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Discussion et réflexion sur divers aspects du judo par Ronald Désormeaux JUDO RON 22- Hara Gei technique méconnue? J’ai déjà abordé le sujet du Hara gei ou technique du ventre dans mes autres présentations. 1 Examinons ici, quelques commentaires supplémentaires qui pourraient augmenter notre connaissance de ce phénomène naturel. Comme plusieurs autres mouvements ou techniques, Hara gei ou technique du ventre n’est ni illustrée ni présentée dans le Gokyo. Bien qu’elle contienne des dimensions de l’utilisation de la puissance interne (Ki) ou activité de transformation/énergie vitale, le fondateur du judo n’a pas voulu en faire une description classique. Il a préféré l’introduire doucement par le billet des pratiques de Kata tels que nous pouvons l’observer dans l’étude du Koshiki, du Go et du Itsutsu no kata. La découverte du Hara Gei se fait principalement par imitation et par l’expérimentation du modèle démontré par les anciens maîtres. On a souvent répété que la pratique conduit à la perfection. Le maître Kano a ainsi suivi une tradition Taôiste qui voulait que l’enseignement des choses difficiles soit le fruit d’une découverte naturelle et spontanée et ce, tant de l’objet lui- même que de son essence. La recherche de la vérité par des discours ésotériques et des enseignements intellectuels trop rigoureux pouvant dérouter l’élève de son but, il a préféré exhiber un ensemble de techniques qui soit plus accessibles. Pour propager rapidement son judo, il a mis l’emphase sur la simplicité dans l’enseignement des techniques du Gokyo et dans la pratique du Randori laissant aux plus curieux, le soin d’approfondir leur connaissance et leur perfectionnement selon leurs besoins individuels. Sans faire éclat du Hara gei, nombreux sont les professeurs de judo et les compétiteurs contemporains qui nous encouragent à se tenir droit en posture naturelle durant les combats de judo. Revenez aux principes fondamentaux et pratiquez dans le but de vous améliorer techniquement nous suggèrent t’ils. Les anciens à leur tour, nous disaient qu’il faut travailler avec intelligence et de mieux utiliser nos forces techniques afin de tenir l’adversaire en jeu continuellement, ne lui laissant aucun répit ou avantage pour passer à l’attaque. Cette dominance, c’est le contrôle du déséquilibre. 1 Ronald Désormeaux, Shin Gi Tai , page 97, Les Mystères du Judo page 65, et Tokui Waza page 28

JUDO RON 22_Hara Gei technique méconnue

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Technique de respiration utilisée pour mieux performer en judo. Enseignement restreint obtenu par la pratique et l'imitation. respiration par le ventre,concentration des énergies vitales, utilisation pour fin de méditation et comme moyen de combat en judo

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Discussion et réflexion sur divers aspects du judo par Ronald Désormeaux

JUDO RON 22- Hara Gei technique méconnue?

J’ai déjà abordé le sujet du Hara gei ou technique du ventre dans mes autres

présentations.

1

Examinons ici, quelques commentaires supplémentaires qui

pourraient augmenter notre connaissance de ce phénomène naturel.

Comme plusieurs autres mouvements ou techniques, Hara gei ou technique

du ventre n’est ni illustrée ni présentée dans le Gokyo. Bien qu’elle

contienne des dimensions de l’utilisation de la puissance interne (Ki) ou

activité de transformation/énergie vitale, le fondateur du judo n’a pas voulu

en faire une description classique. Il a préféré l’introduire doucement par le

billet des pratiques de Kata tels que nous pouvons l’observer dans l’étude du

Koshiki, du Go et du Itsutsu no kata.

La découverte du Hara Gei se fait principalement par imitation et par

l’expérimentation du modèle démontré par les anciens maîtres. On a souvent

répété que la pratique conduit à la perfection. Le maître Kano a ainsi suivi

une tradition Taôiste qui voulait que l’enseignement des choses difficiles

soit le fruit d’une découverte naturelle et spontanée et ce, tant de l’objet lui-

même que de son essence. La recherche de la vérité par des discours

ésotériques et des enseignements intellectuels trop rigoureux pouvant

dérouter l’élève de son but, il a préféré exhiber un ensemble de techniques

qui soit plus accessibles. Pour propager rapidement son judo, il a mis

l’emphase sur la simplicité dans l’enseignement des techniques du Gokyo et

dans la pratique du Randori laissant aux plus curieux, le soin d’approfondir

leur connaissance et leur perfectionnement selon leurs besoins individuels.

Sans faire éclat du Hara gei, nombreux sont les professeurs de judo et les

compétiteurs contemporains qui nous encouragent à se tenir droit en posture

naturelle durant les combats de judo. Revenez aux principes fondamentaux

et pratiquez dans le but de vous améliorer techniquement nous suggèrent

t’ils.

Les anciens à leur tour, nous disaient qu’il faut travailler avec intelligence et

de mieux utiliser nos forces techniques afin de tenir l’adversaire en jeu

continuellement, ne lui laissant aucun répit ou avantage pour passer à

l’attaque. Cette dominance, c’est le contrôle du déséquilibre.

1

Ronald Désormeaux, Shin Gi Tai, page 97, Les Mystères du Judo page 65, et Tokui Waza page 28

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Ors, le déséquilibre (Kuzushi) de l’adversaire qu’il soit psychologique ou

physique, doit s’effectuer avec tout le corps en non seulement avec la force

des bras. Ces derniers doivent plustot guider et encercler la zone névralgique

choisie pour mieux compléter l’action déjà débutée par l’esprit et par

l’ensemble du corps. Cette condition implique que nous soyons capable de

saisir le bon moment de porter une attaque et de pouvoir profiter de

l’opportunité qui se présente dû au déplacement de l’adversaire.

Traiter du Kuzushi c’est aussi impliquer les dimensions d’un bon

déplacement de notre propre corps (Tai Sabaki) et d’une mise en place

rapide (Tsukuri) en harmonie et dans la direction du déplacement de

l’adversaire. Ces trois éléments sont nécessaires si nous voulons utiliser le

minimum d’énergie pour accomplir le maximum de résultats. Il ne suffit pas

de tirer ou pousser l’adversaire avec les bras dans toutes les directions.

La poussée et la tirée doivent s’exécuter avec précision, selon un certain

ordre et dans une proportion calculée. Trop de force mise au mauvais

endroit, enlignée dans une séquence douteuse en devancement trop ou en

accusant un certain retard conduira à une faiblesse technique. Pour obtenir le

maximum de résultats dans notre démarche, pour utiliser tout le déplacement

du corps il faut que l’élan initial parvienne du centre de nos énergies. C’est

ici que nous rejoignons la pensée des anciens qui parlaient de l’utilisation du

Tanden, Hara, Ki ou zone abdominale dans un environnement harmonieux

et naturel, de concert avec les gestes de l’adversaire.

Cette zone abdominale est remplie de muscles, organes, canaux divers,

cavités et enveloppes d’air en mouvements continus. Dans les textes chinois

anciens, cette zone dynamique est appelée QI ou force en action. C’est la

zone où la décomposition des aliments, la transformation de l’air et où les

échanges sanguins et structurels se produisent. Il y a la présence d’une

énergie constante. Cette zone est soumise aux influences de ce que nous

mangeons, de ce que nous respirons et de ce que nous pensons sans oublier

l’état de santé de nos organes viscérales qui transforment le tout et facilite

notre renouvellement.

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Notre sphère abdominale est plus ou moins contenue dans une enveloppe

musculaire et assujettie aux pressions que peuvent exercer les muscles

périphériques telle la nappe musculaire qui ferme le thorax en sa partie

supérieur et la cavité abdominale en sa partie inférieure.

Entre autre, il est connu que des minuscules déplacements du muscle

supérieur nommé diaphragme provoquent des changements dans l’équilibre

humain et déplace constamment notre centre de gravité. La contraction de ce

grand muscle demeure encore un phénomène souvent inconnu des

compétiteurs. Il agit indépendamment et normalement avec chacune de nos

respirations. Mais, tout comme d’autres muscles striés, nous pouvons dans

une certaine mesure en contrôler la contraction par notre volonté.

Pourquoi s’y attarder? Car la contraction de ce muscle assure une meilleure

pénétration de l’oxygène dans les poumons, exerce une pression qui fait

baisser les viscères et assure une extraction plus grande de l’air viciée au

retour. Il est donc important de réfléchir aux moyens naturels que nous

avons et qui peuvent influencer notre respiration.

Une brève explication s’impose concernant la technique de respiration

communément appelée Hara Gei ou technique du ventre. Ce sont les adeptes

du Yoga, du Zen, de l’Aikido, de l’Aiki-jutsu et du Karaté qui semblent la

connaître le mieux.

Au Judo, elle s’apprend au contact de ceux et de celles qui l’utilisent par le

truchement d’une posture naturelle droite et qui font un meilleur usage de

tout leur corps pour bloquer des attaques et débuter des déplacements partant

du centre abdominal. Pour mieux apprécier cette maîtrise, il faut revoir les

films techniques du grand maître Mifune Kyuzo 10

ième

dan dont certains

avaient nommé « le poisson volant » par ce qu’il gardait entièrement le

contrôle de son Hara durant les moments de défense et d’attaque tout en

assurant qu’il était en harmonie avec les énergies ambiantes (Wa).

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Discussion et réflexion sur divers aspects du judo par Ronald Désormeaux

Cette technique associée à la pratique du Zen se développe nettement par la

concentration mentale de nos ressources intellectuelles (Shisei). Tout comme

dans la présentation d’un Kata, il faut faire le vide de nos préoccupations,

s’ouvrir l’esprit à recevoir les messages environnementaux et rassembler les

forces du corps pour les mettre en état d’alerte afin d’agir et réagir avec

intelligence et pondération.

Depuis des siècles, le Zen et les Samurais s’entremêlent. À la fin du 17

ième

siècle il était courant d’entendre l’expression : « Les outils du guerrier sont

moins importants (on peut s’en passer) mais ce qui doit demeurer, c’est le

Hara Gei. »

Regardons brièvement ce que signifie cette façon de respirer. On oublie trop

souvent que nous avons un certain contrôle sur la façon de respirer. Il y a un

mécanisme automatique qui régit l’inspiration et l’expiration mais il existe

aussi un contrôle volontaire que nous pouvons exercer pour augmenter,

diminuer où modifier notre rythme ou notre capacité. On prend comme

exemple, le fait de retenir son souffle sous l’eau, expirer pour chanter ou

crier ou encore rester bouche bée devant un événement quelconque qui nous

surprend. Vous avez sûrement constaté que vous pouvez vous détendre plus

facilement en expirant, en laissant sortir de long soupirs. Voilà déjà une

première prise de conscience de notre capacité d’intervention.

Nous sommes en mesure d’améliorer ou de modifier notre mode de

respiration par une pensée dominante et par la pratique physique de certains

exercices. Exemples : Tentons de prendre de grandes respirations, retenir

son souffle pour quelques instants de plus, expirer doucement ou lancer un

cri qui vide les poumons de tous résidus. Il est connu que par des exercices

répétés, en aérobie, certains athlètes peuvent augmenter leur capacité et leur

volume contribuant ainsi à une meilleure endurance et une performance

accrue.

Ainsi, comme le chanteur d’opéra ou l’haltérophile, c’est en pratiquant des

expirations plus profondes nous pouvons nous débarrasser de l’air vicié

contenu dans les poumons et exercer une pression tant sur le diaphragme que

sur les muscles abdominaux résultant ainsi à se débarrasser du Co2 qui

entrave l’activité musculaire et nous pouvons ainsi augmenter notre potentiel

d’exécuter plus de force de tirée ou de poussée selon le cas et ce, tout en

améliorant notre support lombaire et notre équilibre.

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Ce mode d’exercice de respiration n’est pas facile à maintenir car nous

sommes habitué depuis déjà des années à respirer avec la cage thoracique et

à remplir les poumons d’abord. Nous avons oublié le mode respiratoire

ancestral de notre petite enfance où nous respirions du ventre. Tout est

possible, il s’agit de s’y mettre.

Au judo deux périodes intéressantes se prêtes bien à ces essaies : le temps

d’ouverture de la classe au commandement de réflexion du Sempai et à la fin

des cours durant les périodes de détende et de méditation où tous sont en

position assise ou Zazen.

Assis en position Zazen, tenez le dos droit, la tête et

les épaules relâchées, les mains reposant sur les genoux. Prenez de grands

respires, inspirez et expirez profondément en prenant conscience de votre

rythme. Forcez l’air des poumons à descendre vers le ventre en s’appuyant

sur le diaphragme et suivez mentalement le gonflement des parois de votre

bassin suivi de l’extension de vos cotes flottantes vers l’extérieur. Faites

pression contre votre ceinture et retenez le geste pour quelques instants avant

d’expirer. Répétez puis expirez en laissant passer un murmure ou un petit cri

qui entraînera naturellement l’air vers l’extérieur.

Par ce simple exercice, tentez de vivre ce moment privilégié : le temps d’un

respire. Apprenez à vous détendre, à identifier vos forces internes et à établir

un contrôle personnel indispensable pour faire l’union entre l’intellectuel, le

physique et le technique, ces trois vertus du judo SHIN GI TAI.

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Dans la pratique du Randori, nous avons d’autres occasions de pratiquer le

Hara Gei. Améliorons nos modes de déplacement en cherchant à se mouvoir

comme un ensemble et en concentrant l’élan de nos attaques en provenance

du ventre. Le centre doit donner l’impulsion par l’entremise du bassin, des

hanches et des jambes.

Tout en conservant notre stabilité, il faut tenter de maintenir les hanches et

les épaules dans un même plan vertical et déplacer les haches au plan

horizontal avec chaque pas qui s’accentue vers l’adversaire dans l’attaque ou

en harmonie avec celui-ci dans la défensive. Il faut éviter les oscillations

verticales.

Il nous faut pousser avec le ventre, frapper avec celui-ci et dessiner des

mouvements giratoires tout en se servant de la hanche comme levier. Il faut

pratiquer les rotations du bassin, l’élévation, l’abaissement et la translation

de celui-ci afin de découvrir notre potentiel de forces. Il faut reconnaître les

axes concaves et convexes et profiter des bonnes inclinations du corps. Il

faut éviter de sortir les fesses et de se pencher le torse. Travailler la

respiration en prenant conscience du rôle du diaphragme est une nécessité.

Voilà quelques moyens à notre disposition pour mieux découvrir et utiliser

cette force cachée, ce Hara Gei.

Bonne pratique

Gatineau Octobre 09