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Drogués aux jeux virtuels LE MONDE 1 02.05.06 Le fait, en France, est sans précédent. Depuis 2005, deux jeunes hommes ont été hospitalisés en service psychiatrique pour avoir abusé des jeux vidéo. L'un âgé de 22 ans, l'autre de 21, tous deux dans un état psychologique et physique désastreux. Au fil des mois, ils se sont progressivement déconnectés de toute vie familiale et sociale et engloutis dans l'univers parallèle d'un « jeu de rôle en ligne massivement multi-joueurs ». S'achemine-t-on vers l'apparition d'une nouvelle catégorie de drogués aux jeux sur écran, comme d'autres le sont aux jeux d'argent ou de hasard ? On en est loin. Certes, une majorité de jeunes sur ordinateur ou sur console, goûtent quotidiennement aux joies électroniques. Au grand dam des parents, soucieux de voir cette activité mordre hardiment sur le temps passé à travailler, à lire ou à discuter. [ . .. ] « Je reçois un nombre croissant de jeunes accros aux jeux vidéo », confirme Michaël Stora, psychologue clinicien et psychanalyste, à l'origine de l'hospitalisation récente des deux jeunes «cyber addicts ». Fondateur de l'Observatoire des mondes numériques en sciences humaines (OMNSH), il classe les joueurs en trois catégories: les occasionnels, les excessifs, et les dépendants véritables. Ces derniers - qui se désignent entre eux comme des « no-life » - passent de dix à quinze heures par jour devant leur écran durant des semaines, puis des mois. Apparue ces dernières années avec le développement des jeux en réseau, celte toxicomanie émergente ne frappe pas au hasard. Touchant en premier lieu les couches sociales moyennes et aisées (celles qui peuvent s'équiper d'un ordinateur et s'abonner à Internet), elle concerne majoritairement les 16-25 ans. [ ... ] JOUER SON RÔLE DE PARENT [, .. ] Que faire pour que cette attirance ne devienne pas dépendance? Jouer son rôle de parent, martèlent les psys. « Autrefois, pour soulager leur mal-être, les adolescents cherchaient le conflit. Aujourd' hui, ils s'enferment devant l'écran avec un jeu virtuel », constate M. Stora. Pour éviter que des phases d'abus ne se transforment en addiction, les parents doivent être vigilants, voire autoritaires. Mais pas question, pour autant, d'interdire totalement l'accès à l'ordinateur. Confronté à un objet qui fait désormais partie intégrante de l'environnement culturel des jeunes, mieux vaut faire preuve de philosophie ... et de présence. « À la maison, l'ordinateur devient souvent le problème qui cristallise tous les conflits, alors même que l'adolescent en fait un usage modéré, ajoute Élisabeth Rossé, psychologue au centre Mannottan. Face à cet univers qu'ils ne maîtrisent pas (les parents) ont souvent l'impression d'être impuissants, et se dépossèdent de leurs moyens, alors que le bon sens suffirai t à empêcher leurs enfants de verser dans l'extrême.» Le bon sens? Interdire parfois, mais aussi accompagner, conseiller, s'informer auprès d'eux du contenu de leurs jeux favoris. Et se souvenir que, pour la majorité d'entre eux, l'interactivité et l'inventivité des univers virtuels sont avant tout une source de plaisir et d'enrichissement. Catherine Vincent

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  • Drogus aux jeux virtuels

    LE MONDE 1 02.05.06

    Le fait, en France, est sans prcdent. Depuis 2005, deux jeunes hommes ont t hospitaliss en

    service psychiatrique pour avoir abus des jeux vido. L'un g de 22 ans, l'autre de 21, tous

    deux dans un tat psychologique et physique dsastreux. Au fil des mois, ils se sont

    progressivement dconnects de toute vie familiale et sociale et engloutis dans l'univers parallle

    d'un jeu de rle en ligne massivement multi-joueurs .

    S'achemine-t-on vers l'apparition d'une nouvelle catgorie de drogus aux jeux sur cran, comme

    d'autres le sont aux jeux d'argent ou de hasard ? On en est loin. Certes, une majorit de jeunes sur

    ordinateur ou sur console, gotent quotidiennement aux joies lectroniques. Au grand dam des

    parents, soucieux de voir cette activit mordre hardiment sur le temps pass travailler, lire ou

    discuter. [ . .. ]

    Je reois un nombre croissant de jeunes accros aux jeux vido , confirme Michal Stora,

    psychologue clinicien et psychanalyste, l'origine de l'hospitalisation rcente des deux jeunes

    cyber addicts .

    Fondateur de l'Observatoire des mondes numriques en sciences humaines (OMNSH), il classe

    les joueurs en trois catgories: les occasionnels, les excessifs, et les dpendants vritables. Ces

    derniers - qui se dsignent entre eux comme des no-life - passent de dix quinze heures par

    jour devant leur cran durant des semaines, puis des mois.

    Apparue ces dernires annes avec le dveloppement des jeux en rseau, celte toxicomanie

    mergente ne frappe pas au hasard. Touchant en premier lieu les couches sociales moyennes et

    aises (celles qui peuvent s'quiper d'un ordinateur et s'abonner Internet), elle concerne

    majoritairement les 16-25 ans. [ ... ]

    JOUER SON RLE DE PARENT

    [, .. ] Que faire pour que cette attirance ne devienne pas dpendance? Jouer son rle de parent,

    martlent les psys. Autrefois, pour soulager leur mal-tre, les adolescents cherchaient le conflit.

    Aujourd' hui, ils s'enferment devant l'cran avec un jeu virtuel , constate M. Stora. Pour viter

    que des phases d'abus ne se transforment en addiction, les parents doivent tre vigilants, voire

    autoritaires. Mais pas question, pour autant, d'interdire totalement l'accs l'ordinateur.

    Confront un objet qui fait dsormais partie intgrante de l'environnement culturel des jeunes,

    mieux vaut faire preuve de philosophie ... et de prsence.

    la maison, l'ordinateur devient souvent le problme qui cristallise tous les conflits, alors

    mme que l'adolescent en fait un usage modr, ajoute lisabeth Ross, psychologue au centre

    Mannottan. Face cet univers qu'ils ne matrisent pas (les parents) ont souvent l'impression

    d'tre impuissants, et se dpossdent de leurs moyens, alors que le bon sens suffirai t empcher

    leurs enfants de verser dans l'extrme. Le bon sens? Interdire parfois, mais aussi accompagner,

    conseiller, s'informer auprs d'eux du contenu de leurs jeux favoris. Et se souvenir que, pour la

    majorit d'entre eux, l'interactivit et l'inventivit des univers virtuels sont avant tout une source

    de plaisir et d'enrichissement.

    Catherine Vincent