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Jean-Claude Renard Père, voici que l’homme Amis de Hors Jeu Éditions Éditions L’Écritoire 1998

Jean-Claude Renard - Père, voici que l’homme

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"On pourra sans doute s’étonner de trouver dans cet ouvrage une prosodie fort classique. Il y a plus de quarante ans, l’emploi de l’alexandrin, en sa simplicité et sa compréhensibilité, convenait alors seul à cette sorte de prière que voulait être mon langage, surtout au sortir de la dangereuse et douloureuse expérience ésotérique précédemment vécue par moi." Avant-propos de Jean-Claude Renard

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Jean-Claude Renard

Père, voici que l’homme

Amis de Hors Jeu ÉditionsÉditions L’Écritoire

1998

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Jean-Claude Renard

Père, voici que l’homme

Amis de Hors Jeu ÉditionsÉditions L’Écritoire

1998

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Père, voici que l’homme

Tous droits réservés par l’auteur© Jean-Claude Renard, 1998

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Jean-Claude Renard

Table

Avant-propos..................................................................................6Père, dans l’épaisseur.....................................................................7Père, je suis ici..............................................................................13Père, ce corps de feu...................................................................17Père, qui êtes seul........................................................................23Père, si l’homme est né...............................................................27Père, dès que le monde...............................................................33Père, alors que le Christ..............................................................38C’est quand vous refusez............................................................41Père, je suis en sang.....................................................................44Père, dans cette nuit....................................................................52Père, voici que l’homme.............................................................55Père d’or et de sel........................................................................59Père, vous n’avez pas..................................................................62Père, que chaque corps...............................................................68Père, c’est chaque jour................................................................74Ô corps pétrifiés..........................................................................79Ô Père, après les jours................................................................82Du même auteur..........................................................................86

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Père, voici que l’homme

« Je suis la Voie, la Vérité et la Vie. »(Jean, XIV, 6.)

« … Tout est à vous : le monde, la vie, la mort,

le présent, l’avenir. Tout est à vous.

Mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu. »

(I Corinthiens, III, 21-23.)

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Jean-Claude Renard

Avant-propos

C’est un appel d’ordre spirituel — partagé avec mon ami : le poète Jean-Michel Fossey — qui me fait aujourd’hui, sous son égide, accepter la réédition de Père, voici que l’homme, livre publié en 1955, à Paris, par les éditions du Seuil, et qui reçut, en 1956, le Grand Prix catholique de littérature patronné en particulier par François Mauriac et Gabriel Marcel.

On pourra sans doute s’étonner de trouver dans cet ouvrage une prosodie fort classique. Il y a plus de quarante ans, l’emploi de l’alexandrin, en sa simplicité et sa compréhensibilité, convenait alors seul à cette sorte de prière que voulait être mon langage, surtout au sortir de la dangereuse et douloureuse expérience ésotérique précédemment vécue par moi.

Aussi ai-je compris qu’il me fallait ne pas changer un mot aux dix-sept poèmes qu’on va lire ici.

J.-C. R.

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Père, voici que l’homme

Père, dans l’épaisseur

Père, dans l’épaisseur de ce limon souffrantoù l’homme est impuissant à tirer seul de luil’arbre et la vigne auxquels aspire tout son sanget dont pourtant les eaux ont pénétré la nuit,

dans ce corps où sans cesse il cherche avec son corpsun homme qui sans cesse est au-delà de l’homme,au-delà de ses fruits, au-delà d’une mortqui divise partout sa mœlle et son royaume,

dans ce cœur que n’habite aucune certitudeet qu’aucun nom plus haut que le nom qu’il se donnene promet à son sens et à sa plénitudequand il n’est que sa source et n’appartient qu’à l’homme,

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quand descellé, tari, brûlé par son silenceet n’ayant plus que lui pour mystère et pour proieil ne se nourrit plus que d’angoisse et d’absencealors que tout entier il est fait pour la joie,

quand reniant l’amour qui féconde l’amouril ne peut pas vraiment croître et fructifierni prendre son vrai poids ni former de ses joursdes jours déjà liés à leur éternité,

quand n’attendant son blé que du monde qui passeil n’en a que le sel, le sang et la sueuralors que c’est le blé qui attend son espacede l’homme ensemencé par l’homme intérieur,

par l’homme que l’Esprit a fait dans la chair mêmeen l’homme plus profond que l’espace de l’hommeet qui n’a pu ainsi qu’être ouvert par vous-mêmeau seul amour qui ouvre et qui scelle et qui nomme,

et peut nommer du nom immuable et vivantque chaque être a déjà et aura dans la gloiretout ce qu’il a créé pour que tout soit son chantet offre à Dieu le pain de son propre offertoire,

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Père, voici que l’homme

Père, dans cette chair où l’homme entend quelqu’unqui n’est pourtant pas lui sans cesse lui parler,sans cesse le hanter d’un feu et d’un parfumplus fort et plus secret que l’odeur de l’été,

dans ce corps qui sans cesse et partout dans le mondene peut chercher qu’en vain de limite en limiteà trouver en lui seul la substance fécondecapable de combler le désir qui l’habite,

de combler cet espoir qui le dépasse tantet qui est cependant si pleinement sa terreque rien ne peut germer et donner son fromentsans recevoir de lui ce qu’il reçoit du Père,

qui d’autre que l’Esprit aurait pu comme l’orenfanter cet espoir, ce désir et ce feuet faire déferler et passer sur la mortce grand fleuve vivant qui prend sa source en Dieu,

qui d’autre aurait que vous pu jamais y creuserce lieu central en lui qui est un lieu sacré,un lieu avide et nu et uniquement faitaux mesures du Dieu qui doit y demeurer,

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un lieu fait à la fois pour le Père et pour l’homme,pour que le Verbe l’ouvre et que l’homme à son touren s’y ouvrant à Dieu s’y ouvre aussi à l’hommeet en se connaissant connaisse votre amour,

un lieu essentiel, un lieu de véritéque peut seul appeler à s’ouvrir à la VieCelui qui entre l’homme et votre éternitéest seul le Corps parfait qui les couvre et les lie,

est l’unique Parole, unissant l’Homme et Dieu,qui soit universelle et unique pour touset qui puisse combler cette attente et ce lieuen se donnant à tout pour que tout soit à vous,

Père, dans cette chair où l’homme n’est vivantqu’en vivant dans le Christ et en vivant de luiil faut pourtant que l’homme en vous offrant son sangaccepte librement les semences du Christ,

que librement lui-même il se donne à l’amourpour que l’amour soit fait de son exacte force,pour que la joie du Christ soit la joie de ses jourset le monde la joie qui naîtra de leurs noces,

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Père, voici que l’homme

et pour que ce qu’il nomme ait son sens en lui-mêmeselon le nom vivant dont Dieu l’aura nommé,selon le nom vivant qui le change en lui-mêmeet qui est le seul nom dont il doit se nommer,

et qu’il nomme la terre et que la terre entièreà travers son vrai nom prenne le nom du Christ,prenne le nom nouveau et le nom de lumièreque le Christ a pour elle annoncé dans le Christ,

et que tout ce qu’il nomme ait le poids de son sang,le poids du corps de gloire et le poids de l’espritque chaque homme ne prend qu’en ce Corps et ce Sangqui font de ses moissons les moissons de l’Esprit,

et qu’en nommant en vous la souffrance du mondele sang du monde s’ouvre et soit changé en joieet que le monde en vous devienne l’autre mondefait de ce monde même ouvert à l’autre joie,

et que l’arbre qu’il nomme avec le nom de Dieuait soudain dans le temps pouvoir d’éternitéet puisse dès ici par la force de Dieuprendre déjà le corps de son éternité,

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et pour qu’en se nommant dans les noces de l’hommeuniquement nommées au centre où est le Christl’homme assume vraiment la mesure de l’Hommeet que tout avec lui forme le Corps du Christ !

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Père, voici que l’homme

Père, je suis ici

Père, je suis ici dans le sang et la mort,je suis ici stérile et recouvert de nuitquand vous m’avez donné le pouvoir d’être un corpsqui dans le Corps du Christ peut entrer dans l’Esprit.

Père, je suis ici plein d’argile et de jours,je suis ici pesant de ma lenteur charnellequand vous m’avez donné la force de l’amourpour tirer de ce monde une terre éternelle.

Père, je suis ici comme un pays désert,je suis ici fermé au fleuve qui m’attendquand vous m’avez nommé pour desceller la meret pour faire des eaux un seul arbre vivant.

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Père, je suis ici séparé de vous-même,je suis ici absent de mon propre mystèrequand vous avez en moi semé ce qui vous aimepour que je sois moi-même en m’aimant dans le Père.

Père, je suis ici sans moi-même et sans vous,je suis pris dans ma chair et je demeure un autrequand vous avez voulu que je n’aie nom qu’en vouspour que ma volonté soit unie à la vôtre.

Père, je suis ici comme un rocher brisé,je suis ici scellé au-dehors de vos porchesquand vous avez fait d’eux les innombrables clefsde la ville bâtie sur votre unique Roche.

Père, je passe ici par un passage amer,je passe ici rompu par mes propres rupturesquand vous avez pour moi tracé dans votre Chairla voie de vérité, de vie et d’herbe pure.

Père, je passe ici par une mort qui passequand tout peut être ici et vers vous un passagesi tout cherche vraiment à prendre sa vraie faceet reconnaît en vous ce qui fait son image.

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Père, voici que l’homme

Père, je suis ici responsable du monde,je suis ici le sang qui le rend tout sanglantquand j’ai reçu de vous d’être ce qui le fondeet de pouvoir fixer son véritable sens.

Père, je suis ici sa parole et son signe,je suis ici le froid qui retarde ses fruitsquand je peux dans le Christ en vendanger les vigneset faire de ses jours les jours qui sont promis.

Père, je suis ici nourri de mon malheur,je suis ici repu du pain que je pétrisquand vous avez pétri le pain intérieurqui peut seul me nourrir et me rendre accompli.

Père, je suis ici étranger à ma joie,je suis ici fermé à ma face sacréequand je sais qu’en vous seul elle connaît le poidsde l’or spirituel pour qui vous m’avez fait.

Père, je suis ici divisé de trop d’hommes,je suis encor le lieu d’une mort trop profondequand dans le Corps du Christ qui lie et qui consommeje peux transfigurer et rassembler le monde.

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Père, je suis ici tenté et déchiré,je suis ici hanté par des forces anciennesquand j’ai reçu de vous pouvoir de les chasseret que de votre paix je peux faire la mienne.

Père, je suis ici, et je crie vers le Père,je crie vers cet amour que vous m’avez donnépour qu’il soit dans mon cœur le levain de la terreet qu’en vivant de lui j’entre dans votre été.

Père, je suis ici, et j’entends vos fontainesmalgré l’hiver épais qui travaille mes os,j’entends vos ceps germer dans ma chair souterraineet je vois vos raisins et j’ai soif de leurs eaux.

Ô Père, faites-moi comme un fruit au pressoirpour que vidé de moi je reçoive de Dieula force de pouvoir ce dont j’ai le pouvoiret de lever vers vous ma figure de feu !

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Père, voici que l’homme

Père, ce corps de feu

Père, ce corps de feu, cette chair maternelleque la Parole même ouvrit dans le silencepour qu’ils portent le blé de votre connaissanceet la force de Dieu dans leurs os et leurs mœlles,

ce corps originel apparu à son nomdans ce vide hors de vous comblé par votre amour,animé, fécondé, chargé de ses saisonspour devenir votre or, votre arbre et votre tour,

tous ces germes pétris et fixés par le Verbecomme son premier signe au cœur des premiers jourspour engendrer leurs fruits et composer leurs gerbeset tirer de leur chair d’autres chairs à leur tour,

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Jean-Claude Renard

ces grands corps peu à peu levés les uns des autreset peu à peu mûris par leurs métamorphosespour former peu à peu le plan qui est le vôtreet être le pays que vos fleuves arrosent,

ce feu, ces eaux, ces rocs, ces plantes et ces bêteslentement travaillés par leurs sèves profondespour que naisse le corps pour qui la terre est faiteet que l’homme fait homme ensemence le monde,

et cet homme à son tour peu à peu transformépour être le vrai lieu de votre ressemblance,la vigne de l’esprit que Dieu lui a donnéet ouvrir chaque chose à sa vivante essence,

cet homme de limon qui doit devenir l’Hommeen connaissant en lui le sceau de votre face,en incarnant le Christ qui fonde et qui consommeet qui appelle tout à être son espace,

ce corps mortel formé d’un feu dont rien ne meurtet en qui Dieu a mis sa propre libertéafin que l’homme soit son signe et sa demeureet ne fasse son pain que d’un pain partagé,

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Père, voici que l’homme

pour qu’en rendant à Dieu avec le même amourles épis nés du grain dont Dieu lui a fait donil assume vraiment son unique labouret vous offre vraiment votre propre moisson,

pour qu’il fasse des jours du monde qu’il mûritles jours mêmes du Christ consumés pour le monde,l’histoire même du Christ, le Corps même du Christet de son Sang le sang de la terre féconde,

qu’il passe librement et qu’il fasse avec luipasser tout l’univers par le Christ incarnépour entrer avec lui dans la gloire du Christet tout sceller en Dieu par des noces sacrées,

devenir dans la chair le Verbe qui fut chair,dans une chair changée en la chair magnifique,changer le monde en elle et de ce monde ouvertfaire le monde exact chargé de sa musique,

le vrai monde vivant, accompli et nouveauoù le Christ n’aura plus à traverser la mort,où chaque homme avec lui ressorti du tombeaurecevra à jamais la vraie chair de son corps,

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Père, tout ce qui est et tout ce qui se faitne fut fondé par vous que pour vous rendre gloireet vous rendre à son tour en fondant son histoireun amour plein du poids de votre éternité,

tout ce qui passe ici dans un présent qui changepour entrer par le Christ dans l’éternel présentfut fait pour posséder ses fruits et ses vendangesdans l’homme qui lui-même est fait de votre sang,

tout ce qui est semé et tout ce qui seraest ordonné à l’homme afin d’être par luiordonné dans le Christ et d’être par le Christordonné à vous-même au milieu des muscats,

tout cela lentement qui croît et qui mûritmalgré son épaisseur, sa souffrance et sa mortest malgré le refus qu’il oppose à l’Espritpar l’Esprit peu à peu tout enveloppé d’or,

scellé, approfondi, soulevé vers le cœurdu temps spirituel où grandiront les vignesquand en seront venus les jours consolateurset quand Dieu paraîtra sous chacun de ses signes,

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Père, voici que l’homme

lorsque dans l’univers chaque être et chaque terreseront enfin placés par leurs propres secretsdevant Sa Certitude et devant son Mystèreet connaîtront que Dieu est leur nécessité,

quand plus rien ne pourra se tenir dans la nuit,quand chaque homme saura qu’il ne peut être l’Hommequ’en se configurant, par son amour, au Christet en formant son nom du nom de son royaume,

quand il sera commis devant sa véritéet qu’il devra lui-même en assumer la forcepour recevoir le corps qui lui fut destinéet ne prendre son sens que du sens de ses noces,

prendre son sens du sens de l’amour échangédans la force du Christ entre le Christ et luipour que le blé de Dieu soit à la fois le blésemé et moissonné par l’homme et par le Christ,

pour que les jours promis aux jours spirituelsqui ne forment en vous qu’un seul et même tempsavec les jours du Christ, soient vraiment solennels,vivent vraiment de Dieu et de l’homme vivant,

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pour que l’œuvre de Dieu soit partout accompliecomme un corps selon Dieu qui s’accomplit pour Dieuet que tout puisse attendre et recevoir de luicette gloire dont tout aura cherché le lieu,

où tout en accédant par la grâce à la gloireaccédera aussi à sa propre amplitude,connaîtra pleinement le vin de son pressoiren ne connaissant plus que votre plénitude,

où tout entré vraiment dans le pays du blésera fait par le Christ la vie même du Christpour que chaque être en Dieu ne soit plus que le Filset qu’en chaque être Dieu puisse à jamais s’aimer !

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Père, voici que l’homme

Père, qui êtes seul

Père, qui êtes seul la force de la forceet donnez seul au corps qui vit de votre espritla force d’être fort de la force des noceset de passer du grain à la fleur et au fruit,

faites en me couvrant de ce qui n’est que vouset du silence même où vous êtes vivantque les mots de ma bouche entre ma bouche et vouset le sang de mes os entre eux et votre sang

et même l’épaisseur de ma prière mêmen’obscurcissent plus rien entre vous et mon cœuret que même le bruit de l’amour qui vous aimeet même la clarté de l’arbre intérieur

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s’effacent dans ma chair et se vident de moiet changent de substance en changeant de mystèrepour que dans mon amour désert comme le froidil n’y ait plus de lieu que pour l’amour du Père.

Père, qui donnez seul à l’homme qui a faimla force d’être fort de la plus haute force,la force d’être fort de la force des saintset nourri d’une joie que la sagesse exauce,

faites qu’entre ma nuit et la source du jourrien ne demeure plus et qu’il n’y ait plus rienque le plus haut amour formé de votre amouret même plus vers vous le geste de mes mains

et que dans cette chair où mûrit votre imageet jusque dans l’esprit et dans la transparenceil ne me reste rien, Père, que le couragede devenir pour vous l’espace du silence,

d’être ce fleuve ouvert, d’être ce mouvementqui n’est plus rien qu’amour pour n’être plus qu’à vouset de perdre mon sang pour trouver votre sanget de n’avoir plus rien pour n’avoir plus que vous.

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Père, voici que l’homme

Père, qui donnez seul la force de la viedonnez-moi de mourir même à votre mystèrepour que ne sachant plus même ce qui me lieje ne sois plus qu’un corps qui s’ouvre et qui espère,

donnez-moi d’être fait d’une si lourde vigneque ne sachant jamais si les fruits en sont lourdsje n’aie jamais en moi la honte de vos signeset je ne puisse plus craindre que votre amour,

afin que n’étant plus qu’un homme avide et nuqui vous aime, Seigneur, sans savoir s’il vous aimeet parfois vous connaît sans se savoir connuet qui prend votre odeur sans la goûter lui-même,

je vous offre le sel de ma terre infécondeet que, si rien en moi ne porte de raisins,Père, j’essaye pourtant dans la douleur du mondede ne jamais cesser d’attendre votre vin.

Père, qui pouvez seul me donner de connaîtrel’inconnaissable été dont vous êtes le cœuret l’amour sans repos qui fait vivre chaque êtreet l’or ouvert dans l’or du sens intérieur,

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liez mon corps au Corps en qui tout s’édifieet qui est plus fécond que sa surabondanceet toujours plus vivant que la plus haute vieet plus présent en moi que ma propre présence,

et faites que l’amour que j’ai de votre amourne soit plus dans mon sang qu’un amour infiniqui n’interroge plus la profondeur du jourmais n’est plus que le don d’une attente et d’un cri,

pour que là même où tout échappe à mon néantvous me fassiez peut-être entrer dans le mystèreen transmuant ma mort en votre amour vivantet en mêlant en lui ma nuit à la lumière.

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Père, voici que l’homme

Père, si l’homme est né

Père, si l’homme est né de la terre ancienneet s’il l’a peu à peu rompue et traverséeafin de devenir ce qu’il faut qu’il devienneet de prendre le nom que Dieu lui a donné,

s’il est né du limon pétri par les automnespour s’ouvrir comme lui aux graines patientes,naître de mort en mort et d’attente en attenteet des jours de la chair faire les jours de l’homme,

Père, c’est que ce feu dont vous l’aviez scellémûrissait lentement dans ses os mûrissants,composait lentement son histoire et ses bléset ordonnait le monde en ordonnant son sang,

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c’est que cet homme encor comme un champ dans la nuitmais dont le sol profond vivait de votre sèveétait vraiment promis à la moisson qui lèveet remontait vers vous en montant vers ses fruits.

Père, si l’homme est né des eaux et des argiles,face obscure germant sous cette face d’oroù le regard de Dieu voyait déjà son corpset dont il le couvrait de son amour fertile,

s’il a pris peu à peu sa parole et sa force,son sang et son mystère à travers chaque chose,et s’il ne cesse pas dans ses métamorphosesde chercher les secrets qui conduisent aux noces,

Père, c’est qu’il est fait pour se faire lui-mêmeen fécondant ce dont vous l’avez fécondé,pour choisir dans son cœur la semence qu’il sèmeet pour tirer son pain de votre propre blé,

c’est que de votre amour il a reçu pouvoirde desceller partout la musique et le feuqui font de chaque chose un fruit de votre gloire,donnent le monde à l’homme et rendent l’homme à Dieu,

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Père, voici que l’homme

Père, c’est que les temps de l’accomplissementne prendront leur vrai sens et leur juste lumièreque des noces qui lient la vigne et les sarmentset la face de l’homme à la face du Père,

qui unissent vraiment et forment d’un même orl’œuvre de Dieu dans l’homme et de l’homme pour Dieu,l’œuvre dont Dieu connaît l’incorruptible corpset qui fondée par Dieu doit s’accomplir en Dieu.

Père, si l’homme est né libre devant le Père,il est né devant soi libre de faire l’homme,de porter dans le Christ son sens et son mystèreou séparé de lui de se fermer à l’Homme,

de mûrir avec lui la vendange du mondeou de la dessécher au-dehors du Seigneursans savoir quand viendra la colère qui sondeni quel homme sans nom naîtra de son malheur,

Père, s’il a cherché ce qu’il ne pouvait êtreet a cherché sans vous à trouver son passage,s’il vous a reconnu sans vouloir vous connaîtreet a changé son sens pour changer votre image,

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s’il a inversé l’homme et ne s’est plus trouvé,n’a plus trouvé qu’un homme extérieur à l’homme,un corps de dissemblance, un monde sans étéoù plus rien n’est lié et que la mort consomme,

Père, si cependant dans la douleur des joursil continue à vivre et à croître vers l’hommeparce que malgré lui et malgré ce qu’il nommevous lui gardez encor l’huile de votre amour,

si cette chair épaisse et pourtant pénétréepar votre Esprit qui souffle à chaque instant sur elletravaille lentement à changer de clartéet à prendre le poids des eaux spirituelles,

si cette chair chargée de péché et de mortprocède cependant vers la chair éternelleet cherche peu à peu son véritable corps,son corps intérieur où les raisins ruissellent,

si elle sent la paix du ciel inconnaissablela couvrir comme une eau d’où naissent les forêtset le feu dont son sang demeure séparélui être plus profond que le fond de ses sables,

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Père, voici que l’homme

Père, et si cet abîme entre elle-même et vousest comme un grand cri d’homme à travers votre amour,un cri que seul le Christ peut porter jusqu’à vous,un abîme que seul peut combler son amour,

si chaque homme sans vous étranger à chaque hommene cesse pas pourtant de chercher ce qui lie,de chercher un pays plus présent que lui-mêmeoù tout serait unique et cependant uni,

Père, c’est que le Christ est en lui comme un arbrequi l’appelle et l’attend sous toutes ses racines,est à la fois sa source et son terme et son centreet le seul corps en qui peuvent mûrir les vignes,

c’est que le Christ est seul à peser d’un seul sangla mesure de Dieu, la mesure de l’homme,la mesure du monde accompli et vivantdont dans l’éternité il fera son royaume,

Père, c’est que le Christ est à la fois venupour accomplir les jours et pour sauver le monde,est à la fois le corps où la chair se transmueet se fonde à son tour dans le corps qui la fonde,

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c’est que la chair greffée et saisie par le Christqui profère partout sa profonde unitéest vraiment dans la chair et vraiment dans l’Espritquand elle porte en lui ce qu’elle doit porter,

Père, c’est que chaque être accède à son vrai fruit,fait de son libre amour sa pleine libertéquand l’Esprit le connaît et qu’il connaît l’Espritqui lui donne la vie pour qui il fut créé,

c’est que tout l’univers configuré au Christhabitera en Dieu dans la gloire de Dieupour recevoir en lui sans cesse plus de luiet pour offrir à Dieu la joie même de Dieu.

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Père, voici que l’homme

Père, dès que le monde

Père, dès que le monde eut été proféréet dès le premier jour des jours les plus anciensoù la terre s’ouvrit et fut prête à muerpour enfanter les os dont l’homme fit les siens,

dès le jour où la sève a jailli dans le boiset nourri les rameaux dont son corps fut nourriavant qu’en recevant l’esprit de votre Espritil devienne celui que vous vouliez qu’il soit,

et avant d’être l’eau, le levain et le selpétris à votre image, et le vin de la vignedont le Christ à la fois dans la glaise et le cieln’a planté que pour vous les fécondes racines,

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l’homme était destiné à vivre de lumièrejusque dans cette chair qui devait rester pureet en vivant de vous à faire de la terrele paradis dont Dieu lui donnait la mesure,

le paradis pareil à ce qu’il eût étéen demeurant uni à son unique centreet en portant le nom dont vous l’aviez nommépour qu’il puisse à son tour mûrir vos propres arbres,

le paradis que seul aurait rendu vivantdans l’homme et dans le monde, — et chargé de raisinsl’amour qui les liait, comme le signe au sens,aux jours dont vous étiez la semence et le pain,

aux jours de sainteté, aux jours de ressemblancedont peut-être autrefois de grands pays sacrésconnurent la beauté, la gloire et l’abondanceavant de se soumettre au sang et au péché,

avant de se livrer aux forces de la mortqu’en refusant à Dieu de seul le reconnaîtreles esprits qui vivaient de votre face d’oravant le monde même avaient déjà fait naître,

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Père, voici que l’homme

de s’être en eux ouverts à l’effrayante nuitet de l’avoir laissée envahir l’univers,pénétrer chaque corps, chaque homme et chaque fruitjusqu’à ce que sur eux vous souleviez la mer,

jusqu’à ce que le Christ après les jours de peur,les jours de solitude et les jours de l’attente,par un amour plus grand que l’amour créateurse donnât à la chair pour la rendre vivante,

la laver dans une eau qui lave de la mortet la ressusciter et rendre à chaque chosepouvoir de repasser par leur métamorphosedu corps obscur et vide au véritable corps,

pour que le paradis où l’homme eût dû entrer,qu’il eût dû devenir, dont il eût pris le mielafin de vous l’offrir, — et d’où il s’est chasséen en brûlant en lui le grain surnaturel,

en liant sa moisson et en liant le monded’un nœud que seul le Christ reviendra délierentre une mort vaincue mais encore fécondeet un amour vivant mais encore imparfait,

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puisse recommencer à germer dans la chair,à y être déjà, quoiqu’encore caché,ce que la chair sera et verra dans le Pèrequand tout aura par vous été transfiguré,

quand chaque homme ici-même uni déjà au Christet recevant de lui la force de l’amouraura pu dans le monde où l’enfer le saisitêtre affranchi du sang et le vaincre à son tour,

recevoir et reprendre en votre unique corpspouvoir sur un destin qui l’ôtait à la joieet dont il s’était fait en s’offrant à la mortlui-même le ferment, l’origine et la proie,

être vraiment l’esprit, formé de votre Esprit,qui s’ouvre comme un arbre à la sève vivante,devient l’homme qu’il est dans sa mœlle et ses fruitset de vos propres dons fait ce qu’il vous enfante,

ce qu’il vous rend chargé du feu de votre feuquand il sonde assez haut son mystère éternel,quand il entre en silence et qu’il fait place au Dieuqui est la place en lui du monde essentiel,

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Père, voici que l’homme

le lieu où quand sa chair a traversé les eauxun corps surnaturel mûrit avec ses jours,où la vigne et le blé se lèvent dans ses oset où seul il connaît sa mesure et son cours,

où scellé par le Corps qui scelle chaque pierreau centre où chaque corps est fait du corps du Christl’homme accède et se noue à l’homme nécessaireet s’accomplit lui-même en Dieu qui l’accomplit,

nomme déjà le monde avec son nom de gloireen faisant de la vôtre et à jamais sa forcepour que le vin vivant coule d’un seul pressoiret que l’œuvre de Dieu soit l’œuvre de leurs noces.

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Jean-Claude Renard

Père, alors que le Christ

Père, alors que le Christ mort et ressuscitéà chaque heure du temps donne la vie au monde,donne à l’homme le pain d’où naît la saintetéet appelle sans cesse afin que tout réponde,

alors que par son sang, en lui, et à jamaisil a rendu pouvoir de vivre dans l’amouret de croître déjà vers l’univers parfaità la chair dont la mort avait couvert les jours,

alors qu’à chaque instant l’homme qui s’ouvre au Christet qui s’unit à lui comme à son corps réelpeut recevoir partout la force de l’Espritet de l’arbre du temps faire un arbre éternel,

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Père, voici que l’homme

Père, voyez la mort, pourtant déjà vaincue,continuer dans l’ombre à peser sur le mondeet l’homme demeurer un homme de refusalors qu’abonde l’eau qui lave et qui féconde,

voyez l’homme s’user et mourir à lui-même,consumer avec lui les vignes de la terre,brûler l’huile de Dieu et tarir les fontainesquand il pourrait en vous accomplir son mystère,

voyez-le essayer de bâtir sans vos mainsle corps qu’il a reçu le pouvoir de fonderet ne faire des jours dont il est le levainque des jours ténébreux et des jours désolés,

Père, alors qu’il est là, même lié au Christ,sans cesse traversé par sa propre épaisseur,sans cesse déchiré par le poids de la nuitet par le désespoir qui divise le cœur,

le désespoir qui crie devant la mort du monde,devant tout ce qui est encore absent de vous,encor fait d’une chair chargée de plaies profondesqu’on voudrait recouvrir du Corps qui guérit tout,

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Jean-Claude Renard

ah ! devant un amour qui est toujours trop nu,un amour que l’espoir lui-même creuse et videet qui comblé sans cesse attend sans cesse plusmême quand Dieu se tait pour rendre plus avide,

Père, devant cet homme en qui restent mêlésl’absinthe avec le miel, — parce qu’au Corps du Christoù dans la gloire seule ils seront partagésil ne s’est pas lui-même encore assez uni,

devant l’impatience et le sang de l’amourqui déjà est en vous et pourtant vous attendet qui sait que Dieu seul peut finir les labourset transformer chaque homme en un homme vivant,

ne laissez plus en lui mourir encor le Christmais faites qu’avec lui vraiment ressuscitéchaque homme vive enfin vraiment de votre Espritet fasse tout entrer dans votre éternité !

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Père, voici que l’homme

C’est quand vous refusez

C’est quand vous refusez de recevoir mon sangou quand avec ma vie vous en changez le courssans que je puisse encor comprendre pour quel sensni connaître en souffrant pour quel plus haut amour,

que vous parlez peut-être avec le plus de forceà mon corps tout entier déchiré par la mortet que vous lui parlez avec les mots des noceset que dans leur mystère il devient votre corps,

et c’est quand votre amour est là comme une nuitoù je n’entends plus rien que mon propre silenceet ne sais plus pourquoi vous consumez mes fruitsque vous faites en moi mûrir votre présence,

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Jean-Claude Renard

et quand je ne sais plus ce que vous demandezque vous me demandez de n’être plus qu’à Dieuafin que n’ayant plus que votre volontéje puisse être vraiment le lieu de votre lieu,

et quand j’ai soif du sang qui délivre le mondeet dont je ne peux pas comprendre tout le poidsqu’en ma vie votre vie se rend la plus profondeet m’accroît d’elle seule en me vidant de moi,

et c’est lorsque mon corps se sent le plus mortelet couvert du péché qui a tout recouvertque commence à germer le grain surnaturelque l’Esprit a planté et nourri dans ma chair,

que jusque dans la mort qui m’arrache à la vigneme féconde un amour plus puissant que la mort,un centre plus central que le centre des signeset qu’au cœur de ce cœur s’ouvre le lieu de l’or,

s’ouvre une si terrible et si secrète attentequ’elle passe la mort même sans le comprendreet que Dieu en réserve à sa grâce vivantemême le désespoir, la douleur et la cendre,

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Père, voici que l’homme

les réserve en mystère à la vie éternelledont seul ici le Christ peut ensemencer l’hommeet dont l’homme à son tour peut composer sa mœlleen se donnant lui-même à celui qui lui donne,

et c’est quand je suis là divisé par le Pèreet ne comprenant plus de quel feu il me sondeet soumis au malheur et que les eaux amèresme retiennent encor dans le péché du monde,

et quand je me connais dans le goût de la terreet me connais sanglant de connaître un espoirqui est toujours plus grand que le cœur qu’il altèreet toujours plus profond que ce qu’il fait avoir,

et quand ne pouvant plus rester ce qui espèrequ’en espérant de vous, j’espère ainsi le donque nul autre que Dieu ne fait de la lumièrequi peut seule combler ce qui n’a pas de fond,

ô Père, que de moi vous attendez l’amourqui livre l’homme au Christ pour vous l’offrir en luiet qui vous laissera l’emplir à votre tourde l’immuable été auquel il est promis.

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Jean-Claude Renard

Père, je suis en sang

Père, je suis en sang, et mon sang a le goûtdes os et de la cendre, et je suis plein du froidd’être à vous sans pouvoir ne vivre que de vousbien que là où je suis je vous sache avec moi,

je sache que l’amour a tout entier vaincule monde de la mort et de la dissemblanceet que le corps du Christ couvre mon corps rompudes raisins mûrs du feu de la nouvelle enfance,

qu’il couvre chaque corps d’un été si puissantqu’il ne reste plus rien dans la nuit de la terre,malgré le poids mortel que garde le néant,qui ne puisse en aimant renaître à la lumière,

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Père, voici que l’homme

recevoir de la Vie le pouvoir glorieuxd’être devant la mort libre d’être vivantmême quand cette mort, qui parle aussi de Dieupar son horreur sacrée, s’incarne dans le sang,

quand la mer se dessèche et que partout l’accableun malheur que l’amour n’a pas fait disparaîtrepour que tout l’univers demeure responsableet que lui soit donné plus encore que d’être,

quand ce pays stérile et si chargé pourtantd’un mal surnaturel qu’il passe le péchéet témoigne de vous, même en vous reniant,fait de l’homme une proie, un homme descellé,

un homme rejeté du ciel intérieuret comme immunisé contre l’Eau et l’Espritet qui peut cependant reprendre votre odeurs’il est encor lié aux corps du Corps qui vit,

mais je tremble, ô Seigneur, car je sens sur ma bouchesouffler le froid profond de l’autre éternitéet le grand arbre blanc dont vous êtes la souchese retirer de moi comme le sang des plaies,

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Jean-Claude Renard

et pris entre la nuit qui prend un corps de fableet le silence même où se sont retiréesau fond du temps soudain désert comme des sablesles eaux du haut amour et de la sainteté,

j’ai peur de cette mort qui féconde la mortet qui détourne tout de la source et du senset sait trouver en moi l’heure amère du corpset le lieu de ma soif et de ma complaisance,

le lieu où comme un fleuve obscur et diviséje ne sens même plus que c’est moi qui me livreet qui livre avec moi le mystère du bléau plus facile goût de mourir que de vivre,

à la facilité mortelle et sans mémoirede laisser dans la chair se consumer le feuet tomber sur le cœur comme une étoile noirela malédiction de ce qu’il ôte à Dieu,

et j’ai peur de ce vent qui veille où rien ne veilleet emporte la terre au-delà de l’étéet desséchant les fruits de vos fruits sur la treilletente de la tarir avant de la brûler,

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Père, voici que l’homme

de ce vent ténébreux, de cet esprit de mortqui traversent les os, s’enfoncent dans la mœlle,envahissent le sang et glacent tous les corpsd’un mal dont seul le Christ peut dissoudre le sel,

de ce mal qui atteint le plus profond espaceen prenant jusqu’au poids de votre connaissanceet jusqu’aux grands secrets surpris sur votre Facequand tout vivait encor d’une unique semence,

descend dans l’or sacré, rend à l’homme un oraclequi l’arrache de l’homme au nom même de l’hommeen l’arrachant au Christ, et commet des miraclesqui retiennent le règne au-dehors du royaume,

qui retiennent la grappe au-dehors de la vigneet la joie hors du monde, et donnent à la terresa contradiction sans pouvoir par leurs signesfaire jamais mûrir la rose sur la pierre,

et je tremble devant cette face sans facequi cherche à devenir mon sang et mon destinparce qu’elle n’est rien qu’une effroyable absenceet à tout posséder parce qu’elle n’a rien,

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Jean-Claude Renard

cette nuit d’autant plus terrible et patienteà peser sur le monde avec un corps sans viepour séparer de vous chaque sève vivantequ’elle est déjà vaincue sans même être assouvie,

qu’elle est là comme un mal qui ne peut que le mal,comme un cri à la fois qui vous nie et vous nommeet se fait à la fois de plus en plus fatalet de plus en plus sourd sous ce qui le consume,

qu’elle est là, contre moi, comme une femme amèredont l’odeur peu à peu pénètre tout mon corpsde l’odeur d’une mort qui ne sent que la terreet qui n’est déjà plus que l’odeur de ma mort,

que l’odeur d’un péché plus profond que le nôtreet plus aride encor que l’abîme des jourset que la solitude où commence la vôtre,Père, quand votre amour ne trouve pas l’amour,

et qui attend du cœur qu’il s’ouvre à sa puissanceet qu’après s’être assez épaissi à l’Espritil soit tout entier plein du goût de votre absencepour le pétrifier dans un monde détruit,

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Père, voici que l’homme

et j’appelle vers vous et je prie en mourantque la force du Christ demeure dans les reinsde l’homme en agonie jusqu’à la fin des tempspour le garder du mal de la moisson sans pain,

du mal d’être lié et cloué hors de soisur le bois effrayant, stérile et solitaired’un arbre foudroyé qui n’est plus votre Croixmais le signe des dieux chassés de la lumière,

le signe impur des corps chassés du Corps des hommes,chassés du Corps du Christ et du centre des choses,liés dans la colère et roulés dans l’écumede la mer sans raisins et sans métamorphoses,

et j’attends que l’amour qui a seul le pouvoirde rendre l’homme à l’homme en le rendant à Dieuet de rendre avec lui la vendange au pressoiret de tout transmuer dans l’or miraculeux,

Père, me garde en vous de me laisser hanterpar cette ombre sans nom qui s’étend sur le mondeet ne donne la mort à ce qui la connaîtque pour que chaque mort à son tour la féconde,

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Jean-Claude Renard

qu’il délivre mon corps du corps extérieuret le rouvre au secret des fertiles payset comme un sablier à l’heure du Seigneurrenverse toute chair dans le feu de l’Esprit,

et me frappant aux yeux et me jetant à terrefasse jusqu’à l’été germer malgré le chaumeentre mes os pesants du froid de leur poussièrele blé de Dieu d’où naît le blé nouveau de l’homme,

le grain vivant montant vers la fleur et le fruitet qui fait avec lui monter l’arbre du mondevers l’accomplissement qu’il recevra du Christquand vous remplirez tout de votre plénitude,

monter vers votre amour l’homme qui est amouret qui ne prend vraiment sa mesure et son goûtet ne porte son nom et ne soumet les joursqu’en montant vers le centre où se rassemble tout,

en montant vers le Père avec le Corps du Filsde semaille en semaille à travers les hiversdans le grand mouvement qui fait monter vers luitous les corps consacrés de tous les univers,

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Père, voici que l’homme

monter tous les soleils et toutes les planètesvers le cœur infini de la force et du feuoù chaque être changé en sa grappe parfaitemûrira dans la joie des vendanges de Dieu.

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Jean-Claude Renard

Père, dans cette nuit

Père, dans cette nuit où la mort nous retientet dans ce sang pareil à un pays brûléseule la Mère en qui tout est déjà sauvéest celle qui console et celle qui revient,

elle est l’amour qui parle et pleure pour le mondeparce qu’elle est la chair à qui l’homme est fidèle,la voix qui crie en lui pour que tout vous répondeet mûrisse pour vous et goûte votre mœlle,

le corps dont le corps même est le Corps infini,le corps primordial des pierres de l’Église,le corps qui les contient et qui les fertiliseen étant la mesure et la gloire du Christ,

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Père, voici que l’homme

la mesure des fruits du corps ressuscitéqui a promu le monde à devenir en ellela terre dont elle est comme le plus haut bléet le pain préparé pour les tables du ciel,

la vigne en qui le sang est saisi par le feu,délivré de la mort, transmué par la forcequi fait seule du sang un sang mystérieuxque les hommes boiront dans le pays des noces,

un sang d’où coule tant de lumière et de mielqu’il change en un amour qui dépasse le cœurla douleur infinie cachée dans la douleuret l’emplit de la paix du lait originel,

un sang qui a germé dans le sang de la Mèrepour que tout puisse attendre avec son propre amourque le corps glorieux transfigure la terreet qu’une unique joie vienne en combler les jours,

pour que dans cette chair qui ne vit que de voustout à son tour reçoive et enfante le Christet que le Fils de Dieu devienne aussi le Filsde chaque homme lié à l’amour qui lie tout,

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Jean-Claude Renard

lié, déjà vivant, et nommé par son nommais appelé pourtant à n’être vraiment l’hommequ’en tirant des raisins dont vous lui faites donle vin qu’il offre à Dieu pour que Dieu le consomme,

pour que par la chair même en qui la chair est pure,le temps dissous, la terre ouverte et vendangée,le limon de la mer puisse être fécondéet tout entier couvert de vos grandes verdures,

pour que dans la beauté du monde essentielet comme avec le sceau du corps qui les unitl’un dans l’autre mêlés par le surnaturell’homme épouse l’Église et la femme le Christ,

et qu’ils ne soient plus qu’un à célébrer ensemblela messe où l’univers sera uni au Pèreet où tout connaîtra les noces ineffablesqui vous lient à jamais à l’amour de la Mère.

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Père, voici que l’homme

Père, voici que l’homme

Père, voici que l’homme est là comme le bléqui se nourrit de vous pour vous nourrir de lui,qu’il remonte du temps comme un corps fécondépour produire avec vous ce qui doit porter fruit,

qu’il est là comme l’arbre et là comme le painlevé dans le limon dont il est le mystère,dont il n’est l’eau, le sel, le sens et le raisinque pour vous faire don des vignes de la terre,

pour accomplir en vous la semence du sol,Seigneur, et la mûrir dans la lumière d’août,et tirer des sillons de l’unique parolecet homme essentiel qui n’est homme qu’en vous,

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Jean-Claude Renard

cet homme possédé et promu par le feuqui transforme la chair en un vrai corps vivant,qui fait du corps charnel où s’était pris le Dieuun corps qui dans le Dieu se prend à son vrai sang,

un corps ouvert, Seigneur, soudain comme la mer,un corps qui se connaît après s’être dissouset qui vous recevant en vous donnant sa chairreçoit de votre Esprit et se reçoit de vous,

et qui s’étant reçu en se liant au Christlie à son tour en lui le monde originelpour le lier au Christ qui lie tout dans l’Espritet du temps transmué fait son corps éternel !

Père, voici que l’homme est devant vous levépour devenir celui qui doit devenir l’homme,qui doit prendre le nom dont vous l’avez nomméet dont vous attendez que l’œuvre se consomme,

qui doit prendre son nom qui est un nom de gloire,un nom de ressemblance, un nom de sainteté,et l’extraire à la fois du sang de son histoireet de l’amour qu’en vous vous lui avez donné,

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Père, voici que l’homme

le nom qui est son sens et qui est son vrai signe,et qui vivant depuis que vous l’avez fondédans les sources du monde et les jours de la vignedoit croître comme l’or qui monte de l’été,

et connaître la loi de sa coulée profonde,et connaître son poids, son ordre et sa mesureen assumant sa loi pour qu’elle soit fécondecomme la loi de l’arbre assumant sa verdure,

et assumer sa loi en connaissant le Christqui est la loi totale, et le centre des noces,et le corps absolu en qui tout s’unifie,et tout porte sa grappe, et tout connaît sa force,

et en qui tout reçoit la puissance d’aimerpour que Dieu s’ouvre à l’homme et reçoive de luicet esprit et cette eau et ce sang échangésoù tout se transfigure et tout est accompli !

Père, voici que l’homme est devant vous vivantet qu’il sait que le Christ est son centre parfait,qu’il est le corps du monde arrivé à son sens,formé de son destin et l’ayant assumé,

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Jean-Claude Renard

qu’il est le corps qui lie et l’arbre universeloù la grâce de Dieu et le désir du mondeliés comme les eaux dans la mer maternellepour la même moisson s’unissent et se fondent,

qu’il est l’unique corps auquel il faut que l’hommese scelle par la mort et l’amour et l’espritpour vivre de la vie et être vraiment l’homme,être le Christ en l’homme et l’homme dans le Christ,

et l’homme en même temps qui ne peut rien sans Dieuet sans qui Dieu n’est rien que le plus haut silenceet sans qui l’œuvre vive et profonde du feune porte pas le monde à son incandescence,

et qui sont comme un seul sans jamais se confondre,vous, Père, qui donnez, et lui qui vous reçoitpour se changer en vous et pouvoir vous répondreen vous rendant à vous tout chargé de son poids,

d’un poids d’homme à présent fait de votre mystèreet qui, fait corps du Christ qui fut corps de son corps,peut maintenant en vous glorifier la terreet rassembler sa joie dans la neige et dans l’or !

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Père, voici que l’homme

Père d’or et de sel

à Notre Père et à mon père.

Père d’or et de sel, ô Père intérieur,Père d’eau, Père pur par l’arbre et par le feu,ô source du Soleil, Père mystérieux,Père continuel et pur par la douleur,

ô Père fabuleux, ô Père par la nuit,Père par le sommeil, la mémoire, et la mort,Père tombé en terre et passé dans mon corps,ô Père foudroyé dont mes os sont les fruits,

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Jean-Claude Renard

Père, vous m’incantiez, et vous étiez ma tourquand je n’étais en moi que ce qui vous aimait,quand je vivais en vous, vivant du seul amour,je n’étais plus en moi que ce que vous étiez,

Père, la neige est là, et je dors sous ma chair,je dors au fond du Père et je m’éveille en lui,Père, la neige fond, la mer brûle et mûrit,Père surnaturel, miracle de la mer,

Père, vous me portez, et vous êtes en moimême quand je demeure au-dehors de vous-même,vous êtes là vivant, secret, et ce qui m’aimequand je ne suis plus rien et même plus à moi,

Père de ma douleur, Père de mon absencevous êtes là vivant même quand je suis mort,même quand je vous tue vous m’animez encoret même dans mon mal restez mon innocence,

Père, quand tout est mort, et quand tout est dissousdans le péché du monde et dans l’argile amère,vous êtes encor là mon sens et mon mystèrecomme un amour terrible, inépuisable et doux,

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Page 61: Jean-Claude Renard - Père,  voici que l’homme

Père, voici que l’homme

Père, malgré ma mort, c’est l’Esprit qui console,qui relie à mon corps votre corps éternel,c’est votre corps ouvert dans le corps maternelqui fait de moi son sang, sa proie et sa parole,

Père, je nais ailleurs, je renais dans le pain,je renais dans la vigne et dans le vin de Dieu,Père, tu es ma bouche, et ma bouche est en Dieu,ô Père d’arbre et d’or, ô Père souterrain,

Père de l’autre temps, Père du prochain Ciel,je me retrouve en toi pareil à mon amour,Père devant ma vie et derrière mes joursje deviens avec toi le Père Essentiel !

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Jean-Claude Renard

Père, vous n’avez pas

Père, vous n’avez pas créé le corps du mondepour que les derniers jours le rendent au néantmais pour qu’en recevant l’amour qui le fécondeil puisse dans le Christ être à jamais vivant,

vous n’avez pas créé en créant par amourun corps privé de sens et promis à la mortmais un corps qui reçoit pour donner à son touret pour connaître en vous la gloire de son corps,

vous n’avez pas donné à ce corps fait par vouset fait pour vous aimer de votre propre amourtout ce que donne Dieu pour lui reprendre toutmais pour que votre amour vous rende votre amour,

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Page 63: Jean-Claude Renard - Père,  voici que l’homme

Père, voici que l’homme

vous le rende vraiment comme un amour nouveauqui recevra de vous votre force et sa force,un amour appelé à former de ses eauxun corps offert à Dieu pour qu’il en soit les noces,

un corps ensemencé qui mûrit peu à peu,qui passe peu à peu comme le grain au bléde la grâce à la gloire, et porté par le feuen croissant dans l’Esprit croît vers sa densité,

un corps qui soit en vous en étant fait du Christpleinement votre joie et pleinement la sienne,pleinement votre vigne et pleinement ses fruitset devienne le corps de l’éternité même.

Père, vous n’avez pas lié l’homme à la chairet lié l’homme à l’homme avec des nœuds d’argilepour diviser ce que vous avez voulu faireet brûler votre cep comme un cep inutile,

vous n’avez pas lié dans l’homme à votre imagela terre et votre Esprit pour en rompre les gerbeset n’avez pas en vain donné à votre ouvragevotre mœlle éternelle en lui donnant le Verbe,

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Jean-Claude Renard

vous n’avez pas lié ce qui était uniavant de prendre poids dans le poids de la mortpour délier en vous l’univers et l’Espritquand la mort tout entière aura perdu son corps,

mais vous avez lié le feu avec la terrepour qu’il n’existe rien là où tout vient de vousqui ne puisse s’ouvrir et s’unir au Mystèreet répondre à l’amour qui seul appelle tout,

qui appelle le monde à la vie véritablemalgré le désespoir dont le monde est nourriet aux eaux qui coulant à l’autre bord des sablesles fécondent pourtant en y creusant leur lit,

afin qu’il n’y ait rien de ce qui doit mûrirpour devenir le corps pour qui vous l’avez faitqui ne puisse en vivant de l’amour qui fait vivreà la fois engendrer et recevoir son blé.

Père, vous n’avez pas voulu en créant l’hommeet en le créant libre et capable de Dieu,en lui laissant pouvoir de bâtir vos colonneset d’être en vous aimant votre or et votre lieu,

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Père, voici que l’homme

vous n’avez pas voulu en vous donnant à luiqu’il renonce à lui-même et à ce qu’il doit êtrepour être vraiment l’homme et vraiment votre fruitmais qu’en vous connaissant il puisse se connaître,

vous n’avez pas voulu qu’il renonce à son sens,au sens auquel pour vous et pour lui à la foisvous l’avez destiné à devenir vivant,à vivre de la joie en étant votre joie,

mais vous avez voulu qu’il renonce à la mort,qu’il renonce sans cesse à l’homme de ce mondepour recevoir du Christ son véritable corpset passer de son signe à sa face profonde,

qu’il renonce sans cesse à ce qui n’est pas lui,à ce monde qui n’est que l’image du mondepour que sans cesse ensemble ils dépassent la nuitet qu’ils soient les sarments de la vigne féconde,

qu’ils passent dans le Christ de l’ombre à la lumièreet deviennent en lui, avec lui et par luivraiment l’Homme dans l’homme et la Chair dans la chairhabités par l’Esprit et vivant dans l’Esprit.

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Père, vous n’avez pas semé au cœur du mondele mystère et le sang du Christ crucifiéni planté comme un grain qui croît et surabondela propre gloire en lui du Dieu ressuscité,

vous n’avez pas laissé dans la terre souffrantela gloire commencer à la glorifier,même dans un secret qui la veut patiente,pour ôter à la chair la chair ainsi sacrée,

vous n’avez pas semé jusque dedans ses osce qui doit porter fruit, pour en séparer l’homme,mais des corps anciens faire les corps nouveauxet rassembler en eux le Règne et le Royaume,

faire que de cet homme et que de cette terreet dans l’espace même où vous les avez misnaisse dans votre gloire et à sa gloire entièreun grand corps fait de l’homme et du monde accomplis,

un corps transfiguré formé du Corps du Christet devenu un autre en devenant lui-même,en recevant de Dieu la véritable vieque Dieu seul à voulu donner à ce qui aime,

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Père, voici que l’homme

à tout ce qu’il a fait pour lui rendre louangequand tout à son amour étant vraiment uniil n’y aura plus rien qu’une unique vendangedont le vin à jamais coulera devant lui.

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Page 68: Jean-Claude Renard - Père,  voici que l’homme

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Père, que chaque corps

Père, que chaque corps repris par l’eau féconden’attende plus son sens du temps qu’elle a détruitmais s’avance vers Dieu jusqu’à la fin du mondepuisque Dieu est vivant en lui et devant lui,

que ce qui fut le lieu des sources de la morts’ouvre aux vignes de l’homme en s’ouvrant au mystèreet mûri par le Christ dans l’été de son Corpssoit à son tour l’été qui fait mûrir la terre,

et que passant partout la figure des chosesil ne remonte plus la grande mer obscurepour n’en faire avec l’arbre éclater que les rosesmais trouver peu à peu son nom et sa mesure,

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Page 69: Jean-Claude Renard - Père,  voici que l’homme

Père, voici que l’homme

car maintenant que Dieu est entré dans le mondepour que le monde sache avec un cri de joieque malgré le malheur et la mort qui le sondentil peut entrer en Dieu si Dieu devient sa proie,

il n’importe plus rien que de marcher vers vous,Père, sans regarder vers les pays anciens,sans même regarder vers les pays perdusqui ont gardé l’odeur de vos premiers raisins,

mais délivré de tout pour être plus avideet promu par l’amour qui divisa les eauxd’aller, plein de la soif qui rend tout plus aride,l’assouvir du seul vin tiré des fruits nouveaux,

d’aller de jour en jour en ne suivant rien d’autreque le fleuve éternel qui transforme le tempsen liant dans son cours chaque chair à la vôtrepour que tout soit scellé en un seul corps vivant,

et que l’homme sans cesse en travaillant à l’hommeque le Christ à chaque heure appelle dans le Christréponde à son vrai sens en l’assumant lui-mêmepour être enfin lui-même en lui-même accompli,

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Page 70: Jean-Claude Renard - Père,  voici que l’homme

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passer du sang qui cherche à l’amour qui possèdepuisque jusqu’au midi de la face de Dieunul ne pourra voir l’or des colonnes du mondequ’à travers le mystère et les signes du feu,

et puisqu’il faut d’abord avoir été livréaux eaux du Fils de l’homme et à son agonieet su jusqu’à la mort que même quand l’étécouvrirait chaque corps sans que l’Esprit les lie,

et quand ce monde où croît toujours plus que le mondesans qu’il comprenne encore où le monde s’achèvesonderait le secret des soleils qui le fondentet du cœur d’où jaillit sa plus profonde sève,

et quand tout l’univers serait lu comme un livreet que le Dieu vivant resplendirait partoutl’homme qui malgré vous peut refuser de vivren’aurait pas le pouvoir d’être vivant sans vous,

d’être vraiment vivant de la vie véritablequi le fait vivre en vous et vous fait vivre en luiet qui fait de chaque homme et des hommes ensembleun monde où aucun d’eux n’entrerait sans l’Esprit,

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Père, voici que l’homme

sans la grâce qui ouvre et lie l’homme à la grâceet lui fait désirer de se donner au Pèreen se donnant au Fils, pour connaître l’espaceoù l’homme échappe au mal d’être un homme contraire,

un enfant sans enfance endormi dans son sang,endormi sous la mer des jours sans espérancecomme un corps séparé des corps incandescentset des pays du sacre et de la ressemblance,

un corps qui sans l’amour dont le centre est le Christne passerait jamais des puissances du corpsà la force des corps qu’éternise l’Espritmême s’il avait droit sur la vie et la mort,

mais puisque dans la chair, malgré le temps charnel,l’homme est le cœur du nœud de nuit et de lumièreoù sont mêlés la glaise et le surnaturelet qui noue avec lui le destin de la terre,

qu’il ne rejette rien de la beauté du mondequand le monde est vivant de la beauté sacréedes vignes et des jours dont la vendange abondeet qui ont reconnu le Corps ressuscité,

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qu’il ne fuie même pas sa propre pesanteurpour chercher dans le goût du silence infiniauquel le cœur se rend quand il perd sa saveurà consumer un mal qui ne naît que de lui,

mais qu’il porte son poids comme un corps qui se donnepour être transmué dans la mœlle de Dieuen un homme en vous seul vraiment comblé par l’hommeet mûr de la moisson du monde glorieux,

un homme en qui chaque homme aime votre mystèreet qui en chacun d’eux mange de votre painpour bâtir de leurs corps le corps du sanctuaireet recevoir de vous la joie de n’être qu’un,

un homme dont la faim et dont la pauvretéseront le lieu de Dieu, l’huile de l’espérance,la semence qui croît et monte vers le blédans l’attente des jours de la pleine abondance,

un homme vraiment fait de l’homme universelet en fraternité dans la force du Pèreavec le lait du monde et les grappes du cielet les pierres d’or frais qui incantent les pierres,

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Père, voici que l’homme

un homme dans l’odeur du feu spirituel,des vents de Pentecôte, un homme dont le chantdevient le chant de Dieu et la cendre le mielde la chair transformée qui prend son corps vivant,

qui ne se nourrit plus du sang des bêtes mortesni des sucs ténébreux qui brûlent sous la neigemais du sel et des eaux d’une terre plus forteque les corps anciens qu’un seul Corps désagrège,

qu’un seul été soudain comme un grand soleil d’aoûttarit et fait mourir pour les transfigurer,pour que tout vidés d’eux ils soient remplis de vouset pleins de vous changés en leur propre clarté,

et que vraiment saisis et unis par le Christils puissent à leur tour saisir jusqu’aux racinesl’arbre même du monde et le comprendre en Luiet lui donner en Lui le nom de votre vigne,

afin que, lorsque Dieu viendra tout accomplir,l’ordre de l’univers et l’ordre de l’amourne soient plus sur la mer que comme un haut navireunique et flamboyant de votre unique jour.

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Père, c’est chaque jour

Père, c’est chaque jour et c’est dès maintenantdans l’odeur de l’argile et le poids de la chairqu’à chaque instant pour nous s’ouvre la fin des tempset que l’éternité s’étend comme la mer,

c’est maintenant que l’homme, et le monde avec lui,à chaque heure soumis au secret de la mortprend le nom qu’il aura quand reviendra le Christet que tout connaîtra la gloire de son corps,

c’est sans cesse en faisant de ce qu’il a reçuune vigne vivante ou des sarments séchésqu’il s’approche du feu qui féconde ou qui tueet qu’il passe déjà les portes de l’été,

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Père, voici que l’homme

qu’il se prépare au jour du premier jugement,au moment où soudain pris par la mort charnelleet avant que ses os redeviennent vivantsil se verra scellé du sceau dont il se scelle,

qu’il consume déjà ou qu’il porte les grappesque le Fils pressera sur la bouche du Pèreet dont le vin sacré coulera sur ses nappesquand Dieu révélera tout nom et tout mystère,

quand chaque homme nommé avec les mots de sangqu’il prononce sur soi et sur le grain qu’il sèmeen s’unissant au Christ ou en le refusantsera jugé par lui en se jugeant soi-même,

quand les âmes déjà envahies par la mortseront aussi rendues à leurs corps ténébreuxpour en peser la nuit et pour être avec euxrejetées à jamais dans la dernière mort,

quand celles que leur sang retenait dans la neigepour peu à peu s’y perdre et s’y purifierrenaîtront dans leurs os pour que l’or s’y agrègeet que le Christ en soit la mœlle et la beauté,

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Jean-Claude Renard

quand celles qui déjà vivront du haut amourne seront réunies à leur première chairque pour y posséder la lumière des jourset remplir de sa joie le nouvel univers,

et quand même la chair qui frémira encorjusque dans l’agonie de la terre et du cielsera livrée vivante au feu de l’autre corpset soudain transmuée en la chair éternelle,

changée en une chair qui sera dans le mondetransfiguré lui-même en un corps glorieux,le corps spirituel, la grande chair de Dieuà jamais accomplie et à jamais féconde,

ou changée en un corps que la mort nourrirad’une mort plus terrible et sans cesse plus mortesera comme une chair qui est et qui n’est pasen restant à jamais au-dehors de vos portes,

hors de l’homme avec Dieu et de Dieu avec l’hommeréunis dans le Christ en un unique esprit,en un unique amour et en un seul royaumeoù Dieu vivra en tout et tout vivra en Lui !

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Père, voici que l’homme

Père, c’est chaque jour dans l’épaisseur du sangque l’homme écrit le nom de son éternité,qu’il se donne le nom qui lui sera donnéquand vous séparerez l’ivraie et le froment,

quand vous rassemblerez les vivants et les mortsdans la terre où chaque homme aura semé son blé,où il aura versé la sueur de son corpset où pour lui le Fils se sera incarné,

dans la terre créée pour que l’homme la fondeet qu’il y soit jugé, — même si son pouvoirest devenu cosmique et a passé le mondepour fouler d’autres fruits de votre grand pressoir,

même si cette terre au jour du jugementest déjà foudroyée, tarie et consuméepar le péché de l’homme, et si c’est dans le sangqu’il vous faut la juger et la transfigurer,

c’est en elle, avec elle, et jusque dans sa cendreque chaque homme par vous sera ressuscitépour entendre son nom, et pour que Dieu l’engendredans un corps qui sera un corps de vérité,

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et c’est en même temps que tous les universdans le Cosmos aussi ayant pris leur mesuredevant le Christ qui ouvre et qui lie toute chair,seront chargés du poids de leurs propres ramures,

pesés et partagés et transformés par Dieupour que de cette chair qui fut leur chair profondesoit fait le corps nouveau dont vous serez le lieuou dont l’enfer fera sa souffrance inféconde,

le Corps même du Christ — ou le corps de la mort, —un seul corps glorieux, un seul corps éternel,un seul fleuve de joie et un seul arbre d’ordans le pays du lait, des raisins et du miel,

un corps où chaque corps sera vraiment le vôtre,où tous les corps ensemble accomplis et parfaitsseront par votre Esprit ouverts les uns aux autreset ne formeront plus qu’une seule clarté,

un monde infiniment plus beau que son attentetant le Père est plus grand que ce qu’il a promiset tant ce qui vivra dans la terre vivantey vivra d’un amour toujours plus infini !

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Père, voici que l’homme

Ô corps pétrifiés

Ô corps pétrifiés dans la dernière mort,corps qui vous êtes seuls scellés et condamnésà n’être plus sans Dieu que l’absence des corps,que des corps interdits, que des corps étrangers,

que des corps de refus refusés à la vie,ô grands corps descendus dans votre éternitéhors de la vigne mûre et du seul corps qui liepour n’avoir fait de vous que des corps possédés,

que des corps investis du terrible pouvoirde diviser la chair, la lumière et le monde,corps maintenant pareils à des corps sans espoir,à cette nuit de corps que plus rien ne féconde

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et pour qui même Dieu, Père, ne peut plus rien,corps absolus, corps séparés des corps vivants,corps fixés dans la mort, corps sans eau et sans pain,voici que maintenant vous n’avez plus de sens,

voici que vous dormez d’un sommeil infini,de l’effrayante paix d’un sommeil sans amourcomme des arbres morts et des corps sans esprit,voici que vous dormez comme des corps si lourds,

voici que vous dormez d’un sommeil si profondque vous ne voyez plus le Père qui vous voit,que vous n’avez plus rien, plus de lieu, plus de nom,que vous ne pouvez plus reconnaître la joie

ni aimer ni haïr ce qui vous aime encor,voici que vous dormez si terriblement loin,si intensément loin de la source et de l’or,que vous dormez sur vous d’un sommeil si ancien,

si vide et si lointain et si absent de Dieu,d’un sommeil à jamais si vide et si désertque vous êtes trop loin, trop éloignés du feupour rejoindre Celui qui reste encor le Père,

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qui reste votre Père au-delà de l’absence,ô grands corps endormis comme des enfants morts,mais un Père inconnu perdu dans le silenceet qui pourtant sur vous veille peut-être encor !

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Ô Père, après les jours

Ô Père, après les jours de la grande colère,les jours déjà levés dans la chair et le sanget que vous fixerez dans leurs grappes amèrespour des saisons dont nul ne peut sonder le temps,

après les jours promis à la terrible mortdont vous connaissez seul quel sera le silenceet où pour s’être ici exclus de votre corpstout sera consumé au feu de votre absence,

où chaque être lié par son propre péchédevra porter la mort de sa semence morteet se condamnera à être condamnépour que votre justice elle aussi soit parfaite,

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Père, voici que l’homme

où tous les corps seront comme un corps de néant,un corps obscur, un corps sans signes et sans nom,un corps extérieur et pareil au non-senset dont même le sang restera infécond,

un corps dont les moissons cesseront de germeret qui vous connaîtra sans pouvoir vous connaîtrecomme un atroce amour qui ne peut plus aimeret ne peut pas se taire et ne peut plus renaître,

après et au-delà de ces jours de malheurdont l’abîme et les temps sont vraiment infinis,sont vraiment éternels par leur poids de douleuret par la profondeur où descendra leur nuit,

après eux, malgré eux, et gardé pour eux-mêmesquand ils auront vraiment consommé toutes peineset connu jusqu’au fond la souffrance suprêmed’être assoiffé de vous et hors de vos fontaines,

ô Père, quel amour plus fort dans votre amourque la justice même et que l’éternitéet plus lourd dans l’amour que les corps les plus lourdset plus profond encor que l’amour révélé,

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quelle grâce en vous seul aux sources de la grâceet cachée dans la gloire à la gloire des joursgarderez-vous peut-être, ô Père, pour que passecette mort elle-même envahie par l’amour,

par un amour si plein de son propre désirque tout, sans s’y dissoudre, en serait possédéet que même la mort finirait de mourirpour être aussi par lui rendue à votre été,

au don du Dieu qui est au-delà de chaque êtrel’inaccessible Dieu, et cependant en luice centre essentiel, cet arbre au cœur du centrequi donne toujours plus qu’il n’attend de ses fruits,

cet amour absolu où en vous se répondentla seule Vérité, la seule Libertéqui fondent dans l’Esprit la liberté du mondeet fondent chaque amour et chaque vérité,

convient chaque homme à croître et à s’unir en Ellespour qu’en étant promus et mûris tous ensembleet l’un par l’autre ouverts aux sources paternellesque nul ne connaît seul, — l’Eau de Dieu les rassemble,

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Père, voici que l’homme

et que tout dans vos mains soit vraiment accomplicomme la grappe et l’or, et la Créationtout entière l’Épouse épousée dans l’Esprit,tout entière l’Épouse appelée par son nom,

le grand pays de Dieu, le Corps parfait du Christoù chaque être en cherchant et en sondant vos signesayant su vous aimer, même d’un autre cri,recevra par amour le vin de votre vigne,

et où l’ultime mort à jamais aboliepour qu’il ne reste rien qui ne vous soit offertvous rendra tous les corps dont elle était nourriemême si à jamais elle a marqué leur chair,

afin qu’en reprenant l’unique nom vivantque vous aviez pour eux scellé dans votre paixil n’y ait plus partout qu’un amour et qu’un chantà louer la splendeur de votre éternité ?

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Jean-Claude Renard

Du même auteur

Juan, poème, préface de Thierry Maulnier, Didier, 1945.Cantiques pour des pays perdus, poèmes, préface de Patrice de La Tour du Pin, Robert Laffont, 1947.Haute-Mer, poèmes, Points et Contrepoints, 1950.Métamorphose du Monde, poèmes, Points et Contrepoints, 1951 et 1963.Fable, poèmes, Pierre Seghers, 1952.Père, voici que l’homme, poèmes, Seuil, 1955.En une seule vigne, poèmes, Seuil, 1959.Incantation des Eaux, poème, Points et Contepoints, 1961.Incantation du Temps, poèmes, Seuil, 1962.La Terre du Sacre, poèmes, Seuil, 1966 et 1969 ; Corti, 1989.La Braise et la Rivière, poèmes, Seuil, 1969 ; Corti, 1989.Notes sur la poésie, essai, Seuil, 1970 et 1986.Le Dieu de Nuit, poèmes, Seuil, 1973 ; Corti, 1990.

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Père, voici que l’homme

Notes sur la foi, essai, Gallimard, 1973.Connaissance des Noces suivi de Juan, poèmes, EFR Messidor, 1977.Dits d’un Livre des Sorts, poèmes, La Différence, 1978.La Lumière du Silence, poèmes, Seuil, 1978 ; Corti, 1990.Les Mots magiques, poèmes, Éditions Ouvrières, 1980.Le Lieu du Voyageur, Notes sur le Mystère, essai, Seuil, 1981.Une autre parole, essai, Seuil, 1981.Les 100 plus belles pages de Jean-Claude Renard, poèmes, préface de Georges Jean, Belfond, 1983.12 Dits, poèmes, Le Verbe et l’Empreinte, 1983.Par vide nuit avide, poèmes, Fata Morgana, 1983.Toutes les îles sont secrètes, poèmes, Seuil, 1984.Fiches, poèmes, Les Cahiers du Confluent, 1986.Quand le poème devient prière, essai en collaboration avec Marc Tardieu, Nouvelle Cité, 1987.Choix de poèmes, collection « Points », Seuil, 1987.« L’Expérience intérieure » de Georges Bataille ou la Négation du Mystère, essai, Seuil, 1987.Dits de la faim et de la soif, poèmes, Le Verbe et l’Empreinte, 1990.Sous de grands vents obscurs, poèmes, Seuil, 1990.Métamorphose du Monde précédé de Origines, poèmes, présentation de Pierre Brunel, collection « Orphée », La Différence, 1991.

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Jean-Claude Renard

Ce puits que rien n’épuise, poèmes, Seuil, 1993.Dix runes d’été, poèmes et proses, Mercure de France, 1994.Voyages, poèmes et proses, co-édition La Licorne — Les Amis de Hors Jeu, 1994.Dits de Grande Chartreuse, poèmes, Le Verbe et l’Empreinte, 1995.Autres notes sur la poésie, la foi et la science, essai, Seuil, 1995.Qui ou Quoi ? suivi de Quatre Dits de Légendes, poèmes, Le Cherche Midi Éditeur, 1997.

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