actions, hors du commerce au détail, auraient été moindres.

Page 87: Jean-Alexandre Charland

aux marchands Georges Gendreau et Louis-Ovide Pépin, ils fiirent plutôt dynamiques

dans ce domaine. Ces derniers monopolisèrent à eux seuls 85,6% de toutes les obligations

recensées.

Pour la moyenne des obligations émises par chacun des marchands, il est

intéressant de noter que, malgré un nombre plus restreint d'obligations, Georges

Gendreau obtient une moyenne plus élevée que Louis-Ovide Pépin. Cette supériorité de

Gendreau est due, entre autres, à la signature d'une obligation de 5 000 dollars. Si on fait

abstraction de cette obligation d'une valeur peu commune, nous remarquons que les

moyennes des obligations de ces deux marchands sont, en fait, quasiment identiques, soit

329,85 dollars pour Gendreau et 322,90 dollars pour Pépin. Ainsi, après avoir révélé la

place de chacun des marchands à l'intérieur du marché obligataire, intéressons-nous à la

répartition géographique des actes d'obligations.

Tableau 2.6

Nombre et valeur des obligations consenties aux marchands dYArthabaska

Sources : 146 obligations

3.3. La distribution ~éonraphique des obligations -

Adolphus Stein James Goodhue Georges Gendreau Louis-Ovide Pépin Total

Le tableau 2.7 présente, selon le lieu de résidence des débiteurs, les obligations

accordées à l'élite marchande d5Arthabaska. Nous devons d'abord préciser que nous

avons eu de la difficulté à établir une grille de classement adéquate en raison de la

Nombre 8

13 48 77 146

'%O

5,5 8,9 32.9 52,7 100,O

valeur 800,OO $

3 597,50 $ 20 502,81 $ 24 863,43 $ 49 763.74 $

70 1,6 72 41,2 50,O 100.0

Moyenne 99,50$ 276,12$ 427,14$ 322,90$

Page 88: Jean-Alexandre Charland

divergence des renseignements géographiques foumis par les no taires de 1' époque. Pour

des motifs amibuables au découpage territorial, les notaires ont employé, dans certains

cas, le nom du canton pour identifier le lieu de résidence des débiteurs et dans d'autres

circonstances, le nom de la paroisse. Malgré cette embûche, il n'en demeure pas moins

que le tableau 2.7 donne un bon aperçu du rayonnement commercial des marchands

d' Arthabaska.

Tableau 2.7

Répartition des obligations selon le lieu de résidence du débiteur

James Goodhue Georges Gendreau Louis-Ovide Pépin Total %

Note : Précisons que certains individus ont contracté plus d'une obligations envers ces marchands. Ainsi, nous les avons comptées autant de fois qu'il y avait d'obligations 1 leur nom.

Sources : 146 obligations

Le marché obligataire était relativement bien circonscrit dans l'espace. Il se

limitait principalement aux paroisses et cantons avoisinant le village d'Athabaska. Les

obligations conclues avec les individus domiciliés dans la paroisse de Saint-Christophe

Page 89: Jean-Alexandre Charland

d7~rthabaska6' viennent en tête avec 42,5%, suivies des obligations signées avec les

habitants de la paroisse et du canton de Chester avec 18'5%. Ce fort pourcentage associé

à la paroisse de Saint-Christophe est tout à fait naturel, car Arthabaska représentait le

centre administratif et commercial de cette municipalité. Quant au taux lié à la paroisse

et au canton de Chester, il s'explique principalement par les liens étroits qui existaient

entre le village d9Arthabaska et les habitants de la zone nord du canton de chester7'. La

proximité des deux territoires favorisait l'approvisio~ement au village d'Arthabaska.

Pour ce qui est des autres catégories, les pourcentages étaient relativement faibles. Ceux-

ci variaient entre 8,9%, pour le filage dyArthabaska et 0'7% pour la paroisse de Sainte-

Clothilde-de-Horton.

Le tableau (2.7) a montré que les obligations signées en faveur des marchands

dyArthabaska, l'ont été par des individus demeurant essentiellement à l'intérieur des

limites du territoire des ois-~rancs~'. Voyons maintenant quel était le profil

socioprofessio~el de la clientèle ayant recours au crédit marchand.

3.4. Le profil socioprofessionnel des débiteurs

Comme nous l'avons démontré au premier chapitre, les marchands dyArthabaska

évoluaient dans un milieu essentiellement mai.

corroborer cet état de fait. Ainsi, en raison de

Les données du tableau 2.8 viennent

leur poids démographique et de leur

69 Rappelons que le village d'Arthabaska était encerclé par la paroisse de Saint-Christophe d' Arthabaska. Ce dernier, représentait en fait le centre économique et administratif de cette paroisse. L'importance de ce pourcentage (42'5%) reflète donc cette logique.

O Signalons également que le système routier mis en place favorisait grandement leur déplacement vers Arthabas-La. 71 Trois cas firent cependant exception à cette règle. Parmi eux, nous retrouvons le Révérend Antoine G. Geoffroy d'Oka et deux anciens habitants de la région, nouvellement installés aux États-unis.

Page 90: Jean-Alexandre Charland

situation économique, les cultivateurs représentent 82,9% des débiteurs. Quant aux autres

catégories, elles ne représentaient qu'un infime pourcentage variant entre 4'1% et 1 ,4%72.

Après avoir brossé un portrait sommaire des débiteurs, nous nous pencherons maintenant

sur le fardeau fiscal engendré par les dettes encourues et plus particulièrement sur les

échéances et les modalités de remboursement de ces dettes.

Tableau 2.8

Répartition des obligations selon l'occu~ation socioprofessionnelle des débiteurs

Sources : 146 obligations

Adolphus Stein James Goodhue Georges Gendreau Louis-Ovide Pépin Total

3 S. L'échéance des remboursements obligataires

Dans la majorité des cas, chaque obligation comporte un délai de remboursement

L n =

fixé par le marchand lors de la signature de l'acte. Le tableau 2.9 démontre que le crédit

6

42 65

121 5x0 1 82,s

octroyé par l'élite marchande d'Arthabaska se situait principalement au niveau du court

et du moyen terme. De fait, 87% de toutes les obligations recensées avaient une date

O 8 4 0

O 2 6

4,1

d'échéance de 4 ans et moins. Au-delà de ces 48 mois, !es pourcentages tendent

72 Ce bas pourcentage peut s'expliquer, d'une part, par le poids démographique de ces autres classes socioprofessionnelles (nombre plus limité contrairement aux cultivateurs) mais aussi par une situation économique plus favorable qui permet à ces individus d'échapper à un certain niveau d'endettement.

1

O 5 6

4,1

O 2

2,1

L

O 0 0 O O

1 2

1,4

1 1 O

3 2 2 2 1,4

1 O O 1

1,4

O O 3 1 4

2,7

Page 91: Jean-Alexandre Charland

sérieusement à diminuer. Les obligations avec des échéances de cinq ans et plus ne

représentaient que 10'3%. Pour ce qui est des remboursements sur demande, cette

méthode ne fut utilisée qu'à deux reprises par le marchand Adolphus Stein. Cet aspect du

remboursement nous amène inévitablement a parler des taux d'intérêt et des hypothèques.

Tableau 2.9

Répartition des obligations selon l'échéance du remboursement

Sources : 146 obligations

Adolphus Stein James Goodhue Georges Gendreau Louis-Ovide Pépin Total Yo

3.6. Les taux d'intérêt

Sous le Régime fiançais, le prêt à intérêt était, en principe, totalement prohibé.

g 5 .- O S

3 6 2 4

15 10,3

Soulignons cependant que dans les faits, « [. . .] les dispositions légales furent souvent

violées ou contournées »73. Comme le droit anglais autorisait cette forme de crédit, ce

m.." "y-

2 4 5

14 25

17,1

n'est qu'après la Conquête qu'il fbt instauré en toute légalité sur le temtoire. Selon une

ordonnance du conseil législatif de la province de Québec de 1777, le taux d'intérêt légal

P." c m -

n - ~ - O , y O , - ~ . m

1 O

13 22 36

24,7

fut fixé à 6% et demeura le même pour toute la période sur laquelle porte notre

--

73 Christine Hudon, << Prêtres et prêteurs au XIXe siècle », Histoire socinle-Social Hisrory, vol. XXVI, no 52, (novembre-November 1993), p. 233. 74 Ce taux était exclusivement réservé au prêt à intérêt entre particuliers. En ce qui a trait aux banques, l'intérêt légal avait été fixé, en 1858, à 7%. Christine Hudon, « Prêtres et prêteurs.. .», p. 234.

~ 5 . " F m E ~ m E & E ~ S E r o ~ ~ a ~

a m -

O O

11 23 34

23,3

C

E ~ O ~ ~ O m ~ o c r r ~ o ~ ~ o ~ 3

O

Y V1 2 a

7f L C

"5 2

e p = t u a = O ,

O

3

8 t

O O O O 2

1,4

m ; e O

O O 4 3 7

4,8

2 O 2 O 2

194

10 17

11,6

1 8

5,5

Page 92: Jean-Alexandre Charland

Le tableau 2.10 permet de constater que l'élite marchande d'Arthabaska exigeait

un intérêt généralement plus élevé que le cours légal. Ainsi, 82,2% des obligations

signées avaient un taux fixé à 8%75. Par rapport à l'intérêt légal, il nous semble exagéré

de qualifier ce taux « d'usure H'~, d'autant plus que ces hausses étaient généralement

tolérées par les autorités religieuses étant donné les nouvelles réalités économiques du

moment7'. Seul Adolphus Stein semble avoir respecté, à travers ses quelques obligations,

l'intérêt légal de 6%. Au-delà des 8% d'intérêt, nous ne retrouvons qu'une seule

obligation émise par le marchand James Goodhue. Quant aux obligations sans intérêt et à

intérêt différé, elles ne représentaient que 3 3 % des actes recensés.

Tableau 2.1 0

Répartition du pourcentage des intérêts inscrits dans les obligations

Sources : 146 obligations

7s Normand Séguin a observé qu'en général l'intérêt exigé sur les obligations variait entre 6 % et 7 112 %. Dans certains cas, il pouvait même dépasser les 10%. Normand Séguin, La conquête du sol ..., p. 233.

Le terme usure fait ici référence à un intérêt jugé excessif ». Christine Hudon, « Prêtres et prêteurs.. .. p. 229. 77 Le prêt à intérêt fut, pour une certaine période, l'un des sujets des plus préoccupants pour le clergé du Québec. Autorisé par les institutions politiques, il allait cependant à l'encontre des valeurs promues depuis des siècles par l'Église. Devant l'ampleur du phénomène, les autorités religieuses n'eurent pas le choix de modifier leur position. Les années 1860 fürent donc marquées par une certaine tolérance face à cette pratique.

6% 7% 8% 12% intérêt légal

Sans Intérêt

1 2 O 1 4

2,7

Adolphus Stein James Goodhue Georges Gendreau Louis-Ovide Pépin Total %

Intérêt différé ----

O 3 O O 3

2'1

6 3 2 O

1 1

7,5

Non indiqué

1 1 O O 2

1 ,4

O O 2 3 5

3,4

O 3 44 73

120 82,2

O 1 O O 1

0,7

Page 93: Jean-Alexandre Charland

Les marchands prenaient souvent I'allure de véritables banquiers. Pour certains, le

prêt à intérêt s'avérait un réel investissement financier. Les créances pouvaient parfois

monopoliser une part importante des revenus des marchands. Cependant, ils en retiraient

tout de même d'importants avantages financiers reliés au paiement annuel des intérêts

dus sur les sommes prêtées78. Prenons l'exemple du marchand Louis-Ovide Pépin. En

multipliant la valeur totale de ses 77 obligations (24 863,43 dollars) par un intérêt annuel

moyen de 8%' et cela s u une période moyenne de deux ans d'échéance, nous avons

constaté que les 24 863'43 dollars, émis en obligations, auraient pu rapporter à son

créancier pas moins de 3 978,15 dollars en intérêt. Les créances obligataires

représentaient, pour le marchand, une source de revenu facilement accessible. Les

marchands d7Arthabaska ne manquèrent donc pas d'acquérir, par acte de transport de

créances, des dettes contractées par des individus envers d'autres créanciers.

Tableau 2.1 1

Nombre et valeur des créances transportées aux marchands d' Arthabaska

393,90 James Goodhue Georges Gendreau Louis-Ovide Pépin

Nombre Valeur tement

Billets prom issoires

Raisons de I'ende Autres

*Sur les 113 créances, 89 proviennent d'un acte concernant la vente de l'actif et du passif de la Société Permanente de Constmction du district d7Arthabaska à Louis-Ovide Pépin et une autre créance, d'une vente de faillite du marchand Auguste Dubuc de Victoriaville. Pour cette dernière, nous connaissons seulement le montant de l'achat et non le nombre et la valeur des créances transportées à Louis-Ovide Pépin. ANQTR, minutes Louis Rainvilie, no 4488, acte de vente du 1883-0 1-02 et ANQTR, minutes Louis Rainville, no 1398, acte de vente du 1873-1 1-29

Acte de Transport

2

1 3

Acte de vente

1 8 4 28 4 1

Sources : 45 actes de transport et deux actes de vente.

Obligation

1

1 63 65

7 k 0 ~ e le souligne Claude Pronovost, l'intérêt annuel perçu par le marchand prend << [. . .] l'allure d'une rente D. Claude Pronovost, L 'économie marchande ..., p. 116.

Page 94: Jean-Alexandre Charland

3.7. Les hypothèques et les auittances d'obligations -

Afin d'assurer le remboursement des dettes, le marchand prenait soin d'intégrer,

dans chaque obligation, une clause hypothécaire. Dans la majorité des cas, les débiteurs

mettaient en garantie des terres et d'autres biens qu'ils possédaient. Pour le marchand, ces

clauses représentaient un moyen sûr de recouvrer les sommes dues. Ainsi, en cas de non

respect des engagements de la part du débiteur, le marchand pouvait légalement saisir les

divers biens hypothéqués. Toutefois, lorsque l'engagement était respecté, le débiteur était

libéré de son contrat par un acte appelé « quittance d'obligations D.

La quittance est un acte écrit par lequel un créancier recomaît que le débiteur a

acquitté sa dette. Parallèlement à l'analyse des actes obligataires, l'étude de ces

documents permet de savoir si les débiteurs ont respecté les temes de leur engagement.

À travers les greffes des notaires d9Arthabaska, nous n'avons retracé que 38

quittances sur les 146 obligations émises. Comme le souligne Claude Pronovost, la

difficulté pour le chercheur de répertorier ce document, en raison de sa rareté, semble

indiquer que les créanciers émettaient eux-mêmes leur propre quittance afin d'éviter

d'avoir recours, une seconde fois, au service d'un notaire et ce, dans le dessein

d' épargner de 1' argent7g.

Parmi les 38 quittances d'obligations retrouvées, un peu plus de la moitié, soit

précisément 2 1, avaient été émises après Ia date d'échéance établie par le créancier. Les

79 Claude Pronovost, L 'économie marchande ..., p. 122.

Page 95: Jean-Alexandre Charland

retards rencontrés variaient entre deux semaines et neuf ans. Au seul examen de ces

quelques actes, il nous est impossible d'établir un constat précis sur ce sujet.

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons fait ressortir les éléments les plus probants qui

caractérisent la pratique commerciale de l'élite marchande d'Arthabaska, Comme nous

l'avons démontré, les marchands demeurent, dans la deuxième moitié du XIXième siècle,

d'importants diffuseurs de produits de tous genres. De par sa situation géographique et

ses services offerts à travers ses multiples institutions, le village d'Arthabaska

représentait, pour les marchands, un lieu propice au développement d'activités

commerciales.

Afin d'augmenter leurs bénéfices et d'élargir leur champ d'action dans le secteur

du commerce au détail, les marchands n'hésitèrent pas à conclure des ententes menant a

la formation de sociétés commerciales dont le but principal visait a établir de nouveaux

comptoirs de vente dans les paroisses et villages avoisinants. En raison des limites de nos

sources, il nous fut impossible d'établir la position qu'occupait l'élite marchande

d'Arthabaska par rapport aux autres classes de la société villageoise. Cependant, nous

avons démontré que ce groupe dominait le secteur économique du village.

Quant au prêt à intérêt, nous avons su démontrer l'ampleur de cette pratique au

sein de l'élite marchande d'Arthabaska. Dans la troisième et dernière partie de notre

Page 96: Jean-Alexandre Charland

étude, nous verrons que les marchands d'Arthabaska fûrent également actifs dans les

secteurs de la vie économique, sociale, religieuse et politique de leur milieu.

Page 97: Jean-Alexandre Charland

CHAPITRE III : LES INTERVENTIONS MARCHANDES HORS DU COMMERCE AU DÉTAIL ET DU CRÉDIT

Après avoir cerné la pratique commerciale de l'élite marchande d'Arthabaska,

intéressons-nous à ses incursions hors du commerce au détail. Ce troisième et dernier

chapitre se divise en deux grandes parties. La première consiste à mettre en lumière la

participation des marchands Adolphus Stein, James Goodhue, Georges Gendreau et

Louis-Ovide Pépin à des activités économiques parallèles, associées à l'exploitation

forestiére, aux transports, de même qu'aux secteurs minier et foncier. Dans la seconde et

dernière section, nous étudierons les interventions sociales et professionnelles de ces

quatre marchands au sein du milieu villageois. Plus précisément, nous analyserons Ies

diverses charges municipales occupées par ce groupe et nous lèverons le voile sur leurs

gestes et actions ayant eu une certaine influence sur le développement d'Arthabaska.

Cette partie nous permettra, en fait, de mieux apprécier les moyens utilisés par cette élite

pour orienter le développement de son milieu et acquérir une certaine reconnaissance

sociale.

1. Les activités éconorniaues hors du commerce au détail

1.1. Le secteur forestier

L'analyse de différents actes notariés signés par l'élite marchande d'hthabaska,

montre que, parallèlement au commerce au détail, certains marchands se sont intéressés à

d'autres secteurs de l'économie locale. L'exploitation des ressources forestières fait, entre

autres, partie de ces activités auxquelles certains marchands ont consacré temps et argent.

Page 98: Jean-Alexandre Charland

Avant de présenter les résultats de notre analyse, nous pensons qu'il est nécessaire

d'expliquer brièvement les facteurs qui ont motivé l'émergence de cette économie

forestière. Soulignons d'abord que les Bois-Francs représentaient un territoire

relativement favorable à l'éclosion de cette industrie en raison de l'abondance de leurs

ressources forestières. La quantité et la qualité des essences représentaient donc un

premier élément favorisant le développement forestier. Comme autre facteur

d'importance, soulignons l'abondance, sur le plan local, d'une main-d'œuvre à bon

marché, généralement composée d'agriculteurs locaux et de journaliers. À ces deux

éléments de base, ajoutons un troisième facteur tout aussi déterminant, l'importance de la

demande locale pour les produits forestiers (construction des chemins de fer). Tout était

donc en place pour que se développe, sur le temtoire des Bois-Francs, une industrie

forestière'.

Selon la quantité d'actes amassés, Adolphus Stein semble être le marchand qui a

le plus œuvré dans le secteur forestier. Nous avons répertorié 71 actes concernant des

coupes de billes de bois entre 1857 et 1859. La concentration temporelle de ces contrats

laisse sous-entendre que Stein s'était probablement engagé à fournir, dans un délai précis,

une quantité << x D de bois. En examinant d'autres contrats signés par Stein, il est fort

plausible que ces billots aient servi à la construction de la ligne du chemin de fer Trois-

Rivières- Arthabaska.

I Comparativement à l'indusme forestière du Saguenay, du Lac Saint-Jean, de la Mauricie et de I'Ouiaouais, celle des Bois-Francs était cependant beaucoup moins développée.

Page 99: Jean-Alexandre Charland

Pour mener à bien ses entreprises, Adolphus Stein faisait appel aux cultivateurs

locaux. C'est par contrats notariés que ces petits entrepreneurs s'engageaient à lui

<< faire, fournir et livrer D une quantité de bois préalablement établie'. Les billes expédiées

à Arthabaska provenaient de chantiers situés dans les cantons de Tingwick, de Chester,

de Ham et de Wolfestown. Afin de rencontrer les exigences du marché, les billots coupés

devaient obligatoirement être a [. . .] sains, droits, sans gros nœuds, craques ni gerçures

[. . .] n3. E.n coopération avec l'entrepreneur, une inspection des billes devait être effectuée

sur une jetée le long de la rivière Nicolet, là où le bois avait préalablement été cordé, en

prévision de sa mise à l'eau dès la fonte des glaces au printemps4. Afin de protéger ses

investissements, Stein faisait inclure, dans chacun des contrats, une clause de propriété et

de responsabilité5.

Dans leur ensemble, les marchés signés par Stein représentaient un total de 84 075

billots d'épinette blanche, 125 bilIots de noyer tendre, 125 billots de bois blanc et 6 000

pieds cube de merisier rouge en plançons et en pièces équarris. Les prix octroyés pour

l'épinette blanche variaient entre 15 dollars et 24 dollars tes 100 billots. Quant au noyer,

au bois blanc et au merisier, leur valeur se distribuait comme ceci : approximativement

48 dollars pour 100 billots de noyer, 48 dollars pour 1 000 pieds cube de merisier et 40

' Parmi les cultivateurs, 22 provenaient de la paroisse de Saint-Christophe d'Arthabaska, 19 du canton et de la paroisse de Saint-Paul de Chester, 17 du canton de Ham, 3 du canton de Tingwick, 3 de la paroisse de Saint-Norbert d'Arthabaska, 2 de la paroisse de Saint-Eusèbe de Stanfold, 1 du canton de Warwick, 1 du canton de Wolfestown et 1 de St-Pierre-les-Becquets, En ce qui concerne les 3 autres cultivateurs, nous ne comaissons pas leur provenance géographique.

ANQTR, minutes Théophile Côté, no 483, marché de billots du 1857-10-10. 4 Cette action devait être faite rapidement sous peine de dommages et intérêts.

<< Il est expressément convenu que tous les billots seront la propriété de A. Stein aussitôt qu'ils seront coupés sans que personne n'y puisse prétendre aucun droit et que cependant ils demeureront aux risques périls et fortune de l'entrepreneur nonobstant la possession susdite jusqu'à ce qu'ils aient été livrés, jetés a l'eau et reçus par A. Stein D. ANQTR, minutes ThSophiie Côté, no 483, marché de billots du 1857-10-10.

Page 100: Jean-Alexandre Charland

dollars pour 100 billots de bois blanc. La disparité du prix de l'épinette blanche que nous

avons relevée ne semble pas directement liée à la qualité des billots fournis par les

entrepreneurs, mais paraît plutôt dictée par la question du partage des frais de coupe et de

l'approvisionnement en bois. Dans certains cas, l'entrepreneur s 'engageait à foumir, à ses

fiais, la coupe ou le bois, parfois même les deux, alors que dans d'autres circonstances,

Stein s'obligeait à livrer à son entrepreneur, soit la coupe ou la matière première. Pour

notre étude, cette information revêt un grand intérêt, car elle laisse sous-entendre

qu7Adolphus Stein possédait des droits de coupe dans certains cantons des ois-~rancs~.

Comme son confière, James Goodhue a également œuvré dans le secteur forestier.

Toutefois, en raison du nombre limité d'actes, il est extrêmement difficile de mesurer

concrètement son implication dans le domaine7. Le premier contrat que nous avons relevé

concernait la livraison de 6 000 billots d'épinette et de pin a un dénommé Pierre

Beauchemin de Ia paroisse de Bécancour. Cette transaction était évaluée à un montant

total de 388 dollars8. Par l'entremise de sa société marchande établie à Warwick,

Goodhue avait signé, le 18 janvier 1862, un contrat avec la division Est de la compagnie

du Grand Tronc. Cette transaction consistait en la fabrication et livraison, le long de la

ligne du chemin de fer entre Somerset et Richmond, de 20 000 perches et 8 000 piquets

de cèdres9. En ce qui concerne les trois autres marchés, ils consistaient en la livraison

6 Un acte signé le 20 novembre 1860 vient tout à fait appuyer nos dires. Le 26 septembre 1860, Stein avait acheté en son nom et en celui de Richard Moorson Harrison (Stein agissait comme procureur pour ce commerçant de bois de la cité de Québec), des droits de coupes de bois sur certains lots du canton de Warwick. Dans cet acte, on apprend que Stein possédait également un bureau a la station du chemin de fer &Arthabaska. ANQTR, minutes Théophile Côté, no 10 14, acte de sommation du 1860- 1 1-20. 7 En tout, nous avons recensé seulement cinq actes concernant ce sujet- ' ANQTR, minutes Théophile Côté, no 371, marché du 1856-1 1-15. 9 ANQTR, minutes Théophile Côté, no 1284, marché du 1862-0 1- 18.

Page 101: Jean-Alexandre Charland

d'une quantité totale de 35 cordes d'écorces de pruche destinées à la Miller's Extract cf Bark Association située à la station du chemin de fer d7~rthabaska10.

Parallèlement à ses activités à titre de Zumber dealer, Goodhue avait également

porté un intérêt marqué à la transformation de la cendre". Entre 1859 et 1868, il avait

acheté au moins quatre terrains munis d'une potasserie ou d'une perlasserie. Ainsi, il est

bien possible que Goodhue ait exploité, pendant une certaine période, ces quatre

établissements destinés à la fabrication de la potasse et de la perlasse". Soulignons que

Goodhue ne fut pas le seul marchand impliqué dans ce secteur. Nous pouvons citer

Adolphus Stein qui avait opéré au moins deux de ces infrastructures, dont une annexée à

son magasin d'Arthabaska et l'autre à son commerce de Saint-Paul-de-Chester.

Quant à Georges Gendreau et à Louis-Ovide Pépin, aucun document ne laisse

entrevoir l'intérêt de ces marchands pour le domaine forestier. Georges Gendreau s'était

quand même intéressé à un secteur connexe en s'associant, en janvier 1867, à deux

menuisiers d'Arthabaska et a un cultivateur de Saint-Paul-de-Chester, pour l'exploitation

d'un pouvoir d'eau sur l'une des branches de la rivière Nicolet. La société Gendreau

[O A N Q m minutes Théophile CôtS, no 2636, acte de marché du 1868-06-16, ANQTR, minutes Théophile Côté, no 2639, acte de marché du 1868-06-18, ANQTR, minutes Théophile Côté, no 2659, acte de marché du 1868-07-28. Le but premier de cette entreprise résidait dans Ia transformation de l'écorce de pruche en tanin, substance utilisée dans le secteur des tanneries. Claude Raymond et al., Récit d'une vieille gare jamais oubliée, Victoriaville, Éditions Claude Raymond, 2000, p. 147. 11 Dans le Eastern Townships Gazetteer de 1867, James Goodhue est identifié comme conseiller, juge de paix, marchand général, manufacturier de cendre et comme agent d'une compagnie d'assurance. Dans le Lovell S Gazetteer de 1871, James Goodhue cumulait les titres de maître de poste, de maire, de dealer in drjl goods, grocet-ies, provisions, hardware, manufacturier de perlasse et agent de la Equirable Life Insurance Co. Dans le Eastern Townships Gazetteer de 1875-1876, il est identifié comme marchand général, marchand de bois, vice-président de la société de construction et agent de la Sherbrooke Mutual Insurance Co. " À ces trois établissements, nous avons ajouté la perlasserie achetée par Goodhue à Jean-Baptiste Provencher, marchand des Pointes Beaudet. Claude Raymond et al., Récit d'une vieille gare ... , p. 101.

Page 102: Jean-Alexandre Charland

Couillard et Cie prévoyait la construction et la mise en opération d'un moulin à scie. il

avait été entendu que la mise de fonds serait répartie en quatre actions de 250 dollars

chacune. Il est intéressant de souligner que le mode de paiement n'était pas le même pour

tous les associés. À part Gendreau qui devait fournir le 250 dollars en liquide, les autres

associés devaient, selon l'avancement du projet, fournir en échange travail et matériaux.

Pour un meilleur contrôle de la société, nul ne pouvait vendre ses droits à un étranger

sans préalablement l ' o f i à ses associés13. Pour des raisons inconnues, le 16 août 1867,

Gendreau céda ses parts à ses partenaires pour une somme de 300 dollars14.

Quant à Louis-Ovide Pépin, il avait acheté en 1875, pour une somme de 700

dollars, la moitié indivisible du moulin à scie dans lequel Gendreau s'était impliqué15.

Cette vente incluait également des droits sur un pouvoir d'eau et sur des bâtisses et des

outils servant à la fabrication de barils. Quatre jours après cette acquisition, Pépin

revendit ses parts à Thomas Baril, propriétaire de rnoulin16.

1.2. Le secteur des trans~orts

La construction du chemin de fer Québec-Richmond avait attiré l'attention des

hommes d'affaires de la région. Par intérêt financier, les marchands Adolphus Stein et

James Goodhue s'étaient impliqués dans le projet en devenant les plus importants

actionnaires du canton d' Arthabaska. Plus concrètement, nous avons relevé, à l'intérieur

-- --

l 3 ANQTR, minutes Théophile Côté, no 2274, acte de société du 1867-01-07. 14 ANQTR, minutes Théophile Côté, no 2486, acte de vente du 1867-08-16. I5 ANQTR, minutes Théophile Côté, no 4797, acte de vente du 1875- 1 1-1 8. 16 ANQTR, minutes Théophile Côté, no 4808, acte de vente du 1875-1 1-22.

Page 103: Jean-Alexandre Charland

des archives notariales, quelques actes dévoilant l'implication de Goodhue et de Stein

dans le développement du réseau ferroviaire des Bois-Francs.

À travers un acte de dissolution de société (1855)' nous avons appris que les

marchands Stein et Goodhue avaient participé, à titre de sous-traitants, à la construction

de la ligne Quebec and Richmond Railway. La société qu'ils avaient formée avait pour

but premier de fournir des matériaux et d'exécuter certains marchés pour messieurs

Jackson, Peto, Betts et ~ i e " . Malheureusement, les informations divulguées par cet acte

ne permettent pas d'évaluer l'ampleur des travaux exécutés.

L'expertise acquise par Stein lors de la construction de la ligne Québec-Richmond

l'avait certainement aidé à obtenir de nouveaux contrats pour la réalisation du chemin de

fer Arthabaska-Trois-Rivières. Le 1 9 septembre 1 8 59, Adolphus Stein signait une entente

avec les entrepreneurs Perreault de Saint-Christophe d9Arthabaska pour faire ouvrir, sur

une distance de deux milles et sur une largeur de cent pieds, un chemin destiné a la future

voie fmée. À raison de 300 dollars par mille dégagé, les entrepreneurs se devaient, sous

la direction d'un ingénieur, de couper les arbres et de brûler les branchagesls.

Dans la même journée, une seconde entente fut également concliie entre les deux

parties. Cette fois-ci, le marché consistait au nivellement de la terre et au dépôt, le long

de la voie, de 5000 sleepers D de pmche et d'épinette. Le tout devait être mené à bien

" ANQTR, minutes Théophile Côté, no 253, acte de dissolution de société du 1 855-1 1 - 19. 18 Les arbres qui se trouvaient au centre de la voie, soit sur une largeur de 18 pieds, devaient être déracinés à la demande de l'ingénieur. Les autres étaient seulement coupés à 6 pouces du sol.

Page 104: Jean-Alexandre Charland

pour 15 sous la verge de a grading >> et pour 9 dollars du 100 dormants fournisi9. Le 5

octobre 1859, Stein signa un autre contrat avec un dénommé Charles Roy pour effectuer

du nivelage sur une distance de plus ou moins un mille2*. À notre avis, cette embauche

pourrait être à l'origine du conflit qui éclata entre Stein et les entrepreneurs Perreault. Le

7 janvier 1860, deux protêts firent rédigés à l'endroit dYAdolphus Stein. Les Perreault

reprochaient au marchand de ne pas avoir respecté la distance de 2 milles, tel que stipulé

dans les contrats. Refusant de s'y conformer, les entrepreneurs réclamèrent la distance

manquante, soit 314 de mille, de même qu'un dédommagement financier en raison du

nombre d'hommes qu'ils avaient préalablement embauchés pour faire l'ouvragex.

Quelques semaines plus tard, Stein, à son tour, déposa deux protêts aux entrepreneurs

Perreault pour avoir interrompu les travaux et refusé de les terminer. Stein s'engageait

donc a entreprendre des procédures en dommages et intérêts. On ignore cependant quelle

fiit l'issue fuiale de cette affaire.

1.3. Le secteur minier

Vers 1860, la découverte de gisements de cuivre dans les cantons de Ham et de

Warwick avait généré un engouement chez les hommes d'affaires locaux. Nombre

d'entre eux n'hésitèrent pas à investir dans des sociétés destinées à la prospection et à

l'extraction de ce minerai. Parmi ces investisseurs, nous retrouvons les marchands

d' Arthabaska, James Goodhue et Adolphus Stein.

19 ANQTR, minutes Augustin Defoy, no 2123, acte de marché du 1859-09-19. 20 ANQTR, minutes Augustin Defoy, no 2128, acte de marché du 1859-10-05. " ANQTR, minutes Augustin Defoy, no 22 1 5 et 22 16, actes de protêt du 1 860-0 1-07.

Page 105: Jean-Alexandre Charland

Attirés par le potentiel financier de cette nouvelle industrie, Adolphus Stein et

James Goodhue ne manquèrent pas de participer à la mise sur pied de la Compagnie des

mines du Lac Nicolet. Créée en 1860 et financée en grande partie par des intérêts

l o c a ~ x ~ , cette société avait pour but l'exploration et l'exploitation de tout minerai se

trouvant sur les lots 21 et 22 du canton de ~ a r n ~ ~ . Il semble bien que ce projet fut, dans

une certaine mesure, viable, car en 1863, la compagnie décida d'acheter du

gouvernement, les droits légaux des terraid4.

L'intérêt de James Goodhue dans le secteur minier ne se limita pas uniquement à

la Compagnie des mines du Lac Nicolet. Il fit également l'acquisition de droits

d'exploration et de parts dans une mine communément appelée « La mine à

Boudreau »? Le 9 août 1860, James Goodhue, Jasper E. Emerson et Richard Moorson

Harrison achetèrent des cultivateurs Pieme Boudreau et Narcisse Themen, pour la somme

de 20 dollars, les droits d'exploration et d'exploitation de cette hture mine sise sur les

lots 26 et 27 du 4ihe rang du canton de am? Par un acte de cession de Calixte

" Parmi les autres sociétaires nous retrouvions Julien Demers, marchand de Victoriaville ; Noël Athanase Beaude t et Philip Salmon, marchands d' Arthabas ka ; Théophile Côté, notaire d7Arthabaska ; Jasper E. Emerson, marchand de Saint-Paul-de-Chester ; Clément Themien, négociant de Warwick ; Richard Moorson Harisson, commerçant de bois de Québec ; Thomas Hunter de Québec ; Bernard Garneau, cultivateur de Warwick ; Joseph Garneau et Joseph Lavigne, cuItivateurs d' Arthabaska ; Michel Pomerleau et Augustin Nadeau, cultivateurs de Ham-Sud et prûpriétaires en tant que squatters des lots 21 et 22 du canton de Ham sur lesquels la société avait acheté les droits d'exploitation. Il semble que la Compagnie des mines du Lac Nicolet soit à l'origine de la South Ham Antimony Mining Company mentionnée dans le Eastern Townships Gazetteer de 1867. 73 Techniquement, tous les associés devaient participer à parts égales dans 17exploration et 17expIoitation de la mine. Les profits générés devaient donc être équitablement répartis entre les actionnaires. ANQTR, minutes Augustin Defoy, no 2373, acte de société du 1860-07-28. '' ANQTR, minutes Augustin Defoy, no 3168, acte de procuration du 1863-04-20. Nous n'avons pas retrouvé d'autres actes au sujet de cette mine. " Nom faisant référence au propriétaire des terres. '' Cette transaction incluait également les droits d'exploitation sur les lots 9, 10 et 11 du canton de Wolfestown. ANQTR, minutes Théophile Côté, no 947, acte de vente du 1860-08-09.

Page 106: Jean-Alexandre Charland

Provencher (cultivateur du canton de Ham), ce même groupe se porta acquéreur de

nouveaux droits d'exploitation sur des terres adjacentes. En échange de ses droits,

Provencher devint, au même titre que Boudreau et Themen, un membre actif de la

société". La vente et la cession de droits d'exploitation permettaient aux cultivateurs de

mettre à profit leur terre, mais surtout d'adhérer à ces sociétés minières.

Individuellement et par l'entremise de sa société marchande Goodhue & Salmon,

James Goodhue cumula, entre 1860 et 1872, au moins 20 parts dans la mine à Boudreau

et 3 parts dans une autre association prospectant dans le canton de ~a rwick '~ . Entre 1862

et 1865, la société Goodhue & Salmon devint également propriétaire des terrains de la

dite mine à ~oudreau'~.

Depuis son ouverture, la mine a Boudreau n'avait cessé de progresser. De 6

actions en 1860, elle était passée à 96 en 1863. Cet important développement fut sans

doute dû à la prise en charge de la mine par des investisseurs de I'extérieur de la région.

Le 13 octobre 1869, par une procuration spéciale faite à la demande de Richard William

Heneker (exploiteur en chef de la mine) et des actionnaires, James Goodhue s'engageait à

vendre, au cours de l'année, à Patrick M. Partridge, courtier de la ville de Québec, tous

les terrains, bâtisses, machines et outils servant à l'exploitation de cette mine de cuivre

" ANQTR, minutes Théophile Côté, no 961, acte de cession du 1860-08-30. '' ANQTR, minutes Théophile Côté, no 1658, acte de vente du 1863-07-25, ANQTEI, minutes de Théophile Côté, no 1 163, acte de vente du 1863-08-03, ANQTR, Théophile Côté, no 1664, acte de vente du 1863-08- 03, ANQTR, minutes Théophile Côté, no 2029, acte de vente du 1865-03-14, ANQTR, minutes Théophile Côté, no 2030, acte de vente du 1865-03-18, ANQTR, minutes de Louis Rainville, no 1067, acte de vente du 1872-10-1. '9 ANQTR, minutes Théophile Côté, no 13 15, acte de vente du 1862-03-28 et ANQTR, minutes Théophile Côté, no 2030, acte de vente du 1865-03-18. A cette époque, la mine était exploitée par Richard William Heneker, écuyer de Sherbrooke,

Page 107: Jean-Alexandre Charland

maintenant appelée The H a m Copper ~ i n e ~ ' . Le tout était évalué à une somme totale de

3 500 dollars3'.

Addphus Stein, acheta, lui aussi, des droits dans la mine à ~oudreau~'.

Cependant, la majorité des actes que nous avons retrouvés, concernaient l'achat de parts

au nom de sa femme. En vertu d'une procuration spéciale, elle avait autorisé son mari a

acheter, en son nom, des actions dans des sociétés minières telle la Compagnie des mines

de Hunter également située dans le canton de ~ a r n ~ ~ .

1.4. Le domaine foncier

L'achat et la vente de terrains font partie intégrante des pratiques commerciales

des marchands. Sans l'apport des inventaires après décès, il est extrêmement difficile de

préciser si l'élite marchande dyArt\abaska a œuvré dans ce domaine dans l'unique

intention de se constituer un important patrimoine foncier. Pour l'analyse de cette

question, nous ne disposons que des renseignements fournis par les différents actes de

vente et d'achat que nous avons recensés entre 1 853 et 1 890.

--

'O Il semble bien, à preuve du contraire, que la Ham Copper Mine fait ici référence à la mine à Boudreau. '' ANQTR, minutes Théophile Côté, no 2876, acte de promesse de vente du 1869-10-13. '"QTR, minutes Théophile Côté, no 1032, acte de vente du 1860- 12- 18 et ANQTR, minutes Théophile Côté, no 1205, acte de vente du 1861-09- 11. 33 Panni les sociétaires de cette mine de cuivre, nous retrouvons Louis Foisy, marchand de Victoriaville, Thomas Hunter, teneur de livre de Victoriaville, Godfroy Nadeau, Pascal Guertin et Louis Guertin, cultivateurs du canton de Ham et Hubert Guertin, cultivateur de la paroisse de Saint-Norbert d'kthabaska. ANQTR, minutes Théophile Côté, no 1173, acte de société du 1861-07-17.

Page 108: Jean-Alexandre Charland

Le tableau 3.1 présente les acquisitions foncières des marchands Adolphus Stein,

James Goodhue, Georges Gendreau et Louis-Ovide Pépin. En examinant ce tableau, nous

constatons qu'aucun d'entre eux n'accorde la même importance à cette activité. De plus,

il est fort intéressant de noter que tous ces marchands manifestèrent un intérêt marqué

pour les terres et emplacements faisant partie du village d7Arthabaska et de ses

environs34. Selon nous, cette pratique relève d'une activité commerciale de nature

spéculative. Pour appuyer nos dires, faisons référence au cas du marchand Louis-Ovide

Pépin. Ce dernier avait acheté, en 1876, pour une valeur de 1800 dollars, deux quarts de

lots de terre situés, en partie, dans le village d'hthabaska. En revendant ces terrains en

plusieurs parcelles, Pépin retira un profit net d'au moins 571 dollars35. Cette activité

foncière s'avéra profitable.

Tableau 3.1

Nombre de terres et d'emplacements acquis par l'élite marchande dYArthabaska entre 1853 et 1890

Sources : Archives notariales.

Adotphus Stein James Goodhue Georges Gendreau Louis-Ovide Pépin Total

5-4 Cette situation est également observable chez les marchands de Terrebonne. Claude Pronovost, L 'économiz marchande au Bas-Canada : Le bourg de Terrebonne dans la première moitié du XLXe siècle, mémoire de maîtrise, Université de Montréal, 1988, p. 83. 35 ANQTR, minutes de Théophile Côté, no 4899, acte de vente du 1876-01-28.

al V)

11 32

22 73

1 11

8 5 2 13 3 0

3 8

13

6

8

4

2 2 2 6

2

1

5

3

1 4

2

2

1

1

1

1 1 1

1 1

1

1

Page 109: Jean-Alexandre Charland

Outre ces achats pour f i s de spéculation, il se peut que certaines de ces

transactions aient été conclues dans le but d'éponger des dettes contractées par les

débiteurs envers leurs créanciers (marchands). Ces ventes forcées demeurent cependant

très difficiles à cerner en raison du manque de précision de nos sources36.

En ce qui a trait aux 39 terres et emplacements dont nous connaissons avec

exactitude la date d'achat et de revente, nous avons calculé qu'ils étaient demeurés en

moyenne 3,7 ans en possession du marchand3'. Ce chiffre laisse donc croire que le

domaine foncier représentait, en partie, un investissement d'assez courte durée. Donc, si

nous nous fions a cette observation et au nombre d'acquisitions foncières décrites dans

l'acte de déclaration de décès de George Gendreau (voir pages 49 et 50), l'accumulation

d'un patrimoine foncier ne semblait pas l'objectif premier de cette élite marchande3*.

Outre les bénéfices faits sur la vente, les marchands possédaient également

d'autres options pour tirer profit de leurs acquisitions. Parmi ces moyens, nous retrouvons

les baux à loyer et les baux à ferme. Dans nos documerits, le bail à loyer faisait, entre

36 Pour le Bas-Canada, Claude Pronovost a révélé que ces achats de terres << 1.. .] ne se [faisaient] pas systématiquement au détriment d'une clientèle endettée et incapable de rencontrer ses obIigations ». Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande en milieu nrral(1720-1840), Sainte-Foy, Les Presses de l'université Laval, 1998, p. 196. << En effet, les ventes de terres et d'emplacement trouvées dans les greffes de notaires de la région indiquent qu'à peine 5% des propriétés foncières acquises par Ies marchands sont favorisées par des dettes contractées antérieurement par le vendeur envers l'acheteur B. Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande ..., p. 185. Comme le souligne Claude Pronovost, en raison de la richesse limitée de sa clientèle, le marchand se doit d'être plutôt conciliant afin de ne pas mettre certains de ses clients sur la paille, en leur retirant leur principale source de revenu soit la terre. La saisie ne s'avère donc pas, pour le marchand, le meilleur moyen de préserver sa clientèle. Si cette dernière se sent trop oppressée par le marchand, elle peut facilement aller chercher du crédit chez un autre commerçant. Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande ..., p. 186. 37 La plus longue durée représentait 12 ans et la plus courte, moins d'un mois. 38 Lise St-Georges a observé la même situation au sujet de la communauté marchande du village de l'Assomption. Lise St-Georges, Le viIlage de l'Assomption, 1748-1 791, mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal, 1984, p. 123.

Page 110: Jean-Alexandre Charland

autres, référence à la location d'un emplacement avec maison, et le bail à ferme, à une

terre et aux autres bâtiments propices au fermage39. La grande différence entre les deux

types de location tient au fait que le bail à loyer était signé en échange d'un certain

montant d'argent, alors que le bail à f m e était fait en échange d'une part des produits

tirés des récoltes et de l'affermage d'animaux. En raison du peu d'actes retracés, il

semble que cette pratique ne fut pas très populaire40.

Comme nous avons pu le constater, la réussite financière de ces marchands ne

passait pas uniquement par le commerce au détail. Il va sans dire que ces divers champs

d'activités représentaient, pour ces hommes d'affaires, d' autres sources appréciables de

revenus. Quant à l'implication de chacun dans ces différents secteurs de l'économie

locale, nous avons pu remarquer une divergence assez importante. La participation accrue

des marchands Adolphus Stein et James Goodhue peut sans doute s'expliquer par la date

de leur établissement sur le temtoire ainsi que par le stade embryonnaire du

développement local. Arrivés plus tôt à Arthabaska, ces deux marchands s'étaient

installés dans un milieu passablement désorganisé où tout était à faire et à mettre sur pied.

Stein et Goodhue jouissaient donc d'une certaine liberté d'entreprise, contrairement à

Gendreau et Pépin qui s'étaient amenés à une époque où cette localité avait atteint un

certain niveau d'organisation et de développement économique et institutionnel. Cette

39 Comme ce Tut le cas pour Adolphus Stein, Georges Gendreau et James Goodhue, le marchand rural possédait au moins une exploitation agricole dont il pouvait tirer profit. Cette dernière pouvait être baillée à ferme à un cdtivateur ou opérée par un fils. 'O Adolphus Stein : ANQTR, minutes Théophile Côté, no 2302, acte de bail à ferme du 1860-04-27. Georges Gendreau : ANQTR, minutes Théophile Côté, no 9517, acte de bail à loyer du 1889-05-15 ; ANQTR minutes Louis Rainville, no 3828, acte de bail à loyer du 1881-03-15 ; ANQTR, minutes Louis Rainville, no 5282, acte de bail à loyer du 1885-04-02 ; ANQTR, minutes Augustin Defoy, no 2971, acte de bail à ferme du 1862-10-03. Louis-Ovide Pépin : ANQTR, minutes Louis Rainville, no 4798, acte de bail à loyer du 1883-1 1-23.

Page 111: Jean-Alexandre Charland

situation laisse donc croire que pour ces deux derniers marchands, les possibilités

d'affaires étaient sans doute plus limitées.

Dans la partie suivante, nous allons voir que les interventions marchandes, hors du

commerce au détail, ne se limitaient pas uniquement à ces activités purement financières.

La quête de pouvoir et de reconnaissance sociale poussa l'élite marchande dYArthabaska

à s'immiscer dans l'organisation municipale du village.

2. Les interventions marchandes dans le domaine villageois

2.1 Les charees ~ubliaues

Le monopole exercé par l'élite locale sur les charges municipales et scolaires

représente une constante dans f'histoire du développement administratif des villages au

Québec. Le cas dYArthabaska en est un exemple des plus frappants. Attirés par le

prestige, par les avantages financiers et par les pouvoirs émanant de ces postes, Adolphus

Stein, James Goodhue, Georges Gendreau et Louis-Ovide Pépin se partagèrent, avec les

autres notables d'Arthabaska, la gouverne et la destinée du village.

Au municipal, les diverses charges à combler se résument principalement aux

postes de maire, de conseillers municipaux et de secrétaire-trésorier. En ce qui à trait à

structure administrative scolaire, elle ressemble, à tous les niveaux, à cette première. À la

tête de l'organisation, nous retrouvons le Président de la Commission scolaire, puis les

Page 112: Jean-Alexandre Charland

commissaires et le secrétaire-trésorier- Grâce aux renseignements fournis par les

biographies et les résumés des séances du Conseil municipal et scolaire publiés par

Alcide Fleury, nous sommes en mesure de présenter un portrait assez précis des

différentes charges publiques occupées par l'élite marchande d7~rthabaska4'.

Comme nous pouvons le voir au tableau 3.2, l'élite marchande dyArthabaska

portait un intérêt majeur pour ces charges administratives. À un moment ou à un autre de

leur carrière, tous les marchands siégèrent a la tête du Conseil municipal. Adolphus Stein

est sans contredit celui qui a le plus longtemps occupé la fonction de maire : 3 ans a la

municipalité de Saint-Christophe et 11 ans au sein du village dY~rthabaska4*.

Nécessairement, tous ces individus fixent aussi conseillers municipaux, car 1' on

choisissait le maire parmi ce groupe Soulignons également qu7Adolphus Stein,

James Goodhue, Georges Gendreau et Louis-Ovide Pépin occupèrent, au moins une fois,

le titre de Préfet du comté4?. Dans le domaine scolaire, il semble bien que Louis-Ovide

Pépin ait été celui, parmi les quatre marchands, qui prit la part la plus active au sein de

4i Précisons que ces résumés ne contiennent pas toutes les séances du Conseil du village et de la Commission scolaire d'Arthabaska depuis leur formation. Les documents ne sont .uniquement disponiiles qu'à partir de 1878, car avant cette date, les livres de délibérations « [. . .] ont été égarés ou détruits [. . .] ». Alcide Fleury, Arthabaska. capitale des Bois-Francs, Arthabaska, Imprimerie d'Athabaska, 196 1, p. 13. En raison de cette lacune, nous avons décidé, pour cette partie, d'étirer noue limite temporelle au-delà de 1890. Nous avons donc consulté les résumés des séances de 1878 à 190 1, année de la mort de notre dernier marchand, Louis-Ovide Pépin. Quant a m résumés des séances du Conseil de la municipalité de Saint- Christophe, nous avons examiné les séances de 1856, date de la formation du Conseil municipal à 1858, date de l'incorporation du village donc de la séparation de ce dernier du reste de la paroisse de Saint- Christophe. Pour ce qui est des séances de la Commission scolaire de Saint-Christophe, elles ne sont pas disponïbfes avant 1877. Soulignons également que nous ne sommes pas certain que toutes les réunions passées au Conseil et à la Commission scolaire 8'Arthabaska aient fait l'objet d'un résumé. 4' Adolphus Stein fbt le premier maire de la municipdité de Saint-Christophe et le premier maire du village d'Athabaska. 43 Contrairement à ce qu'indique notre tableau et cela en raison des limites de nos documents, il est fort à parier que les marchands Adolphus Stein et James Goodhue aient occupé des postes de conseillers au sein de ia municipalité du village d'Athabaska. 44 Le préfet du comté était élu parmi tous les maires des municipalités membres du Conseil de Comté.

Page 113: Jean-Alexandre Charland

cette organisation. Ainsi, il fut nommé 6 fois commissaire d'école et deux fois, président

de la Commission scolaire d'Arthabaska Le tableau 3.2 nous a présenté la liste de postes

occupés par l'élite marchande dYArthabaska. Cependant, qu'en est-il des pouvoirs liés à

l'occupation de ces charges ?

Tableau 3.2

Ré~artition des charges municipales et scolaires occupées par I'élite marchande d ' Arthabaska"

1 Domaine municipal

Adolphus Stein

a. En guise de renseignements supplémentaires, voici d'autres charges occupées par l'élite marchande d7Arthabaska : Adolphus Stein, premier président de la Société d'Agriculture d'Aizfiabaska et maître de poste de 1854 à 1861 ; James Goodhue, maître de poste de 1851 à 1854 et de 1865 à 188 1, Claude Raymond et al., Récit d 'une vieille gare ... , p. 47 ; Louis-Ovide Pépin, marguillier en 1877. Alcide Fleury, Arthabaska, capitale.. . , p. 84.

b. Nous avons certains doutes au sujet de l'itendue de cette période où L.O. Pépin fut maire du village d'Artbabaska. II semble également que Pépin fht, à un moment, secrétaire de la Cornmission scolaire de Saint-Christophe. Alcide Fleury, Arthabaska. capitale des ..., p. 208.

1855-1858

Sources : Alcide Fleury, Arthabaska, capitale des ..., p. 12-1 8,79 à 84 et 192 à 193.

Georges Gendreau

Louis-Ovide pépinb

Domaine scolaire

O O

1 854

1 854

al

. p z " g

1858-1 870

1886 1891

9 0;

1 858

1 880 1896-1 898

1 889-1 890 1891 -1 896 1898-1 899

1880,1889 1889,1892 1895,189C

291% " la

a f Q

1861

1 872

1880 1881 1 886

1878,1881 1887.1 890 1 893.1 896

1 899

1855 1862

1870

1880 1 896

1899

Page 114: Jean-Alexandre Charland

2.2. Les ~ouvoirs émanant des charges munici~ales et scolaires

Comme nous l'avons souligné précédemment, les charges municipales et scolaires

procuraient à leurs détenteurs des pouvoirs décisionnels importants. Le monopole de ces

fonctions détenues par l'élite locale représentait une occasion unique de promotion de

leurs idées et de valorisation de leurs intérêts. En examinant les résumés des séances du

Conseil du village et de Ia Commission scolaire d7Arthabaska, nous pouvons mesurer

avec précision l'étendue des pouvoirs dont jouissait l'élite à travers l'occupation active de

ces postes45.

Sur le plan municipal, le maire et ses conseillers opéraient un contrôle sur de

multiples facettes de l'organisation villageoise. Le plus souvent, les résolutions du

Conseil étaient liées au développement même du village soit à la mise en place des

infiastructures municipales et des services à la population46. Le but premier du Conseil

municipal consistait à gérer les finances publiques. Le Conseil s'occupait donc de fixer,

de recevoir et d'utiliser à bon escient, les taxes municipales perçues.

'' Les décisions prises par le Conseil municipal sont le résultat d'ententes entérinées par un groupe de personnes. Ainsi, il est difficile d'associer chacune des réalisations à leur véritable instigateur. En raison de cette diEculté, nous avons, dans cette partie, démontré de façon générale les pouvoirs liés aux charges municipales. Ainsi, les résolutions que nous présentons dans notre étude, n'ont pas toutes été adoptées lorsque les marchands Stein, Goodhue, Gendreau et Pépin occupaient un poste au sein du Conseil. 46 Exemples : séance du 8 août 1884 : K Le conseil exempte de toutes taxes municipales, pour 25 ans, les Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph, qui ont décidé d'ouvrir un hôpital dans la localité >> ; séance du 7 novembre 1892 : « La compagnie de téléphone du comté de Mégantic obtient la permission de poser des poteaux de sa ligne téléphonique dans le village D ; séance du 7 décembre 1896 : << Permission est accordée à Achille Gagnon & Cie, de poser des poteaux dans les mes du village pour y conduire l'électricité >> ; séance du 9 avril 1897 : « Le Conseil passe un contrat de cinq ans avec Achille Gagnon & Cie pour 28 lampes de 32 chandelles, au prix de $20.00 par année >> ; séance du 12 avril 1897 : << Le Conseil offre un bonus de $1,000 aux Frères du Sacré-Cœur pour qu'ils ouvrent un juvénat dans la municipalité D. Alcide Fleury, Arthabaska, capitale. .. , p. 14- 1 7.

Page 115: Jean-Alexandre Charland

Plus concrètement, le Conseil se chargeait, entre autres, de la construction et de

l'entretien des routes et des ponts47, de la séc~r i té~* et de l'hygiène publique49. Il est vrai

que, pour les élus, le secteur de la voirie représentait une charge municipale des plus

délicates, car le développement routier nécessitait l'engagement d'importantes sommes

d'argent. Sur le plan de la sécurité et de I'hygiène, les règlements adoptés visaient

principalement à faire du village « [. . .] un lieu sain et agréable >>M. Bref, un endroit qui

soit à l'image de son statut et de sa classe dirigeante.

Le Conseil municipal d'kthabaska fit également sentir son influence sur le

développement économique d'Arthabaska. Du point de vue commercial, son contrôle

passait par l'établissement du coût du permis de vente d'alcool, ainsi que de leur nombre

dans le villages1. C'est aussi le Conseil qui fixait le prix de la licence commerciale et qui

47 Séance du 16 mai 1882 : « Louis Caron donne une soumission de $1,500 pour bâtir le pont Baril, sur la rivière Nicolet » ; séance du 14 janvier 189 1 : « Le Conseil vote un octroi pour l'empierrement du chemin de Victoriaville » ; séance du 12 novembre 1900 : « Les chemins seront entretenus en voie double ». Alcide Fleury, Arthabaska, capitale ... , p. 14 et 16, 18. 48 Séance du 9 décembre 1884 : « Règlement pour défendre de glisser dans les côtes et sur les trottoirs [...] )> ; séance du 3 juin 1889 : « Léon B. Brunelle est engagé constable pour [...] voir à ce que les règlements soient observés » ; séance du 4 mars 1895 : « Règlement pour obliger les propriétaires de manufactures et moulins à scie, etc., d'entourer leurs tuyaux avec une tôle métallique [. . .] » ; séance du 7 juin 1 897 : « Règlement pour défendre aux bicycles de circuler sur les trottoirs » ; séance du 6 décembre 1858, « Qu'il soit défendu à toute personne ou personnes conduisant une voiture ou étant a cheval, les dimanches ou jours de fête, soit en hiver ou en été, d'aller plus vite que le petit trot [. ..] ». Alcide Fleury, Arthabaska, capitale... , p. 14, 16, 1 7 et 2 1 5. 49 En réponse aux épidémies qui sévissaient, le gouvernement provincial obligea les municipalités à instituer des comités d'hygiène afin de [. . .] faire respecter certaines normes [. . .] D de base promues par le bureau de santé de Montréal. À titre préventif, le conseil d7Arthabaska demanda aux villageois de « [. . .] nettoyer immédiatement les cours, fosses d'aisance, bâtiments, écuries et principalement les caves et les abattoirs ». Claude Raymond et al., Récit d'une vieille gare ..., p. 113 et 119 (Séance du 5 octobre 1885).

Nomand Séguin, La conquête du sol a u 19e siècle, Québec, Boréal Express, 1977, p. 226. Alcide Fleury, Arthabaska, capitale ..., p. 13. N'oublions pas que le XIXième siècle était fortement

marqué par les mouvements de tempérance. L'adoption de règlements municipaux pour réglementer la vente d'alcool était aussi motivée par cette croisade soutenue par les autorités religieuses.

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réglementait les commerces et les auberges autorisés à opérer au villages2. En raison de

l'importance de ces dispositions commerciales, il est fort à parier qu'elles furent adoptées

par le Conseil sous les recommandations de l'élite marchande dYArihabaska. Par ce

contrôle, on espérait peut-être minimiser la concurrence et ainsi maintenir un climat

économique sain à Arthabaska.

Le Conseil municipal d9Arthabaska ne limita pas ses interventions au seul niveau

commercial. 11 œuvra également au service du développement industriel. À plusieurs

reprises, pour attirer les investisseurs, les membres du Conseil n'hésitèrent pas a

accorder des bonus et des subsides aux nouvelles entreprises qui désireraient s'installer

sur le temtoire. Lors de la séance de janvier 1888, le Conseil vota un octroi de 8000% a

une manufacture. Le 3 septembre 1888, il offnt 1000$ par année pour l'établissement

d'une manufacture de cigares qui devait employer 100 personnes. Le 29 octobre 1888, le

Conseil renouvela ses efforts, en se disant prêt à avancer 1000% par année, et cela pendant

10 ans, à une manufacture qui se devait d'employer 100 personnes pendant 10 ans. Le 12

janvier 1889, en échange de garanties, le conseil accepta de donner uri bonus de 1500$

pour une manufacture de cigares5'. Conjointement à cette politique municipale, les élus

votèrent des octrois afin d'inciter le Grand Tronc à poursuivre la voie du chemin

51 Séance du 28 mars 1881 : (( Licence de $20.00 pour les auberges ou magasins approuvés par le Conseil >> ; séance du 7 avril 1885 : « Licence de commerce : Magasin: $20.00 ; charretier : $2.00 par cheval >> ; séance du 24 septembre 1889 : (< Pierre Maheu obtient une licence d'auberge dans la maison de feu A. B. Desrochers >> ; séance du 2 février 1896 : « Règlement pour n'avoir qu'une licence d'auberge dans le village B. Alcide Fleury, Arthabaslia, capitale ... , p. 14, 15, 16 et 17. " Alcide Fleury, Arthabaska capitale ... , p. 15- 16.

Page 117: Jean-Alexandre Charland

de fer de Trois-Rivières jusqu'au village d9~rthabaskaS4. Nul doute que ces tentatives de

faire d'Arthabaska un village industriel auraient été des plus profitables pour les

marchands locaux en raison du développement économique et démographique qui en

aurait résulté.

En ce qui a trait à l'organisation scolaire, les pouvoirs des élus étaient tout aussi

importants. Ils avaient la responsabilité de s'occuper de l'embauche des enseignantes,

d'évaluer et de mettre en place les programmes scolaires, de commanditer la

construction, l'achat, la location et l'entretien des édifices scoIaires et de financer les

contrats d'enseignement des institutions religieusesss.

Par le contrôle effectif de ces deux structures municipales, l'élite marchande

d'Arthabaska avait mis la main sur deux importants leviers de pouvoir à travers iesquels

elle allait être capable de faire la promotion de ses propres intérêts socio-économiques.

Adolphus Stein, James Goodhue, Georges Gendreau et Louis-Ovide Pépin firent

- -

54 Séance du 3 décembre 1888 : (< Laurier, Pacaud, J. Lavergne et E. Crépeau rencontrent les autorités du chemin de fer à Montréal pour que l'on continue le chemin de fer jusqu'à Arthabaska )> ; séance du 5 mars 1894 : (( Wilfiid Laurier et L. O. Pépin sont délégués auprès des autorités du Grand Tronc pour obtenir que le chemin de fer soit prolongé jusqu'à Arthabaska » ; séance du 14 juin 1899 : <( Règlement accordant un bonus de $15,000. au Grand Tronc pour prolonger la voie de Trois-Rivières jusqu'au centre du village d' Arthabaska D. Alcide Fleury, Arthabaska, capitale ... , p. 15'17 et 18. 55 Séance du 13 juillet 1886 : « Isaïe Pouliot est autorisé à [. ..] engager une institutrice au salaire de $80. par année », Séance du 7 novembre 1901 : (( Les religieuses devront engager trois institutrices au lieu de 2. Salaire $100. par institutrice )> . Alcide Fleury, Arthabaska, capitale ..., p. 193-194. En 1854, les commissaires d'école Adolphus Stein, James Goodhue et Louis Garneau achetèrent un emplacement au nom de la corporation de la paroisse de Saint-Christophe. ANQTR, minutes Augustin Defoy, no 1010, du 1854-02-16. En 1872, les commissaires d9Arthabaska acquirent la maison de Rufus Wadleigh afin que les Frères du Sacré-Caxu y installent leur collège commercial. Claude Raymond et al., Récit d'une vieille gare ... , p. 96. Séance du 13 juillet 1886 : (< Isaïe Pouliot est autorisé a louer une maison convenable pour y faire l'école dans l'arrondissement No 3 [. . .] ». Alcide Fleury, Arthabaska, capitale ... , p. 193. Séance du 30 août 1880 : <( Contrat avec les Frères du Sacré-Caeur, devant Me Théophile Côté, passé le 18 novembre 1874, savoir $250. Pour 40 élèves externes, avec augmentation proportionnelle D, Séance du 20 septembre 1885 : (< Conirat avec les Frires du Sacré-Cœur, soit $400. Pour 70 élèves, plus $25. pour le chauffage. Avis de 6 mois pour résiliation. >) Alcide Fleury, Arthabaska, capitale ..., p. 193.

Page 118: Jean-Alexandre Charland

quasiment carrière au sein de l'administration publique du village. Ainsi, par l'occupation

de ces diverses charges administratives, il semble clair que 1' élite d'kthabaska vouIut

<< [. . .] adapter le village à sa personnalité et l'organisation scolaire à ses besoins »56.

3. Les interventions persomelles de l'élite marchande dYArthabaska dans le dévelo~~ement du village

L'intervention de l'élite marchande dans l'organisation villageoise ne s'est pas

faite uniquement par l'occupation de charges municipales. Elle se manifeste également à

travers certaines actions personnelles. Nous allons donc répertorier certains faits et gestes

qui ont influencé le développement du village et entretenu l'image (le statut social) du

marchand au sein de la communauté villageoise d7Arthabaska.

Selon les renseignements amassés, il semble que James Goodhue ait été celui qui

a le plus contribué au développement loca15'. Sa participation se fit notamment sentir très

peu de temps après son arrivée. 11 participa, en quelque sorte, à la fondation et à

l'organisation religieuse de la paroisse de Saint-Christophe d'Arthabaska. Avec deux

associés, il fut celui qui offrit, à la fabrique de la mission de Saint-Christophe, le terrain

nécessaire a l'érection de la nouvelle paroisse58. Lorsqu'il fut question de bâtir le nouvel

édifice religieux, James Goodhue offrit personnellement de son temps. Ce dernier, fit

56 Normand Séguin, La conquête du sol ... , p. 226. 57 Un acte notarié mentionne que James Goodhue représentait un bon contribuable qui avait rendu de grands services et avait contribué au progrès de cette localité. ANQTR, minutes Louis Rainville, no 15 '19, acte d'accord du 1874-04-28. 58 Pour autoriser l'érection de la paroisse, l'archevêque de Québec exigea que la fabrique fut propriétaire d'un lot de terre d'une dimension de 800 acres. Claude Raymond et al., Récit d'une vieille gare ..., p. 72.

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également don des vitres, des clous et d'une somme de 12 dollars qui permit d'éponger,

en bonne partie, les fiais reliés à la con~tniction~~.

Il peut sembler curieux de voir ce marchand de religion protestante s'impliquer

autant dans l'organisation religieuse de cette nouvelle paroisse. En fait, cette générosité

était largement motivée par des considérations économiques. Pour Goodhue, l'érection de

cette nouvelle chapelle laissait présager un achalandage à la hausse pour son magasin. Sa

participation financière représentait un petit investissement qui à la longue pourrait

signifier un bénéfice appréciable. Son implication dans l'organisation religieuse se

voulait également une belle vitrine publicitaire. Par sa générosité, Goodhue s'était a la

fois attiré les faveurs du curé et celles de la population locale. C'est probablement dans

cet esprit que, conjointement avec des notaires du village, Louis-Ovide Pépin omt , en

1875, les tableaux du chemin de croix pour la nouvelle église d7~rthabaskab0.

L'implication, à titre personnel, de ces marchands dans le développement

d'Arthabaska se fit également au niveau du financement des institutions locales tels le

couvent et l'Hôtel-Dieu d'kthabaska. Le 28 janvier 1869, L 'Union des Cantons de Z 'Est

publiait la liste des souscripteurs au financement de la construction du couvent

d'Arthabaska. Parmi les multiples notables du village inscrits dans la liste, nous

retrouvions les marchands Louis-Ovide Pépin avec un don de 50 dollars et Georges

59 Ce 12 dollars représentait [. . .] plus du tiers de la somme nécessaire à la pose de la couverture et des pignons du presbytère >>. Claude Raymond et al., Récit d'une vieille gare ..., p. 34.

Alcide Fleury, Arthabaska, capitale ... , p. 106.

Page 120: Jean-Alexandre Charland

Gendreau avec une contribution de 100 dollars6'. Ces deux marchands se sont également

impliqués dans le financement de l'Hôtel-Dieu d7Arthabaska. Louis-Ovide Pépin

participa au bazar de l'Hôtel-Dieu en faisant un don de 10 do11a.r~~~. Quant à Georges

Gendreau, il avait fait inclure dans son testament un legs de 100 dollars destiné à

l'entretien des pauvres )f3. Concernant Adolphus Stein, les sources n'ont pas fourni

d'informations pertinentes à ce sujet.

Les faits et gestes mentionnés ci-dessus ne sont pas exhaustifs et ne représentent

probablement qu'une partie des actions impliquant l'élite marchande d'Arthabaska en

faveur du village. Ces éléments répertoriés démontrent l'intérêt et l'implication des

marchands dans le développement de leur milieu. Deux principes essentiels guidaient

selon nous leur choix : les bénéfices financiers que pouvait apporter leur appui, financier

ou autres, au développement des institutions d'Arthabaska et la recherche d'une

reconnaissance sociale.

Cette reconnaissance associée au marchand est également observable a travers les

archives notariales, plus précisément par les actes de procuration. La population en

général faisait appel aux marchands en raison de leurs talents d'administrateurs et de

leurs connaissances acquises dans divers domaines. Dans plusieurs cas, les marchands

étaient appelés à administrer les biens et à régler les affaires d'individus qui avaient quitté

ou qui s'apprêtaient à quitter la région pour une période relativement longue. Dans la

6L L'Union des Cantons de l'Est, 28 janvier 1869, p. 2, col. 6. La participation de Gendreau semble en partie motivée par des raisons personnelles ; en effet, au moins trois de ses filles furent admises comme élèves dans ce couvent. Gilles De L'Isle, Arthabaska et son élite, seconde partie du m e siècle, mémoire de maîtrise, Université du Québec à Trois-Rivières, 1991, p. 49 (notes 109). '' L'Union des Cantons de l'Est, du 21 mars 1885, p. 2. col. 4. 63 ANQTR, minutes Théophile Côté, no 10662, testament du 1898-10-25.

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majorité des cas recensés, les marchands avaient été nommés à titre de procureur générai

par des cultivateurs locaux séjournant, pour un certain laps de temps, aux États-unis?

Dans d'autres circonstances, les marchands furent sollicités pour leur expertises acquises

dans le domaine des transactions foncières. Selon les renseignements amassés, certains

fixent mandatés pour acheter des lots, pour louer des emplacements, pour récupérer des

terrains ou tout simplement, pour vendre des terres au nom et profit de leurs propriétaires

respectifs6'. Finalement, les seMces de certains marchands furent retenus pour régler

certaines dispositions su~cessorales~~ et tout autre contrat exigeant une certaine

compétence. Faisant partie du syndic s'occupant de la construction de la nouvelle

chapelle, Adolphus Stein fut chargé d'aller négocier, à Montréal et à Trois-Rivières, des

prêts nécessaire à l'exécution des travaux6'. Stein fut également mandaté pour intenter

des poursuites contre l'entrepreneur qui n'avait pas respecté les termes du contrat? En

vertu d'un jugement de cour, il fut aussi nommé expert d'office pour évaluer les animaux

saisis69. En ce qui concerne James Goodhue, il fut choisi, lors d'une transaction entre un

entrepreneur de Québec et un marchand de bois de Gentilly, pour vérifier la quantité, la

qualité et la valeur du bois transigé7'. Quant à Louis-Ovide Pépin, il fut chargé, par les

Voir la page xxi de l'annexe. " Voir la page xxii de l'annexe. 66 Joseph Larose et sa femme Vitaline Picard du canton de Ham, ont institué James Goodhue comme leur procureur spécial afin de régler avec Pierre Picard, exécuteur testamentaire de feu Magloire Picard (oncle de Vitaline Picard), tout ce qui l e u est dû en vertu du testament. ANQTR, minutes Théophile Côté, no 2775, acte de procuration du 1869-04-24. En sa qualité de curateur, Louis-Ovide Pépin avait été choisi pour faire l'inventaire des biens meubles et immeubles de la succession vacante d'Auguste Beaudry, avocat d'Inverness. ANQTR, minutes Louis Rainviile, acte d'inventaire de biens du 1882- 12-06. 67 ANQTR, minutes Augustin Defoy, no 1023: acte de marché du 1854-03-08, ANQTR, minutes Augustin Defoy, no 1 109, acte de procuration du 1854-09-0 1, ANQTR, minutes Augustin Defoy, no 1 147, acte de rocuration du 1854- 1 1 - 1 8. " ANQTR, minutes Augustin Defoy, no 1557, acte de protêt du 1856- 12-3 1. 69 ANQTR, niinutes Théophile Côté, no 7 19, acte du 1859-06- 10. 'O ANQTR, minutes Théophile Côté, no 3434, acte d'inspection du 1871-10-06.

Page 122: Jean-Alexandre Charland

directeurs de la Société d'Agriculture du comté diArthabaska, de faire acheter et de faire

entretenir par un dénommé Faucher? un étalon pour la reproduction71.

Les multiples exemples de procuration présentés dans les texte et en annexe,

montrent que la compétence des marchands dYArthabaska était reconnue même au-delà

des limites de la région. Ces contrats de procuration furent sans doute obtenus grâce à

leur réseau d'influence. De plus, il est probable que le titre de juge de paix dévolu à Stein

et Goodhue ait pu jouer un rôle significatif dans le nombre de procurations octroyées à

ces deux marchands.

Conclusion

Comme nous avons pu le voir, l'élite marchande d3Arthabaska s'est intéressée à

d'autres secteurs de l'économie locale que le commerce; entre autres le domaine

forestier, le domaine des transports, ainsi que les secteurs miniers et fonciers. L'analyse

de ces activités qui, pour la plupart, sont intimement liées au développement local, nous

a permis de mesurer plus concrètement l'implication de chacun des marchands à

l'intérieur de ces divers champs d'action. Par sa participation active au développement

économique du temtoire, l'élite marchande d'Athabaska avait sans doute trouvé dans

ces activités parallèles de nouveaux moyens de s ' e ~ c h i r et d'étendre son influence au-

delà du commerce au détail.

7 1 Palais de justice d' Arthabaska, minutes Louis Lavergne, no 936 1, acte de marché du i 890-03- 1 1.

Page 123: Jean-Alexandre Charland

Q u a . à la participation de cette élite au sein du milieu municipal et scolaire, il

s'est avéré que les marchands vouèrent un intérêt marqué aux charges issues de ces deux

organisations administratives. Par l'examen des séances du conseil du village et de la

commission scolaire d9Arthabaska, nous avons été en mesure de démontrer que ces

postes procuraient a leurs détenteurs des pouvoirs décisionnels pour le moins importants.

Ainsi, par l'occupation répétitive de ces charges, l'élite marchande d'Arthabaska a su se

placer en position de force pour la défense et la promotion de ses propres intérêts

financiers.

Cette défense des intérêts économiques du groupe n'était pas la seule raison qui

motivait l'occupation effective de ces postes. La recherche d'une reconnaissance sociale

était aussi un élément de premier ordre. Ce désir de s'élever au sein de la hiérarchie

sociale du village a pu être observé à travers certaines actions personnelles qui ont eu des

répercussions, notamment, sur le développement institutionnel du village. Mentionnons

que cette reconnaissance sociale et professiomelle du marchand ne se limita pas

uniquement au village et à ses environs immédiats car, à travers l'entremise d'actes de

procuration, nous avons constaté qu'elle débordait la limite régionale des Bois-Francs.

Page 124: Jean-Alexandre Charland

CONCLUSION

Avant de présenter les éléments de notre conclusion finale, rappelons le but de

notre recherche. Nous avons signifié, dans la présentation de notre travail, que nous

voulions, à travers les archives notariales, identifier les divers champs d'interventions de

l'élite marchande d7Arthabaska et apprécier la manifestation de son influence à l'intérieur

du viliage.

Dans le premier chapitre, nous avons démontré que le village dYArthabaska

représentait un endroit propice à l'activité marchande. Cette spécificité du village

résultait du cumul de plusieurs fonctions notamment les fonctions administratives,

judiciaires, religieuses, scolaires et économiques (en tant que centre de distribution et

d'approvisionnement pour une population largement male). La situation géographique

du village, ainsi que la colonisation récente du territoire représentaient d'autres atouts

essentiels au développement d'une économie marchande sur le territoire. Même s'il

affichait un certain retard sur le plan industriel comparativement à Victoriaville, le village

représentait un pôle d'attraction important sur l'échiquier régionar. C'est donc dans ce

contexte particulier que se déveioppa au sein du village dYArthabaska une élite

marchande dont les assises économiques furent en premier lieu basées sur le commerce

au détail.

Dans le deuxième chapitre, nous avons pu établir que, comme ses confrères et

ancêtres de la Nouvelle-France et du Bas-Canada, le marchand rural de la deuxième

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moitié du XDCième siècle demeure un important diffuseur de marchandises. La diversité

des produits répertoriés à l'intérieur des fonds de commerce met en évidence le désir du

marchand de combler les multiples besoins de sa clientèle villageoise et rurale. Comme la

vente au détail représente l'activité première du marchand, il fut d'un grand intérêt

d'observer comment les marchands d' Arthabaska manœuvrèrent pour élargir leur

rayonnement commercial et augmenter leurs bénéfices. Dans un dessein purement

mercantile, ils n'hésitèrent pas à conclure des ententes commerciales visant à l'ouverture

de nouveaux comptoirs de vente dans des villages avoisinants.

Nous avons également constaté que parallèlement au commerce au détail, le crédit

était un moyen incontournable pour permettre au marchand de se maintenir en affaires.

La situation financière d'une clientèle largement agricole imposait au marchand cette

pratique du crédit. Parmi les différents types de créances, nous retrouvons le crédit à

court (comptes courants, billets promissoires), moyen et long terme (obligations). L'étude

des obligations nous a permis d'observer l'implication de chacun des marchands

(créanciers) dans ce domaine et de démontrer que le crédit obligataire pouvait être

profitable.

Dans le troisième chapitre, nous avons établi que l'élite marchande d'Athabaska

ne limita pas ses activités au seul commerce au détail : nous retrouvons le secteur

forestier, le domaine des transport (chemin de fer), des mines et des biens fonciers. À

travers ces divers éléments nous avons pu jauger à sa juste valeur la participation de

l'élite marchande d7Arthabaska dans le développement économique de la région. Pour ce

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qui est du chemin de fer, même si ce dernier favorisa plus grandement Victoriaville,

l'élite d9Arthabaska sut quand même en tirer des avantages financiers en fournissant le

bois nécessaire à sa construction.

L'élite marchande a également fait sentir sa présence dans la structure

administrative du village. En occupant d'importantes charges municipales, les membres

de cette élite ont pu, ainsi, mousser leurs propres intérêts socio-économiques. La

reco~aissance sociale attachée à ces postes fut un autre élément qui incita l'élite

marchande d9Arthabaska à occuper certaines de ces postes. Nous avons également

constaté que cette quête de reco~aissance encouragea certains marchands à poser des

actions personnelles qui profitèrent directement au développement du village.

Notre recherche nous a permis de mieux comprendre les liens qui unissaient les

marchands à leur clientèle et à leur environnement. En complémentarité avec notre étude,

il pourrait être d'un grand intérêt pour d'autres chercheurs de définir les relations

qu'entretiennent les marchands locaux avec leurs fournisseurs des grands centres urbains.

Tout en ajoutant une nouvelle dimension à la connaissance des rapports ville-village-

campagne, ces études permettraient de mieux cerner et de mieux comprendre la

complexité de cette chaîne économique dont le marchand peut être considéré comme un

maillon de première importance.

Page 127: Jean-Alexandre Charland

BIBLIOGRAPHIE

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