Journal de La Grande Guerre Numéro 1

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  • 7/21/2019 Journal de La Grande Guerre Numro 1

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    PUBLICATION HEBDOMADAIRE ILLUSTRE

    1914-1918

    JOURNAL de la guerre de

    Daprs la publication Panorama de la guerre 1914-1919

    ILLUSTRATION DAPRS PHOTOGRAPHIESFaits militaires

    Scnes maritimes La Guerre de lair

    CARTES, PLANS ET VUES PAPORTRAITS

    Types militaires de toutes les armes

    Rcits, commentaires et jugements des faits diplomatiques,politiques et militaires

    Textes des personnalits les plus illustres de Francecrivains, Hommes politiques, Chefs militaires

    No 001

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    LE JOURNALDE LA

    GUERRE DE 1914-1918 AVANT PROPOS

    Ds le dbut de leffroyable guerre de 1914,lAllemagne sest mise au ban de lhumanit.Sa dloyaut cynique, sa frocit mons-trueuse, les atrocits sans nombre et sans nomcommises par le ramassis de fauves quelle ap-

    pelle son arme, ont partout provoqu lhor-reur. Le monde entier sest fait son juge, et laconscience universelle laccuse, la condamne,la trit. Sous le peuple allemand, si infatu dela supriorit intellectuelle quil sattribuait,sest retrouve la horde farouche, sans rgle,sans frein, sans honneur, qui marque sonpassage par lincendie et par la destruction, etqui jalonne sa route de cadavres de femmes etdenfants.

    Mais, en regard de ces bandes lches tra-

    vers les villes et les villages franais et belges,il est de vaillants soldats du Droit, unis en uninfrangible faisceau pour servir dun mmecur et pour faire triompher la plus justedes causes. Et les nobles actions de ceux-cidoivent tre conserves devant tous les yeuxet graves dans toutes les mmoires, auprs

    des crimes abominables de ceux-l.Cest la perptuation de ces souvenirs de

    gloire pour les uns, de honte pour les autres que rpond la publication du Panorama. Et lon

    verra sy succder chronologiquement tous

    les tableaux et tous les faits de la guerre de1914, depuis le drame de Serajevo, prtexte ducon it, jusqu la conclusion de la paix.

    La partie panoramique proprement ditesera complte par des pages de texte, o lesphmrides dtailles de tous les vnementsseront accompagnes dextraits darticlesloquents crits au jour le jour par de grandscrivains : MM. Henry Brenger, Brieux,Alfred Capus, Georges Clemenceau, Mau-rice Donnay, commandant Driant, Jean Her-

    bette, Louis Latzarus, Ernest Lavisse, StphenPichon, Raymond Recouly, Jean Richepin,lieutenant-colonel Rousset, labb Wetterl,etc., etc.

    Louvrage, ainsi conu, constituera pour leshros un Livre dOr, et en mme temps un pi-lori pour Guillaume II et ses bandits casqus.

    LA PRIODE DE TENSION

    Jeudi 23 juillet 1914Sous forme de note diploma-

    tique verbale , le gouvernementaustro-hongrois fait parvenir Belgrade la plus agressive mise

    en demeure. Elle dbute par unhistorique du con it, rappellelannexion de la Bosnie-Herz-govine reconnue par la Serbie le

    31 mars 1909, constate lattentatdu 28 juin 1914, ajoute que cetattentat apparat comme ayantt prpar Belgrade, et rclame

    de la Serbie lassurance formellede condamner la propagande dan-gereuse quon lui signale et de lasupprimer par tous les moyens.

    Puis la note continue ainsi,dictant elle-mme les termes de larponse quelle rclame :

    A n de donner son engage-

    ment un caractre solennel, legouvernement royal fera publier,en premire page de son journalof ciel du 26 juillet, les dclara-

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    tions suivantes :Le gouvernement royal serbe

    condamne la propagande dirigecontre lAutriche-Hongrie, cest--dire lensemble des menes quiont pour but de dtacher de lamonarchie austro-hongroise desterritoires qui lui appartiennent,et regrette trs sincrement lesconsquences funestes de ces me-nes criminelles.

    Le gouvernement royal serberegrette que des of ciers et desfonctionnaires serbes aient prispart cette propagande et aientainsi mis en pril les relationsde bon voisinage amical que legouvernement royal serbe staitsolennellement engag, dans sesdclarations du 31 mars 1909, observer.

    Le gouvernement serbe, quidsapprouve et rejette toute ten-tative dimmixtion dans les desti-nes des populations de quelquepartie de lAutriche-Hongrie quece soit, considre comme sondevoir daviser de la faon la pluscatgorique les of ciers et fonc-tionnaires, ainsi que la population

    tout entire du royaume, quilagira avec la plus grande svrit lavenir contre telles personnesqui se rendraient coupables depareils agissements, et quil sem-ploiera de toutes ses forces lesrprimer et les arrter.

    Cette dclaration sera portesimultanment la connaissancede larme royale par un ordredu jour de Sa Majest le Roi et

    publie dans lorgane of ciel delarme.En outre, lAutriche exige par la

    mme note que le gouvernementserbe sengage :

    1o supprimer toute publica-tion qui exciterait la haine et au

    mpris de la monarchie et dont latendance gnrale serait dirigecontre lintgrit territoriale decelui-ci.

    2o procder de suite la disso-lution de lassociation dite Narod-naObrana, con squer tous lesmoyens de propagande de celle-ciet agir de la mme faon contreles autres socits et associationsserbes qui sadonnent la propa-gande contre lAutriche-Hongrie.

    Le gouvernement royal serbeprendra les mesures ncessairespour que les socits dissoutes nepuissent pas continuer leur activi-t sous un autre nom et une autreforme.

    3o liminer sans dlai, de lins-truction publique en Serbie, tanten ce qui concerne le corps ensei-gnant que les moyens dinstruc-tion, tout ce qui sert ou pourraitservir fomenter la propagandecontre lAutriche-Hongrie.

    4o loigner du service militaireet de ladministration en gnraltous les of ciers et fonctionnairescoupables de propagande contrela monarchie austro-hongroise, et

    dont le gouvernement austro-hon-grois se rserve de communiquerles noms et les faits au gouverne-ment royal.

    5o accepter la collaborationen Serbie des organes du gouver-nement austro-hongrois dans lasuppression du mouvement sub-versif dirig contre lintgrit de lamonarchie.

    6o ouvrir une enqute ju-

    diciaire contre les partisans ducomplot du 28 juin se trouvant surle territoire serbe. Des organes,dlgus par le gouvernementaustro-hongrois, prendront partaux recherches y relatives.

    7o procder durgence lar-

    restation du commandant VoijaTankosic et du nomm Milan Ci-ganovic, employ de ltat serbe,compromis par les rsultats delinstruction de Serajevo.

    8o empcher, par des mesursef caces, le concours des auto-rits serbes dans le tra c illicitedes armes et explosifs traversla frontire, licencier et punirsvrement les fonctionnaires deservice la frontire, Schabetzet Loznica, coupables davoir aidles auteurs du crime de Serajevo,en leur facilitant le passage de lafrontire.

    9o donner au gouvernementaustro-hongrois des explicationssur les propos injusti ables dehauts fonctionnaires serbes tant enSerbie qu ltranger, qui, malgrleur position of cielle, nont pashsit, aprs lattentat du 28 juin, sexprimer dans des interviewsdune manire hostile envers lamonarchie austro-hongroise.

    En n 10o avertir sans retardle gouvernement austro-hongroisde lexcution des mesures com-prises dans les points prcdents.

    Ici se termine la note propre-ment dite ; toutefois les rdacteursy ajoutent un dernier paragrapheprenant dlibrment le caractredun ultimatum :

    Le gouvernement austro-hon-grois attend la rponse du gouver-nemen t royal au plus tard jusquausamedi 25 de ce mois, six heuresdu soir.

    Ainsi, quarante-huit heures sontdonnes pour tout dlai la Serbie. Elle doit prendre parti entre la guerreet la paix, et avant mme lexpirationdes quarante-huit heures, insrer au Journal of ciel son acte de contrition.

    Vendredi 24 juillet 1914Conformment aux usages di-

    plomatiques, le comte Berchtold,ministre des Affaires trangres,fait remettre aux grandes puis-sances par les ambassadeurs au-

    trichiens accrdites en Allemagne,

    en France, en Grande-Bretagne,en Italie, en Russie, en Turquie,en mme temps que le texte dela note verbale adresse la veille

    Belgrade, un document qui

    veut tre une explication offerteaux puissances par le cabinet de Vienne.

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    En ces heures terribles que nous traver-sons, pendant qu nos frontires chefset soldats font hroquement leur devoir,cest pour la France une raison nouvelle decon ance, une cause de plus de scuritmorale, que de voir exercer la premire ma-gistrature de ltal par un homme tel queM. Raymond Poincar.

    Le prsident de la Rpublique est en effetlun de ceux qui, dans une juste comprhen-sion du danger permanent dont lambitionet lavidit germaniques ne cessaient demenacer ce pays, furent les promoteurs etles artisans des mesures militaires propres assurer sa protection. Cest lui qui, avecla plus ferme loquence, en des discours oles ides fortes et gnreuses frmissaient

    sous la nette et savante prcision des mots,a si puissamment contribu au rveil delesprit national. Cest lui qui, grce lau-torit de sa parole, au prestige de son talent, la haute estime que lui vaut partout laloyaut de son caractre, a si bien continuluvre de ses prdcesseurs, en resserrantet consolidant nos alliances et nos amitis.Cest lui en n qui, lheure de lappel auxarmes, a fait entendre un nergiquesursumcorda dont les chos vibrent encore au fondde lme de tous les Franais.

    ses frontires du Nord et de lEst, la pa-trie est bien dfendue par tous ses enfants. llyse, elle est servie avec non moinsdamour et de dvouement par un Lorrainde la Meuse.

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    LES ORPHELINS. Trois enfants issus du mariage delarchiduc Franois-Ferdinand et de la duchesse

    de Hohenberg : la princesse Sophie, ne en1901, le prince Maximilien-Charles, nen 1902, et le prince Ernest, n en 1904. cause du caractre morganatique delunion de leurs parents, ils ne peuventavoir aucun droit de succession autrne et ne sont mme pas admis prendre rang dans la famille impriale.

    Le rigorisme, cet gard, est pouss siloin par Franois-Joseph, quil ne tolra

    pas la prsence de ces trois malheureux

    enfants aux funrailles. Et ce fut seulementaprs la crmonie of cielle quon leur permit devenir prier prs des cercueils du pre et de la mrequils pleuraient.

    LARCHIDUC FRANOIS-FERDINAND ETLA DUCHESSE DE HOHENBERG. Larachiduc avait pris, en ces dernires an-nes, une part active la rorganisation de lar-me austro-hongroise quil voulait forte contre

    la race slave. Bien que le Kaiser allemand ne letnt pas pour un alli sr, la France se sentaiten lui un ennemi. La belle comtesse Chotek deChotkowa, quil adorait, navait pu tre unie lui que par un mariage morganatique. Fran-ois-Joseph, tout en nacceptant pas of cielle-ment celle-ci pour nice, lui avait nanmoinsdonn le titre de duchesse de Hohenberg.

    LE NOUVEL HRITIER DE LA COURONNEAUSTRO-HONGROISE, LARCHIDUCCHARLES-FRANOIS-JOSEPH, SA FEMMELA PRINCESSE ZlTA DE BOURBON DEPARME et leurs deux ls.

    g de vingt-sept ans, larchiduc que les v-nements viennent de faire lhritier prsomptifde Franois-Joseph a pous la princesse Zitade Bourbon, petite-nice du comte de Cham-bord. Lan des enfants a vingt mois. Son prevenant disparatre, cest lui qui succderait,sil y avait encore un trne dAutriche, au vieilempereur de quatre-vingt-quatre ans.

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    LARRESTATION DE GAVRILO PRINZIP. Le meurtrier de larchiduc Franois-Ferdinand et de la duchesse deHohenberg tait un jeune tudiant bosniaque, et, par consquent,sujet autrichien. Il sappelait Gavrilo Prinzip ; il tait g de dix-neufans.Immdiatement arrt, il dclara navoir commis sondouble crime quen haine du pays qui stait, en1909, annex brutalement la Bosnie et lHer-zgovine, Vienne, on prtendit voir dans lattentat,non pas lacte dun jeune patriote exalt,mais bien la consquence criminelle duncomplot tram Belgrade. Cette thsetait dautant moins soutenable que, plu-sieurs jours avant le voyage de larchiduchritier de Bosnie, le gouvernement serbe,par lintermdiaire de son reprsentant Vienne, avait mis en garde les ministres deFranois-Joseph contre la possibilit dun at-tentat. LAutriche nen lana pas moins la Serbielinacceptable ultimatum qui fut lorigine du con it.

    VUE PANORAMIQUE DE SERAJEVO. Capitale de la Bosnie, Serajevo vit se produire,

    le 28 juin 1914, un vnement destin servir deprtexte la guerre effroyable qui pouvantelEurope. Larchiduc Franois-Ferdinand, hritierprsomptif du trne dAutriche, visitait of ciel-lement Serajevo. La duchesse de Hohenberg lac-

    compagnait. Moins dune heure aprs un premierattentat qui avait chou, larchiduc et sa femme,traversant la ville en automobile, taient mor-

    tellement atteints par les balles dun browning.Quelques instants plus tard, ils rendaient en-semble le dernier soupir. Franois-Joseph mit encause la Serbie, pour un crime commis en Bosniepar un sujet autrichien. La Russie tenta dapaiserle con it. Mais la diplomatie austro-hongroise, linstigation des pangermanistes, manuvra de

    faon rendre la guerre invitable, et cest grce elle quaujourdhui lEurope est en feu.

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    Ce document rappelle, lui aussi,la dclaration faite par la Serbie lAutriche-Hongrie le 31 mars 1909,et continue ainsi :

    Le lendemain mme de cettedclaration, la Serbie sest enga-ge dans une politique tendant inspirer des ides subversivesaux ressortissants serbes de lamonarchie austro-hongroise et prparer ainsi la sparation desterritoires austro-hongrois limi-trophes de la Serbie.

    La Serbie est devenue le foyerdune agitation criminel. Dessocits et des af liations nontpas tard se former, qui, soitouvertement, soit clandestine-ment, taient destines crerdes dsordres sur le territoireaustro-hongrois. Ces socits etaf liations comptent parmi leursmembres des gnraux et desdiplomates, des fonctionnairesdtat et des Juges, bref des som-mits du monde of ciel et nonof ciel du royaume.

    Le journalisme serbe est

    presque entirement au service decette propagande dirige contrelAutriche-Hongrie, et pas un journe se passe sans que les organesde la presse serbe excitent leurslecteurs la haine et au mprisde la monarchie voisine ou desattentats dirigs plus ou moinsouvertement contre sa sret etson intgrit. Un grand nombredagents sont appels soutenir

    par tous les moyens lagitationcontre lAutriche-Hongrie et corrompre dans les provinces li-mitrophes la jeunesse de ces pays.

    Paris dans le courant de lamatine, le comte Szecsen deTemerin, ambassadeur dAu-triche-Hongrie, a laiss copiedes notes M. Bienvenu-Martin,ministre des Affaires trangrespar intrim, M. Viviani tant partile 16 juillet pour accompagner lePrsident de la Rpublique danssa visite aux souverains russe,norvgien et danois.

    Dans laprs-midi, M. deSchoen, ambassadeur dAlle-magne Paris, fait lui-mme unecommunication M. Bienve-nu-Martin, en lisant en prsence deM. Philippe Berthelot, directeuradjoint des affaires politiques, unenote par laquelle le gouvernementde Berlin dclare :

    1o Quil approuve dans le fondet dans la forme la note adressepar lAutriche la Serbie.

    2o Quil espre que la discus-sion restera localise entre Vienneet Belgrade.

    3o Que si une tierce puissanceintervenait dans la discussion,il pourrait en rsulter une gravetension entre les deux groupes depuissances qui existent en Europe.

    Ce que dit la Presse

    Du Figaro :On ne saurait dire plus claire-

    ment les choses. Ou bien la Russielaissera en tte tte la Serbie etlAutriche, ou bien lAllemagnese portera immdiatement au se-cours de son allie.

    Ce qui accrot encore limpor-tance de cette dmarche, cestque, contrairement certainsbruits qui avaient couru hier, ellena t faite qu Paris. Tout aumoins na-t-elle t faite qu Parisdabord.

    Il est possible quelle soit faiteultrieurement dans dautres capi-tales, Londres notamment. Maiscest la France que lon a voulu,avec une intention nettement ca-ractrise, prvenir tout dabordet mettre en garde contre lesconsquences dune interventionrusse.

    Voil qui claire compltementla situation. Il sagit dun plancombin, dans lensemble commedans les dtails, entre lAllemagneet lAutriche. Ds le dbut mme

    de la partie, a n de mieux intimi-der ladversaire, les deux associsabattent leurs cartes, talent tousleurs atouts.

    La rdaction de la note autri-chienne porte la marque de sonauteur, le comte tienne Tisza,premier ministre de Hongrie. Jaiconnu Budapest cet hommedtat, dont lesprit agressif, la rai-deur cassante et la volont froidesont proverbiaux. Cest lui quisemble bien avoir pris en mainslaffaire. Sans doute se souvient-ildAndrassy, le fameux ministrehongrois, qui fut, au Congrs deBerlin, le collaborateur le plusdvou de Bismarck, et quelquetemps aprs le ngociateur de laTriple-Alliance. Entre Vienne etBerlin, il est certain qu lheureactuelle les liens sont plus troite-ment resserrs que jamais !

    RaymondR ECOULY.De lHomme libre :

    Je veux me bercer de lespoirque les chancelleries, pendant cesquarante-huit heures, feront deleur mieux. Cest probablementsir Edward Grey qui pourra parleravec le plus dautorit, je ne dis pas lAutriche, qui me parat en dis-position de ne rien couter, mais lAllemagne, qui a accept lafcheuse mission de garder toutesles issues pendant quon trangle-ra la Serbie. Guillaume II fait direquil avait approuv lultimatum(cela emportait tout), mais quilnen a pas connu le texte, jug parlui trop svre. Il aurait, alors, uneassez belle occasion de prouver sabonne foi en prtant loreille auxouvertures daccommodement. Ildevrait comprendre, en effet, quela svrit du document estprcisment ce qui rend impos-sible une solution raisonnable ducon it. Instruit par lexpriencede 1909, qui nous mena tout prsdune catastrophe, et connaissantles extravagantes impulsions deM. Tisza qui mne laffaire, il etd prendre ses prcautions, pourassurer son allie une victoirediplomatique qui pouvait certai-nement tre obtenue moins defrais. On nous dit, cependant, quele cabinet de Berlin se drobe auxinstances de la Triple-Entente,

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    et refuse dintervenir auprs deFranois-Joseph. Ce serait laveude complicit.

    GeorgesCLEMENCEAU.

    De lcho de Paris :Le gouvernement austro-hon-

    grois a lanc sa note au momento, Londres, la crise de lUls-ter atteint son paroxysme ; aumoment o, Ptersbourg, desquestions ouvrires ont pris uncaractre aigu ; en n lheureprcise o le prsident de la R-publique franaise et le prsidentdu conseil, qui est en mme tempsministre des Affaires trangres,

    quittaient lempereur de Russie etcommenaient la traverse de laBaltique.

    Parmi ces vnements quiparaissent aujourdhui si bienagencs, il y a peut-tre quelquesconcidences fortuites. Mais quelAllemagne et lAutriche aientmthodiquement prvu toutesles circonstances ou quelles aientsimplement utilis limprvu, onne peut nier quelles ont en cemoment un dessein beaucoupplus grave et beaucoup plus vasteque celui de venger la mort de

    Franois-Ferdinand. LattentatdeSerajevo nest plus quune occa-sion, la note de lAutriche la Ser-bie nest plus quun instrument, lediffrend entre Vienne et Belgradenest plus quun pisode. Il sagitde garantir la race germaniquecontre les revendications chaquejour plus rsolues des races quelleopprime. Il sagit dobliger les na-tions libres dEurope reconnatrela supriorit de la Triple-Alliance. Voil comment la question a tpose par lAutriche avant-hier,par lAllemagne hier.

    JeanHERBETTE.

    Samedi 25 juillet 1914Les journaux de Vienne publient

    la nouvelle suivante :Le gouvernement russe a

    demand au gouvernement au-trichien, par lintermdiaire delambassadeur dAutriche-Hon-grie Saint-Ptersbourg et de sonreprsentant Vienne, que le dlaistipul dans la note la Serbie soitprolong de quelques jours.

    Le gouvernement austro-hon-grois a refus daccder ce dsir,dune faon courtoise mais ferme.

    Le gouvernement austro-hon-grois se place au point de vuesuivant : savoir que le rglementdes affaires avec la Serbie consti-tue une affaire qui nintresse quelAutriche-Hongrie et la Serbie.La monarchie tait dcide, dsle dbut, maintenir ce point de

    vue, quelles que soient les circons-tances, et refuser toute tentativedintervention.

    Ds laprs-midi, la physio-nomie de Paris indique que lonattend des nouvelles graves.Partout des groupes se forment,des conversations sengagent, lafoule se presse sur les boulevards,commentant la lecture des trans-parents.

    En Bourse, il y a une vritablepanique. Un af ux de vente seproduit et pas dacheteurs. Desmesures nergiques sont prises ;

    les transactions sur les rentes3 % cotes au-dessous de 78 fr.sont refuses, les oprations sur ledernier emprunt de juillet 3 %annules, et dj il est question derenvoyer la n daot la liquida-tion de ces valeurs. Dune faongnrale, la baisse atteint tous lestitres.

    Au cours de la soire, arrive deParis la dpche suivante, datede Vienne 25 juillet :

    Un peu avant six heures du soir,la rponse du gouvernement serbe la note autrichienne a t remise.

    Cette rponse na pas t jugesatisfaisante, et le ministre dAu-triche-Hongrie a quitt Belgradeavec le personnel de la lgation.

    Le gouvernement serbe avaitdj auparavant, trois heures,ordonn 1a mobilisation de lar-me.

    La cour et le gouvernementquittent Belgrade.

    Le gouvernement sest trans-port Kragouyvatz.

    La garnison de Belgrade a gale-ment vacu la capitale serbe.

    Ce que dit la PresseDe lcho de Paris :

    LAutriche a rompu hier avec

    la Serbie. Sous le prtexte que larponse serbe ntait pas satis-faisante, le ministre autrichiena quitt Belgrade hier soir sansmme y laisser un charg daf-faires. Les ngociations directesentre les deux gouvernementsdeviennent ainsi impossibles.

    Quant des ngociations in-directes, on na pas pu en nouer,puisque lAutriche a refusdcouter hier la Russie, la Franceet lAngleterre, qui cherchaient sentremettre. Entre ltat actuel etltat de guerre, il ny a donc plusque lcart dun geste. Le gouver-nement serbe a compris le dangeret, abandonnant sa capitale qui est la merci dun coup de main, ilsest retir dans lintrieur du pays Kragouyvatz.

    [...]On a essay dergoter, hier, surla dmarche que lambassadeurdAllemagne avait accomplie laveille au quai dOrsay. On a ten-t de faire croire quelle navaitaucun caractre menaant. Cesquivoques tardives nauronttromp, nous aimons le croire,ni lopinion publique, ni le gou-vernement. Quand, quelques

    heures aprs la communicationde la note autrichienne aux puis-sances, lAllemagne fait dire laFrance et la France seule que

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    FRANOIS-JOSEPHEn soixante-six ans de rgne, ce souverain

    na connu que la dfaite. 1859 la vu battrepar les Fronais et forcer de restituer des ter-ritoires lItalie. Plus tard, il a aid la Prusse prendre au Danemark les duchs de Sle-vig-Holstein. Mais, au lieu de recevoir, sous

    forme dune annexion de territoire, sa part dubutin, Il devait tre dup par son complice,et leur rglement de comptes se termina Sodowa. Capable de toutes les compromis-

    sions, le vaincu de 1866 se t lalli, puis leservile Vassal de son vainqueur. Cest lui qui,sur lordre de Guillaume II, a provoqu parson ultimatum au peuple serbe, lhcatombequi devait ensanglanter lEurope. Dans lesderniers jours de sa vie, il a dshonor sa

    vieillesse. lheure o len doit faire le gestequi bnit, il a fait le geste de mort. Sur sa m-moire planera de toute ternit lexcrationdes pouses et la maldiction des mres.

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    LEUR EMPEREUR

    En donnant nagure au Kaiser ce sinistrepro l doiseau de proie, Caran dAche taitbon prophte. Il dessinait davance le portraitle plus ressemblant de Guillaume II. Cest

    aujourdhui la Belgique et la France que ce-lui-ci dsigne sa bande de vautours. Maisle juste chtiment viendra bientt pour lui,pour sa niche, pour tous ces rapaces.

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    Type de monitor autrichien, sur le Danube, devant Belgrade.

    Belgrade, capitale de la Serbie, vacue ds la remise de lultimatum du gouvernement autrichien.

    Les femmes serbes, dont lardent patriotisme ne le cde en rien celui de leurs poux et de leursfrres, sexercent au maniement des armes feu pour repousser lenvahisseur.

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    toute intervention dans le diff-rend austro-serbe produira desconsquences incalculables ,nous serions des fous si nous nesentions pas que nous sommesmenacs, si nous ne comprenionspas quun autre 1864 nous met-trait la veille dun autre 1870,et si nous ne prtions pas loreilleaux manifestants de Berlin qui,hier soir, propos de la Serbie,chantaient leWacht am Rhein.

    JeanHERBETTE.

    De lHomme libre :On peut discuter, ergoter,

    construire, avec des si, des ch-teaux dhypothses, on peut se

    livrer aux recherches des moyensdatermoiement, on peut chargercelui-ci, dcharger celui-l, senprendre Guillaume II, au comteBerchtold, aux diables denfer, tout ce quon voudra, deux pointssont hors de toute discussionpossible : 1o lEurope sest laisssurprendre en plein dsarroi ;2o lAutriche, en donnant qua-rante-huit heures la Serbie poursanantir devant elle, avec ousans rsistance militaire, a marqude faon suf sante, pour toutce qui peut rester dhommes debon sens, quelle avait dcid deforcer lvnement tous risques,et quelle acceptait, avec lAlle-magne, toutes les consquencesde sa rsolution. Cest l-dessusquil faut tabler et non sur leschimriques espoirs par lesquelstoute faiblesse tche de se dissi-muler le plus longtemps possiblele rsultat de ses manquements.

    Que la Triple-Entente, sansferme diplomatie, sans autresvues communes que de craintes chance plus ou moins pro-chaine, sans autre politique que

    de temporisation, aussi bien dansla prparation des armements quedans les oprations de chancelle-ries, ait permis ladversaire dechoisir son gr le jour et lheurede lagression, cela est dsormaisacquis lHistoire.

    GeorgesCLEMENCEAU.

    Du Figaro :LHEURE GRAVE

    En quelques heures vient desurgir brusquement la questionsuprme de vie ou de mort : laguerre. En face delle tout se retireau second plan, mme le crimequi nous a cot le plus cher desamis.

    La guerre ? Si improbable en-core, Dieu merci, quelle soit, et siloigne peut-tre de nous par jene sais quelles forces mystrieuseset bienfaisantes, son image pour-tant neffraye personne en notrepaye. Nous sommes depuis deuxans dj comme familiariss avecelle et prts en supporter lhor-reur.

    Cest que nous ayons rarementtravers une pareille tourmente etque la vie que nous menons main-tenant en France, parmi une suiteininterrompue de crises politiqueset nancires, nous a fouett lesang au lieu de lalourdir. La paix,certes dabord et cest le plusardent dsir de tout homme civi-lis la paix laquelle sont dustous les sacri ces, sauf celui delhonneur.

    En regardant les Franais, lut-tant et hurlant les uns contre lesautres, se dchirant dans la presse,au Parlement, la Cour dassises,on est tent de les mal juger. Onpeut nous croire nervs et af-faiblis par nos divisions. Quelleerreur !

    Diviss, oui, videmment, nousle sommes, parce que, dans nosmisrables querelles politiques,il ny a plus didal, ni de noblespassions : il ny a plus que desintrts. Mais que demain le sortde la patrie soit en jeu : on verra leformidable lan et le cur uniquede la race.

    Ce que nous serions, si la guerreclatait, jen ai eu limpressionhier au Palais de justice.

    la suspension de laudience,les premires dpches dAutrichearrivrent. Elles taient pleines demenaces. La con agration gn-rale tait possible.

    Tous les jeunes avocats discu-trent gravement sur la redoutableventualit.Ils ne montrrent ni forfanterieni angoisse, et parfois mme ilssavaient sourire. Lun dit : a vanous faire de belles vacances ! Ils sinterrogeaient sur leurs r-giments et sur leurs armes, et jevis deux adversaires qui, la veille,staient presque outrags, se ser-rer la main, sans sen apercevoir,machinalement.

    Tels sont les sentiments et lesesprances qui doivent nous gui-der dans les lourdes journes quisannoncent. Dinstant en instant,les nouvelles vont nous arriver,rassurantes ou, au contraire,tragiques. Elles nous trouverontcon ants et forts, et le cur pr-par dfendre la patrie, sil lefaut et si les efforts pour la paixdemeuraient vains.

    Car elle ne semble pas irrm-diablement compromise, et desvolonts fermes peuvent encorelimposer : des barrires peuventencore tre dresses entre les deuxennemis.

    AlfredCAPUS,de lAcadmie franaise.

    Dimanche 26 juillet 1914

    Le gouvernement prend desmesures de prcaution : un conseilde cabinet se runit 11 heures auministre des Affaires trangres.

    M. Messimy, ministre de laGuerre, con rme avec le gnral Joffre et le gnral Michel, gouver-neur militaire de Paris. Les chefs

    de corps reoivent lordre dtre leur poste. Ceux qui sont en congsont rappels.

    M. Gauthier, ministre de la Ma-

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    rine, runit le chef dtat-Major etles chefs de service.

    M. Noulens, ministre des Fi-nances, travaille tout laprs-midiavec ses chefs de service.

    M. Hennion, prfet de police,prend de son ct toutes mesuresutiles. 7 heures tous les com-missaires de police de Paris sontconvoqus, et ordre leur est don-n de rappeler tous secrtaires,inspecteurs, agents en cong.

    11 heures du matin, par-vient Paris un tlgramme don-nant lanalyse de la rponse serbe.Cette dpche, envoye par leministre de France en Serbie, a tretarde en cours de route. Elle amis 20 heures pour arriver des-tination.

    Voici le texte de la rponse en-voye par le gouvernement serbe lultimatum autrichien :

    Le gouvernement royal serbea reu la note du gouvernementroyal et imprial, date dut 10-23 courant. Il est persuad quesa rponse va dissiper tous les

    malentendus qui menaaient degter les bonnes relations de lAu-triche-Hongrie et du royaume deSerbie.

    Le gouvernement royal estconscient du fait que les protes-tations qui se sont produites latribune de lAssemblenationale,ainsi que les dclarations et lesactes des reprsentants respon-sables de ltat, toutes protesta-

    tions qui ont t interrompues parla dclaration du gouvernementserbe du 18 mars 1909, ne se sontrenouveles en aucune occasion.

    Depuis ce temps, le gouverne-ment royal tient faire noter que,ni de la part des cabinets qui sesont succd au pouvoir, ni de lapart de leurs journaux, il ny a eude tentative faite dans le desseindamener un changement dansltat politique et juridique de laBosnie et de lHerzgovine.

    Le gouvernement royal faitobserver qu ce sujet le gou-

    vernement royal et imprial najamais fait aucune reprsentation,except en ce qui concerne unlivre scolaire. Au sujet de cetterclamation, le gouvernementroyal et imprial a reu entiresatisfaction.

    La Serbie, en de nombreusesoccasions, a donn la preuve desa politique paci que et modredurant toute la crise balkanique.Cest grce la Serbie et aux sa-cri ces quelle a faits dans lintrtde la paix europenne que cettepaix a t maintenue. Le gouver-nement royal ne peut tre renduresponsable de manifestationsdun caractre priv, par exempledarticles de journaux, de la pro-pagande de certaines socits, demanifestations qui se produisentdans presque tous les pays et qui,en gnral, d ent le contrle of -

    ciel.Cela doit tre dautant moins

    le cas que le gouvernement royal,dans la discussion des questionspendantes entre la Serbie et lAu-triche-Hongrie, sest montr tout fait dcid venir au-devant de

    tous ses dsirs. De cette faon, ila russi arranger le plus grandnombre de ces questions pourle plus grand progrs des deuxcontres voisines.

    Pour toutes ces raisons, legouvernement royal a t dou-loureusement surpris de certainesaf rmations selon lesquelles despersonnes relevant du royaumede Serbie auraient particip la

    prparation de lattentat de Sera-jevo.Le gouvernement royal sat-

    tendait tre invit cooprer des recherches concernant tousles dtails qui ont rapport cecrime. Il tait prt prouver pardes actes quil est vraiment prt agir contre toutes les personnesau sujet desquelles des communi-cations lui ont t faites.

    Dsireux daccder au dsir dugouvernement imprial et royal,le gouvernement royal est dispos traduire devant la cour de justice

    tout sujet serbe, sans gard poursa situation, pour son rang, dontla complicit dans le crime de Se-rajevo aura t prouve. Particu-lirement, le gouvernement serbesengage publier la premirepage du Journal of ciel la datedu 13-26 juillet, la dclaration sui-vante :

    Le gouvernement royal de Ser-bie condamne toute propagandedirige contre lAutriche-Hongrie,cest--dire lensemble des ten-dances qui pourraient tendre en

    n de compte dtacher de lAu-triche-Hongrie des territoires quimaintenant en font partie.

    Le gouvernement royal d-plore sincrement les terriblesconsquences de cette activitcriminelle.

    Le gouvernement royal re-grette que certains of ciers etfonctionnaires serbes aient, sui-vant les communications faitespar le gouvernement imprialet royal, particip la susditepropagande et de la sorte aientcompromis les relations que legouvernement royal stait enga-

    g maintenir par sa dclarationdu 31 mars 1909. Le gouvernement, qui dsap-

    prouve et qui rpudie toute idede se mler de changer la destinedes habitants de toutes les rgionsde lAutriche Hongrie, considrede son devoir dinformer of ciel-lement les of ciers et les fonction-naires et toute la population duroyaume qu lavenir il engagera

    les poursuites les plus rigoureusescontre les personnes qui se sontrendues coupables de semblablesactes, et quil rprimera ces actesde toutes ses forces.

    Cette communication seraporte la connaissance de lar-me royale par un ordre du jourpubli au nom de Sa Majest parle prince hritier Alexandre. Ellesera publie dans le prochain Bul-letin of ciel de larme.

    De plus, le gouvernement royalaccepte de prsenter la premiresession de la Skoupchtina un

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    La visite of cielle du prsident de la Rpublique lempereur de Russie ne fut pas seulementune manifestation en quelque sorte jubilaire deltroite amiti qui unit depuis vingt-cinq ansleurs deux pays. Elle devait en outre donnerloccasion aux deux chefs dtat de proclamerque la Russie et la France restaient prtes sedfendre en un effort commun, si lon venait ja-mais menacer les droits de lune ou de lautre.

    Mais, avant tout, ce que lempereur Nicolas etM. Raymond Poincar se proposaient daf r-mer et quils af rmrent de manire si prcisedans les toasts quils changrent ctait le d-sir le plus ardent de contribuer par lunion desdeux peuples, assurer le maintien de la paix.Or, cest ce moment-l mme que Vienne avaitprmdite de choisir pour lancer son ultimatumdo devait sortir la guerre.Dans lentourage de Franois-Joseph commedans celui du prince royal allemand, vritablechef du pangermanisme, on estimait que jamaisles circonstances navaient t plus favorablespour attaquer les deux allis. Malgr limpo-sante manifestation militaire quavait t lagrande revue de Tsarko-Slo, on considraitlarme russe comme incapable darriver temps au secours de la France.Quant celle-ci, qui ne pouvait davantagecompter sur laide utile de lAngleterre, la grvegnrale, en se dclarant lheure mme despremires hostilits, lui serait une nouvellecause daffaiblissement et assurerait sa perte... Aucune de ces prvisions ne se ralisa, et laprsomption des Austro-Prussiens devait lesconduire bientt aux pires mcomptes...

    LE VOYAGE DE M. POINCAR EN RUSSIE

    M. POINCAR SAINT-PTERSBOURG

    M. POINCAR TSARKO-SLO

    RETOUR PARIS DE M. POINCAR

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    LES ALLEMANDS SUR LA PLACE DU MARCH, LIGE Malgrla rsistance hroque des forts et le courage de la garnison, les Alle-mands, passant travers les lignes, pntrrent dans la ville de Lige dsle dbut des hostilits. Le premier acte des vainqueurs fut un essai den-

    lvement du gouverneur de la place. Puis les rquisitions, brutalementeffectues, la Prussienne, commencrent. Les voitures de laiterieelles-mmes, avec leurs pittoresques attelages de chiens, y furent com-prises. Les Allemands sen servirent pour le transport de leurs vivres.

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    Le 4 aot 1914, sur le cercueil de Jean Jaurs,

    internationalistes et patriotes scellaient enparoles en ammes leur troite union debons Franais en face de lennemi.

    LA MORT DE JEAN JAURS(31 Juillet 1914)

    Nul, mme parmi les adversairesles plus dtermins de Jean Jaurs,ne contestait la haute valeur du lea-der socialiste. Son verbe en ammtransportait et dominait tous lesauditoires. Et, devant les milliers deses coreligionnaires politiques querunissait, Bruxelles, le derniercongrs socialiste, il se faisait, peu

    de jours avant sa mort, applaudiravec frnsie comme le plus fou-gueux partisan de la paix.

    Dans la soire du 31 juillet, Jaurs d-nait, en compagnie de plusieurs amis,collaborateurs de lHumanit, dans unrestaurant de la rue Montmartre, voisinde son journal. cette mme heuregrondaient au-dessus de Paris des me-naces de guerre.Le bruit courait dj que lordre demobilisation gnrale allait tre lanc,quil serait af ch ds le lendemain. Legrand frisson des heures tragiques avaitpass dans toutes les mes. On attendait

    vreusement, mais sans crainte, que seralist le grave vnement pressenti.Un homme, dont la faiblesse mentaledevait tre bientt prouve, guettait legrand orateur.Par une baie donnant sur la rue, et prsde laquelle Jaurs tait assis, cet hommebraqua un revolver. Jaurs se renversa,frapp mort. Une balle venait de luitraverser le cerveau. Laptre de la paixmourait la veille de la guerre.

    JEAN JAURS

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    amendement des lois de la presse,punissant tout article susceptiblede produire des sentiments dehaine contre la monarchie aus-tro-hongroise.

    De mme, il poursuivra toutepublication dont la tendance gn-rale serait dirige contre lintgritterritoriale de lAutriche-Hongrie.

    1o Le gouvernement royal sen-gage, loccasion de la rvision dela Constitution qui aura lieu bien-tt, introduire dans larticle 22de la Constitution un amende-ment tel que les publications sus-dites pourront tre con sques, cequi maintenant, selon les termescatgoriques de larticle 22 de laConstitution, nest pas possible.2o Le gouvernement imprialet royal na pas encore fourni augouvernement royal la preuveque la socit Narodna Odbranaet les autres socits similaires ontjusqu prsent commis des actescriminels par lintermdiaire dunde leurs membres. Nanmoins, legouvernement royal acceptera lademande du gouvernement imp-

    rial et royal et dissoudra la socit.Narodna Odbrana et toute autresocit qui pourrait faire de lagi-tation contre lAutriche.

    3o Le gouvernement royal serbesengage liminer sans dlai delinstruction publique en Serbietout ce qui sert ou pourrait servir fomenter la propagande contrelAutriche-Hongrie, quand le gou-vernement imprial et royal lui

    fournira des faits et des preuvesde cette propagande.4o Le gouvernement royal

    accepte de mme dloigner duservice militaire ceux dont len-qute judiciaire aura prouv quilssont coupables dactes dirigscontre lintgrit du territoire dela monarchie austro-hongroise ; ilattend que le gouvernement im-prial et royal lui communique ul-trieurement les noms et les faitsde ces of ciers et fonctionnaires,aux ns de la procdure qui doitsen suivre.

    5o Le gouvernement royal doitavouer quil ne se rend pas claire-ment compte du sens et de la por-te de la demande du gouverne-ment imprial et royal tendant ceque la Serbie sengage acceptersur son territoire la collaborationdes organes du gouvernementimprial et royal. Mais il dclarequil admettra toute collaborationqui rpondrait aux principes dudroit international et la proc-dure criminelle, ainsi quaux bonsrapports de voisinage.

    6o Le gouvernement royal, celava de soi, considre de son devoirdouvrir une enqute contre tousceux qui sont ou qui ventuel-lement auraient t mls aucomplot du 28 juin et qui setrouveraient sur le territoire duroyaume. Quant la participation cette enqute des agents desautorits austro-hongroises quiseraient dlgus cet effet par legouvernement imprial et royal,le gouvernement royal ne peutpas laccepter, car ce serait uneviolation de la Constitution et dela loi sur la procdure criminelle.

    Cependant, dans des cas concrets,des communications_ sur lesrsultats de linstruction en ques-tion pourraient tre donnes auxorganes austro-hongrois.

    7o Le gouvernement royal a faitprocder, ds le soir mme de laremise de la note, larrestationdu commandant Voislav Tanko-sitch. Quant Milan Ziganovit-ch, qui est sujet de la monarchie

    austro-hongroise, et qui jusquau28 juin tait employ (comme as-pirant) la direction des cheminsde fer, il na pas pu encore trejoint. Le gouvernement imprialet royal est pri de vouloir bien,dans la forme accoutume, faireconnatre le plus tt possible lesprsomptions de culpabilit, ainsique les preuves ventuelles deculpabilit qui ont t recueilliesjusqu ce jour par lenqute Serajevo, aux ns denqutes ult-rieures.

    8o Le gouvernement serberenforcera et tendra les mesuresprises pour empcher le tra cillicite darmes et dexplosifs tra-vers la frontire. Il va de soi quilordonnera de suite une enqute etpunira svrement les fonction-naires des frontires sur la ligneSchabah-Loznida, qui ont man-qu leur devoir et laiss passerles auteurs du crime de Serajevo.

    9o Le gouvernement royal don-nera volontiers des explicationssur les propos que ces fonction-naires, tant en Serbie qu ltran-ger, ont tenus aprs lattentat dansdes interviews, et qui, daprslaf rmation du gouvernementimprial et royal, ont t hostilesenvers la monarchie, ds que legouvernement imprial et royallui aura communiqu. Les pas-sages en question de ces proposet ds quil aura dmontr que lespropos employs ont, en effet, ttenus par lesdits fonctionnaires,propos au sujet desquels le gou-vernement royal lui-mme aurasoin de recueillir des preuves etconvictions.

    10o

    Le gouvernement royal in-forme le gouvernement imprialet royal de lexcution des me-sures comprises dans les pointsprcdents, en tant que cela napas t dj fait par la prsentenote.

    Aussitt que chaque mesureaura t ordonne et excute,dans le cas o le gouvernement

    imprial et royal ne serait pas sa-tisfait de cette rponse, le gouver-nement royal serbe, considrantquil est de lintrt commun dene pas prcipiter la solution decette question, est prt, commetoujours, accepter une ententepaci que, en remettant cettequestion, soit la dcision dutribunal international de La Haye,soit aux grandes puissances, quiont pris part llaboration de ladclaration que le gouvernementserbe a faite le 18-31 mars 1909.

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    Le ministre dAutriche-Hon-grie, en recevant cette rponse, adclar quil devait la compareraux instructions quil avait re-ues de son gouvernement et.Quaussitt aprs il donnerait unerponse d nitive.

    Peu aprs, le ministre aus-tro-hongrois sest rendu au mi-nistre des Affaires trangres eta dclar quil ne pouvait pas semontrer satisfait de la rponse dugouvernement serbe, et quil quit-tait le soir mme Belgrade, avec lepersonnel de sa lgation.

    Il a dclar, en outre, que lesarchives de la lgation, ainsi que laprotection des sujets austro-hon-grois en Serbie, taient con esau ministre dAllemagne.Il a termin en disant que lesrelations diplomatiques devaienttre considres comme entire-ment rompues entre la Serbie etlAutriche-Hongrie.

    La lecture de ce document rendclatant le parti pris de lAutriche ;la Serbie a pouss la capitulationjusquaux extrmes limites pourviter le con it qui risque den-

    traner toute lEurope derrire elle.Par deux fois, M. de Schoenvient au quai dOrsay, a n derechercher avec le gouvernementfranais les moyens de rsoudrepaci quement le con it aus-tro-serbe.

    Dans la soire, le ministre desAffaires trangres communiquela note suivante :

    Lambassadeur dAllemagne,M. de Schoen, et le prsident duConseil par intrim ont eu, dansla soire, un nouvel entretien aucours duquel ils ont recherch lesmoyens daction des puissancespour le maintien de la paix.

    Guillaume II a dcid dinter-rompre sa croisire sur les ctes deNorvge pour rentrer directement Berlin. Il embarque six heuressur le Hohenzollern qui fait routevers Kiel.

    Ce que dit la PresseDu Figaro :

    Quoi quil arrive, rien naurat plus rconfortant, plus capabledans les circonstances actuellesde nous inspirer con ance, quele calme, que la dignit de lopi-nion franaise. Ni affolementdevantcette formidable surprise,ni stupeur. Ce fut une sorte deconcentration sur nous-mmes etdunanime effort de volont.

    Unanime, sans distinction detemprament, dopinion poli-tique ; sans souci des polmiquesengages et des haines. Pas deviolences dans la rue ; pas unenote fausse dans la presse ; nullepart une imprudence ou un mou-vement brusque.

    [...]La presse ne se borne pas tra-

    duire lopinion : elle linterprte etla rassemble.

    Il ny a qu lire les journauxde Paris et de province, dinsi-gni antes exceptions, pour savoirque, malgr son amour ardent de

    la paix, la France aujourdhui estaussi incapable de provoquer quede reculer.

    AlfredCAPUS,de lAcadmie franaise.

    Du Petit Journal :Les intentions de lAllemagne

    restent obscures. Elle af rmeson dsir de paix, mais elle neconforme pas son action sesparoles. Quand on lui demandede donner Vienne des conseilsde modration qui, venant delle,seraient couts plus que ceuxdaucune autre puissance, elle sedrobe en rpondant que laffairene concerne que lAutriche et laSerbie.

    Elle pousse volontiers uneaction que les gouvernementsamis de la Russie exerceraient Saint-Ptersbourg, mais elle ne

    consent pas celle quelle pourraitexercer si utilement dans la capi-tale autrichienne.

    Que cache et que signi e cette

    double attitude ? Quel est le butque poursuit le gouvernementde Berlin en repoussant et enappelant, la fois, linterventiondes autres puissances, en la re-poussant comme devant entranerun con it gnral si elle cherche empcher le succs de la brutalitet de la violence, et en lappelant,au contraire, si elle doit concourir cette uvre diniquit ? Souhai-tons que lAllemagne ne tarde pas se rendre compte de la strilitde cette tentative.

    S.PICHON.

    De lHumanit :Quelle peut bien tre la signi-

    cation de lintervention de M. de

    Schoen ? Avertir la France et lAn-gleterre des consquences quau-rait lentre en scne de la Russie,cest supposer que la France etlAngleterre pourront agir sur legouvernement russe.

    Mais, en ce cas, pourquoi lAlle-magne, de son ct, nagirait-ellepas sur son allie lAutriche ?Prtendre que lAutriche na pascommuniqu lAllemagne letexte de la note et ajouter, cepen-dant, quelle est dcide marcher fond pour lAutriche, fait unetroublante contradiction.

    Si lAllemagne na pas tconsulte, elle a bien le droit dedonner des conseils de prudenceet de mesure lAutriche, qui peutlengager dans un con it.

    Jean JAURS.

    De lAutorit :

    Les vnements prochains d-pendent, en grande partie, des d-cisions de lempereur Guillaume.

    Si le Kaiser ne refrne pas lar-deur de son allie, la con agrationest quasi certaine ; sil sait lui dire,sur le ton quil prit lors dune r-cente priode de tension : Vousfaites beaucoup de bruit avec monsabre , il sera peut-tre probable-ment cout.

    Jamais lheure na t aussigrave. Je souhaite ardemment, comme

    tout Franais doit le faire, que

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    GARE CENTRALE DE BERLIN. (1er aot) Inexprimable affolement de ceuxqui, ds les premiers bruits de guerre, veulent

    fuir la capitale allemande et prennent das-saut, avec leurs femmes et leurs enfants,les trains qui vont partir vers les frontires.

    EN ANGLETERRE. Nos amis les An-glais afftent leurs armes blanches avant desembarquer pour les champs de bataille du

    continent o, vaillamment, ils vont sceller contre lennemi commun leur alliance d-fensive avec la Belgique, la Russie et la France.

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    LEURS RSERVISTES. En voyant lair piteux

    des mobiliss doutre-Rhin quittant Londres,on devinait que de tels hommes niraient au feuque sous la menace et les coups, et lon devinait

    juste. Mais ce que lon ne pressentait pas, ctait

    latrocit des revanches que ces gens, redeve-nus des brutes, prendraient en Belgique et enFrance, sur des femmes et des enfants.

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    la paix soit maintenue, mais silAllemagne juge que loccasionsi souvent guette soffre elle,si elle prend la responsabilit delattaque, je dis que, avec luvreaccomplie depuis deux ans,nous avons assez dlments decon ance pour la regarder en face.

    Elle a laiss passer lheurede notre plus grande faiblesse :larme franaise, aujourdhui,attend, larme prte.

    Dieu aidant et la Russie mar-chant, nous devons vaincre.

    CommandantDRIANT.

    Les Manifestations VIENNE

    Ds la nouvelle de la rupturedes relations diplomatiques, unefoule nombreuse masse dansles rues a accueilli la nouvelle pardes acclamations en lhonneur delempereur. Des cortges ont cir-cul dans les rues en chantant desrefrains patriotiques et en accla-mant lempereur Franois-Josephet lempereur Guillaume.

    Des discours patriotiques ontt prononcs. Partout rgne un

    grand enthousiasme.Les nouvelles arrives de pro-

    vince signalent partout des mani-festations patriotiques.

    BERLIN100 000 manifestants

    chantent

    le Wacht am Rhein

    Dans toute lAllemagne, les ma-nifestations se multiplient. Ellessont moins limpression dunesympathie sincre pour lAutrichequun dsir dhostilit contre laRussie, considre aujourdhui,elle aussi, comme lennemie hr-ditaire.

    Les manifestations Berlin ontdur toute la nuit. Un cortge de100 000 personnes a parcouru laville, chantant leWacht am Rhein.Devant lambassade de Russie,des cris hostiles ont t pousss.On a acclam lambassade dAu-triche, le palais du chancelier etaussi lambassade dAngleterre.

    En face de lambassade deFrance, le cortge a gard un si-lence complet.

    La colonne des manifestants

    tait prcde de deux hommesportant chacun un portraitgrandeur nature de lempereurGuillaume et de Franois-Joseph.Lmotion est son comble ; lesvieux Berlinois dclarent navoirrien vu de pareil depuis 1870. Onsent dans le public quil suf raitdun rien pour que lAllemagnemobilise.

    Lof cieux Lokal Anzeigerpublie une note o il est dit : On ne sait encore si lAutricheenvahira immdiatement le terri-toire serbe. Il est possible quelleprenne dautres mesures, mais siles hostilits ne sont pas encoreengages, on se demande si lalueur tragique ne va clairer toutelEurope. Mais nous pensons quilvaut mieux une n terrible quuneterreur sans n.

    (La Libert.)

    PARIS Jusqu une heure avance de

    la nuit, une trs vive animationrgna sur les boulevards, queparcoururent diverses reprisesdes groupes de manifestants ac-

    clamant larme et la France.

    Lundi 27 juillet 1914Cest la journe de la diploma-

    tie. Les puissances emploient unegrande activit pour suspendrela marche des vnements. Ona le sentiment que le seul paysqui puisse retenir lAutriche dansl voie si prilleuse pour la paix,cest lAllemagne, son allie. Tousles efforts sont faits pour queGuillaume II prononce le mot quifera sabaisser la main de Fran-ois-Joseph prte frapper.

    LItalie prend linitiative duneaction commune avec lAngleterrepour amener lAutriche des dis-positions conciliantes.

    La France et la Russie font desdmarches, tant Belgrade qu

    Vienne, pour trouver un terraindentente entre les deux adver-saires.

    LAngleterre propose la France, lAllemagne et lItalie une ac-tion mdiatrice entre lAutriche etla Russie, sexerant sous la formede confrence. Sir Edward Grey,secrtaire dtat au Foreign Of ce,fait la Chambre des Communesla dclaration suivante :

    Jai reu vendredi dernier delambassadeur dAutriche-Hon-grie la note que cette puissance acommunique toutes les puis-sances et qui a depuis paru dansla presse. Cette note contenaitle texte des rclamations autri-chiennes auprs de la Serbie. Jevis, dans laprs-midi de ce mme

    jour, les ambassadeurs trangers,et leur dis quaussi longtemps quele con it concernerait seulementlAutriche et la Serbie, lAngleterre

    ne saurait intervenir aucun titre,mais que si les relations entrelAutriche et la Russie devenaientplus tendues, de ce fait la paix delEurope serait alors mise en jeu,ce qui nous concernait certes tous.

    Jignorais alors la positionquallait prendre la Russie vis--vis de ce con it, mais il ma paruque si la Russie prenait une partactive, la seule chance de sauve-garder la paix de lEurope seraitque les quatre puissances qui nesont pas directement touchespar la question serbe, cest--direlAllemagne, la France, lItalie etla Grande-Bretagne, ssent des

    efforts simultans auprs desgouvernements autrichien etrusse pour les amener suspendretoute action militaire, tandis que

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    les puissances dj nommesessaieraient de trouver un terraindaccord.

    Cest alors que jappris la rup-ture des relations diplomatiquesentre lAutriche et la Serbie. Je de-mandai immdiatement aux gou-vernements franais, allemand etitalien sils consentiraient ce queleurs ambassadeurs se runissentici en confrence. Dautre part,jordonnai nos ambassadeursauprs de ces mmes puissancesde demander que les reprsen-tants franais, allemands et ita-liens Vienne, Saint-Ptersbourget Belgrade, informas.sent leurgouvernement de la confrencepropose, les invitant en mmetemps cesser toute action ult-rieure et attendre le rsultat decette confrence.

    Les rponses ces propositionsne me sont pas encore complte-ment parvenues.

    Dans une crise aussi grave quecelle que nous traversons, lesefforts dune seule puissance enfaveur de la paix demeureraientvains. Le temps tait si court que

    jai d assumer toute responsabi-lit et faire une proposition sanssavoir si elle serait favorablementaccueillie.

    Je crois que ma propositionpeut fournir la base sur laquellele groupe des puissances djmentionnes pourrait trouver unaccord raisonnable. Il ne faut pasoublier qu partir du moment ola question cesse de se con ner

    lAutriche et la Serbie, elle en-globe toutes les puissances et nepeut manquer de se terminer parla plus grande des catastrophesque lEurope ait jamais vues. Per-sonne ne pourrait alors prvoir leslimites du con it, dont les cons-quences directes ou indirectesseraient incalculables.

    Sur une question de M. Law-son, sir Edward Grey a ajout :

    Jai des raisons de penserque le gouvernement allemandest favorable au principe dune

    mdiation sexerant entre lAu-triche-Hongrie et la Russie ; quant appliquer ce principe au moyende la confrence que jai dcrite, jenai pas encore reu la rponse dugouvernement allemand.

    LItalie et la France adhrentof ciellement la proposition delAngleterre.

    Ce que dit la PresseDu Petit Journal :

    On voudrait nourrir lespoirque cette initiative aboutira. Ilsemble quelle devrait rencontrerune approbation unanime.

    Et pourtant elle se heurte desrsistances dautant moins conce-vables que les gouvernementsauxquels elles sont imputablesprotestent en mme temps de leurdsir de paix.

    Si, par exemple, on interroge lesreprsentants de lAllemagne, ilsnhsitent pas af rmer que riennest plus loign de leur penseque de vouloir la guerre.

    Ils en donnent comme tmoi-gnage leur proccupation de la localiser . Mais, localise ounon, cest tout de mme la guerre,et qui peut prtendre limiter unpareil au dans une Europe otoutes les puissances sont liesles unes aux autres et enchanespar des traits, des conventionsou des engagements qui excluentlhypothse de leur isolement ?

    Pour viter une guerre gnrale,il faudrait donc tout dabord viterune guerre localise. Cest ce donton ne convient pas Berlin. lheure o parlait sir Edward Grey, celle o ses dclarations noussont parvenues, la rponse delAllemagne sa propositionmdiatrice nest pas encore arri-ve. Et le temps marche et letemps presse... et chaque heurequi passe augmente le trouble etlinquitude et cre de nouvellesdif cults.

    Jentends bien que le gouver-nement allemand propose des in-terventions en Russie pour calmerles justes apprhensions slaves.Mais il continue ne pas vouloirdinterventions en Autriche, doest parti le coup qui provoqueces apprhensions. Comment lesuivre dans une pareille aventure ?Comment voir le pril Saint-P-tersbourg, o lon est rsolument,dignement et mritoirement paci-

    que, et ne pas mme le soupon-ner Vienne, do la guerre peutvenir aujourdhui ?

    Quon intervienne, oui, maisque ce soit dans les endroits olintervention est ncessaire etpeut tre dcisive. Quon re-cherche tous les moyens dententeet de transaction, qui le dsire plusque nous ? Mais quon le fassecomme lAngleterre le suggre, etavec le concours de tous. Cest lque peut tre le salut.

    Pour linstant, nous ne le voyonspas ailleurs.

    S.PICHON

    De lcho de Paris :La Russie na pas cess de re-

    commander aux Serbes toutes lesconcessions possibles. La presseallemande a soutenu que la r-ponse de la Serbie avait t modi-

    e et rendue moins satisfaisantepour lAutriche, la suite duntlgramme venu de Saint-P-tersbourg. Cest une calomnie,et dailleurs lambassadeur dAu-triche Saint-Ptersbourg saitbien ce que M. Sazonof lui a ditde la rponse serbe, avant mmeden connatre la teneur. La vrit,cest que la Russie a toujours sou-hait que le diffrend ft localispar la seule mthode qui permetterellement dy parvenir : en le li-mitant une discussion juridiqueet administrative entre deux tatsindpendants, et en vitant de po-ser, par une atteinte lindpen-dance serbe, une question dordrepolitique dont aucune grandepuissance ne saurait se dsintres-ser. Loyalement et quand on alu la rponse de la Serbie, on peut

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    Depuis plusieurs jours dj, lAllemagnetait sur le pied de guerre, et, le 1er aot, laFrance avait dcrt la mobilisation. Mais

    M. de Schn ne quittait pas Paris. Et ce nestque le soir du 3 aot quil se dcida en n abandonner son bel htel de la rue de Lille.Il sen allait, emportant Berlin lef gie

    impriale qui, si longtemps, avait surmontle trne o Guillaume II ne devait jamaissasseoir tout au moins Paris... Quant

    ces brillants attachs militaires si rementbotts, peronns, casqus et empanachs,on les retrouverait maintenant parmi les plusacharns et les plus froces de nos agresseurs.

    LAMBASSADE DALLEMAGNE A PARIS

    M. DE SCHN

    LA SALLE DU TRONE, LAMBASSADE DALLEMAGNE

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    LINVASION DE LA BELGIQUE.

    Dans larme allemande, les uhlans jouent,on ne le sait que trop, le rle dclaireurs. Ilssont dautant plus aptes cet emploi, queltat-Major les affecte systmatiquement desrgions qui, ds le temps de paix, leur taientfamilires. On ne les prenait alors que pourdes passants affairs ou des promeneurs inof-fensifs parcourant sans arrire-pense le pays.On se trompait sur leur compte, comme surle compte de tout Allemand dallure bonasseet franche en lequel on ne sait pas discernerlespion.

    Maintenant, ils reviennent en ennemis.Lorsque, au dtour de quelque bois, aux abordsdun village, lentre des faubourgs dune

    ville ouverte, on les voit savancer en explorant

    dun il prudent les alentours, ce nest partoutquun cri dhorreur : Les Prussiens ! Car onsait que, derrire eux, savance une horde sau-vage dont le passage restera marqu par le vol,le pillage, lincendie, des atrocits indignes desoldats.

    Mais souvent les uhlans ont de cruellessurprises, lexemple de ceux qui, forms enescadrons, vinrent se heurter et semptrer auxronces de l de fer places par le gnie militairebelge aux avances de Lige, ou bien encoredans leurs rencontres avec des cavaliers du roiAlbert, rencontrs la suite desquelles le grosde la troupe allemande ne devait jamais revoirses claireurs.

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    LA GRANDE-DUCHESSE MARIE DELUXEMBOURG a vingt ans. Il se trouva unof cier prussien, bien digne de son pays etde son empereur, pour traiter tant de Jeu-nesse et de grce avec la plus odieuse bru-talit. Lorsque larme allemande envahit le

    petit pays neutre, la Grande-Duchesse, enmanire de protestation, vint barrer de sonautomobile le pont Adolphe, Luxembourg.Mais lof cier, trouvant l loccasion dunbrillant fait darmes, la contraignit, en lamenaant du revolver, regagner son palais.

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    ajouter : ef cacement. la Russie,au prix de ses sentiments les pluslgitimes, a fait son devoir poursauvegarder la paix.

    Qua fait lAllemagne ? Les d-cisions de lAutriche vont nous lervler.

    Car aucun homme de bon sensnadmettra que lAutriche puisseprendre des mesures militairescontre la Serbie, et par consquentsexposer aux reprsailles russes,si elle na obtenu au pralablelapprobation des Allemands qui.Sont chargs de la dfendre contrela Russie.

    La catastrophe europenne quirisque de se produire alors, ce nesont donc pas seulement quelquesfanatiques austro-hongrois quilauront provoque ; ce serait legouvernement allemand qui lau-rait voulue. Nous ne laisseronspas dplacer cette terrible respon-sabilit.

    JeanHERBETTK .

    Du Figaro :Si Berlin sen tient obstinment

    son point de vue primitif, il est craindre que les choses ne sar-rangent point aisment. Ce pointde vue consiste rpter quil fautlocaliser le con it, cest--dire lais-ser lAutriche et la Serbie en tte tte. Pos de la sorte, le problmeest trs mal pos. Ce quil faut,cest non point localiser le con it,mais le prvenir.

    Une fois ce con it engag lat-titude de la Russie, du gouverne-ment et de lopinion, ne permetaucun doute cet gard il nesera certes pas facile dempcherquil ne stende !

    RaymondR ECOULY.

    De lHomme libre :Une journe de rpit dont on

    pro te pour amorcer des essais deconciliation.

    Cest une chance heureuse dansla situation o nous a mis lulti-

    matum autrichien. Les ordres demobilisation sont lancs, mais onna pas franchi le Danube. Quellequen soit la raison, les dpches

    davant-hier ne faisaient prvoirla marche en avant que pourmardi matin. Jen ai conclu quonavait deux jours pour essayer denouer lentretien, et cest ce quise fait lheure mme o jcris.Il sexerce, en effet, de divers co-ts, une assez grande pression surlesprit lass de Franois-Joseph,et les concessions de la Serbiesont telles quon se demande quelmotif on aurait dengager les hos-tilits, sil ny avait de con it entreles deux tats quau sujet de lapropagande pour une plus grandeSerbie puisque le gouvernementserbe accorde, en somme, tout cequi lui est demand. Ce nest paspour clbrer la prise ventuellede Belgrade, sans combat, quedes foules avides de grandeur mi-litaire vont manifester devant lastatue de Bismarck en entonnantle Wacht am Rhein, chapeau bas.On donne plus de penses laRussie et la France par surcrot,qu lopration de police danu-bienne dont le principal intrt estdatteindre la Triple-Entente par lecoup droit la Russie.

    Dans limpossibilit davouerdes arrire-penses qui sont lesecret de lunivers, il ne reste Guillaume II que la ressource denier. Mais le refus de la plus lgreindication de dtente ladressede Franois-Joseph montre suf-samment o sont les responsabi-lits quand chacun sait quil suf-rait dun mot de Berlin pour toutarrter. Les dpches de Londres

    et de Ptersbourg disent assezclairement que les puissances dela Triple-Entente paix ou guerre demeureront troitement unies.Cest la meilleure chance darran-gement. Car ceux-l mmes qui,hier, nous informaient, dunquosego superbe, que toute tentativedintervention entre lAutriche etla Serbie mettrait aux prises lesdeux grands groupements euro-pens, en viendront peut-tre r chir lorsquils dcouvrirontque les procds dintimidationnont pas russi.

    Dans les voies de la concilia-tion, la diplomatie de la Triple-En-tente npargnera aucun effort.Plus on accepte, dun cur ferme,toutes rsolutions qui pourrontsimposer, plus on a le devoir, la condition que la dignit restesauve, de ne rien pargner pourdonner toutes chances aux ac-commodements. Sir Edward Greya lanc lide dune confrence.On parle aussi dune mdiationde lAngleterre. Toutes les formesdintervention sont bonnes, quiseront juges acceptables.

    Toutefois, il nest pas trs en-courageant quon nous donne, de Vienne, pour une indication debons sentiments, lide quon setiendrait pour satisfait, si la Serbiese dcidait accepter lultimatumsans rserve et payer une indem-nit de deux cents millions titredindemnit de mobilisation. Opeut conduire une conversationainsi engage ?

    Que si, vous me demandiezce que je pense du succs desconversations engages, je vousdirai que pour une prvision fon-

    de il faudrait avoir la tte sous lecasque de Guillaume II. QuandM. de Schoen offre sa collabora-tion M. Bienvenu-Martin pourchercher une transaction, jai bienpeur quil ne se moque de nous unpeu lourdement. Lide de nousinviter calmer la Russie est assezrjouissante. M. Bienvenu-Martina fort bien rpondu quil prf-rerait voir dabord lAllemagne

    adresser Vienne ses propresconseils dapaisement. Mais siGuillaume II, sans mme recourir notre excellent garde des Sceaux,veut bien dire Vienne la parolencessaire, les mange-tout-crude Budapest se trouveront eux-mmes calms.

    GeorgesCLEMENCEAU.

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    D TRESSER FUGIE BELGE ET SON ENFANT SUR LE QUAI DE BOULOGNE.