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Jean-Paul Sartre (1905-1980) Pierre Baribeau (2007)

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Pierre Baribeau (2007)

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L’existence et la liberté humaineL’existence et la liberté humainechez J.-P Sartre (Gabriel Marcel)chez J.-P Sartre (Gabriel Marcel)

Du point de vue de Sartre, ce que les hommes appellent expérience ou sagesse est probablement avant tout une façon active de se mentir à soi-même, de se dissimuler cette fondamentale absurdité qu’est l’expérience même.

L’homme en représentation: celui qui est en représentation est inévitablement aussi en représentation devant lui-même, et par conséquent joue à être ce qu’il est bien plutôt qu’il n’est ce qu’il est.

Comment peut-on être ce qu’on est lorsqu’on est comme conscience d’être? La conscience d’être n’implique-t-elle pas un intervalle, un vide qui rend impossible une coïncidence parfaite avec soi, une simplicité radicale exclusive à toute attitude, de toute simulation?

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L’être en soi, nous dit Sartre, est rempli de lui-même, il est purement et simplement ce qu’il est; autant dire qu’il est massif au sens où l’on dit que de l’or est massif; il n,a pas de dedans, ni par conséquent de possibilité et d,avenir: il ne se pose jamais comme autre qu’un autre être, il ne peut soutenir aucun rapport avec l’autre. Il est lui-même indéfiniment et s’épuise à l’être (p.51).

La caractéristique de la conscience, dit Sartre, est d’être une décompression d’être. Le propre de l’être conscient, c’est d’être ce qu’il n’est pas, et de n’être pas ce qu’il est. L’être humain est celui qui peut prendre des attitudes négatives vis-à-vis de soi (p.51).

Ma conscience se constitue elle-même dans sa chair comme néantisation d’une possibilité qu’une autre réalité humaine projette comme sa propre possibilité (p.51-52).

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Supposons que je signifie à mon fils: «Non, tu ne seras pas acteur, je ne veux pas que tu sois coureur cycliste»: je refuse l’être à ses possibilités qui sont ses projets. Ce refus, c’est justement ce que Sartre entend par «néantisation». (p.52)

La présence, pour Sartre, est une dégradation immédiate de la coïncidence, car elle suppose une séparation (p. 54).

Nous avons vu que la conscience est une décompression d’être. Seulement, si nous nous demandons maintenant ce qui sépare le sujet de lui-même, nous sommes contraint de répondre que ce n’est rien. En général, ce qui sépare, c,est une distance dans l,espace; dans le cas présent, rien ne peut séparer, par exemple, la conscience de croyance de la conscience elle-même, puisque cette croyance n’est autre que la conscience de croyance (p. 54).

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Mauvaise foi: elle consiste dans un certain art de former des concepts contradictoires unissant en eux une idée et la négation de cette idée. Mais ceci n’est possible que parce que la structure de l’être humain consiste en ce que chacun de nous a l’obligation constante de se faire être ce qu’il est, en ce que nous sommes sur le mode du devoir être ce que nous sommes.

Considérons ce garçon de café, dit Sartre, il a le geste vif et appuyé, un peu trop précis, un peu trop rapide; il vient vers les consommateurs d’un pas un peu trop vif, il s’incline avec un peu trop d’empressement, sa voix, ses yeux expriment un intérêt un peu trop plein de sollicitude pour la commande du client, enfin le voilà qui revient, en essayant d’imiter dans sa démarche la rigueur inflexible d’on ne sait quel automate (p. 55) […]

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Toute sa conduite est un jeu […] il joue à être garçon de café.

Supposons que le garçon de café ce soit moi: il faudra dire que je tente de réaliser un être en soi du garçon de café […] Mais si je le suis, ce ne peut-être sur le mode de l’être en soi, mais bien sur le mode d’être ce que je ne suis pas. Ceci est d’ailleurs vrai de toutes mes attitudes, de toutes nos conduites. Perpétuellement absent à mon corps, à mes actes, je suis, en dépit de moi-même, cette divine absence dont parle Valéry. Je ne puis même pas dire que je suis ou que je ne suis pas ici, au sens où je dis que cette boîte d’allumette est ou n’est pas sur la table (p. 56).

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Or, qu’est-ce que cela peut bien signifier, sinon que l’homme qui se reconnaît homosexuel n’est plus le même que l’homosexuel qui se reconnaît être, et qu’il s’évade dans la région de la liberté et de la bonne volonté? Il lui demande d’être ce qu’il est pour ne plus être ce qu’il est, il réclame de lui qu’il se constitue comme chose, précisément pour ne plus la traiter en chose (p.61).

Le rapport que je nomme être vu par autrui représente un fait irréductible qu’on ne saurait déduire ni de l’essence d’autrui-objet, ni de mon être-sujet. Il n’y a peut-être rien de plus remarquable dans l’œuvre entière de Sartre que cette étude phénoménologique d’autrui comme regard et de moi-même comme exposé, comme mis à nu […] Nos réactions subjectives à cette agression seront avant tout la peur (sentiment d’être en danger devant la liberté d’autrui), la fierté ou la honte (sentiment d’être enfin ce que je suis, mais là-bas, pour autrui) p. (65-66)

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Si j’écoute aux portes, il est évident que je me considère comme seul: on n’a pas l’habitude d’écouter aux portes quand on est entouré des membres de sa famille. Je pose en principe que je ne risque pas d’être surpris; ma solitude est ici ma donnée, mon postulat (p. 66).

Ce qu’on voit distinctement, c’est que, pour Sartre, la reconnaissance d,autrui comme tel n’est pas séparable du choc de ce qu’il appelle une liberté, et d’une liberté adverse qui la menace: en quoi cette liberté me menace-t-elle? Essentiellement en ce qu’elle tend à me figer dans en-soi (p. 67).

Tombé dans le monde signifie être arraché à soi-même, être dépossédé, et cette dépossession que signifie le regard d’autrui (p.67).

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L’analyse de l’amour est orientée de telle façon qu’elle ne peut ne pas aboutir à une constatation d’échec. C’est, dit Sartre, de la liberté de l’autre en tant que telle que nous voulons nous emparer. Non d’ailleurs par volonté de puissance. Il s’agit de devenir pour l’autre fin absolue, valeur absolue.

Le but véritable de l’amour consiste à ne plus être regardé par exemple comme laid, comme petit, comme lâche. Au lieu de nous sentir de trop, nous aspirons à sentir que cette existence est reprise et voulue dans ses moindres détails par une liberté absolu qu’elle conditionne en même temps et que nous voulons nous-mêmes avec notre propre liberté. Le fond de la joie d’amour, quand elle existe, c’est de nous sentir justifiés d’exister.

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Sartre n’a pas hésité à déclarer oralement qu’il est le seul à pouvoir parler aujourd’hui d’absolu, car la liberté à ses yeux est bien un absolu (p. 72).

La liberté: c’est la faculté pour l’être humain de sécréter son propre néant, ou encore que c’est la faculté pour l’être humain d’être son propre fondement (p. 72-73).

La liberté pour Sartre est manque, comme d’ailleurs la conscience elle-même; elle est véritablement un défaut, et ce n’est que par une sorte de paralogisme qu’il pourra s’évertuer ensuite à faire apparaître ce pur défaut comme une condition positive d’apparition d’un monde, c’est-à-dire en somme à lui assigner une valeur créatrice (p. 75).

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La liberté, nous dit Sartre, coïncide en son fond avec le néant qui est au cœur de l’homme. Pour la réalité humaine, être c’est se choisir: rien ne lui vient du dehors ni du dedans non plus qu’elle puisse recevoir ou accepter. […] Elle est entièrement abandonnée, sans aide d’aucune sorte, à l’insoutenable nécessité de se faire être jusque dans le moindre détail. Ainsi la liberté n’est pas un être, elle est l’être de l’homme, c’est-à-dire son néant d’être. Si l’on concevait d,abord l’homme comme un plein, il serait absurde de chercher, en lui, par après, des moments ou des régions psychiques où il serait libre: autant chercher du vide dans un récipient qu’on a préalablement rempli jusqu’aux bords. L’homme ne saurait être tantôt libre et tantôt esclave; il est tout entier et toujours libre, ou il ne l’est pas (p. 76).

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RÉSUMÉ DE SA PENSÉE (p. 77-78):-Pour la réalité humaine, être se réduit à faire. L’être humain apparaît à

l’observation comme unité organisée de conduites ou de comportements.-Mais cette réalité humaine se détermine elle-même à l’action, l’existence

de l’acte implique son autonomie.-L’acte se définit par l’intention qui est toujours un dépassement du donné

vers un résultat à obtenir, vers une fin choisie.-Cette fin révèle le monde, et le monde se révèle tel suivant la chose

choisie.-L’intention, par son surgissement non pas dans le donné, mais en présence

du donné, réalise une rupture avec lui; cette rupture est nécessaire à l’apparition du donné; c’est par elle que le donné peut devenir motivant.

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-Si la conscience existe à partir du donné, c’est à condition de le nier, de se dégager d’un certain donné existant pour s’engager vers une certaine fin, non existante. Cette caractéristique du pour soi implique qu’il est l’être qui ne trouve aucun secours, aucun point d’appui en ce qu’il était. Ainsi, non seulement nous n’héritons pas d’autrui, mais nous n’héritons pas de nous-même. Nous ne nous saisissons jamais que comme choix en train de se faire. Mais la liberté est simplement le fait que ce choix est toujours inconditionné.

-Un semblable choix est d’ailleurs absurde, en ce qu’il n’y a pas eu possibilité de ne pas choisir – absurde en ce qu’il est par-delà toutes les raisons.

-Enfin, le projet libre est fondamental, il est mon être même. Il existe pour chacun de nous un projet initial qu’une méthode phénoménologique appropriée.

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L’existentialiste est un humanismeL’existentialiste est un humanisme(Jean-Paul Sartre)(Jean-Paul Sartre)

Il y a deux écoles existentialistes: les premiers, qui sont chrétiens, et parmi lesquels je rangerai Jaspers et Gabriel Marcel, de confession catholique; et d’autre part, les existentialistes athées parmi lesquels il faut ranger Heidegger, et aussi les existentialistes français et moi-même. Ce qu’ils ont en commun, c’est simplement le fait qu’ils estiment que l’existence précède l’essence, ou, si vous voulez, qu’il faut partir de la subjectivité.

L’essence précède l’essence: lorsqu’on considère un objet fabriqué, comme par exemple un livre ou un coupe-papier, cet objet a été fabriqué par un artisan qui s’est inspiré d’un concept. […] Ainsi, le coupe-papier est à la fois un objet qui se produit d’une certaine manière et qui, d’autre part, a une unité définie, et on ne peut pas supposer un homme qui produirait un coupe-papier sans savoir à quoi l’objet va servir.

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La nature humaine chez les philosophes du XVIIIe siècle: l’homme est possesseur d’une nature humaine; cette nature humaine, qui est le concept humain, se retrouve chez tous les hommes, ce qui signifie que chaque homme est un exemple particulier d’un concept universel, l’homme.

Qu’est-ce que signifie ici que l’existence précède l’essence? Cela signifie que l’homme existe d’abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu’il se définit après. L’homme, tel que le conçoit l’existentialiste, s’il n’est pas définissable, c’est qu’il n’est d’abord rien. Il ne sera qu’ensuite, et il sera tel qu’il sera fait.

Ainsi, il n’y a pas de nature humaine, puisqu’il n’a pas de Dieu pour la concevoir. L’homme est non seulement tel qu’il se conçoit, mais tel qu’il se veut, l’homme est pleinement responsable de ce qu’il est.

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Le choix: quand nous disons que l’homme se choisit, nous entendons que chacun d’entre nous se choisit, qu’en se choisissant il choisit tous les hommes.

L’angoisse: beaucoup de gens ne sont pas anxieux; mais nous prétendons qu’ils se masquent leur angoisse, qu’ils la fuient

L’homme est liberté: Si Dieu n’existe pas, nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs, des justifications ou des excuses. C’est ce que j’exprimerai en disant que l’homme est condamné à être libre. Condamné, parce qu’il ne s’est pas créé lui-même, et par ailleurs cependant libre, parce qu’une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu’il fait.

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L’Être et le NéantL’Être et le Néantêtre et faire: la libertéêtre et faire: la liberté

Aucun état de fait, quel qu’il soit (structure politique, économique de la société, «état» psychologique, etc), n’est susceptible de motiver par lui-même un acte quelconque. Car agir, c’est modifier la figure du monde, c’est disposer des moyens en vue d’une fin, c’est produire un complexe instrumental et organisé tel que, par une série d’enchaînements et de liaisons, la modification apportée à l’un des chaînons amène des modifications dans toute la série et, pour finir, produise un résultat prévu (p. 510-511).

Un acte est une projection du pour-soi vers ce qui n’est pas et ce qui est ne peut aucunement déterminer par lui-même ce qui n’est pas. Aucun état de fait ne peut déterminer la conscience à le saisir comme négatité ou comme manque. Mieux encore, aucun état de fait ne peut déterminer la conscience à la définir et à le circonscrire (p. 510-511).

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Or, toute action a pour condition expresse, non seulement la découverte d’un état de chose comme «manque de…», c’est-à-dire comme la négatité, mais encore – et préalablement – la constitution de l’état de choses considéré en système isolé. Il n’y a pas d’état de fait – satisfaisant ou non – que par la puissance néantisante du pour-soi.

Cela implique donc pour la conscience la possibilité permanente de faire une rupture avec son propre passé, de s’en arracher pour pouvoir le considérer à la lumière d’un non-être et pour pouvoir lui conférer la signification qu’il a à partir du projet d’un sens qu’il n’a pas. en aucun cas et d’aucune manière, le passé par lui-même ne peut produire un acte, c’est-à-dire la position d’une fin qui se retourne sur lui pour l’éclairer (p. 511).

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Dès lors qu’on attribue à la conscience ce pouvoir négatif vis-à-vis du monde et d’elle-même, dès lors que la néantisation fait partie intégrante de la position d’une fin, il faut reconnaître que la condition indispensable et fondamentale de toute action c’est la liberté de l’être agissant (p. 511).

Si la condition de l’acte est la liberté, il nous faut tenter de décrire précisément la liberté. Mais nous rencontrons d’abord une grosse difficulté: décrire, à l’ordinaire, est une activité d’explication visant les structures d’une essence singulière. Or, la liberté n’a pas d’essence. Elle n’est soumise à aucune nécessité logique […] La liberté se fait acte et nous l’atteignons ordinairement à travers l’acte qu’elle organise avec les motifs, les mobiles et les fins qu’il implique (p. 513).

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Je ne saurais donc envisager une essence de la liberté. C’est au contraire la liberté qui est fondement de toutes les essences, puisque c’est en dépassant le monde vers ses possibilités propres que l’homme dévoile les essences intramondaines.

Ma liberté est perpétuellement en question dans mon être; elle n’est pas une qualité surajoutée ou une propriété de ma nature; elle est très exactement l’étoffe de mon être; et comme mon être est en question dans mon être, je dois nécessairement posséder une certaine compréhension de la liberté (p.514).

Nous avons établi que si la négation vient au monde par la réalité-humaine, celle-ci doit être un être qui peut réaliser une rupture néantisante avec le monde et avec soi-même; et nous avions établi que la possibilité permanente de cette rupture ne faisait qu’une avec la liberté (p. 514-515).

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Être, pour le pour-soi, c’est néantiser l’en-soi qu’il est. Dans ces conditions, la liberté ne saurait être rien d’autre que cette néantisation. C’est par elle que le pour-soi échappe à son être comme à son essence.

Je suis condamné à exister pour toujours par delà mon essence, par delà les mobiles et les motifs de mon acte: je suis condamné à être libre. Cela signifie qu’on ne saurait trouver à ma liberté d’autres limites qu’elle-même ou, si l’on préfère, que nous ne sommes pas libres de cesser d’être libres. Dans la mesure où le pour-soi veut se masquer son propre néant et s’incorporer l’en-soi comme son véritable mode d’être, il tente aussi de se masquer sa liberté (p. 515).

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Le sens profond du déterminisme, c’est d’établir en nous une continuité sans faille d’existence en soi. Le mobile conçu comme fait psychique, c’est-à-dire comme réalité pleine et donnée, s’articule, dans la vision déterministe, sans solution de continuité, à la décision et à l’acte, qui sont conçus également comme données psychiques.

Le refus de la liberté ne peut se concevoir que comme tentative pour se saisir comme être-en-soi; l’un va de pair avec l’autre; la réalité-humaine est un être dans lequel il y va de sa liberté dans son être parce qu’il tente perpétuellement de refuser de la reconnaître (p. 515).

Ces fins toutes faites et préhumaines définiront donc le sens de mon acte avant même que je le conçoive, de même que les motifs, comme pures données psychiques, le provoqueront sans même que je m’en aperçoive (p. 516).

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Cette discussion montre que deux solutions sont possibles: ou bien l’homme est entièrement déterminé (ce qui est inadmissible, en particulier parce qu’une conscience déterminée, c’est-à-dire motivée en extériorité devient pure extériorité elle-même et cesse d’être conscience) ou bien l’homme est entièrement libre (p. 518).

Loin que la volonté soit la manifestation unique ou du moins privilégiée de la liberté, elle suppose, au contraire, comme tout événement du pour-soi, le fondement d’une liberté originelle pour pouvoir se constituer comme volonté. La volonté se pose comme décision réfléchie par rapport à certaines fins. Mais ces fins, elles ne les crée pas. Elle est plutôt une manière d’être par rapport à elle: elle décrète que la poursuite de ces fins sera réfléchie et délibérée (p. 519).

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Ainsi la liberté, étant assimilable à votre existence, est fondement des fins que je tenterai d’atteindre, soit par la volonté, soit par des efforts passionnels. Elle ne saurait donc se limiter aux actes volontaires.

Il serait absurde de déclarer que la volonté est autonome lorsqu’elle apparaît, mais que les circonstances extérieures déterminent rigoureusement le moment de son apparition.

Il n’y a pas, par rapport à la liberté, aucun phénomène psychique privilégié. Toutes mes «manières d’être» la manifestent également puisqu’elles sont toutes des façons d’être mon propre néant .

Ne dit-on pas que la passion est mobile de l’acte – ou encore que l,acte passionnel est celui qui a la passion pour mobile? Qu’est-ce qu’un motif? Qu’est-ce qu’un mobile?

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Nous appellerons motif la saisie objective d’une situation déterminée en tant que cette situation se révèle, à la lumière d’une certaine fin, comme pouvant servir de moyen pour atteindre cette fin (p. 522).

Le mobile, au contraire, est considéré ordinairement comme un fait subjectif. C’est l’ensemble des désirs, des émotions et des passions qui me poussent à accomplir un certain acte.

L’acte rationnel idéal serait donc celui pour lequel les mobiles seraient pratiquement nuls et qui serait toujours inspiré uniquement par une appréciation objective de la situation. L’acte irrationnel ou passionnel sera caractérisé par la proportion inverse (p. 523).

C’est le surgissement du pour-soi qui fait qu’il y ait un monde, de même c’est ici son être même, en tant que cet être est pur projet vers une fin (p. 525).

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Il y a une certaine structure objective du monde qui mérite le nom de motif à la lueur de cette fin. Le pour-soi est donc conscience de ce motif (p. 525).

Le mobile n’est rien autre que la saisie du motif en tant que cette saisie est consciente de soi. Mais il s’ensuit évidemment que le motif, le mobile et la fin sont les trois termes indissolubles du jaillissement d’une conscience vivante et libre qui se projette vers ses possibilités et se fait définir par ces possibilités (p. 525-526).

Mais, comme le mobile est en-soi et que le motif est objectif, ils se présentent comme un couple sans différence ontologique.

Mais le sens que ce désir, que cette crainte, que ces considérations objectives sur le monde ont pour moi quand je me projette vers mes futurs, c’est moi seul qui peut en décider.

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Mobiles passés, motifs passés, motifs et mobiles présents, fins futures s’organisent en une indissoluble unité par le surgissement même d’une liberté qui est, par delà les motifs, les mobiles et les fins (p. 527).

De cela résulte que la délibération volontaire est toujours truquée. Comment, en effet, apprécier des motifs et des mobiles auxquels précisément je confère leur valeur avant toute délibération et par le choix que je fais de moi-même?

L’acte volontaire se distingue de la spontanéité non volontaire en ce que la seconde est conscience purement irréfléchie des motifs à travers le projet pur et simple de l’acte. Pour le mobile, dans l’acte irréfléchi, il n’est point objet pour lui-même mais simple conscience non-positionnelle de soi. La structure de l,acte volontaire, au contraire, exige l’apparition d’une conscience réflexive qui sait le mobile comme quasi-objet […] (p. 528)