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BARR I CADE LUI ELLE

Journal du Mur saint Martin, n° 3

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DESCRIPTION

"Barricade" d'Edith Azam ; dialogue entre l'affiche du Mur saint Martin et le passant ; dialogue entre Edith Azam et le passant ; bibliographie d'Edith Azam

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Page 1: Journal du Mur saint Martin, n° 3

BARRICADE

LUI

ELLE

Page 2: Journal du Mur saint Martin, n° 3

M U R S A I N T M A R T I Nn o u v e l l e p r o g r a m m a t i o n

L’AN PREMIERDE LA LIBERTÉBULLETIN DE

SOUSCRIPTION

[email protected]://www.lemursaintmartin.com

Abonnement 5 exemplaires (ou +) par an : 17,89 ¤.Chèque à l'ordre de : l'association slnd c/o Z. Sekai, 35, résidence de la Faussette, 77470 Le Trilport.

L E P A S S A N TEncore une Affiche ! Et que dit celle-ci ?

L’ A F F I C H EPassant, je t’annonce un Affichage et un Journal périodiques.

L E P A S S A N TUn Affichage périodique et un Journal ! Je n’en veux point.– Il y en a déjà trop.

L’ A F F I C H ETout doux ! Pourquoi te fâcher ? Si tu n’aimes pas les Journaux,n’es-tu pas libre de ne pas t’y abonner ? D’ailleurs celui dont jete parle n’est pas nouveau. Il paraît depuis vendémiaire 2015 ;& de toutes les parties de la République on lui a déjà donnédes témoignages flatteurs d’estime.

L E P A S S A N TQuel est son nom ?

L’ A F F I C H ELe JOURNAL du MURSAINTMARTIN.

L E P A S S A N TSi comme tu l’assures, ce Journal a du succès, à quoi bon uneAffiche ? Que fais-tu là ?

L’ A F F I C H EConnaissais-tu le Journal en question ?

L E P A S S A N TNon.

L’ A F F I C H EJe ne suis donc pas inutile.

L E P A S S A N THé bien, voyons, parle ; quel est sa périodicité ?

L’ A F F I C H ETous les quatre Décadis environ.

L E P A S S A N TSon format ? Sa situation ?

L’ A F F I C H EJe mesure 3 x 3,15 m et m’étale en plein IIIe arrondissement deParis, au n° 180 de la rue Saint Martin, à 2 pas de la Maison dela poésie & à 210 mètres de Beaubourg &/ou du Marais, non loinen outre des Arts & Métiers ou de la Gaieté lyrique.

L E P A S S A N TSon objet ?

L’ A F F I C H EInstruire par distraction. Car il n’y a pas au fond, écrivait MauriceBlanchot en 1968, « de différence entre tract, affiche, bulletin,film, et cætera, et cætera. « Comme la parole sur les murs,[les tracts\ s'écrivent dans l'insécurité, sont reçus sous la menace,portent eux-mêmes le danger, puis passent avec le passant quiles transmet, les perd ou les oublie. »

L E P A S S A N TQui & qu’y trouve-t-on ?

L’ A F F I C H EDe la po¨sie plastique ou spatiale ; et leurs auteurs toujoursd’ordinaire embastillés dans des revues ou des livres confidentiels ;poësie & poëtes jamais nulle part visibles dans les espaces publics– que sont de droit pourtant –, tant de nos établissementssubventionnés ! Encore moins visibles le sont-ils dans nos ruesparadoxalement privatisées et parasitées par la soi-disant…publicité !

L E P A S S A N TBah ! Bah ! Voilà bien des promesses !

L’ A F F I C H EOn les a déjà remplies ; avec entre maints autres, les citoyens-poëtes Richard Martel & Lucien Suel, les citoyens-critiques d’artJacques Sauvageot & Alexandre Rolla. Et voici venu le tour de lacitoyenne Édith Azam ! avec son « amor barricade amor ».

L E P A S S A N TEt comment puis-je m’en convaincre ?

L’ A F F I C H EEn passant devant le mur et en te rendant au café le DJURD-JURA, sis au 187, de la même rue Saint Martin. Tu t’y ferasservir à boire et/ou à manger et montrer ce qui a déjà paru dece Journal et du MURSAINTMARTIN ; et si tu es curieuxde contribuer à nos parutions & de participer ainsi à un véritablemécénat populaire, il t’en coûtera : 196,8 ¤ pour les AFFICHESgrandeur nature déjà parues ou à paraître ; 17,89 ¤ l’abonnementau JOURNAL (5 numéros/an) ; 18,48 ¤ les 3 anciens numérosdu dit JOURNAL ; & enfin, 1,870 ¤ cet exemplaire-ci.

L E P A S S A N TJ’y passerai. Adieu.

Dialogue détourné (par jcaj) d’une affiche diffusée par l’Imprimerie des sciences & des arts (Paris, vers 1790)

DIALOGUE ENTRE L’ A F F I C H E

ET L E P A S S A N T

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Dialogue détourné d’après une affiche originale diffusée par l’Imprimerie des sciences & des arts (Paris, vers 1790)

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L E P A S S A N TQuelle place occupe la poésie spatiale dans ta pratiqueplus connue ou courue, de l'écriture, de la lecture ou dela performance voire du happening ?

É D I T H A Z A MDire qu’il s’agit pour moi d’une pratique courante neserait pas honnête. Et pourtant, mon premier mouvementsur la feuille est à chaque fois un dessin, ou tout au moinsune mosaïque de cercles, de traits, de signes qui s’enche-vêtrent, se superposent et construisent… Quoi ? Je ne saispas, et sans doute est-ce cela qui m’enivre. Le dessina pour lui de nous offrir du sens tout en échappant àl’analyse. C’est une grande liberté. Je n’aime pas me saisir,et dessiner m’aide à me perdre. J’emploie le mot «dessiner »,au fond, je ne sais pas ce que c’est vraiment. J’écris.Á l’envers. Très souvent à l’envers. De plus en plus souvent.Comme pour achever mon regard. Lui inverser sa tournure,ses réflexes de lecteur, ses ’’voyures’’. Écrire en inversé,transforme le rapport à la mémoire. Le sens se dilue peuà peu, seules restent les lignes de tensions, et la musique.Je trouve ça étonnant qu’un tracé puisse faire de la mu-sique, et une aussi étrange partition. Me relire demandeun effort, une temporalité qui se vrille. Je suis obligée deme recopier dans le bon sens, et cela prend du temps parceque je ne parviens à me relire que lentement. Comme unenfant qui apprend à lire. C’est grisant. C’est grisant dese dire qu’à chaque fois tout est neuf, que l’autre que je suisne s’offre pas si vite. C’est un peu, le dessin, mes poèmesà l’envers, un peu comme à chaque fois, une découverte.Mais je ne pense pas faire de la poésie spatiale en ce sensque ce ne sont que mes brouillons qui vont en sens inverse.Pour ce qui est des dessins qui parfois jalonnent mespoèmes, je les accueille puisqu’ils viennent ! Mais ce n’estpas dans le choix d’une pratique plus que d’une autre ! Sansdoute tout simplement, signent-ils un endroit ou la langueme paraîtrait trop fausse, ou trop faible.

L E P A S S A N TQuelle est la différence entre ta "barricade" et celles qui,révolutionnaires ou insurrectionnelles, appartiennentsoi-disant désormais à l'histoire ?

É D I T H A Z A MDisons qu’elle est le paysage, la ligne (de fuite ?) autourde quoi tout se construit, se tord. Elle est un personnage,tout comme Julien, le CRS, ou la fille. Un jeu aussi, àforce, je ne sais plus si la barricade est présente parcequ’elle est nommée ou parce qu’elle est symbolisée par letracé. Il y a une confusion qui a généré en moi, une sortede flottement… sur les intentions. Je n’étais plus certainede vouloir la faire plier. Mais c’était amusant, dirais-je d’un

claquement de désir, de la voir elle aussi : craquer ! Labarricade est une notion qui m’intéresse. Une sorte defrontière qui se dresse, éphémère et brutale. Un amasd’objets hétéroclites ou s’allient et s’opposent des forcesvives. Un point d’intersection bouillonnant. Bien sûr lamienne n’est qu’un tracé plus ou moins raide sur le papierqui stigmatise d’autres formes de violences.

L E P A S S A N TQue t’inspire alors la liberté que décrit Marguerite Porètedans son Mirouer des âmes simples et anéanties (1295) ? Tesemble-t-il que c’est pour cette déclaration qu’elle aura étécondamnée et brûlée vive par l’Inquisition, en place deGrève à Paris, le 1er juin 1310, alors même que son âme s'étaitdéjà d'elle-même...« anéantie » ? Et pourquoi donc lepouvoir d’alors, s’est-il permis cette tautologie : annihilerquelqu’un... d'anienti, pour reprendre son propre mot ?Quoi qu’il en soit, voici : « Mais si je voulais pécher,pourquoi [Dieu\ ne le supporterait-il pas ? S'il ne le sup-portait pas, son pouvoir m'enlèverait ma liberté ; maissa bonté ne pourrait supporter que son pouvoir m'ôtema liberté en rien ; autrement dit, elle ne pourrait sup-porter qu'aucun pouvoir ne m’ôte mon vouloir sans quema volonté y consente. Sa bonté m'a donc donné, par purebonté, une volonté libre : en tout ce qu'il a fait pour moi,il ne m'a rien donné de meilleur ; le reste, il me l’a prêtépar courtoisie, et s'il me le reprend, il ne me fait aucuntort ; mais ma volonté, il me l'a librement donnée, et c'estpourquoi il ne peut la retrouver s’il ne plaît à mon vouloir. »

É D I T H A Z A MJe dirais que… Oui, il me semble fort probable qu’on aitbrûlé cette femme à cause de cette déclaration. Ou un peupour les déclarations, un peu aussi parce qu’en plus, elleétait femme ! Je veux bien croire en tous cas que l’institutionreligieuse a su avancer un tas de bonnes raisons pour justifiercette exécution. Il n’en reste pas moins que c’est abject.C’est ça le problème avec les institutions religieuses : ellessont raides, raides à faire devenir bête, méchant, féroce,impitoyable… Du 1er juin 1310 au 7 janvier 2015, aufond, c’est un peu la même histoire, des fanatiques fous fu-rieux s’autorisent les pires exactions, légitimant leur actepar la défense des Écritures. Et dire qu’ils font ainsipreuve de leur incapacité à être lecteur, et même toutsimplement : à ÊTRE. Quelle que soit l’époque, pour quevivre ait un sens, nous avons peut-être le droit d’être libresmais c’est d’abord et surtout, de soi à soi, un devoir quiconsiste à faire le pas, l’effort que l’ouverture (d’esprit) surle monde demande.

(19 avril 2015)

n° 3Avril 2015

France 1,870 ¤Etranger 1,968 ¤

Page 3éditions clandestines SLND maquette : groupe au bleu

entretien

DIALOGUE ENTRE É D I T H A Z A M ET L E P A S S A N T

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EDITH AZAM

« édith azam, rien à signaler. se fout de sa biographie. rêve actuellement de voir pousser unefleur. a mangé du poulet aujourd'hui à 13 h 47, et cru, histoire d'avoir quelque chose à raconter àla fin de la journée. cette après midi se rendra à la poste, fera approximativement 3279 pas ettraversera 12 feux rouge en marchant sur des clous. et voilà. » (E. A.)

Publications récentes (sélection)– Amor barricade amor, Paris, éditions Atelier de l’agneau, 2008– Rupture, Limoges, éditions Dernier télégramme, 2009– Le mot il est sorti, Marseille, éditions Al Dante, 2010– Du pop corn dans la tête, Paris, éditions Atelier de l’agneau, 2010– Soleil Œil Crépu, Limoges, éditions Dernier télégramme, 2010– Mercure, Marseille, éditions Al Dante, 2012– Q ui journal fait voyage, Paris, éditions Atelier de l’agneau, 2012– Salle de spectacle du silo d’Arenc (avec Roland Carta), Marseille, éditions Al Dante, 2013– Décembre m'a ciguë, Paris, éditions P.O.L, 2013– Vous l’appellerez : Rivière, Rochefort-sur-Loire, Centre poétique/La Dragonne, Nantes, éditions La Dragonne 2013.

– Bel échec (avec Jean-Christophe Belleveaux, couverture d’Elice Meng), Limoges, éditions Dernier télégramme, 2014

– On sait l’autre, Paris, éditions P.O.L, 2014– Camera (à paraître aux éditions P.O.L, juin 2015)

Blog de la poëtesse : http://phasme.grosquick.net/

UN[ée\COLED'ART

Comité de rédaction : Painterman(http://www.laurentmarissal.net/)jcaj (http://criticavitjkj.blogspot.fr/)

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Le pr i ntemps fi le –pa rm i l ’a rmoi s e,

des os s ements huma i ns . S ei fu-n i (1732-1814)

Centre d'art mobile (Besançon)

association S.L.N.D

Erratum au n° 2 du présent journal :

◦ Il fallait y lire en p. 2, dans l’introduction du texte intitulé Cela ne s’apprend pas, cela se prend : « Puisqu’à un peu moins d’unsiècle de distance, le Maître ignorant et le Poëte orphique sont tombés d’accord… »

◦ Dans le § 4 du même texte, il faut remplacer « R » par « Z » à la fin de 2 mots.

◦ Contrairement à ce qui avait été annoncé en p. 4, ce n’est pas le poëme-express # 00533 mais bien le poëme-express # 00363 de Lucien Suel qui a été finalement affiché et publié.–