14
Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RES&ID_NUMPUBLIE=RES_122&ID_ARTICLE=RES_122_0273 Journaux algériens. De la presse à la toile. panorama des sites web des quotidiens arabophones et francophones par Gilles KRAEMER | Lavoisier | Réseaux 2003/6 - n° 122 ISSN 0751-7971 | pages 273 à 285 Pour citer cet article : — Kraemer G., Journaux algériens. De la presse à la toile. panorama des sites web des quotidiens arabophones et francophones, Réseaux 2003/6, n° 122, p. 273-285. Distribution électronique Cairn pour Lavoisier. © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

Journaux Algériens

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Journaux Algériens

Citation preview

Page 1: Journaux Algériens

Cet article est disponible en ligne à l’adresse :http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RES&ID_NUMPUBLIE=RES_122&ID_ARTICLE=RES_122_0273

Journaux algériens. De la presse à la toile. panorama des sites web des quotidiens arabophones et francophonespar Gilles KRAEMER

| Lavoisier | Réseaux2003/6 - n° 122ISSN 0751-7971 | pages 273 à 285

Pour citer cet article : — Kraemer G., Journaux algériens. De la presse à la toile. panorama des sites web des quotidiens arabophones et francophones, Réseaux 2003/6, n° 122, p. 273-285.

Distribution électronique Cairn pour Lavoisier.© Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays.La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

Page 2: Journaux Algériens

© Réseaux n° 122 – FT R&D / Hermès Science Publications – 2003

JOURNAUX ALGÉRIENS

De la presse à la toile. Panorama des sites web

des quotidiens arabophones et francophones

Gilles KRAEMER

Page 3: Journaux Algériens
Page 4: Journaux Algériens

a période des campagnes électorales – comme c’est le cas enAlgérie où les prochaines élections présidentielles d’avril 2004 fontles unes de toutes les gazettes depuis plusieurs mois – est

assurément un moment propice à la création de journaux. Après InfoSoir,quotidien privé lancé au printemps 2003, Le Jour d’Algérie paraît dans leskiosques et sur les étals des vendeurs depuis le 27 août dernier avec, pourligne éditoriale, le souci « d’introduire un pluralisme véritable sur une scènemédiatique tellement déséquilibrée », dominée par un « groupe de journauxpuissants versé dans la critique virulente de l’Etat1 ». Signe des temps, laversion électronique de ces deux derniers-nés de la presse quotidiennealgérienne a été élaborée en même temps que leur numéro zéro.

Il existe quarante-trois quotidiens privés, publics, arabophones etfrancophones en Algérie au moment où ces lignes sont écrites. A celas’ajoute une quinzaine d’hebdomadaires. Un recensement systématiquepermet d’identifier dix-huit journaux disposant d’un site web en activité etsix avec un site bloqué ou inaccessible, tous quotidiens, tandis que leshebdomadaires ne sont pas sur l’internet2. Au total, sur vingt-neuf titresfrancophones, douze ont un site à jour, quatre restent inaccessibles, un –celui du quotidien suspendu en 1999 Demain L’Algérie – est inactif depuisaoût de la même année et celui de L’Actualité est arrêté en septembre 2003.Côté arabophone, six seulement ont un site qui fonctionne, un n’a qu’unepage d’accueil sans information et avec tous les liens hypertextes bloqués(Al-Fadjr), les huit autres n’existant pas sur le web.

1. Citation du directeur de la publication, Abderrahmane Mahmoudi, dans la dépêche del’agence APS, 27 août 2003.2. Ces chiffres sont arrêtés au 1er octobre 2003. Ils évoluent beaucoup en période électoralemais ils viennent corriger l’affirmation de M’Hamed Rebah dans son ouvrage La pressealgérienne, journal d’un défi (2002) : « En 2002, tous les quotidiens algériens ont leur site,rejoignant les pionniers qui s’étaient lancés dans l’aventure dès 1996, comme La Tribune,dont une édition électronique de deux pages avait commencé à être diffusée sur le siteInternet au moment de la suspension du journal » (p. 190). Cette dernière assertion est aussi àcorriger : c’est le site web de l’ONG Reporters sans frontières qui avait accueilli deux pagesde ce journal suspendu qui n’avait alors pas de site propre.

L

Page 5: Journaux Algériens

276 Réseaux n° 122

Depuis l’an 2000, leur nombre a quasi doublé, tout en maintenant laproportion des francophones sur les arabophones, pour des raisons tanttechniques que de prédisposition3. Plusieurs d’entre eux, comme c’est le casdu site du quotidien étatique El-Moudjahid ou du privé Liberté, ont déjàchangé de version et sont passés d’un site statique à un site dynamique,tandis que Le Matin, situé déjà parmi les précurseurs avec un site élégantdès 1999, travaille à la mise en place d’un site nouvelle génération. Lequotidien privé arabophone Al-Khabar, premier tirage d’Algérie avecquelque 400 000 exemplaires revendiqués, cherche aussi à moderniser sonsite mais, de l’aveu de son directeur des relations publiques, connaît desdifficultés à trouver un « webmaster arabophone4 ». Le champ complet decette étude peut alors être brossé dans le tableau suivant :

Tableau 1. Eventail des sites web de quotidiens francophones algériens

Demain l’AlgériePrivé suspendu

en 1999

Site arrêté au30/08/99, « 100e jour

de suspension”

multimania.com/demainlalgerie

El-Moudjahid Public, titre historique Site mis à jour elmoudjahid.comEl-Watan Privé Site mis à jour elwatan.comHorizons Public Site inaccessible horizons-dz.comInfoSoir Privé Site mis à jour infosoir.com

L’Actualité PrivéSite arrêté au 8septembre 2003

lactualite-dz.com

La NouvelleRépublique

Privé Site mis à jourlanouvellerepublique

.comLa Tribune Privé Site mis à jour latribune-online.com

L’AuthentiquePrivé, proche de l’ex-

président ZeroualSite inaccessible lauthentique-dz.com

Le JeuneIndépendant

Privé, premier titreprivé à paraître

Site mis à jourjeune-

independant.com

Le Jour d’AlgériePrivé, proche du

président BouteflikaSite mis à jour lejourdalgerie.com

Le Matin Privé Site mis à jour lematin-dz.netLe Monded’aujourd’hui

Privé national issud’un régional d’Oran

Site inaccessible monde-info.com

Le Quotidiend’Oran

Privé, régional àdiffusion nationale

Site mis à jour quotidien-oran.com

Le Soir d’Algérie Privé Site mis à jour lesoirdalgerie.comL’Expression Privé Site mis à jour lexpressiondz.comLiberté Privé, proche du RCD Site mis à jour liberte-algerie.comOuest-Tribune Privé régional Site inaccessible ouest-tribune.com

3. Sur les prédispositions des titres francophones à traiter les questions de nouvellestechnologies, voir KRAEMER, 2001, p. 81.4. Correspondance électronique avec Lamine Chikhi, directeur des relations publiques auquotidien El-Khabar.

Page 6: Journaux Algériens

Journaux algériens 277

Tableau 2. Eventail des sites web de quotidiens arabophones

Al-Fadjr Privé Site inactif al-fadjr.comAn-Nasr Public Site mis à jour an-nasr.comEch-Chaab Public Site mis à jour ech-chaab.comEch-Chourouk elyoumi

Privé, tendance islamistemodéré

Site mis à jour echouroukelyoumi.com

El-Khabar Privé, premier tirage Site mis à jour elkhabar.comEl-Massa Public, du soir Site mis à jour el-massa.comEl-Youm Privé Site mis à jour el-youm.com

Sources : tableaux réalisés par l’auteur à partir de recherches sur l’internet (les adresses sont toutesprécédées des trois « w ») et arrêtés à la date du 1er octobre 2003.

Des nouvelles technologies sous-utilisées

Compte tenu du retard en Algérie dans le secteur de l’internet, les médias – etessentiellement les quotidiens – y jouent un rôle moteur. El-Watan, parmi lespremiers titres créés dans le cadre de la nouvelle loi de 1990 qui ouvrait lavoie à la presse privée après quatre décennies de monopole d’Etat, est lepremier journal, dès 1997, à investir le web. Il est vite suivi, les deux annéessuivantes, par Le Matin, Le Jeune indépendant, El-Khabar, etc. Avec destextes mis en ligne régulièrement dans la nuit précédant la distribution desexemplaires imprimés, ces dix-huit quotidiens assurent un flux de contenussur le réseau dans un pays où on ne compterait qu’un millier d’entreprisesdisposant de sites web – très peu en comparaison avec les voisins maghrébins– qui souvent se résument à une page d’accueil avec de rares mises à jour.

Selon Younes Grar, président de l’Association algérienne des fournisseursde services internet (AAFSI), il y a en 2003 plus de 80 fournisseurs agréésen Algérie mais seulement une vingtaine d’opérationnels. Lesinvestissements techniques importants au départ, le suivi technologique etles difficultés à obtenir une ligne spécialisée chez l’opérateur public AlgérieTélécom (le monopole qui devait être levé en 2000 a été reporté à 2005)expliquent que de nombreux fournisseurs soient encore « virtuels ». Selonles estimations de l’AAFSI, il y aurait 500 000 internautes en Algérie,50 000 ordinateurs importés par an (le coût d’un PC reste 3 à 4 fois lesalaire moyen), 3 000 cybercafés. Le gouvernement algérien affiche depuis2001 la volonté de rattraper son retard en développant une politiqueambitieuse dans le domaine des nouvelles technologies au service de tous5.

5. Interview de Younes Grar, « L’internet doit être une priorité du gouvernement », 4 février2003, www.algeria-interface.com. Voir aussi PICAGNE, 2002, p. 34-39.

Page 7: Journaux Algériens

278 Réseaux n° 122

En attendant, les lignes téléphoniques saturent régulièrement, lesfournisseurs d’accès connaissant de fréquents blocages du fait des faiblescapacités des serveurs et les sites des journaux algériens, pour des raisonstechniques autant que de fluidité, étant tous hébergés en Amérique du Nordou en Europe. Le Jeune Indépendant est hébergé au Canada, chez un serveurquasi gratuit, L’Expression aux Etats-Unis, pour la bande passante offerteautant que pour la sécurité. Aucun, pas plus les publics que les privés, nedispose d’une adresse en « .dz », pourtant nom de domaine algérien. Leslenteurs bureaucratiques du Centre de recherche sur l’informationscientifique et technique (CERIST), l’organisme chargé officiellement deles attribuer en sont la cause, autant que son exigence d’un hébergement dessites en « .dz » sur des serveurs algériens. La plupart des journaux passentaussi par le fournisseur d’accès privé Gecos qui représente en Afrique leprovider américain Ad Graphics et s’est imposé auprès des administrateursweb des titres algériens comme El-Watan ou Le Matin6.

Des contenus « papier » et électroniques semblables

L’étude comparée de la page d’accueil de tous les sites actifs des quotidiensalgériens – page d’appel qui permet à l’internaute d’évaluer la matière quele site est susceptible de lui offrir – distingue trois types de contenus ouservices : informationnels, communicationnels, transactionnels7.

L’information est comprise ici au sens le plus large et elle dépasse de beaucoupl’actualité. Les sites de la presse algérienne offrent aussi, à un premier niveau dela page d’accueil ou, plus généralement à un second niveau (en cliquant sur leshyperliens), des contenus sur le journal lui-même ou sur son site (informationsinstitutionnelles), des services utiles (météo, bourses, emploi...), des servicessupplémentaires liés au moyen d’accès aux informations (archives, moteur derecherche). Sans entrer dans le détail des systèmes techniques, on peut constaterd’emblée que les difficultés liées à l’adaptation de la langue arabe aux différentslangages utilisés sur le réseau conçu à l’origine pour et dans les caractères latins,a conduit les concepteurs de sites web des journaux arabophones à privilégier leformat pdf et à offrir à l’internaute le téléchargement de reproductions des pagesdu journal papier, là où les sites francophones adoptent plus largement la

6. AMARI, 2000.7. Pour l’analyse de contenu, croisée avec un questionnaire systématique aux webmasters,nous avons partiellement utilisé la grille élaborée par Caroline Bringand, BRINGAND, 2001,p. 245-260.

Page 8: Journaux Algériens

Journaux algériens 279

réorganisation des informations pour un environnement html8. Les sites desjournaux francophones ressemblent ainsi beaucoup plus à leurs équivalentsoccidentaux.

Aussi, si les journaux algériens sur papier, en dépit de l’introduction récentede la couleur, ont tendance à se ressembler beaucoup (même format tabloïd,même mauvais papier et impression sur les presses étatiques à l’exceptionde l’imprimerie privée d’El-Watan et d’El-Khabar, même mise en pagedésordonnée malgré des efforts récents...), les sites web proposent plus devariété. La gamme va des sites les plus basiques – statiques et pauvres –comme celui d’Al-Fadjr qui n’offre aucune photo mais propose autour deson logo des boutons pour télécharger toutes les pages du journal en pdf (etqui est bloqué), aux sites dynamiques de la dernière génération commeLiberté ou El-Moudjahid, mais dont la plupart des nouvelles rubriques ouservices restent souvent en construction. Entre les deux, il existe toute unedéclinaison de sites avec des contenus sélectionnés restituant plus ou moinsle journal papier du jour dans sa globalité. Les sites arabophones sontpresque tous conçus autour d’une reproduction centrale (scannée commeune photo parfois) de la « une » du journal papier, avec ses publicités et sesgros titres, entourée de boutons pour accéder à des informations choisiesselon des rubriques ou, plus simplement, selon les pages du journal (en htmlà El-Khabar ou en pdf ailleurs). Même, le site du quotidien étatiquearabophone Ech-Chaab réduit ces boutons d’accès à de basiques formulesen curieux français : « page 01 », « page 02 »...

Le Jeune Indépendant a opté pour une sélection serrée tenant dans la seulepage d’accueil qui recompose une page de journal avec l’informationprincipale au centre (et photo) et des colonnes tout autour avec des titres derubrique donnant une ou deux informations brèves d’importance avec desliens hypertextes pour poursuivre la lecture. Le Matin, qui revendique d’offrirà l’internaute un contenu plus synthétique avec les articles les plus importantsdu journal du jour, se distingue depuis le début par un environnement trèsinspiré des sites web occidentaux, du point de vue graphique et ergonomique.Le vieux Moudjahid, dont le tirage est passé de 365 000 exemplaires au tempsdu monopole à moins de 13 000 aujourd’hui9, apparaît sur le réseau commeriche, bien structuré avec toutes les rubriques d’information et de services

8. Le site web du quotidien public arabophones El-Massa propose d’ailleurs un bouton« help » pour aider les internautes à lire les caractères arabes en reparamétrant leur ordinateuret en téléchargeant les logiciels nécessaires.9. KRAEMER, 2001, p. 144.

Page 9: Journaux Algériens

280 Réseaux n° 122

(météo, archive, appel d’offre, moteur de recherche...) capable de rivaliseravec des sites de titres privés dynamiques comme Liberté. Inversement, unquotidien privé régional qui a connu un vrai succès national, Le Quotidiend’Oran, offre une page d’accueil pauvre avec des rubriques en colonne et unepluie de titres d’articles dans le désordre.

Quelle que soit la langue ou le statut, les titres algériens sur le net secantonnent tous au contenu de leurs journaux sur papier. Les rares contenusspécifiques qu’offrent les sites ne sont guère, comme les liens vers des sitesde météorologie ou de cotation des monnaies10, que des informationsprésentes sous une autre forme dans le journal. Les dossiers que proposentLe Quotidien d’Oran, L’Expression et Le Matin réunissent des articles déjàpubliés autour d’un même thème (actuellement beaucoup traitent dunouveau bras de fer entre la presse privée et le gouvernement), tandis queles Newsletters que proposent d’envoyer par courriel à ses abonnés InfoSoiret Liberté reprennent la synthèse les titres du journal du jour. Il en va demême du service des archives proposé seulement par une dizaine de sites oudu moteur de recherche par mot-clé dont ne dispose aucun site arabophoneet seulement quelques sites francophones.

Au-delà de l’ours – que l’on peut partiellement retrouver avec le lienhypertexte « contact » qui ouvre souvent sur une page indiquant le directeurde la publication, celui de la rédaction, le rédacteur en chef, leurs coordonnéeset celles de certains services ou bureaux locaux du titre – rares sont lesjournaux qui se présentent sur leur site. Ces informations institutionnelles –pourtant importantes – n’existent que dans six titres sous la forme d’un bouton« à propos » qui ne fonctionne pas chez le nouveau Jour d’Algérie et ouvre, auMoudjahid, sur un texte inattendu : la charte du Front de libération nationale(FLN) du 1er novembre 1954 et l’appel au « peuple militant de la causenationale ». En revanche, les sites d’El-Watan et d’El-Khabar sont plus précissur le journal et celui de Liberté s’exprime même sur « Liberté-Algérie.com »,expliquant les évolutions du site depuis trois ans.

Une interactivité réduite

Toutes ces remarques convergent vers une conception de sites d’informationessentiellement sous forme de version électronique de l’offre éditoriale des

10. Le site de La Tribune est le seul à donner un tableau de cotation de monnaie d’après labanque d’Algérie.

Page 10: Journaux Algériens

Journaux algériens 281

journaux sur support imprimé déjà connu de leur lectorat, avec une gammerestreinte d’offres complémentaires, là où les sites internet de presse écriteen Europe explorent depuis le tournant du millénaire l’information encontinu, actualisée par des dossiers et des services spécialisés, ainsi quel’interactivité11. Si seuls les sites d’Ech-Chaab et du Quotidien d’Oran neprésentent aucune adresse électronique de webmaster sur leur paged’accueil, tous les autres disposent d’une zone de contact plus ou moinsélargie : adresses électroniques de la rédaction ou de cadres, bordereau demessagerie, et même signature chez El-Khabar du webmaster et del’infographiste par leur courriel. InfoSoir ou Liberté distinguent mêmel’administrateur web du webmaster. Pour autant, aucun des webmasterssollicités pour cette présente étude n’a répondu, ce qui montre assez quel’interactivité n’entre pas dans leur cahier des charges12.

Des journaux en ligne qui mettent en valeur les commentaires des meilleuresplumes de leur rédaction, comme Le Matin avec pas moins de dix boutons(édito, commentaire, chronique de Mohamed Benchicou, le directeur, del’écrivain Yasmina Khadra, de la journaliste sous pseudonyme qui faitscandale Ines Chahinez, jusqu’à la caricature de Hic), n’appellent pasforcément les internautes à réagir. Zone contact avec bordereau impersonnelou simple adresse électronique anonyme restent le cas de la majorité. Raressont les sites, comme ceux d’El-Khabar, El-Massa, La Nouvelle république,Le Soir d’Algérie, El-Moudjahid, Le Soir d’Algérie (qui distingue dans unbordereau les « propositions » des « suggestions ») ou L’Actualité à inviter lesinternautes à « réagir aux articles sur cette adresse ». Seul à faire un effortlinguistique d’ouverture, le quotidien arabophone El-Khabar qui propose unrésumé de l’actualité en français et en anglais qui se clôt sur une invitation àenvoyer ses « commentaires ou suggestions ».

Les sites qui ont changé de version ou qui viennent juste d’investir le netont cependant adopté plusieurs outils de communication en ligne. Le livred’or (ou guest book comme l’appelle El-Moudjahid) est présent sur El-Watan et InfoSoir, à côté parfois d’un lien sondage appelant l’internaute àvoter. Or ces rubriques sont rares et souvent décevantes. En cliquant sur le

11. DELBERGHE M., JACOB, 2001, p. 24.12. Pas moins de trois messages systématiquement envoyés à la vingtaine de webmasterspour solliciter leur concours à cet article sont restés sans réponse et les rares réponses auquestionnaire ne nous sont parvenues que de la part de cadres dirigeants ou de journalistespersonnellement connus. Au total, pour plus de soixante-dix courriels envoyés, seules lesréponses de la rédaction du Matin, d’El-Khabar, de L’Expression et du Jeune Indépendantont été reçues.

Page 11: Journaux Algériens

282 Réseaux n° 122

lien du site du Matin, on tombe sur un vieux sondage d’audience d’avril2003, annonçant que ce quotidien « est le premier journal francophone avec13 % du lectorat », sans possibilité d’intervenir. Sur le site de Liberté, larubrique « question du jour » indique, laconique, « pas de sondage » et celledes « statistiques » de Tribune ne fonctionne pas. InfoSoir, cependant, posela question directe : « comment trouvez-vous notre site ? » et donne lespremiers résultats (excellent pour 34,4 %, médiocre pour 7,4 %), toutcomme El-Moudjahid, soucieux de connaître les réactions à « la nouvelleinterface du site » (très réussie pour 5,97 %, moyenne pour 85,34 % avec11 036 répondants au 1er octobre).

Zone d’interactivité par excellence, les forums n’existent que sur les sitesd’InfoSoir – sur les thèmes du sport et de l’actualité – et d’El-Watan quidécline cinq problématiques autour du séisme de mai dernier (avis derecherche, appel à témoin pour les identifications des sinistrés, action desolidarité, message de soutien, contacts utiles...). Seul le site d’InfoSoirdispose d’un service de chat réservé à ses abonnés.

Des sites qui ne rapportent pas d’argent

Enfin, l’espace transactionnel est particulièrement réduit sur les sites web dela presse algérienne. Tous sont accessibles gratuitement, sans aucun servicepayant. A l’image de la plupart des sites d’information dans le monde, ils negagnent pas d’argent, comme le confirment tous les responsables de rédactioncontactés. Seuls trois sites disposent d’un bandeau ou d’un encart publicitaire(El-Khabar, Ech-Chourouk el-youmi et La Nouvelle République). D’autresont prévu l’espace dédié mais, sans publicité extérieure, ils y invitentl’annonceur potentiel (« Espace publicitaire à louer » sur El-Moudjahid,« votre pub » sur Liberté) ou s’y font leur propre réclame (« L’Actualité : unjournal pas comme les autres, l’info pure »). De plus, les zones « partenaires »sont inexistantes ou vides dans la grande majorité des sites. Si des contacts parcourriel sont donnés avec les services de publicité sur la plupart des journauxen ligne, arabophones comme francophones, il est symptomatique que lesrares indications de tarifs le soient pour le passage dans le support papier. SeulEl-Watan – qui n’a cependant pas de publicité – propose des tarifs sur le web.Les prix des emplacements sont modulés selon la consultation des pages.Ainsi, les pages de politique sont créditées de 56 000 requêtes par semaine làoù la page d’accueil, avec 25 000 requêtes, fixerait le prix d’une publicité à75 000 dinars algériens, soit, précise le site, « 7 500 francs français » !

Page 12: Journaux Algériens

Journaux algériens 283

Ce manque de mise au jour évident souligne le caractère plus déclaratif quemesuré de la fréquentation du site. Les chiffres réels sur le net sont en effetau moins aussi difficiles à établir que sur les presses et dans les kiosques,tant l’opacité, le secret et l’exagération dans le domaine restent la règle, enl’absence de tout organisme de contrôle des ventes et des tirages. Ainsi, lessites du Matin et d’El-Watan étaient-ils crédités de 100 000 à 150 000consultations par jour dans un article d’Algeria-interface, alors qu’un telcompteur est précisément au cahier des charges de la prochaine version dusite du Matin13. Rares sont les sites à avancer des chiffres de consultation etles compteurs ne sont présents que sur Liberté (quotidien) et L’Expression(depuis le début), mettant au jour de curieuses contradictions. Ainsi, la fiched’information de Liberté donne, d’après un site de mesure d’audience(weborama.fr), « une consultation de 10 000 utilisateurs en moyenne chaquejour » alors que le compteur n’indiquait qu’un seul visiteur le jour del’analyse ! Plusieurs consultations du site de L’Expression ont permis decalculer un différenciel de près de 16 000 visiteurs en quatre jours, loinderrière les chiffres avancés plus haut.

De nouvelles ambitions sur la toile

D’ailleurs, les journaux connaissent mal leurs internautes et, de l’aveu descadres du Matin, d’El-Khabar, de L’Expression ou du Jeune Indépendant, leursorigines sont surtout identifiées, quand c’est possible, par leur courriel dont leswebmasters ne font pas grand cas. « Nous avons des internautes au Canada, auxEtats-Unis, en Australie, en Grande-Bretagne qui nous encouragent à aller del’avant et posent souvent des questions aux journalistes », témoigne LamineChikhi, directeur des relations publiques du grand quotidien arabophone. AuMatin, la rédactrice en chef technique, Khadija Chouit, revendique commeinternautes les « étrangers résidant en Algérie et les Algériens résidant àl’étranger, notamment au Canada ou en France ». L’objectif du site web est alors« de permettre aux nombreux Algériens qui n’ont pas accès à l’édition impriméedu journal – notamment les expatriés – de le lire, ainsi que de suivre l’expansionde l’internet en Algérie ». Le site d’El-Khabar, seul à proposer un résumé endeux autres langues (anglais et français) affiche l’objectif de « donner unedimension internationale au journal ».

Or cet argument est essentiel dans un pays qui a connu, selon les dernièresévaluations du Conseil national économique et social (CNES), données en

13. CHAWKI, 2000.

Page 13: Journaux Algériens

284 Réseaux n° 122

décembre 2002, une fuite des cerveaux de quelque 400 000 diplômés dansla période des plus fortes violences islamistes et militaires14 (1992-1996).Cette hémorragie de lecteurs potentiels – et parmi eux quelque 3 000informaticiens, de nombreux médecins, scientifiques, intellectuels ou chefsd’entreprises – correspondrait « à ce qu’ont formé les universitésalgériennes pendant dix ans ». La concurrence est alors forte entre les titres« sérieux » – publics comme privés – pour s’adresser à ces Algériensd’Amérique, du Golfe ou d’Europe et leur offrir un lien régulier avec leurpays d’origine. Plusieurs études suggèrent d’ailleurs une chute du lectoratde presse « papier » en Algérie dans les mêmes années (surtout après 1994avant de remonter en 1998) et, selon le croisement de différents critères, untaux de lecture inférieur à ce que le revenu et l’alphabétisation par habitantpourraient laisser présager15. Une partie du lectorat ayant fui dans des paysoccidentaux ou arabes très ouverts sur les nouvelles technologies, le recoursà l’internet s’imposait pour les principaux titres algériens. Aussi, la toileest-elle un nouveau territoire pour la concurrence que se livrent les trèsnombreux journaux, avec un indéniable effet de mode et de modernité.

« Pour une grande partie des éditeurs de presse, posséder une page web étaitsurtout vu comme une question de prestige pour le journal, reconnaît LamineChikhi. Les choses commencent à changer, mais lentement. Les journalistesde la rédaction ne consultent que rarement le site, estimant qu’il est loin derépondre aux normes en vigueur. » Peu ou pas d’échanges entre la rédaction etles personnes en charge des pages web, un webmaster généralement seul etavec un profil exclusivement de technicien ; les journaux algériens limitent lesfrais sur le net. En dépit de l’adoption par les quotidiens francophones les plusdynamiques d’une nouvelle version de site où l’effectivité de l’interactivitéreste encore à prouver, la majorité des titres algériens présents sur le web n’apas encore adopté le modèle du portail – avec de nombreux autres sitesdonnés en hyperliens – qui se généralise ailleurs dans les médias (télévision,radio et presse écrite) et qui structure l’internet aujourd’hui en France ou enEurope. Les sites web des quotidiens algériens exploitent quasi exclusivementles informations de leurs titres imprimés et attendent – tout en élaborant desprojets de modernisation avec une « vraie équipe rédactionnelle électronique »et un « service de médiation » comme le souhaite Le Matin – que les débitss’améliorent sur l’internet en Algérie et que la publicité ou les services enligne entrent dans les mœurs.

14. Voir l’article de SAOULI, 2003, p. 34-40.15. Voir l’article de HENRY, 2003.

Page 14: Journaux Algériens

RÉFÉRENCES

AMARI C. (2000), « La presse algérienne sur le net », www.algeria-interface.com

BRAS J.-P., CHOUIKHA L. (sous la direction de) (2002), « Médias et technologiesde communication au Maghreb et en Méditerranée », Actes du séminaire de Tunis,6-7 octobre 2000, Institut de recherches sur le Maghreb contemporain, Tunis.

BRAHIMI B. (2002), Le droit à l’information à l’épreuve du Parti unique et del’état d’urgence, Editions SAEC-Liberté, Alger.

BRINGAND C. (2001), « Panorama de l’offre éditoriale des sites de chaînes detélévision généralistes en Europe », Réseaux, n° 105.

HENRY C.M. (2002) “Algeria: Free Press, Opaque Political Economy”, MENA-Politics, University of Texas at Austinwww.la.utexas.edu/course-materials/government/chenry/mena/main.htm

GONZALEZ-QUIJANO Y. (2001), « Essai de cartographie de l’information surInternet au Liban », www.mafhoum.com/press2/67T41.htm

GRAR Y. (2003), « L’internet doit être une priorité du gouvernement »,www.algeria-interface.com.

KRAEMER G. (2001), La presse francophone en Méditerranée, regain etperspectives, Maisonneuve & Larose, Paris.

KRAEMER G. (2001), « Presses francophone et arabophone en Algérie », Mondearabe Maghreb-Machrek, n° 173, La documentation française.

KRAEMER G. (2002), « La presse francophone en Méditerranée : anomalie d’unmédia de masse national en langue non nationale », Réseaux, n° 111.

PICAGNE V. (2002) « Le Maghreb à l’heure du surf », Arabies, décembre.

PICAGNE V. et LALOUI A. (2001), « Internet : Forces et faiblesses », Arabies,mai.

SAOULI M. (2003), « Algérie : Fuite des cerveaux », Arabies, octobre.

REBAH M. (2002), La presse algérienne, Journal d’un défi, Chihab Editions,Alger.