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1
Jean-Paul est né à Neuilly-sur-Seine, le 9
avril 1933. Il est issu d'une famille
d'artiste; son père, Paul Belmondo est
d'origine sicilienne. C’est un sculpteur
réputé et sa mère est artiste-peintre. Il
fréquenta plusieurs écoles Parisienne mais
n'y resta jamais longtemps car Jean-Paul
2
est plutôt agitateur. Jean-Paul est un
passionné de boxe et se rend également à
l'"Avia-Club", un gymnase où il rencontre
le boxeur Maurice Auzel futur champion
de France. A partir de 1964, Jean-Paul
Belmondo rencontre un grand succès avec
plusieurs films de tous genres : l'aventure
avec "100 000 dollars au soleil", "L'homme
de Rio", la fantaisie avec "Les tribulations
d'un chinois en Chine", "Pierrot le fou",
l'action avec "Borsalino", le drame "Week-
end à Zuydcoote"...
Jean-Paul Belmondo commente: "Je ne vis
3
que pour jouer et continuer à jouer quand
je vis. Ce que j'apprécie le plus dans ma
gloire, c'est la possibilité de pouvoir jouer
ce que je veux. Je suis fier d'être une
vedette populaire, comme l'étaient avant-
guerre Aimos, Carette et... Gabin. Si dans
dix ans, j'ai disparu du podium, j'espère
que certains de mes films passeront dans
les cinémathèques et que l'on dira de moi :
il a fait une belle carrière".
Jean-Paul Belmondo marqua donc les
années 60 avec un succès fou et de
nombreux film à son actif.
4
Belmondo époque Godard :
Jean-Luc Godard est un cinéaste franco-
suisse, né le 3 décembre 1930 à Paris. Il
est tout à la fois réalisateur, scénariste,
dialoguiste, acteur, monteur, producteur
et écrivain, critique et théoricien du
cinéma.
Chef de file de la Nouvelle Vague, cinéaste
engagé après 1968, expérimentateur vidéo
dans la seconde partie des années 1970,
5
son œuvre évolue à partir des années
1980-1990 vers le collage poétique, faits
de références, de citations et
d'hommages aux maîtres de l'histoire de
la peinture, de la littérature, de la poésie
et de la musique. Par son approche
radicale, entière et provocatrice, Jean-
Luc Godard est un des cinéastes les plus
influents. La liste des cinéastes se
réclamant de son influence est longue :
Quentin Tarantino, Martin Scorsese,
Bernardo Bertolucci, Arthur Penn, Hal
Hartley, Richard Linklater, Gregg Araki,
6
John Woo, Mike Figgis, Robert Altman,
Steven Soderbergh, Richard Lester, Jim
Jarmusch, Rainer Werner Fassbinder,
Brian De Palma, Wim Wenders, Oliver
Stone ou Ken Loach... Lors de la remise de
son Oscar en novembre 2010, le scénariste
Phil Alden Robinson a déclaré : « Godard a
changé la façon d'écrire, de réaliser, de
tourner et de monter. Il n'a pas seulement
bouleversé les règles. Il les a écrasées en
voiture avant de repasser dessus en
marche arrière pour être sûr qu'elles
soient bien mortes. »
7
A bout de souffle
Michel Poiccard, jeune homme insolent,
vole une voiture à Marseille pour se rendre
à Paris. Mais en route, lors d'un contrôle,
il tue un policier qui le poursuivait.
Arrivé à Paris, il retrouve la jeune
étudiante américaine Patricia, avec
laquelle il a une liaison amoureuse — on
comprend qu'il la connaît depuis peu, et
8
qu'il a passé quelques nuits avec elle avant
de descendre sur Marseille. Elle veut
étudier à la Sorbonne et, pour se faire un
peu d'argent, elle vend le journal Herald
Tribune sur les Champs-Élysées. Tout au
long du film, Michel essaiera de la
persuader de coucher à nouveau avec lui,
et elle lui résistera un certain temps en
affirmant qu'il ne l'aime pas vraiment.
Michel veut quitter la France pour l'Italie
(plus précisément Rome) où il pense
trouver refuge. La police l'a déjà identifié
comme étant l'assassin de la N7 et sa
9
photo figure dans tous les journaux.
Patricia, tout d'abord, ne dit rien par
amour pour Michel. Celui-ci rencontre
plusieurs amis délinquants pour récupérer
de l'argent. En attendant que l'un d'entre
eux l'aide à encaisser un chèque barré,
Michel va se cacher avec Patricia chez
l’amie d'un ami dans le quatorzième
arrondissement. La veille de leur départ
présumé pour l'Italie, Patricia le dénonce
à la police afin de le forcer à partir loin
d'elle. Mais Michel refuse de prendre la
fuite et, abattu par un policier, s'écroule
10
au carrefour de la rue Campagne-Première
et du boulevard Raspail, « à bout de
souffle ». Avant d’expirer, allongé sur le
bitume, Michel dit à Patricia :
— « C'est vraiment dégueulasse. »
N'ayant pas compris, la jeune femme
demande aux policiers :
— « Qu'est-ce qu'il a dit ? »
À quoi on lui répond :
— « Il a dit : vous êtes vraiment une
dégueulasse. »
— « Qu'est-ce que c'est dégueulasse ? »
demande-t-elle enfin
11
Anecdotes du film : Le tournage a eu lieu
du 17 août au 15 septembre 1959 à
Marseille et à Paris.
Raymond Cauchetier, photographe de
plateau, raconte le tournage : « Tout
d’abord, avec lui, tout était improvisé ou
presque. On tournait dans les rues, dans
les chambres d’hôtels, avec juste quelques
lampes éclairant le plafond, sans prise de
son directe. Godard écrivait ses dialogues
sur une table de bistrot, soufflait leur
texte aux comédiens pendant les prises, et
arrêtait le tournage quand il n’avait plus
12
d’idées. Le délire complet pour les tenants
du cinéma classique ! Mais la Nouvelle
Vague était en train de naître ! J'ai trouvé
intéressant d’ajouter aux photos
traditionnelles une sorte de reportage
autour du film. Lorsqu’il a vu les planches,
le producteur s’est montré fort
mécontent. Qu'est-ce que c'est que ce
travail ? Vous n'êtes pas payé pour faire
ça ! Je lui ai expliqué que c'était un travail
personnel. Bon, m'a-t-il dit, mais vous
paierez vos frais de laboratoire. Les
choses en sont restées là. Or il se trouve
13
que ce sont surtout ces photos « hors film
» qui ont été finalement choisies pour la
promotion du film, et qui continuent d’être
publiées un peu partout, quarante ans plus
tard. »
Raymond Cauchetier raconte que la
célèbre photo de Jean-Paul Belmondo et
Jean Seberg déambulant sur les Champs-
Élysées a été prise à l'écart du tournage :
« Ce qui est bon pour le cinéma ne l’est pas
toujours pour la photo. Pour la séquence
des Champs-Élysées, j’ai préféré, et
c’était une première, emmener les
14
comédiens loin de la foule, en bas de
l’avenue, pour rejouer la scène. Seuls les
professionnels savent que cette photo, qui
a fait le tour du monde, n’est pas une
photo du film. »
15
Une femme est une femme :
- « Angela, tu es infâme !
- Je ne suis pas infâme!... je suis une
femme ».
Impertinence qui résume le film. Angela
veut un enfant, mais Émile n'en veut pas ;
Alfred, qui est amoureux d'Angela, ne
16
dirait pas non. Angela qui aime Émile
refuse Alfred mais fait croire à Émile
qu'Alfred lui fait perdre la tête...
Anecdotes du film :
Jean-Paul Belmondo : « A la télé, ils
passent A bout de souffle, je ne voudrais
pas le louper. »
Jeanne Moreau à Jean-Paul Belmondo :
« Ça marche ? »
Belmondo : « Et vous, ça marche avec
Jules et Jim ? »
Moreau : « Moderato ! »
17
(Références à Jules et Jim de François
Truffaut sorti quelques mois plus tard et
à Moderato cantabile sorti également
quelques mois plus tôt, avec Jeanne
Moreau dans le rôle principal).
Marie Dubois dit qu'elle a vu le film Tirez
sur le pianiste (dans lequel elle avait un
rôle).
Dans La Maman et la Putain de Jean
Eustache, Alexandre fait son lit en se
jetant sur le lit avec la couette,
exactement comme Angela. Il déclare : «
J'ai vu faire ça dans un film. Les films ça
18
sert à ça, à apprendre à vivre, à apprendre
à faire un lit ».
Angela et Emile occupent une chambre
sous les toits, à l'angle du faubourg saint-
Denis et du côté pair de la rue des petites
écuries. Le film Elle court, elle court la
banlieue débute dans le même quartier.
Marlène et Bernard y occupent une
chambre au dernier étage à l'angle du
faubourg Saint-Denis et du côté impair de
la rue de petites écuries.
Au début des deux films, la caméra balaye
le même côté du faubourg Saint-Denis
19
depuis la rue des petites écuries et se
dirige vers la Porte Saint-Denis.
Les Chansons d'amour de Christophe
Honoré rend hommage à Une femme est
une femme. Plusieurs signes en témoignent
Le film se déroule dans le même quartier
de Paris (Strasbourg Saint-Denis).
Le personnage de Julie reprend une
phrase d'Angela : « Ismael (Émile), je
pense à quelque chose tout à coup ... Tu
m'emmerdes. »
Comme Godard, Honoré joue avec les
panneaux lumineux dans la rue pour faire
20
sens dans le film.
On trouve un vélo dans l'appartement,
exactement comme dans Une femme est
une femme.
Lors du festival Premiers Plans d'Angers
en 2012, Christophe Honoré confirme qu'il
s'est beaucoup inspiré de Une femme est
une femme, notamment en tournant dans
le même quartier de Paris.
21
Pierrot le Fou :
Ferdinand Griffon est un homme qui vit
avec sa femme et ses enfants. Il est un
peu désabusé car il vient de perdre son
emploi à la télévision. Un soir, alors qu'il
revient d'une désolante soirée mondaine
chez ses beaux-parents, il se rend compte
22
que la baby-sitter qui était venue garder
ses enfants est un ancien flirt, Marianne.
Il décide de tout quitter et de partir avec
elle vers le Sud de la France, dans un
grand périple où se mêleront trafic
d'armes, complots politiques, rencontres
incongrues, mais aussi des pauses
bucoliques et des déchirements amoureux.
Anecdotes du film : L'histoire du film est
librement inspirée d'un roman policier de
Lionel White (Titre original « Obsession »,
en français « Le démon d'onze heures »).
L'histoire est sans rapport avec celle de
23
Pierre Loutrel. Malgré ce que Jean Luc
Godard a essayé lui-même de faire croire,
le scénario de ce film ne s'est pas écrit au
jour le jour, mais était depuis longtemps
pensé par le cinéaste. Lors de sa sortie,
Pierrot le fou fut interdit aux moins de
dix-huit ans pour "anarchisme intellectuel
et moral". Le film est à l'origine de la
vocation de cinéaste de Chantal Akerman :
« Je ne connaissais rien du cinéma, je
n'avais vu que des films du genre le
Gendarme à Saint-Tropez et je croyais
que le cinéma n'était bon que pour aller
24
rigoler en bande. Je ne me rendais pas
compte que c'était un moyen d'expression
artistique. Je suis allée voir Pierrot le fou
comme n'importe quel autre film, sans
savoir qui était Godard, j'ai pris une place
parce que le titre m'avait plu. Et pour la
première fois de ma vie, j'ai vu que le
cinéma était un art. En sortant de la salle,
j'ai dit que je voulais faire des films. »
En clin d'œil au film, Mathieu Kassovitz a
intitulé son premier film : Fierrot le pou.
Dans la scène de voiture de Sin City (film
de Robert Rodriguez) qu'il a réalisé,
25
Quentin Tarantino utilise le même procédé
que Jean-Luc Godard pour évoquer le
défilement de la route. Des spots de
différentes couleurs passent
alternativement de chaque côté du pare-
brise.
Leos Carax fait de nombreuses références
à Pierrot le fou dans Les Amants du Pont-
Neuf.
Laurent Baffie fait sans doute un clin
d'œil à Pierrot le fou dans son film Les
Clés de bagnole en commandant
systématiquement deux demis. Ferdinand-
26
Pierrot ayant la même habitude dans le
film de Godard, explique qu'il aime, après
en avoir fini « un », qu’il lui en reste « la
moitié ».
Le groupe de Metal français Hypno5e a
intégré certains passages vocaux du film
dans ses compositions.
Un épisode de Cowboy Bebop s'appelle
aussi Pierrot le Fou.
C'est également en référence à son titre,
que le blog de Pierre Ménès est intitulé
Pierrot le Foot.
27
Belmondo époque de Broca :
D'origine noble et fils d'un industriel de la
photographie, il fait ses études à l'École
technique de photographie et de
cinématographie (ETPC) de la rue de
Vaugirard (École Louis-Lumière) où il
réalise son premier court-métrage. C'est
comme opérateur qu'il débute au service
28
de presse des armées en pleine guerre
d'Algérie. Témoin d'une torture qu'il
réprouve, il se jure alors de ne plus
montrer la vie que sous son côté
fantaisiste. Il tourne plusieurs
documentaires en Afrique et, de retour à
Paris, vit de petites commandes de prise
de vue avant de devenir assistant
réalisateur au début des années 1950. Il a
ainsi l'occasion de travailler, aux côtés de
Georges Lacombe, Henri Decoin, Claude
Chabrol et François Truffaut, à la
réalisation de plusieurs grands films de la
29
Nouvelle Vague. En 1960, il débute une
carrière de réalisateur et tourne plusieurs
comédies, notamment Les Jeux de l'amour
et Le Farceur avec Jean-Pierre Cassel
dans le rôle principal et un scénario de
Daniel Boulanger. Mais c'est le succès de
Cartouche, tourné en 1961 avec Jean-Paul
Belmondo, film dont il est aussi le
scénariste, qui engage le réalisateur sur la
voie des films populaires à gros budgets.
La consécration internationale est acquise
avec L'Homme de Rio (1963), toujours
avec Belmondo qu'il fait tourner encore
30
dans trois autres films, Les Tribulations
d'un Chinois en Chine en 1965, avec Ursula
Andress, Le Magnifique en 1973, une
parodie des films d'espionnage, et
L'Incorrigible en 1975. Cette fidélité à
ses acteurs est une constante que l'on
retrouve avec deux comédies de pur
divertissement, Tendre poulet (1977) et
On a volé la cuisse de Jupiter (1979) avec
Annie Girardot et Philippe Noiret. Ces
deux comédies permettent au réalisateur
de renouer avec le succès après plusieurs
échecs à la fin des années 1960 et au
31
début des années 1970. En effet, après
l'échec du Roi de Cœur en 1966, Broca est
ruiné et cesse d'être producteur. Il
devient pendant deux ans pilote de
brousse en Afrique, une expérience qui lui
inspirera L'Africain quelques années plus
tard. Désormais, Broca devra être plus
consensuel et misera davantage sur
Belmondo que sur Jean-Pierre Cassel, son
acteur fétiche. En 1987, il adapte le roman
d'Honoré de Balzac Les Chouans, avec
Sophie Marceau et Philippe Noiret. Avec
Le Bossu, adapté du roman de Paul Féval
32
en 1997, il renoue avec les films de cape
et d'épée. Si son avant-dernier film avec
Jean-Paul Belmondo, Amazone (2000), est
un échec, son dernier film Vipère au poing,
une adaptation du célèbre roman d'Hervé
Bazin avec Jacques Villeret et Catherine
Frot, sorti peu avant sa mort en 2004, est
un succès. Sa société de production se
nomme « Fildebroc ». Il était chevalier de
la Légion d'honneur et père de trois
enfants dont un (Alexandre) avec Marthe
Keller. Il est inhumé au cimetière de
Sauzon à Belle-Île-en-Mer.
33
Cartouche :
Dominique, voleur pour le compte de
Malichot, se rebelle contre ce dernier et
s'engage dans l'armée pour échapper à ses
tueurs. Il quitte l'armée en emportant la
solde des soldats avec deux compagnons,
La Douceur et La Taupe. Il rencontre dans
34
sa fuite la belle Vénus et prend la tête de
la bande de voleurs de Malichot. Il fait
alors trembler le royaume. Cependant, il
met tout en péril lorsqu'il tente de
séduire la femme de son ennemi juré,
Ferrussac.
Anecdotes : Les prises de vues
extérieures du film ont été exécutées à
Pézenas, Hérault.
Jean-Paul Belmondo a réalisé toutes ses
cascades.
Fait amusant: Le nom du méchant de ce
film (le lieutenant-général de Ferrussac)
35
est le vrai nom de Philippe de Brocca (de
Ferrussac).
L'affiche est signée yves THOS, qui a
vécu à Pézenas de 1998 à 2009 !
Cartouche : Que désires-tu encore ?
Vénus : Oh, rien du tout.
Cartouche : Parce que je peux tout te
donner, je peux tout t'avoir. C'est vrai.
C'est même plus amusant.
Vénus : Oh si. Amuse toi. Ça empêche de
mourir.
Cartouche : [à la foule] Allons, laissez
passer, cette femme est une sainte ! [à la
36
Taupe] Je la veux ce soir dans mon lit, ne
la perds pas de vue, sache tout d'elle,
tout, et vite.
Vénus : Dis, Dominique, pourquoi dit-on que
seuls les honnêtes gens sont heureux.
Cartouche : Oh, ça leur arrive.
Vénus : Et nous alors?
Cartouche : Sûrement qu'on est honnêtes.
Un pauvre : Il a raison, Cartouche, faut
tuer tous les riches.
Tous : À mort !
Cartouche : Hé là, hé là, ils me tueraient
mon gagne-pain, ces croquants.
37
Les Cascades débutent :
Il aime les cascades par goût, il aime le
risque. Ses cascades ont souvent été
critiquées car ça faisait de Belmondo plus
un cascadeur qu'un acteur.
Quand un de ses films sortait, on parlait
plus des cascades que du film lui même.
Aujourd'hui, Jean-Paul ne réalise plus
tellement de cascades, non pas parce qu'il
n'aime plus mais il trouve que se serait
trop ringard pour son âge et de plus, il ne
peut pas risquer sa vie alors qu'il a 6
petits enfants.
38
Ses premières cascades (hormis celles
qu'il exécutait au conservatoire), il les a
réalisées pour le gala de l'Union des
Artiste. Un funambule yougoslave lui a
appris à rouler sur un fil assis sur une
moto. La veille du grand soir, une fois là
haut, il s'est cassé la figure. Bouglione, le
directeur du cirque où il s'entraînait lui a
conseillé de remonter tout de suite mais
Belmondo a préféré attendre lendemain.
Cette passion de la cascade ne vient pas
tout de suite, elle représentait la cohésion
parfaite entre le sportif professionnel que
39
Jean-Paul aurait voulu être et l'acteur
qu'il était devenu.
C'est sur le tournage de l'homme de Rio
que Jean-Paul Belmondo démontra ses
grandes capacités de cascadeur encore
plus que sur cartouche.
Toutes les scènes périlleuses étaient
préparée par Gil Delamare qui aurait du
remplacer l'acteur si ce dernier n'avait
tenu à les faire lui même.
40
De Jean-Paul Belmondo, Delamare dira de
lui: " C'est le meilleur cascadeur que j'ai
formé. Il est bien meilleur que moi".
Pourtant Jean-Paul ne préparait pas
vraiment ses cascades, il arrivait le matin,
demandait le plan de travail et il se lançait.
Ce n'était par orgueil qu'il faisait ça mais
parce qu'il avait un don.
L'une des scènes les plus dangereuses de
L'homme de Rio fut quand le héros,
poursuivit par des tueurs, passait du
sommet d'un immeuble en construction à
un autre grâce à un câble tendu au-dessus
41
du vide. Delamare avait testé la résistance
du cable en y attachant des sacs de pierre
du poids de Belmondo. Mais cela s'avéra
insuffisant car lorsque Belmondo s'est
avancé sur le câble ce dernier n'était pas
assez tendu.
Normalement Belmondo aurait du passer
d'un côté à l'autre mais il s'est retrouvé
coincé au milieu. Pour reposer ses mains
Delamare lui a dit de s'accrocher autour
du câble avec ses jambes. Ca a duré 12
min, le tournage se faisait au 4eme étage
et il faisait une chaleur suffocante.
42
Pour une autre séquence, ou il escalait un
immeuble, Belmondo exécutât toute la
cascade sans l'ombre d'une difficulté et
une fois revenu à terre il confiât qu'il
souffrait d'une terrible crise de foie
suite à une soirée trop arrosée. Belmondo
pouvait réaliser toutes ces cascades grâce
à son excellente condition physique mais
aussi parce qu'il n'a jamais souffert du
vertige. Finalement Gil Delamare mis à
part le faite qu'il a préparé toutes les
cascades, il ne remplacera Jean-Paul
Belmondo qu'une seule fois pour un saut en
43
parachute. Gil Delamare (Gilbert Yves de
la Mare de Villenaise de Chenevarin) fut un
des premiers cascadeurs français à sortir
ce métier de l'ornière "Casse-cou" dans
lequel il se trouvait souvent confiné.
Etudiant en droit, il avait décidé à 20 ans
de tout plaquer pour entrer comme
trapéziste dans un cirque. De là il
s'orienta vers le parachutisme puis vers la
cascade. Gil Delamare fut sans aucun
doute pour beaucoup dans la percée de
plus en plus net de Jean-Paul Belmondo
dans l'univers de la cascade.
44
L’Homme de Rio :
Durant sa permission de huit jours, Adrien
se rend à Paris pour rejoindre sa fiancée
Agnès. Une statuette indienne a été volée
au Musée de l'Homme au moment même où
le professeur Catalan, tuteur d'Agnès
45
depuis la mort de son père, a été kidnappé.
Lorsque sa fiancée est à son tour enlevée,
Adrien n'hésite pas à suivre les
ravisseurs. Il se retrouve à Orly puis dans
un avion à destination de Rio. Là bas, il
échappe à la douane et retrouve la trace
d'Agnès grâce à un cireur noir surnommé
Sir Winston. Dans un hôtel de Copacabana,
il délivre Agnès qui lui raconte qu'elle a
été enlevée et droguée pour avouer la
cachette d'une deuxième statuette
semblable à celle dérobée à Paris. Ils se
rendent dans la maison d'enfance d' Agnès
46
où a été enterrée la statuette par son
père mais à peine déterrée, les voleurs
s'en emparent. La troisième statuette
indispensable pour pouvoir s'emparer d'un
trésor maltèque, se trouve à Brasilia, chez
Di Valdès, un ancien ami du père d'Agnès.
Délivré par Adrien, Catalan rejoint les
deux jeunes gens chez Di Valdès. Soudain,
Catalan révèle qu'il est le chef des
ravisseurs, tue son ami, dérobe la
statuette et enlève Agnès pour la seconde
fois. Adrien se lance à leur poursuite en
hydravion à travers la forêt et aidé par un
47
aventurier français, délivre Agnès.
Catalan, puni, ne profitera pas du trésor
tandis que le couple d'amoureux rentre à
Paris à temps pour qu'Adrien puisse
reprendre le train des permissionnaires.
Anecdotes : Les scénaristes n'ont pas fait
mystère de s'être allègrement inspiré des
Aventures de Tintin : le Musée de
48
l'Homme inspiré du Musée ethnographique
de L'Oreille cassée ou les fléchettes
empoisonnées provenant du même album,
l'échappée à flanc de façade de Tintin en
Amérique, la relation avec le jeune
indigène du Lotus bleu, le faciès et
l'aspect de certains personnages féminins
(comme la tante et la domestique d'Agnès,
la concierge de Catalan ou la touriste
américaine accompagnée de son petit
chien). La chasse aux trois fétiches qui
cachent trois parchemins, ceux-ci
assemblés mènent au trésor de pierres
49
précieuses. Comme dans Le Secret de La
Licorne, il faut superposer les parchemins
face à une source de lumière pour voir
apparaître les instructions. C'est de la
lumière que viendra la lumière devient
dans le film Tout vient de la lumière. Une
malédiction plane sur les trois
explorateurs tout comme dans Les Sept
Boules de cristal où les sept explorateurs
ayant ramené la momie sud-américaine
sont également victimes d'une malédiction.
Dans le même album, Tintin et Haddock
ont de grandes difficultés pour installer la
50
capote de la voiture, comme Adrien et
Agnès.
Certaines idées ont été reprises par
Steven Spielberg, qui d'ailleurs ne s'en
est jamais caché, pour sa trilogie Indiana
Jones
Une autre inspiration de ce film se trouve
dans les films d'Alfred Hitchcock que
sont Les 39 marches et La Mort aux
trousses. Bien que l'intrigue emprunte
davantage à l'univers de Tintin et de Bob
Morane, on y retrouve le procédé du
MacGuffin, la course effrénée à la
51
poursuite d'un objet avec des
rebondissements qui soutiennent
l'attention du spectateur.
- Ça me rappelle Charleroi, mais dans le
bon sens ! dit un général en fauteuil
roulant poussé à toute vitesse par Adrien.
- De quelle couleur je veux la voiture (pour
aller à Brasília) ? se demande Agnès
- Rose ! Avec des étoiles vertes ! répond
Adrien énervé
…Et sur le plan suivant on voit le couple en
route pour Brasília dans une voiture rose
avec des étoiles vertes
52
- Un déserteur qui voyage dans une voiture
volée avec une hystérique, de deux choses
l'une : ou c'est un névropathe ou c'est un
blasé. Choisis !
- Quelle aventure! (dernière réplique
d'Adrien à la gare de Lyon, apprenant que
son copain de chambrée Lebel a mis 3
heures pour venir de Viroflay)
53
Les Tribulations d’un chinois en Chine :
Arthur, jeune milliardaire blasé, semble
s'ennuyer, mais se retrouve ruiné sur un
coup du destin. Son précepteur lui
conseille de prendre une assurance vie au
profit de sa fiancée et de lui même.
Arthur va être victime de nombreuses
54
tentatives de meurtre, et en oublie sa
déprime.
Anecdotes : Après l’énorme succès de
L’Homme de Rio, les producteurs
Alexandre Mnouchkine et Georges
Dancigers sont bien évidemment partants
pour un nouveau film d’aventures de
Philippe de Broca avec Jean-Paul
Belmondo. Mnouchkine avait tenté de
monter en Italie une version moderne du
55
roman de Jules Verne, Les Tribulations
d’un Chinois en Chine, mais sans succès. Il
propose alors l’idée à De Broca, qui réagit
de façon inattendue : "Après L’Homme de
Rio, j’étais comme un enfant gâté, j’étais
presque agacé par le succès du film. À
l’époque, ça m’a paru exagéré, alors je me
suis dit : "Ah, vous voulez du spectacle !
Eh bien vous allez voir ce que vous allez
voir !" J’ai donc enclenché la vitesse
supérieure : j’ai pris la plus belle fille du
monde, les paysages les plus exotiques,
j’en ai encore rajouté dans le chapeau."
56
Le réalisateur et Daniel Boulanger
écrivent "à toute vitesse" un scénario
assez éloigné de Verne, qui louche (encore
plus que le film précédent) vers Hergé.
Milliardaire n’ayant plus goût à la vie,
Arthur Lempereur échappe à des tueurs
imaginaires puis bien réels, à travers toute
l’Asie. Toute la partie dans l’Himalaya
s’inspire de l’ambiance de Tintin au Tibet
(la montagne, le monastère bouddhiste, les
57
références au yéti) mais aussi de petites
scènes (la traversée de la ville à toute
allure pour rejoindre l’aéroport, Paul
Préboist faisant arrêter le taxi pour
récupérer sa casquette). Lempereur et son
valet glissant sur une paroi neigeuse rend
hommage à la scène du Temple du soleil, et
les personnages se réfugiant dans des
cercueils, en pleine mer, renvoient aux
sarcophages des Cigares du pharaon. Avec
son gilet jaune rayé de noir, sa dignité et
sa serviabilité, Léon (Jean Rochefort) est
un cousin germain de Nestor. Quant à
58
l’adjudant Cornac (Paul Préboist) et au
sergent Roquentin (Mario David), ils
marchent sur les traces de Dupondt
(même si, en réalité, les personnages
inventés par Verne auraient servi de
modèles à Hergé pour ses deux policiers).
La première escale n’est autre que le
Népal. Après quelques scènes à
Katmandou, De Broca veut absolument
59
tourner au monastère de Shyang Boché,
situé à près de 4000 mètres, mais les
producteurs ne veulent pas exposer les
acteurs à cette altitude, ni dépenser une
fortune pour acheminer le matériel jusque
là-haut. Le réalisateur, son premier
assistant Claude Pinoteau, et le chef-
opérateur Edmond Séchan partent donc
seuls à bord d’un hélicoptère soviétique,
non sans avoir emmené avec un eux un
lexique franco-russe mis au point par
Alexandre Mnouchkine. Mais à 600 mètres
du monastère, l’engin est contraint de se
60
poser. L’atterrissage provoque alors
l’attroupement d’habitants de l’endroit,
parmi lesquels… Sir Edmund Percival
Hillary, le vainqueur de l’Everest en 1953.
Le Britannique met à leur disposition
sherpas et mulets pour atteindre le lieu
visé. De Broca et Pinoteau sont les
doublures de Belmondo et Rochefort dans
les quelques plans filmés par Séchan dans
cet extraordinaire paysage.
De retour à Katmandou, Philippe de Broca
s’atèle aux scènes du ballon dirigeable. Sa
taille ne permettant pas une force
61
d’élévation considérable, des silhouettes
miniaturisées de Mario David et Paul
Préboist sont placées à bord de la nacelle
tandis que les plans en plongée de
Belmondo accroché à une corde sont
filmées depuis un hélicoptère.
Le cascadeur Gil Delamare règle une
séquence de bagarre entre Jean
Rochefort et Mario David, non pas sous
62
mais sur le ballon. "Se battre sur un ballon
rond qui, même au sol, mesure douze
mètres de haut, soit la hauteur d’une
maison de cinq étages, ça n’est pas facile,
surtout pour des acteurs qui ne sont pas
cascadeurs : et surtout quand, dans
l’ardeur du combat, ils crevèrent
l’enveloppe et s’effondrèrent de ses douze
mètres !" La scène sera finalement coupée
au montage. Le scénario prévoit que
Belmondo et Rochefort tombent d’un pont
suspendu et se rattrapent aux vêtements
d’une valise attachés les uns aux autres.
63
Delamare doit trouver une solution. "J’ai
monté et essayé pendant des jours tout un
système de câbles, de crochets, de
ressorts, de rappels ahurissants, mais,
finalement, la scène a été tournée en
décors réels : et si le passage fut l’un de
ceux qui firent le plus rire le public, moi,
elle me fit pousser quelques cheveux
blancs !" Jean Rochefort se souvient
d’ailleurs très bien de la scène. "Il y a eu
un problème avec une poulie en aluminium.
Nous sommes restés assez longtemps
suspendus dans le vide, à quarante ou
64
cinquante mètres. Il y avait du vent, il
commençait à faire froid et Jean-Paul, qui
était très maigre à l’époque, avait le
harnais qui lui rentrait dans les côtes, ce
qui le faisait souffrir.
Il était à la fois énervé et fâché. Pour lui
remonter le moral, accroché à un harnais
au-dessus de lui, je lui ai crié : "Pense que
65
je gagne trente mille francs de moins que
ton imprésario !" Cela l’a fait tellement
rire qu’il en a oublié ses douleurs."
L’équipe se rend ensuite à Hong Kong.
"C’est bon pour deux jours, trois jours,
mais travailler là-bas c’est se retrouver
entre les mains de Chinois qui nous
détestent, explique Alexandre
Mnouchkine. J’ai eu la chance de leur
résister, de ne pas perdre la face, parce
que ce qui est terrible c’est de perdre la
face, parce que alors là ils vous humilient.
J’ai tenu le coup et nous en sommes sortis
66
vivants, ce qui n’est déjà pas mal !" Pour
compenser, De Broca et Belmondo, comme
à leur habitude, mettent une certaine
ambiance en multipliant les blagues de
potaches. À l’hôtel Hilton, ils enchaînent
les paris stupides et les vacarmes en tous
genres (comme hurler le soir dans la
piscine vide jusqu’à ce que les clients
fassent sauter le standard). Les clients du
restaurant voient un jour débarquer Mario
David et Paul Préboist, vêtus comme des
chirurgiens et poussant un chariot sur
lequel se trouve un De Broca
67
complètement nu, qu’ils font mine d’opérer.
Darry Cowl n’est pas en reste. "Philippe et
Jean-Paul devaient aller accueillir Ursula
Andress à l’aéroport.
Je décidai de parier avec eux que je
grimperais sur la passerelle de l’avion et
que j’embrasserais l’actrice sur la bouche
sans qu’elle me gifle." Cowl se fait passer
pour un photographe, joue des coudes, et
prenant le visage de la Suissesse entre ses
68
mains, lui "roule un patin d’enfer.
Considérant que j’avais accompli ma
mission, je m’empressai de déposer un
baiser respectueux sur la main droite
d’Ursula. Non seulement, elle ne me gifla
pas, mais elle me sourit. Instant divin !"
Belmondo doit effectuer des prouesses
sur un immense échafaudage de bambous.
Gil Delamare lui fait prendre des cours de
barre fixe une heure chaque jour, sur la
terrasse du Hilton. Il devait "glisser
comme un singe le long d’une corde qu’il
avait attrapée à vingt mètres de haut, puis
69
sauter d’une barre à l’autre, faire des
tourniquets, tourner, pendu par les pieds
(pratiquement sans trucage, simplement
tenu par un petit ergot que je lui avais
fixé sous la semelle : et, croyez-moi, pour
tourner, en arrière, à quinze ou vingt
mètres de haut, sans filet, de cette façon,
eh bien, il faut un solide entraînement, et
ne pas avoir froid aux yeux !) faire des
soleils, retomber sur une bascule qui
envoie un "méchant" en l’air…" Mais en
faisant des gestes trop amples, Bébel se
cogne violemment un bras et se foule les
70
doigts. Une fois pansé, il retourne aussitôt
sur l’échafaudage…
L’étape suivante est la Malaisie. Claude
Pinoteau et Philippe de Broca font des
repérages à bord d’un Cessna et
découvrent l’archipel de Lankawi, dans la
mer d’Andaman. "Quand nous arrivâmes en
vue des cocotiers du littoral, se souvient
71
Pinoteau, les dunes nous masquaient le
rivage. On courut vers elles et soudain
émerveillés on découvrit la plus belle plage
du monde ! Sur une immense étendue, un
sable blanc descendait doucement vers
une mer émeraude. " Si les acteurs et le
réalisateur s’y rendent en avion, l’équipe
technique doit naviguer sur un rafiot toute
une nuit. Sur place, De Broca déchante : la
plage déserte est noire de monde ! Toute
la 7ème Flotte américaine a fait escale
avec femmes et enfants… "Mnouchkine a
négocié avec l’amiral le fait qu’Ursula
72
Andress viendrait prendre un verre au
milieu des officiers et signerait des
autographes à condition que la flotte se
déplace de quelques milles. Ils sont venus
chercher Ursula en hélicoptère - les pales
touchaient les palmiers -, elle a été boire
une coupe de champagne californien et,
après, toute la flotte est partie !" Une
fois le tournage des scènes terminées,
Belmondo et l’ensemble de l’équipe
demandent à rester deux jours de plus
dans ce paradis terrestre, sans être
payés… Les tribulations se poursuivent en
73
France, à Villacoubaly pour les scènes
aériennes (au cours desquelles Gil
Delamare, doublant Belmondo, frôle de
très près la mort), puis à Chamonix pour la
séquence du ballon dirigeable.
Une nacelle en osier tressé est accrochée
par quatre chaînes sous une cabine de
téléphérique. Jean-Paul Belmondo, Jean
Rochefort, Mario David et Paul Préboist
74
jouent leur scène, lorsqu’à mi-parcours,
une des chaînes éclate… "Nous avons fini
le parcours osant à peine respirer parce
que si une autre chaîne pétait, la nacelle se
serait retournée", se souvient David.
Le film sort en décembre 1965 et ne
connaît pas le même succès public et
critique que L’Homme de Rio. "Même si les
enfants l’ont aimé, je n’aime pas beaucoup
ce film : il y en a trop, reconnaît De Broca.
Mais c’est de ma faute, j’en suis
totalement responsable. J’ai voulu faire un
super-Barnum." Belmondo, lui, a la
75
satisfaction d’avoir trouvé, grâce au
tournage, sa nouvelle compagne, Ursula
Andress…
76
Le Magnifique :
Un modeste écrivain tente d'achever le
dernier épisode des extraordinaires
aventures du héros qu'il a créé, celui d'un
agent secret invincible, en prêtant à ses
personnages les traits de ceux qu'il côtoie
dans la réalité.
77
Anecdotes : En 1972, alors qu’il vient
d’essuyer deux échecs commerciaux (La
Poudre d’escampette et Chère Louise),
Philippe de Broca se voit proposer un
scénario de Francis Veber par le
producteur Alexandre Mnouchkine.
"Quand on m’a proposé le scénario du
Magnifique, j’ai trouvé tout de suite l’idée
brillante. Cette histoire d’un romancier
besogneux qui écrit à la chaîne des livres
78
policiers au rythme de deux par mois pour
payer ses factures et la pension
alimentaire de son ex-femme, et qui
s’identifie à son héros, le célèbre agent
secret Bob Sinclar, c’était très séduisant.
Et puis, j’ai eu peur de la difficulté que
représentait le passage constant de la
réalité à l’imagination. Je me suis dit "c’est
rudement casse-gueule". Et quand
Belmondo est venu me demander de jouer
le rôle, il a emporté ma décision. Il était
tellement le personnage que je n’ai plus
pensé aux pièges possibles. Ça n’a tout de
79
même pas été du gâteau."
En effet, la collaboration avec Veber est
loin d’être facile.
Il est alors un scénariste vedette, à
l’origine de succès comme L’Emmerdeur, Il
était une fois un flic ou Le Grand Blond
avec une chaussure noire et s’enorgueillit
de livrer des scripts "clé en main". "Je
m’entends très bien avec des gens qui
80
n’ont pas de prétention de scénariste",
dit-il à l’époque. Le problème pour De
Broca est qu’il n’y a pas d’histoire d’amour
et il souhaite développer le personnage de
la voisine intégrée par l’écrivain dans son
roman. Devant le refus de Veber, le
réalisateur fait alors appel à Jean-Paul
Rappeneau. Les deux hommes vont écrire
le double rôle de Christine / Tatiana,
l’étudiante en sociologie et l’espionne
fatale. Mnouchkine a l’idée de confier le
personnage à Jacqueline Bisset, actrice
anglaise passée par Hollywood (Bullitt,
81
Airport, Le Détective…) et qui vient de
tourner La Nuit américaine de François
Truffaut. Belmondo est d’accord mais De
Broca n’est au départ pas très
enthousiaste ; il finira par se laisser
convaincre. Sur le tournage cependant, qui
commence au Mexique en mars 1973, des
doutes subsistent sur la crédibilité de
l’actrice dans ce double rôle. "Nous étions
nombreux à nous demander si elle serait
vraiment crédible en Tatiana, la femme
fatale de rêve, raconte le maquilleur
Charly Koubesserian. Le jour où je lui ai
82
fait le maquillage de Tatiana, je me suis
rendu compte que cette fille qui a des
yeux superbes et possède un magnifique
sourire, pouvait aller très loin dans la
séduction.
Sur elle, quel que soit le maquillage, rien
ne devient jamais vulgaire. Ainsi est-elle
parfaitement capable de devenir une
séductrice ravageuse, une vamp dans le
83
sens pur du terme, et l’instant d’après,
avec un autre maquillage, redevenir
l’étudiante tranquille."
Philippe de Broca s’était rendu à Acapulco
quelques mois auparavant afin de repérer
les lieux du tournage. Il en était revenu
enchanté mais n’avait pas réalisé qu’il était
tombé en pleine saison des pluies et que le
tournage se déroulerait en saison sèche.
"Il n’y avait plus que des palmiers avachis,
une végétation toute grise, moche,
assoiffée. Je ne savais plus où foutre la
caméra." Les problèmes continuent quand
84
un laboratoire mexicain raye le négatif des
premières scènes et que Belmondo se tord
gravement la cheville en sautant de sa
Ford LTD décapotable. Alexandre
Mnouchkine décide alors d’interrompre le
tournage deux semaines, le temps que la
star se repose et que De Broca fasse de
nouveaux repérages à Puerto Vallarta.
Lorsque les prises de vues reprennent,
l’équipe se heurte à des difficultés
techniques qui étaient toutefois prévues,
eu égard à certaines scènes
mouvementées du script. "Immerger une
85
cabine téléphonique par dix mètres de
fond dans des eaux infestées de requins,
dresser un miroir de 10 mètres de large et
de 5 mètres de haut au milieu d’une route
en lacets, diriger un ballet d’hélicoptères
au-dessus des pyramides Teotihuacan, ça
pose quelques problèmes."
De Broca a soigné les transitions entre le
monde imaginaire de Bob Sinclar et
86
l’univers quotidien de François Merlin. La
première se fait sur une plage mexicaine
où la femme de ménage du romancier
passe l’aspirateur au milieu d’une fusillade.
Pour ce plan, la comédienne Monique
Tarbès a fait l’aller-retour dans la journée
! D’autres, comme André Weber
(partenaire de Belmondo dans Ho ! et plus
tard dans Le Professionnel), Jean
Lefebvre (imposé par Bébel) et Vittorio
Caprioli (doublé par Georges Aminel)
restent sur place plusieurs jours, voire
plusieurs semaines. Pour simplifier ces
87
passages entre le Mexique et la France,
De Broca choisit de donner certains petits
rôles à des membres de son équipe (le
maquilleur, l’assistant-opérateur) ou à lui-
même (il est un des plombiers), afin d’être
certain d’avoir tout le monde sous la main.
Pour Jean Lefebvre, le tournage est
l’occasion d’une belle frayeur. "J’avais une
scène où je devais mourir, fusillé par
Jean-Paul. Les Mexicains m’ont bourré
d’explosifs. Ils ont passé deux heures à
m’en mettre partout et on s’est préparé à
tourner. Mais, au moment où De Broca
88
était sur le point de dire "moteur" j’ai vu
le type qui était derrière la caméra faire
le signe de croix.
J’ai été pris d’une peur panique et j’ai
hurlé à De Broca d’arrêter tout. J’ai
expliqué à mon metteur en scène ce que je
venais de voir et je lui ai dit que tout cela
n’avait pas l’air très sûr. De Broca m’a
assuré que c’était le même cascadeur qui
faisait les grands westerns américains,
89
qu’il avait un talent fou en matière
d’explosifs… Il avait beau dire, je n’étais
pas rassuré pour autant. On a tourné et
tout s’est très bien passé. Mais c’est
quand même ce jour-là que j’ai eu la plus
grande peur de ma vie. Et pendant ce
temps, Belmondo hurlait de rire !" Après
une soirée délirante où De Broca et
Belmondo fêtent leurs quarante ans (une
partie du mobilier de l’hôtel finit dans la
piscine !), le tournage se poursuit à Paris :
la mosquée de Paris (la mission de Bob
Sinclar à Bagdad), le 17 de la rue des
90
Tournelles (l’appartement de François
Merlin), une résidence étudiante de la rue
Tournefort (le Centre international de
Sociologie), le Jardin des Plantes, les
places de la Bastille et de la Concorde et
le canal Saint-Martin. À Epinay, François
de Lamothe construit le décor de
l’intérieur d’un temple mexicain, QG de
l’organisation ennemie. Bob Sinclar y tue
ses adversaires et une rivière de sang
s’écoule du grand escalier. "Je voulais
faire une parodie de la violence, du
sadisme, du sexe et de la cruauté, explique
91
à l’époque De Broca, me venger de tout ce
que je n’aime pas dans le cinéma
d’aujourd’hui, faire un sort à ces héros que
l’on voit mourir en tombant au ralenti et
qui pissent le sang comme des fontaines."
Le sang utilisé est d’origine animale et
l’odeur restera dans le studio des
semaines durant, indisposant les tournages
suivants…
Lors de la première projection privée du
92
film, Francis Veber sort dès la deuxième
bobine et refuse que son nom soit crédité
au générique (aucun ne le sera, d’ailleurs).
"C’est un sujet que j’aime beaucoup et qui
me tenait particulièrement à cœur, dira-t-
il plus tard. Cet auteur qui se prend pour
ses personnages, c’est un peu moi. Mais je
n’ai vraiment pas aimé la façon dont
Philippe de Broca l’a réalisé et c’est
pourquoi j’ai fait retirer mon nom du
générique. C’est un film que j’aurais aimé
faire et que j’aimerais pouvoir refaire un
jour. De Broca en a fait une bouffonnerie
93
mais je pense qu’en le traitant de façon
sincère, il pouvait être cent fois mieux."
Fair-play, De Broca reconnaîtra les
apports de Veber. "Je le dis, je l’affirme,
la plupart des éclats de rire du film lui
reviennent. Mais à mon avis, il ne savait
pas bien exploiter toutes ses idées."
Le scénario s’est intitulé Raconte-moi une
histoire puis en cours de tournage
Comment détruire la réputation du plus
célèbre agent secret (sur le clap,
cependant, ne subsistait que Agent secret
par manque de place !). Il sera d’ailleurs
94
traduit ainsi en Grande-Bretagne, en
Espagne et en Italie, mais deviendra en
France Le Magnifique, sur une idée du
coproducteur Robert Hamon.
95
L’Incorrigible :
Victor Vauthier, un voyou sympathique et
ne se laissant pas désarçonner par les
imprudences auxquelles le conduit sa
mythomanie, sort de prison, à la grande
tristesse de ses gardiens, qui s'étaient
attachés à lui, durant les trois mois de son
96
incarcération. Il recommence
immédiatement la série de ses vols et
escroqueries. Cependant, il doit composer
avec Marie-Charlotte Pontalec, déléguée
permanente d'assistance post-pénale
nommée par le juge d'application des
peines. Victor et Marie-Charlotte ne
tardent pas à éprouver une attirance
réciproque, ce qui n'empêche pas Victor
de chercher, à l'instigation de son oncle
Camille, son père spirituel, à profiter de sa
proximité avec Marie-Charlotte pour
dérober un triptyque signé du Greco,
97
après l'avoir vu au musée de Senlis, dont
le père de Marie-Charlotte est
conservateur. Mais la jeune femme finira
par découvrir la vérité et le plus filou ne
sera pas forcément celui auquel on pense
de prime abord...
Anecdotes : Box-office : 767 478 entrées
sur Paris-périphérie.
Les dialogues d'Audiard, dans les bouches
de Belmondo et de Guiomar, prennent un
98
sel remarquable :
"J'absoudrais un étranger de me sortir un
tel sophisme. Mais toi, toi le compagnon de
l'hermite, le témoin du sage, toi qui aurait
pu être mon disciple, si tu n'étais pas que
fantasmes et courants d'air..." (Camille à
Victor)
"Tu es fait pour la pourpre et les
alexandrins, moi pour les shampouineuses
et les pinces à vélo" (Victor à Camille)
"Je suis de la race de ceux qui rient sous
les supplices" (Victor à Camille)
"Cette petite Marie-Charlotte est ce
99
qu'on a eu de mieux depuis Hélène Dupont-
Moreau" (Camille à Victor)
"Freddy, Mauricette, Totor, Juju, tes
relations sont à l'image de ta vie -
navrantes et vaines. Voilà vingt ans que tu
te gaspilles entre les hippodromes et les
alcôves, tu abolis le temps. Faut
s'emmerder, Victor, si on veut faire durer
le temps. Moi je peux me regarder des
heures dans la glace, je dégage un ennui
épouvantable, le tein cireux, les dents
jaunes, l'œil glauque... Ajoute à ça des
bourdonnements d'oreille, et un grand
100
chagrin d'amour, crois moi ça fait les
heures longues. Toi tu n'oses même pas te
regarder puisque tu es gai, donc frivole,
donc inconséquent. Victor tu es une bulle,
ta vie court comme une eau vive... Faut
dire que la mienne fuit comme un vieux
robinet." (Camille à Victor)
"Enfin, Raoul! tu peux m'imaginer dans un
dîner! chemise à jabot, pantalon à
101
soutache, la taille prise au milieu des
plantes vertes, les femmes s'esclaffant
sous mes saillies, les hommes, eux-mêmes!
pris sous le charme." (Victor à Raoul)
Le personnage joué, dans deux séquences
successives, par Élisabeth Teissier — dont
la carrière d'astrologue a connu une
notoriété publique à partir de 1975 —,
porte le prénom de Sibylle, nom donné
dans l'Antiquité aux prophétesses ou
devineresses délivrant des oracles et, par
extension, aux femmes se livrant à des
prédictions.
102
Victor Vauthier : Eh ben faites pas cette
tête-là, chef...
Le gardien de la prison de la Santé : On
savait bien qu'vous partiriez un jour, mais
on s'disait : y f'ra p't-êt' une bêtise, y
butera un gardien, et puis voilà, le jour où
ça arrive, ça fait mal...
Victor Vauthier : Vous avez raison, le plus
dur, c'est pour ceux qui restent.
Freddy : Y'a p't-être une belle affaire.
J'connais un mec qui cherche un bateau.
Tu pourrais p't-être lui vendre le tien.
Victor Vauthier : Mais j'n'ai pas de
103
bateau, moi...
Freddy : B'en, c'est pour ça que c'est une
belle affaire !.
Victor Vauthier : Moi aussi, j'ai longtemps
été seul. J'ai eu une jeunesse atroce dont
j'aime mieux pas parler. Un père
alcoolique, maman usée par les lessives. Je
la revois dans la forêt couverte de givre,
ramassant du bois mort, moi accroché à
104
ses haillons.
Marie-Charlotte Pontalec : Vous étiez
combien, chez vous ?
Victor Vauthier : Hôff... Au moins quinze.
Marie-Charlotte Pontalec : Quinze ?!...
Victor Vauthier : Et puis alors des hommes
ont commencé à défiler à la maison. Des
militaires, surtout. Faut dire que maman
était très belle. Vous l'auriez vue sur le
grand escalier du vestibule, avec son boa
autour du cou, en plumes de paon...
Marie-Charlotte Pontalec : Ah. Pour
ramasser du bois, c'est pratique, ça...
105
Victor Vauthier : Non, alors si vous
m'interrompez tout l'temps, moi j'perds
le fil.
Camille : Je n'demanderais qu'à vous
renseigner plus complètement, monsieur
l'ministre, mais malheureusement, je
n'suis qu'un médiateur. Je suppose que vos
experts ont examiné la première livraison,
livraison qui vous a été faite gratuitement,
106
si si si si, j'insiste, gratuitement. Une
sorte de certificat d'propriété. D'ailleurs,
l'authenticité n'fait aucun doute, l'audace
de ces jeunes gens non plus. Vous savez
combien ils réclament ?
Le ministre : Je n'voudrais pas m'avancer,
mais...
Camille : À vrai dire, mes clients
souhaiteraient mener l'opération en deux
temps. Le deuxième volet s'ra livré contre
500 millions.
Le ministre : 500 millions ?
Camille : 500 millions. Et lorsque notre
107
bonne foi réciproque sera prouvée de part
et d'autre, ce dont je n'doute pas un seul
instant, monsieur l'ministre,
(ricanements), eh bien la dernière partie
du tryptique vous s'ra r'mise... contre 500
autres millions.
Le ministre : Mais ça fait un milliard. Vous
m'assassinez.
Camille : Eh oui, un milliard, j'n'en ai pas
cru mes oreilles. Ah, j'oubliais, en p'tites
coupures, ils y tiennent absolument.
Le ministre : Mais il faut qu'j'en réfère à
mon collègue des Finances, c'est une
108
somme considérable.
Camille : Oh. En p'tites coupures, monsieur
l'ministre.
Le ministre (sourire complice malgré
l'éloignement de son interlocuteur) : Ben
oui. Oui, je n'dis pas. (se reprenant) Oui,
mais enfin quand même...
Camille : Eh bien, j'vous rappelle dans
l'courant d'la matinée. Mais tout ça
109
m'semble extrêmement bien parti. À vous
entendre, monsieur l'ministre ! (raccroche
le téléphone et frappe dans ses mains)
Camille : (s'adressant à Victor, et parlant
de Madame Pontalec) Regarde l'aut' vieille
guimbarde. Elle a découvert le Dom
Pérignon, et pas n'importe lequel, du «
Brut Cordon noir ». Chaque lampée, tu sais
combien qu'ça nous coûte ? (désignant à
présent Monsieur Pontalec) Et l'autre ?
L'aut' vieux croûton qui part travailler son
drive, des l'çons à dix mille balles de
l'heure. En plus, ça l'met en appétit, y
110
bouffe comme quatre. Tandis qu'quand y
s'agit d'nous... Trois fois il a fallu
qu'j'demande pour m'acheter des
espadrilles. J'ose même plus changer
d'cravate...
Marie-Charlotte (surgissant entre Camille
et Victor) : Ça tourne, là-d'dans, hein ? (se
tournant vers Victor) J'vais m'étendre un
peu, tu viens ?
Victor : J'arrive. (Marie-Charlotte
s'éloignant)
Camille : Elle te siffle pas encore... ça
viendra.
111
Marie-Charlotte (hélant Victor de loin) :
Victor !
Victor (guilleret) : Il arrive, il arrive...
Camille : Elle a capturé un lion, pour en
faire une descente de lit. Assassin...
ASSASSIN ! Vous aurez la peau du jeune,
pas celle du vieux. (se lève sur le coup de
la colère) Je m'escapade, je m'éclipse, je
m'disperse. (se retournant) Adieu,
vautours ! (s'adressant tendrement à son
« disciple ») Adieu, Victor...
Marie-Charlotte (hélant Victor d'encore
plus loin) : Victor !
112
Victor (regardant perplexe au fond de son
verre) : J'arrive, (se tournant, aux anges,
en direction de la chambre) mon cœur.
113
Amazone :
Un engin venu du fond du cosmos
abandonne sur Terre au milieu d'une forêt
tropicale Lulu, une petite fille d'une
dizaine d'années. Elle est découverte par
Edourard, un misanthrope bourru et
114
désagréable qui se cache dans la jungle
pour échapper à la justice...
115
Belmondo époque Melville :
Il naît dans une famille juive alsacienne. En
1923, alors qu'il a six ans, ses parents lui
offrent une Pathé Baby. Il commence à
réaliser ses premiers films en filmant ses
proches.
En 1933, à l’âge de quinze ans, il décide de
devenir cinéaste après avoir assisté à la
116
projection du film épique de Frank Lloyd :
Cavalcade.
Durant la guerre, il part rejoindre la
France libre à Londres en 1942, c'est à ce
moment qu'il prend le pseudonyme de «
Melville » en hommage à l'auteur de Moby
Dick. Après la Guerre, qu'il revendique
avoir faite dans la résistance, puis en
participant au débarquement en Provence,
il demande une carte d'assistant metteur
en scène qui lui est refusée. C'est en
livrant assaut lors de la bataille du mont
Cassin qu'il se serait promis de monter ses
117
propres studios s'il en réchappait. Il
devient son propre producteur et tourne
un court métrage. Plus tard, il économise,
achète de la pellicule et réalise, dans des
conditions très précaires, son premier film
: Le Silence de la mer. Sans qu'il le sache,
ses méthodes de tournage sont déjà celles
de la Nouvelle Vague.
Longtemps perçu comme un intellectuel, à
cause notamment de son adaptation très
littéraire du Silence de la mer de Vercors,
au point de sembler à Jean Cocteau le
metteur en images tout désigné de ses
118
Enfants terribles, il récusait ce terme, se
percevant davantage comme un auteur.
En 1955, il crée ses propres studios, les
studios Jenner, dans le XIIIe
arrondissement de Paris, rue Jenner,
réinventant l'usage d'un entrepôt au-
dessus duquel il vit de 1953 à 1967,
descendant même nuitamment préparer
les plans du lendemain. Il y produit ses
films jusqu'au 29 juin 1967 lorsqu'un
incendie détruit les studios alors qu'il
tourne Le Samouraï. Obsessionnel, il
persiste à rester dans ses studios où il
119
monte L'Armée des ombres. En 1961, il
travaille avec Michel Mardore pour le
producteur Georges de Beauregard à un
projet intitulé "Les Don Juans", avec
Jean-Paul Belmondo et Anthony Perkins,
qu'il abandonne au profit du Doulos.
À la fois jovial et frigorifique, Jean-Pierre
Melville avait le génie de la dispute. Il
s’est fâché avec un très grand nombre de
ses collaborateurs. Anecdotes célèbres :
Lino Ventura ne lui adressa plus la parole
durant tout le tournage de L'Armée des
ombres. Melville avait déclaré à la presse
120
que Ventura avait eu de très grandes
difficultés à monter dans le wagon au
début du film Le Deuxième Souffle. En
fait, le cinéaste avait caché à son acteur
qu’il avait donné l'ordre d’augmenter la
vitesse du train. Mieux encore... Sur le
tournage de L'Aîné des Ferchaux, Melville
s'en prenait sans arrêt à Charles Vanel, à
la suite de quoi un jour, Jean-Paul
Belmondo, qui ne supportait plus toute
cette histoire, prit les lunettes et le
stetson de Melville, lui colla une gifle et
quitta le plateau. Pendant plusieurs années,
121
Melville siégea à la Commission de
classification des œuvres
cinématographiques et pourchassa toutes
manifestations de la pornographie au
cinéma. Il était avant tout un homme
nostalgique, s'autodéfinissant comme un «
passéiste » (explicitement déclaré dans le
portrait qu'il composa pour André S.
Labarthe) tentant aussi de réinventer à
l'écran les plus forts instants de sa vie
personnelle.
Mégalomane notoire aimant se composer
un personnage évoquant une Amérique
122
rêvée (il portait un stetson et des lunettes
noires...), par certains aspects
affabulateur, parfois tenaillé de
tendances maniaco-dépressives, il fit ainsi
construire une cabane en bois sur le
plateau de son dernier film, Un flic, en
1971 et n'en sortait que pour diriger ses
acteurs ou régler ses éclairages. Jean-
Pierre Melville demanda aussi à Florence
Moncorgé-Gabin, scripte sur le film, de
porter une perruque car il n’aimait pas la
couleur d’origine de ses cheveux…
Selon José Giovanni, il aimait à se réjouir
123
de l’échec de ses confrères cinéastes.
L'échec cuisant d'Un flic le toucha
considérablement, selon le récit qu'en a
fait son ami Philippe Labro dans Je connais
des gens de toutes sortes.
Il meurt, peu de temps après, des suites
d'une attaque cérébrale survenue dans le
restaurant de l'hôtel PLM Saint Jacques
(Paris XIVe). Son décès est décrit dans le
livre de Philippe Labro qui dînait avec lui.
Jean-Pierre Melville repose au cimetière
de Pantin.
124
Léon Morin Prêtre :
Durant l'occupation, dans une ville de
province, la jeune veuve de guerre d'un
juif communiste, mère d'une fillette,
défie un prêtre sur le terrain de la
religion. Certaine de sa rhétorique, les
réponses du prêtre la déconcertent
125
pourtant. Peu à peu, elle perd pied. Chaque
nouvelle rencontre avec ce prêtre la
rapprochera de la conversion. Sa
résistance cédera devant le travail de la
grâce. Une amie lui ouvrira
involontairement les yeux sur l'une des
raisons de sa conversion : l'Abbé Morin
est beau.
126
Anecdotes : À la sortie du film les
critiques sont partagés.
Certains reconnaissent la qualité du travail
de J-P. Melville et de ses acteurs :
le cinéaste (également adaptateur), à coup
de menus détails, de légères ellipses,
d’infimes retouches, est parvenu à
restituer les lumières du livre tout en
estompant ses ombres. Du très beau
travail. - Jean Rochereau, La Croix du
03/10/1961
Film probe, émouvant, beau - comme le
roman qu’il reproduit si fidèlement. Nous
127
sommes étonnés d’êtres émus, troublés,
de sentir passer le surnaturel - Claude
Mauriac, Le Figaro du 30/09/1961
La grâce s’imite donc, me disais-je. Qu’un
bon acteur [Belmondo] puisse devenir
n’importe quelle créature, entrer dans
toutes les peaux, je le savais. Mais ici il
fallait devenir ce saint qui ne sait pas qu’il
est un saint et qu’il fût en même temps ce
128
garçon aimé d’une jeune femme et qui sait
qu’il est aimé. - François Mauriac, Le
Figaro littéraire du 18/11/1961
L’interprétation est ici primordiale. En
témoigne, s’il était besoin, l’effacement
presque total de la technique. Les scènes
qui ouvrent le film (ces scènes qui se
réduisent souvent à des plans uniques)
constituent, par leur concision, un modèle
d’exposition. - André S. Labarthe, France
Observateur du 21/09/1961
Jean-Pierre Melville a réalisé là, sans
bruit, un travail d’une honnêteté et d’une
129
intelligence remarquables. Il y a été bien
aidé par deux interprètes tout à fait
exceptionnels : Jean-Paul Belmondo [et]
Emmanuelle Riva. - Jacqueline Michel, Le
Parisien libéré du 27/09/1961
D'autres sont moins flatteurs :
Aussi le film est-il bavard, très bavard,
trop bavard. (…) les arguments pour ou
contre la croyance, déversés par les
protagonistes tout au long de la
130
projection, n’ont pas le relief souhaité.
Claude Garson, L'Aurore du 25/09/1961
Et ce pourrait être du Delannoy, en plus
soigné. Pas un instant on ne sent la griffe
d’un créateur. - Pierre Marcabru, Combat
du 25/09/1961
Melville a un vrai talent de cinéaste. Mais
peut-être a-t-il été trop fidèle parfois, à
la lettre de l’œuvre originale. Le film n’est
pas construit. Il se déroule chapitre par
chapitre. Certains sont remarquables,
d’autres sonnent plus creux. - France
Roche, France Soir du 27/09/1961
131
Le film, bien que magistralement
interprété par deux grands acteurs (…),
risque fort de n’emporter l’adhésion
d’aucun public et même de lasser certains
spectateurs par sa longueur et la passivité
monotone de la récitante. - Armand Monjo,
L'Humanité du 27 septembre 1961
132
Le Doulos :
Maurice Faugel a mal supporté son séjour
en prison, durant lequel sa femme a été
abattue. Par vengeance, il tue le receleur
Gilbert Varnove avec sa propre arme, alors
que celui-ci prépare des bijoux volés. Ce
butin doit être remis à Nuttheccio et
133
Armand, dont l’arrivée provoque la fuite
de Faugel, avec le revolver et le magot. Par
précaution, il dissimule le tout dans un
endroit désert, sous un réverbère.
Le lendemain, Silien, son meilleur ami, lui
apporte du matériel chez Thérèse, la
logeuse et amie de Faugel, pour faire un
cambriolage. Silien est mal vu dans le
milieu, il a la réputation d’être un « doulos
», c’est-à-dire un indicateur. Pendant le
cambriolage d'un hôtel particulier par
Faugel et son complice Rémy, Silien
revient chez Thérèse, et la contraint à lui
134
donner l’adresse où le « casse » doit avoir
lieu, puis il la ligote et la bâillonne avant de
prévenir la police. À l'arrivée des
policiers, Faugel et son complice prennent
la fuite, des coups de feux éclatent, Rémy
et l’inspecteur Salignari sont tués, Faugel
reçoit une balle et il s’évanouit.
Récupéré par Silien, Faugel se réveille
dans un lit sans savoir qui l'a sauvé alors
qu'un médecin lui retire la balle. Se
sentant traqué, il confie à son hôtesse un
dessin qui représente la cache des bijoux
et qu'elle doit donner à Jean, l'ami
135
commun de Faugel et Silien. Pendant ce
temps Jean se débarrasse de Thérèse en
simulant un accident de voiture. Faugel est
arrêté sur dénonciation de Silien, il est
vainement interrogé par le commissaire
Clain qui l'inculpe du meurtre de Gibert
Varnove. Il se retrouve alors en prison
convaincu qu'il a été dénoncé par Silien et,
se pensant perdu, promet les millions qu'il
a enterrés à son camarade de cellule en
échange du meurtre du doulos.
Mais Silien profite du séjour en prison de
Faugel pour préparer une mise en scène
136
qui innocente Faugel du meurtre de
Varnove et laisse croire que Nuttheccio et
Armand se sont entretués, à cause des
bijoux qui réapparaissent opportunément.
Faugel est alors remis en liberté et Silien
lui raconte une version fort différente du
déroulement des faits : c'est Thérèse qui
l'aurait dénoncé et Silien se serait chargé
de le venger en son nom en éliminant
Thérèse. Faugel gobe l'explication et, pris
de remords, tente d’empêcher le meurtre
de Silien par son ancien camarade de
cellule. Mais celui-ci tue Faugel qui s'est
137
rendu chez Silien, avant que ce dernier ne
s'entretue avec le tueur, alors même que
Jean, le complice de Silien est arrêté par
la police qui a retrouvé des preuves
compromettantes chez lui. L’histoire se
termine donc par l'élimination de tous les
principaux protagonistes.
Anecdotes : Au début de 1962 le
producteur Georges de Beauregard, qui
138
avait sous contrat J.P.Belmondo, demande
à Melville s'il ne lui serait pas possible de
faire, le plus rapidement possible, un film
avec son acteur, qu'il venait de diriger
avec succès dans Léon Morin prêtre. Et il
lui suggère de prendre un roman de la
"Série noire", connaissant le penchant de
Melville pour ce genre de littérature et de
cinéma. Le réalisateur pense tout de suite
au roman de Pierre Lesou, qu'il avait très
apprécié à sa sortie en 1957. Il le propose
donc, à la condition d'avoir Serge Reggiani
pour jouer le personnage de Maurice
139
Faugel. G.de Beauregard obtient l'accord
de Reggiani, qui dans un premier temps
aurait voulu jouer Silien, et le film se
tourne au printemps de 1962.
140
L’Aîné des Ferchaux :
Un banquier doit fuir la France, afin de
s'installer en Amérique. Il engage un
boxeur raté comme chauffeur et garde du
corps, et entretient avec ce dernier des
rapports violents et étranges.
141
Anecdotes : Au printemps 1961, une
annonce est publiée par le producteur
Fernand Lumbroso dans "Le Film Français"
: Alain Delon va tourner une adaptation de
L’Aîné des Ferchaux de Georges Simenon
réalisée par Jean Valère. La star montante
a suggéré Michel Simon pour incarner
Ferchaux, ce puissant industriel contraint
de fuir à l’étranger, et Romy Schneider
142
pour un rôle secondaire. Mais en juillet,
Delon préfère partir en Italie tourner
L’Eclipse d’Antonioni et, pour se
désengager de son contrat avec Lumbroso,
refuse le nom de Valère. Aucun metteur en
scène n’étant désigné à la date prévue, le
contrat est annulé, comme le stipule une
des clauses.
Fernand Lumbroso propose alors le rôle à
Jean-Paul Belmondo, qui se dit intéressé si
Jean-Pierre Melville (avec qui il est en
train de tourner Le Doulos) met en scène
le film. Celui-ci accepte et écrit une
143
première adaptation, assez éloignée du
roman. Le producteur, qui a payé cher les
droits, lui demande de revenir à une
histoire intermédiaire. "À cette époque,
j’étais encore capable de céder devant de
tels arguments", dira Melville. Le
réalisateur contacte l’acteur américain
Spencer Tracy mais son état de santé
inquiète les assurances. Charles Boyer se
montre intéressé par le rôle mais Melville
le trouve "trop beau" et engage Charles
Vanel . "Je n’aimais pas son scénario,
raconte l’acteur. Il cultivait
144
l’invraisemblance. Par exemple, un type
comme Ferchaux n’allait pas, en un après-
midi, faire de Belmondo son homme de
confiance.
Il n’y avait pas de rigueur dans sa
construction. Pas davantage dans son
dialogue. Quand je ne suis pas d’accord,
avant de commencer un film, je discute
pour que tout soit clair avant le tournage.
145
Avec Melville la discussion était
impossible. Il avait la science infuse.
On s’est donc engueulés. Cela commençait
mal !" Et ce n’est que le début. Lorsque
Melville apprend que Vanel projette
d’emmener sa femme aux Etats-Unis pour
les quelques semaines de tournage qui y
sont prévues, il voit rouge. Une telle
présence ne peut être que source d’ennui,
assure-t-il. Aussi, lorsque Lumbroso
évoque un coût élevé, le réalisateur saute
sur l’occasion et décide de tout tourner en
France. La banque new-yorkaise où
146
Ferchaux récupère son argent est en
réalité la Société Générale du boulevard
Haussmann à Paris, et l’autoroute qui mène
les deux hommes de Big Apple à la
Louisiane est celle de l’Esterel (garnie de
voitures américaines pour les besoins de la
scène).
Le tournage débute aux studios Jenner
(qui appartiennent à Melville ) en août
147
1962 ; le film s’intitule alors Un jeune
homme honorable. Connu pour avoir fait de
la boxe, Jean-Paul Belmondo n’a pourtant
encore jamais combattu à l’écran et
Melville tient à être le premier à le filmer
sur un ring. Une salle de boxe est donc
reconstituée à l’identique et "Bébel"
retrouve des amis qu’il a connus à l’Avia-
Club : le comédien Dominique Zardi qui fut
son professeur et qui joue ici l’arbitre, et
le champion de France poids welters
Maurice Auzel qui deviendra sa doublure
lumière sur la plupart de ses films. "Sans
148
le vouloir, raconte Melville, (Auzel) a mis
réellement Belmondo "k.o.". La deuxième
fois que vous le voyez tomber, ce n’est pas
de la fiction." Sur le plateau, les relations
ombrageuses entre Melville et Vanel
s’enveniment le jour où le premier
découvre dans le contrat du second une
clause lui permettant de changer ses
dialogues et ceux de ses partenaires.
"Autrement dit, il devenait, en somme,
mon superviseur. Quand j’ai appris ça, je
suis devenu comme fou." Vanel va dès lors
refuser d’adresser la parole à son metteur
149
en scène. Belmondo, constatant l’attitude
sévère et injuste de Melville à l’encontre
de Vanel, décide de se montrer solidaire
avec ce dernier et le rejoint dans son
indifférence entre les prises de vues.
"En tant qu’acteur, ça ne me dérangeait
pas du tout. Au contraire, je trouve que ça
aide plutôt : on entre dans son monde et
on fait moins de concessions." La vedette
du Salaire de la peur s’entend très bien
avec Belmondo. "Ce qu’on avait en commun,
c’était de ne pas se prendre au sérieux,
contrairement à Melville."
150
À la fin du tournage, fin octobre (alors que
se déroule la crise de Cuba), Melville se
rend avec une petite équipe tourner
certains plans d’extérieurs à New York. Il
ne tournera plus avec Jean-Paul Belmondo
et Charles Vanel.
151
Belmondo époque Labro :
Boursier à l'âge de 18 ans, il part étudier
en Virginie et en profite pour voyager à
travers tous les États-Unis. « Je n’ai pas
eu besoin de demander la permission à qui
que ce soit, parce que c’était un instinct,
qui reposait sur un désir, une curiosité
d’Amérique, que j’avais depuis toujours.
Elle venait de mes lectures d’enfance, du
cinéma, de la libération de la France. Et de
152
ma curiosité du monde, de mon envie de
bouger, de partir. Alors bien sûr, j’ai
prévenu mes parents et ils ne m’ont pas dit
non. Ils ont toujours encouragé ma
vocation. C’est une des clés de la vie : si on
a une passion, la force et la construction
familiales, ça compte. Pour mes parents,
c’était un risque, une aventure, un danger,
et peut-être un déchirement de me voir
partir, mais en même temps c’était : « tu
veux le faire, tu le fais ». Alors je suis
parti à 17 ans. J’en ai eu 18 sur les routes
américaines. Et j’ai vécu une aventure qui a
153
totalement changé ma vie, qui a déterminé
ma carrière et peut-être même mon
caractère », se confie-t-il à Phosphore. De
ces années de jeunesse, il a tiré deux
romans, L'étudiant étranger et Un été
dans l'Ouest.
De retour en Europe, il devient reporter à
Europe 1 et à France Soir grâce à
l'émission de Pierre Laforêt, intitulé La
Coupe des Reporters. Pierre Laforêt était
lui-même journaliste, réalisateur et auteur
de nombreuses créations sur Europe 1.
Enrôlé en 1960 pour la guerre d'Algérie,
154
Philippe Labro reprend deux ans plus tard
ses activités de journaliste pour le compte
de RTL, Paris Match et par la suite TF1
puis Antenne 2. Il écrit et réalise
plusieurs films.
Gainsbourg lui commande des textes pour
Lolita Go Home, l'album de Jane Birkin
(1975).
De 1985 à 2000, il dirige les programmes
de RTL, devient vice-président de la
station en 1992, vice-PDG en 1996 et vice-
président du Conseil d'administration en
mars 2000.
155
Le 31 mars 2005, il lance la chaîne Direct
8 avec Vincent Bolloré. Il est vice-
président de Direct 8, tout comme de
Direct Matin du même groupe. Il présente
l'émission de débat Langue de bois
s'abstenir depuis 2008.
Ami très proche de Jean-Pierre Melville, il
réalisa un documentaire sur celui-ci
intitulé Nom de code Melville.
156
L’Héritier :
Hugo Cordell, grand patron de la presse et
de l'industrie, trouve la mort dans
l'explosion de son avion, entre Genève et
Paris. L'examen des débris de l'appareil
n'a pas permis aux enquêteurs d'établir
avec certitude les causes de l'accident.
157
À Paris, les dirigeants de 'Globe', le
quotidien de Cordell, attendent avec une
certaine anxiété l'arrivée de Bart,
l'héritier de l'empire Cordell, qui a émis le
désir de prendre connaissance du dernier
numéro avant son impression. Dans l'avion
qui le ramène des États-Unis, ce dernier
flirte avec la séduisante Lauren, qui glisse
dans sa poche un ticket de bagage. À
l'aéroport, Bart est accueilli par le staff
directorial du Globe et des reporters de la
télévision. Le ticket de bagage trouvé par
un douanier correspond à une mallette
158
remplie de drogue et on accuse Bart de se
livrer à un trafic de stupéfiant. Il
comprend alors que son arrivée à la tête
de l'empire Cordell n'est pas du goût de
tout le monde. Aidé de son fidèle ami,
David, il décide de mener une enquête
interne.
Anecdotes : Il existe une fin alternative
de L'Héritier dans lequel le personnage de
159
Jean-Paul Belmondo se fait tirer dessus,
mais survit à ses blessures, alors que la fin
originale - celle sortie en salles - le
personnage de Belmondo meurt des suites
de ses blessures par balles. Philippe Labro,
réalisateur du film, a réagi sur cette fin
alternative :
« Je ne la connaissais pas mais, si elle
existe bien, cette fin alternative est une
honte. C’est moi qui ai signé ce film, de A
jusqu’à Z, même jusque dans les détails du
décor, truffé d’objets à moi, et je peux
vous dire que JAMAIS je n’ai voulu faire
160
une autre fin. Quelqu’un a dû récupérer, je
ne sais pas comment, des rushes et
retrouver une chute où Jean-Paul rouvrait
les yeux. Forcément qu’il les a rouverts
avant que l’on ne coupe la caméra !
Je n’ai jamais eu aucun doute sur le fait
que Bart Cordell devait mourir à l’issue de
mon film. En revanche, le producteur m’a
souvent dit qu’on allait perdre 100 000
161
entrées avec une fin pareille et qu’il ne
fallait pas que Cordell meurt car les fans
de Jean-Paul ne le supporteraient pas.
Moi, je restais arc-bouté sur mon idée et
sur la phrase de Fitzgerald qui est
prononcée par un journaliste dans le film :
« Montrez-moi un héros et je vous
montrerai une tragédie. ». C’était ça la
note d’intention du film, je voulais montrer
la mort tragique d’un héros en pleine
gloire, en calquant son assassinat sur celui
de Lee Harvey Oswald par Jack Ruby. Il
n’était donc pas question de laisser vivre le
162
personnage, même si, quelque temps après
le succès du film, on est venu me proposer
une suite, en arguant que le personnage
avait pu survivre à son assassinat et que le
film commençait à l’hôpital, juste après la
tentative d’assassinat. Bref, modifier la
fin de mon film, quelque part, c’est du
travail de faussaire. La personne qui a fait
ça n’avait pas le droit de toucher à mon
film. »
163
L’Alpagueur :
Un chasseur de primes qui travaille à la
solde de la police est chargé de
démanteler un réseau de prostitution
européen et de mettre la main sur un
dangereux criminel, qui élimine témoins
gênants et complices.
164
Anecdotes : Deuxième collaboration entre
Philippe Labro et Jean-Paul Belmondo
après L'Héritier en 1973.
"L'épervier" braque une banque nommée
"Banque Cordell". Cette référence est un
renvoi au groupe Cordell S.A. que dirige
Jean-Paul Belmondo dans L'Héritier
(1973) également réalisé par Philippe
Labro.
165
Le thème de L'Alpagueur est entendu dans
le film Hobo with a Shotgun.
À l'époque de sa sortie, L'Alpagueur
rencontra un succès critique mitigé2. Au
box-office, le film atteint le million
d'entrées (1,5 million d'entrées), mais fait
un score inférieur aux autres films de
Belmondo.
166
Belmondo époque Oury :
En mai 1968, alors que les étudiants
s'attaquaient au bitume parisien, Gérard
Oury, lui, s'inquiétait de savoir s'il allait
pouvoir tourner son sixième long métrage:
Le Cerveau. C'est l'histoire de deux
gagne-petit du crime (Bourvil et Jean-Paul
167
Belmondo) qui veulent attaquer un train
transférant les fonds de l'OTAN, alors
qu'un as britannique du braquage
surnommé le Cerveau est déjà sur le coup.
"Un film plein d'idées chères", comme le
dit aujourd'hui la fille de Gérard Oury,
coscénariste du film. Mais le roi du rire
est riche de ses deux précédents succès.
Aussi peut-il s'offrir le luxe de faire un
film en Scope, avec des stars françaises,
mais aussi anglo-saxonnes – David Niven
(dans le rôle titre) et Eli Wallach (un
parrain de la mafia italienne)-, une
168
séquence animée, des effets spéciaux, des
cascades, des milliers de figurants, une
copie de la statue de la Liberté, et même
des images de la vraie, filmées à New York
du pont du paquebot France! Pour financer
cette folie des grandeurs, la Gaumont (et
son producteur Alain Poiré) s'est associée
à la Paramount, qui compte sortir ce film à
dimension internationale aux États-Unis.
Cela oblige dans un premier temps les
scénaristes, Danièle Thompson et Marcel
Jullian, à équilibrer l'importance des rôles
entre vedettes locales et étrangères, puis
169
Gérard Oury à filmer en même temps une
version en français et une autre en
anglais... Fin juillet 1968, les étudiants
sont rangés des barricades et le tournage
du Cerveau commence enfin. Il dure
trente semaines ! Mais dans la bonne
humeur. Un jour qu'Alain Poiré est de
passage sur le plateau, Oury lui dit : "C'est
fou ce que je m'amuse." Ce à quoi le
producteur lui répond: "Tu as des
amusements coûteux." Certes. Mais qui
rapportent aussi. Sorti en France le 7
mars 1969, Le Cerveau est un carton avec
170
plus de 5,5 millions de spectateurs ! Rien
de tel aux États-Unis. Déstabilisée par
l'échec de La kermesse de l'ouest, une
comédie musicale avec Clint Eastwood, la
Paramount sort The Brain dans une version
amputée, sans y croire. C'est l'échec.
En 1982, Gérard Oury exploite la fibre
comique de Jean-Paul Belmondo pour la
deuxième fois, avec L'As des as.
L'histoire est celle de Jo Cavalier,
entraîneur de l'équipe Française de boxe
pour les jeux olympiques de Berlin en
1936. Au cours des péripéties qui le
171
mèneront à affronter Hitler, il prendra un
enfant juif sous sa protection, le jeune
Simon Rosenblum. Sorti le 27 octobre
1982, L'As des as est un carton avec 5
452 598 entrées, et restera n° 2 au box-
office de l'année.
172
Le Cerveau :
Deux compères, Anatole et Arthur,
prévoient un « coup fabuleux » : l'attaque
d'un train spécial transportant de Paris à
Bruxelles les fonds secrets des nations de
l'OTAN. Une autre bande est sur le coup,
173
celle qui réalisa la fameuse attaque du
train postal Glasgow-Londres, sous les
ordres du Cerveau, un homme dont la tête
est si lourde que, sous le coup d'une
émotion, il est incapable de la maintenir
droite. Cette dernière bande est associée
à la mafia sicilienne...
Anecdotes : Calqué sur un fait divers réel,
l'attaque du train postal Glasgow-Londres
174
Un tournage au long cours qui passe par
New York, Paris, Rome et Le Havre
On peut voir le paquebot "France" dans le
port du Havre, (ainsi que dans "le
gendarme à new york")
Moyens techniques considérables : deux
trains blindés, une dizaine de wagons et
des kilomètres de voie ferrée fournis par
la SNCF, des voitures radio, des
hélicoptères et une escouade de motards
fournis par la gendarmerie, la Statue de la
Liberté et divers véhicules fournis par la
Régie Renault.
175
La Statue de la Liberté que l'on voit dans
le film trône actuellement sur le rond-
point de la zone d'aménagement concerté
du Mesnil-Roux à Barentin, en Seine-
Maritime.
Le pont sur lequel s'arrête le wagon
contenant les fonds de l'OTAN est en
réalité situé dans la vallée de la Conie, en
Beauce, sur la route départementale
reliant les villages de Villeneuve-sur-Conie
(45) et Péronville (28).
C'est le dernier film du duo Gérard Oury-
Bourvil.
176
C'est le deuxième et dernier film du duo
Belmondo-Bourvil, 10 ans avant ce film ils
avaient tourné Un drôle de dimanche.
Le Cerveau est le plus gros succès de
Jean-Paul Belmondo au cinéma français,
avec 5 547 305 entrées.
Le Cerveau est le deuxième plus gros
succès au box-office français de 1969.
177
Gardien : Qui a fait ça ?!
Arthur : C'est moi, chef.
Gardien : Vous ne l'avez pas fait exprès,
j'espère ?!
Arthur : Mais si, je l'ai fait exprès. Depuis
ce matin, je m'réjouis. J'ai tout préparé :
le savon, la serpillère... Manquait plus que
vous.
Gardien : Au trou ! Au trou ! Qu'on me
l'enlève, qu'on me le retire, je veux plus le
voir !
Arthur : Coucou !
Anatole : Coucou !
178
[Ils continuent à creuser et se ratent]
Arthur : Coucou ? Enfin, coucou !
Anatole : Ben pourquoi y dit plus coucou ?
Arthur : Allooo ?
Voisin : C'est bien au monsieur anglais du
6ème que j'ai l'honneur de parler ?
Arthur : Ouiii ?
Voisin : Je suis à bout, Monsieur. Qu'est-
ce qu'il se passe chez vous ?
179
Arthur : Il se passe que je vous emmerde,
Monsieur. Vous, votre affreux boudin de
femme, et votre sale chat.
Voisin : Vous savez à qui vous parlez ?
Arthur : Au gros tas que je croise tous les
jours dans l'escalier.
Sa femme : André, regarde !
Voisin : Il pleut chez moi, Monsieur !
Arthur : Il pleut chez vous ? Hé hé, mais
c'est exprès !
Voisin : Mais je vais monter vous corriger,
Monsieur, je vais monter !
Arthur : Mais bien sûr, montez donc.
180
Espèce de lavette, dégonflé, pauv'type,
cornichon.
181
L’As des As :
Jo Cavalier, entraîneur national, doit
accompagner l'équipe de boxe aux J.O. de
Berlin. Durant le voyage il prend en charge
un enfant de dix ans poursuivi par la
Gestapo.
182
Anecdotes : L'As des as est un très gros
succès public, atteignant les cinq millions
et demi de spectateurs en France, ce qui
constituera un record pour Jean-Paul
Belmondo. En revanche, l’accueil critique
est moins enthousiaste, Belmondo n’ayant
pas souhaité montrer le film aux
journalistes avant sa sortie en salles. Le
film suscite une forme de polémique du
183
fait de sa sortie quasi-simultanée avec
Une chambre en ville, de Jacques Demy,
qui s’avère un échec commercial tandis que
le film de Gérard Oury remporte un grand
succès. Dans le Télérama du 10 novembre
1982, vingt-trois critiques de cinéma
publient un texte comparant les résultats
des deux films et déplorant que le « public
potentiel » du film de Demy soit détourné
par « l’écrasement informatif et
publicitaire des films préconçus pour le
succès ». La polémique ne touche pas le
grand public, mais suscite l’agacement de
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Jean-Paul Belmondo, qui répond par un
texte intitulé Lettre ouverte aux coupeurs
de têtes : « Gérard Oury doit rougir de
honte d’avoir « préconçu son film pour le
succès ».
Jacques Demy a-t-il préconçu le sien pour
l’échec ? Lorsqu’en 1974 j’ai produit
Stavisky d’Alain Resnais et que le film n’a
fait que 375 000 entrées, je n’ai pas
185
pleurniché en accusant James Bond de
m’avoir volé mes spectateurs. […] Oublions
donc cette agitation stérile et gardons
seulement en mémoire cette phrase de
Bernanos : « Attention, les ratés ne vous
rateront pas ! ». Jacques Demy est le
premier surpris de cette polémique, et ne
met pas l'échec de son propre film sur le
compte du succès de celui de Gérard Oury.
Günther : Capitaine Cavalier, avec un « K »
n’est ce pas, comme kapout ?
Jo : Non, avec un « C », comme connard.
Günther : Vous allez effacé la belle petite
186
croix noire et venir peindre une jolie
cocarde bleu, blanc, rouge sur mon Focker.
Jo : 30ème victoire sur ton Focker ?
Günther : C’est moi qui vous ai abattu.
Jo : C’est pas vraiment battu ça, il est en
parfait état ce zingue. D’accord, j’ai p’être
atterri un peu brutalement, mais c’est
tout. Regarde le moteur. [Le nez de l’avion
se détache] I Et moi j’suis en pleine
forme, tandis que toi, regarde toi, t’as plus
d’aile, t’as le bras cassé : t’es un mutilé
mon pote. Depuis 5 minutes t’es un ancien
combattant. Veinard. Qui c’est qui va finir
187
la guerre dans un bon fauteuil roulant,
poussé par une schön französisch
infirmière ?
Günther : Et qui c’est qui va finir la guerre
en creusant un joli trou pour s’évader du
Stalag, où je vais le conduire ?
Jo : Quel genre du type je suis, d’après toi
Simon : Ben ... Le genre aventurier.
Jo : Et c’est quoi un aventurier ?
188
Simon : D'Artagnan ! Zorro !
Jo : Si un aventurier c’est un type qui n’est
heureux que quand il nage dans les
emmerdements, alors d’accord, je suis un
aventurier.
189
BONUS
190
Belmondo époque Zidi :
Né de parents originaires d'Algérie,
Claude Zidi suit d'abord une formation de
directeur de la photographie à l'ENS
Louis-Lumière. Après une courte carrière
dans ce métier, Claude Zidi rencontre ses
premiers succès en tant que réalisateur
avec des films de comique troupier
mettant en vedette Les Charlots : Les
Bidasses en folie en 1971, Les Bidasses
191
s'en vont en guerre en 1974. Il fait
tourner Coluche et Louis de Funès en 1976
dans L'Aile ou la Cuisse, Louis de Funès et
Annie Girardot en 1978 dans La Zizanie et
Coluche en 1980 dans Inspecteur la
Bavure. Il reçoit deux Césars pour Les
Ripoux en 1984 et réalise par la suite
Ripoux contre ripoux (1989), La Totale !
(1991), Profil bas (1993), Arlette (1997)
et Astérix et Obélix contre César (1999).
Il reste encore aujourd'hui l'un des
réalisateurs français ayant connu le plus
de succès.
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L’animal :
Michel Gauché (Jean-Paul Belmondo) est
un cascadeur professionnel et travaille
avec sa fiancée Jane (Raquel Welch) mais
sa trop grande nonchalance leur vaut
bientôt à tous deux un séjour à l'hôpital.
193
Délaissé par les producteurs, Michel vit de
petites combines, jusqu'au jour où on
l'appelle pour doubler la vedette Bruno
Ferrari (Jean-Paul Belmondo également)
aux manières quelque peu efféminées, et
dont Michel s'avère être le sosie craché.
Anecdotes : Après deux films de Henri
Verneuil (Peur sur la ville et Le Corps de
194
mon ennemi), Jean-Paul Belmondo revient
en 1977 à la franche comédie en
collaborant pour la première (et dernière)
fois avec Claude Zidi. «J’aime bien faire
alterner les styles, et un peu de
mouvement de temps en temps ça fait du
bien. Mais cette fois la partie action et la
partie comédie sont à égalité et je vais
pouvoir me donner à fond dans les deux
genres puisque je joue un double rôle, celui
d’un cascadeur et celui d’une grande
vedette dont il est la doublure». L’Animal
est produit par Christian Fechner, qui
195
vient de collaborer à cinq reprises avec
Zidi sur d’énormes succès (les films des
Charlots et L’Aile ou la cuisse avec Louis
de Funès). Il met à sa disposition pour
l’occasion un budget pharaonique, le plus
gros jamais alloué à un film français. «On
ne lésine ni sur le temps, ni sur l’argent, ni
sur la qualité» dit-il entre deux bouffées
de cigare.
196
Michel Audiard est enthousiasmé par
l’idée de départ. «La trouvaille, c’est
d’avoir dans le même film deux Belmondo.
Le gentil, drôle, audacieux, et l’anti-
Belmondo, bellâtre, efféminé, avec de
faux airs à la Valentino et roulant des
mécaniques comme Burt Reynolds. Une
création complète qui lui rappellerait ses
années de conservatoire. Et tandis que
Claude Zidi pensait à ses gags, moi je
pensais à des situations extraordinaires,
Belmondo rival de lui-même, les deux
Belmondo s’insultant, se poursuivant. J’ai
197
joué à fond sur les quiproquos, les
ressemblances au point de me perdre dans
des situations follement embrouillées mais
que je crois très amusantes. Au bout du
compte, Zidi et moi avons fait une bonne
association». Le réalisateur avouera
cependant plus tard avoir connu un
«flottement» avec Audiard. «Il écrivait
ses scènes comme des règlements de
comptes. Il a tout de même confectionné
de beaux dialogues». Comme toujours, les
seconds rôles sont hauts en couleur
(Charles Gérard, Julien Guiomar, Aldo
198
Maccione, Mario David, Raymond Gérome,
Henri Génès, Claude Chabrol…) mais il faut
cette fois à Bébel une partenaire féminine
prestigieuse qui soit son égal.
Ce sera Raquel Welch, le sex-symbol de
l’époque, héroïne du Voyage fantastique et
de Un million d’années avant Jésus-Christ.
Pour Zidi, elle sera en définitive «une
erreur de casting. Elle était trop
199
sophistiquée pour renvoyer la balle à Jean-
Paul». Mais l’équipe l’adore. «Une vraie
professionnelle», se souvient Charles
Gérard. «Simple : elle bouffait avec nous à
la cantine». Pourtant, le début du tournage
connaît quelques ratées. La maquilleuse
anglaise qu’on lui a attribuée n’est pas
satisfaisante et le chef-maquilleur Charly
Koubesserian doit lui en trouver une autre.
«Raquel Welch ne sortait jamais de la salle
de maquillage avant treize ou quatorze
heures, même si la scène à tourner était
prête dès midi», raconte-t-il. «Cela s’est
200
passé un jour, deux jours, trois jours
jusqu’à ce que la coupe fut pleine. Jean-
Paul s’est énervé et a expliqué que si
Mademoiselle Welch avait besoin d’autant
de temps pour se préparer, elle n’avait qu’à
venir à six heures du matin. En fait, ces
retards continus ne venaient pas du tout
d’une quelconque mauvaise volonté de la
part de Raquel mais simplement du fait
qu’elle n’en sortait pas avec son maquillage.
En grande professionnelle, voyant le tort
que cela causait au film, elle a repris les
choses en mains et dès le lendemain, est
201
apparue à l’heure. Et jusqu’à la fin du
tournage, il n’y a plus eu aucun retard à
déplorer».
L’Animal ne fera sans doute pas beaucoup
pour sa carrière aux USA (où il sera
retitré Stuntwoman pour la sortie en vidéo
!) mais elle aura rencontré sur le tournage
André Weinfeld, qui deviendra son mari…
202
Le film est célèbre pour ses cascades
(plutôt bien insérées dans le script puisque
l’un des personnages est cascadeur, ce qui
ne sera pas toujours le cas dans les films
de Belmondo…) mais la première que l’on
voit n’est pas réalisée par Jean-Paul
Belmondo ! En effet, pour la descende des
escaliers du Sacré-Cœur, c’est Rémy
Julienne qui s’y colle.
«Je suis au volant pour les tonneaux car il
faut virer puis redresser avant
d’escalader le tremplin, passer à travers la
roulotte et tomber dans les marches. La
203
voiture est une Bentley véritable de 1930
déguisée en Rolls (la calandre seulement
est changée). Une cage en tube renforce
l’habitacle car la caisse est en bois. Les
arceaux sont fixés directement sur le
châssis, mais le poids du monstre est
tellement élevé que je crains les effets de
l’inertie. Après un premier essai, je ne
peux me retourner et la Rolls descend
l’escalier en roulant sans dégâts. À la
seconde tentative, les tonneaux sont
parfaits et l’équipage s’arrête à l’endroit
prévu. Pour le second escalier, nous
204
chargeons la voiture sur un camion qui,
levant sa benne, expédie la ferraille en
bas. La balustrade en pierre est remplacée
par une copie en polystyrène expansé qui
cède au moment du choc, la carcasse de la
voiture est guidée par des rails, puis
libérée par un crochet largueur. Trois
jours de travail sont nécessaires pour
cette scène qui ne dure que quelques
secondes à l’écran».
205
Mais Belmondo va se rattraper sur la suite
du tournage, au grand dam de Michel
Audiard ! «Je suis allé un jour chez lui et il
m’a sorti un livre sur la vie de Roland
Toutain où il y avait la photo de Roland sur
une aile d’avion, et il m’a dit : «J’ai envie
de faire ça !». Je lui ai dit «Ecoute,
personnellement je trouve que c’est un jeu
de con parce que des accidents peuvent se
produire…». Mais ça avec Jean-Paul, c’était
exactement ce qu’il fallait lui dire pour le
décider (rires) !». La préparation de cette
scène est minutieuse et est confiée à Jean
206
Salis, spécialiste de l’aéronautique et
grand collectionneur d’avions. Dans le film,
le cascadeur Mike Gaucher (prenant la
place à l’insu des journalistes présents de
la star Bruno Ferrari) est pendu à une
échelle sous un hélicoptère et se pose sur
le toit d’un avion piloté par sa partenaire
Jane Gardner. Pour des raisons de
sécurité, Bébel ne peut pas effectuer le
passage complet. Il doit d’abord approcher
l’avion et posé les pieds dessus, puis une
autre séquence le montre debout (et
accroché) sur l’avion. La scène de l’avion a
207
été tournée à 7h du matin au-dessus de La
Ferté-Allais. Belmondo a des
appréhensions en se rendant sur les lieux
mais son ami Charles Gérard qui
l’accompagne en voiture, se charge de le
détendre pendant le trajet.
Il monte à bord de l’appareil et au «top»
en sort pour monter sur le toit. «Ça a été
incroyable. J’étais comme au cœur d’une
tempête. J’avais les yeux qui me sortaient
du visage. J’étais à genoux pour trouver
208
mes appuis et j’en prenais «plein la
gueule», comme on dit. Et puis je me suis
mis debout. Et là –ça va paraître idiot- j’ai
eu l’un des plus grands plaisirs de ma vie.
Un bonheur complet. Très égoïste mais
très exaltant. J’ai découvert un monde
étrange, un mélange de silence bizarre et
de bruit. C’était pour moi la réalisation de
tout un rêve d’enfant».
Pour les besoins du «film dans le film»
(«L’Espion couvert de femmes»), Belmondo
doit également tomber plusieurs fois de
suite du haut d’un escalier d’une
209
cinquantaine de marches. «On avait
caoutchouté l’escalier», raconte Claude
Zidi, «mais il faisait bien vingt mètres de
haut, et Jean-Paul s’est fait une entorse
terrible. Sur le coup, il s’est mis à hurler.
Mais comme il restait une prise, il a appelé
un médecin, demandant à ce qu’on lui
administre une piqûre. Stoïque, il a
remonté l’escalier et l’a redégringolé, sans
broncher… avant d’être immobilisé deux
semaines !». La star passe deux semaines à
nourrir deux tigres, afin qu’ils s’habituent
à son odeur et à sa présence. En effet,
210
Mike Gaucher se fait assaillir par un félin
en traversant le parc du château de Saint-
Prix. La scène se passe relativement bien,
sauf que le tigre va lui lacérer l’oreille.
Dernière émotion d’un tournage à risques.
Michel Audiard se souvient : «Quand il a
fini ce film, je l’ai vu le dernier jour : il
avait le corps bleu, de la clavicule à la
cheville ! Je n’ai jamais vu ça !». À la sortie
du film, Belmondo dira à Michel Drucker
dans l’émission «Les Rendez-vous du
dimanche», qu’il va sans doute arrêter les
cascades…
211
FIN