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FONDATION MUSIQUE SACREE ET MAITRISE DE LA CATHEDRALE DE SION 12 e Festival d’art sacré Concert d’ouverture J.S. Bach Magnificat G.F. Haendel Dixit Dominus Ensemble vocal et instrumental de la Maîtrise Bernard Héritier, direction

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FONDATION MUSIQUE SACREE ET MAITRISE DE LA CATHEDRALE DE SION

12e Festival d’art sacré

Concert d’ouverture

J.S. Bach

Magnificat

G.F. Haendel

Dixit Dominus

Ensemble vocal et instrumental de la Maîtrise

Bernard Héritier, direction

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LES INTERPRÈTES

Chœur

Soprani Maria Abgottspon, Hyacinthe Héritier, Marguerite Héritier, Mireille Hofmann Jacquod, Pauline Jean, Anne-Sophie Marques, Madou Pannatier, Caroline Pitteloud, Joséphine Waeber

Alti Emeline Barras, Elisa Favre, Floriane Héritier, Marion Jacquemet, Roberta Michela

Ténors Stéphane Abbet, Pierre-Alain Héritier, Michel Mülhauser, Christian Roten, Maxime Thély

Basses Johan Beltramini, Mathias Constantin, Pierre Héritier, Stéphane Karlen, Frédéric Moix

Orchestre

Violons 1 Florence Allet, Gabrielle Maillard Violons 2 Jean-Charles Pitteloud, Désirée Pousaz Alto 1 Clément Bufferne, Vincent Pitteloud Altos 2 Abigaïl Chomarat, Elise Lehec Violoncelles Gladys Ançay-Campion, Magdalena Morosanu Contrebasses Irina Kalina Goudeva, François Guex Hautbois Patrick Marguerat, Jean-Baptiste Héritier Flûtes Jörg Lingenberg, Mélanie Bruttin de Meo Basson Jean-Philippe Iracane Trompettes Claude-Alain Barmaz, Sabrina Délèze, Justine Tornay Timbales Didier Métrailler Orgue Sœur Marie du Sacré Cœur

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BERNARD HÉRITIER

Initié a la musique des son plus jeune age a la manécanterie sédunoise de la Schola des Petits

Chanteurs, Bernard Héritier obtient une maturité classique au college de Sion, puis une

licence en théologie a l’Université de Fribourg, avant de faire ses études musicales aux

Conservatoires de Sion et de Fribourg pour l’obtention d’un diplome de chant. Pendant ces

années de formation, il chante également au Chœur des XVI de Fribourg avec André Ducret

puis a l’Ensemble Vocal de Lausanne

sous la direction de Michel Corboz. Il se perfectionne également en direction chorale et

orchestrale. En 1980, il fonde le chœur Novantiqua de Sion et en 1984 le chœur des Colleges

de Sion. Il dirige la Schola des Petits Chanteurs de 1980 a 2001.

Avec le choeur Novantiqua de Sion, il obtient le Prix Culturel de la Ville de Sion en 1987 ainsi

que le Prix de Consécration de l'Etat du Valais en 2003. Avec la Schola des Petits Chanteurs,

il obtient le Prix de la Ville de Sion en 1999. Il recoit également le Prix de Reconnaissance

culturelle 2015 de la Municipalité de Saviese.

Au cours de sa carriere, Bernard Héritier a été appelé a diriger de grands orchestres suisses

ou étrangers, comme l’Orchestre ad Fontes, l’ensemble la Fenice de Paris, la Freistags

Akademie de Berne, l’Ensemble Baroque du Léman, l’orchestre du Moment Baroque,

l’Orchestre de chambre de Geneve, l’Orchestre de chambre de Lausanne, l’Orchestre du

Festival Tibor Varga, l’Orchestre de chambre de Lituanie, etc.

Maitre de chapelle de la Cathédrale de Sion depuis 2001, il met sur pied la Fondation Musique

Sacrée et Maitrise de la Cathédrale de Sion pour l’animation musicale de la cathédrale.

Bernard Hériter assure actuellement la direction musicale des ensembles vocaux et

instrumentaux de la Maitrise de la cathédrale, le chœur des Colleges de Sion et la

responsabilité musicale du Festival d’Art Sacré. Comme compositeur, Bernard Héritier a écrit

une quinzaine de messes, plus de 60 psaumes, divers répons, des passions, des vepres ainsi

que plus d’une cinquantaine d’alléluias, hymnes, chants d’entrée et autres arrangements

pour voix et instruments, le tout a l’usage de la Maitrise de la Cathédrale.

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DIXIT DOMINUS – HAENDEL MAGNIFICAT – BACH

Le baroque comme mouvement culturel est un mouvement général de sensibilité qui a coloré

l’ensemble de la culture européenne entre 1600 et 1750.

L’art baroque se veut avant tout un art de contraste en opposition avec le courant de la

Renaissance qui le précédait.

En effet, apres s’etre émerveillé, entre 1400 et 1600, devant un univers qui lui paraissait

comme un tout harmonieux, l’artiste, au début du 17ème siècle, est maintenant saisi de vertige

et de tourment face a un univers dont il ne percoit plus l’harmonie, mais les contradictions,

l’inconstance, l’apparente illusion et la fugacité.

Apres avoir contemplé l’éternité de Dieu, il meurt d’angoisse devant l’impermanence des

choses.

Condition de l’homme.

Inconstance, ennui, inquiétude.

En un mot, l’homme connaît qu’il est misérable.

Pascal, Pensées

Voila pourquoi l’esthétique baroque va privilégier le mouvement, le fugitif. D’où son

incoercible dynamisme qui l’habite, ce tournoiement incessant de la danse, sa vision

dissonante de l’harmonie qui ne sont que des moyens pour dire le trouble, l’inquiétude, en

un mot, l’émotion qu’il éprouve face a sa claire conscience de la fragilité humaine.

Il n’y a d’autre part, dans l’art baroque, pas de frontieres entre l’art profane de l’opéra et l’art

religieux de l’oratorio ou des grandes passions. Comme il se veut art de la Contre –Réforme,

le baroque va utiliser l’émotivité comme arme premiere pour la reconquete des âmes. Le

baroque croit à la chair :

Dieu sensible au cœur.

Fénelon

De cette chair, il connait les délices qui le ravissent et lui font pressentir ceux de l’Autre Vie.

Par les sens, l’art baroque veut connaitre l’au-delà des sens. Et ses moyens sont le charme,

la séduction, l’ébranlement émotif.

La musique est la langue de l’ineffable. C’est pourquoi la parole, si aisément, devient

chant : pour que le mot, inséré dans son propre courant, en continuité avec sa source,

jaillisse avec toute sa puissance dynamique et tout son pouvoir d’ébranlement.

Maurice Zündel

Ainsi en va-t-il du premier manifeste baroque en architecture : les voûtes du Gesù à Rome,

qui emportent le croyant dans un véritable tourbillon ascensionnel. Ainsi en est-il également

de la Transverbération de Sainte Thérèse, à Rome également, dans laquelle Le Bernin fait

sensuellement participer le croyant a l’extase de l’émotion sacrée.

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Car les grandes œuvres religieuses de l’art baroque font, au sens propre, tourner la tete du

croyant. Architecture, peinture, sculpture et musique se mettent au service des textes sacrés,

les méditent en les faisant vibrer et tournoyer pour transcrire dans le cœur humain les

palpitations ineffables du cœur de Dieu.

Le véritable sens de l’Ecriture est toujours au-delà : au-delà des mots, des notions et

des événements qui sont comme autant de signes en lesquels la foi découvre la

présence de l’Unique.

Mais à cause de cela même, les textes sacrés appelaient l’épanouissement

mélodique qui en ferait discrètement vibrer tout l’inexprimable.

Il est donc naturel qu’ils aient revêtu la figure du chant et que la musique se soit

essayée à traduire l’atmosphère divine qui enveloppe les mots.

Maurice Zündel

Et c’est bien dans cette ligne que s’inscrivent ces deux grands chefs d’œuvre de la musique

baroque que sont le Dixit Dominus de Haendel et le Magnificat de Bach que nous vous

proposons ce soir en ouverture de notre 12ème Festival d’Art Sacré.

HAENDEL – DIXIT DOMINUS

Haendel composa ce psaume 110 lors de sa première visite à Rome en 1707. Il avait 22 ans.

Le Dixit Dominus est le premier psaume des Vêpres pour les dimanches et jours de fêtes. Ce

psaume solennel chanté pour des occasions solennelles, Haendel le traite de façon très

élaborée, changeant de formation à chaque mouvement en opposant d’amples chœurs

fugués à des airs de solistes ou de groupes de solistes.

Le psaume 110 est l’un des psaumes les plus obscurs de l’Ancien Testament. Ecrit dans un

contexte politique d’occupation par des armées étrangeres, il cherche a entretenir

l’espérance au cœur de l’amertume de la défaite.

Or c’est précisément ce dynamisme revitalisant de l’espérance que l’ardeur juvénile de

Haendel va décrire par la musique, exploitant avec un rare bonheur les images les plus

réalistes du texte et surtout l’extraordinaire pulsion de la langue latine.

No 1 : Dixit Dominus – Maria Abgottspon, soprano ; Marion Jacquemet, alto

Dixit Dominus Domino meo : Sede a dextris meis donec ponam inimicos tuos scabellum pedum tuorum

Oracle du Seigneur à mon seigneur : « Siège à ma droite, et je ferai de tes ennemis, le marchepied de ton trône. »

Le début de cette strophe est l’une des plus saisissantes ouvertures instrumentales du

compositeur : elle prélude à une écriture chorale qui alterne des thèmes en valeurs longues

(thème grégorien sur les mots donec ponam pour signifier la solidité de l’intronisation royale)

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et d’autres en valeurs breves (plus particulierement dans le jaillissement perpétuellement

festif du contrepoint) ainsi que de grandes exclamations solistiques. La vivacité de ce premier

chœur en sol mineur dégage une énergie motrice haletante.

No 2 : Virgam virtutis – Marion Jacquemet, alto

Virgam virtutis tuae emittet Dominus ex Sion : dominare in medio inimicorum tuorum

Le sceptre de ta force, le Seigneur te le présente de Sion : « Domine jusqu’au cœur de l’ennemi »

Dans le ton de la relative majeur du chœur d’entrée (si bémol), l’ample vocalise que

développe cet air pour alto sur le mot dominare, veut souligneur l’ampleur universelle des

pouvoirs nouveaux accordés au Messie Roi de l’univers.

No 3 : Tecum principium – Caroline Pitteloud, soprano

Tecum prinicipium in die virutis tuae in splendoribus sanctorum : ex utero ante luciferum genui te

Le jour où paraît ta puissance, tu es Prince, éblouissant de sainteté : « Comme la rosée qui naît de l’aurore, je t’ai engendré. »

Cet air pour soprano est caractérisé par les triolets de la soliste qui teintent ce texte d’une

belle couleur galante. Haendel cherche à faire ressortir par là le jaillissement rayonnant de la

lumière dont est nimbé le jeune prince.

No 4 : Juravit Dominus

Juravit Dominus et non poenitebit

Le Seigneur l’a juré dans un serment irrévocable

Dans ce grand chœur, Haendel joue de facon spectaculaire – et deux fois par manière

d’insistance – avec le contraste de l’écriture chorale : au grave de l’écriture homophone sur

juravit Dominus (pour exprimer la solidité, la force et la vérité de la Parole de Dieu) répond

l’allegro de l’écriture fuguée sur et non poenitebit (pour dire que la Parole divine sera toujours

fidèle).

No 5 : Tu es sacerdos

Tu es sacerdos in aeternum secundum ordinem Melchisedech

Tu es prêtre à jamais selon l’ordre du roi Melkisédek

Ce chœur bref est a nouveau construit sur le mode de l’opposition : pour affirmer le

sacerdoce royal (tu es sacerdos), la mélodie en valeur longue est en fait une simple montée

d’octave qui décrit le chemin royal permettant a l’homme de rejoindre Dieu. Et cette

affirmation est comme applaudie par le feu follet de l’écriture des autres voix en double-

croches rapides, véritable feu d’artifice musical de joie devant la conscience de la nature

profonde du sacerdoce.

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No 6 : Dominus a dextris – Anne-Sophie Marques et Maria Abgottspon, soprani ; Marion

Jacquemet, alto ; Pierre-Alain Héritier, ténor ; Pierre Héritier, basse

Dominus a dextris tuis confregit in die irae suae reges

À ta droite se tient le Seigneur : il brise les rois au jour de sa colère

Apres l’exposition du theme par des voix solistes, le chœur enchaine en développant.

Remarquable est ici la progression des retards qui constituent le véritable moteur mélodique

et harmonique de la peinture de la colere divine. Quant a l’effet de cette rage dissonante,

elle se dessine en vastes pans de vocalises qui s’écroulent pour bien souligner la défaite de

tous les adversaires du Messie.

Judicabit in nationibus, implebit ruinas : conquassabit capita in terra multorum

Il juge les nations, les cadavres s’entassent : partout sur la terre, il a écrasé des têtes

Ce texte d’un violence extreme (supprimé dans le bréviaire actuel de la Liturgie des Heures)

est traité par un chœur dramatique en deux parties dont la puissance expressive est à

nouveau due au mélange des écritures polyphonique et homophoniques, à la juxtaposition

de styles différents et au grand souci pictural de Haendel qui s’attache a une restitution

réaliste des images du texte littéraire.

Cette strophe s’ouvre ainsi par une phrase écrite de facon résolument traditionnelle sur le

mot Judicabit : l’écriture fuguée a l’ancienne décrit ainsi un Dieu Juge qui trone solidement

dans une institution bien assise.

Mais cette écriture s’affole tout a coup lorsqu’elle en vient a peindre l’expression implebit

ruinas (octave montante en double croches ; opposition des blocs sonores ; motif final

s’écroulant sur trois octaves pour bien souligner le caractere cataclysmique de la

destruction).

Finalement, le figuralisme de Haendel acquiert une force expressive particulièrement

dramatique dans la peinture du mont conquassabit, faisant entendre a l’auditeur, par un

staccato très évocateur, les craquements secs des crânes adverses écrasés.

No 7 : De torrente – Hyacinthe Héritier et Maria Abgottspon, soprani

De torrente in via bibet propterea exaltabit caput

Au torrent il s’abreuve en chemin c’est pourquoi il redresse la tête

Apres le déferlement d’images musicales sonores du no précédent, le De torrente exprime

merveilleusement bien la rénovation des forces suggérées par le texte du psaume.

Deux sopranos solos chantent de longues phrases coulantes évoquant le flux de l’eau (qui est

clairement dessiné par les vagues harmonieuses de l’accompagnement des cordes) alors que

les voix d’hommes chantent a l’unisson, sur le mode de la psalmodie d’église, le verset

propterea exaltabit caput : la joie du triomphe final est ainsi plus contemplative que

triomphale.

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No 8 : Gloria Patri

Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto sicut erat in principio et nunc et semper et in saecula saeculorum. Amen.

Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit comme il était au commencement maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.

Le chœur final constitue le sommet a la fois musical et spirituel du psaume.

Il comporte deux parties bien distinctes, la première commentant musicalement la Trinité, la

seconde apportant la conclusion solennelle de l’œuvre.

Pour exprimer la Trinité, Haendel juxtapose trois idées bien distinctes :

- ample vocalise pour le Père et le Fils ; - bref motif avec un septième descendante pour l’Esprit ; - psalmodie grégorienne en valeurs longues représentant la louange traditionnelle de

l’Eglise. La seconde partie quant à elle est une fugue très travaillée sur le mot Amen. Le début du

thème de cette fugue est à nouveau la psalmodie traditionnelle grégorienne, signifiant à la

fois l’unicité de Dieu et son éternité. Le développement qui suit mene l’œuvre tout entiere

vers un sommet à la fois musical et spirituel.

BACH – MAGNIFICAT

L’Eglise luthérienne avait conservé, parmi les principaux cantiques du rituel romain, le

Magnificat en deux versions distinctes : l’une en allemand (Meine Seele erhebt den Herrn) et

l’autre en latin, version que les ordonnances liturgiques de Leipzig autorisaient à entonner

pour les grandes fêtes de Noël, Pâques et Pentecôte. Le Magnificat de Bach en ré majeur est,

des deux versions composées par Jean-Sébastien, la version habituellement présentée en

concert.

Le cantique de Marie est l’une des pages bibliques (Luc 1, 46-55) les plus célèbres, à la fois

comme modele de priere individuelle et de méditation sur le mystere de l’Incarnation. Cela

lui donne une place spéciale dans la liturgie (l’Eglise le prie toujours comme hymne de l’office

de Vêpres) et sa faveur particuliere aupres des musiciens. L’essentiel du contenu de ce texte

– l’humilité de Marie qui accueille la Parole divine et devient comme le réceptacle, la nouvelle

Arche d’Alliance de la Gloire de Dieu faite chair en Jésus-Christ – en fait un patrimoine

commun à toutes les confessions chrétiennes.

No 1 : Magnificat

Magnificat anima mea Dominum Mon âme exalte le Seigneur

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Bach ouvre son Magnificat par la fanfare étourdissante d’une sinfonia instrumentale servant

d’écrin triomphal a l’éclat du verbe latin Magnificat. Cette fanfare est ensuite reprise trois

fois par le chœur avec une conviction croissante avant la conclusion a nouveau enlevée par

l’orchestre. Cet éclat étourdissant rattache la figure de Marie a la révélation de la Gloire de

Dieu, célébrée par l’univers entier.

No 2 : Et exultavit – Marion Jacquemet, soprano

Et exultavit spiritus meus in Deo salutari meo Exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur

Au triomphe cosmique de la Gloire divine, succède la jubilation intérieure et supraterrestre :

douceurs des cordes, mouvement ternaire de la danse, arpèges et vocalises jubilatoires,

suspension de la voix soliste dans l’aigu, tous ces moyens font passer la joie cosmique et

sauvage du chœur d’introduction a une vision plus sereine et plus humaine de l’accueil de

l’ineffable.

No 3 : Quia respexit humilitatem – Hyacinthe Héritier, soprano

Quia respexit humilitatem ancillae suae ecce enim ex hoc beatam me dicent…

Il s’est penché sur son humble servante désormais me diront bienheureuse…

Cet air de soprano en trio avec hautbois d’amour et continuo exprime merveilleusement bien

la notion d’humilité : tout le salut de l’humanité dépend de l’attitude de la Vierge, nécessaire

à la manifestation même de la Gloire. Musicalement, cette attitude d’accueil de la Parole

divine est figurée par la descente de septième de la voix sur le mot humilitatem, descente

dans laquelle l’intervalle de seconde augmentée dessine avec un soin de miniaturiste la

courbure et la flexion de la révérence. Quant a l’attitude de Dieu, toute de sollicitude et de

tendresse envers sa créature, Bach la rend avec le même souci de théologien et de musicien :

du haut du ciel (mélisme montant sur quia), Dieu regarde en se penchant (neuvième

descendante avec courbure affective sur la sensible : respexit).

À cette invitation de la Parole divine l’etre humain répond par une véritable ascension vers

Dieu : montée de quarte sur Ecce et marche harmonique pour souligner l’adhésion de Marie.

No 4 : Omnes generationes

… omnes generationes … tous les âges

Bach se montre ici très descriptif : le chœur et l’orchestre qui enchaînent sans transition, le

déferlement incessant des voix sur les mots omnes generationes ainsi que le flot des vocalises

sur la voyelle o de generationes figurent bien l’universalité des générations de croyants qui

vont se succéder dans les âges à venir et reconnaître en Marie celle qui a ouvert les portes

du salut.

No 5 : Qui fecit mihi magna – Frédéric Moix, basse

Quia fecit mihi magna qui potens est et sanctum nomen ejus

Le Puissant fit pour moi des merveilles : Saint est son nom

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La voix de basse étant celle qui exprime habituellement la toute-puissance de Dieu, c’est

naturellement elle, sur le seul accompagnement du continuo, que Bach choisit pour

commenter cette strophe.

Le rythme bien carré de cet aria, les deux vocalises montantes sur potens et magna, les

descentes de double-croches sur sanctum affirment d’une part l’autorité toute-puissante de

Dieu et d’autre part l’adoration que cette autorité suscite devant le miracle d’amour réalisé.

No 6 : Et misericordia – Elisa Favre, alto : Michel Mülhauser, ténor

Et misericordia ejus a progenie in progenies timentibus eum

Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent

La pénétrante douceur de ce duo pour alto, ténor, cordes avec sourdines et flûtes exprime

merveilleusement bien toutes les nuances affectives du mot misericordia. Si le motif

introductif de la basse instrumentale évoque le crucifixus de la Messe en si, la caresse

mélodique des voix qui ondulent par tierces et sixtes dévoile non sans émotion le cœur de la

foi chrétienne : l’amour de Dieu s’est fait chair jusqu’a l’inouï de la Croix.

No 7 : Fecit potentiam

Fecit potentiam in bracchio suo dispersit superbos mente cordis sui

Déployant la force de son bras il disperse les superbes

Après la miséricorde de la strophe précédente comme merveille que Dieu offre à sa créature,

voici la traque des orgueilleux de l’esprit. Aucune chance pour eux, semble affirmer

l’utilisation de tous les instruments de l’orchestre. L’écriture musicale souligne la toute-

puissance divine par la répétition triomphaliste du mot potentiam qui éclate et se répand en

vocalises vigoureuses (succession d’octaves montantes puis descendantes). L’effet de cette

toute-puissance est sans appel et rejette toute opposition dans un enchaînement de deux

octaves d’arpeges s’écroulant sur le mot dispersit avant de rejeter définitivement ces

orgueilleux (accord de quinte diminuée sur superbos).

No 8 : Deposuit potentes – Michel Mülhauser, ténor

Deposuit potentes de sede Il dépose les puissants de leurs trônes

Cet aria en trio pour ténor, cordes et continuo, donne a Bach l’occasion de montrer toute sa

verve imitative et son grand souci du détail : descente – ou plutôt dégringolade – des

puissants soulignée par des rythmes pointés et saccadés, de grandes phrases descendantes

et tourbillonnant jusqu’a s’écrouler sur le mot de sede. À l’inverse, l’exaltation des humbles

se fait par des vocalises ascensionnelles qui gravissent l’échelle sonore par paliers successifs,

tout en soulignant l’amour préférentiel pour les pauvres sur le mot humiles.

No 9 : Esurientes – Elisa Favre, alto

Esurientes implevit bonis et divites dimisit inanes

Il comble de biens les affamés renvoie les riches les mains vides

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Ce bel aria pour alto, deux flûtes et continuo, à caractère pastoral, apparaît comme un

commentaire musical un brin moralisateur sur l’utilisation des richesses : la richesse est une

chose facile a gérer si l’on sait s’en détacher, si l’on sait ne pas y mettre son cœur (simplicité

des themes mélodiques par degrés conjoints, légereté d’une rythmique doucement

syncopée).

No 10 : Suscepit Israel – Caroline Pitteloud et Hyacinthe Héritier, soprani ; Marion

Jacquemet, alto

Suscepit Israel puerum suum recordatus misericordiae suae

Il relève Israël son serviteur il se souvient de son amour

Bach travaille ici son commentaire en jouant sur les registres de la mémoire (recordatus) :

pour exprimer la rencontre amoureuse entre Dieu et sa créature (misericordiae suae) qui

traverse toute l’histoire du salut, le compositeur met en scene trois voix élevées qui évoquent

la rencontre entre Abraham et les trois envoyés de Dieu au chêne de Membré, préfiguration

des trois personnes trinitaires sources de tout amour. Mais le signe le plus clair de cette

mémoire reste certainement le chant du hautbois qui utilise un ton de la psalmodie

grégorienne, le tonus peregrinus, ou ton du pèlerin, qui rappelle le long cheminement de

Dieu vers sa créature.

No 11 : Sicut locutus est – Anne-Sophie Marques et Maria Abgottspon, soprani ; Elisa Favre,

alto ; Pierre-Alain Héritier, ténor ; Stéphane Karlen, basse

Sicut locutus est ad Patres nostros Abraham et semini ejus

De la promesse faite à nos Pères en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais

Comme dans le Amen final du Dixit Dominus de Haendel, la grande fugue vocale du sicut

locutus est symbolise la permanence du projet de Dieu, la solidité de sa Promesse et prolonge

le climat de joie établi dans le numéro précédent.

No 12 : Gloria Patri

Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto sicut erat in principio et nunc et semper et in saecula saeculorum. Amen.

Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit comme il était au commencement maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.

Le chœur final en ré majeur comporte deux parties : la première est une louange à la Trinité

qui fait la part belle aux différents symbolismes du chiffre trois : par trois fois, Bach fait

monter un tourbillon de louanges de trois mesures en triolets de croches. Quant à la seconde

partie, elle reprend la fanfare étourdissante du début de l’œuvre qui se trouve ainsi comme

bouclée sur elle-même : comme il était au commencement : par le « oui » de Marie, la

création tout entière devient hymne de joie.

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PROGRAMME

Georg Friedrich Haendel (1702-1758)

Dixit Dominus HWV 232 (1707)

1. Dixit Dominus

Maria Abgottspon, soprano ; Marion Jacquemet, alto 2. Virgam virtutis

Marion Jacquemet, alto 3. Tecum principium

Caroline Pitteloud, soprano 4. Juravit Dominus 5. Tu es sacerdos 6. Dominus a dextris

Anne-Sophie Marques et Maria Abgottspon, soprani ; Marion Jacquemet, alto ;

Pierre-Alain Héritier, ténor ; Pierre Héritier, basse 7. De torrente

Hyacinthe Héritier et Maria Abgottspon, soprani

8. Gloria Patri

Jean-Sébastien Bach (1685-1750)

Magnificat en ré majeur BWV 243 (1728-1731)

1. Magnificat 2. Et exultavit

Marion Jacquemet, soprano 3. Quia respexit humilitatem

Hyacinthe Héritier, soprano 4. Omnes generationes 5. Qui fecit mihi magna

Frédéric Moix, basse 6. Et misericordia

Elisa Favre, alto : Michel Mülhauser, ténor 7. Fecit potentiam 8. Deposuit potentes

Michel Mülhauser, ténor 9. Esurientes

Elisa Favre, alto 10. Suscepit Israel

Caroline Pitteloud et Hyacinthe Héritier, soprani ; Marion Jacquemet, alto 11. Sicut locutus est

Anne-Sophie Marques et Maria Abgottspon, soprani ; Elisa Favre, alto ; Pierre-Alain

Héritier, ténor ; Stéphane Karlen, basse 12. Gloria Patri