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1 Tribunal administratif N° 26358 et 26359 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 23 novembre 2009 1 re chambre Audience publique du 12 juillet 2010 Recours formés par Monsieur ..., , et consorts contre des décisions du ministre de l’Environnement, respectivement du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures et du ministre du Travail et de l'Emploi en présence de l’association sans but lucratif Société de Tir de Luxembourg-Cents a.s.b.l., Senningerberg et de la commune de Schuttrange en matière d’établissements classés ________________________________________________________________ JUGEMENT I. Vu la requête inscrite sous le numéro 26358 et déposée le 23 novembre 2009 au greffe du tribunal administratif par Maître Gilles DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de : 1. Monsieur ..., et de 15 consorts tendant principalement à la réformation, subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l'Environnement du 17 juillet 2009, n° 1/08/0292, portant autorisation pour l'aménagement et l'exploitation d'un stand de tir au lieu-dit « Bloebierg » à Senningerberg pour compte de l'association sans but lucratif SOCIÉTÉ DE TIR DE LUXEMBOURG- CENTS a.s.b.l. ainsi que de la décision du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures du 9 octobre 2009 (référence c_MS_MeDauphin_vers_abr_2_071009.doc) intervenue sur recours gracieux du 11 septembre 2009 ; Vu l'exploit de l'huissier de justice suppléant Gilles HOFFMANN, en remplacement de l'huissier de justice Carlos CALVO, demeurant à Luxembourg, du 27 novembre 2009, portant signification de la prédite requête à l’association sans but lucratif SOCIÉTÉ DE TIR DE LUXEMBOURG-CENTS a.s.b.l., ayant son siège à L-2443 Senningerberg, 37, rue des Romains, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le n° F 5637, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions ; Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 janvier 2010 par Maître Alain RUKAVINA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand -Duché de Luxembourg ; Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 janvier 2010 par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’association sans but lucratif SOCIÉTÉ DE TIR DE LUXEMBOURG-CENTS a.s.b.l. ;

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Tribunal administratif N° 26358 et 26359 du rôle

du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 23 novembre 2009

1re chambre

Audience publique du 12 juillet 2010

Recours formés par

Monsieur ..., …, et consorts

contre des décisions du ministre de l’Environnement, respectivement du ministre délégué au

Développement durable et aux Infrastructures et du ministre du Travail et de l'Emploi

en présence de l’association sans but lucratif Société de Tir de Luxembourg-Cents a.s.b.l.,

Senningerberg et de la commune de Schuttrange

en matière d’établissements classés

________________________________________________________________

JUGEMENT

I. Vu la requête inscrite sous le numéro 26358 et déposée le 23 novembre 2009 au greffe

du tribunal administratif par Maître Gilles DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de

l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1. Monsieur ...,

et de 15 consorts

tendant principalement à la réformation, subsidiairement à l’annulation d’une décision

du ministre de l'Environnement du 17 juillet 2009, n° 1/08/0292, portant autorisation pour

l'aménagement et l'exploitation d'un stand de tir au lieu-dit « Bloebierg » à Senningerberg

pour compte de l'association sans but lucratif SOCIÉTÉ DE TIR DE LUXEMBOURG-

CENTS a.s.b.l. ainsi que de la décision du ministre délégué au Développement durable et aux

Infrastructures du 9 octobre 2009 (référence c_MS_MeDauphin_vers_abr_2_071009.doc)

intervenue sur recours gracieux du 11 septembre 2009 ;

Vu l'exploit de l'huissier de justice suppléant Gilles HOFFMANN, en remplacement

de l'huissier de justice Carlos CALVO, demeurant à Luxembourg, du 27 novembre 2009,

portant signification de la prédite requête à l’association sans but lucratif SOCIÉTÉ DE TIR

DE LUXEMBOURG-CENTS a.s.b.l., ayant son siège à L-2443 Senningerberg, 37, rue des

Romains, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le n° F 5637,

représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13

janvier 2010 par Maître Alain RUKAVINA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre

des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21

janvier 2010 par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des

avocats à Luxembourg, au nom de l’association sans but lucratif SOCIÉTÉ DE TIR DE

LUXEMBOURG-CENTS a.s.b.l. ;

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Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23

janvier 2010 par Maître Alain RUKAVINA au nom de l’Etat du Grand-Duché de

Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26

février 2010 par Maître Marc THEWES au nom de l’association sans but lucratif SOCIÉTÉ

DE TIR DE LUXEMBOURG-CENTS a.s.b.l. ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26

mars 2010 par Maître Gilles DAUPHIN au nom des demandeurs ;

Vu la requête en intervention volontaire déposée le 19 avril 2010 au greffe du tribunal

administratif par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des

avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Schuttrange, établie à L-

5367 Schuttrange, 2, Place de l'Eglise, représentée par son collège des Bourgmestre et

Echevins actuellement en fonctions ;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Patrick KURDYBAN, demeurant à Luxembourg,

du 21 avril 201, portant signification de la prédite requête en intervention volontaire aux 16

demandeurs énumérés ci-avant ainsi qu’à l’association sans but lucratif SOCIÉTÉ DE TIR

DE LUXEMBOURG-CENTS a.s.b.l. ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26

avril 2010 par Maître Alain RUKAVINA au nom de l’Etat du Grand-Duché de

Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26

avril 2010 par Maître Marc THEWES au nom de l’association sans but lucratif SOCIÉTÉ DE

TIR DE LUXEMBOURG-CENTS a.s.b.l. ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12

mai 2010 par Maître Alain RUKAVINA au nom de l’Etat du Grand-Duché de

Luxembourg ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12

mai 2010 par Maître Marc THEWES au nom de l’association sans but lucratif SOCIÉTÉ DE

TIR DE LUXEMBOURG-CENTS a.s.b.l. ;

Vu les pièces versées et notamment les décisions critiquées ;

II. Vu la requête inscrite sous le numéro 26359 et déposée le 23 novembre 2009 au greffe

du tribunal administratif par Maître Gilles DAUPHIN au nom de :

1. Monsieur ..., et de 15 consorts,

tendant principalement à la réformation, subsidiairement à l’annulation d’une

décision du ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Immigration du 1er octobre 2009, n°

1/2008/0292/106, portant autorisation pour l'aménagement et l'exploitation d'un stand de tir au

lieu-dit « Bloebierg » à Senningerberg pour compte de l'association sans but lucratif

SOCIÉTÉ DE TIR DE LUXEMBOURG-CENTS a.s.b.l. ;

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Vu l'exploit de l'huissier de justice suppléant Gilles HOFFMANN, en remplacement

de l'huissier de justice Carlos CALVO, demeurant à Luxembourg, du 27 novembre 2009,

portant signification de la prédite requête à l’association sans but lucratif SOCIÉTÉ DE TIR

DE LUXEMBOURG-CENTS a.s.b.l. ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23

janvier 2010 par Maître Alain RUKAVINA au nom de l’Etat du Grand-Duché de

Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26

février 2010 par Maître Marc THEWES au nom de l’association sans but lucratif SOCIÉTÉ

DE TIR DE LUXEMBOURG-CENTS a.s.b.l. ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26

mars 2010 par Maître Gilles DAUPHIN au nom des demandeurs ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26

avril 2010 par Maître Alain RUKAVINA au nom de l’Etat du Grand-Duché de

Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26

avril 2010 par Maître Marc THEWES au nom de l’association sans but lucratif SOCIÉTÉ DE

TIR DE LUXEMBOURG-CENTS a.s.b.l. ;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Gilles DAUPHIN, Maître

Sam TANSON, en remplacement de Maître Alain RUKAVINA, Maître Benjamin

MARTHOZ, en remplacement de Maître Marc THEWES, ainsi que Maître Véronique WIOT

en remplacement de Maître Christian POINT, en leurs plaidoiries respectives à l’audience

publique du 28 juin 2010.

___________________________________________________________________________

Le 23 juillet 2008, le bureau d’ingénieurs-conseils ENERGIE & ENVIRONNEMENT

introduisit pour compte de l’association sans but lucratif SOCIÉTÉ DE TIR DE

LUXEMBOURG-CENTS a.s.b.l., ci-après « la SOCIÉTÉ DE TIR », une demande

d’autorisation d’exploitation d’un stand de tir aux armes à feu à Senningerberg, lieu-dit «

Bloebierg », au site de l'ancien zoo de Senningen, site classé par le plan d’occupation du sol

« Aéroports et environs » en tant que « zone de loisirs ».

L’enquête publique prévue par la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux

établissements classés eut lieu du 30 décembre 2008 au 13 janvier 2009 dans les communes

de Niederanven et de Schuttrange, au cours de laquelle divers opposants au projet

présentèrent leurs objections.

La commune de Niederanven émit un avis favorable le 20 janvier 2009, tandis que la

commune de Schuttrange émit le 9 février 2009 un avis négatif à l’encontre du projet.

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Le 17 juillet 2009, le ministre de l'Environnement délivra aux termes d'un arrêté n°

1/08/0292 l'autorisation d'aménager et d'exploiter un stand de tir, ladite autorisation visant

notamment l'aménagement et l'exploitation,

d'un stand de tir, dit « sociétaire », comportant :

- deux stands de tir à ciel ouvert d'une distance de tir de 25 mètres pour

pistolets et revolvers et disposant chacun de 10 couloirs de tir ;

- un stand de tir à ciel ouvert d'une distance de tir de 50 mètres pour pistolets

et fusils disposant de 10 couloirs de tir ;

- un stand de tir à ciel ouvert d'une distance de tir de 100 mètres pour fusils

disposant de 10 couloirs de tir ;

- un stand de tir couvert pour armes à air comprimé/C02 disposant de 10

couloirs de tir ;

ainsi que d'un stand de tir dit «fédéral », composé d'un stand de tir couvert pour armes

à air comprimé/C02 disposant de 2 fois 30 couloirs de tir, et d’installations connexes,

telles qu'un « Club House ».

Contre cette autorisation, Monsieur ... ainsi que 15 autres réclamants firent introduire

le 11 septembre 2009 un recours gracieux, qui fut rejeté par une décision confirmative du 9

octobre 2009 du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures.

Le ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Immigration délivra de son côté une

autorisation pour l'aménagement et l'exploitation de ce stand de tir le 1er octobre 2009 par

arrêté n° 1/2008/0292/106.

Monsieur ... ainsi que les 15 autres réclamants, ci-après « Monsieur ... et consorts »

ont fait déposer deux recours en réformation et subsidiairement en annulation au greffe du

tribunal administratif à l’encontre de ces différentes autorisations, chaque fois en date du 23

novembre 2009, à savoir un recours enrôlé sous le numéro 26358 contre la décision du 17

juillet 2009 du ministre de l'Environnement, respectivement de la décision confirmative du

9 octobre 2009 du ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures

accordant l'autorisation d'exploiter le stand de tir litigieux et un recours inscrit sous le numéro

26359 contre la décision du ministre du Travail et de l'Emploi 1er octobre 2009 accordant

l'autorisation sollicitée.

Les deux recours déférés au tribunal ont tous en fait pour objet le même établissement

et se situent par rapport à la même toile de fond, à savoir l’opposition des demandeurs au

projet litigieux, de sorte qu’il y a lieu de les joindre et d’y statuer par un seul jugement.

1. Rôle n° 25358

1.1. Quant à la recevabilité de la requête en intervention :

Il convient avant tout autre progrès en cause de vérifier la recevabilité de la requête en

intervention volontaire introduite par l’administration communale de Schuttrange, recevabilité

contestée tant par l’Etat que par la SOCIETE DE TIR au motif que le collège des bourgmestre

et échevins de la commune de Schuttrange n’aurait pas été autorisé par le conseil communal à

agir par voie d'intervention, donc seul, mais uniquement à agir en tant que co-réclamant dans

le cadre du recours introduit par les consorts ..., en s'associant dès le départ à ce recours.

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La partie étatique estime encore que l'intervention introduite après l'échange de tous

les mémoires ne constituerait en l’espèce qu'un moyen pour les demandeurs de détourner la

procédure administrative stricte et plus particulièrement le nombre de mémoires que chaque

partie est autorisée à déposer, de sorte que l’intervention volontaire de la commune de

Schuttrange devrait être déclarée irrecevable pour non-conformité à l'article 20 de la loi du 21

juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Elle considère de surcroît, à l’instar de la SOCIETE DE TIR, que l'intervention devrait

être déclarée irrecevable, au motif que la commune de Schuttrange serait forclose à agir

contre l'autorisation attaquée.

Enfin, tant la partie étatique que la SOCIETE DE TIR soulèvent le défaut d’intérêt de

la commune de Schuttrange, en donnant à considérer qu’elle serait séparée du site litigieux

par l'autoroute E44, de sorte à anéantir son intérêt à agir en l'espèce, étant donné qu'elle ne

serait pas directement limitrophe au site litigieux. Par ailleurs, l’impact sonore maximal admis

sur son territoire ne serait pas suffisant pour lui conférer un intérêt à agir, intérêt qui en tout

état de cause se confondrait avec celui des réclamants.

Il ressort de la délibération du conseil communal de la commune de Schuttrange datée

du 25 novembre 2009 que ledit conseil communal a décidé à l'unanimité « d'autoriser le

collège des bourgmestre et échevins à ester en justice en s'associant au recours contentieux

introduit par un groupe de réclamants devant le tribunal administratif contre l'arrêté n°

1/08/0292 du Ministre de l'Environnement concernant l'autorisation d'aménagement et

d'exploitation d'un stand de tir au Bloebierg à Senningerberg pour compte de la Société de tir

de Luxembourg-Cents asbl. La commune prendra en charge 50% des frais de procédure ».

Une requête en intervention volontaire, lorsqu’elle intervient en appui à une requête, peut

seulement étayer les moyens développés dans la requête principale ; en effet, par une

intervention, un intervenant ne peut ni étendre la portée de la requête, ni exposer des moyens

nouveaux1 : en d’autres termes, l’intervenant ne peut que s’associer à l’action principale.

Si la requête en intervention indique certes tendre à « l’annulation, sinon à la

réformation » des décisions entreprises dans le cadre du recours principal enrôlé sous le

numéro 26358, lequel tend cependant à la réformation et subsidiairement à l’annulation, il

résulte cependant des explications orales du litismandataire de la partie intervenante à

l’audience publique qu’il s’agit d’une erreur matérielle, la requête en intervention tendant en

fait à la réformation et subsidiairement à l’annulation, à l’instar de la requête principale : il

convient d’en donner acte à la partie intervenante.

Si, comme retenu ci-dessus, l’intervenant ne peut que s’associer à l’action principale, en

l’espèce, force est de constater que c’est précisément à ce que tend l’autorisation d’ester en

justice telle que conférée par le conseil communal au collège échevinal de la commune de

Schuttrange, à savoir de s'associer « au recours contentieux introduit par un groupe de

réclamants devant le tribunal administratif ».

Par ailleurs, à admettre que ledit mandat doive être interprété dans le sens que le conseil

communal ait entendu agir en tant que co-réclamant dans le cadre du recours introduit par les

1 M. Leroy, Contentieux administratif, 3e édition, p.566.

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consorts ..., en s'associant dès le départ à ce recours, il y a lieu de rappeler que le conseil

communal, en application de l’article 83 de la loi communale du 13 décembre 1988, ne fait

qu’autoriser, mais ne décide pas d’ester en justice2 : le choix entre l’introduction d’un recours

principal associé à celui introduit par les 16 demandeurs ou d’une requête en intervention en

appui du recours principal relève dès lors du choix du collège des bourgmestre et échevins

dans le cadre de l’autorisation lui déférée.

Le moyen d’irrecevabilité afférent n’est dès lors pas fondé.

En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 20 de la loi du 21 juin 1999

portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, il est vrai que si la

procédure administrative contentieuse a pour but de faire intervenir les parties tierces

intéressées dès le début de la procédure contentieuse, de préférence à travers la signification

leur faite de la requête introductive de première instance aux soins de la partie requérante,

plutôt que de voir postposer leur entrée3, il n’en demeure pas moins que l’article 20 précité

prévoit explicitement en son alinéa 2 la possibilité de déposer une intervention après que tous

les mémoires prévus par la procédure aient été échangés : le seul fait que la requête en

intervention volontaire ait été déposée après le dépôt du mémoire en réplique des demandeurs

mais à un stade de la procédure où les parties défenderesse et tierce-intéressée, à savoir l’Etat

et la SOCIETE DE TIR, n’avaient pas encore répliqué, ne constitue dès lors ni une illégalité,

ni a fortiori une cause d’irrecevabilité de ladite requête.

Quant au reproche selon lequel le dépôt de ladite requête constituerait un

détournement de pouvoir destiné à permettre aux réclamants - dont la commune de

Schuttrange - à déposer un mémoire supplémentaire, il y a lieu de souligner, comme relevé ci-

avant, que l’intervenant ne saurait, en tout état de cause, présenter des moyens nouveaux par

rapport au recours principal. En effet, celui qui voit, pour demander la réformation ou

l’annulation d’un acte administratif qui lui fait grief, d’autres raisons que celles qui figurent

dans une requête déjà introduite, doit lui-même attaquer cet acte par une requête distincte4, ce

que la commune de Schuttrange a omis de faire en l’espèce.

Quant à l’intérêt à agir de la commune de Schuttrange, intérêt qui lui est dénié par ses

adversaires, il y a lieu de rappeler qu’une intervention est recevable dès lors que l’intervenant

justifie d’un intérêt direct ou indirect, matériel ou moral, la jurisprudence des juridictions

civiles admettant même que le risque que le jugement à intervenir ne crée un simple préjugé

favorable comme constitutif d’un intérêt suffisant pour intervenir5, l’intérêt à intervenir étant

d’ailleurs apprécié de manière plus libérale que l’intérêt à agir, de sorte que sont recevables à

intervenir tous ceux qui n’ont pas un intérêt direct à la solution du litige, mais à l’égard

desquels le principe de cette solution peut avoir des incidences6.

Or, de ce point de vue, l’intérêt à intervenir se dégage directement de textes légaux, en

l’occurrence de l’article 10 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements

classés, qui impose l’affichage de l’avis relatif à une demande d’autorisation en matière

d’établissements classés non seulement dans la commune d’implantation de l’établissement

2 V. de Tollenaere, Nouveau commentaire de la loi communale, T. II, 1955, n° 1188. 3 Voir Cour adm. 1er février 2007, n° 21572C et 21712C, Pas. adm. 2009, V° Procédure contentieuse, n° 383. 4 M. Leroy, Contentieux administratif, op. cit.. 5 Voir Lux. 21 juin 1972, Pas. 22, p. 229. 6 Trib. adm. 22 juillet 2009, n° 24495, Pas. adm. 2009, V° Procédure contentieuse, n° 378.

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projeté, mais également dans les communes limitrophes, dont le territoire est situé dans un

rayon de 200 mètres des limites de l’établissement projeté, ainsi que de l’article 12 de la

même loi qui exige l’avis du collège échevinal « de la ou des commune(s) concernée(s) » - à

savoir de la commune d’implantation ainsi que des communes limitrophes touchées par le

périmètre visé ci-dessus, c’est-à-dire en l’espèce la commune de Schuttrange, laquelle fut

appelée, en application de ces textes, à émettre son avis relatif au projet de stand de tir

litigieux.

Or, si le législateur a estimé que ces communes limitrophes ont un intérêt suffisamment

caractérisé pour que leur avis doive être obligatoirement recueilli, elles doivent de même se

voir reconnaître un intérêt à intervenir dans le cadre de la procédure contentieuse, étant

rappelé que l’intérêt à intervenir peut être apprécié de manière plus large que l’intérêt à agir.

A ce titre, la commune de Schuttrange doit donc être considérée comme justifiant d’un

intérêt suffisant pour intervenir volontairement dans le présent litige et présenter ses moyens

en appui du recours principal.

Cependant, comme indiqué ci-avant, un intervenant ne peut ni étendre la portée de la

requête, ni exposer des moyens nouveaux : dès lors, les moyens figurant dans la requête en

intervention mais non produits par les demandeurs au principal, ne sont pas recevables : à ce

titre, il y a lieu d’écarter les moyens propres à la commune de Schuttrange, à savoir le moyen

tiré de la proximité de l’établissement litigieux avec « un certain nombre de maisons

d’habitations de la commune de Schuttrange, le nouveau campus scolaire et le Club de

Tennis », ainsi que le moyen tiré de la contrariété alléguée entre l’exploitation du stand de tir

et le règlement de police de la commune de Schuttrange.

1.2. Quant à la recevabilité du recours principal :

Le tribunal est compétent, au vœu des dispositions de l’article 19 de la loi du 10 juin

1999 relative aux établissements classés, pour statuer en tant que juge du fond en la matière,

de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner le recours en annulation, formulé à titre subsidiaire.

En ce qui concerne la recevabilité du recours principal en réformation, la partie

étatique soulève de prime abord la « nullité », sinon l’irrecevabilité du recours tel qu’introduit

par les parties … S.à r.l. et … S.c.i., au motif que le recours ne respecterait pas par rapport à

ces parties « les prescriptions du Nouveau code de procédure civile », et plus particulièrement

de l’article 153 du Nouveau code de procédure civile (« NCPC »), pour n’indiquer ni le

numéro de registre de commerce et des sociétés des personnes morales, ni leur représentant

légal.

S’il est admis que dans la mesure où le règlement de procédure applicable devant les

juridictions administratives n'y déroge pas, les prescriptions du code de procédure civile sont

à suivre en la matière, force est cependant de constater que l'article 1er de la loi du 21 juin

1999 régit de manière parallèle et exhaustive les mentions obligatoires d'une requête

introductive d'instance devant le tribunal administratif et cette disposition doit être considérée

comme spéciale et exhaustive, de manière que l'article 154 NCPC, lequel renvoie notamment

à l’article 153 NCPC invoqué par l’Etat, ne saurait trouver application devant les juridictions

administratives7.

7 Voir trib. adm. 23 décembre 2004, n° 18022, Pas. adm. 2009, V° Procédure contentieuse, n° 254.

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Il convient par ailleurs dans le cadre de la loi du 21 juin 1999 d’avoir égard à son

article 29 qui dispose que « l’inobservation des règles de procédure n’entraîne

l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux

droits de la défense ».

Or, en l’espèce, les parties demanderesses auxquelles l’irrecevabilité de leur recours

est opposée ont fourni dans le cadre de leur mémoire en réplique les indications faisant

défaut, de sorte qu’en l’absence de grief effectif porté aux droits de la défense de l’Etat, le

moyen d’irrecevabilité est en tout état de cause à écarter.

Si la SOCIÉTÉ DE TIR se rapporte à la sagesse du tribunal en ce qui concerne la

question de l’intérêt à agir des 16 demandeurs, la partie étatique, pour sa part, leur dénie tout

intérêt à agir, en contestant le fait qu’ils habiteraient tous à 750 mètres du stand de tir projeté,

mais qu’au contraire de nombreux demandeurs sembleraient habiter à une distance supérieure

à un kilomètre du site « Bloebierg » situé sur le territoire de la commune de Niederanven

prévu pour l'établissement du stand de tir litigieux, et de surcroît de l'autre côté de l'autoroute

A l qui sépare le stand de tir des communes de Schuttrange et Lenningen.

S’emparant de l'article 7 (2) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des

juridictions administratives, qui dispose que le recours contre des actes à caractère

règlementaire n’est ouvert qu'aux personnes justifiant d'une lésion ou d'un intérêt personnel,

direct, actuel et certain, l’Etat estime que les demandeurs ne justifieraient pas d'un tel intérêt.

A titre subsidiaire, l’Etat estime que le recours tel qu’introduit par Madame ..., et

Messieurs … devrait être déclaré irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, étant donné que ces

demandeurs résideraient à au moins deux kilomètres du site litigieux.

Plus particulièrement, en ce qui concerne les recours de Madame ... et de Monsieur

..., l’Etat souligne que la société anonyme … SA bénéficierait d'un droit réel sur leurs

terrains, de sorte qu'aucune construction à des fins d'habitation ne serait projetée par les

demandeurs sur ce site, qui ne disposeraient dès lors pas d'un intérêt à agir.

En tout état de cause, il donne encore à considérer que comme ces deux demandeurs

seraient en aveu qu’il aurait été prévu de longue date de déplacer le stand de tir au site du lieu-

dit « Bloebierg », ils auraient acheté les terrains en entière connaissance de cause.

En ce qui concerne le demandeur ..., l’Etat estime que comme il ne serait pas allégué

qu’il aurait acheté un terrain à proximité du site, sa demande serait manifestement dénuée

d'intérêt à agir.

A titre tout à fait subsidiaire, il estime encore que la demande de Madame ...,

résidente de la commune de Canach, devrait être déclarée irrecevable étant donné qu'elle

réside à six kilomètres de l'établissement projeté et que sa résidence ne se situe même pas

dans une commune limitrophe de la commune de Niederanven.

Les demandeurs entendent résister à ces moyens d’irrecevabilité en excipant de leur

qualité de voisins de l'établissement : à ce titre, ils affirment qu’ils seront affectés par le bruit

de l'établissement projeté.

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Ils relèvent dans ce contexte que l'établissement litigieux servira à l'exercice d'activités

de tir à ciel ouvert engendrant des nuisances sonores, et ce sept jours sur sept, y compris les

dimanches et jours fériés. Comme le stand de tir pourra être utilisé tant pour des activités

d'entraînement, que des compétitions de tir, ils craignent qu'il sera surtout utilisé les jours de

repos et les jours fériés.

Les demandeurs mettent encore en exergue le fait que le stand est projeté sur une

colline au-dessus de leurs propriétés sans qu'un obstacle quelconque puisse réduire l'impact

acoustique y généré.

Concernant plus particulièrement Madame ..., Monsieur ... et Madame ..., ces

demandeurs font préciser qu'ils ont acquis des terrains à bâtir situés près du Château de

Münsbach en décembre 2007 en vue de l'établissement de leur résidence à cet endroit.

Monsieur … pour sa part y aurait acquis un terrain en novembre 2008.

Il convient de prime abord de relever que l’article 7 (2) de la loi du 7 novembre 1996

portant organisation des juridictions administratives tel qu’invoqué par la partie étatique, n’a

en l’espèce pas vocation à s’appliquer, s’agissant d’une disposition ne s’appliquant qu’aux

recours introduits contre des actes réglementaires, et non, comme en l’espèce, contre un acte

administratif individuel. Néanmoins, en matière de recours contentieux dirigé contre un acte

administratif individuel, le demandeur doit justifier d’un intérêt personnel et direct à obtenir la

sanction de l’acte qu’il attaque.

Il convient encore à ce propos de rappeler, au vu des arguments avancés par les parties

défenderesse et tiers-défenderesse, que l’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du

droit en ce qu’il se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention,

mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les

moyens invoqués soient justifiés8, l’intérêt à agir plus particulièrement ne dépendant pas du

sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours - en l’espèce la réalité des nuisances

alléguées par les demandeurs -, dont l’analyse ne sera faite que dans le cadre de l’examen au

fond.

Si en l’espèce le tribunal constate certes que les demandeurs résident ou sont

propriétaires de terrains situés entre approximativement 750 mètres - en ce qui concerne

Monsieur … - et 2.100 mètres - en ce qui concerne Monsieur … - et que l’étude de bruit

versée en cause indique pour tous les terrains des demandeurs des valeurs de bruit inférieures

à 45 dB(A)9 - le terrain de Monsieur ... ne devant ainsi être soumis qu’à un bruit d’une valeur

globale de 40 dB(A) et celui du demandeur … de 44 dB(A)10, ce constat ne saurait être

utilement retenu par le tribunal à ce stade de son analyse afin de leur dénier tout intérêt à agir,

étant donné que les demandeurs critiquent précisément, au travers de leur recours, la

pertinence des données retenues par l’étude de bruit ainsi que ses conclusions, et estiment être

néanmoins, en dépit de ces conclusions, exposés à des nuisances auditives.

Il convient encore de relever que la qualité en vertu de laquelle les différents

demandeurs agissent en l’espèce est indifférente, à partir du moment où ils sont, à un titre ou à

un autre, voisin de l’établissement projeté : ainsi tant un propriétaire ne résidant pas sur place

qu’un occupant résidant sur place peuvent avoir intérêt à agir contre un établissement classé,

8 Voir trib. adm. prés. 27 septembre 2002, n° 15373, Pas. adm. 2009, V° Procédure contentieuse, n° 3. 9 Voir carte - annexe 3 de l’étude de bruit iB(A). 10 Voir tabelle 6 de l’étude de bruit iB(A).

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au vu de considérations différentes il est vrai, le propriétaire craignant de subir une moins-

value et l’occupant craignant une détérioration de son cadre de vie ; de même, le fait qu’un

terrain soit sujet à une servitude n’enlève pas pour autant à son propriétaire son intérêt à agir.

Quant à la notion de « proximité suffisante », celle-ci est, entre autres, fonction de

l'envergure de l'installation en cause et de l'importance des nuisances ou risques de nuisances

qui peuvent en émaner. Aussi, si en présence de nuisances alléguées d’ordre visuel, ladite

notion s’interprètera de manière plus stricte et couvrira le cas échéant une distance moindre,

en présence - comme en l’espèce - de nuisances sonores, susceptibles de porter plus loin et de

ne pas être entravées, ou du moins pas dans la même proportion, par des obstacles matériels,

contrairement à la vue, la notion de proximité est à appliquer de manière beaucoup plus

étendue.

Or, en tant que propriétaires ou occupants de terrains et immeubles situés à une

certaine distance de l’établissement projeté, les demandeurs ont un intérêt personnel direct

suffisant notamment à faire contrôler le respect de la compatibilité de l'établissement projeté

avec sa zone d'implantation par le seul fait des craintes légitimes de dégradation de la valeur

de leurs propriétés ou exploitations, respectivement de leur qualité de vie11 - la question du

bien-fondé de ces craintes relevant de l’examen au fond du recours.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’invocation par la partie étatique de la

connaissance avérée qu’auraient eue certains propriétaires, avant d’acquérir leurs terrains, du

projet d’installation d’un stand de tir au « Bloebierg ».

En effet, l'intérêt à agir est à apprécier au jour de l'introduction du recours au regard de

la situation de fait et de droit telle qu'elle s'est présentée à ce moment et sans distinction qui

serait fonction du vécu ou des attitudes antérieures des demandeurs requérants. La légalité et

le bien-fondé d'une décision administrative étant conditionnée exclusivement par la loi et, le

cas échéant, par l'appréciation des autorités publiques, le raisonnement inspiré par le

contentieux de l'indemnisation qui, par sa nature, permet au contraire une prise en compte de

l'attitude du demandeur en indemnisation, ne saurait être utilement suivi sur le terrain de

l'appréciation de l'intérêt à agir12. En d’autres termes, dans l'appréciation de l'intérêt à agir peu

importe le fait que les voisins soient venus s'installer ou aient acquis des terrains en

connaissance de cause, étant donné que l'acceptation des risques pouvant leur être imputée au

niveau civil dans le cadre d'une éventuelle demande en dommages et intérêts par eux

introduite est sans incidence directe concernant l'appréciation de leur intérêt à agir devant les

juridictions de l'ordre administratif13.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen est à

déclarer recevable au regard de l’intérêt à agir.

Il est encore recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai de la loi.

11 Voir en ce sens trib. adm. 15 décembre 2004, n° 17731, Pas. adm. 2009, V° Procédure contentieuse, n° 92. 12 Trib. adm. 30 juin 2008, n°22984, Pas. adm 2009, V° Procédure contentieuse, n° 109. 13 Voir en ce sens trib. adm. 16 décembre 2002, n° 14920 ; trib. adm. 9 juillet 2007, n° 22242, Pas. adm 2009,

V° Procédure contentieuse, n° 104, et récemment trib. adm. 10 mars 2010, n° 25763 et 25780, www. ja.etat.lu.

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1.3. Quant au fond

Les demandeurs attaquent la décision déférée pour divers motifs relevant tant de la

procédure suivie en amont et des formes à respecter en aval de la décision que du fondement

propre à la décision, motifs qui en substance peuvent être énumérés comme suit :

- l'incompétence du ministre ayant émis la décision attaquée en tant que membre

d'un gouvernement démissionnaire ;

- l'irrégularité de la procédure d'autorisation ;

- la violation de l'article 17 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux

établissements classés ;

- le non-respect de l'article 1er de la loi du 10 juin 1999 ;

- le non-respect de l'article 13 de la même loi ;

- le non-respect du règlement grand-ducal du 2 août 2006 portant application de

directive 2002/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002

relative à l'évaluation et à la gestion du bruit dans l'environnement, ainsi que du

projet de plan d'action de lutte contre le bruit de l'aéroport de Luxembourg, en

cours d'élaboration.

Il appartient d’abord au tribunal de vérifier la légalité extrinsèque de l’acte lui déféré,

avant de se livrer, par le biais de l’examen de la légalité des motifs, au contrôle de sa légalité

intrinsèque, afin le cas échéant, lorsqu’il statue comme en l’espèce en tant que juge du fond,

de substituer son appréciation à celle de l'administration et de prendre la décision qu'il

considère en tant que juge du fond comme appropriée.

a. L'incompétence du ministre ayant émis la décision attaquée en tant que membre d'un

gouvernement démissionnaire

Les demandeurs se rapportent de prime abord à prudence de justice quant à la

compétence d'un membre du gouvernement démissionnaire pour prendre l'autorisation

attaquée, et ce au motif que l'arrêté attaqué a été délivré le 17 juillet 2009, alors que le

gouvernement sortant avait démissionné vers le 8 juin 2009 et le nouveau gouvernement a été

formé le 23 juillet 2009.

Il résulte cependant de l’arrêté grand-ducal du 23 juillet 2009 accordant démission

honorable à Monsieur Lucien LUX, tel que publié au Mémorial A, n° 67, du 24 juillet 2009,

que ledit ministre ne s’est vu accorder sa démission qu’avec effet au 23 juillet 2009, donc

postérieurement à l’émission de l’autorisation déférée ; si le ministre compétent était certes

démissionnaire, il n’en était pas moins encore en fonctions.

Suivant un usage constitutionnel constant les ministres d'un gouvernement

démissionnaire après des élections législatives régulières sont appelés à s'abstenir de poser

des actes juridiques ou politiques en dehors du contrôle du Parlement nouvellement élu, pour

se limiter ainsi à la gestion des affaires courantes, à la tête de leurs départements ministériels

respectifs, en vue d'assurer la continuité dans l'évacuation quotidienne des affaires

publiques14. Or, par affaire courante, catégorie d'actes de l'expédition desquelles un

gouvernement démissionnaire demeure chargé, il faut entendre, à l'exclusion des actes de

politique générale, les actes d'administration appelés à assurer le fonctionnement normal des

14 Trib. adm 10 mai 2000, n° 11539, Pas. adm. 2009, V° Compétence, n° 10.

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départements ministériels. Parmi ces actes figurent les décisions administratives individuelles

prises dans le cadre tracé par la loi, à la suite d'une procédure administrative normale15, telle

que la décision actuellement déférée au tribunal.

Le moyen d’incompétence du ministre auteur et signataire de la décision déférée est

dès lors à rejeter.

b. L'irrégularité de la procédure d'autorisation

En premier lieu, les demandeurs font valoir que comme l'arrêté d'autorisation se

référerait en sa première page à la demande du 23 juillet 2008, ainsi qu'à des compléments

d'informations des 25 novembre 2008, 1er décembre 2008 et 10 juillet 2009, il y aurait lieu

d’en déduire que la demande d'autorisation du 23 juillet 2008 aurait été modifiée après la

tenue de l'enquête publique, sans cependant qu'une nouvelle enquête publique ait été

effectuée, ce qui serait contraire à l'article 6, avant-dernier alinéa, de la loi modifiée du 10

juin 1999.

Aux termes de l’article 6, alinéa 8 de la loi modifiée du 10 juin 1999, « Toute

modification substantielle d’un dossier de demande qui intervient au cours de l’enquête

publique ou après celle-ci, et avant que l’autorité compétente n’ait statué sur la demande,

est soumise à une nouvelle enquête publique », la notion de « modification substantielle »

étant encore précisée comme suit par l’article 2, point 7, de la même loi : « une modification

de l’établissement qui, de l’appréciation des administrations compétentes, peut avoir des

incidences négatives et/ou significatives sur les intérêts protégés par l’article 1er de la

présente loi ».

Le complément d’informations du 1er décembre 2008 portait ainsi sur le fait que le sol

de la zone du cabanon des pare-balles (zone 3) du stand de 50 m serait réalisé avec une

plaque en béton armé jusqu'à la hauteur de la toiture du cabanon, tandis que le complément

d’informations du 10 juillet 2009 avait pour objet la réduction des heures d'ouverture de 8 h

à 19 h du lundi au samedi et de 9 h à 19 h le dimanche, au lieu de l’horaire initialement

prévu, à savoir de 8h à 19 h tous les jours, dimanche inclus.

Quant au complément d’informations du 25 novembre 2008, celui-ci portait en fait

sur l’actualisation de plusieurs pages du dossier de demande, portant, outre sur des plans et

coupes, sur des explications relatives à des mesures destinées à limiter l’impact sonore.

En l’espèce, il résulte dès lors des documents fournis en cause que ces compléments

d’informations n’ont ni visé une modification substantielle de l’établissement, ni engendré

des incidences négatives et/ou significatives pour l’environnement, la seule modification de

quelque signification - la limitation des créneaux de tir - étant de surcroît favorable à

l’environnement en général et à l’environnement humain en particulier.

Il s’ensuit que les modifications apportées après l’enquête publique ne sont pas de

nature à vicier la procédure et le moyen afférent est à rejeter.

Les demandeurs s'interrogent ensuite quant au contenu des réclamations introduites

contre le projet et estiment que comme la décision déférée ne comporterait pas de précision

quant à l'identité des réclamants ou quant au nombre et au contenu des observations

15 Cour adm. 1er février 2001, n° 12294C, Pas. adm. 2009, V° Compétence, n° 10.

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présentées, les administrés n’auraient pas été à même de vérifier que leur observation a bien

été reçue par les autorités compétentes et prise en considération dans le cadre de l'instruction

du dossier, ni surtout par quelle motivation leurs moyens d'opposition ont été rejetés.

Il convient de prime abord de relever qu’il résulte de l’article 10 de la loi modifiée du

10 juin 1999 que seul le dossier de demande doit être mis à disposition du public dans le

cadre de l’enquête publique, le procès-verbal de l’enquête, renseignant l’identité des

réclamants et leurs griefs, n’intervenant, conformément à l’article 12 de la même loi,

qu’ultérieurement, à la suite de l’enquête publique.

Il convient par ailleurs de relever qu’il n'existe aucune disposition obligeant ou même

permettant au ministre d'inclure l'identité des réclamants dans l'arrêté autorisant

l'établissement classé.

Quant à l’obligation de motivation mise ainsi indirectement en avant par les parties

demanderesses, une telle obligation, inscrite à l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin

1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des

communes, n’a pas une portée générale, mais s’impose seulement aux décisions qui refusent

de faire droit à la demande de l´intéressé, révoquent ou modifient une décision antérieure,

sauf si elle intervient à la demande de l´intéressé et qu´elle y fait droit, interviennent sur

recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle ou encore interviennent après procédure

consultative, lorsqu´elle diffère de l’avis émis par l´organisme consultatif ou lorsqu´elles

accordent une dérogation à une règle générale.

Or il n’appert pas que la décision déférée s’inscrirait dans ce cadre déterminé,

l’autorisation litigieuse constituant au contraire une décision faisant droit à la demande de

son destinataire, à savoir la SOCIETE DE TIR, pour laquelle l'indication formelle des motifs

n'est pas requise, obligation à ne pas confondre avec celle relative à l’existence de motifs

légaux, cette question-là ne relevant pas de la régularité formelle d’une décision, mais de sa

légalité intrinsèque, laquelle sera discutée plus après au vu des moyens et arguments

échangés de part et d’autre, et notamment par les demandeurs, qui ont ainsi pu vérifier si, et

dans quelle mesure leurs observations ont été reçues par les autorités compétentes et le cas

échéant prises en considération dans le cadre de l'instruction du dossier, et qui ont pu prendre

connaissance par quelle motivation leurs moyens d'opposition ont été rejetés.

Enfin, il y a lieu de souligner que ce n’est pas parce que les opposants au projet n’ont

pas obtenu gain de cause que leurs observations et réclamations n’ont pas été prises en

considération par l’autorité compétente, le défaut d’un tel examen ne pouvant par ailleurs être

déduit de l’absence d’indication d’un tel examen dans la décision - indication qui n’est par

ailleurs pas formellement exigée - ou du fait que le ministre ait rejeté les réclamations en tout

ou en partie, un acte administratif individuel devant en effet bénéficier de la présomption de

légalité ainsi que de conformité par rapport aux objectifs de la loi sur base de laquelle il a été

pris, de sorte qu’il appartient à celui qui prétend subir un préjudice ou des inconvénients non

justifiés du fait de l’acte administratif en question, et qui partant souhaite le voir réformer ou

annuler en vue d’obtenir une situation de fait qui lui est plus favorable, d’établir concrètement

en quoi l’acte administratif en question viole une règle fixée par une loi ou un règlement

grand-ducal d’application16.

16 Trib. adm. 16 juillet 2003, n° 15207; Pas. adm. 2009, V° Actes administratifs, n° 96.

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Le moyen afférent est dès lors à rejeter comme étant non fondé.

Les demandeurs expriment par ailleurs des craintes quant à l'utilisation du stand pour

des besoins autres que ceux de la SOCIETE DE TIR, tels que les besoins des forces de

l'ordre.

Ils s’emparent à cet effet du fait que le stand de tir litigieux se serait vu accorder une

vocation nationale par son subventionnement dans le cadre du Plan quinquennal

d'équipement sportif, approuvé par règlement grand-ducal du 6 juillet 2009, pour supposer

que le stand servira de lieu d'exercice au tir non seulement aux quelques 79 membres de la

SOCIETE DE TIR, mais surtout aux instances fédératives nationales du sport de tir et

« certainement » aussi aux autorités policières et militaires, ainsi que d’une question

parlementaire, dont il ressortirait que ledit stand serait utilisé à la fois par les instances

fédérales, les forces de l'ordre et par des sociétés de sécurité afin d’étayer leurs craintes.

Or, ils estiment que si le stand de tir était utilisé autrement que pour les seuls besoins

de la SOCIETE DE TIR, cela lui enlèverait toute vocation récréative et ferait perdre toute

pertinence à l'étude de bruit versée dans le cadre du dossier de demande d'autorisation, basée

sur la prémisse de l'utilisation exclusive de certains types d'armes

Il convient de souligner que conformément au point II « Modalités d’application » de

l’autorisation déférée « L'établissement doit être aménagé et exploité conformément à la

demande du 23 juillet 2008, complétée le 25 novembre 2008, le 1er décembre 2008 et le 10

juillet 2009, sauf en ce qu'elle aurait de contraire aux dispositions du présent arrêté. Ainsi le

dossier de demande fait partie intégrante du présent arrêté ».

Or, il résulte dudit dossier de demande que « l’activité de l’établissement est réservée

aux tirs d’armes (entraînements et compétitions) et à la rencontre des membres de

l’association (stand sociétaire) ou de la fédération (stand fédéral) », ladite demande

précisant encore que le stand sociétaire sera exclusivement réservé aux membres de

l’association, qui pourront y utiliser des armes courtes (pistolets et révolvers) ou des armes

longues (fusils), tandis que la salle de tir du stand fédéral sera réservée aux tirs à air

comprimé (CO2), seuls les membres des associations affiliées à la fédération pouvant utiliser

cette partie de l’établissement.

Il s’ensuit que si les membres individuels des forces de l’ordre et de l’armée peuvent

a priori utiliser des armes à feu à titre privé sur le stand de tir sociétaire en tant que membres

de l’association, l’usage d’armes à feu est en tout état de cause interdit sur le stand fédéral :

en d’autres termes, l’usage du stand de tir en tant que site d’entraînement des force de l’ordre

et de l’armée est interdit, puisque le seul stand permettant l’usage d’armes à feu est réservé

aux membres de la SOCIETE DE TIR et le stand fédéral, ouvert à un plus large public, ne

permet que l’utilisation d’armes à air comprimé (CO2), et partant pas l’usage d’armes

professionnelles de police ou de guerre.

Cette conclusion est d’ailleurs corroborée par les explications du litismandataire de

l’Etat selon lesquelles « il n’a jamais été question d’y faire s’entraîner la police ou l’armée ».

Il convient finalement de souligner que ledit stand ne saurait en tout état de cause être

utilisé par les forces de l’ordre ou par l’armée, ledit stand s’inscrivant encore, du fait de son

ancrage géographique, en une « zone de loisirs » - choix dont le bien-fondé sera analysé ci-

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après - de sorte à exclure toute affectation d’ordre professionnel.

Les demandeurs finalement font plaider que le dossier de demande aurait été

incomplet, au motif que l'étude de bruit jointe au dossier se fonderait sur une puissance

maximale de feu de projectile de 3.500 joules, et retiendrait une fréquence maximale de 940

tirs par heure, alors que l'autorisation se réfèrerait respectivement à un maximum de 7000

joules et une fréquence maximale de 1800 tirs par heure.

Ils relèvent encore que l’étude de bruit n'aurait pas pris en considération les sources de

bruit déjà existantes et n'aurait pas calculé l'impact global du bruit, tout comme les directions

du vent n'auraient pas été prises en considération ; par ailleurs, il semblerait que ladite étude

de bruit n’aurait tenu compte que du « Mündungsknall » et non du « Geschossknall », de

sorte qu’il y aurait lieu de douter de l’absence de fiabilité de l'étude de bruit pour mesurer

l'impact réel des nuisances, doutes qui auraient également été partagés par le ministre des

Sports dans un courrier daté du 20 mars 2009.

Les demandeurs en déduisent que l’étude de bruit ne serait donc pas de nature à

garantir que les nuisances de bruit ne seront pas substantielles et que les mesures prises seront

effectivement de nature à protéger les intérêts des riverains, de sorte que ladite étude ne

saurait être considérée comme suffisamment complète et étayée pour apprécier l'impact du

bruit.

Ce moyen, en dépit de sa présentation par les demandeurs comme relevant de la

régularité de la procédure, relève cependant de la question du bien-fondé de la décision et

sera traitée ci-après par le tribunal dans le cadre de l’examen de l’existence de nuisances

acoustiques.

c. Le non-respect de l'article 17 de la loi du 10 juin 1999

1. Les demandeurs, dans ce contexte, ayant constaté que le terrain choisi pour accueillir

l’établissement litigieux est couvert par le règlement grand-ducal du 17 mai 2006 déclarant

obligatoire le plan d'occupation du sol « Aéroport et environs » et s'y trouve classé au plan

d'occupation du sol comme « zone de loisirs », estiment, sur base de la définition légale des

plans d’occupation du sol (« POS ») que le texte définissant la « zone de loisirs » ne

répondrait pas aux exigences de précision requises par la loi afférente, étant donné qu’il serait

trop vague et permettrait, de par son imprécision, d’accueillir des activités aussi différentes

qu’un terrain de jeu pour enfants, un terrain de football ou encore un camping.

Ils affirment encore que comme le classement actuel du terrain serait dû à la volonté

exprimée par le conseil communal de Niederanven d'y délocaliser le stand de tir de

Senningerberg-Gromscheed, le classement du terrain aurait dès lors dû préciser l'affectation

exacte envisagée pour ce terrain, ce qui aurait permis aux administrés de faire valoir leurs

droits en pleine connaissance de cause contre un tel classement.

Or, en l’espèce, les administrés auraient été induits en erreur par un classement en

zone de loisirs qui ne permettrait pas de douter qu'une activité telle qu'un stand de tir y serait

implantée et ils n'auraient pas été en mesure de faire valoir leurs droits au moment de la

procédure d'adoption du POS.

De ce fait, les demandeurs soulèvent dès lors l'exception d'illégalité sur base de

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l’article 95 de la Constitution en estimant que le texte de l'article 11 du POS « Aéroport et

environs » ne répondrait pas aux exigences de précision et de détail requises par la loi.

Aux termes de l’article 95 de la Constitution, les cours et tribunaux n’appliquent les

arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois. Il s’en suit

qu’il appartient au tribunal d’examiner si la mesure réglementaire invoquée à la base d’une

décision litigieuse est, ou n’est pas, contraire à la loi.

Aux termes de l’article 17 point 2) de la loi modifiée du 10 juin 1999 : « Dans le cas

où l'établissement est projeté dans des immeubles existants et dont la construction a été

dûment autorisée, les autorisations requises en vertu de la présente loi ne pourront être

délivrées que lorsque l'établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins en

conformité avec la loi du 12 juin 1937 concernant l'aménagement des villes et autres

agglomérations importantes ou avec un plan d'aménagement établi en exécution de la loi du

20 mars 1974 concernant l'aménagement général du territoire [depuis lors remplacée par la

loi du 21 mai 1999 concernant l’aménagement du territoire] ou avec la loi modifiée du 11

août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles. Il en est de

même lorsque l'établissement est projeté dans un immeuble à construire. »

En l’espèce, comme indiqué ci-avant, le terrain devant accueillir le stand de tir

litigieux est classé par le POS « Aéroport et environs » pris en application de la loi du 21 mai

1999 concernant l’aménagement du territoire en « Zone de loisirs (ZL) », définie comme suit:

« Les zones de loisirs sont réservées aux équipements récréatifs et touristiques ainsi qu'aux

équipements de séjours exclusivement et strictement destinées à l'habitation temporaire aux

fins de loisirs et de détente. »

S’il est vrai que la loi du 21 mai 1999 concernant l'aménagement du territoire définit

le POS en son article 11 comme « un plan d'aménagement qui porte sur des parcelles

cadastrales constituant une aire déterminée à aménager en lui conférant une affectation

précise et détaillée (….) », cette exigence de précision n’est pas à appliquer de manière

autonome, mais doit être lue dans le contexte de ladite loi, qui prévoit divers instruments

d’aménagement du territoire hiérarchisés et d’une précision s’affinant d’instrument en

instrument.

Ladite exigence de précision est ainsi à opposer au degré de détail fondamentalement

moindre que revêt un plan directeur régional ou sectoriel, qui opèrent à un niveau régional ou

sectoriel en y indiquant, à ces niveaux, les options d’aménagement et de développement,

tandis que le POS porte sur des parcelles cadastrales précises et peut, contrairement aux deux

instruments hiérarchiquement supérieurs, y imposer des charges et servitudes grevant les

propriétés, de sorte que l’aire à aménager et l’affectation de cette aire doivent être précisées

au niveau des parcelles cadastrales17.

Il convient par ailleurs de souligner que le POS se situe au même niveau de détail et

de précision que les plans d’aménagements communaux, le POS étant de ce point de vue le

pendant étatique de ces plans communaux, si ce n’est qu’il reflète les intérêts nationaux là où

les plans d’aménagements communaux ne traduisent que des intérêts locaux : il ne saurait dès

lors être exigé d’un POS un degré de détail supérieur à celui d’un PAG ou d’un PAP tels que

prévus sous l’empire de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres

17 Voir Projet de loi n° 3739 portant révision de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du

territoire, exposé des motifs, ad. article 14.

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agglomérations importantes.

De ce point de vue, la définition de la zone de loisirs telle que figurant au POS

« Aéroport et environs » - par ailleurs inspirée directement de la législation belge, en

l’occurrence l’article 16 de l’arrêté royal du 28 décembre 1972, et reprise par le règlement

grand-ducal du 25 octobre 2004 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une

commune - présente un degré de précision suffisant, permettant aux propriétaires concernés

de prendre connaissance du contenu et de l’étendue des charges et servitudes grevant le cas

échéant leurs terrains.

Quant à l’affirmation que les administrés n’auraient pas pu se prémunir contre

l’affectation réelle du site, ce moyen, outre de ne pas relever d’une exception d’illégalité, est

encore à rejeter, étant donné que la prise en compte des intérêts et des réclamations des

administrés contre une activité particulière ne s’effectue pas au niveau du POS, mais, au

niveau de l’autorisation d’exploitation, à savoir dans le cadre de la loi modifiée du 10 juin

1999 relative aux établissements classés, ce que les demandeurs n’ont d’ailleurs pas omis de

faire, puisqu’ils ont introduit le recours actuellement sous analyse.

2. Les demandeurs affirment encore que le terrain destiné à accueillir l’exploitation

litigieuse aurait initialement été classée par le POS en « zone d'espace vert », interdite à toute

construction, et destinée à jouer le rôle d'écran séparatif autour de la zone d'aéroport, mais

que cette affectation aurait été changée sur intervention de la commune de Niederanven qui

souhaitait y délocaliser le stand de tir.

Si la commune de Niederanven avait sollicité le reclassement dudit terrain en zone

rurale soumis à la réglementation des bâtisses communale, il n’aurait cependant pas été fait

droit à cette demande, l’Etat reclassant le terrain en zone de loisirs.

S’emparant de l'article 13 de la loi du 21 mai 1999 concernant l’aménagement du

territoire, les demandeurs relèvent, d’une part, qu’il n'est pas prévu que le conseil communal

puisse solliciter de sa propre initiative des reclassements ponctuels de terrains et, d’autre part,

qu’il ne ressortirait d'aucun document que le gouvernement ait délibéré de la demande de

modification du classement du terrain et pour quels motifs le reclassement a pu être considéré

comme compatible avec les buts poursuivis par le POS. Dans ce contexte, ils estiment que le

classement en zone d'espace vert, tel que prévu initialement, destiné à jouer un rôle d'écran

séparatif autour de cette zone d'aéroport, se serait parfaitement justifié, puisque l'un des

objectifs du POS « Aéroport et environs » est de contribuer à réduire les nuisances résultant

du bruit dégagé par les activités aéroportuaires en y adaptant le cadre urbanistique : dès lors,

le reclassement en « zone de loisirs » irait à l'encontre de ce but en accroissant et en

multipliant les nuisances sonores, tout en réduisant les surfaces consacrées à l'écran séparatif

en en étant de surcroît sans lien avec le développement de l'aéroport et de son activité

économique, ni avec la réalisation de voies de communication, ni avec une gestion de

l'urbanisme visant à limiter l'exposition aux nuisances sonores.

Ils en concluent que la modification du classement du terrain intervenue dans de telles

conditions en cours de procédure, ne serait ni conforme à la procédure d'adoption d'un POS,

ni aux objectifs poursuivis par le POS en question et ils soulèvent dès lors l'exception

d'illégalité sur base de l'article 95 de la Constitution en estimant que la procédure et le

classement en « zone de loisirs », plutôt qu'en zone d'espace vert, ne répondent pas aux

exigences et aux buts poursuivis.

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Il résulte de l’avis du conseil communal de Niederanven du 24 octobre 2003, d’une

part, que le projet de règlement grand-ducal concernant le POS « Aéroport et environs » tel

que soumis aux conseils communaux concernés et au public en application de l’article 13 de

la loi du 21 mai 1999 concernant l’aménagement du territoire prévoyait effectivement

initialement le classement du site au « Bloebierg » en zone d’espace vert et, d’autre part, que

le conseil communal de Niederanven sollicita effectivement le reclassement des terrains visés

en « zone rurale soumise à réglementation des bâtisses communales ».

Ce double constat ne saurait cependant aboutir à sanctionner d’illégalité le POS en

question. En effet, l’article 13 de la loi du 21 mai 1999 précitée, outre de prévoir la tenue

d’une enquête publique, charge encore le collège des bourgmestre et échevins de recueillir les

observations des intéressés ainsi que le conseil communal d’émettre un avis « au sujet de ces

observations » et « au sujet de l'ensemble du projet ».

Il s’ensuit que le conseil communal n’est pas seulement appelé à émettre son opinion

quant aux réclamations présentées par des administrés, mais également d’émettre son opinion

en tant que conseil communal sur l’ensemble du projet : que le conseil communal formule dès

lors à cette occasion une demande de reclassement basée sur un problème local - en

l’occurrence la nécessité de localiser le stand de tir - n’est pas contraire ni au texte de la loi,

ni à son esprit ; en effet, le conseil communal, appelé à émettre un avis, doit nécessairement

arrêter sa position et en tirer des conclusions qui inévitablement iront soit dans le sens d’un

rejet de tout ou de partie du projet, soit dans le sens d’un accord partiel ou global, soit enfin

dans la demande ou suggestion d’une modification ou adaptation du projet. Il convient en

particulier de souligner qu’une telle demande reste strictement circonscrite par le cadre dans

lequel elle a été émise, à savoir dans le cadre d’un avis consultatif : il ne s’agit dès lors pas

d’une demande au sens juridique du terme, qui nécessiterait obligatoirement une réponse sous

forme d’une décision, faute de quoi le silence de l’autorité compétente devrait être considéré

comme refus implicite.

Bien au contraire, l’autorité compétente reste libre de son appréciation et n’est pas

tenue de faire droit à ladite demande, au même titre qu’elle n’est pas tenue de faire droit à

toutes les observations et réclamations lui présentées par des administrés.

Si en l’espèce l’autorité a néanmoins fait droit à ladite demande, tout en ne procédant

pas au reclassement en « zone rurale soumise à réglementation des bâtisses communales »

tel que sollicité, ledit reclassement n’en a pas moins été fait en conformité avec les objectifs

poursuivis par le POS.

S’il est indéniable que le reclassement, destiné à permettre l’installation d’un stand de

tir, ce qui aurait été impossible sous l’affectation initiale de « zone verte » ou celle sollicitée

de « zone rurale », est sans lien avec le développement de l'aéroport et de son activité

économique, ni avec la réalisation de voies de communication, il est en revanche directement

lié à l’autre but poursuivi par le POS qui est de gérer l’urbanisme autour de l’aéroport, tout en

veillant à reprendre dans la mesure du possible les zonages actuels des PAG des communes

concernés.

Or, éloigner une installation susceptible d’engendre des nuisance sonores implantée à

proximité d’habitations afin de l’installer à distance des habitations et près d’une autre source

de nuisances majeures - l’aéroport - peut être considéré comme un choix politique rencontrant

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les objectifs du POS, dans la mesure où ce faisant la délocalisation du stand de tir non

seulement diminue l’impact acoustique direct sur les habitations qui jusque-là étaient

exposées en tant voisins directs aux nuisances, mais permet encore, en libérant du terrain sis

dans le périmètre d’agglomération de la commune de Niederanven, d’éviter dans cette mesure

l’urbanisation de terrains sis plus près de l’aéroport.

Quant au choix d’une « zone de loisirs », celle-ci s’explique par le choix politique des

auteurs du POS de reprendre les zonages actuels des PAG des communes concernées sans

procéder à des reclassements de zones existantes mais non encore construites : de la sorte, la

« zone de loisirs », qui permet la construction d’équipements récréatifs et touristiques ainsi

que d’équipements de séjours exclusivement et strictement destinés à l’habitation temporaire

aux fins de loisirs et de détente, reprend, en la généralisant, l’affectation récréative de la zone

de zoo, sachant par ailleurs que ledit zoo n’existe plus.

Enfin, il y a lieu de souligner que même si le reclassement devait être considéré

comme contraire aux objectifs du POS - argument que le tribunal vient de rejeter -, une telle

contrariété ne saurait en tout état de cause fonder une exception d’illégalité au sens de

l’article 95 de la Constitution. En effet, comme rappelé ci-avant, aux termes de l’article 95 de

la Constitution, les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et

locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois. Or, la contrariété alléguée ne relèverait en

l’espèce pas d’une non-conformité du POS par rapport à une disposition légale, mais tout au

plus d’une contradiction interne affectant un même règlement grand-ducal.

Le moyen afférent est dès lors à rejeter en son intégralité comme étant non fondé.

3. Monsieur ... et consorts font ensuite valoir qu'un stand de tir ne serait pas conforme à

l'affectation « zone de loisirs ». En effet, ils estiment que comme le stand de tir se serait vu

accorder une vocation nationale, il ne servirait non seulement aux instances fédérales, mais

aussi certainement aux autorités policières et militaires, de sorte à lui enlever toute vocation

récréative.

Le stand de tir litigieux ne serait en outre pas conforme à cette affectation, car celle-ci

serait exclusivement réservée aux équipements « récréatifs et touristiques », condition

cumulative non donnée en l’espèce, puisque le stand de tir ne rentrerait pas dans la définition

d'un équipement touristique, le tourisme impliquant en effet le déplacement d'une personne

en-dehors de son environnement habituel en vue d'un dépaysement avec un séjour minimum,

généralement d'une nuit sur place.

Il convient de prime abord de souligner que si l’usage du stand de tir par les forces de

police et par l’armée à titre professionnel ne serait effectivement pas conforme avec

l’affectation retenue du site en tant que « zone de loisirs », le tribunal a cependant été amené à

constater et à retenir ci-avant qu’un tel usage était en tout état de cause prohibé par

l’autorisation ministérielle déférée, de sorte que cet argument est à écarter.

Quant à l’affirmation que la définition de la « zone de loisirs » comporterait une

condition cumulative relative aux équipements y admis, à savoir l’exigence que ces

équipements soient et de nature récréative et de nature touristique, s’il est vrai que l’article 11

du POS réserve les zones de loisirs « aux équipements récréatifs et touristiques », il convient

cependant de rappeler qu’une réglementation d'urbanisme tend à encadrer l'usage du droit de

propriété, lequel doit non seulement se trouver constitutionnellement garanti (article 16), mais

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jouit encore de la protection conférée par l'article 1er du Protocole additionnel à la Convention

de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors dans la mesure où

les dispositions d'une réglementation d'urbanisme limitent l'usage du droit de propriété, elles

sont d'interprétation stricte18, une interprétation stricte voire restrictive d'un texte juridique

signifiant que l'attitude que doit adopter l'interprète du texte doit aller dans le sens d'une

restriction de sa portée, par opposition à une interprétation large voire extensive, c'est-à-dire

allant dans le sens d'un élargissement de sa portée. L'interprétation stricte n'implique pas

qu'un concept utilisé par le législateur ne puisse être interprété de façon raisonnablement

large19.

L’article 11 en question imposant une limitation à l'usage du droit de propriété des

parcelles comprises dans une telle « zone de loisirs », ladite limitation est à interpréter de

manière restrictive, c’est-à-dire dans le sens d’une restriction de sa portée.

Aussi, ledit article ne doit pas être interprété dans le sens que la zone en question serait

réservée aux équipements qui seraient cumulativement de nature récréative et de nature

touristique, interprétation qui aurait pour effet de limiter la constructibilité de cette zone de

manière excessive et de s’inscrire en porte-à-faux avec tant l’intitulé que le restant de cet

article, qui s’inscrit dans le contexte plus large des loisirs et de la détente, mais il doit être

considéré comme permettant d’une manière générale l’installation d’équipements récréatifs et

d’équipements touristiques, dont des équipements de séjours exclusivement et strictement

destinées à l'habitation temporaire aux fins de loisirs et de détente.

Or, de ce point de vue, un stand de tir à vocation sportive - ledit stand étant en effet

réservé à la SOCIETE DE TIR ainsi qu’à la Fédération Luxembourgeoise des Armes

Sportives de Chasse F.L.T.A.S.C. et aux sociétés y associées - s’inscrit indéniablement dans

le cadre ci-avant tracé, un tel stand devant être considéré ayant comme un caractère récréatif.

4. Les demandeurs font encore plaider que le stand de tir ne serait pas conforme aux

prescriptions du plan d'aménagement général (« PAG ») de la commune de Niederanven, qui

classerait le terrain en « zone rurale » respectivement dans une zone spéciale appelée «zoo

de Senningen », et, en outre, en zone de protection de l'autoroute comportant une interdiction

absolue de construire.

Or, ils estiment que selon l'article 19 de la loi du 21 mai 1999 concernant

l'aménagement du territoire, le POS ne remplacerait pas purement et simplement les plans

d'aménagement communaux, mais qu’il conviendrait de vérifier si le PAG de la commune

est incompatible avec le POS, et, dans le cas contraire, il conviendrait d'appliquer ces

différents instruments de manière cumulative.

Les dispositions du PAG en ce qu'elles concernent la zone du « zoo de Senningen »

n’étant selon les demandeurs pas incompatibles avec le POS, de sorte que ces dispositions

resteraient d'application : or en l’espèce, comme le projet de stand de tir ne rentrerait pas

dans les affectations permises dans la zone du zoo de Senningen, le projet litigieux aurait

été autorisé en violation de l’article 17 de la loi modifiée du 10 juin 1999.

Si les demandeurs font plaider qu’il conviendrait en l’espèce d’appliquer

18 Voir Cour adm. 26 janvier 2006, n° 20285C, Pas. adm. 2009, V° Urbanisme, n° 18. 19 Trib. adm. 11 juillet 2002, n° 14307, Pas. adm. 2009, Lois et règlements, n° 79.

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conjointement les dispositions du POS et celles du PAG, qui, en ce qui concerne le site du

« Bloebierg » ne seraient pas incompatibles avec celle du POS, force est cependant de

constater que le PAG de Niederanven a imposé une servitude non aedificandi totale sinon

relative sur cette zone, que ce soit dans le cadre de la zone de protection de l'autoroute

comportant une interdiction absolue de construire sur une bande de 200 m des deux côtés

de l'autoroute ou dans le cadre de la zone spéciale appelée « zoo de Senningen », définie

comme suit : « Le Zoo de Senningen est soumis à l'obligation d'être couvert par un plan

d'aménagement particulier ; celui-ci fixera dans le détail l'implantation et le volume des

constructions, leurs aspects, ainsi que les matériaux à employer. Jusqu'au vote de ce plan

par le Conseil communal toute nouvelle construction, ainsi que toute transformation et

tout agrandissement des constructions existantes sont interdits ».

En effet, en ce qui concerne plus particulièrement la zone de zoo, force est de

constater que ladite zone ne permet, sous des conditions strictes, que l’installation d’un zoo

- qui n’existe plus depuis des années - et qu’à défaut d’une telle affectation, toute autre

construction y est interdite, interdiction qui va à l’encontre de l’affectation plus large de la

zone de loisirs telle que prévue par le POS.

Or, aux termes de l’article 19 de la loi du 21 mai 199 concernant l’aménagement du

territoire, un POS déclaré obligatoire en vertu de cette loi modifie « de plein droit les plans

ou projets d'aménagement communaux dans la mesure où ces derniers sont

incompatibles » avec le POS.

En l’espèce, si un zoo - en tant qu’activité - est certes compatible avec l’affectation

retenue au niveau du POS, la « zone de zoo », en tant que zonage réglementaire retenu par

le PAG, n’est pas compatible avec le zonage du POS : or, le plan de la commune doit être

conforme au plan du gouvernement, car en cas de divergences entre un plan

gouvernemental et un projet communal, il est évident que l’intérêt national doit primer

l’intérêt local20 ; dès lors, le PAG communal est automatiquement modifié en ce point par

le PAG, et la « zone de zoo » telle que prévue au PAG est remplacée automatiquement par

la « zone de loisirs ».

Cette conclusion n’est pas énervée par le renvoi fait par les demandeurs à l’article 5

du POS qui prévoit que les communes gardent le pouvoir de déterminer par le biais de leur

PAG et leur règlement sur les bâtisses la densité des zones prévues à l'article 3 - dont

partant la zone de loisirs -, les prescriptions dimensionnelles « ou autres éléments plus

restrictifs », cet article ne constituant en effet que la conséquence de la (im)précision

relative du POS telle que constatée et avalisée ci-avant, à savoir la volonté du

gouvernement, au-delà de la fixation par voie de règlement grand-ducal de l’affectation de

parties déterminées du territoire, de délaisser la précision des règles dimensionnelles et

techniques aux communes dans le respect de l’autonomie communale consacrée par

l’article 107 de la Constitution. En d’autres termes, si le pouvoir exécutif fixe au vu de

l’intérêt national l’affectation d’un terrain précis, il abandonne au pouvoir communal le

soin d’en régler l’application et les détails au niveau urbanistique - l’urbanisme relevant de

la sphère de compétence communale - sans que le pouvoir communal ne soit cependant

habilité de restreindre l’affectation, le propre de l’autonomie communale - contrairement à

l’indépendance - étant de se mouvoir dans un cadre tracé au niveau national.

20 Voir Projet de loi n° 1427 concernant l’aménagement général du territoire, commentaire des articles, p.1214,

par rapport à l’article 15, qui sera ultérieurement repris en tant qu’article 19 par la loi du 21 mai 1999

concernant l'aménagement du territoire

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Le moyen afférent est dès lors à rejeter en son intégralité comme étant non fondé.

5. Enfin, à titre tout à fait subsidiaire, les demandeurs estiment que le stand de tir aurait

dû être implanté en zone de récréation, et non en zone de loisirs, puisque celle-ci inclurait

nécessairement des équipements de séjour, destinés à des moments de détente, inconcevables

à proximité d'un stand de tir.

L’article article 12 du POS définit la « Zone de récréation » comme suit : « Les zones

de récréation sont réservées aux équipements récréatifs et touristiques à l'exclusion de tout

équipement de séjour ».

C’est à bon droit que la partie étatique rétorque, eu égard à l’argumentation des

demandeurs, que si la zone de loisirs permet certes l'implantation d'équipements destinés au

moments de détente, elle ne l'impose évidemment pas. D'autre part, il convient de souligner

que la définition du zonage a pour but de définir théoriquement les activités y admises, mais

non de déterminer, concrètement, la compatibilité entre plusieurs activités admises, pareille

détermination relevant, le cas échéant, de la législation relative aux établissements classés.

En d’autres termes et comme retenu ci-avant, la « zone de loisirs » telle que retenue

pour le site du « Bloebierg » y admet l’installation d’un stand de tir ainsi, que sous certaines

conditions, des équipements pour l'habitation temporaire aux fins de loisirs et de détente.

Seul ce constat est d’importance en ce qui concerne l’application de l’article 17 de la

loi modifiée du 10 juin 1999 précitée, qui, pour rappel, impose la vérification de la

compatibilité théorique entre une activité projetée et le zonage devant l’accueillir ; que

l’activité réelle du stand de tir empêche ensuite l’installation d’équipements de séjour « aux

fins de loisirs et de détente » ne relève pas cette question, mais, éventuellement, de la

question au fond des incidences de l’activité de tir sur des équipements de séjour existants,

voire projetés, question non soumise au tribunal.

Enfin, c’est encore à bon droit que la partie étatique relève qu’au-delà de ces

considérations théoriques, l’installation projetée comporte bien, en sus des installations

techniques propres au tir, un club house destiné à accueillir environ 100 personnes avec

installations sanitaires et cuisine, constituant un équipement de séjour temporaire aux fins de

loisirs et de détente, de sorte que seule la zone de loisirs était susceptible d’accueillir un tel

projet, contrairement à la zone de récréation, qui exclut tout équipement de séjour. Le moyen est partant à déclarer non fondé. d. Le non-respect de l'article 1er de la loi 10 juin 1999

Les demandeurs font également valoir que le projet de stand de tir heurterait l'article

1er de la loi modifiée 10 juin 1999 en ce qu'il viserait simplement à délocaliser une source de

nuisances sans s'attacher à prévenir et réduire les nuisances.

Dans ce contexte, ils précisent que si apparemment à un moment donné, il aurait été

question de réaliser un stand de tir souterrain, cette méthode de prévention, sinon de

réduction des nuisances et des risques aurait été ensuite abandonnée, ce qui serait contraire à

l'article 1er de la loi modifiée 10 juin 1999.

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L'article 1er de la loi modifiée 10 juin 1999 en question dispose que les objectifs de la

loi sont : « réaliser la prévention et la réduction intégrées des pollutions en provenance des

établissements ; protéger la sécurité, la salubrité ou la commodité par rapport au public, au

voisinage ou au personnel des établissements, la santé et la sécurité des travailleurs au

travail ainsi que l’environnement humain et naturel ; promouvoir un développement

durable ».

Il convient de prime abord de relever que la prévention et la réduction intégrées des

pollutions, protection de la sécurité, de la salubrité et de la commodité, de la santé et de la

sécurité des travailleurs ainsi que de l’environnement humain et naturel et la promotion du

développement durable sont des objectifs de la loi sur les établissements classés, mais non des

critères auquel chaque installation, considérée isolément, doit répondre pour pouvoir être

autorisée21.

Il convient ensuite, à l’instar de la partie étatique et de la partie tierce-intéressée, de

retenir qu’en l’espèce, l’objectif de prévention, sinon de réduction des nuisances et des

risques, a bien été respecté par la délocalisation du stand de tir d'une zone résidentielle vers

une zone plus isolée.

Partant, le moyen n'est pas fondé.

e. Non-respect de l'article 13 de la loi du 10 juin 1999

Les demandeurs s’emparent pareillement de l'article 13 de la loi modifiée du 10 juin

1999 pour soutenir que compte-tenu des nuisances sonores engendrées par l'exploitation d'un

stand de tir, une installation non fermée et non insonorisée destinée à recevoir des exercices

de tir avec armes à feu en plein air ne saurait être considérée comme étant la meilleure

technique disponible ; ils citent par ailleurs diverses des installations couvertes existant dans

les environs pour soutenir que pareille installation serait économiquement viable.

Par ailleurs, les demandeurs se prévalent de réserves et d’exigences émises par la

Direction de l'Aviation Civile pour soutenir que le stand de tir, compte tenu de sa proximité

par rapport à l’aéroport, présenterait un risque pour la sécurité qui devrait entraîner son

interdiction pure et simple ; si la Direction de l'Aviation Civile semblerait certes avoir retiré

ses réserves au cours d’une réunion de concertation, les demandeurs critiquent cependant la

tenue même d’une telle réunion, à laquelle ils n’auraient été pas conviés, tout comme les

compagnies aériennes et associations professionnelles ne sembleraient pas non plus en avoir

été informées et entendues en leurs explications.

En ce qui concerne les risques de sécurité allégués, il y a lieu de rappeler qu’en vertu

de l’article 13, alinéa 4 de la loi modifiée du 10 juin 1999, de telles considérations relèvent de

la seule compétence du ministre ayant dans ses attributions le travail, de sorte à être

étrangères à la décision déférée sous le rôle sous analyse au tribunal et qui émane du seul

ministre ayant l’Environnement dans ses attributions.

21 En ce sens : Trib adm. 5 décembre 2001, n° 12911, Pas. adm 2009, V° Etablissements classés, n° 75 ; voir

aussi trib. adm. 10 mars 2010, n° 25763 et 25780, www.ja.etat.lu.

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Quant à la question des nuisances sonores et des techniques à mettre en place afin d’y

pallier, cette question exige, avant d’aborder l’examen de la meilleure technique disponible,

l’examen de l’existence effective de nuisances, examen qui s’étend tant à l’autorisation

déférée qu’à l’étude de bruit gisant à sa base, et ce au vu des arguments et moyens des

demandeurs indiqués ci-avant sous b).

Pour rappel, les demandeurs critiquent l'étude de bruit jointe au dossier pour se baser

sur une puissance maximale de feu de projectile de 3.500 joules et sur une fréquence

maximale de 940 tirs par heure, alors que l'autorisation se réfèrerait respectivement à un

maximum de 7000 joules et une fréquence maximale de 1800 tirs par heure. Ils estiment

encore que l’étude de bruit n'aurait pas pris en considération les sources de bruit déjà

existantes et n'aurait pas calculé l'impact global du bruit, tout comme les directions du vent

n'auraient pas été prises en considération ; par ailleurs, il semblerait que ladite étude de bruit

n’aurait tenu compte que du « Mündungsknall » et non du « Geschossknall ».

Le tribunal est de prime abord amené à constater, en ce qui concerne le caractère

incomplet allégué de l’étude de bruit que celle-ci ne repose pas exclusivement sur une

puissance maximale de 3.500 joules telle qu’alléguée, mais sur une puissance maximale de

feu de 7000 joules22 correspondant à l'impact acoustique maximal d'un seul coup de tir sur les

alentours1 immédiats, puissance maximale d’ailleurs reprise au niveau de l’autorisation

déférée23.

Par ailleurs, elle ne repose pas non plus sur une fréquence maximale de 940 tirs par

heure, mais se base sur un nombre maximal global - c’est-à-dire tous les stands de tirs

confondus - de 1800 tirs par heure24, également repris par l’autorisation déférée25.

Il convient encore de constater que la décision litigieuse ne fixe pas le nombre

maximal de tirs autorisés endéans une heure, mais détermine l'impact maximal acoustique

autorisé auprès de la zone d'habitation la plus exposée, et ce peu importe le nombre de tirs, à

savoir 45 dB (A).

Il résulte encore de l'étude de bruit, et plus particulièrement de ses points 4.2.1.

«Sonstige Geräuschquellen » et 5.1 « Immisionsorte » que si elle a fait abstraction des autres

sources de bruit générées par l’établissement projeté - à savoir, comme expliqué par la partie

étatique et la SOCIETE DE TIR - les sources mobiles, c’est-à-dire les manœuvres de voitures

sur le parking, ainsi que les sources fixes, c’est-à-dire les bouches d'aération (ventilation) et

la cheminée de la chaudière à gaz -, en considérant que ces émissions sonores sont

négligeables par comparaison avec les émissions sonores de l’activité de tir, elle a cependant,

et contrairement aux critiques des demandeurs, pris en compte pour chaque point

d’immission les sources de bruit déjà existantes, et en particulier les émissions sonores de

l’autoroute et de l’aéroport, voire celles du chemin de fer.

Au-delà de cette prise en compte au niveau des points d’immission, c’est à juste titre

que la SOCIETE DE TIR rappelle que le but de la simulation effectuée n'est pas de

déterminer le niveau de bruit global aux différents points d'immission, mais bien de

déterminer l'impact du stand de tir projeté, le ministre n’étant appelé dans le cadre de la loi

22 Etude iB(A), p.16. 23 2e considérant 24 Etude iB(A), tableau 3, p.10. 25 10e considérant.

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modifiée du 10 juin 1999 qu’à fixer des limites d'impact acoustique pour les sources propres

au stand de tir, d'où l'intérêt de connaître cet impact de manière séparée du « bruit de fond »,

mais non de cumuler les valeurs des autres sources de bruit telles que l’aéroport et l’autoroute

avec les valeurs de l'impact du stand de tir projeté calculées aux mêmes points d'immission,

étant par ailleurs souligné que les émissions de bruit s'additionnent selon une addition

vectorielle et non arithmétique.

Il s’ensuit que l’argument des demandeurs basé sur le reproche selon lequel le

ministre n’aurait pas tenu compte des nuisances sonores ambiantes n’est, de ce point de vue,

pas pertinent.

En ce qui concerne l’affirmation selon laquelle l’étude de bruit n’aurait pas tenu

compte de la direction prédominante du vent, il y a lieu de constater que l’étude de bruit

critiquée mentionne sous le point 5.3. « Ausbreitungsrechnungen » que « Bei den

Ausarbeitungsrechnungen wird eine schallausbreitungsgünstige Wetterlage zugrunde gelegt

und kein Langzeitmittelungspegel berechnet ». S’il ne résulte pas de ce passage que l’étude

de bruit ait pris particulièrement en considération un éventuel vent dominant en tant source

éventuelle d’une aggravation du bruit - les demandeurs restant également sur ce point en

défaut d’établir, voire seulement d’alléguer que la non-prise en compte du vent ait pu

influencer les conclusions du rapport en leur défaveur - il en résulte en revanche que l’étude,

de manière générale - s'est basée sur des conditions météorologiques favorisant la

propagation du bruit.

Ce constat doit par ailleurs été rapproché de celui que l’étude de bruit iB(A) n’a pas

pris en compte l'effet d'atténuation de bruit dû à la présence de végétation

(« Ausbreitungsdämpfung durch Bewuchs »), et ce alors pourtant que le site du « Bloebierg »

est boisé : il en découle que l’étude de bruit doit être considérée, tel que mis en exergue par la

partie étatique et la SOCIETE DE TIR, comme réalisée de manière conservatrice (« Die hier

vorliegende Arbeit wurde mit der Absicht erstellt, eine Ermittlung des Geräusch-Impacts

« auf der sicheren Seite vorzunehmen » ») et, en tout cas, sur la base de l’hypothèse d’une

propagation théorique maximale et de données maximales (voir page 16 de l’étude : « Für die

zur Ermittlung der maximalen Einzelschusspegel herangezogenen Extremwerte (…) »).

Quant à l’absence de prise en compte du « Geschossknall », à savoir du bruit du

projectile, il résulte tant des explications fournies en cause par la partie étatique que de

l’examen de l’étude de bruit que ce bruit, si cette question a certes été considérée, a

cependant été consciemment écarté par les auteurs de l’étude du bruit pour les calculs (« Auf

eine gesonderte Berücksichtigung wird verzichtet »), et ce pour une triple

raison : Premièrement, le bruit du projectile ne se propage que le long de la trajectoire, c’est-

à-dire pas latéralement (« Überschallschnelle Gewehrmunition erzeugt zusätzlich entlang der

Flugbahn einen Geschossknall »). Deuxièmement, ledit bruit est réduit dans le sens de sa

propagation par un mur (« ln dieser Richtung befinden sich aus Sicherheitsgründen Erdwälle

(hier: Mauern), die eine Abschirmung des Geschossknalls bewirken »). Il résulte plus

particulièrment en ce qui concerne ce dernier point que les pare-balles derrière les cibles des

stands ouverts seront réalisés sous forme de buttes en sables pour les stands de 25 et de 100

mètres. Quant au stand de 50 mètres, si celui-ci sera équipé d'un pare-balles en lamelles

verticales, ce qui n’a pas manqué de susciter les craintes de la commune de Schuttrange et

des demandeurs, l’étude de bruit retient cependant « Ergänzend wird vorausgesetzt, dass alle

Geschossfänge so ausgestaltet werden, dass beim Auftreffen der Projektile keine

immissionsrelevanten zusätzlichen Geräuschemissionen entstehen. […] Für die beiden 50

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Meter-Schiesstände [...] wird durch geeignete Materialauswahl und Ausführung seitens des

Betreibers gewährleistet, dass die vorgenannte Voraussetzung ebenfalls gegeben ist ». Il

résulte d’ailleurs à ce sujet d’un courrier adressé par la SOCIETE DE TIR au bureau iB(A),

annexé à l’étude de bruit, que le pare-balles en lamelles verticales sera conçu de telle sorte à

ne pas engendrer de nuisances acoustiques dépassant le « Mündungsknall », notamment par

l’utilisation de matériel isolant ou absorbant tel que du bois.

Finalement, le bruit du projectile est davantage sujet que le bruit au niveau de la

bouche (« Mündungsknall ») à absorption par l’air ambiant, (« Weiterhin wird der

Geschossknall bei der Ausbreitung in die Nachbarschaft über grössere Entfernungen durch

Luftabsorption starker gedämpft als der Mündungsknall »).

Ces explications, non énervées par les demandeurs, justifient par conséquent que le «

Geschossknall » ait été considéré par les auteurs de l’étude de bruit comme ayant un impact

au niveau du bruit négligeable.

Les développements des demandeurs concernant le caractère incomplet du dossier de

demande d'autorisation, respectivement du manque de fiabilité de l’étude de bruit sont dès

lors à rejeter.

Cette conclusion n’est pas énervée par le fait que le ministre des Sports ait adressé à la

commune de Niederanven un courrier dans lequel il confirme qu’une étude acoustique

supplémentaire, basée sur des données réelles et non théoriques, serait effectuée dès une

première réception provisoire de l'équipement, et afin de déterminer s'il y a lieu de procéder à

la mise en œuvre de mesures acoustiques supplémentaires.

Outre que le ministre des Sports n’assume aucune compétence quelconque en matière

d’établissements classés, le contenu de ce courrier n’est pas de nature à invalider la fiabilité

de l’étude de bruit iB(A), mais ne fait que refléter les réserves contenues dans l’étude même

et émises par ses auteurs compte tenu de son caractère nécessairement théorique, basé sur un

modèle prédictif résultant de l’absence des infrastructures litigieuses : « Wegen der

begrenzten Möglichkeiten der schalltechnischen Modellierung sowie des eingesetzten

Prognosemodells ist vor Beginn des eigentlichen Schiessbetriebes eine messtechnische

Überprüfung der tatsächlichen Einzelschusspegel jedoch unbedingt zu empfehlen » et

ultérieurement prise en compte par l'arrêté ministériel attaqué qui impose à l'exploitant une

réception acoustique de l'établissement avant sa mise en exploitation et, en cas de constat

d'un éventuel non respect des valeurs limites imposées, la mise en conformité obligatoire de

l'établissement soit à travers des mesures d'insonorisation supplémentaires soit à travers la

limitation des activités de tir.

Le caractère fiable de l’étude de bruit à la base de l’autorisation déférée n’étant, en

l’état actuel du dossier et des moyens et critiques des demandeurs, pas remis en cause, il

convient à présent de vérifier l’existence effective de nuisances dans le chef des demandeurs,

et le cas échéant, l’adéquation des conditions imposées par l’autorisation au vu des

dispositions de l'article 13 de la loi modifiée du 10 juin 1999 aux termes desquelles « 1. Les

autorisations fixent les conditions d'aménagement et d'exploitation qui sont jugées

nécessaires pour la protection des intérêts visés à l'article 1er de la présente loi, tenant

compte des meilleures techniques disponibles respectivement en matière d'environnement et

en matière de protection des personnes », la notion de techniques disponibles étant définies à

l’article A.c.) de la loi du 21 décembre 2007 modifiant et complétant la loi modifiée du 10

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juin 1999 relative aux établissements classés comme « les techniques mises au point sur une

échelle permettant de les appliquer dans le contexte du secteur concerné, dans des conditions

économiquement et techniquement viables, en prenant en considération les coûts et les

avantages, que ces techniques soient utilisées ou produites ou non sur le territoire

luxembourgeois, pour autant que l’exploitant concerné puisse y avoir accès dans des

conditions raisonnables ».

Il y a de prime abord lieu de rappeler que les règles de preuve en matière

administrative font porter l’essentiel du fardeau de la preuve sur le demandeur, lequel doit

effectivement combattre et démentir le contenu et la légalité de l’acte administratif critiqué,

lorsqu’il reproche à l’autorité administrative d’avoir détourné ou abusé de ses pouvoirs26.

Il incombe plus particulièrement au demandeur de fournir les éléments concrets sur

lesquels il se base à l'appui de sa demande, étant entendu que la légalité de la décision

administrative régulièrement prise reste acquise jusqu’à l’établissement d’éléments de fait et

de droit permettant au tribunal de prononcer son annulation ou sa réformation27.

En effet, si le tribunal est certes investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond

en la présente matière, il n’en demeure pas moins que saisi d’un recours contentieux portant

contre un acte déterminé, l’examen auquel il doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le

cadre des moyens invoqués par le demandeur pour contrer l’acte déféré, et que son rôle ne

consiste pas à procéder indépendamment des moyens du demandeur à un réexamen général et

global de l’affaire. Il ne suffit dès lors pas de contester la conclusion d’une décision

administrative donnée, en renvoyant en substance le juge administratif au contenu du dossier

administratif, mais il appartient au demandeur d’établir que la décision critiquée est non

fondée ou illégale pour l’un des motifs énumérés à l’article 2, alinéa 1er de la loi du 7

novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif tant en ce qui

concerne sa conclusion que sa motivation.

C’est sur cette toile de fond que le tribunal procèdera à l’analyse du recours.

L’étude de bruit conclut à ce sujet à un impact acoustique non significatif, et ce tant en

ce qui concerne les quelques rares terrains construits soumis à un impact sonore de plus de 45

dB(A), qu’en ce qui concerne les terrains situés à plus de 2.000 mètres du site retenu. Plus

précisément, il résulte encore de l’étude de divers points d’immission que les zones

d'habitation les plus exposées au tir se situent au périmètre d'agglomération des localités de

Sennigerberg et Neuhaeusgen qui seront soumis à un impact sonore maximal durant l'heure la

plus bruyante de l'établissement projeté ne dépassant pas la valeur de 45dB(A), l’impact

sonore maximal d'un coup de tir unique n'y dépassant pas la valeur de 48 dB(A).

Il résulte enfin de cette étude que les points d’immission les plus exposés, sis à

Niederanven en zone d’aéroport, respectivement à Senningerberg en zone d’industrie légère,

seront soumis à un impact sonore maximal durant l'heure la plus bruyante de l'établissement

projeté ne dépassant pas la valeur de 53 dB(A), l’impact sonore maximal d'un coup de tir

unique n'y dépassant pas la valeur de 55 dB(A).

26 Voir en ce sens trib. adm. 20 juin 2005, n° 18790, Pas. adm. 2009, V° Procédure contentieuse, n° 548. 27 Trib. adm. 26 mars 2003, n° 15115, Pas. adm. 2009, V° Procédure contentieuse, n° 355.

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Force est encore au tribunal de constater, d’une part, que l’autorisation litigieuse

impose à l’exploitant sous le point VI, intitulé « Lutte contre le bruit », des valeurs limites à

ne pas dépasser lors de l’exploitation de l’établissement, ainsi que sous le point VIII « Phase

chantier – concernant la lutte contre le bruit », des conditions à respecter lors de l’exécution

des travaux de chantier.

Plus précisément, l’arrêté ministériel déféré impose en tant que niveau de bruit moyen

généré par un tir isolé, mesuré à « la limite de la propriété la plus exposée bâtie ou

susceptible d’être couverte par une autorisation de bâtir » le seuil de 48 dB (A), tandis qu’il

limite l’impact sonore maximal durant l'heure la plus bruyante de l'établissement projeté, « à

la limite de la propriété la plus exposée bâtie ou susceptible d’être couverte par une

autorisation de bâtir » au niveau de 45 dB (A).

Or, ces seuils maximum se situent en-dessous des normes imposées par le règlement

grand-ducal du 13 février 1979 concernant le niveau de bruit dans les alentours immédiats des

établissements et des chantiers, dont l'article 3 impose aux établissements de ne pas dépasser

dans les milieux ruraux, caractérisés par un habitat calme et une circulation faible (zone II),

un niveau de bruit de 50 dB (A) et dans les quartiers urbains à majorité d'habitat et à

circulation faible (zone III), un niveau de bruit de 55 dB(A), voire, en ce qui concerne les

zones d’industrie, 60 dB (A) (zone IV) respectivement 70 dB (A) (Zone VI).

Force est encore de constater que ces conditions n’ont pas été énervées de manière

précise et circonstanciée par les demandeurs, ni d’ailleurs même critiquées, les demandeurs,

de ce point de vue, outre de mettre en cause la fiabilité de l’étude de bruit, question tranchée

ci-avant, s’étant limités à affirmer la réalité de nuisances sonores engendrées par l'exploitation

d'un stand de tir pour exiger que le stand de tir soit conçu en tant qu’installation souterraine.

Or, il y a lieu de rappeler que les tiers intéressés agissant à l’encontre d’une

autorisation d’établissement doivent préciser et justifier concrètement en quoi les conditions

techniques fixées par l’autorisation ministérielle seraient insuffisantes, ainsi que les raisons

pour lesquelles ils estiment que l’établissement classé comportera des nuisances

inadmissibles, étant entendu que le tribunal est dans l’impossibilité de pouvoir apprécier

concrètement des contraintes exprimées d’une manière très générale et vague et que les tiers

intéressés ne peuvent pas se limiter à faire état de suppositions vagues relatives à des causes

de danger hypothétiques28.

Comme indiqué ci-avant, il ne suffit en effet pas d’invoquer de manière générale et

abstraite des inconvénients que les tiers intéressés estiment subir du fait de l’autorisation d’un

établissement classé, mais il leur incombe d’apporter au tribunal des éléments suffisamment

précis et documentés dans la mesure du possible afin que la juridiction soit mise en mesure

d’apprécier de la manière la plus exacte possible la nature des inconvénients et préjudices

qu’ils déclarent subir du fait de l’installation et de l’exploitation de l’établissement classé, en

lui soumettant également une argumentation juridique et technique suffisamment détaillée

tendant à établir les raisons pour lesquelles les conditions techniques fixées par les

autorisations litigieuses ne seraient pas de nature à leur donner satisfaction. En effet, ce n’est

que dans ces conditions que la juridiction peut sérieusement analyser, dans le cadre du recours

28 Voir trib. adm. 18 juin 2003, n° 12465 et 16 juillet 2003, n° 15821, Pas. adm. 2009, V° Etablissements classés,

n° 133.

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en réformation dont elle est saisie en matière d’établissements classés, le caractère approprié

des conditions fixées par les autorisations ministérielles29.

En l’espèce, la seule affirmation consistant en substance à soutenir que l’établissement

provoquerait des nuisances sonores est dès lors insuffisante pour invalider les conditions

d’exploitation concrètement retenues par le ministre de l’Environnement.

En l’absence de nuisances vérifiées, dépassant les normes imposées par la législation

et réglementation, il n’y a fortiori pas lieu de vérifier le caractère disproportionné de celles-ci,

respectivement d’analyser l’exigence des demandeurs relative à une conception souterraine de

l’installation.

A titre superfétatoire, il y a cependant lieu de relever qu’en dépit des allégations des

demandeurs, le stand de tir doit être considéré comme étant, du moins partiellement, couvert.

En effet, si l’autorisation déférée renseigne certes que différents stands de tir sont « à ciel

ouvert », tant le stand de tir sociétaire pour armes à air comprimé que le stand de tir sociétaire

sont entièrement couverts, tandis que les autres stands disposent d’une toiture couvrant le pas

de tir30, soit le lieu d’émission du « Mündungsknall », recouverte par un matériau absorbant le

bruit31.

Si les demandeurs s’interrogent encore certes sur le sort à réserver à l’installation au

cas où lors du contrôle in situ, après la construction des stands de tir, il apparaîtrait que les

résultats effectifs différaient des prévisions et calculs théoriques à la base à la base du dossier

de demande d'exploitation, il y a lieu de souligner que pareille question échappe au tribunal,

saisi de l’autorisation ministérielle, laquelle enferme l’exploitation autorisée dans des

conditions strictes, mais non de l’exécution de ladite autorisation par l’exploitant.

Néanmoins, il y a lieu d’attirer l’attention des demandeurs et de la partie intervenante

sur le fait, comme indiqué ci-avant, que l’autorité compétente a manifestement tenu compte

de cette éventualité en imposant sous le point X.9 « Réception et contrôle de l’établissement »

une réception acoustique de l'établissement, destiné à déterminer l’impact sonore réel ; en cas

de constat d'un éventuel non respect des valeurs limites imposées, l’autorité compétente

pourra soit retirer l’autorisation d’exploitation en application de l’article 18 de la loi modifiée

du 10 juin 1999, soit exiger la mise en conformité obligatoire de l'établissement, le tout sans

préjudice de la possibilité en cas d’exploitation non conforme aux conditions d’autorisation,

pour toute personne intéressée ayant constitué partie civile de demander à la juridiction de

jugement de prononcer la fermeture de l’établissement.

f. Non-respect du règlement grand-ducal du 2 août 2006 portant application de directive

2002/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002 relative à l'évaluation et à

la gestion du bruit dans l'environnement, ainsi que du projet de plan d'action de lutte contre le

bruit de l'aéroport de Luxembourg, en cours d'élaboration

Les demandeurs, en substance, font plaider que l’arrêté ministériel litigieux violerait

encore les objectifs du règlement grand-ducal du 2 août 2006 portant application de directive

2002/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002 relative à l'évaluation et à

la gestion du bruit dans l'environnement, qui arrête les mesures destinées à éviter et prévenir

29 Trib. adm. 16 juillet 2003, n° 15207, Pas. adm. 2009, V° Etablissements classés, n° 132. 30 Voir arrêté ministériel, disposition VI) « Lutte contre le bruit », point 9, et étude iB(A), point 4.1.1. 31 Voir courrier d’Energie et Environnement adressé le 25.11.2008 à l’administration de l’Environnement.

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la gêne de l'exposition au bruit dans l'environnement, et ceux du projet de plan d'action de

lutte contre le bruit de l'aéroport de Luxembourg, qui tend à garantir une réduction

substantielle et durable de bruit pour les riverains dans les zones fortement exposées.

Ils exposent que le règlement grand-ducal du 2 août 2006 précité aurait pour but

d'arrêter les mesures destinées à éviter, prévenir ou réduire les effets nuisibles, y compris la

gêne de l'exposition au bruit dans l'environnement but, que l’autorisation attaquée violerait

« ouvertement ».

Il serait encore contraire aux objectifs du projet de plan d'action de lutte contre le bruit

de l'aéroport de Luxembourg, lequel préciserait que la prévention et la lutte contre le bruit

devra privilégier les solutions et mesures de réduction du bruit à la source et qui engloberait

notamment les localités de Münsbach et de Neuhaeusgen, d’autoriser l'implantation de

sources de bruit supplémentaires dans un environnement d'ores et déjà soumis à de fortes

nuisances sonores dont on veut précisément réduire l'impact.

Si les demandeurs admettent certes qu’il ne s’agirait que d’un projet, ils estiment

cependant que l'Etat ne pourrait pas se prévaloir de son propre retard dans l'adoption des

cartes de bruit et des plans d'action.

En ce qui concerne la violation alléguée du règlement grand-ducal du 2 août 2006,

force est de prime abord de constater que les demandeurs ne précisent pas quelle norme -

juridique ou technique - serait violée par l’autorisation déférée ; en effet, si ledit règlement

indique certes de manière très générale poursuivre indirectement la prévention et la réduction

d’effets nuisibles, et ce compris la gêne, de l’exposition au bruit dans l’environnement au

moyen de la mise en œuvre de diverses mesures techniques, telles que la détermination de

l’exposition au bruit dans l’environnement grâce à la cartographie du bruit, l’information du

public concerné quant au bruit dans l’environnement et ses effets nuisibles et l’adoption de

plans d’actions, ces objectifs et mesures, certes opposables au pouvoir politique, ne

constituent cependant pas des normes règlementaires dont le non-respect serait susceptible

d’être directement sanctionné par le juge administratif.

Quant au projet de plan initié en application de l’article 9 du règlement grand-ducal du

2 août 2006 précité, il s’agit, tel que son intitulé l’indique, d’un projet, c’est-à-dire d’un acte

en cours d’élaboration, non définitif. Dès lors, sans même examiner la question des effets

juridiques et de l’invocabilité d’un tel plan par des administrés devant les juridictions

administratives, force est de retenir que ledit projet ne constitue en son état actuel pas une

norme juridique susceptible d’entraîner la sanction par le juge administratif de l’autorisation

déférée.

Ce moyen n'est partant pas non plus fondé.

Il se dégage partant de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut de tout

autre moyen que le recours formé par les demandeurs est à rejeter comme n’étant pas fondé,

la requête en intervention déposée par la commune de Schuttrange en appui du recours

principal devant en conséquence subir le même sort.

1.3. Quant à l’indemnité de procédure

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La SOCIETE DE TIR réclame la condamnation des demandeurs à une indemnité d’un

montant de 1.000.- € sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant

règlement de procédure devant les juridictions administratives.

S’il est vrai que la SOCIETE DE TIR est à considérer en l’espèce comme partie tierce-

intéressée et non comme partie défenderesse - notion qui ne s’applique en contentieux

administratif qu’à l’auteur d’une décision - il n’en reste pas moins que son intervention aux

côtés de l’Etat en tant que destinataire et bénéficiaire de la décision litigieuse était justifiée.

Par conséquent, au vu des circonstances particulières du présent litige et son issue, le

tribunal est amené à considérer qu’il serait inéquitable de laisser à charge de la SOCIETE DE

TIR l’intégralité des frais et honoraires non compris dans les dépens.

Compte tenu des éléments d’appréciation en possession du tribunal, des devoirs et du

degré de difficulté de l’affaire ainsi que du montant réclamé et au vu de l’article 33 de la loi

modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions

administratives, il y a lieu d’évaluer ex æquo et bono l’indemnité à allouer à la SOCIETE DE

TIR à un montant de 1.000.- €.

2. Rôle n° 26359

2.1. Quant à la recevabilité :

Le tribunal est compétent, au vœu des dispositions de l’article 19 de la loi du 10 juin

1999 relative aux établissements classés, pour statuer en tant que juge du fond en la matière,

de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner le recours en annulation, formulé à titre subsidiaire.

En ce qui concerne la recevabilité du recours principal en réformation tel qu’introduit

à l’encontre de la décision du ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Immigration du 1er

octobre 2009, n° 1/2008/0292/106, portant autorisation pour l'aménagement et l'exploitation

d'un stand de tir, le tribunal, pour des motifs identiques à ceux développés au sujet de

l’autorisation délivrée par le ministre de l’Environnement, retient la recevabilité dudit recours.

2.2. Quant au fond

Les demandeurs entreprennent la décision déférée en substance pour les mêmes

moyens que ceux opposés à la décision du ministre de l'Environnement du 17 juillet 2009, n°

1/08/0292, ainsi qu’à la décision confirmative du ministre délégué au Développement durable

et aux Infrastructures du 9 octobre intervenue sur recours gracieux.

Il s’agit en l’occurrence des moyens suivants :

- l'irrégularité de la procédure d'autorisation ;

- la violation de l'article 17 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux

établissements classés ;

- le non-respect de l'article 1er de la loi du 10 juin 1999 ;

- le non-respect de l'article 13 de la même loi ;

- le non-respect du règlement grand-ducal du 2 août 2006 portant application de

directive 2002/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002

relative à l'évaluation et à la gestion du bruit dans l'environnement, ainsi que du

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projet de plan d'action de lutte contre le bruit de l'aéroport de Luxembourg, en

cours d'élaboration.

a. L'irrégularité de la procédure d'autorisation

Les demandeurs affirment que le dossier présenté lors de l’enquête publique aurait été

incomplet, puisqu’il aurait subi des modifications postérieurement à la tenue de l’enquête

publique, modifications non soumises au public, ce qui serait contraire à l'article 6, avant-

dernier alinéa de la loi modifiée du 10 juin 1999.

Les demandeurs s'interrogent ensuite sur le contenu des réclamations introduites

contre le projet et estiment que comme la décision déférée ne comporterait pas de précision

quant à l'identité des réclamants ou quant au nombre et au contenu des observations

présentées, les administrés ne seraient pas à même de vérifier que leur observation ait bien

été reçue par les autorités compétentes et prise en considération dans le cadre de l'instruction

du dossier, ni surtout par quelle motivation leurs moyens d'opposition ont été rejetés.

Ils réitèrent enfin leurs craintes quant à l'utilisation du stand pour des besoins autres

que ceux de la SOCIETE DE TIR, tels que les besoins des forces de l'ordre et de l’armée.

C’est par des motifs identiques à ceux développés à propos de l’autorisation délivrée

par le ministre de l’Environnement qu’il y a lieu de rejeter les moyens afférents.

b. La violation de l'article 17 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements

classés

Les demandeurs soulèvent sous cet intitulé plusieurs exceptions d'illégalité à l'encontre

du règlement grand-ducal du 17 mai 2006 déclarant obligatoire le plan d'occupation du sol

« Aéroport et environs » (ci-après « le POS »).

Ainsi, ils estiment que le texte définissant la « zone de loisirs » ne répondrait pas aux

exigences de précision requises par la loi du 21 mai 1999 ; par ailleurs, ils affirment que

comme le classement en zone de loisirs, et non en zone d'espace vert comme initialement

prévu par le projet de POS, résulterait d'une demande du conseil communal de Niederanven,

la procédure serait viciée étant donné que la loi ne prévoirait pas la possibilité pour un conseil

communal de solliciter de sa propre initiative le reclassement du terrain.

Les demandeurs estiment par ailleurs qu'un stand de tir ne serait pas conforme à

l'affectation « zone de loisirs », notamment du fait de son usage par les autorités policières et

militaires, et parce que qu’il n’aurait pas de vocation récréative et touristique. Ils font encore

valoir que le stand de tir ne serait pas conforme aux prescriptions du PAG de la commune de

Niederanven, et, finalement, ils affirment que l’établissement litigieux aurait dû être implanté

en zone de récréation, et non en zone de loisirs.

C’est pour les mêmes motifs que ceux développés au sujet de l’autorisation délivrée

par le ministre de l’Environnement qu’il y a lieu de rejeter le moyen tiré de la violation de

l'article 17 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, pris en ses

différents volets.

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c. Le non-respect de l'article 1er de la loi du 10 juin 1999

Les demandeurs font ensuite plaider que le projet heurterait cette disposition en ce qu'il

viserait simplement à délocaliser une source de nuisances sans s'attacher à prévenir et réduire

les nuisances, ce qui serait contraire aux objectifs tels que définis à l'article 1er de la loi

modifiée du 10 juin 1999.

C’est par des motifs identiques à ceux développés à propos de l’autorisation délivrée par

le ministre de l’Environnement qu’il y a lieu de rejeter le moyen afférent.

d. Non-respect de l'article 13 de la loi du 10 juin 1999

Les demandeurs s’emparent encore de l'article 13 de la loi modifiée du 10 juin 1999

pour soutenir que compte-tenu des nuisances sonores engendrées par l'exploitation du stand

de tir tel que prévu, l’installation projetée non fermée et non insonorisée ne saurait être

considérée comme étant la meilleure technique disponible.

Par ailleurs, les demandeurs soutiennent encore que le stand de tir présenterait un

risque pour la sécurité de l’activité aéronautique de l’aéroport sis à proximité.

Outre les motifs retenus par le tribunal dans le cadre du recours dirigé contre la

décision prise par le ministre de l’Environnement, motifs pour autant que de besoin

formellement repris par le tribunal dans le cadre du présent rôle, il y a principalement lieu de

rappeler qu’aux termes de l’article 13 de la loi modifiée du 10 juin 1999, l’autorisation du

ministre ayant dans ses attributions le travail détermine les conditions d’aménagement et

d’exploitation relatives à la sécurité du public et du voisinage en général ainsi qu’à la sécurité,

l’hygiène et la santé sur le lieu de travail, la salubrité et l’ergonomie, tandis que l’autorisation

du ministre ayant dans ses attributions l’environnement détermine les conditions

d’aménagement et d’exploitation visant l’environnement humain et naturel, telles que la

protection de l’air de l’eau, du sol, de la faune et de la flore, la lutte contre le bruit et les

vibrations, l’utilisation rationnelle de l’énergie, la prévention et la gestion des déchets.

Or, pour autant que les nuisances alléguées visent le bruit, il y a lieu de souligner que

cette question, dans la mesure où elle ne se situe pas dans le contexte de la sécurité et de

l'hygiène sur le lieu du travail, de la salubrité ou de l'ergonomie, ne relève pas de la

compétence du ministre du Travail.

Aussi, à défaut de reproches rentrant plus particulièrement dans la compétence dudit

ministre, ledit moyen en ce qu’il est dirigé contre l'autorisation du ministre ayant le travail en

ses attributions est à déclarer non fondé.

En ce qui concerne la question de la sécurité du site, question relevant en revanche de

la compétence du ministre ayant le travail en ses attributions, les demandeurs s’emparent plus

particulièrement d’un passage de l’arrêté d’autorisation du ministre de l’Environnement pour

en déduire un risque certain pour l’aéroport et plus particulièrement pour les avions en

approche, ledit passage étant libellé comme suit « considérant que l'impact sonore de

l'établissement projeté a dû être évalué à l'aide d'un modèle prédictif ; que la détermination

de l'impact sonore réel des armes à feu projetées d'être utilisées sur les stands de tir a dû être

exclue pour des raisons de sécurité (proximité de l'aéroport de Luxembourg) ».

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34

Il ne saurait cependant être conféré à ce passage l’incidence prônée par les

demandeurs. En effet, comme déjà souligné dans le cadre du recours enrôlé sous le numéro

26358, le recours à un modèle prédictif, par opposition à une analyse empirique s’explique et

se justifie par l’absence des installations de tirs, qui, pour des raisons évidentes, n’ont pas

encore pu être construites. Or, à défaut de ces installations, et en particulier à défaut des

installations conçues spécifiquement pour garantir la sécurité des tireurs, du public et du

voisinage en général, notamment des murs de sécurité, pièges à balles et autres pare-balles, un

test visant à déterminer l'impact sonore réel des armes à feu, imposant nécessairement le tir

d’armes à feu en pleine nature sur le site « Bloebierg » en-dehors de toutes les conditions de

sécurité imposées, est impossible pour des raisons de sécurité évidentes.

Ce constat ne saurait cependant être transposé à l’installation telle qu’autorisée, qui

justement comporte diverses mesures techniques afin d’éviter que les balles tirées ne sortent

des enceintes des différents stands de tir.

Quant au courrier de la Direction de l'Aviation Civile invoqué par les demandeurs,

celui-ci doit être considéré principalement comme une demande interne adressée par un

organe de l’Etat à un autre sollicitant des informations quant aux mesures de sécurité

imposées à l’installation litigieuse, et ce compte tenu de la proximité du site retenu par rapport

à l’aéroport, la Direction de l'Aviation Civile précisant ne pas vouloir s’opposer au projet « à

condition (…) que l’exploitation du stand de tir ne présente aucun risque pour l’aviation

civile et qu’aucun projectile ne pourra percer ni les murs, ni la couverture du bâtiment et/ou

toucher un aéronef naviguant au-dessus du stand ».

Or, il résulte des explications de la partie étatique que ces garanties furent fournies à la

Direction de l'Aviation Civile lors d’une réunion de concertation entre les parties concernées,

à savoir les autorités compétentes et la SOCIETE DE TIR en tant qu’exploitant, avec des

représentants de la Direction de l'Aviation Civile, garanties qui figurent par ailleurs à l'arrêté

ministériel déféré, qui, outre d’imposer une activité de tir statique sur cibles fixes - ce qui

exclut notamment des tirs en l’air sur clay (tirs sur pigeons d’argile) - impose encore le

respect des prescriptions techniques et de sécurité du « Sicherheitstechnisches

Plangutachten ».

Le fait que les demandeurs n’aient pas été invités à une telle réunion ne saurait avoir

une quelconque incidence sur la légalité de la décision déférée, les autorités compétentes

n’étant pas tenues d’assurer l’information des tiers au-delà de ce qui est imposé par la

législation, à savoir la tenue d’une enquête publique et la publicité de l’autorisation ; a

fortiori, les demandeurs en tant que tiers à la procédure d’autorisation ne sauraient exiger de

participer à toutes les réunions entre l’exploitant et demandeur d’autorisation et les autorités

compétentes.

Quant au fait que les compagnies aériennes et associations professionnelles ne

n’auraient pas non plus été informées et entendues en leurs explications et n'auraient

apparemment obtenu connaissance du projet litigieux qu'en juillet 2009, il y a lieu de rappeler

que celles-ci, au même titre que tout tiers intéressé, ont pu prendre connaissance du projet qui

a fait l’objet de l’enquête publique, prévue par la loi modifiée du 10 juin 1999, du 30

décembre 2008 au 13 janvier 2009 dans les communes de Niederanven et de Schuttrange ; le

fait que lesdites compagnies aériennes et associations professionnelles n’aient pas usé de leur

faculté de présenter des observations à cette occasion ne saurait pas être actuellement opposé

aux autorités compétentes pour mettre en cause la légalité de l’arrêté déféré.

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Enfin, il convient de relever que les demandeurs ne mettent pas, concrètement, en

cause les différentes mesures de sécurité imposées par l’arrêté ministériel déféré ; aussi, la

seule affirmation consistant en substance à soutenir que l’établissement présenterait un risque

pour la sécurité du voisinage en général et de l’aéroport en particulier est dès lors insuffisante

pour invalider les conditions de sécurité concrètement retenues par le ministre ayant le travail

en ses attributions.

Le moyen afférent, basé sur un prétendu risque de sécurité, est dès lors à rejeter en son

intégralité comme étant non fondé.

e. Non-respect du règlement grand-ducal du 2 août 2006 portant application de directive

2002/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002 relative à l'évaluation et à

la gestion du bruit dans l'environnement, ainsi que du projet de plan d'action de lutte contre le

bruit de l'aéroport de Luxembourg, en cours d'élaboration

Il échet de prime abord de constater que ledit moyen, formulé pour la première fois

dans le mémoire en réplique des demandeurs, ne figure pas dans la requête introductive

d’instance, de sorte à devoir être considéré comme moyen nouveau.

Il échet ensuite de relever que ce moyen, basé sur des nuisances de bruit alléguées,

relève en fait d’une question étrangère à la compétence du ministre du Travail et partant

étrangère à l’autorisation du ministre du Travail du 1er octobre 2009 faisant l’objet du présent

rôle, de sorte qu’il y a lieu d’écarter ledit moyen.

Il se dégage partant de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut de tout

autre moyen que le recours formé par les demandeurs est à rejeter comme n’étant pas fondé.

2.3. Quant à l’indemnité de procédure

La SOCIETE DE TIR sollicite la condamnation des demandeurs à une indemnité de

procédure d’un montant de 1.000.- €.

Compte tenu des éléments d’appréciation en possession du tribunal, des devoirs et du

degré de difficulté de l’affaire ainsi que du montant réclamé, et au vu de l’article 33 de la loi

modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions

administratives, il y a lieu d’évaluer ex æquo et bono l’indemnité à allouer à la SOCIETE DE

TIR à un montant de 1.000.- €.

Par ces motifs,

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement,

joint les recours introduits sous les numéros 26358 et 26359 du rôle ;

Quant au rôle n° 26358 :

reçoit le recours en réformation enrôlé sous le numéro 26358 en la forme ;

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déclare la requête en intervention introduite par la commune de Schuttrange recevable dans la

limite des moyens produits dans le cadre du recours principal ;

au fond, déclare tant le recours principal que la requête en intervention non justifiés et en

déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le recours subsidiaire en annulation ;

condamne les demandeurs in solidum à payer à la SOCIETE DE TIR a.s.b.l une indemnité de

procédure de 1.000.- € ;

Quant au rôle n° 26359 :

reçoit le recours en réformation enrôlé sous le numéro 26359 en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le recours subsidiaire en annulation ;

condamne les demandeurs in solidum à payer à SOCIETE DE TIR a.s.b.l une indemnité de

procédure de 1.000.- € ;

condamne encore les demandeurs in solidum aux frais des deux rôles.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 juillet 2010 par :

Marc Sünnen, premier juge,

Claude Fellens, premier juge,

Thessy Kuborn, juge,

en présence du greffier Arny Schmit.

s. Schmit s. Sünnen