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Jean-Paul Fourmentraux « Corrupt Machine

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L’imaginaire technologique est profondément marqué par l’ambivalence de (nos relations à) la machine 1. Dans L’accident originel, Paul Virilio (2005) esquissait déjà l’idée d’une technologie doublement créatrice de progrès et d’accident reprenant le précepte d’Hannah Arendt suivant lequel « le progrès et la catastrophe sont l’avers et le revers d’une même médaille » 2.

À cet égard, la machine de l’ère numérique s’offre comme une « boîte noire », un outil performatif qui est aussi un système clos. Comme le montrent les travaux de Friedrich Kittler (2015), les machines numériques fonctionnent désormais en « mode protégé », en ce qu’elles privent leurs utilisateurs de toute possibilité d’entrer dans les systèmes pour les déchiffrer et en faire des partenaires d’activité et de pensée. Fortement prescriptives, ces machines numé-riques, à l’instar de l’ordinateur, cessent peu à peu d’être des machines d’écritures, au sens où le hardware, le software et les interfaces sont toujours plus verrouillés. Dans ce contexte tout incident technologique peut être vécu comme un traumatisme et révèle le leurre du pouvoir de maîtrise technique. Quels sont les symptômes et les effets d’une machine défaillante ? Qu’est-ce qui continue de nous attacher aux machines même lorsque celles-ci nous résistent ou nous échappent ? Comment s’opère l’équilibre entre défaillance, confiance et défiance ? Est-il possible d’envisager d’autres « modes d’existence » des machines ?

À l’interface des sciences de l’art et de l’anthropologie des techniques, au-delà du dualisme poison / remède (pharmakon) souvent réactivé par les débats entre technophobes et technophiles, ce texte propose de décrire et d’analyser des pratiques artistiques doublement inscrites dans l’histoire de l’art (contre-cultures) et dans l’histoire des « technocritiques » (Jarrige 2014), au cœur desquelles la machine numérique devient une matière à altérer et à détourner, afin de mieux en comprendre les (dys)fonctionnements (McLuhan 1968, Certeau 1990, Rancière 2008, Flichy 2010, Feenberg 2014, Jezo-Vannier 2013, Fourmentraux 2010, 2013, 2017 3. Déjouant

Jean-Paul Fourmentraux

« Corrupt Machine »Esthétique et politique de la panne numérique

À Benjamin Gaulon et Julien Prévieux,

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les anachronismes, je souhaiterai montrer que les artistes usent aujourd’hui de différentes tactiques ou ruses, bien connues de l’anthropologie, pour « reprendre la main » 4, détourner et questionner la technologie (au double sens des techniques et des savoir-faire, des logiques et déterminismes qui y sont associées) :

• le bricolage (Lévi-Strauss 1962 : 16) : glitch, bug, virus, basse définition• le braconnage (Michel de Certeau 1990) : intrusion, pillage, réemploi, détournement• le sabotage (Giorgio Agamben 2006) : réappropriation, profanation, contre-emploiC’est par conséquent du côté de leur inefficacité, de leurs défaillances, de leurs déborde-

ments que je voudrais interroger les machines afin de mieux identifier les formes d’une possible esthétique de la panne : ce qui implique d’être attentif à leurs déséquilibres, machinations, états paranoïaques.

En limitant ici mes analyses à une série d’œuvres exemplaires de deux artistes contempo-rains – Benjamin Gaulon et Julien Prévieux –, je voudrais montrer comment (dé)jouer la panne et « faire œuvre » recouvrent des enjeux sociaux et politiques autant qu’esthétiques : autonomie, indépendance, réflexivité (critique) et réappropriation des cultures matérielles (contre l’obsoles-cence et l’opacité des systèmes) (Souriau 1990) 5.

Esthétiser la panne : héritages du Net art

Afin de rendre compte de ces dynamiques, partons des expérimentations pionnières d’artistes du Net art mettant l’accent sur la paranoïa qui entoure la relation de l’internaute à son ordina-teur – la peur des virus, la crainte du bug qui conduit la machine à planter jusqu’au crash du disque dur en entraînant parfois la perte irrémédiable des données.

Au début de l’ère Internet, dès 1994, certains artistes revendiquent une implication qu’ils qualifient de parasitaire 6. Leur forme liminaire d’action créative vise à contaminer Internet par des virus artistiques qui empruntent leur logique constructive aux Hackers 7 et quelquefois aux comportements déviants des pirates informatiques. Ces artistes mettent en œuvre une tactique de l’infection et de la contamination : leur démarche a pour objet l’incident et la panne, le bug, l’inconfort technologique et la perte des repères. Les œuvres pionnières de Jodi 8 interviennent, par exemple, sur la structure du langage HTML par altération du code et transformation des balises permettant l’agencement des sites web : tant au niveau de la mise en page que de l’inté-gration des composantes multimédias, du son, de l’image, de la vidéo. En opérant une intrusion à la racine même des sites, au niveau du langage et du code informatique, ces œuvres génèrent des erreurs basiques et des commandes contradictoires : l’erreur système 404 qu’elles affichent fait ici figure de leitmotiv créatif. Jodi entraîne le public dans les dédales rhizomiques d’un jeu de piste, dont il est souvent impossible de trouver l’issue, à travers des interfaces de brouillage et par l’apparition constante de messages d’alerte confrontant le visiteur à la panne, à la perte de contrôle de l’ordinateur qui ne répond plus à aucune commande.

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J.-P. FOURMENTRAUX5« CO R R U P T M AC H I N E » . E ST H É T I Q U E E T P O L I T I Q U E D E L A PA N N E N UM É R I Q U E

Le Net art déjoue ainsi toute forme de médiation technique ou institutionnelle, infiltrant directement les disques durs et les systèmes d’exploitation de leur (non)public victime d’un complot esthétique et algorithmique. Le vocable anglais operating system donne mieux la mesure du caractère actif de ces virus poétiques, comme dans l’œuvre de l’artiste Jaromil – Forkbomb shell, 2002 9 – dont la performance consiste en l’intrusion anonyme en ligne de commande d’un code-virus poiétique :(){ :|:& };: L’autoréplication de ce virus et sa génération de processus contradictoires ont eu raison des ressources de nombreux serveurs 10 : la « forkbomb shell ascii art » offrant un double hommage aux traditions littéraires rebelles et aux performances subver-sives et militantes des hackers.

Au-delà de leur caractère esthétique, ces dispositifs de distorsion des contenus et des infrastructures de l’Internet adoptent une visée politique : ils déjouent les technologies de pointe, les dispositifs de contrôle, les prescriptions d’emplois visant à discipliner les usages et les usagers. Héritiers de l’activisme, du dadaïsme et de l’art vidéo 11, le Net art participe d’une archéologie des médias (Zielinski 2006, Parikka 2007, 2012, Citton 2017) dont il s’agit d’exhu-mer et de sonder la machinerie afin d’en déployer les enjeux simultanément esthétiques et poli-tiques (Fourmentraux op. cit. 2010, 2013). À l’instar des pionniers du Net art, d’autres artistes contemporains placent aujourd’hui au cœur de leur recherche l’examen critique des modes d’existence et de défaillance de la machine et mobilisent pour ce faire différentes ruses et tac-tiques numériques : le braconnage et bricolage chez Benjamin Gaulon (Aesthetic of failure, Refunct media, Kindle Glitched), le sabotage chez Julien Prévieux (Statactivisme, Mordre la machine).

Bricolage et braconnage : l’art de (dé)jouer la panne

« Le déchet de quelqu’un est le trésor de l’autre. » Benjamin Gaulon 12

La « science du concret » qu’incarne le bricolage chez un auteur comme Lévi-Strauss (op. cit.) sous-tend plusieurs idées et principes : 1. l’emploi de matériaux tirés d’une accumulation d’ob-jets, de choses qui n’ont pas vraiment d’utilité mais qui sont tout de même gardées car « ça peut toujours servir » ; 2. l’ensemble formant un « univers instrumental clos » à partir duquel le bricoleur conçoit de nouvelles formes, car il faut toujours « s’arranger avec les moyens du bord » ; 3. le bricolage opère toujours par des voies détournées 13 (ibid. : 3), sans planification a priori, ce qui distingue la figure du bricoleur de celle de l’ingénieur. Lévi-Strauss avait déjà pressenti la manière dont « l’art s’insère à mi-chemin entre la connaissance scientifique et la pensée mythique ou magique ; car tout le monde sait que l’artiste tient à la fois du savant et du bricoleur 14. » (ibid. : 37).

Adepte d’une contre-histoire des techniques, Benjamin Gaulon a fait de la bricole son mode opératoire. Ses œuvres et installations s’attachent notamment à réanimer des machines

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1. Kindle Glitched (2013-2019).

The Aesthetics of Planned Obsolescence

périmées, rendues obsolètes par l’industrie et le marché. L’artiste interroge la place des déchets de notre ère électro-numérique marquée par la surconsommation et par le renouvellement per-manent de ses produits. Afin de déjouer le scénario de l’obsolescence programmée, il braconne du matériel électronique ou informatique ayant perdu sa valeur marchande (que les fabricants nous invitent à remplacer par leurs nouvelles versions), autant de rebuts technologiques dans lesquels l’artiste extrait des ressources en attente de nouveaux usages.

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J.-P. FOURMENTRAUX7« CO R R U P T M AC H I N E » . E ST H É T I Q U E E T P O L I T I Q U E D E L A PA N N E N UM É R I Q U E

Déprogrammer l’obsolescence

En tacticien des médias, prônant le critical making 15, Benjamin Gaulon partage volontiers son savoir-faire en organisant des ateliers de travail collectifs 16 axés sur le détournement et le recy-clage d’appareils trop hâtivement jugés obsolètes et abandonnés par le progrès technique.

« Les gens réalisent tout ce qu’on peut faire avec ces déchets. Cette électronique des années 70 à 90 est relativement facile à hacker. Aujourd’hui, c’est plus compliqué, souvent c’est une seule puce qui contrôle l’ensemble, recouverte de glu pour empêcher les manipulations ».

ReFunct Media est exemplaire de cette démarche collaborative, menée au sein du Recycling Hacklab 17 fondé en Irlande avec Karl Klomp et Gijs Gieskes. L’installation se présente comme une chaîne d’appareils électroniques dits « obsolètes » : lecteurs multimédias numériques et analogiques, manettes de jeux vidéo, caméras, téléviseurs, chaînes Hi-Fi, fers à repasser qui fonctionnent peu ou mal, du fait de leur usure ou parce qu’ils ne sont plus au goût du jour. Dépossédés de leurs fonctionnalités premières, ces objets de la consommation de masse, pro-duits en série, mais désormais désaffectés, inutilisés bien qu’en partie encore fonctionnels, sont piratés et recombinés, reliés et réactivés par l’artiste. Il en résulte une procession de zombies de l’ère électro-numérique, perfusés les uns aux autres, maintenus entre la vie et la mort par l’onde électrique qui les traverse. Ces prétendus déchets ainsi réagencés en une chaîne volontairement complexe et instable, reprennent vie et interagissent, en se transmettant le courant électrique ou les signaux audio et vidéo, en les parasitant aussi, pour créer de nouvelles boucles sonores et visuelles. Par analogie écologique, l’artiste fait naître une nouvelle créature « vivante » dont les organes entretiennent entre eux des relations symbiotiques telles que le mutualisme, le parasitisme et le commensalisme.

Ce « recyclage critique » propose de rouvrir les boîtes noires de technologies verrouillées, en nous donnant le pouvoir de les modifier, décortiquer et ré-assembler. L’œuvre interroge égale-ment nos formes d’attachements aux technologies et aux médias, desquels l’industrie nous rend dépendant tout en nous imposant de devoir rapidement y renoncer en les rendant obsolètes.

Glitch art ready-mades

KindleGlitched incarne un autre projet exemplaire de cette dérive et irresponsabilité de nos socié-tés de consommation. Comme beaucoup d’entre nous, Benjamin Gaulon a pu faire l’expérience de la très grande fragilité des liseuses numériques. Leur dysfonctionnement se manifeste souvent par un Glitch qui déstructure l’affichage et gèle définitivement l’écran sur la page que l’on était en train de lire. Prenant conscience de la récurrence de cette expérience auprès de ses proches, l’artiste décide d’engager une collecte de Kindle Glitchées avant qu’elles ne soient jetées, qu’on lui donne, qu’il trouve ou qu’il achète sur eBay. Certaines de ces liseuses, sélectionnées en fonc-tion du visuel désormais unique et permanent généré par la panne, sont exposées par l’artiste

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2. Refunct media (2013-2019)

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comme une série de tableaux numériques, qu’il prend soin de signer de son nom, les érigeant ainsi en œuvres d’art ready-made – clin d’œil contemporain au geste historique de l’artiste Marcel Duchamp. Non sans ironie l’artiste ira même jusqu’à mettre en vente ces liseuses « en panne » depuis la plateforme de leur fabricant, déplaçant la valeur de marchandises à obsoles-cence trop rapide en objets d’art à valeur esthétique et politique – « disponibles sur Amazon ».

Au-delà des déchets matériels, Benjamin Gaulon recycle aussi des fichiers numériques cor-rompus ou endommagés – buggés ou « glitchés » – comme l’illustre le projet Corrupt Yourself. Cette installation participative générée à l’aide d’un logiciel créé avec Martial Geoffre-Rouland offre la possibilité aux utilisateurs « de “glitcher” en temps réel l’image de leur webcam et d’enregis-trer un clip de dix secondes automatiquement téléchargé sur le site YouGlitch 18 – parodie de YouTube ».

Benjamin Gaulon a ainsi fait de cette panne qu’est le glitch (Menkman 2011), un leitmotiv créatif, la prenant à rebours ou l’esthétisant. Ce rapport agonistique au progrès technologique déjoue l’idéal d’interactivité défendu par les promoteurs des nouvelles technologies qui vantent la démocratie technique tout en limitant la liberté d’action des usagers à l’exécution d’une série de commandes prédéterminées, les dotant d’un répertoire d’actions très frustes. En ce sens, la réémergence du bricolage constitue un dissensus salutaire : en redonnant aux praticiens des médias la capacité de produire des erreurs volontaires et ludiques, il réenchante le rapport à la technologie 19 et aide le public à regagner confiance et autonomie. Il s’agit de prôner l’expérimen-tation contre la spécialisation, à l’instar de l’artiste Benjamin Gaulon chez lequel le bricolage rime avec l’action de ruse ou de falsification.

Michel De Certeau, anthropologue des croyances et des phénomènes de consommation, développa en ce sens la notion de « valeur d’usage », et parla à ce propos des « braconniers actifs » qui, à travers les mailles d’un réseau imposé, (ré)inventent leur quotidien (de Certeau op. cit.). Les mots employés par de Certeau désignent souvent des formes de résistance face au pouvoir impérieux de l’ordre social : braconnage (investir un lieu qui n’est pas sien), tactique (déjouer l’omniprésence de l’ordre, appelée communément « stratégie »), perruque (détourner du temps et du matériel à des fins propres), etc. Dans ce contexte, le glitch peut faire figure d’acte de résistance. Contre l’hégémonie de l’innovation, il promeut l’émancipation des usagers (au sens de Rancière op. cit.) par l’exploration et la déconstruction des machines. Cette pratique du braconnage permet de faire émerger un art de faire « tacticien » (de Certeau op. cit.) susceptible d’inventer de nouveaux modes d’existence des techniques, octroyant aux usagers une marge de liberté et d’autonomie, leur permettant de disposer à nouveau de techniques non inféodées au bon vouloir de la production.

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Saboter le travail de la technique : l’art du contre-emploi

Une autre démarche dérive de celles précédemment examinées : la tactique du sabotage. On limite trop souvent le sabotage à l’action de détériorer, mettre hors d’usage volontairement et le plus souvent clandestinement, du matériel, des machines, des installations militaires ou civiles 20. Un autre sens confère au même terme l’intention de désorganiser et de compromettre le succès d’un projet, d’une entreprise. Associé au travail, le sabotage renvoie aux attitudes contre-productives, au travail vite fait ou mal fait, exécuté « comme à coups de sabots » (Pouget 1911 : 3). Comme nous le rappelle par exemple l’économiste Charles Gide, saboter « ne signifie pas nécessairement l’acte de détruire les instruments ou les marchandises [...] mais tout acte qui consiste à rendre le travail improductif, soit par nonchalance, [...] par excès d’application, [...] ou par une observation méticuleuse des règlements » (Gide 1919 : 210). Certains artistes choisissent en ce sens de contourner l’usage des technologies, c’est-à-dire de ne pas ou de mal les utiliser, en suivant pourtant strictement leurs prescriptions d’emploi, pour les mettre – au moins symboliquement – en panne 21.

Statactivisme et Big data

Artiste du contre-emploi, Julien Prévieux s’est d’abord fait connaître par son projet de Lettres de non-motivations (2000-2007), consistant à envoyer des lettres (plus de mille) à une multitude d’entreprises en explicitant les (bonnes) raisons de refuser les emplois qu’elles proposaient. À la frontière des mondes de l’art et du travail, ce processus systématique et ritualisé du refus d’être employé permettait de révéler, par l’absurde, certaines dérives de nos sociétés néolibérales axées sur la performance et la rentabilité, impliquant la mise en concurrence des travailleurs.

Un peu plus tard, entre mai et juin 2011, Julien Prévieux infiltre un commissariat du 14e arrondissement de Paris. Il propose à quatre policiers de la brigade anticriminalité (BAC) de participer, en dehors de leur temps de travail, à des cours de dessin « particuliers » 22 : proposant d’apprendre à tracer, manuellement, les « diagrammes de Voronoï » désormais employés (par les logiciels de conception 3D) pour rendre visible la délinquance, recenser et cartographier des délits dans une zone géographique déterminée 23. Ces nouvelles technologies de quantification de la criminalité (crime mapping) doivent permettre de visualiser les délits en temps réel et d’optimiser le déploiement des patrouilles d’intervention.

Mises au service de la lutte contre le crime, les big datas remplacent peu à peu les anciennes cartes épinglées au mur et recouvertes de punaises. Elles font le jeu des fabricants de logiciels 24 qui vantent les résultats de l’analyse prédictive, croisant une multitude de variables – météo, vacances, évènements collectifs… – susceptibles de favoriser un accroissement des infractions et délits. Mais ces diagrammes tracés par ordinateurs échappent pour une bonne part aux

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3. Atelier de dessin B.A.C. du 14e arrondissement de Paris, 2011-2015

policiers : la vitesse de calcul des algorithmes rendant opaque leur processus de construction. Dans la pratique, leur application s’avère aussi très controversée.

À cet égard, les ateliers de dessin proposés par Julien Prévieux sont propices aux débats entre participants qui laissent volontiers s’exprimer un regard critique sur les transformations récentes de leur métier suite à l’implantation des nouveaux outils et méthodes de management (big data, tableaux de bord numériques, indicateurs courbes, diagrammes et évaluations en tout genre) dont l’incitation à l’usage est assortie d’une prime au résultat.

« Ces outils sont de véritables chevaux de Troie dont les policiers pâtissent plus qu’ils ne bénéficient. La visualisation des délits camoufle une politique publique délétère, imposant des accessoires à l’ef-ficacité limitée sur le terrain, cache-misère pernicieux incapables de combler le manque de moyens humains. Ces nouvelles approches étant également accompagnées d’un ensemble de discours sur la “prise d’initiative” et l’“ inventivité” des agents, il s’agissait de prendre à la lettre ces injonctions pour mieux se réapproprier ces techniques d’optimisation du travail policier et les faire dériver vers le point ultime et absurde où elles allaient pouvoir devenir un loisir du dimanche, un équivalent contemporain, dystopique et poétique, des maquettes en allumettes ou du tricot 25 ».

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Ici, ce sont l’expérience collective et le partage des savoir-faire qui semblent « en panne ». Dès lors, proposer de réhabiliter le travail « artisanal » permet une reprise en main des outils que l’in-formatique tendait à déconnecter de l’expérience commune. L’exploration et la réappropriation de l’algorithme, par le dessin manuel, ne répondent plus, bien sûr, à l’objectif de visualisation en temps réel promu par l’algorithme, dont l’efficacité est mise à mal, l’outil perdant sa fonc-tion d’optimisation. Mais, la compréhension de ses présupposés logiques et la maîtrise de ses effets en ressortent renforcés. De ce détour symbolique, il résulte une série de dessins abstraits, produits à la main par l’artiste et les policiers, exposés en tant qu’œuvres dans des galeries et différents centres d’art et musées, avant de pouvoir être acquis pour deux d’entre-deux par la collection du MACVAL/Musée d’art contemporain du Val de Marne – les bénéfices de la vente revenant à parts égales à Julien Prévieux et aux policiers ayant participé aux ateliers.

Crever l’œil algorithmique ou la (dé)quantification des regards

Julien Prévieux contourne ainsi l’usage prescriptif des machines et techniques, pour mieux souligner certains effets pervers ou absurdes de leur fonctionnement habituel. Cette attention aux mutations du travail induites par l’irruption du numérique sera prolongée à l’occasion de plusieurs autres réalisations prenant pour objet la mesure des mouvements ou les logiques de quantification du regard promues par exemple par l’oculométrie au travers de la technique d’en-registrement eye tracking 26. Pour la pièce Anthologie des regards (2015-2018) 27, Julien Prévieux transposera littéralement dans le monde de l’art 28, pour leur qualité visuelle, les productions géométriques issues de l’enregistrement des mouvements oculaires, confrontant l’iconologie aux effets pervers d’une technique marketing visant à déchiffrer l’attention visuelle à des fins d’optimisation de la consommation de publicités, de pages internet, ou de produits choisis en fonction de leur emballage.

« Après avoir décroché les œuvres et s’être munis de bobines de laine et de colle à chaud, nous avons dupliqué sur les cimaises, en lieu et place des productions artistiques, les différents mouvements des yeux. Dès lors, l’exposition initiale n’était plus visible que sous la forme de traces, de regards fantômes, dont le résultat final a pu être visité par les regardeurs eux-mêmes regardant leurs propres regards 29 ».

Quel sens peut avoir une volonté d’optimisation visuelle dans le cas de l’appréciation esthé-tique d’une œuvre d’art ? Quel peut être le but recherché par l’analyse des données ainsi pro-duites ? Serait-il envisageable d’améliorer son regard sur une œuvre d’art ? Là encore, l’artiste retourne la question, il dessaisit les techniques de leur effectivité et assignation premières pour donner à voir leur processus et en extraire des formes plastiques sensibles. Plutôt que de chercher à diriger ou instrumentaliser le regard, Julien Prévieux propose ici de rendre le regard producteur d’espace et de formes aux qualités visuelles inattendues et intéressantes pour l’œil. Comme pour l’atelier de dessin précédemment analysé, la mise « en panne » de la machine et la

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4. Anthologie des regards, 2015-2018

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5. Today is Great, 2014

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6. Today is Great, 2014

suspension des seules fonctions d’optimisation et d’évaluation cède la place à la constitution de communautés temporaires s’appropriant la logique confinée des outils techniques pour mieux concevoir des expériences esthétiques.

L’artiste prend ainsi position en choisissant de produire des formes simultanément esthé-tiques et politiques, déjouant les valeurs associées à l’idéologie de l’innovation ou la course à la productivité. Comme en témoigne aussi la Pièce Today is Great (2014) 30, dans laquelle l’ar-tiste érige ironiquement en œuvre d’art des schémas, notes et gribouillis laissés sur le tableau blanc des employés de Google, photographiés au téléobjectif depuis l’immeuble faisant face au désormais célèbre Binoculars Building conçu par l’architecte Frank Gehry à Los Angeles. L’artiste réalise cette fois-ci lui-même une série de dessins à l’encre de Chine à partir des détails prélevés, inversant les rôles en nous invitant, en traquant le traqueur, à reprendre la main sur nos données. Ces processus de travail, statactivistes (Bruno, Didier & Prévieux dir. 2014) 31, consistent dans leur dimension artistique à proposer d’autres usages des technologies pour (ré)activer et libérer leur portée esthétique et ludique. Le Statactivisme s’apparenterait ici à la pratique du judo : prolongeant le mouvement de l’adversaire afin de détourner sa force et de la lui renvoyer. Il s’agit de faire de la statistique, cet instrument du gouvernement des grands nombres, une arme critique. Chez Julien Prévieux, l’approche repose sur une équation originale

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qui confronte aux données rigoureuses de la recherche et des stratégies néolibérales du mana-gement, une attitude burlesque opérant par une série de contournements faussement naïfs des formes contemporaines d’exploitation.

L’art ne meurt pas de la technologie

Au-delà de leurs fonctionnalités programmées, les propriétés d’une technique se révèlent par-ticulièrement lorsque celle-ci vient à dysfonctionner. Comme pour un corps malade, c’est lors-qu’une machine ne marche pas qu’elle « fait problème », que l’on prend pleinement conscience de son existence et que l’on se met à développer à son endroit un regard critique et réflexif. Plutôt que de seulement considérer ces incidents techniques comme des anomalies délétères, qui viendraient perturber nos existences en paralysant nos machines, il est sans doute possible d’envisager qu’une machine défaillante ne soit que très rarement une machine morte, ou de manière rédhibitoire, « en panne », impossible à réparer et dont il conviendrait de se débarrasser. Au contraire, bien souvent la machine (sur)vit encore à ses dysfonctionnements, elle manifeste alors d’autres « modes d’existence », d’une intensité qui peut être supérieure à celle qu’on lui connaît lorsqu’elle semble dans son état normal. La machine adopte d’autres comportements et génère d’autres effets, lorsqu’elle se met à défaillir. Elle exhibe sa matérialité, plutôt que sa fonctionnalité, fait surgir l’imprévisible et l’inattendu.

Questionner la façon dont ces artistes prennent à rebours les innovations technologiques permet d’éclairer les enjeux de société et les controverses sociotechniques qui les traversent. Actes potentiels de profanation - le braconnage, bricolage et sabotage - constituent des tactiques (du faible contre le puissant) d’autant plus redoutables que la société contemporaine repose largement sur des machines et des réseaux aussi fragiles que puissants.

« La stratégie que nous devons adopter dans notre corps à corps avec les dispositifs ne peut pas être simple. Il s’agit en fait de libérer ce qui a été saisi et séparé par les dispositifs pour le rendre à l’usage commun […] » (Agamben 2007).

Cette approche de la panne et du dysfonctionnement consiste à pratiquer l’art du « grain de sable » : une contestation silencieuse et invisible qui échappe à toute répression et dont seuls les effets doivent être palpables. En ce sens, le sabotage est aussi un acte créatif par excellence, mobilisant à la fois l’inventivité, la débrouille et le système D.

Au cœur de ces développements, les œuvres de l’art et/ou la pratique artistique jouent un rôle spécifique : l’art constituant un bon laboratoire pour penser la technique, mettre en question notre écosystème machinique, et cultiver le numérique (non l’inverse).

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Notes1. Je dédie également ce texte à mes étudiants en Mas-

ter arts et création numérique avec et, pour lesquels, j’explore les pratiques ici exposées.

2. Ce proverbe très populaire, dont il est toutefois dif-ficile de retrouver la source exacte et originale, a été attribué et repris à Hannah Arrendt par Paul Virilio en ouverture de l’exposition « Ce qui vient » dont il a été le commissaire à la Fondation Cartier en 2002.

3. Cet article s’ inscrit dans le prolongement de recherches qui se sont donné pour objet d’étude l’articulation des faits techniques et sociaux, non sur le mode de l’instrumentation ou de l’aliénation, mais sur celui de la fréquentation et du contact, voire du jeu.

4. Plusieurs auteurs et ouvrages récents ont éclairé de nouvelles dynamiques du « faire » (par ou contre la technologie) avec lesquelles résonnent les pratiques étudiées dans le présent article : voir notamment Sennett 2010, Crawford 2010, Lallement 2015.

5. Notons que si aucun des concepts précités – brico-lage, braconnage, sabotage (empruntés à l’anthro-pologie, à l’histoire et à la philosophie) – ne figure en tant que tel dans le dictionnaire d’esthétique d’Etienne Souriau (qui constitue encore aujourd’hui une référence dans le domaine), les pratiques de l’art contemporain numérique offrent un terrain propice à cette relecture – et témoigne aussi sans doute de l’intérêt constamment renouvelé des arts pour l’anthropologie.

6. Pour un premier manifeste du Net art « activiste » voir Joachim Blank: http://www.irational.org/cern/Netart.txt.

7. Le sens informatique de to hack into a data base renvoie à l’action de s’introduire en fraude dans une base de données : il génère les termes hacking (piratage) et hacker (pirate informatique). Pour un premier manifeste du Net art « hacktiviste » voir Joachim Blank : http://www.irational.org/cern/Netart.txt.

8. Cf. Jodi, We love your computer, www.Jodi.org - Jodi, OSS, http://www.oss.Jodi.org - Jodi, Error 404, www.404.Jodi.org.

9. Cf. Jaromil, P0ES1S : http://www.p0es1s.net/en/projects/jaromil.html.

10. Cf. Jaromil, :(){ :|:& };: - ou de la bohème digitale : https://jaromil.dyne.org/journal/forkbomb.html.

11. Une même détermination marque, au début de leur histoire, les machines photographique, cinémato-graphique et vidéographique, tour à tour explorées, contournées et détournées par la pratique artistique expérimentale. Les premières pièces vidéo de Nam June Paik ou celles de Wolf Vostell se sont notam-ment attachées à la panne en détruisant la télévi-sion, physiquement (sculptures vidéo) autant que symboliquement, en intervenant à même la matière du médium – le meuble TV, l’écran, le tube catho-dique, le signal vidéo et son indéfinition.

12. http://www.recyclism.com.13. Dans La Pensée sauvage, Claude Levi Strauss rappelle

l’origine du verbe bricoler qui s’applique autant au jeu de balle et de billard, qu’à la chasse et à l’équi-tation, mais toujours pour évoquer un mouvement incident : celui de la balle qui rebondit, du chien qui divague, dont on peut dire qu’il bricole bien, ou du cheval qui s’écarte de la ligne droite pour éviter un obstacle.

14. Pour une relecture et mise à jour des thèses de Lévi-Strauss sur le bricolage, voir l’ouvrage collectif de Odin & Thuderoz 2010. Les auteurs y introduisent la figure de l’artiste pour repenser et relativiser l’op-position, formulée par Claude Lévi-Strauss dans La pensée sauvage, entre l’ingénieur, homme du projet et du concept, et le bricoleur, qui crée avec « les moyens du bord », puisant dans un stock d’objets accumulés sans projet précis.

15. Le terme de critical making utilisé pour la première fois en 2008 par Matt Ratto, professeur à l’université de Toronto, articule le « critical thinking » (mode de pensée dit critique) et le « making » (processus de création, expérience et connaissances acquises par le bricolage). Cf. Lallement op. cit.

16. Les e-wastes workshop sont des ateliers qui initient les citoyens participants au circuit bending ou hard-ware hacking, à ouvrir le capot d’objets technolo-giques mis au rebut.

17. http://hacklab.recyclism.com.18. http://www.uglitch.com.19. On ne peut oublier de mentionner ici la « théorie de

l’enchantement technique » proposée par l’anthro-pologue Alfred Gell pour qualifier l’art au-delà de la pensée esthétique, un peu rapidement réduite à la seule beauté. Mais ses principaux arguments, par

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ailleurs assez controversés, renvoyant à la virtuosité ou à la fascination magique, peuvent aussi sembler étranges au regard des pratiques et engagements artistiques que nous analysons ici : où il s’agit pré-cisément de contrer la fascination technique des promoteurs de l’idéologie de l’innovation (qui n’ont de cesse de verrouiller la technique), pour mieux réanimer la geste technique et réinvestir les boîtes noires. Nous retiendrons davantage de Gell son ana-lyse des figures de l’agentivité et son approche des « réseaux de l’art », contemporaine de l’approche des « mondes de l’art » (Becker) et la théorie de l’ac-teur réseau (Callon, Latour). Cf. Gell 2014 et son ouvrage posthume 2009. En réaction, voir aussi Derlon & Jeudy-Ballini 2010.

20. L’étymologie fait dériver le terme sabotage du verbe saboter et du mot sabot, éventuellement aussi du picard chaboter : « faire du bruit avec des sabots » et/ou du provençal sabotar : « secouer, agiter ». Une légende voudrait que le mot « sabotage » vienne du fait que des ouvriers jetaient leurs sabots dans les machines en vue de les détruire (on évoque souvent l’histoire des tisserands hollandais, des luddites anglais, ou encore des canuts lyonnais).

21. On trouvera d’autres analyses de ce rapport ambi-valent de l’art à l’innovation technologique, qui interrogent la figure de la panne, dans Chatonsky 1996 ; Nova 2014.

22. Cf. Atelier de dessin - B.A.C. du 14e arrondissement de Paris (2011-2015). Dessins réalisés par les poli-ciers Stéphane Dupont, Benjamin Ferran, Gérald Fidalgo, Mickaël Malvaud et Blaise Thomas. Voro-noï : encre sur papier calque, 65x50 cm. Heatmaps : peinture acrylique sur papier, 90x75 cm. http://www.previeux.net/fr/works-atelierbac.html.

23. En mathématique, les diagrammes ou partitions de Voronoï sont des formes géométriques subdi-visant l’espace, composées de polygones définis à partir d’un ensemble discret de points. Ils tiennent

leur nom d’un mathématicien russe du début du xxe siècle.

24. Tels que PredPol utilisé par la police de Los Angeles ou la suite Blue CRUSH d’IBM vendu au départe-ment de la police de Memphis.

25. Cf. D’octobre à février (2010) - pulls en laine, cintres. Julien Prévieux constitue cette fois un groupe de tricoteuses auxquelles il demande de reproduire des codes informatiques simulant des phénomènes sociaux comme les origines et évolutions d’une rébellion ou les processus de ségrégation http://www.previeux.net/fr/works-octobre.html.

26. Un logiciel de eye tracking détecte et enregistre le mouvement des pupilles grâce à une caméra infra-rouge, puis il trace ensuite un diagramme qui donne à voir les trajets, les temps et les zones de focalisa-tion de l’œil.

27. Cf. Anthologie des regards (2015-2018), Œuvre proto-colaire : enregistrement de regards, report de l’enre-gistrement au mur, fil de laine et colle, dimensions variables. http://www.previeux.net/fr/works-an-thologieRegards.html.

28. Mai 2013, à l’invitation du Frac Île-de-France/Le Plateau, un lieu d’exposition situé à Paris, en charge de l’acquisition et de la diffusion d’une collection d’œuvres d’art contemporain.

29. Cf. Julien Prévieux, Anthologie des regards (2015-2018) : http://www.previeux.net/fr/works-antho-logieRegards.html.

30. Cf. Today is Great (2014). Série de 10 dessins, encre de Chine sur papier, 40 x 56 cm.

31. Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une collaboration avec les sociologues Isabelle Bruno et Emmanuel Didier visant à souligner les dérives de la quanti-fication dans les technologies de pouvoir contem-poraines et les formes possibles de résistance à celles-ci. Prôner l’activisme en faveur d’un usage émancipateur et non asservissant des chiffres. Cf. Bruno, Didier & Prévieux dir. 2014.

L’auteurJean-Paul Fourmentraux, sociologue (PhD) est professeur à l’université Aix-Marseille et directeur de recherche (HDR Sorbonne) à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) au Centre Norbert Elias (UMR-CNRS 8562), membre fondateur du programme Art-Science-Société de l’Institut Méditerranéen d’Études Avancées (IMéRA, RFIEA). Ses recherches interdisciplinaires portent sur les enjeux politiques et anthropologiques des arts et technologies numériques.

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Il est l’auteur des ouvrages Art et internet (CNRS 2005, rééd. 2010), Artistes de laboratoire (Hermann 2011), L’œuvre commune (Presses du réel 2012), L’Œuvre virale (La Lettre Volée 2013) et a dirigé les ouvrages L’Ère Post-media (Hermann 2012), Art et Science (CNRS 2012), Identités numériques (CNRS 2015), Digital Stories (Hermann 2016), Images Interactives (La Lettre Volée 2017). Cf. http://ehess.academia.edu/JeanPaulFourmentraux - http://www.linkedin.com/in/jeanpaulfourmentraux.

IconographieImage d’ouverture. Broken portraits (2017-2019). The aesthetic of failure © Recyclism, aka Benjamin Gaulon.1. Kindle Glitched (2013-2019). The Aesthetics of Planned Obsolescence. Readymades glitch art © Recyclism, aka Benjamin Gaulon.2. Refunct media (2013-2019). Hardware hacking/sam-pling © Recyclism, aka Benjamin Gaulon.3. Atelier de dessin - B.A.C. du 14e arrondissement de Paris, 2011-2015. Julien Prévieux. Dessins réalisés par les poli-ciers Stéphane Dupont, Benjamin Ferran, Gérald Fidalgo,

Mickaël Malvaud et Blaise Thomas. Photos © Toni Hafkenscheid / Blackwood Gallery, Toronto.4. Anthologie des regards, 2015-2018. Julien Prévieux. Œuvre protocolaire. Enregistrement de regards, report de l’enregistrement au mur, fil de laine et colle, dimen-sions variables. Photos © Toni Hafkenscheid / Blackwood Gallery, Toronto.5 & 6. Today is Great, 2014. Julien Prévieux. Photos © Julien Prévieux.

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38-40.Bruno, I., Didier, E. & J. Prévieux dir. 2014 Statactivisme.

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Pour citer cet articleFourmentraux, J.-P. 2019 « Corrupt Machine. Esthétique et politique de la panne numérique », Techniques&Culture 72 « En cas de panne », p. xx-xx.