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JEUX DE MAINS PORTRAITS DE SCRIBES DANS LES MANUSCRITS DE LA BIBLIOTHÈQUE D’AGGLOMÉRATION DE SAINT-OMER

Jeux de mains : portraits de scribes dans les manuscrits médiévaux de la BASO

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Catalogue de l'exposition présentée à la bibliothèque d'agglomération de Saint-Omer du 11 septembre au 9 décembre 2015.

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Page 1: Jeux de mains : portraits de scribes dans les manuscrits médiévaux de la BASO

JEUX DE MAINSPORTRAITS DE SCRIBES DANS LES MANUSCRITS

DE LA BIBLIOTHÈQUE D’AGGLOMÉRATION DE SAINT-OMER

Page 2: Jeux de mains : portraits de scribes dans les manuscrits médiévaux de la BASO

Jeux de mains : Portraits de scribesCatalogue de l’exposition présentée à la Bibliothèque d’Agglomérationde Saint-Omer du 11 septembre au 9 décembre 2015

CommissariatDominique Stutzmann, docteur en histoirechargé de recherche à l’Institut de recherche et d’histoire des textesMontage de l’expositionBibliothèque d’Agglomération de Saint-Omer (BASO), section patrimonialeDirecteur de publicationFrançois Decoster, Président de la Communauté d’Agglomération de Saint-OmerCoordination et médiationFrançoise Ducroquet, directrice de la BASORémy Cordonnier, responsable des fonds anciens de la BASOTextes et choix des illustrationsDominique Stutzmann, chargé de recherche à l’IRHTMarlène Helias-Baron, ingénieure de recherche à l’IRHTNotices des manuscritsLA : Laura Albiero, ingénieure de recherche à l’IRHTSB : Sébastien Barret, chargé de recherche à l’IRHTJCB : Jean-Charles Bédague, conservateur du patrimoine aux Archives nationalesCB : Caroline Bourlet, ingénieure de recherche à l’IRHTFD : Frédéric Duplessis, doctorant à l’École pratique des hautes étudesJF : Joanna Frońska, ingénieure de recherche à l’IRHTCH : Caroline Heid, ingénieure de recherche à l’IRHTMHB : Marlène Helias-Baron, ingénieure de recherche à l’IRHTJBL : Jean-Baptiste Lebigue, ingénieur de recherche à l’IRHTFPN : François Ploton-Nicollet, professeur à l’École nationale des chartesCR : Claudia Rabel, ingénieure de recherche à l’IRHTMS: Marc Smith, professeur à l’École nationale des chartesPS : Patricia Stirnemann, chargée de recherche à l’IRHTDS : Dominique Stutzmann, chargé de recherche à l’IRHTFT : Frédéric Tixier, maître de conférences à l’université de LorraineConception graphique du catalogueJérémy Lemaire, Service Communication de la CASOCrédits photographiquesBASO sauf mention contraireRelectures et correctionsSébastien Barret, Rémy Cordonnier, Marlène Helias-Baron, Dominique Stutzmann, avec l’aide des auteurs.ImpressionL’ArtésienneISBN978-2-9553126-2-9RemerciementsNos plus vifs remerciements s’adressent à Mme Nicole Bériou et M. François Bougard, directeurs de l’IRHT, qui ont soutenu le partenariat depuis ses origines, ainsi que les nombreux collègues qui ont apporté leur aide, leurs efforts et leur savoir, en particulier Laurence Bacart, Matthieu Bécuwe, Florian Duponchelle, Gilles Kagan, Steven Livesey et Nathalie Rébena.

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IntroductionUn partenariat scientifique : l’IRHT et la BASO

Issue d’un partenariat entre la Bibliothèque d’agglomérationde Saint-Omer (BASO) et l’Institut de Recherche et d’Histoiredes Textes (IRHT-CNRS), l’exposition « Jeux de mains, portraits de scribes » montre l’utilité des manuscrits du Moyen Âge pourla recherche historique. Ces trésors sont loin d’avoir livré tous leurs secrets. Que contiennent ces livres écrits à la main et fabriqués par des artisans ? Quand ont-ils été réalisés ? Comment sont-ils parvenus à Saint-Omer ? Ont-ils été produits sur place ou viennent-ils d’ailleurs ?Qui les a lus et pourquoi ? Chacun de ces volumes, par son existence, est un témoin de la culture, de la curiosité et du savoir-faire de ceux qui ont été leurs commanditaires, artisans et possesseurs.

La BASO, une des plus riches bibliothèques de France avec plus de huit cents manuscrits, conserve des livres venus principalement des nombreux établissements religieux des environs : ainsi, l’abbaye de Saint-Bertin fondée au VIIe siècle, centre culturel et économique majeur dès les temps carolingiens, l’abbaye de Clairmarais, fille de Clairvaux, fondée dans le deuxième quart du XIIe siècle, ou encore la collégiale* de Saint-Omer, pour ne citer que les plus puissants d’entre eux. Cette richesse exceptionnelle est à l’origine du partenariat scientifique entre la BASO et l’IRHT (soutenu par Biblissima*).

L’exposition a pour objectif de mettre en valeur les découvertes récentes faites dans le cadre de ce partenariat, qui permettent de mieux connaître les manuscrits audomarois médiévaux et modernes, patrimoine de la cité. Une quarantaine de ces ouvrages met en lumière la diversité culturelle des lettrés de ces époques. Écrivain inspiré ou prêtre, étudiant farceur ou grand professeur, juriste ou comptable, tous se révèlent dans leurs livres à qui prend le temps de les y retrouver.

Artistes et artisans du livre produisent des objets qui, par la suite, ont une histoire indépendante. Utilisés, modifiés, réparés par divers intervenants au cours des temps, ils racontent leur vie et celle de ceux qui les ont côtoyés. Du registre le moins soigné aux ouvrages d’art, ils portent les traces des siècles qu’ils ont traversés, ce qui leur confère une forte valeur historique et en fait l’écho de la culture médiévale.

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PARTIE I

Portraits et représentationsdans les manuscrits

BASO, ms. 73, f. 62v. : initiale historiée de deux hommes combattant, hybride anthropomorphe.

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Du mendiant au roi, du pécheur à Dieu

L’actualité dramatique de ces derniers mois nous rappelle que représenter Dieu (ill. 1), le Christ (ill. 2), les prophètes, les saints (ill. 3), ou même l’être humain, ne va pas toujoursde soi.

ill. 1: BASO, ms. 245, f. 2v : Trinité

BASO, ms. 453, f. 10r : Gratien enseignant

ill. 5: Musée du Louvre, dépôt de la BNF : Portrait de Jean II le Bon

ill. 4 : BASO, ms.12,vol. 2, f. 1v : Grégoire le Grand avec une barbe

ill. 6: BASO, ms. 1, f.1r,cat. n° 5 : Portrait satirique

ill. 2: BASO, ms. 452, f. 5r : Christ transmettant le droit divin à un évêque à sa droite et à un empereur à sa gauche

ill. 3: BASO, ms. 739, fol. 14v : Vierge à l’Enfant encadrée par les saints Pierre et Paul

Au Moyen Âge, dans le monde occidental, la figuration des êtres vivants n’a pas fait l’objet du même interdit que dans d’autres aires culturelles. Située chronologiquement entre la crise iconoclaste* dans l’empire byzantin et l’essor du protestantisme*, la chrétienté occidentale se révèle majoritairement favorable aux images, qu’elle destine à l’édification morale et spirituelle, ainsi qu’à l’instruction.

Soumis à des codes sociaux et esthétiques, le portrait nous renseigne sur le rôle, le rang et la dignité de l’individu dans la société, comme nous pouvons le constater avec le portrait de Gratien, moine du XIIe siècle et auteur d’une compilation majeure de droit canonique, représenté sous les traits d’un évêque (BASO, ms. 453, cat. n° 7). Il porte également un discours sur le sujet portraituré. À ce titre, selon les époques, certaines représentations sont idéalisées, notamment pour les dieux, les saints et les souverains, montrant leurs majesté, force immuable et éternelle jeunesse, donnant à voir la vérité essentielle plutôt que l’éphémère apparence physique.

Il faut aussi distinguer entre un art « réaliste » qui produit des portraits de fiction en assumant les défauts et les accidents de la nature, (ill. 4), et un art qui tente de reproduire à l’identique un sujet. Avec le portrait du roi Jean II le Bon († 1364) (ill. 5) qui passe pour le premier tableau réaliste de chevalet du Moyen Âge français, l’art médiéval renoue avec cette dernière tendance qui avait eu cours dans l’Antiquité pour les bustes des empereurs romains par exemple. Au-delà de ces considérations stylistiques, certains portraits peuvent aussi se transformer en caricatures, parfois féroces (ill. 6).

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2. S. Augustin et Boèce, De Trinitate

Sous l’abbatiat de Godescalc (1163-1176), le scriptorium* de l’abbaye de Saint-Bertin connaît une nouvelle période d’apogée, sous l’égide d’un habile dessinateur et orfèvre (?), d’origine mosane, le maître du Zacharie de Besançon (d’après le manuscrit 30 de Saint-Omer). Le décor d’une dizaine de manuscrits du monastère bertinien lui est aujourd’hui attribué, dont un recueil de sermons (BASO, ms. 77, voir cat. n° 11). Son style graphique et élégant se caractérise par l’emploi d’un trait de plume précis à l’encre noire, parfois rehaussé de couleurs, où se déploient des thèmes chers à l’esthétique romane : sirènes, centaures et autres combats de monstres hybrides avec des figures humaines nues,

d’inspiration antique. Débutant le cinquième livre du traité de saint Augustin, l’initiale H du f. 45r est ornée de beaux portraits d’anges (partie supérieure) et de deux saints (partie inférieure) accompagnés de la colombe du Saint-Esprit au nimbe crucifère*. Ces personnages, à la physionomie marquée et légèrement caricaturale, semblent être en pleine discussion (disputatio) sur des questions liées aux théories hérétiques du mystère trinitaire, sujet même du chapitre du manuscrit augustinien.

Bibliographie : CGM, p. 46, n° 73 ; Arras, 1951, p. 51, n° 25, fig. 2 ; Paris, 1954, p. 57, n° 127 ; Cahn 1996, p. 139 ; Tixier 2004, p. 102 ; Gil 2012, note 88, p. 195.

Saint-Omer, BASO, ms. 73, f. 45r : Dessin à l’encre noire, anges et saints discutant avec la colombe du Saint-Esprit

Copié à l’abbaye Saint-Bertin, vers 1160-1180 (présence d’un ex-libris en cursive du XIVe s. au f. 1r)Parchemin, 153 ff., H. 326 x L. 245 mm (justification 180 x 255 mm ; 1r-135v : 2 col., 36 l. ; 136r-153v : 1 col., 30 l.). Reliure en veau brun du XVIe siècle.1r-135v : Augustinus, De Trinitate ; 136r-139v : Boethius, De sancta Trinitate ; 140r-142r : De hebdomadibus ; 142v-145r : De fide catholica ; 145r-153v : Adversus Euthychem et Nestorium.

1. Pierre le Mangeur, Histoire scholastique

Saint-Omer, BASO, ms. 720, f. 42r : Dieu parlant à Moïse

Copié à l’abbaye de Villers (Brabant), vers 1192-1197.Provient de l’abbaye de Clairmarais.Parchemin, 208 ff., H. 400 x L. 305 mm (justification 303 x 210 mm, 2 col., 44 l.). Reliure en peau blanche estampée à froid, filets et fleurons, traces de boulons et de fermoirs, ais de carton (XVIe s.).1r-183r : Petrus Comestor, Historia scholastica (PL 198, 1053-1644) ; 183r-208r : Petrus Pictaviensis (?), Historia actuum apostolorum.

Pierre le Mangeur, chancelier et professeur de théologie à Paris, acheva en 1175 au plus tard son Histoire scholastique. Cette vaste compilation de l’histoire biblique et profane, ouvrage de base de l’enseignement théologique, connut un immense succès. Le texte du ms. 720 s’aligne sur l’état le plus ancien de l’œuvre qui est fréquemment complétée d’une Histoire des Actes des apôtres. En plus de nombreuses initiales filigranées en bleu et rouge, le manuscrit est orné de douze initiales peintes, dont une seule est historiée. Le répertoire de ce beau décor enluminé appartient à l’art mosan. Des parentés stylistiques plaident pour une origine du manuscrit à l’abbaye cistercienne de Villers-en-Brabant, où son ancien abbé Gérard d’Antoing dit d’Epinoy l’aurait commandé après avoir été élu abbé de Clairmarais (1192-1197). Son abbatiat est marqué

par l’obtention de donations promises à l’abbaye auprès de seigneurs laïcs récalcitrants. Ce devoir d’offrande à l’Église est explicitement rappelé par l’iconographie de l’unique initiale historiée, placée en tête du Lévitique, dans lequel Dieu enseigne au peuple juif les lois cultuelles à respecter (f. 42r, U). Dans le champ de la lettre, une arcature divise l’espace en deux. À gauche, Dieu apparaît à Moïse au-dessus de la Tente du Rendez-vous, transformée en chevet d’une église mosano-rhénane à galerie naine au-dessus des fenêtres. À droite, Moïse, la tête couverte d’un long châle en signe de respect, reçoit le phylactère qui comporte le début de l’ordonnance divine des sacrifices : Homo qui obtulerit, « Quand l’un de vous présentera [une offrande à Yahvé...] » (Lev 1,2).

Bibliographie : Le Maner 1990, p. 21-22 n° 18 ; Staats à paraître. CR, PS

FT

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3. Vie de saint Bernard le Pénitent

4. Digestum vetus

Bernard le Pénitent, dit aussi Bernard de Sithiu, est un moine bénédictin né dans le diocèse de Maguelone. Suite à une révolte où un seigneur fut tué, son évêque lui imposa de voyager nu-pieds pendant sept ans. Il accomplit plusieurs pèlerinages puis s’établit à Saint-Omer, aidant les pauvres avant de devenir moine à l’abbaye de Saint-Bertin où il mourut le 19 avril 1182.

L’auteur de sa Vie se nomme Jean, d’après les vers du f. 18r :

Ce manuscrit juridique, contenant la première partie de la compilation juridique de l’empereur Justinien, est un exem-plaire d’étude. Il a été co-pié en Italie septentrio-nale (d’après l’écriture) et son illustration est restée inachevée : sans doute l’économie d’un étudiant impécunieux ! Il a fait l’objet d’au moins trois campagnes d’an-notation : la principale, dès la première moitié du XIIIe s., sans doute d’une main française ; la deuxième, plutôt de la seconde moitié du siècle, d’une encre plus claire ; la dernière à la fin du XIVe ou au début du XVe s. (par ex., f. 191v-192r). Sur les feuillets liminaires ori-ginellement blancs, de

très nombreuses notes ont été ajoutées, parmi lesquelles on repère une mention de prix du vo-lume, sept florins à l’écu (f. 240v, XIVe s., Diges-tum vetus precio septem florenorum ad scutum), un passage dans le dio-cèse de Meaux, et des dessins.Deux têtes, indépen-dantes dans leur tracé, se font face et repré-sentent une vielle femme et une jeune dame, que sa couronne désigne comme comtesse, et du nom de Mahaut, évo-quant Mahaut d’Artois, princesse capétienne dont Maurice Druon a fait un personnage capital du début de la guerre de Cent ans.

Les Bollandistes ont supposé que l’auteur, qui a commencé le récit à la demande de Simon [II] (1176-1186), n’est autre que Jean [III] d’Ypres, abbé de Saint-Bertin de 1186 à 1230. Si le catalogue datait simplement le manuscrit du XIIIe siècle, celui-ci est, d’après son écriture, strictement contemporain de la mort de s. Bernard le Pénitent, moine de Saint-Bertin, et fait l’objet d’additions successives. Il s’agit donc assurément du livret (libellus) qui servait à consigner les miracles opérés par le saint à mesure de leur réalisation, et, ainsi, de l’autographe de Jean d’Ypres.

Bibliographie : Acta sanctorum, April. II, col. 674c-697a ; CGM, p. 356.

Hoc modicum qui fecit opus, rogat ut sibi detur,   Nominis interpres gratia diva sui.

Hoc vice mercedis a te, pie Sancte, requirit,    Nominis illius finis S, I-que caput.

Celui qui a fait ce petit ouvrage demande que lui soit donnéeLa grâce divine qui traduit son nom.

Cela, il le demande comme une indulgence de toi, ô pieux saint,La fin de son nom est S, et J son début.

Saint-Omer, BASO, ms. 783, f. 28v : Dessin à la pointe d’un personnage en prière : Bernard le Pénitent

Copié à l’abbaye Saint-Bertin, vers 1182-1215Parchemin, 28 ff. H. 200 x L. 140 mm (justification 180 x 115 mm, 1 col.). Reliure de veau fauve moucheté.17r-26v, 9r-16v, 1r-8v, 27r-28v : Johannes, Vita sancti Bernardi Poenitentis (BHL 1203, éd. Acta Sanctorum, April. II, 674c-697a). Lacune postérieure à l’édition après 8v.

Copié en Italie du Nord, vers 1200-1250Provient de l’abbaye Saint-Bertin (plusieurs ex-libris et mentions de prix)Parchemin, 242 ff. H. 400 x L. 235 mm (justification 243 x 120 mm, 2 col., 53 l.). Reliure frottée de basane brune mouchetée à simple encadrement de filet maigre. Les ff. 241-242 constituent les gardes anciennes. DS

Saint-Omer, BASO, ms. 466, f. 240v-241r : Deux dessins de visages, dont une tête à couronne comtale, avec la légende « Mahaut », évoquant l’Artois

DS

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5. Bible

6. Gratien, Décret

Cette célèbre bible a été présentée dans plusieurs expositions en raison de la haute qualité de ses miniatures (cf. f. 125r), dont la plupart ont malheureusement été découpées. Loin de la splendeur calme du corps du livre, la page de garde est un amoncellement d’écritures en strates diverses et montre comment les ajouts se concentrent dans les parties liminaires. Outre plusieurs sommaires contemporains du corps du volume, des ex-libris, un essai de plume alphabétique, un brouillon d’entrée pour un rouleau des morts, des vers (Walther 1959, n° 3766, 7035…), des extraits bibliques (Sap. 3:4), le nom d’un moine (Walbertus frater), elle contient plusieurs portraits. À côté de représentations caricaturales et au milieu d’un bel échantillonnage d’écritures d’apparence spontanée, se trouve le portrait – peut-être l’autoportrait – de frère Jean, qui recouvre l’un des ex-libris de Saint-Bertin : [Tit]ulus ecclesie [sancti Ber]tini in [sancto] Audomaro.

Bibliographie : Paris, 1954 ; Paris, 1958 ; Smeyers 1999.

Le Décret de Gratien, composé à Bologne vers 1140, devint rapidement le manuel de base, copieusement glosé, de l’enseignement du droit canon de l’Église. Le ms. 454 est un des plus anciens à présenter un cycle iconographique complet. Son décor enluminé apparaît influencé par l’enluminure septentrionale, comme l’indiquent le choix de la peinture couvrante sur fond d’or, les compositions à nombreux personnages et les motifs d’écoinçon* comme les petits lions issus du Channel style* et les têtes logées dans des feuilles. Une initiale historiée introduit chacune des trente-six causes, près de la moitié mettent en valeur la figure d’autorité de l’évêque. C’est le cas pour la cause 2, où l’exemplum de Gratien est efficacement mis en image (f. 103v). Il s’agit d’un évêque (à gauche) accusé par un laïc (à droite) du péché de chair, peut-être évoqué par l’homme nu qui forme la cauda* de la lettre Q. Bien que plusieurs des témoins à charge ecclésiastiques, figurés derrière l’accusateur, se désistent pendant l’audition, l’évêque est démis de ses fonctions puisque son crime est notoire. Le juge, l’archevêque siégeant revêtu du pallium* et coiffé de la mitre pointue « moderne », le destitue en lui enlevant la mitre cornue, de type « ancien », tandis que l’accusé croise ses mains dans un geste de soumission. Les premiers mots en majuscules enclavées ([Q]uidam episcopus de) et les jeux de plumes bolonais se déployant dans la marge sont semblables à ceux du ms. 191 (cat. n° 17).

Bibliographie : Weigand 1991.

DS

Saint-Omer, BASO, ms. 1, f. 1r : Portrait de frère Jean

Copié à l’abbaye Saint-Bertin, vers 1150-1175Parchemin, 192 ff. H. 500 x L. 305 mm

(justification 280 x 420 mm, 2 col., 42/47 l.).Reliure en basane mouchetée.

Saint-Omer, BASO, ms. 454, f. 103v : De la destitution de l’évêque

Copié en Italie (Bologne), vers 1170-1180 ; gloses contemporaines, XIIIe et XIVe s.Provient de l’abbaye Saint-BertinParchemin, B-D, 321 ff., E-H. H. 425 x L. 260 mm (justification 270 x 135 mm, 2 col., 50 l.). Reliure en veau brun du début du XVIIIe s. 1r-12r : Introductio Decreti. 12v-321v : Gratianus, Decretum (éd. Friedberg 1879), avec gloses marginales et interlinéaires : du 1er et du 2e type, de la Glossa ordinaria de Johannes Teutonicus, à l’exception des f. 23v-32r (version de Bartholomaeus Brixiensis ; cf. Weigand 1991, p. 930-931).

MS, DS

CR

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8. Pontifical à l’usage de Couserans

Copié dans le scriptorium de Saint-Bertin et enluminé par un artiste actif à l’abbaye dans le 3e quart du XIIe siècle, le maître du Zacharie de Besançon (voir cat. 2 et 11), ce manuscrit fut sans doute destiné à l’usage de l’école locale. On l’identifie avec un Décret qui, d’après le cartulaire de l’abbaye, fut commandé par l’abbé Godescalc (1163-1176 ; Stirnemann dans Paris, 2013, p. 95). Sa mise en page avec des marges étroites, l’absence presque totale des gloses et l’alternance des initiales dans trois couleurs, rouge, bleu et vert qui, à l’exception des lettres I, sont placées dans des espaces réservés par le copiste, le distinguent de la production contemporaine du Décret dans les

centres universitaires de l’Italie du Nord (BASO, ms 454, cat. n° 6). Le texte s’ouvre sur une grande initiale H qui comporte une scène d’enseignement conduit par Gratien lui-même. L’auteur du Décret est représenté comme un évêque, selon une tradition transmise par Robert de Torigny, abbé du Mont-Saint-Michel, qui lui attribua le siège pontifical de Chiusi. L’image ne montre pas une lectio (leçon) universitaire, mais un cours à l’école monastique, où les jeunes oblats, tonsurés partagent leurs bancs avec des garçons laïcs.

Bibliographie : Clarke 1992 ; Kuttner 1937 ; Paris, 2013

Saint-Omer, BASO, ms. 453, f. 10r : Gratien enseignant

Copié à Saint-Omer, vers 1160-1170Parchemin, 278 ff., H. 470 x L. 330 mm (justification 245 x 40 mm, 2 col.). Reliure de veau fauve sur ais de bois.1v-278v : Gratianus, Decretum (éd. Friedberg 1879)

Ce Pontifical à l’usage de Couserans se distingue par la particularité de ses rubriques et de certains textes plutôt rares. Il présente des initiales décorées (f. 3r et 11r, cette dernière avec des oiseaux à tête humaine dans la marge supérieure) et filigranées, aussi bien que l’image d’un évêque bénissant une épée et un chevalier (f. 310v). Aux f. 11r et 310v on peut noter la présence d’un écu armorié appartenant à un personnage non identifié : parti, au premier de gueules* à deux otelles (figure en forme d’amande) adossées en réserve, une en chef posée en bande, l’autre en pointe posée en barre (élément relevant des armes des Comminges) ; au second d’or à deux vaches d’argent, accornées (armes de Béarn et Coarraze). L’usage de ce Pontifical peut être déterminé grâce à l’interrogatoire prévu dans l’ordination de l’abbé des chanoines : Vis sancte

Coseranensi ecclesie et mihi et successoribus meis esse subditus secundum instituta sanctorum canonum ? « Veux-tu être soumis à l’église de Couserans, à moi et à mes successeurs, selon les statuts des saints canons ? » (f. 47v-48r), et il est corroboré par les litanies (f. 298v), qui mentionnent les saints Lezier, évêque de Couserans, Bertrand, évêque de Comminges, et Exupère, évêque de Toulouse. Par ailleurs, la présence de cérémonies susceptibles d’être célébrées par un simple prêtre et l’absence de certaines fêtes majeures autorise à considérer ce manuscrit comme destiné au chapitre plutôt qu’à l’évêque. Les pièces de chant sont notées en notation carrée sur portée de quatre lignes rouges.

Bibliographie : CGM, t. III, p. 127 ; Leroquais, Pontificaux II 1937, p. 323-324 (n° 196).

7. Gratien, Décret

Saint-Omer, BASO, ms. 250, f. 310v : évêque et chevalier portant un écu armorié

Copié à Saint-Lizier, milieu du XIVe s.Parchemin, 391 ff. H. 260 x L. 183 mm (justification 177 x 122 mm, 2 col., 17 l.). Reliure en basane sur ais de carton.1r : Alphabet latin ; 2v : Alphabet grec ; 3r-7r et 8r-9v : Psaumes et Oraisons ; 11r-38r : Ordinations ; 38v-45v : Bénédiction des objets liturgiques ; 45v-61v : Consécration des abbés et des abbesses ; 61v-68v : Consécration des vierges ; 68v-93r : Consécration de l’évêque ; 93v-101v : Ordre du synode ; 101v-141r : Ordres divers ; 141r-229r : Dédicace de l’église ; 229r-232r : Fêtes du Temporal ; 298r-308v : Litanies ; 308v-387r : Bénédictions diverses ; 388r-391r [XVe siècle] : « Oraisons ».

JF

LA

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9. Recueil festif du prévôt

Ouvrage destiné à l’usage du prévôt de la collégiale Saint-Omer, ce volume n’est pas seulement un « missel », mais contient l’ensemble des textes et pièces nécessaires pour la messe et l’office des fêtes auxquelles le prévôt est censé présider en personne (Toussaint, Noël, Épiphanie, Purification, Pâques, Ascension, Pentecôte, Saint-Sacrement, Assomption et s. Omer). Des miniatures attribuables à l’atelier de l’enlumineur brugeois Simon Bening précèdent certaines des messes. Oudoard de Bersacques, prévôt de 1539 à 1558, a légué son livre à son église, d’après un ajout daté de 1558 : Reverendus in Christo pater et domnus, domnus Odoardus de Bersaques, quondam hujus ecclesie prepositus, hunc librum officium dicti prepositi dicte ecclesie in se continentem huic ecclesie sua testamentaria ordinatione legavit. 1558. Ita est. O. de Latre notarius « Le révérend père et seigneur

dans le Christ, dom Oudoard de Bersacques, jadis prévôt de cette église, a légué par testament ce livre contenant l’office du prévôt de la dite église. 1558. C’est ainsi. O. de Latre notaire » (f. 1v). Il s’est fait représenter dans une miniature en tête du manuscrit (f. 2v), agenouillé sur un prie-Dieu à ses armes. Le style de ce portrait est moins élégant que celui des autres miniatures. Neuf saints et saintes sont représentés frontalement les uns à côté des autres. La posture du commanditaire est tout aussi empruntée, et son visage, bien que réaliste dans le détail, est dépourvu de toute expressivité. D’après T. Kren, cette miniature est probablement de la main d’un artiste local à qui Bersacques confia le manuscrit avant de l’envoyer à Bening.

Bibliographie : Deschamps de Pas 1883 ; Leroquais, Sacramentaires III, p. 271-272 ; Kren 2003, p. 447-448.

Saint-Omer, BASO, ms. 60, f. 2v : Oudoard de Bersacques, prévôt de la collégiale Saint-Omer

Copié au chapitre collégial de Saint-Omer, 1530-1558. Parchemin, 78 folios. H. 370 x L. 260 mm (justification 205 x 270 mm, 2 col., 27 l. et 21 l. aux ff. 41v-49r). Reliure en veau bleu, gaufré avec filets dorés ; titre frappé : « Missale ».1r-40v et 51r-68v : Recueil festif ; 41v-43r : Gloria, credo, communion ; 44r-49r : Canon.

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PARTIE II

Portraits de scribes : la diversité des écritureset des mains

Saint-Omer, BASO, ms. 5, f. 11 : le roi d’Israël Qohelet écrivant le livre de l’Ecclésiaste

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Calligraphie et autographie : colophons comme portraits de scribes

ill. 7 : BASO, ms. 252r : Telle écriture, tel scribe

ill. 8 : BASO, ms. 408 : Mention d’écriture et de possession par Jean Gambier

ill. 9 : BASO, ms. 55 : Françoise Heuschin, religieuse du couvent des sœurs grises (enlumineuse)

Long et fastidieux, le travail de copie prend des significations diverses selon le contexte où il est réalisé. Souvent vécu ou, du moins, thématisé comme une bonne œuvre ou une pénitence chez les moines, il peut être un travail individuel ou la collaboration d’une équipe dans un atelier où les copistes se relaient les uns les autres, parfois en imitant l’écriture de leur prédécesseur. Dans l’officine d’un libraire, des copistes différents peuvent prendre en charge, indépendamment, des cahiers séparés (système dit de la pecia*), surtout pour les ouvrages qui doivent être produits rapidement afin de répondre aux demandes d’un public rendu nombreux par le développement des universités à partir du XIIIe siècle. Quel que soit leur mode de production, ces manuscrits sont de véritables œuvres de composition, élaborées par des scribes fiers de leur labeur. Cette fierté, légitime devant un travail bien fait et enfin achevé, se manifeste dans les colophons. Ces formules inscrites par les scribes pour marquer la fin de la copie sont souvent diffusées à l’identique dans les ateliers d’écriture pendant plusieurs siècles, mais il arrive que certaines soient plus originales. Ces dernières permettent de comprendre comment les copistes percevaient leur activité. Toute une gamme d’émotions peut être ainsi captée grâce à ces brèves mentions : de l’ennui face à une besogne répétitive jusqu’à l’orgueil, comme dans le manuscrit 476 (ill. n° 7, cat. n° 10) où le scribe témoigne d’une conscience aiguë de son savoir-faire et de sa culture.

Dans ces colophons, les scribes dévoilent aussi souvent d’autres indices historiques comme la date ou le lieu de copie, et parfois des informations personnelles telles que leur nom, leur appartenance religieuse ou leur statut social. Ainsi, nous savons que le manuscrit 77 (cat. n° 11) a été copié par un certain Salomon, probablement moine de Saint-Bertin. Le manuscrit 408 (cat. n° 15) est quant à lui de la main du frère Jean Gambier, dominicain de Lille (ill. n° 8).

Hors du monde monastique, on trouve aussi les marques de professionnels de l’écriture, clercs ou laïcs, comme dans le manuscrit 479 (cat. n° 12) où Guidomar du Moutier (de Monasterio en latin), clerc breton du diocèse de Léon, prend soin de signaler une erreur qu’il a commise, ou encore le manuscrit 721 (cat. n° 13), signé et daté par le scribe audomarois Jean Faucquet. Ils font ainsi apparaître la grande diversité du monde de l’écriture au Moyen Âge, où les scribes ne font pas tous partie d’un scriptorium* monastique, et certains tiennent un rôle actif dans la vie de la cité ; il y a même parmi eux des femmes, comme l’enlumineuse Françoise de Heuchin, religieuse du couvent des Sœurs Grises de Lillers puis de Lille (ill. 9, ms. 55) ou les moniales de Saint-Léonard de Guînes, destinataires du ms. 101, cat. n° 32.

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10. Décret, glose de Barthélémy de Brescia

11. Augustin, De Verbis Domini et De verbis apostoli

Déjà exposé pour ses enluminures (Saint-Omer, 2013), ce volume est un témoin de la diversité européenne, des échanges culturels et de la valeur commerciale du livre. La double page exposée montre, au verso, une liste des chapitres en écriture cursiva antiquior à longues lignes, destinée à recevoir un décor jamais réalisé, puis une table thématique, en cursiva à deux colonnes, sur les livres IV et V des Décrétales (mariage, hérétiques, crimes et fautes des clercs, chasse, tournoi). Sur le recto, une colonne de la main principale de la glose, en semitextualis sur les cinq sens, les onze sortes de témérité et les crimes imprescriptibles. En cursiva d’une encre plus claire sont ajoutées deux lettres concernant une procédure en cours. Au bas de ces textes se trouvent, au verso, le nom du compilateur ou possesseur, Thaddée Pacaterra, docteur en droit à Padoue et, au recto, une devise d’une main française déclarant la fierté du scribe : Sum scriptor talis demonstrat littera qualis (« Je suis tel scribe que le montre mon écriture »). Au verso se trouvent des notes en hébreu, une signature effacée, peut-être du scribe, Johannes de Plordocher (?) et une mention de paiement des artisans ou de mise en gage.

Daté par le CGM du XIIIe siècle, ce volume n’avait pas été étudié. Or il est en réalité lié par son décor au groupe des manuscrits décorés par le Maître du Zacharie de Besançon à la fin du XIIe siècle (voir cat. n° 2) et est l’un des rares qui présente une signature de scribe, liber Agustini [sic] / [de] verbis domini et de verbis apostoli / […] scripsit Salomon / summo doxa deo. Celle-ci, placée dans une position inhabituelle, en marge à la fin du texte, se fait discrète et correspond à l’anonymat qui caractérise la grande majorité de la production livresque des scriptoria* monastiques. Il s’inscrit également par son texte dans l’univers monastique du XIIe s., puisqu’il transmet un ouvrage patristique de grande importance, la double collection des sermons de s. Augustin († 430) sur les évangiles (de verbis Domini) et les épîtres pauliniennes (de verbis Apostoli) ; les leçons de ce manuscrit le relient aux exemplaires d’Anchin et Clairmarais. Bibliographie : Weigand 1988 ; Partoens 2001, p. 344 (sigle V7) ; De Coninck et al. 2006, p. 11-114, 121-128, 130 (sigle C2).

Saint-Omer, BASO, ms. 476, f. 251v-252r :Telle écriture, tel scribe

Copié à Paris (?), vers 1200-1215/1220 (f. 99-100, 222-224, et partiellement 129 : XVe s.)Provient de l’abbaye Saint-BertinParchemin, 252 ff., H. 365 x L. 265 mm (justification 160 x 230 mm, 2 col., 47 l. de texte principal). Reliure de peau blanche sur ais de bois.

Saint-Omer, BASO, ms. 77, f. 133v : Colophon du scribe Salomon

Copié à l’abbaye Saint-Bertin, vers 1175-1200Parchemin, 133 ff. H. 460 x L. 305 mm (justification 350 x 210 mm, 2 col., 49 l.). Reliure du XVIIe s., en basane mouchetée.

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12. Décrétales (avec gloses de Jean André et Jean Lemoine) et notes de dom Guillaume de Whitte

Le volume contient deux recueils de décrétales, importantes œuvres de droit canon : les constitutions dites « clémentines » d’après le nom du pape Clément V (1317) et le Sexte de Boniface VIII (1298),qui ont intégré le corpus du droit de l’Église (éd. Friedberg 1879). Ces recueils, joliment ornés (notamment le premier, remarquable par l’illustration initiale et ses lettres peintes) font l’objet d’une présentation et d’une mise en page caractéristiques : le texte des décrétales est encadré par un commentaire, appelé « glose », du juriste Jean André († 1348) dans le premier cas, et du cardinal Jean Lemoine († 1313) dans le second (Johannes Monachus 1968). La glose de Jean André est appelée à devenir la « glose ordinaire », le commentaire standard du recueil concerné ; pour le Sexte, elle supplante celle de Jean Lemoine, comme en témoignent les nombreuses éditions anciennes des deux textes avec la glose de Jean André (Clemens V papa 1476). Les copistes se sont par ailleurs livrés à un véritable jeu de mise en page sur les colonnes de la glose en changeant la longueur des lignes pour tracer des triangles, des crénelages… La troisième partie est beaucoup plus tardive : ce sont des notes prises par l’érudit dom Guillaume de Whitte au XVIIe siècle sur l’histoire de la région.

Le copiste du deuxième des trois manuscrits rassemblés sous une reliure moderne s’est aperçu d’une erreur alors qu’il copiait la deuxième colonne de l’actuel f. 45v : il a répété un passage qu’il venait d’écrire. Il a alors décidé de finir la colonne en signalant son erreur pour repartir sur le feuillet suivant, par les mots : « ces treize dernières lignes dans cette colonne ne valent rien, mais moi, Guidomar du Moutier (de Monasterio), clerc breton du diocèse de Léon, j’ai fait [ceci] pour finir ces dites treize lignes et cetera et cetera et cetera et », nous livrant son nom au passage. Pour plus de clarté, il a entouré le passage fautif des deux syllabes du mot vacat (« manque »), qui ont été répétées par une autre main un peu plus tard. Il est tentant, mais rien moins qu’assuré, de le rapprocher du Guidomar de Lestanet identifié par Jean-Luc Deuffic (Deuffic 2010, p. 158, n° 37), qui copie en 1322 un manuscrit du De principiis phisicis de Pierre Auriol, actuellement conservé à Madrid : son colophon est en effet formulé de manière proche (Guidomarus de Lestanet brito Leonensis diocesis me scripsit). Les différences dans le surnom donné, ainsi que dans l’écriture des manuscrits concernés, doivent néanmoins inciter à la plus grande prudence.

Saint-Omer, BASO, ms. 479, f. 45v : Mention de copiste

Copié en France du sud, v. 1320-1330 ; France du nord, 1e moitié du XIVe s. ; Saint-Omer, 1624-1631Provient de l’abbaye Saint-Bertin, avec mention de possesseur pour la deuxième partie (Antoine de Tramecourt, recevant en 1447 le livre de son frère, prévôt de Saint-Omer, à Paris, et l’ayant peut-être transmis plus tard à Saint-Bertin).Parchemin et papier, 168 ff., 3 unités distinctes : H. 387 x L. 259 mm, 42 ff. (justification 340 x 180, 2 col., 83-84 l.) ; H. 397 x L. 270, 75 ff. (justification 340 x 240, 2 col., 120-130 l.) ; H. 395 x L. 270 mm, 48 ff. (justification 370 x 210, 1 col., 60 l., puis 330 x 240, 2 col., 60 l., puis 330-360 x 100-130, 1 col., 60 l.).Reliure en basane.1r-42r : Clemens papa V, Constitutiones (éd. Friedberg 1879, t. II, p. 1125-1200), cum glossa Johannis Andreae (nombreuses éd. anciennes après 1460, par ex. Clemens V papa 1476) ; 43r-117r : Bonifacius papa VIII, Liber sextus decretalium (éd. Friedberg 1879, t. II, p. 933-1124), cum glossa Johannis Monachi cardinalis (éd. Johanes Monachus1968) ; 21r-168r : recueil de copies et notes diverses de dom Guillaume de Whitte (v. 1624-1631).

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13. Obituaire de la collégiale Notre-Dame de Saint-Omer

14. Guillaume Fillastre, Traité de la Toison d’or

Maculé de gouttes de cire, les coins des pages noircis d’avoir été trop feuilleté, ce manuscrit porte la trace de son utilisation quotidienne. Et pour cause : il renferme les noms des quelque neuf cent personnes que commémoraient pendant l’année, au jour anniversaire de leur mort, les chanoines de la collégiale Notre-Dame de Saint-Omer.Mais cet obituaire n’est pas seulement une mine d’informations pour l’étude du rapport à la mort, ou la reconstitution des généalogies des grandes familles de Saint-Omer : il rejoint la grande histoire audomaroise grâce au talent du scribe qui l’a copié. Jean Faucquet, qui signe et date son manuscrit, n’est autre que l’instigateur du complot qui livra traitreusement la ville de Saint-Omer aux Bourguignons en 1489, moins de deux ans à peine après sa reconquête par les Français (Hiltmann 2010, p. 485-491). Les chanoines de Saint-Omer, alors tout acquis à la cause bourguignonne, ne pouvaient lui en tenir rigueur…

Les trois miniatures de ce manuscrit reprennent le cycle iconographique de l’exemplaire de dédicace et il s’ouvre sur une scène de présentation du livre par l’auteur Guillaume Fillastre (v. 1400-1473), évêque de Tournai et abbé de Saint-Bertin, au duc de Bourgogne, Charles le Téméraire. Cette miniature à encadrement floral contient d’origine les armoiries non identifiées d’argent à la fleur de lis d’azur, parti de gueules* au chevron d’argent, et aigle de sable* (peut-être De Coninc). Au f. 5r, Athamas, roi de Thèbes, bannit ses enfants Phrixos et Hellé ; sur la droite, à l’arrière-plan, les fugitifs s’en vont et Hellé tombe du bélier portant la Toison d’or. Au f. 13r, Persée, porté par le cheval, tient une faux et les pommes d’or des Hespérides l’entourent.L’origine et les provenances de ce manuscrit ouvrent une fenêtre inattendue sur l’histoire de ce texte et de son rapport avec Saint-Bertin. En effet, l’auteur est abbé de Saint-Bertin et évêque de Tournai, ville dont

vient le premier possesseur Guillaume de Coninc (f. 150r, rubrique : Che livre appartient a Guillame de coninc natif de Flandres et demorant a Tournay sur les Salines) qui est aussi le rubricateur. Sa main se distingue du reste de l’ouvrage par l’emploi d’une hybrida avec un r prenant la forme d’un u à brisures. Une mention du début du XVIIe s. montre que le manuscrit était encore en mains privées et appartenait à Louis, seigneur puis baron d’Éclimeux (f. 151v, Louis de Wissocq, seingeur Desclimeus).La copie de ce volume à Tournai peu après la mort de Guillaume Fillastre reflète le prestige de cette oeuvre et l’intérêt qu’on lui portait ; son acquisition tardive par l’abbaye de Saint-Bertin démontre un souci antiquaire et une volonté de se réapproprier un passé prestigieux, alors que l’ouvrage de Fillastre n’est attesté à Saint-Bertin que par cette copie.

Bibliographie : Bayot 1907, p. 437.

Copié à la collégiale Notre-Dame de Saint-Omer, 1501Parchemin, 64 ff. H. 375 x L. 270 mm (justification 285 x 185 mm, 6 col., 45 l. réglées). Reliure de peau de suidé (porc ? sanglier ?).Av-Br et Cr : listes de chanoines de la collégiale Notre-Dame de Saint-Omer ; 1r-64r : obituaire de la collégiale Notre-Dame de Saint-Omer ; 64v : liste de chanoines de la collégiale Notre-Dame de Saint-Omer.

Saint-Omer, BASO, ms. 721, f. 32v : Traces de l’utilisation ultérieure du manuscrit

Saint-Omer, BASO, ms. 723, f. 1r : Scène de dédicace

Copié à Tournai, vers 1500Provient de l’abbaye Saint-BertinPapier, 154 ff., H. 365 x L. 265 mm (justification 255 x 170 mm, 2 col., 48-52 l.). Reliure en basane mouchetée du XVIIe s.

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15. Livre de prières du Dominicain Jean Gambier

Illustrant le développement de la copie à usage personnel et de dévotion, ce manuscrit sur papier a été écrit et vraisemblablement décoré par le Dominicain Jean Gambier entre 1595 et 1597, ainsi qu’il l’indique en plusieurs endroits, notamment au f. 3r : Hic liber orationum pertinet ad fratrem Johannem Gambier ordinis fratrum prædicatorum conventus Insulensis. Fuit quidem inceptus per eumdem fratrem Joannem 18a Aprilis Anni 1595 : « Ce livre de prières appartient à frère Jean Gambier de l’ordre des Frères prêcheurs du couvent de Lille. Il a été commencé par le même frère Jean, le 18 avril de l’an 1595 ». Le volume contient des prières et des chants, en particulier en l’honneur de la Vierge et pour le Rosaire : trois miniatures à pleine page (f. 52v, s. Dominique ; f. 60v, Crucifixion ; f. 66v, Memento mori) et plusieurs miniatures pieuses (Memento mori, Crucifixion, Vierge à l’Enfant, Christ aux liens). Les textes et les multiples représentations de la Vierge rendent compte de la forte dévotion mariale pratiquée au couvent des Dominicains de Lille, où une confrérie du Rosaire est très active et fait l’objet d’un miracle en 1644 lors de l’effondrement de la nef (Richard 1782).

Bibliographie : CGM ; Duchet, p. 39-40.

Saint-Omer, BASO, ms. 408, f. 60v : Crucifixion avec scribe agenouillé au pied de la Croix

Copié au couvent des Dominicainsde Lille, 1595-1596. Papier, 149 ff. H. 130 x L. 95 mm (justification 110 x 75 mm, 1 col., 17 l.). Reliure en veau brun, avec fers d’angelots au dos et monogramme IHS au centre des plats ; traces de fermoirs.

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Les marges sont aussi parfois un lieu de transformation de l’écriture. Si l’historien italien Emanuele Casamassima répartit toutes les écritures du Moyen Âge en deux catégories, les écritures livresques et les écritures de tradition cursive, l’on constate qu’il existe également des formes hybrides apparaissant de préférence aux abords du texte. Ainsi les hastes* et les hampes* des première et dernière lignes sont parfois allongées dans les livres par le scribe qui reprend ce faisant une pratique apparue d’abord dans les chartes* (ill. 11), comme pour rompre la frontière entre le blanc de la marge et le noir du texte. De même, les réclames* tirent parfois de leur position et de leur fonction une tendance à être tracées dans une écriture cursive* distincte de celle du texte (ill. 12).

Les inscriptions dans les espaces situés aux marges des livres se révèlent également source de diversité et de créativité. Il y a les marges des feuillets bien évidemment, mais aussi les espaces intermédiaires dans la structure du codex*, comme les pages de garde, où se concentrent les ajouts successifs des lecteurs, les mentions de possession, les notes les plus diverses, caricatures, dessins, citations bibliques et profanes. La miniature initiale (ms. 723, cat. n° 14) permet également d’introduire le lecteur dans l’univers du texte.

Pareillement, à partir du XIIe siècle, une forme particulière de mixité graphique apparaît dans les sommaires et les tables qui adoptent parfois une écriture diplomatique* (ms. 108, cat. n° 16), remplaçant en cela les pages d’apparat en écriture capitale qui ornaient souvent le début des ouvrages aux siècles précédents (ill. 13).

ill. 12 : BASO, ms. 710, f. 8v : Réclame en écriture cursive

ill. 13 : BASO, ms. 698, f. 2v : Prologue de la Vie de saint Omer

ill. 11 : BASO, ms. 612, f. 106v : Lettre-cadeau et cursive

L’écriture des marges

Lieu d’hybridation, de mélange et de confusion des genres, les marges du livre sont comme les marges sociales, fécondes d’innovations et de débordements. Les livres sont dans leur ensemble soumis à des règles d’écriture et de production qui correspondent à leur fonction. Dans les marges, en revanche, se généralise l’apparition, à partir du XIIIe siècle, de scènes plus fantaisistes, souvent symboliques, parfois satiriques, et qui ont une fonction illustrative, informative ou d’édification par le divertissement (ill. 10).

ill. 10 : BASO, ms. 615, fol. 1r : Âme enlevée par deux anges en référence au texte d’Aristote De Anima copié sur la même page

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16. Saint Augustin, Traités

Ce volume rassemble dix-huit lettres, extraits et traités attribués, parfois faussement, à saint Augustin, et le traité des Douze abus du siècle, ici attribué à Cyprien de Carthage. Décoré d’initiales filigranées rouges et bleues, le texte est copié en écriture prégothique au sein du scriptorium de l’abbaye Saint-Bertin et le texte, notamment par la présence d’un sermon augustinien « belge », est partiellement local. La table du volume au f. 1v-2r se présente sous la forme d’une addition en écriture diplomatique, avec des ornements spécifiques (vaguelettes sur les lettres s et f), des ligatures st et ct étirées en largeur, des tildes* bouclés, des traits de fuite allongés pour former des jeux graphiques avec des hastes croisées. À finalité pratique et placée en marge du volume, elle est un lieu de confluence et d’hybridité entre les usages livresques et diplomatiques.

Bibliographie : Staats 1998.

Saint-Omer, BASO, ms. 108, f. 1v-2r : Sommaire en écriture allongée diplomatique

Copié à l’abbaye Saint-Bertin, vers 1170-1200Provient de l’abbaye de Saint-BertinParchemin, 192 ff. H. 335 x L. 250 mm (justification 255 x 180 mm, 2 col. 37 l.). Reliure de basane avec titre ; 1 f. de remploi aux plats sup. et inf. (XI-XIIe s.), avec foliotation (XVe s.) : .lxxv. 1v-2r table ; 3ra-10ra : Augustinus Hipponensis, De cura agenda pro mortuis gerenda (CPL 307) ; 10ra-19vb : De bono conjugali (CPL 299) ; 20ra-64rb : De doctrina christiana (CPL 263) ; 64rb-77vb : De sancta virginitate (CPL 300) ; 77vb-91rb : De gratia et libero arbitrio (CPL 352) ; 91rb-104rb : De correptione et gratia (CPL 353) ; 104rb-105rb : Epist. 214 (CPL 262) ; 105rb-106vb : Epist. 215 (CPL 262) ; 106vb-112va : De praedestinatione et gratia (CPL 382) ; 112va-113vb : Pseudo-Augustinus, De praedestinatione (CPL 383, éd. PL 45, 1677-1680) ; 113vb-121vb : Augustinus Hipponensis, De bono viduitatis (CPL 301) ; 122ra-163ra : De peccatorum meritis et remissione et baptismo parvulorum (CPL 342) ; 163rb-181va : De spiritu et littera (CPL 343) ; 181va-185rb : Pseudo-Augustinus [Gennadius Massiliensis], De ecclesiasticis dogmatibus (CPL 958) ; 185rb-190rb : Pseudo-Cyprianus : De XII abusivis saeculi (CPL 1106) ; 190rb-191rb : Pseudo-Augustinus (Belgicus), Sermones ad fratres in eremo commorantes, sermo 60 « De perscutione christiana » ; 191rb-192rb : sermo 54, « Tractatus de oboedientia » (CPL 605, éd. PL 40, 1221-1224) ; 192rb-va : Augustinus Hipponensis : Enarrationes in Psalmos (CPL 283), ps. 118, sermo 17, « Docere nichil aliud est » ; 192va : ps. 137, § 16: « Ait Dominus Petro ‘Vade ad mare’ …-… Peccata nostra solvuntur ».

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17. Gratien, Décret

18. Digestum vetus

Ce Décret a été copié à la fin du XIIe siècle à Bologne. Malgré leur aspect français, les initiales ornées qui scandent le texte sont l’œuvre d’un artiste italien qui copie fidèlement l’art septentrional (à l’exception de celle du f. 172r, d’obédience toscane). La première glose marginale, contemporaine de la copie du Décret, a été grattée et remplacée à la fin du XIIIe siècle, probablement dans le Midi de la France, par la glose ordinaire de Barthélemy de Brescia (Weigand 1991, p. 926-928). Le Décret est précédé d’une table des matières (f. 1v) et d’un sommaire. Celui-ci est introduit par une grande initiale I qui s’inspire du Channel style* du Nord de la France (f. 2r), avec un grand masque engoulant des rinceaux qui se transforment en dragon. Les premiers mots ([I]n prima parte) sont écrits en majuscules enclavées à l’encre rouge et bleue. Ils sont le point de départ de jeux de plume typiquement bolonais qui se répandent dans la marge inférieure : des têtes d’oiseaux au long bec ainsi que celle d’un homme crachent des faisceaux de tiges formant des épis, ornés de motifs variés. Vers 1300, le manuscrit appartient à un certain Nicolas de Douai qui l’engage pour la somme importante de 80 livres (f. 291r). Au début du siècle suivant, un prêtre, nommé Willelmus Heuch (?), a inscrit son ex-libris, gratté par la suite, en bas de la table des matières. Juste au-dessus, une main du XVe siècle a noté le titre et le début du texte en haut du deuxième feuillet du Décret (Decretum glosatum, 2° f° in textu : ut fiant). Ces mentions de contenu, conservées dans de nombreux manuscrits de Saint-Bertin, témoignent de la rédaction d’un catalogue de la bibliothèque, entrepris sans doute à cette époque et aujourd’hui perdu.

Bibliographie : Weigand 1991.

Le Digeste vieux était un texte indispensable pour l’enseignement du droit civil au Moyen Age. Ses vingt-quatre livres comportent souvent, en tête de leurs premiers titres, des illustrations des actions légales et procédures juridiques. Cet exemplaire, copié probablement à Toulouse, a reçu vingt à quarante ans plus tard un programme iconographique plus singulier, sans doute façonné pour son nouveau possesseur. En plus des illustrations habituelles, chaque espace laissé vide par le copiste à la fin d’un livre est rempli par une miniature de la vie d’un saint ou de la vie courante. Le livre 20 « Des gages et hypothèques » se termine par une scène d’enseignement assuré par un moine.Le manuscrit dont le style d’enluminures suggère Toulouse ou Avignon, contient de nombreuses additions à la glose par des professeurs de droit toulousains. Il a dû rester dans le Midi jusqu’au milieu du XIVe siècle. Des comptes copiés sur sa garde inferieure mentionnent Pierre Ysarn, monnayeur d’Avignon (mort avant 1365) et Johannes de Solano, dominicain attesté dans la région entre 1315 et 1340. Son possesseur, Guliermus Socii, et les armes d’or au mulet (cheval ?) de gueules, à la bordure denticulée du même (f. 4r) restent à identifier.

Bibliographie : Saint-Omer 2013 ; Van de Wouw 2012.

Saint-Omer, BASO, ms. 191, f. 1v-2r : Un manuscrit de droit et les strates de son histoire

Copié en Italie (Bologne), vers 1190-1200 ; complété en France (sud ?), XIIIe s. (fin)Provient de l’abbaye Saint-BertinParchemin, 291 ff., H. 417 x L. 253 mm (justification 270 x 145 mm, 2 col., 58-59 l. ; avec glose marginale : ca. 350-390 x 225 mm). Reliure en veau brun du XVIIe s. 1v : Table des matières. 2r-11r : Introductio Decreti. 11v-290v : Gratianus, Decretum (éd. Friedberg 1879), avec la Glossa ordinaria de Bartholomaeus Brixiensis. – 1r et 190r-291v : plusieurs décrétales.

Saint-Omer, BASO, ms. 451, garde inférieure : Comptes avec mentions de Pierre Ysarn, monnayeur, et Johannes de Solano, dominicain

Copié en France du sud-ouest (Toulouse ?), vers 1300 ; Toulouse ou Avignon (miniatures), vers 1320-1340. Provient de l’abbaye Saint-Bertin. Parchemin, 344 + II (AB) ff., H. 450 x L. 285 mm (justification variable, H. 184 mm-265 mm x L. 145 mm). Reliure en basane. 4r-343, Justinianus, Digestum vetus (Digesta Iustiniani Augusti, éd. Mommsen 1870), Accursius, Glossa ordinaria cum additionibus.

CR, PS

JF

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Le scribe, son commanditaire et son patron

Dans la ville comme au monastère, le copiste peut écrire à son usage propre ou répondre à une commande, celle de son abbé s’il est moine, celle d’un client ou d’un libraire. Parfois, un auteur et les scribes qu’il engage réalisent un volume destiné à être offert à un tiers, dédicataire ou protecteur. Dans les manuscrits, ces relations entre le scribe et son commanditaire transparaissent parfois, dans des mentions textuelles ou dans l’iconographie. Certaines miniatures* représentent en effet une scène de dédicace, où le livre achevé est remis au protecteur. Il s’agit d’un stéréotype iconographique, qui peut même être imité et se trouver dans des exemplaires qui n’ont pas été offerts. Ainsi, au début du Livre de la Toison d’or, dont le premier possesseur est Guillaume de Coninc, apparaît une scène de présentation de ce livre par son auteur, Guillaume Fillastre, au duc de Bourgogne (ms. 723, cat. n° 14). En réponse au don, le duc dédicataire esquisse un geste d’acceptation qui le place en protecteur des lettres. Cette image, prestigieuse, est reprise dans certaines copies du manuscrit de dédicace (ill. 14).

Il arrive aussi que certains livres soient exécutés à la demande d’un commanditaire. Le manuscrit 668, un glossaire biblique produit à Paris à la fin du XIIIe siècle (cat. n° 20), comprend un ex-libris du début du XIVe siècle, dans lequel nous apprenons qu’il a été commandé par Jacques de Douai, alors qu’il était étudiant à Paris, avant de devenir moine de Saint-Bertin (ill. 15).

Parfois, surtout aux temps carolingiens, ce n’est pas le commanditaire qui est le dédicataire, mais le saint patron de son église. Ainsi, vers l’an Mil, sous l’abbatiat d’Odbert (986-1007), deux moines de Saint-Bertin offrent leur copie des Dialogues de Grégoire le Grand aux saints Pierre et Bertin (ms. 168, cat. n° 19) qui en deviennent symboliquement les possesseurs. Gare à celui qui essaierait de le voler ! Il encourrait l’anathème et la malédiction éternelle. Cette menace apparaît également dans un florilège de la fin du XIIe siècle provenant de Clairmarais (ms. 46, cat. n° 21), mais elle tend à disparaître à partir du XIIIe siècle. Afin de permettre la consultation de bibliothèques d’usuels tout en préservant leurs collections, les responsables des livres dans les institutions religieuses enchaînent leurs ouvrages aux pupitres ou aux armoires, aussi bien dans les églises, les salles capitulaires que dans les bibliothèques, l’objectif étant également de mettre à disposition les textes les plus consultés et les plus utiles à la vie des communautés.

ill. 14 : Dijon, Bibl. mun. 2948. Scène de lecture pendant le chapitre de la Toison d’or

ill. 15 : BASO, ms. 668, fol. 1r : Interprétation des noms hébreux de la Bible et ex-libris de Jacques de Douai

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19. Grégoire le Grand, Dialogues

20. Un glossaire biblique commandé par Jacques de Douai

Sous l’abbatiat d’Odbert (986-1007) le scriptorium de Saint-Bertin connut un apogée dont témoignent encore aujourd’hui une vingtaine de manuscrits. Plusieurs d’entre eux comportent des inscriptions qui nous livrent des noms de copistes ; toutes soulignent le rôle d’instigateur et de mécène joué par Odbert qui fut aussi enlumineur, comme nous l’apprend le poème de dédicace en tête de son psautier (Boulogne-sur-Mer, BM, ms. 20). Dans le manuscrit 168, toutefois, le colophon placé à la fin du texte ne précise pas la fonction exacte (de copistes ?) des deux personnages qui en ont fait don : « Riculf et Baudoin, prêtres et moines, ont dévotement offert ce livre à saint Pierre [le premier patron du monastère] et à saint Bertin [son fondateur et premier abbé] avec l’accord de l’abbé dom Odbert. Si quelqu’un le vole, qu’il soit damné par une perpétuelle malédiction ! Ainsi soit-il, ainsi soit-il. Amen. Amen. » (f. 161r ; Gameson 2006, p. 39-40, 66, 70). Deux ex-libris contemporains suivent le colophon, un troisième a été ajouté au-dessus au XIIe siècle : Liber Sancti Bertini. Siquis abstulerit (« Livre de Saint-Bertin. Si quelqu’un le vole… »). Le livre ainsi protégé par des anathèmes est un exemplaire des Dialogues de saint Grégoire, un recueil de vies et de miracles de saints et de récits sur les fins dernières, très populaire dans le monde monastique. De grandes initiales ornées en introduisent les quatre livres.

Bibliographie : Gameson 2006.

Un ex-libris ainsi formulé Liber Sancti Bertini quem fecit scribi frater Jacobus de Duaco monachus (« Livre de Saint-Bertin qu’a fait écrire frère Jacques de Douai, moine ») permet de reconstituer une origine vraisemblable pour le volume qui le porte. Celui-ci contient le glossaire biblique Aaz apprehendens. La confrontation des arguments de l’histoire de l’art (initiale filigranée) et de la paléographie concordent pour placer la production à Paris vers la fin du XIIIe s. Or les archives de l’abbaye Saint-Bertin n’attestent Jacques de Douai comme moine qu’au début du XIVe s. Un autre manuscrit nous apprend néanmoins qu’il a fait ses études à Paris. La datation à la fin du XIIIe s. et la localisation à Paris sont confirmées : c’est dans sa jeunesse et comme étudiant à Paris que Jacques de Douai a commandé la copie du livre. Le bibliothécaire du XVe s. a mal identifié l’œuvre et inscrit comme titre Ysidorus de interpretationibus hebraicorum nominum en l’attribuant à Isidore de Séville. Il ajoute aussi le texte-repère du deuxième feuillet.

Saint-Omer, BASO, ms. 168, f. 160v-161r :Un manuscrit offert à Saint-Bertin

Copié à l’abbaye Saint-Bertin, vers 1000Parchemin, 161 ff., H. 290 x L. 180 mm (justification 240 x 140 mm, 1 col., 23 l.). Reliure en veau brun moucheté du XVIIe s.1r-161r : Gregorius I, Dialogi (PL 77, 127-432). – Contre-gardes et gardes sup. et inf. : 2 fragments formant 1 page de Eadmer Cantuariensis, Vita s. Dunstani, XIIe-XIIIe s. (BHL 2346).

Saint-Omer, BASO, ms. 668, f. 1r : Ex-libris de Saint-Bertin attestant l’histoire du manuscrit

Copié à Paris, vers 1285-1300Provient de l’abbaye Saint-BertinParchemin, 82 ff. H. 235 x L. 155 mm (justification 110 x 180 mm, 2 col., 41 l.). Reliure en veau brun moucheté.1ra-82vb, Aaz apprehendens.

CR

DS

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21. S. Augustin, s. Césaire d’Arles, Quovuultdeus de Carthage, Sermons

Ces sermons d’auteurs différents ont été copiés – sous le nom de saint Augustin, référence de premier ordre dans une bibliothèque monastique de la fin du XIIe siècle - pour l’abbaye de Clairmarais : cette origine se lit dans le sommaire initial tracé par une main proche de celle qui a copié l’ouvrage : Libers(an)c(t)e marie de Claromaresch in quo continentur hec (…). Continet igitur hic liber sermones XXI. Siquis hunc librum abstulerit anathema sit : « Livre de Sainte Marie de Clairmarais, dans lequel sont contenus ces textes [liste]. Ce livre contient donc 21 sermons. Si quelqu’un le vole, qu’il soit anathème » (on remarquera la forme mi-latine mi-vernaculaire Claromaresch). Cette imprécation est censée protéger le livre des indélicats. De cette période, juste avant 1200, il reste 63 manuscrits de Clairmarais, identifiés par 69 ex-libris. Lors d’une autre campagne, au XIIIe s., un grand ex-libris a été inscrit à la fin du volume en lettres de forme (textualis formata, praescissa), puis recopié au XVe siècle. Des reliures du même type que celle de ce recueil se retrouvent sur quarante-cinq autres manuscrits antérieurs à la mi-XIIIe s. : le train de reliure a pu être fait sous l’abbé Simon de Marquette (1225-1257).

Saint-Omer, BASO, ms. 46, f. 1r : Ex-libris de Clairmarais de la main du texte.

Copié à l’abbaye de Clairmarais, vers 1175-1200.Parchemin, 129 ff. H. 340 x L. 250 mm (justification

235 x 170 mm, 2 col., 30 l.). Reliure typique de Clairmarais en peau blanchâtre sur ais de bois, traces

de boulons et lanières, étiquette.

CH

Saint-Omer, BASO, ms. 46, f. 129v : Ex-libris de Clairmarais du début XIIIe s. et reprise en cursive du XVe s.

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PARTIE III

Histoires de livreset destins de manuscrits

Saint-Omer, BASO, ms. 698, f. 18 : saints Mommelin, Ebertrame et Bertin navigant sur l’Aa

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Réparation et récupération

ill. 16 : BASO, ms. 715, t. 3, f. 1v : Initiale P

ill. 17 : BASO, inc. n° 32, Garde volante contre-collée inf. : remploi d’un feuillet manuscrit du 3e quart du XIIIe s. des Miracles de Notre Dame de Gautier de Coincy.

ill. 18 : BASO, ms. 660, f. 48v-49r : Palimpseste*

ill. 19 : BASO, ms. 453, f. 215v : Enluminure avec dessin préliminaire et écriture refaite

De nombreux ouvrages de la BASO témoignent des soins louables dont ils ont bénéficié, ce qui n’est d’ailleurs pas propre à Saint-Omer, et qui se fait souvent au détriment d’autres volumes, sans doute jugés trop abîmés ou peu intéressants. C’est peut-être le cas d’un lectionnaire* étudié par Sarah Staats (ill. 16), qui a été démembré et utilisé comme matériau de réparation dans plusieurs autres manuscrits.

De la Bible aux chartes, aucun texte n’est à l’abri de ce genre de traitement, dès lors qu’il est jugé obsolète. À l’époque moderne également, nombre de manuscrits médiévaux ont été démembrés et les parchemins ainsi dissociés ont servi à relier d’autres ouvrages, manuscrits ou incunables* (ill. 17).

Ces démembrements peuvent aussi servir à fournir du parchemin, destiné cette fois au renfort de feuillets abîmés, comme dans la Bible du milieu du XIIe siècle provenant de Clairmarais (ms. 33, cat. n° 23), qui contient des fragments issus d’un ou de plusieurs livres du XIIIe siècle. Les réparations médiévales sont de qualité variable, ainsi dans le manuscrit 150 (cat. n° 24), où un texte en écriture onciale* du haut Moyen Âge a été utilisé pour en renforcer les coins endommagés lors d’un incendie. À côté de ces expédients, la technique du palimpseste* employée pour les f. 28-69 du manuscrit 678 (cat. n° 22) et pour le manuscrit 660 (ill. 18) est plus achevée. Enfin, des retouches et des additions peuvent être faites, comme en témoigne le manuscrit 453, produit à Saint-Bertin entre 1160 et 1190, dont plusieurs feuillets ont été refaits au cours des XVe-XVIe siècles, entièrement (f. 202) ou partiellement (f. 216, 268, 275-278) (ill. 19).

Ces pratiques montrent que les manuscrits ne sont pas considérés comme sacrés et inviolables et peuvent subir de nombreuses altérations et transformations au cours des siècles.

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22. Métamorphoses d’Ovide

23. Bible : Prophètes

Avant d’aboutir dans le fonds de la bibliothèque de l’abbaye de Saint-Bertin au XVe s., ce manuscrit avait circulé en milieu scolaire, où Ovide était très étudié depuis le XIIe s. Le texte des Métamorphoses est chargé de nombreuses gloses et accompagné, en fin de volume, par le commentaire allégorique qu’en a donné Arnoul d’Orléans (XIIe s.). Les f. 28-69 sont constitués de parchemin de remploi provenant d’un manuscrit juridique des Décrétales de Grégoire IX. Au f. 32r, un potache a copié en marge un vers obscène pourvu d’une double rime interne : Tarde manus apponit anus dum s[ibi]lat anus : « La vieille applique lentement ses mains quand son anus émet un sifflement ».

Bibliographie : Walther 1963-1986, n° 31066.

Les folios 1 et A sont des gardes en parchemin anciennes. Au f. 1r, apparaît une décharge de trois pages d’un manuscrit du XIIIe s. de petit format à deux colonnes, peut-être le même qui a servi au renforcement des bifeuillets. De très nombreux folios ont été renforcés à la pliure par des fragments de parchemin, dont, au début, un manuscrit du XIIIe s. de petit format, sur deux colonnes, numérotées sur la double page : a-d. Des réparations ont sans doute été effectuées lors de la confection de la reliure, de même que le remplacement du début (ff. 2-9), de la fin (f. 167) ainsi que de presque toutes les parties supérieures proches de la pliure à partir du f. 10 : l’écriture gothique plaiderait davantage pour une réfection dans la première moitié du XVIe s. qu’au XVIIe s. par Lambert Bouquet. Ce dernier, dans le ms. 145, dont il signe la copie, imite explicitement l’écriture du XIIe s. aux ff. 142r-145v. Aux ff. 80r-82r, le livre de Baruch a été copié au XIIIe s. (peut-être dans le deuxième quart du siècle) et inséré entre Jérémie et Ézéchiel. Pour les contre-gardes, ont été utilisés deux fragments d’un bifeuillet d’un missel français, à initiales filigranées, probablement copié vers 1270-1280.Dans ce manuscrit se trouvent des Initiales de couleur ornées en tête des livres bibliques et des prologues, à l’encre rouge, bleue, verte et bistre. L’explicit* et l’incipit* sont en capitales à l’encre des mêmes couleurs, ou seulement à l’encre brune et rouge. Jusqu’à la fin du livre de Daniel (f. 135v), on trouve des initiales de couleur, parfois avec filigranes très peu développés, à l’encre rouge, bleue, verte, bistre et plus rarement violette. Les rubriques sont à l’encre rouge jusqu’à la fin du livre de Daniel (avec numérotation des chapitres). On trouve également deux initiales filigranées (en rouge et bleu) aux ff. 80r E et 81r A. Des initiales en rouge et bleu vert filigranées en rouge et bleu apparaissent dans les fragments du missel du XIIIe siècle (vers 1270-1280 ?) servant de contre-gardes.

Saint-Omer, BASO, ms. 678, f. 32r : Sous-couche du palimpseste* apparente et vers obscène

Copié en France, vers 1250-1275Provient de l’abbaye Saint-BertinParchemin, 111 ff., H. 170 x L. 123 mm (justification variable, 1 col., 19 à 35 l.). Reliure de veau brun, XVIIe s.1r-103v : Ovidius, Metamorphoseon libri I-VII (éd. Lafaye 1928-1930) ; 104r-111v : Arnulfus Aurelianensis, Allegoriae super Ovidii Metamorphosin (éd. Ghisalberti 1932, p. 201-234)

Saint-Omer, BASO, ms. 33, f. 167v : Texte complété et signé de Dom Bouquet, 1627

Copié à Clairmarais, vers 1150Parchemin, 167 ff., H. 455 x L. 315 mm (justification 360 x 210 mm, 2 col., 40 l.). Initiales ornées et filigranées. Reliure en veau brun incisé de filets, sur ais de bois (XVe ou XVIe s.). La reliure a été restaurée en 1627 par Dom Lambert Bouquet (cf. f. 167v) et en 1954 à la BN.Le CGM indique une provenance de Saint-Bertin, corrigée par S. Staats et P. Stirnemann. Le ms. 33 semble bien être le complément manquant à la grande bible contemporaine de Clairmarais, BNF lat. 12 (1-3).

FPN

CH, CR, DS

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24. Grégoire le Grand, Isidore de Séville, Origène, Augustin

25. Bible: Épîtres de saint Paul glosées

L’histoire de ce volume est complexe, comme l’agencement de ses textes. Le noyau le plus ancien est la Règle pastorale de Grégoire le Grand (pape entre 590 et 604), complétée par un glossaire qui servait à l’étude, et les Synonymes d’Isidore de Séville. Mais le volume a été endommagé de très bonne heure et, dès le XIIe s., la fin lacunaire des Synonymes a été réécrite. Dans la copie de la lettre 140 De gratia novi Testamenti, la fin a été écrite en marge des f. 123v-124r, doublant le texte des f. 125r-126r, complété ultérieurement, mais également présent aux f. 151r. Le volume était sans doute mutilé et séparé en plusieurs morceaux quand il a été restauré. On lui a rapporté les feuillets initiaux (f. 1-2) provenant d’un autre volume, perdu, car ils contiennent la table d’un texte qui se trouve, mais à la fois incomplet et dans une écriture postérieure, aux f. 146-150. La restauration la plus spectaculaire est celle du f. 3-4, déjà signalée, car elle contient un fragment des Enarrationes in Psalmos de s. Augustin provenant d’un manuscrit en écriture onciale datant des VIe-VIIe siècles.

Bibliographie : CLA VI, 734.

En raison d’une mention erronée du bibliothécaire du XVIIIe siècle, suivie par le CGM, ce manuscrit du dernier quart du XIIe siècle passait pour un volume copié après 1300. Or son écriture et son style décoratif avec ses initiales peintes à entrelacs et rinceaux sur à-plats de couleur (f. 3r, 32r, 59r, 83v…) permettent de proposer une date plus ancienne et une origine italienne. Outre ses élégants dessins à la plume (f. 142v, 144r, aigle ; f. 142v-143r, frises de feuillages), ce manuscrit présente également une mention de prix contemporaine de la confection du volume : In istis epistolis dedi XVI. s. (f. 2v : « J’ai donné seize sous pour ces épîtres »). Il est attesté de façon certaine dès le XVe siècle à Saint-Omer et peut-être y a-t-il été apporté peu après sa copie.

Saint-Omer, BASO, ms. 150, f. 3r : Restauration avec un morceau de manuscrit en onciale

Copié à l’abbaye Saint-Bertin (?), v. 1150Parchemin, 193 ff., H. 285 x L. 200 mm (justification 170 x 230 mm, f. 3r-84v : 2 col., 31/32 l. ; 85r-151r : 1 col., 35/38 l. ; 151v-193v : 2 col., 38/47 l.). 2ra, Augustinus Hipponensis, Retractationes, I, 8 [de quantitate animae] (CPL 250) ; 2rb-vb, De quantitate animae [table des chapitres 1-21] (CPL 257) ; 3ra-73vb, Gregorius Magnus, Regula pastoralis (CPL 1712) ; 74ra-76rb, Glossaires (Regula pastoralis, Bible…) ; 76va-85r, Isidorus Hispalensis, Synonyma ; 85r, Note sur les epistolae formatae ; 86r-96r , Pseudo-Augustinus [Fulgentius Ruspensis], De fide ad Petrum seu de regula fidei (CPL 826) ; 96v-109v, Augustinus Hipponensis, De utilitate credendi (CPL 316) précédé de l’extrait des Retractationes (I, 14) ; 109v-126r, Epist. 140 (CPL 262) ; 126v, diagramme ; 127r-146r, De vera religione (CPL 264) ; 146r-150v, De quantitate animae, jusqu’au chap. 14, § 24 (CPL 257) ; 151r, Epist. 140, fin ; 151v-192va Pseudo-Hieronymus [Gregorius Illiberitanus], Tractatus Origenis de libris Sanctarum Scripturarum (CPL 546) ; 192va, Table de contenu du manuscrit ; 193ra-vb, Hieronymus, Commentarii in prophetas minores, In Osee, cap. 4-5 (CPL 0589).

Saint-Omer, BASO, ms. 63, f. 2v-3r : Mention de prix face à l’initiale peinte

Copié en Italie, vers 1175-1200Provient de la cathédrale de Saint-OmerParchemin, 157 ff., H. 275 x L 180 mm (justification, 70 x 190 mm, texte biblique : 1 col., 24 l.). Reliure du XIXe s. en veau blond, à décor géométrique.

DS

DS

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Textes et contextes : la copie comme volonté

Comprendre comment a été conçu un manuscrit au IXe siècle est difficile pour nous, puisqu’à 1200 ans d’écart, ces trésors patrimoniaux nous semblent fort lointains. Si cette distance masque à nos yeux les efforts et le temps consacré par les hommes du passé, il n’en reste pas moins que le travail de copie qui préside à la production du livre s’inscrit dans une entreprise coûteuse en moyens et en temps.Un tel ouvrage exige, pour être compris dans son entièreté, de rechercher les raisons du choix d’un texte à copier au travers de ses usages et de sa circulation. Le contexte tient une place capitale. Il peut être scolaire, motivé par un intérêt général pour la grammaire, comme dans le cas des epistolae formatae* (ill. 20) que l’on trouve à Saint-Bertin à partir de la fin du XIe siècle (ms. 189, 150 et 453, cat. n° 26 et 24).

C’est aussi probablement la raison de l’existence du ms. 666, copié au Xe siècle, et qui contient deux traités de grammaire auxquels a été ajouté un glossaire gréco-latin, sans doute composé à Saint-Bertin (cat. n° 27). Ce manuscrit offre un aperçu de l’enseignement de la grammaire dans cette abbaye, à une époque où la culture classique est principalement transmise par l’Église. Par ailleurs, un texte peut aussi avoir été copié pour répondre à un besoin ponctuel, ou résulter d’une volonté particulière. Ainsi le ms. 698 (cat. n° 29) qui contient une vie de saint Omer rédigée pour la collégiale, doit se lire aussi comme un manifeste politique dans la querelle au sujet de la possession des reliques du saint qui opposa les chanoines de Saint-Omer aux moines de Saint-Bertin au milieu du XIe siècle.

Certains documents diplomatiques*, par exemple les privilèges pontificaux, ont une valeur juridique durable voire perpétuelle. Une copie de ces actes peut donc être réalisée à des moments importants de la vie des établissements (réforme, changement d’abbé ou de règle, réorganisation du patrimoine et des archives), car ils protègent les droits de la communauté. C’est ce que nous montre le bullaire* de Saint-Bertin (BASO, ms. 579, cat. n° 28), dont la réalisation répond à la volonté du monastère d’échapper à la tutelle de Cluny pour retrouver son indépendance. Selon ses besoins, le scribe peut ajouter des compléments ou des adaptations à son modèle. Ainsi la chartreuse du Val de Sainte-Aldegonde a fait adjoindre à son exemplaire de la Légende dorée* les textes utiles à sa liturgie (ms. 724, cat. n° 30). De même, il arrive souvent que les ouvrages de dévotion privée contiennent des ajouts qui reflètent l’identité de leur possesseur (ms. 99, cat. n° 31). C’est souvent grâce à leur actualisation que les manuscrits liturgiques* peuvent être datés (ms. 101 et 403, cat. n° 32 et 33). Il arrive aussi que, pendant ou après la copie du livre, ses utilisateurs le comparent avec un autre exemplaire du même texte pour s’assurer que le leur est juste. Parfois, cette activité de « collation* » est expressément indiquée (ms. 278 et 72, cat. n° 34 et n° 35).

Les manuscrits ne sont pas seulement corrigés, réparés ou annotés. Ils peuvent aussi être détournés. Ils reflètent alors l’activité subversive de leurs utilisateurs. Ces derniers peuvent en effet y ajouter à l’occasion un dessin ou des vers obscènes comme dans le ms. 678 (cat. n° 22). Il arrive même qu’un texte soit dévié de son usage premier ! C’est le cas du ms. 72, qui contient des traités exégétiques* de saint Ambroise copiés à l’époque carolingienne et qui a été progressivement transformé en manuscrit liturgique par des additions marginales (cat. n° 35). Ces différents exemples nous rappellent que les textes et images présents dans les manuscrits répondent à un désir, une nécessité ou une volonté, et ont une actualité pour ceux qui les créent et les copient.

ill. 20 : BASO, ms. 453, f. 57r : « Epistola formata »

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26. Collection canonique et conciliaire

27. Recueil de grammaire et poésie

À l’origine, ce manuscrit ne formait qu’une unité avec le ms. 189, vol. 1, qui en est la deuxième partie. Il est composé de 22 quaternions* présentant une double signature en début et en fin de cahier. Le seizième cahier est écrit de la même main que le ms. 189, vol. 1. Quant au f. 177, il est fixé, entre les cahiers 21 et 22 par un talon, et a été écrit par une main du XIIIe siècle, peut-être contemporaine de l’époque où cette collection a été séparée en deux. Le manuscrit a été réalisé sous Urbain II (1088-1099), dernier pape de la liste (f. 1r) écrit par la main principale, le nom de Pascal II (1099-1118) ayant été ajouté plus tard par une autre main. C’est une copie d’un manuscrit produit à Corbie à la fin du IXe siècle, aujourd’hui conservé au Vatican (Bibl. Apostolica Vaticana, ms. Vat. Lat. 630). Les deux manuscrits sont les seuls à comporter, avant la collection pseudo-isidorienne, l’epistola formata* de Luitad de Vence à Wenilon, archevêque de Rouen, datée de 868. Celle-ci est peut-être la source de l’intérêt porté par les moines de Saint-Bertin à la forme des epistolae formatae* (cf. ms. 150, cat. n° 24 et ms. 453).

Manuscrit hautement représentatif de la culture monastique scolaire de l’époque post-carolingienne, où la poésie voisine avec les traités grammaticaux de l’Antiquité tardive, comme celui de Cassiodore, et de l’époque carolingienne, comme celui d’Alcuin. Ce dernier est suivi d’un intéressant glossaire, où des mots grecs sont grossièrement translittérés en alphabet latin et accompagnés de leur traduction latine dans l’interligne supérieur. Il témoigne de la culture grecque que l’on cherchait à maintenir dans les monastères du haut Moyen Âge occidental sous cette forme très superficielle.

Saint-Omer, BASO, ms. 189, vol. 2, f. 3r : Epistola formata

Copié à Saint-Omer ( ?) vers 1088-1099.Provient du chapitre de Saint-Omer.Parchemin, 177 ff. H. 516 x L. 336 mm (justification 418 x 260 mm, 2 col., 47 l.). Reliure du XVIe siècle. 1r : liste des papes jusqu’à Urbain II (Pascal II ayant été ajouté) ; 1v-2v : table des chapitres des conciles ; 3r : Epistola formata de Luitad de Vence ; 3v-7r : préface du Pseudo-Isidore ; 7r-8v : conciles de Grèce, d’Afrique, de Gaule et d’Espagne ; 9r-177r : lettres et décrets pontificaux.

Saint-Omer, BASO, ms. 666, f. 43r : Glossaire grec-latin

Copié en France du Nord (?), vers 900-1000Provient de l’abbaye Saint-BertinParchemin, 59 ff. H. 255 x L. 185 mm (justification 135 x 195 mm, 1 col., 25 à 30 l.). Reliure en basane du XVIIIe s.58r-59v, 1r-2v : Beda, In Lucae Evangelium expositio, fragments des livres I et II (éd. CCSL 120, D. Hurst, 1960), feuillets de remploi pour servir de garde ; 3r-43v : Alcuinus, De grammatica, suivi d’un glossaire grec-latin (éd. PL, 101, 849-902) ; 44r-45v : Prosper Tiro, Ad conjugem, v. 17-122 (éd.Santelia, 2009) ; 45v-46v : Ps. Beda, Hymn., 1, 1 Arithmus (PL, 94, col. 605-606) ; 46v-55r : Cassiodorus, De arte grammatica (éd. Keil VII 1880, p. 214-216), ici présenté sous une forme dialoguée ; 57r-57v : Ps.-Beda, De septem miraculis mundi (éd. CCCM 171, R.B.C. Huygen, 2000, p. 307-308).

FD

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28. Bullaire de l’abbaye Saint-Bertin

29. Vie de saint Omer

Au début du XIIe siècle, les moines de Saint-Bertin tentent de s’extirper de l’emprise que l’abbaye bourguignonne de Cluny avait sur leur monastère depuis 1099. Ce n’est qu’en avril 1139, à l’issue d’un procès à la Curie romaine, que le pape Innocent II abolit cette sujétion. Le procès en question conduisit à l’examen des titres des deux parties, en particulier des privilèges qu’elles avaient reçus. Plusieurs indices tant matériels que textuels incitent à croire que c’est ce petit manuscrit qui fut présenté à Rome par les moines bertiniens, une sorte de « livre blanc » rassemblant le texte de douze bulles pontificales – dont certaines avaient été falsifiées – destinées à étayer leurs prétentions devant les juges pontificaux.

Bibliographie : Morelle 2007.

Plus que l’étude de l’écriture, ce sont des rapprochements stylistiques qui permettent de dater ce manuscrit du troisième quart du XIe siècle (Svoboda 1983). L’histoire du chapitre collégial de Saint-Omer vient conforter cette hypothèse. En 1050, au cours de travaux, les moines de Saint-Bertin retrouvent dans leur église des reliques : une inscription atteste qu’il s’agit indubitablement de leur saint patron. Stupeur ! Une folle rumeur s’empare très vite de la ville : qui est donc le saint qu’ils honoraient jusqu’alors ? Ne serait-ce pas en fait saint Omer ? Les chanoines de Notre-Dame ne se trompent-ils pas en croyant posséder les reliques de ce dernier ? Ces bruits ne peuvent pas satisfaire la communauté canoniale, qui voit l’authenticité de ses reliques mise en cause. On fait appel à l’archevêque de Reims, qui, en 1052, contente tout le monde : c’est bien saint Bertin qu’ont retrouvé les moines ; c’est bien saint Omer qu’ont toujours possédé les chanoines ; quant au troisième corps, appelons-le désormais l’incertus, l’incertain. Pour éviter que la rumeur ne perdure, les chanoines avaient néanmoins tout intérêt à clamer haut et fort que les restes de saint Omer étaient bien chez eux. Ce luxueux manuscrit, sans doute de peu postérieur aux événements de 1050, participe de cette revendication. Ici, non seulement le texte, mais aussi les images se lisent comme une affirmation du lien entre saint Omer et l’église des chanoines, et donc d’une nette affirmation de la communauté canoniale.

Saint-Omer, BASO, ms. 579, f. 14v-15r : Un livre blanc pour plaider sa cause en cour de Rome... à l’aide d’un privilège falsifié

Copié à l’abbaye Saint-Bertin à la fin de 1138 (?)Parchemin, 34 ff. H. 210 x L. 130 mm (justification 150 x 85 mm, 1 col., 16 l.). Reliure moderne de peau blanche à motifs losangés.1r-27v : copie de douze actes pontificaux pour l’abbaye Saint-Bertin, de Victor II à Calixte II ; 28r : trace de texte lavé ; 28v : liste des papes ayant confirmé les possessions de Saint-Bertin, de Victor II à Alexandre III ; 30r-34r : copie de quatre actes pontificaux pour l’abbaye Saint-Bertin, de Calixte II à Alexandre III [incomplet du début].

Saint-Omer, BASO, ms. 698, f. 28r : L’inhumation de saint Omer

Copié à Saint-Omer (?), troisième quart du XIe s.Provient de la collégiale Notre-Dame de Saint-OmerParchemin, 67 ff. H. 320 x L. 210 mm (justification 180 x 115 mm, 1 col., 20 l.). Reliure moderne en chagrin brun.1r : liste de reliques et prières ; 1v-2r : lettre de Jean, évêque de Tusculum, à Richard, évêque d’Albano ; 2v-48v : Vie de saint Omer ; 49r-51r : généalogies du Christ ; 52r-56v : Vie de saint Erkembode par Jean III, abbé de Saint-Bertin ; 57r-67v : Vie de saint Aubert de Cambrai.

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30. Jacobus de Voragine, Legenda aurea (pars ultima). Vitae sanctorum.

31. Évangéliaire du diacre de Saint-Bertin

Catalogué comme lectionnaire*, ce manuscrit est en réalité le deuxième volume d’un exemplaire de la Légende dorée comme l’indique le colophon (f. 157r) : Explicit Legenda sanctorum, que fuit scripta finaliter anno Domini M° CCC° XLVII° in die sancti Urbani pape et martyris (« Se termine la Légende des saints qui fut écrite finalement en l’an du Seigneur 1347, le jour de la Saint-Urbain pape et martyr »). Le même scribe qui a copié et daté cette portion de la Légende dorée (de Saint-Pierre-aux-liens à la Dédicace) a complété le manuscrit aux ff. 157r-176v par une série de textes hagiographiques correspondant à des fêtes, locales ou récemment instituées, typiques de l’usage de la chartreuse du Val-Sainte-Aldegonde (Longuenesse) : De conceptione beate Virginis Marie, De sancta Aldegunde virgine, au 8 décembre, dont la fête a été instituée en 1334 au Val-Sainte-Aldegonde, De sancto Ludovico rege, De sancto Bertino abbate, De sancto Audomaro. Il s’agit des fêtes de saints dotées de leçons propres dont on avait besoin pour compléter les livres liturgiques à l’usage chartreux dont cet établissement, fondé en 1298, dut être doté alors. Ces « fêtes » sont copiées ici dans l’ordre du calendrier liturgique : fêtes locales (Aldegonde, Bertin, Omer) et fêtes instituées lors de la fondation ou après (Conception et s. Louis établie progressivement après 1298, cf. Morard 2012).

Bibliographie : Fleith 1991.

Cet évangéliaire a été réalisé à l’usage de Saint-Bertin, ce qui apparaît clairement dans le sanctoral de l’évangéliaire, mais plus encore dans le capitulaire (f. 117v, ss. Denis, Rustique et Éleuthère ; f. 138r et suiv., ss. Folquin et Omer en juin, Bertin en juillet puis Bertin et Omer avec octaves en septembre, et mentions de Bertin et de la fête des reliques durant le temps pascal). Le serment des prêtres est explicitement destiné « à cette église de Saint-Bertin » (huic ecclesie sancti Bertini). Ce manuscrit était destiné spécialement au diacre. En effet, la musique est notée avec différentes lettres tonales : R pour Romani, I pour Iudei, X pour Christus, mais surtout C pour Celebrans désignant le diacre célébrant. En outre, aux f. 84r-89v, les parties notées pour la Passion contiennent l’Exultet qui est un chant du diacre. Le décor dénote le début du XVe siècle (par ex. f. 101v, initiale I de la Pentecôte, émanchée* à fleurs de lis). Ce manuscrit a été utilisé pendant au moins un siècle : les f. 1 et 125 ont été refaits dans la deuxième moitié du XVe s. et le texte en 114v a été repassé, sans doute au XVIe s.

Saint-Omer, BASO, ms. 724, f. 157r : Colophon du scribe et débuts des fêtes locales de la Chartreuse

Copié à la chartreuse du Val Sainte-Aldegonde, Longuenesse, le 25 mai 1347.Parchemin, 176 f. H. 320 x L. 225 mm (justification 222 x 155 mm, 2 col., 32 l.). Reliure du XIXe s. en peau blanche à décor géométrique de filets maigres.

Saint-Omer, BASO, ms. 99, f. 84r : Exultet ou chant du diacre

Copié à Saint-Omer, abbaye Saint-Bertin, vers 1400-1425Parchemin, 149 ff. H. 300 x L. 205 mm (justification 220 x 140 mm, 1 col., maj. 25 l.). Reliure en basane du XVIIIe s., avec 2 ff. bl. pap. à chaque plat.1r-136r, Evangeliarium per circulum anni (temporal, 112r sanctoral, 130v commun) ; 136v-147v : Capitulaire des lectures (sanctoral, 141r temporal) ; 148r : Serment des curés dépendant de Saint-Bertin ; 148v-149r : addition.

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32. Collectaire de Guînes

33. Diurnal du Val-Sainte-Aldegonde

Ce manuscrit liturgique, anciennement daté du XVe s., contient les collectes, oraisons concluant les heures de l’office, à l’usage de l’abbaye bénédictine de Saint-Léonard de Guînes. Un examen attentif montre qu’il est bien plus ancien et précieux. L’écriture du volume correspond à un large premier tiers du XIVe s. ; le décor, ornements filigranés et initiale historiée*, correspond à l’intervalle compris entre 1290 et 1330 environ. Enfin, l’analyse liturgique et l’étude des additions dans le calendrier démontrent que le volume ne peut être antérieur à 1311.

Ce diurnal à l’usage de la chartreuse du Val-Sainte-Aldegonde de Longuenesse contient deux statuts capitulaires datés de « 1448 » (f. 92v, 163v). Une autre main a précisé, en marge du service célébré pour le duc de Bourgogne, que la fondation ne bénéficiait pas seulement à Philippe le Hardi (Philippo filio regis Francie), mais aussi à Philippe le Bon († 15 juin 1467) : (f. 164r) Pro domno Philippo duce Burgundie, filio domini Johannis, et pro omnibus antecessoribus et successoribus suis vivis et defunctis, redditur una missa de ‘Requiem’ in conventu : « Pour le seigneur Philippe, duc de Bourgogne, fils du seigneur Jean, et pour tous ses ancêtres et successeurs vivants et défunts, sera rendue une messe de Requiem dans le convent… ». L’addition est vraisemblablement contemporaine de la mort de ce prince. C’est aussi une main différente qui a inséré dans le calendrier au sanctoral la fête de la Visitation de la Vierge au 2 juillet (f. 10r, 126v-127r), qui a été instituée en 1468 dans l’ordre chartreux, mais est absente de la copie primitive. L’usage de la chartreuse du Val-Sainte-Aldegonde est attesté dans le calendrier et dans les offices par les dates de la dédicace (20 janvier, f. 107r), de l’office des reliques (8 novembre, f. 14r, 147r), des offices de sainte Aldegonde (30 janvier, f. 4v, 111r), s. Hugues de Grenoble (1er avril, f. 7r, 116v, litanie au f. 190v),

s. Bertin (5 septembre, f. 12r, 136v), s. Omer (9 septembre, f. 12r, 138r) et s. Hugues de Lincoln (17 novembre, f. 14v, 148r), et enfin par l’intitulé du petit office de la Vierge Incipiunt hore beate Marie Virginis sicut tenet ordo Carthusiensis : « Commencent les Heures de la bienheureuse Vierge Marie, comme le suit l’ordre de La Chartreuse » (f. 17r). Les liens de confraternité de la Chartreuse avec d’autres maisons sont listés au f. 164v et montrent l’existence d’un réseau collectif de prière, qui répond à la prière du copiste au f. 3r : Incipiens legere qui scripsit ei miserere / Huic poscens requiem perpetuumque diem (« Toi qui commences à lire, prends pitié de celui qui a écrit / demandant pour lui le repos éternel »).

Saint-Omer, BASO, ms. 101, f. 6v-7r : Calendrier et moniale en oraison

Copié à Guînes (?), v. 1311-1330Parchemin, 126 ff. H. 250 x L. 180 mm (justification 185 x 130 mm, 2 col., 26 l.). Reliure en veau brun moucheté.

Saint-Omer, BASO, ms. 403, f. 163v-164r : La mémoire des ducs de Bourgogne à la Chartreuse du Val Sainte-Aldegonde

Copié à la chartreuse du Val-Sainte-Aldegonde, Longuenesse, entre 1448 et 1467.Parchemin, 96 et 198 ff., H. 135 x L. 95 mm (justification 57 x 89 mm, 1 col., 22 l.). Reliure du XVe s. en veau brun à décor de fers carrés estampés à froid.

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34. Joachim de Flore, Liber de semine scripturarum

35. Ambroise de Milan, De Isaac et autres traités

Les traités de Joachim de Flore, abbé cistercien (†1202), sont abondamment illustrés de tableaux (f. 1r, 7r, 18v, 43r-v, 47r, 48v-49r, 49v, 54r-v, 58r, 60r, 200v) pour soutenir la pensée de l’auteur qui est fondamentalement logique. L’abbé Joachim est un théologien qui médite sur l’histoire en utilisant l’arithmétique (un des sept arts libéraux enseignés dans les écoles à l’époque médiévale). De nombreux traités lui ont été attribués à tort dès le Moyen Âge, comme le Liber de oneribus prophetarum, et il a été difficile de séparer sa production propre de celle de ses successeurs et imitateurs. Une note de collation au f. 200v montre l’intérêt du lecteur pour ce texte et le soin pris à l’établissement d’un texte correct (Nota in abbatia de Capple invenitur de minio scriptum in principio istius libri quod Jeronimus dicit Josephum scripsisse librum Machabeorum). « Capple » est probablement l’abbaye des Capples ou de la Capelle située dans la commune des Attaques (Pas-de-Calais) fondée vers 1090/1093, détruite par les Anglais pendant la guerre de Cent Ans et transformée en prieuré de l’abbaye de Saint-Jean-du-Mont de Thérouanne en 1419 avant de disparaître en 1569.

Bibliographie : Obrist 1988 ; Potestà 2006.

Contenant sept traités de saint Ambroise, ce manuscrit est capital pour la diffusion de ces textes dans l’espace français, normand et anglais. Il a été annoté et corrigé plusieurs fois et très abondamment, de façon très intelligente, en notant les variantes d’autres manuscrits. Outre son intérêt textuel et son utilisation intensive, sont à noter la présence d’un fragment du VIIIe s. contenant un commentaire de Bède le Vénérable (In Evangelium Lucae, livre VI, chap. 21-22) et aussi le détournement du manuscrit, qui contient dans les marges des f. 70v, 114v-125r, 136r-137v un important ensemble d’oraisons et de préfaces de l’Avent à Pâques, et des péricopes évangéliques, ce qui transforme l’ouvrage patristique en livre liturgique.

Bibliographie : Stutzmann 2012.

Saint-Omer, BASO, ms. 278, f. 200v : Note de collation avec un manuscrit de l’abbaye de « Capple ».

Copié dans le Nord de la France, vers 1251-1300 ; provient de l’abbaye Saint-Bertin.Parchemin ; 222 ff. ; H. 232 x L. 177 mm (justification 172 x 133 mm, 2 col., 38 l., tableaux). Reliure de veau fauve moucheté avec armes de l’abbé Benoît Ier de Béthune.1r-19r : Joachim de Flore, Libellus de semine scripturarum ; 19r-27r : Liber de oneribus prophetarum ; 27r-29v : Sibilla Erithea ; 30r-171r Joachim de Flore, Concordia Novi ac Veteris Testamenti ; 171r-172r : Sénèque, De remediis fortuitorum ; 172r : Pierre de Blois, De amicitia christiana ; 172v-176r : Jacques de Vitry, Histoire orientale (extraits) ; 177r-222r : Commentaire de la Bible ; 222r-v : Commentaire des livres sybillins.

Saint-Omer, BASO, ms. 72, f. 70v : Additions marginales liturgiques

Copié à l’abbaye Saint-Bertin (?), IXe s. (f. 72 refait au XIIe s.)Parchemin, 136 ff. H. 270 x L. 186 mm (justification 220 x 135 mm, 1 col.,

26/28 l.). Relié en basane mouchetée.1r-24r : Ambrosius Mediolanensis, De Isaac ; 24r-43r : De bono mortis ; 43v-61v : De fuga saeculi ; 61v-89v : De Jacob ; 89v-108r : De paradiso ; 108r-119v : De obitu Valentiniani ; 119v-135v : Ad ecclesiam Vercellensem.

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Vie des hommes, vie des livresÉcrits par des hommes et pour des hommes, les manuscrits médiévaux et modernes ne sont pas seulement des livres richement enluminés, réceptacles de textes narratifs ou théoriques, objets d’attention ou de négligence. Ils sont aussi des acteurs dans la vie des hommes : gardiens de leur mémoire ou instruments de contrôle des personnes et de leur patrimoine. Ils orientent même parfois leur vie pendant des siècles. Cartulaires*, registres*, obituaires*, livres de gestion et de comptabilité, mais aussi biographies, définissent ce que nous connaissons des hommes du passé. Ils procèdent d’un choix sur les informations conservées ou éliminées et, s’ils livrent des renseignements précieux sur la vie économique et sociale, c’est d’abord parce qu’ils conservent les informations nécessaires à l’action quotidienne.

Souvent utilisés pour les études prosopogra-phiques*, les obituaires* des églises et monas-tères contiennent ainsi les noms des membres des communautés religieuses, mais aussi ceux de leurs bienfaiteurs (ecclésiastiques ou laïcs). Ils peuvent être plus ou moins précis : l’obituaire des cordeliers de Saint-Omer se résume souvent à une liste de noms (ill. 22, BASO, ms. 1749, f. 1v-2r, cat. n° 38), tandis que celui de la Table des pauvres* de la paroisse de Sainte-Aldegonde est bien plus complet (ms. 1945, cat. n° 39), puisqu’en plus des noms des tabliers* et des donateurs, il précise la nature de leurs dons car celui-ci définit l’action charitable. Dans les deux cas, l’information est sélectionnée et vise l’effica-cité. Les pauvres inscrits à la table, par exemple, ne sont pas mentionnés à Sainte-Aldegonde. Se-lon les besoins, et malgré des similitudes, chaque livre peut prendre une nouvelle configuration, comme le montre le ms. 830 destiné à la gestion de la Table des pauvres de la paroisse Saint-Mi-chel (cat. n° 42), où le registre de redevances est complété par d’autres textes. Les périodes où émergent de nouvelles structures sont souvent aussi celles où apparaissent de nouveaux types de livres. Dans le contexte du « Beau XIIIe siècle » qui se caractérise par une embellie économique, les métiers ont tendance à se structurer en corps pour défendre leurs intérêts, ainsi la Hanse des marchands de Saint-Omer. Témoin de ses ac-tivités, un registre demeure (ill. 23, BASO, ms. 889, f. 1r : Statuts de la Hanse, cat. n° 37), riche d’enseignements sur l’histoire de la bourgeoisie audomaroise. Après les statuts de la guilde, il énumère en effet les marchands (jusqu’en 1244), avec des ajouts jusqu’à la fin du XIVe siècle. Sa-chant qu’une liste est à la fois un aide-mémoire et un moyen de contrôle, on comprend le soin qui a présidé à sa confection et à ses mises à jour.

ill. 22 : BASO, ms. 1749, f. 1v-2r : Obituaire des Cordeliers

ill. 23 : BASO, ms. 889, f. 1r : Statuts de la Hanse

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Dans les archives monastiques, urbaines et seigneuriales, il arrive un moment où l’accumulation des chartes* nécessite la rédaction de documents synthétiques (cartulaire*, inventaires, etc.), mais le scribe a toujours la possibilité de sélectionner ce qu’il va copier. Au-delà du besoin technique de rangement, la confection d’un tel ouvrage correspond parfois à des événements précis comme l’introduction d’une réforme, l’arrivée d’un nouveau dirigeant ou plus simplement la réorganisation du patrimoine. Produits dans un contexte déterminé, ces objets peuvent néanmoins devenir autonomes et être copiés hors de leur contexte initial. Ainsi, le cartulaire* de l’abbaye Saint-Riquier de Watten (ms. 852, cat. n° 43), bien que visiblement copié dans la deuxième moitié du XVe siècle, il ne contient aucun acte postérieur à 1395 : il s’agit vraisemblablement de la copie d’un cartulaire commencé au XIIIe et complété au XIVe siècle, dont l’original a été perdu.

Enfin, ces livres conservent la mémoire des hommes ou des traces de leur vie quotidienne grâce à des notes complémentaires comme l’Ordinaire* de Saint-Bertin (ms. 390, cat. n° 40). Si l’existence monastique est consacrée essentiellement à la prière, elle n’interdit pas de se consacrer aux plaisirs intellectuels, même chez les cisterciens, puisque le prieur de Clairmarais a pu profiter de ses loisirs pour écrire une Vie de Charles Quint en 1561 (ms. 800, cat. n° 44), tout comme l’auteur des Chroniques des abbés de Saint-Bertin, des comtes de Flandre et rois de France (ms. 791, cat. n° 36) qui apprécie les jeux de l’esprit (ill. 24). Mémoire de l’auteur, mémoire de son sujet, la biographie définit doublement ce qui reste des hommes après leur mort.

ill. 24 : BASO, ms. 797, f. 343v : Chronogramme* final : « Is beLLo LongIssIMo fInIs DatVs »

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36. Chronique des abbés de Saint-Bertin, comtes de Flandre et rois de France

37. Registre de la Hanse de Saint-Omer

Ce manuscrit a été rédigé en 1660 d’après le chronogramme* présent au f. 343v : Is beLLo LongIssIMo fInIs DatVs (« C’est la fin donnée à cette guerre très longue »), peut-être par Adrian Le Borgne, moine profès du monastère de Saint-Bertin, qui l’a utilisé comme l’indique le chronogramme inscrit sur le f. A : Me VtItVr aDrIanVs Le borgne professVs CoenobII SIthIV (« J’ai été utilisé par Adrien Le Borgne, moine profès du couvent de Sithiu [Saint-Bertin] »).En additionnant les chiffres romains, cela donne la date de 1681. Connus dès l’Antiquité, présents en Occident à partir du XIVe siècle, les chronogrammes sont en usage principalement dans le monde germanique et dans les Pays-Bas. Outre ce jeu de virtuosité intellectuelle, se trouvent des initiales dessinées à l’encre, colorées et ornées de motifs végétaux jusqu’au f. 26v, puis viennent des initiales sans couleur ou colorées maladroitement. Chronique des abbés de Saint-Bertin jusqu’à Eustache en 1294, ce manuscrit donne également la liste des comtes de Flandre jusqu’à Charles VI, fils de Philippe IV d’Espagne (avec un ajout d’une autre main pour l’année 1679), celle des papes jusqu’à Alexandre VII (1655-1667), puis des empereurs jusqu’à Rodolphe en 1574 et enfin des rois de France, jusqu’à Louis XIV (le récit de son règne s’arrêtant au début de l’année 1660).

Le manuscrit enregistre la création de la hanse des marchands de Saint-Omer au XIIIe siècle et en livre de brefs statuts, avant de donner la liste de ses membres. Cette liste est ensuite réactualisée à différentes dates données dans le texte, la première étant 1244 : on remarque qu’un certain nombre des noms des membres est biffé pour diverses causes de non-respect de leurs obligations vis-à-vis de la hanse (paiement d’un droit, interdiction d’exercer certaines activités…). Au fur et à mesure, les ajouts se font de moins en moins soigneux. Le manuscrit livre ainsi un panorama d’une partie des élites de la ville, dans lequel les historiens ont abondamment puisé, ainsi qu’un échantillon témoignant de l’évolution de l’écriture au fur et à mesure du passage du temps.

Saint-Omer, BASO, ms. 797, f. 208v-209r : Fin de la chronique et début de la liste des comtes de Flandre

Saint-Omer, abbaye Saint-Bertin, 1659-1660.Parchemin, 343 ff., H. 148 x L. 96 mm (justification 122 x 64 mm, 1 col., maj. 27 l.). Reliure en veau du XVIIIe s., avec 2 ff. bl. pap. au plat supérieur et 1 f. bl. pap. au plat inférieur.1r-208v : Chronica rerum notabilium quæ contigerunt a sancto Bertino, primo Sithiensi abbate ; 209r-265r : Series comitum Flandriæ ; 266r-302r : Series Romanorum Pontificum ; 302v-304v : ff. blancs ; 305r-308v : Series Romanorum imperatorum ; 309r-343v : Series regum Francorum.

Saint-Omer, BASO, ms. 889, f.8v-9r : Liste de noms des membres de la hanse du XIIIe au XIVe s.

Copié à Saint-Omer, avant 1244-1371.Provient de la bibliothèque privée de M. Maroy en 1855 (cf. Deschamps de Pas 1855, p. 49).Parchemin, 24 ff., H. 358 x L. 250 mm (justification 247-270 x 186 mm, 2 col., 32-41 l.). Reliure moderne en cartonnage marbré.

DS, MHB

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38. Obituaire des cordeliers de Saint-Omer (1er sept.- 16 oct.)

39. Obituaire de la table des pauvres de la paroisse Sainte-Aldegonde

L’obituaire signale la date de décès de frères et de bienfaiteurs du couvent des franciscains ou « cordeliers » de Saint-Omer, afin d’en assurer le souvenir liturgique lors de l’office de prime. L’on a parfois gratté une inscription ancienne pour en substituer une plus récente. À strictement parler, ce manuscrit pourrait d’ailleurs être considéré comme un nécrologe, ne donnant pas de détails sur les fondations d’anniversaire concernées (cf. Lebigue 2007). Il est sans doute la copie d’un document antérieur, réservant une large place blanche pour le futur, et sa tenue jusqu’au XVIIIe siècle permet au seul cahier qui nous en est parvenu de présenter un bel échantillon d’écritures mêlées de différentes époques. C’est aussi une source intéressante, quoi que partielle car fragmentaire, pour l’histoire des familles et personnalités de Saint-Omer : les noms des bienfaiteurs Simon Canne (14 sep.), Antoine Rinvis (15 sep.), Jean Quiefdeber (18 sep.) sont ceux de familles importantes de Saint-Omer, mais aussi, pour le dernier au moins, vicaire provincial et général, gardien du couvent de Saint-Omer, un nom que l’on retrouve dans d’autres volumes de la BASO. Le plus ancien obit daté est celui de Jean Makerel, vicaire provincial du ministre de France et réformateur de ce couvent, le 17 sep. 1422.

La « table des pauvres » est la dénomination des institutions charitables en Flandre et en Artois : c’est l’organisation chargée, au sein de la paroisse, de l’assistance aux démunis, dont le budget est fourni par des dons ponctuels et des rentes. Alors que, dans les communautés monastiques, l’obituaire est le calendrier de célébration de messes ou de commémorations pour les défunts, il s’agit, dans cet obituaire, de régler les messes, mais, souvent aussi, de prévoir les donations aux pauvres faites à leur occasion et de poursuivre l’oeuvre charitable initiale. Ce manuscrit accompagne doublement la vie des hommes durant plusieurs siècles : il retient le nom des donateurs, mais est aussi le document sur lequel se fonde l’action charitable des siècles suivants ; il est augmenté de la liste des administrateurs des biens pour les pauvres depuis le XVIe siècle jusqu’en 1740. Ce sont ces hommes que l’on appelle « tabliers ». L’intérêt de ce manuscrit pour l’histoire de Saint-Omer a été montré dès le milieu du XIXe siècle, mais ce n’est qu’au début du XXIe siècle qu’il intègre les collections de la BASO, à suite du legs de Germaine de Guillebon (1906–1995).

Bibliographie : Liot de Nortbecourt, 1852-1856.

Saint-Omer, BASO, ms. 1749, f. 2v-3r : Juxtaposition d’écritures du XVe au XVIIIe siècle, avec les noms de Simon Canne, Antoine Rinvis, Jean Quiefdeber

Copié à Saint-Omer, couvent des Cordeliers, XVe-XVIIIe s.Parchemin, H. 307 x L. 221 mm, 6 ff. (justification : 215 x 150, 2 col., 27-30 l.). Sans reliure.1r-6v : fragment d’obituaire des cordeliers de Saint-Omer (ét. et éd. Coolen 1963).

Saint-Omer, BASO, ms. 1945, f. 66v-67r : Noms des « tabliers »

Copié à Saint-Omer, vers 1450-1500 (et additions postérieures). Parchemin, 68 ff. H. 290 x L. 205 mm (justification 150 x 230 mm, 3 col.). Reliure du XVe s. en cuir sur ais de bois, estampé à froid, avec restes de fermoir et contre-garde finale provenant d’un lectionnaire du XVe siècle.1r-63r : obituaire de la table des pauvres de la paroisse Sainte-Aldegonde ; 63v-65r : minute d’un accord du 18 juillet 1587 entre Nicaze de Journi et Mathieu Blocq, curés propriétaires de l’église Sainte-Aldegonde, administrateurs de la table des pauvres de ladite église ;66r : note sur des redevances dues par le comte de Sainte-Aldegonde ; 66v : noms des « tabliers » avant 1596 ;67r-68r : liste des « tabliers » de 1596 à 1740.

SB

JCB, DS

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40. Ordinaire de Saint-Bertin

41. Pierre de Ponte, Bertinias ; Alard Tassart, Florarium Sithiu cenobii

L’ordinaire* est un usuel indispensable à la préparation du culte, toujours caractéristique d’un usage particulier. Le présent volume a été compilé vers 1520 (f. 228r) avec plusieurs ajouts et mentions des années 1540 (f. 19v, 20r, 29v, 36r, 38v etc.). Chose rare dans les documents de cette nature, des notes renvoient aux chroniques du monastère, ainsi pour l’anniversaire d’un donateur « qui a beaucoup aimé ce lieu et a ajouté de nombreux biens en or et en argent à d’autres biens, ainsi que l’enseignent les chroniques de ce monastère » (f. 36v). Au f. 108v, une addition indique qu’en raison de phénomènes météorologiques exceptionnels et du froid spectaculaire des années 1549 et 1550, les moines ont été dispensés d’aller pieds nus : Anno Domini 1549, ante Pascha in hac feria quinta, tanta fuit ventorum, pluviarum, nimborum et frigoris urgencia ut totus conventus, etiam novicii, congerentur ire lavare pedes ad barbitonsoriam […]. Similiter anno sequenti. Sed ultroneus dompnus abbas dispensavit in capitulo totaliter de nuditate pedum per totum officium Passionis […]. 1550. « L’an du Seigneur 1549, le jeudi avant Pâques, il y eu une telle urgence de vents, pluies, nuées et froid que tout le couvent, y compris les novices, fut rassemblé et alla laver les pieds [des pauvres] chez le barbier […]. De même l’an suivant. Mais le sieur abbé, de son initiative, dispensa au chapitre complètement d’être pied nu durant tout l’office de la Passion […] ».

Juxtaposant imprimé et manuscrit, ce volume réunit deux poèmes en l’honneur du monastère Saint-Bertin et de son fondateur éponyme. Le premier, imprimé en 1510 à Paris par Nicolas Des Prez pour Denis Roce, est l’œuvre de l’humaniste et grammairien Pierre de Ponte, de Bruges, dit l’Aveugle car il perdit la vue à l’âge de trois ans. Celui-ci avait séjourné à Saint-Bertin et remerciait ainsi les moines de leur bon accueil. C’est une édition rare, connue à moins de dix exemplaires (BP16, n° 101615). Le second est une description des reliques de l’abbaye par Alard Tassart, sous le titre imagé de « Jardin fleuri du monastère Sithiu au marais », œuvre sans doute autographe.

L’assemblage des deux parties a été réalisé à Saint-Bertin pour réunir les hommages au saint fondateur. L’imprimé a une destinée inattendue : il appartenait à Jacques De Boodt, prêtre du diocèse de Bruges (comme l’auteur du Bertinias), chanoine à Saint-Omer en 1593, qui le donne à Thomas De Whitte en 1605. Celui-ci en fait don à son frère Guillaume De Whitte en 1608, qui, archiviste et bibliothécaire de Saint-Bertin, l’intègre au fonds de l’abbaye en 1632 (Huncque codicem per tot annos alienatum restitui bibliothecae et archiviis Sithiensibus, anno 1632. De Whitte : « Et j’ai restitué en l’an 1632 à la bibliothèque et aux archives de Sithiu ce livre soustrait depuis tant d’années. De Whitte »). Il se montre ainsi digne précurseur de Charles De Whitte, son parent qui, un siècle et demi plus tard, sera le plus fameux bibliothécaire et archiviste de Saint-Bertin.

Saint-Omer, BASO, ms. 390, f. 108v : Une tempête modifie la liturgie

Copié à Saint-Omer vers 1520-1540Provient de l’abbaye Saint-BertinPapier, H. 205 x L. 130 mm, 250 ff. (justification 90 x 155 mm, 1 col., env. 30 l.). Reliure en basane brune.A-F, 1r-244v : Ordinarium monasterii S. Bertini.

Saint-Omer, BASO, ms. 899, f. 1r : Page de titre du « Bertinias »

Paris, 1510 et Saint-Omer, vers 1510Papier, 53 ff. et 17 ff., H. 195 x L. 135 mm (justification 155 x 80 mm, 1 col., 34 l.).Reliure en veau brun, à fleurons dorés au dos.

JBL, DS

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42. Recueil de documents de gestion de la Table des pauvres de Saint-Michel

43. Cartulaire de l’abbaye Saint-Riquier de Watten

Une note, portée au verso de la contregarde inférieure d’une main de la fin du XIIIe siècle, nous apprend qu’Eustache Le Rous et Jean Vede le boursier, tous deux très certainement tabliers* de la paroisse à cette date, ont fait faire ce « livre » en 1297. Jean Vede était encore en charge en 1303, date à laquelle il donne à cens une maison « pour le proufit de la dite Taule » (26r). Communément désigné sous le nom de « registre de redevances » ou « cueilloir », ce recueil soigné est plus complexe : il s’ouvre effectivement sur un état incomplet des redevances dues à la Table des pauvres, sous forme de courtes notices non datées et très espacées (f. 1r-8v, les 2 premiers feuillets manquent). Mais suivent ensuite 26 copies d’actes (1273-1307), en général passés par devant les échevins de Saint-Omer et classés par ordre approximativement chronologique, qui touchent tous à la gestion de la Table des pauvres : donations et ventes de biens et de rentes par des particuliers et baux à rente des biens de la Table par les tabliers (f. 9r-18r et f. 20r-27v). On y trouve aussi une liste des anniversaires à célébrer par les tabliers qui sépare en deux parties les copies d’actes (f. 18r-19v). Le dernier feuillet contient deux copies d’actes beaucoup plus tardifs (1345 et 1411).

Ce manuscrit est un des rares témoins subsistants des archives de l’ancienne abbaye de chanoines réguliers de Watten. Il contient la copie d’un peu plus de trois cents actes intéressant les droits, en particulier fonciers, de cet établissement, suivant un ordre géographique (Saint-Pierre-Brouck, Éperlecques, Pitgam, Millam…). Sa datation n’est pas aisée : si l’écriture et les filigranes du papier le rapprochent de la deuxième moitié du XVe siècle, aucun des documents qui y sont copiés n’est postérieur à 1395 – et encore les actes du XIVe siècle sont-ils très peu nombreux. Ce constat stratigraphique donne l’impression qu’il s’agit de la copie d’un cartulaire datant vraisemblablement du XIIIe siècle puis complété ponctuellement jusqu’aux années 1390, dont le souvenir s’est aujourd’hui complètement effacé. Le premier acte, au f. 1r-v, met particulièrement en lumière l’accrétion progressive du matériau diplomatique, puisqu’il s’agit d’un acte de Philippe d’Alsace, comte de Flandre, daté de 1183, vidimé* par Adam, évêque de Thérouanne en 1228, qui a donc été copié dans un cartulaire perdu du XIIIe s. et repris dans ce cartulaire du XVe s.

Saint-Omer, BASO, ms. 830, f. 26r : Jean Vede donne une maison à cens pour la Table des pauvres

Saint-Omer, paroisse Saint-Michel, 1297Parchemin, 28 ff. (2 premiers feuillets manquants). H. 280 x 160 mm (justification : 158 x 104 mm, 1 col., 20 l.). Initiales rehaussées de rouge (f. 1-8). Reliure du XVIe siècle en veau brun estampé à froid, à décor de fers floraux et animaliers.

Saint-Omer, BASO, ms. 852, f. 1r : Première page du cartulaire de Watten

Watten, abbaye Saint-Riquier, deuxième moitié du XVe s.Papier, 232 ff. H. 280 x L. 205 mm (justification 190 x 115 mm, 1 col., 34 l.). Reliure souple de parchemin.1r-217v : cartulaire de l’abbaye Saint-Riquier de Watten.

CB

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44. Jacques Vignon, Vie de Charles-Quint (1561)

Jacques Vignon, prieur de Clairmarais et auteur de cette Vie de Charles-Quint, indique dans son prologue avoir profité de son loisir (« Je me suis mis estant a loisir et ayant quelques heures de relaiz ») pour recueillir des éléments biographiques des ouvrages de Guillaume Paradin (1510-1590) et d’Adrian Barland († 1542), les compléter et les corriger « selon la vérité, comme un bon père de famille ». Très élogieuse envers Charles Quint, probablement en reconnaissance de sa bienveillance envers l’abbaye, cette œuvre fut vertement critiquée par un lecteur postérieur (f. 1v : « Que diray-je de cest autheur / Ce n’est qu’ung rapsodiateur / Il s’est amusé à escrire […] / Et y at meslé du mensonge / Qu’il poeut avoir apportez en songe / Ou quelqu’un at mal rapporté / A lui qui estoit encloistré »).Dans les feuillets finaux ont été ajoutées des mentions annalistiques d’intérêt général (mariages des princes), mais aussi biographiques et autobiographiques d’intérêt local : nomination de Georges Raoul, possesseur du livre comme membre du magistrat de Saint-Omer (f. 252v : « La veille des Roix de l’an XVC nonante et trois, je fus prins pour estre des dix jurez pour la comunaulté. Et l’an 1595, 1597, 1599 et l’an 1601, je fus prins pour mayeur des dix jurez pour ladite commuaulté »), mais aussi naissance et mort des enfants de Thomas Segart, Jacques (8 janv. 1599 – 9 mai 1601) et George (né le 6 juil. 1601), ainsi que le rappel d’une tempête (f. 252v), comme si la fonction initiale de l’ouvrage biographique se trouvait ainsi continuée dans les derniers feuillets.

Saint-Omer, BASO, ms. 800, f. 251v-255v : Notes annalistiques et biographiques

Copié à Clairmarais en 1561Papier, 256 ff. H. 145 x L. 105 mm (justification 65 x 102 mm, 1 col., 28/32 l.). Reliure du XVIe s. en veau brun estampée à froid, à décor d’encadrement de fers floraux et à portraits et filets maigres et fleuron central.

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Bibliographie

Catalogues et éditions de sources

Articles et ouvrages sur les manuscrits et l’histoire du territoire de Saint-Omer

BHL : Bibliotheca hagiographica latina antiquae et mediae aetatis, Bruxelles, 1898-1901

CCCM : Corpus Christianorum Continuatio Mediaevalis, Turnhout, 1966-[…]

CGM : MICHELANT (Henri-Victor), Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques des départements, t. 3, Paris, 1861

CLA : LOWE (Elias A.) éd., Codices Latini Antiquiores. A Palaeographical Guide to Latin Manuscripts Prior to the Ninth Century, Oxford, 1929-1969

CPL : DEKKERS (Eligius), Clavis Patrum Latinorum, Turnhout, 1995, 3e édition

CLEMENS V PAPA, Constitutiones cum glossa Johannis Andreae, Bâle, 1476

DUCHET : DUCHET (Théodore), [Manuscrits de la Bibliothèque de Saint-Omer] : Supplément au catalogue imprimé [...], Additions et cor-rections, Saint-Omer, 1845

FRIEDBERG 1879 : FRIEDBERG (Emil) éd., Corpus iuris canonici, 2 vol., Graz, 1959 [Leipzig, 1879]

JOHANNES MONACHUS, Glos(s)a aurea nobis priori loco super Sexto Decretalium libro addita. Cum additionibus Philippi Probi, Aalen, 1968 [Paris, 1535]

KEIL 1855-1880 : KEIL H. éd, Grammatici Latini, 7 vol. et 1 suppl., Leipzig, 1855-1880 [1961]

KUTTNER (Stephan), Repertorium der Kanonistik (1140–1234). Prodromus corporis glossarum, Città del Vaticano, 1937 (Studi et testi, 71)

LEROQUAIS, Pontificaux : LEROQUAIS (Victor), Les Pontificaux manuscrits des bibliothèques publiques de France, 4 vol., Paris, 1937

LEROQUAIS, Sacramentaires : LEROQUAIS (Victor), Les Sacramentaires et les Missels manuscrits des bibliothèques publiques de France, 3 vol., Paris, 1924

PL : MIGNE (Jacques-Paul), Patrologie latine, 217 vol., 1844-1855

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WILMART (André), « La tradition des grands ouvrages de saint Augustin », Miscellanea Agostiniana : testi e studi, t. II : Studi agostiniani, Città del Vaticano, 1931, p. 257-315

WYFFELS (Carlos), « Hanse, grands marchands et patriciens de Saint-Omer », Mémoires de la Société académique des Antiquaires de la Morinie, 38, 1962, p. 1-75.

Expositions

ARRAS, 1951 : LESTOCQUOY (Jean), PORCHER (Jean), BOUGARD (Pierre), HELIOT (Pierre) (éd.), L’art du Moyen âge en Artois, Arras, 1951

PARIS, 1954 : PORCHER (Jean) (éd.), Les manuscrits à peintures en France du VIIe au XIIe siècle, Paris, 1954

PARIS, 1958 : PORCHER (Jean) et CONCASTY (Marie-Louise), ASTRUC (Charles), CAIN (Julien) (éd.), Byzance et la France médiévale : manuscrits à peintures du IIe au XVIe siècle, Paris, 1958

PARIS, 2013 : DESCATOIRE (Christine), GIL (Marc) (éd.), Une renaissance. L’art entre Flandre et Champagne 1150-1250, Paris, 2013

SAINT-OMER, 2013 : CORDONNIER (Rémy) (éd.), Splendeurs et lumières des bibliothèques ecclésiastiques audomaroises au Moyen Âge (IXe-XVIe s.), Saint-Omer, 2013

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Glossaire

Biblissima - Bibliotheca bibliothecarum novissima : Observatoire du patrimoine écrit du Moyen Âge et de la Renaissance, construit grâce au programme Équipements d’excellence des Investissements d’avenir. Il traite des documents dans les principales langues de culture de l’Europe médiévale et renaissante (arabe, français, grec, hébreu, latin...) et contribue à une meilleure connaissance de la circulation des textes, du devenir des bibliothèques et de la transmission des savoirs en Europe du VIIIe au XVIIIe siècle. http://www.biblissima-condorcet.fr/

Cartulaire : recueil d’actes ou de titres copiés par une communauté religieuse ou un seigneur et rassemblés dans un livre (plus rarement dans un rouleau). Le cartulaire est établi à des fins de conservation et de consultation des documents

Cauda : queue d’une lettre

Channel style : style ornemental qui se développe dans les manuscrits de part et d’autre de la Manche entre 1170 et 1190. Il se caractérise par un grand raffinement, la disparition des grandes compositions, la miniaturisation des initiales, la présence de félins blancs et une ornementation en spirale

Charte : acte par lequel se manifeste la volonté de l’auteur (roi, évêque et toute autre personne d’autorité) de l’acte écrit et qui constitue un titre entre les mains de son bénéficiaire. Ce document est établi à la première personne du singulier ou du pluriel et peut être scellé du sceau de l’auteur

Chronogramme : inscription en prose ou en vers dont les lettres correspondant à des chiffres dans le système de numération latin, permettent de donner la date d’un événement. Ainsi, M = 1000, D = 500, C = 100, L = 50, X = 10, V = 5, I = 1

Codex : livre relié qui remplace les rouleaux de l’Antiquité

Collation : confrontation de textes manuscrits ou imprimés pour s’assurer de leur conformité

Collégiale : église qui, sans être le siège de l’autorité épiscopale, possède cependant un chapitre de chanoines

Écriture cursive : écriture qui ne sépare pas les lettres et qui se caractérise par un tracé qui semble rapide

Écriture diplomatique : écriture des chartes et des diplômes

Écriture onciale : écriture composée de lettres capitales aux contours arrondis, en usage principalement du IVe au VIIe siècle

Écoinçon : motif en triangle avec un ou deux côtés curvilignes

Epistola formata : lettre de recommandation qu’un évêque envoyait à un membre de son clergé ou à un autre évêque. Elle se caractérise par l’utilisation de la valeur numérique des lettres grecques pour authentifier le document. Ce système de cryptogramme remonte au Concile de Nicée de 325

Explicit : fin d’un texte

Gueule : couleur rouge du blason

Hampe : partie inférieure d’une lettre descendant au-dessous de la ligne

Haste : partie supérieure d’une lettre s’élevant au-dessus de la hauteur des jambages

Iconoclasme, crise iconoclaste : mouvement religieux ayant caractérisé le monde byzantin des VIIIe et IXe siècles se caractérisant par la destruction des images saintes (icônes)

Incipit : début d’un texte

Incunable (livre) : se dit des livres imprimés entre 1450 (Bible de Gutenberg) et 1500

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Initiale émanchée, initiale puzzle : lettre dont les parties pleines sont divisées dans leur longueur selon une ligne ondulée, brisée ou échancrée en deux parties dont chacune est de couleur différente

Initiale historiée : lettre comportant une scène, un personnage ou un élément figuré signifiants par rapport au texte et participant au décor du manuscrit

Lectionnaire : livre dans lequel se trouvent les textes de la Bible ou des Pères qui doivent être lus à la messe et à l’office

Miniature : peinture ornant un manuscrit

Nécrologe : liste contenant les noms des morts avec la date de leur décès

Nimbe crucifère : cercle lumineux (auréole) entourant la tête d’un saint ou d’une sainte et orné d’une croix

Obituaire : registre d’une église ou d’un monastère où sont marqués les noms des défunts ainsi que les services religieux dus aux fondateurs et aux bienfaiteurs

Ordinaire : livre qui contient les prescriptions liturgiques pour toute l’année et décrit les pratiques locales des églises

Palimpseste : parchemin de remploi dont on a effacé le texte primitif par lavage et grattage pour pouvoir y copier un nouveau texte.

Pallium : bandelette de laine blanche, semée de croix noires, symbole de l’autorité pontificale et archiépiscopale

Pecia : système de copie des manuscrits, en usage à partir du XIIIe siècle, et permettant de les produire plus rapidement. Les cahiers non reliés (peciae) d’un modèle corrigé (exemplar) sont utilisés par les copistes pour multiplier les ouvrages ; ils étaient loués auprès des libraires contrôlés par l’Université (Paris, Oxford, Bologne)

Prosopographie : étude d’une population restreinte, à partir des biographies des membres qui la composent

Protestantisme : forme du christianisme occidental née avec Martin Luther au XVIe siècle

Quaternion : cahier de quatre bifeuillets

Réclame : inscription dans la marge inférieure de la dernière page d’un cahier des premiers mots de la page suivante, afin d’assurer le bon ordre des cahiers lors de la reliure du volume

Registre : ouvrage dans lequel on procède à un enregistrement successif d’actes, de lettres ou de comptes

Sable : couleur noire du blason

Scriptorium : atelier d’écriture, notamment dans un monastère

Table des pauvres : institution charitable organisée par le clergé et la bourgeoisie urbaine dans les villes, par paroisse. Si leur création remonte parfois au XIIe siècle, leur systématisation date du XVIe siècle dans les villes de Flandre et d’Artois

Tablier : laïc nommé par le curé de la paroisse et chargé de la gestion de la Table des pauvres

Tilde : signe abréviatif (sous forme de trait) placé au-dessus d’un mot

Vidimus (acte vidimé) : copie conforme d’un acte faite par une autorité (évêque, official, notaire). L’auteur certifie avoir vu l’original (d’où le terme de vidimus : « nous avons vu » pour qualifier ce nouveau document)

Page 44: Jeux de mains : portraits de scribes dans les manuscrits médiévaux de la BASO