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.............. 26 Juin 2011 Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011 - 71-94 DOI 10.6247/2042/41556 © aln.editions Actualités de la Littérature Coordination : Gérard LLEDO (Lyon) Sommaire Tumeurs neuroendocrines pancréatiques : les thérapies ciblées à l’honneur ! Deux essais de phase III positifs et autant d’options thérapeutiques Laetitia Dahan L’activité physique diminue le risque d’adénomes colorectaux dans une méta-analyse : chaussons tous nos baskets ! Astrid Lièvre Cancers colorectaux de stade II : MMR, KRAS, BRAF remis sur le tapis ! Résultats de l’étude biologique de l’essai QUASAR Bruno Buecher Adénocarcinomes sans atteinte ganglionnaire mais avec amas cellulaires péricoliques ou périrectaux isolés : quelle valeur pronostique ? Comment les classer : stade II ou III ? Genevière Monges, Gérard LLEDO Infiltration lymphocytaire des tumeurs colorectales : le « must » des facteurs pronostiques ? Magali Terme Pose d’une prothèse avant chirurgie curative pour cancer colique occlusif : un taux de complications élevé ! Gabriel Rahmi Cancer du rectum : le Pet Scan ne s’impose pas encore en néoadjuvant ! Astrid Lièvre La radiochimiothérapie permet-elle une chirurgie conservatrice des cancers du rectum ? Christophe Mariette CCRm : FOLFIRI avec ou sans cetuximab, derniers résultats de survie globale selon le statut KRAS : ou quand le « Crystal » brille de tous ses feux ! Astrid Lièvre, Gérard Lledo Le risque d’événement thromboembolique veineux est-il vraiment augmenté en cas de chimiothérapie avec bevacizumab ? Gérard Lledo Bevacizumab, vers une utilisation raisonnée Astrid Lièvre Traitement anticoagulant et bevacizumab : une cohabitation possible ! Géraldine Perkins Les perfusions de Ca/Mg en prévention de la neurotoxicité à l’oxaliplatine : un standard définitivement admis ! Astrid Lièvre Métastases osseuses des tumeurs solides : les biothérapies à l’assaut des biphosphonates Bruno Buecher Mutation du gène de l’E-Cadhérine en cas de cancer gastrique « diffus » du sujet jeune : une recherche rarement justifiée en pratique en l’absence d’agrégation familiale Bruno Buecher Radioembolisation ou chimioembolisation des CHC : bonnets blancs et blancs bonnets ? Astrid Lièvre Chirurgie versus radiofréquence dans le traitement du carcinome hépatocellulaire respectant les critères de Milan : résultats d’un essai randomisé Christophe Mariette Cancer du pancréas avancé : l’axitinib au tapis en phase III Bruno Buecher

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26Juin 2011Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011 - 71-94DOI 10.6247/2042/41556

© aln.editions

Actualitésde la Littérature

Coordination : Gérard LLEDO (Lyon)

Sommaire• Tumeurs neuroendocrines pancréatiques :

les thérapies ciblées à l’honneur ! Deux essais dephase III positifs et autant d’options thérapeutiquesLaetitia Dahan

• L’activité physique diminue le risque d’adénomescolorectaux dans une méta-analyse : chaussonstous nos baskets !Astrid Lièvre

• Cancers colorectaux de stade II : MMR, KRAS, BRAFremis sur le tapis ! Résultats de l’étude biologiquede l’essai QUASARBruno Buecher

• Adénocarcinomes sans atteinte ganglionnaire maisavec amas cellulaires péricoliques ou périrectauxisolés : quelle valeur pronostique ? Comment lesclasser : stade II ou III ?GenevièreMonges, Gérard LLedo

• Infiltration lymphocytaire des tumeurs colorectales :le « must » des facteurs pronostiques ?Magali Terme

• Pose d’une prothèse avant chirurgie curative pourcancer colique occlusif : un taux de complicationsélevé !Gabriel Rahmi

• Cancer du rectum : le Pet Scan ne s’impose pasencore en néoadjuvant !Astrid Lièvre

• La radiochimiothérapie permet-elle une chirurgieconservatrice des cancers du rectum ?ChristopheMariette

• CCRm : FOLFIRI avec ou sans cetuximab, derniersrésultats de survie globale selon le statut KRAS :ou quand le « Crystal » brille de tous ses feux !Astrid Lièvre, Gérard Lledo

• Le risque d’événement thromboembolique veineuxest-il vraiment augmenté en cas de chimiothérapieavec bevacizumab ?Gérard Lledo

• Bevacizumab, vers une utilisation raisonnéeAstrid Lièvre

• Traitement anticoagulant et bevacizumab :une cohabitation possible !Géraldine Perkins

• Les perfusions de Ca/Mg en préventionde la neurotoxicité à l’oxaliplatine : un standarddéfinitivement admis !Astrid Lièvre

• Métastases osseuses des tumeurs solides :les biothérapies à l’assaut des biphosphonatesBruno Buecher

• Mutation du gène de l’E-Cadhérine en cas de cancergastrique « diffus » du sujet jeune : une rechercherarement justifiée en pratique en l’absenced’agrégation familialeBruno Buecher

• Radioembolisation ou chimioembolisation des CHC :bonnets blancs et blancs bonnets ?Astrid Lièvre

• Chirurgie versus radiofréquence dans le traitementdu carcinome hépatocellulaire respectant lescritères de Milan : résultats d’un essai randomiséChristopheMariette

• Cancer du pancréas avancé : l’axitinib au tapisen phase IIIBruno Buecher

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72 Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011

Tumeurs neuroendocrines pancréatiques :

Les tumeurs neuroendocrines pancréa-tiques sont des tumeurs rares. La

chirurgie est le traitement de référencedes formes résécables. Chez les patientsprésentant des métastases hépatiques, lachimioembolisation est le traitement dechoix. Les analogues de la somatostatinesont largement utilisés dans les formessécrétantes et améliorent la survie sansprogression dans un petit sous-groupe depatients. Dans les formes avancées, lachimiothérapie de référence associe lastreptozotocine et l’adriamycine. Aprèséchappement, il existe peu d’alternativesthérapeutiques. Les récepteurs à activitétyrosine-kinase sont des cibles pour lesmolécules anticancéreuses innovantesinhibant la prolifération, l’invasion etl’angiogenèse tumorale. Ce numéro duNew England Journal of Medicine a publiédeux études de phases III randomiséesinternationales évaluant deux biothéra-pies, un anti tyrosine-kinasemulticible etun inhibiteur demTOR, dans cette indica-tion [1, 2].

Première étude

Cette première étude a évalué le sunitinibmalate (Sutent®), inhibiteurmulticible detyrosine-kinase anti PDGFR et , c-kit etVEGFR 2 et 3, contre placebo dans lestumeurs neuroendocrines (TNE) pancréa-tiques avancées [1].

Patients et méthodes : Cette étude dephase III multicentrique internationaleavait prévu d’inclure 340patients atteintsd’une TNE pancréatique bien différenciéemétastatique et/ou non résécable, pro-gressive selon les critères RECIST dans les12 mois précédant l’inclusion. Les analo-gues de la somatostatine étaient autori-sés. Les patients étaient randomisés 1 : 1pour recevoir, soit du sunitinib à la dose

de 37,5 mg par jour en continu, soit unplacebo. Le traitement était administréjusqu’à progression.Une levée en aveugleétait prévue chez les patients présentantune progression de lamaladie au cours del’étude ; ceux du groupe placebo pouvaientêtre inclus dans une étude d’extension(Roll Over) et recevoir le sunitinib. L’objec-tif principal était la survie sans progres-sion (SSP), et les objectifs secondaires : lasurvie globale (SG) ; le taux de réponsesobjectives ; le temps jusqu’à progression ;la durée de la réponse ; et la tolérance.

Résultats : Entre juin 2007 et avril 2009,171 patients ont été randomisés dans42 centres et 11 pays,86 dans le bras suni-tinib et 85 dans le bras placebo. Enfévrier 2009, l’essai a été interrompu carl’analyse intermédiaire, portant sur les154 premiers patients, montrait une dif-férence significative en faveur du suniti-nib en termes de SSP, objectif principal del’étude. Les caractéristiques démogra-

phiques et tumorales des patients étaientcomparables dans les deux groupes.Durant l’étude, 23 patients du bras suniti-nib et 25 patients du bras placebo étaienttraités de façon concomitante par un ana-logue de la somatostatine.– Une amélioration significative de la

SSP était observée en faveur du brassunitinib avec une médiane de SSP de11,4 mois contre 5,5 mois dans le brasplacebo (HR pour la progression ou ledécès à 0,42 IC 95 % [0,26-0,66] ;p = 0 < 0,001). En analyse de sous-groupes, les résultats restaient signifi-catifs.

– Au moment de l’analyse, les médianesde survie globales n’étaient pasatteintes mais le hazard ratio pour ledécès était de 0,41 en faveur du suniti-nib (IC 95% [0,19-0,89] ; p = 0,02).

– Parmi les 85 patients initialement ran-domisés dans le bras placebo, 59 (69%)ont bénéficié du roll over et ont finale-ment reçu le sunitinib.

Sunitinib(n = 86)

Placebo(n = 85) p

SSP médiane (mois) 11,4 [7,4-19,8] 5,5 [3,6-7,4] < 0,001RO, n (%) 8 (9) 0 (0) 0,007SD, n (%) 54 (63) 51 (60)PD, n (%) 12 (14) 23 (27)

les thérapies ciblées à l’honneur !Deux essais de phase III positifset autant d’options thérapeutiques

Laetitia Dahan (Marseille)

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Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011 73

– En termes de réponse, 8 patients dubras sunitinib ont présenté uneréponse objective (9,3%) contre 0 dansle groupe placebo (p = 0,007).

Tolérance : Les effets secondairesgrades 3-4 étaient plus fréquents dans legroup sunitinib. Les effets secondaires lesplus fréquemment observés étaient ladiarrhée, les nausées, l’asthénie et lesvomissements. Les effets secondairesgrades 3-4 les plus fréquents dans legroupe sunitinib étaient la neutropénie(12%) et l’hypertension artérielle (10%).En dépit de ces effets secondaires, aucunedifférence en termes de qualité de vie n’aété observée.

deuxième étude

Cette deuxième étude a, pour sa part, éva-lué l’évérolimus (Afinitor®) inhibiteur demTOR (mammalian Target Of Rapamy-cin) contre placebo dans les tumeurs neu-roendocrines (TNE) pancréatiques avan-cées (essai RADIANT-3) [2].Patients et méthodes : Il s’agissait aussid’une phase IIImulticentrique internatio-nale qui avait prévud’inclure392patientsatteints d’une TNE pancréatique bien dif-férenciée métastatique et/ou non résé-cable,progressive selon les critères RECISTdans les 12 mois précédant l’inclusion.Les analogues de la somatostatine étaientautorisés. Les patients étaient randomi-sés 1 : 1 pour recevoir, soit de l’évérolimusà la dose de 10 mg par jour, soit un pla-cebo. Le traitement était administréjusqu’à progression. En cas de progres-sion un Cross Over était prévu pour lespatients recevant le placebo. L’objectifprincipal était la survie sans progres-sion (SSP), et les objectifs secondaires : lasurvie globale (SG) ; le taux de réponsesobjectives ; la durée de la réponse ; et latolérance. Il existait une relecture centra-lisée pour l’évaluation radiologique desréponses selon les critères RECIST.Résultats : Entre juillet 2007 et mai 2009,410 patients ont été randomisés dans82 centres et 18 pays, 207 dans le brasévérolimus et 203 dans le bras placebo.Les caractéristiques démographiques ettumorales des patients étaient compa-rables dans les deux groupes, en particu-lier pour les traitements antérieurementreçus (50 % de chimiothérapie danschaque bras et 49 % d’analogues de lasomatostatine dans le bras évérolimuscontre 50 % dans le bras placebo), l’étatgénéral (respectivement 87 % et 88 %d’OMS 0-1), et la différenciation tumorale(respectivement 82% et 84% de bien dif-férenciée).– Une amélioration significative de la

SSP était observée en faveur du brasévérolimus avec une médiane de SSP

de 11mois contre 4,6mois dans le brasplacebo (HR pour la progression ou ledécès 0 ,35 IC 95 % [0 ,27-0 ,45] ;p=0 <0,001).Après relecture centralisée,les résultats restaient significatifs avecune médiane de SSP de 11,4mois dansle bras évérolimus contre 5,4mois dansle bras placebo (HR pour la progressionou le décès 0,34 IC 95 % [0,26-0,44] ;p = 0 < 0,001). Les résultats étaientsimilaires en analyse de sous-groupe.

– Au moment de l’analyse, les médianesde survie globales n’étaient pasatteintes mais aucune différence desurvie globale n’était observée entreles deux groupes avec un hazard ratiopour le décès à 1,05 (IC 95% [0,71-1,55] ;p = 0 = 0,59).

– Parmi les 203 patients initialementrandomisés dans le bras placebo,148 (73%) ont bénéficié du cross overet ont finalement reçu l’évérolimus.

– En termes de réponse, 5% des patientsdu bras évérolimus ont présenté uneréponse objective contre 2 % du brasplacebo (p < 0,001).

Tolérance : Les effets secondaires les plusfréquents étaient les mucites (64% dansle bras évérolimus contre 17 % dans lebras placebo), les rashs cutanés (49 %contre 10%), l’asthénie (31%contre 14%)et les infections (23% contre 6%), en par-ticulier les pneumopathies infectieuses(12% contre 0%).

Commentaires : Ces deux études concer-nant la même pathologie, au design etaux indications similaires,menées durantles mêmes périodes, sont toutes les deuxpositives pour l’objectif principal, la sur-vie sans progression et permettent d’enri-chir l’arsenal thérapeutique pour la priseen charge des TNE bien différenciées pan-créatiques avancées et progressives.

Évérolimus(n = 207)

Placebo(n = 203) p

SSP médianeaprès relecture (mois) 11,4 [10,8-14,8] 5,4 [4,3-5,6] < 0,0001

SSP médianed’après investigateur (mois) 11 [8,4-13,9] 4,6 [3,1-5,4] < 0,0001

RO, n ( %) 10 (4,8) 4 (2,0) < 0,0001SD, n ( %) 151 (72,9) 103 (50,7)PD, n ( %) 29 (14,0) 85 (41,9)

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74 Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011

L’activité physique diminue le risqued’adénomes colorectauxdans uneméta-analyse : chaussons tous nos baskets !

Astrid Lièvre (Boulogne-Billancourt)

Plusieurs études épidémiologiques etune méta-analyse ont montré que le

risque de cancer colique était diminuéchez les patients pratiquant une activitéphysique régulière [1]. Peu de travaux, enrevanche, se sont intéressés à l’impact del’activité physique sur le risque d’adé-nomes colorectaux. L’objectif de la méta-analyse que nous rapportons [2] étaitdonc d’essayer de statuer sur ce point.

Patients et méthodes : Une recherchebibliographique portant sur des travauxpubliés jusqu’en avril 2010 et traitant desrelations entre l’activité physique et lespolypes colorectaux a été réalisée à partirde PubMed, CINAHL (Cumulative Index toNursing and Allied Health Literature),Scopus, ainsi que des articles déjà publiéset leurs références.

La présence de polypes colorectauxdevait être l’un des critères principauxde chaque étude. Lorsque plusieurs typesd’activité physique ont été analysés dansune étude, seule était retenue l’activitéphysique durant les loisirs.

Une analyse séparée du risque de polypeshyperplasiques, adénomateux et malinsselon le niveau d’activité physique, aensuite été réalisée.

Résultats :• Au total, 20 études publiées ont étéretenues pour cette méta-analyse. Laplupart d’entre elles a recueilli lesdonnées relatives à l’activité phy-sique via un questionnaire, dont9 n’ont consigné que l’activité phy-sique de loisirs.

• Dans la majorité des études, lesraisons de la réalisation d’une endos-copie (dépistage ou symptômes)n’étaient pas précisées.

• Enfin, 18 études ont clairement rap-porté les résultats relatifs au risquespécifique de polypes adénomateux(parmi la totalité des polypes).

• Une hétérogénéité significative a étémise en évidence entre les différentesétudes (p < 0,01) ; c’est pourquoi, lesrésultats ont porté sur l’analyse deseffets aléatoires.

• Il était retrouvé une relation signifi-cative inverse entre l’activité phy-sique et la présence de polypescolorectaux (RR = 0,84 ; IC 95% : 0,77-0,92). Cet effet protecteur étaitobservé aussi bien chez les hommesque chez les femmes et semblait plusprononcé pour les adénomes largesou avancés (RR = 0,70 ; IC 95% : 0,56-0,88) mais cette tendance n’était passignificative (p = 0,16).

• Lorsque l’analyse était limitée aux18 études ayant rapporté les résultatsrelatifs aux adénomes isolément dela totalité des polypes, l’effet protec-teur de l’activité physique étaitglobalement inchangé (RR = 0,83 ;IC 95 % : 0,73-0,93). Cet effet était

également retrouvé (RR = 0,87 ;IC 95 % : 0,73-1,05) lorsque l’analyseportait sur les 6 études plus restric-tives ayant analysé uniquement :1) les adénomes ;2) les patients ayantbénéficié d’une coloscopie complète ;3) les patients sans antécédent per-sonnel ou familial de polype ou decancer colorectal et sans maladieinflammatoire colorectale.

Commentaires : Malgré l’hétérogénéitédes études analysées et de la mesure del’activité physique, cette méta-analyseconfirme les résultats des premièresétudes suggérant un effet protecteur del’activité physique sur le risque d’adé-nomes colorectaux (ici diminué de 16%).Ainsi, l’activité physique interviendraitpour prévenir, à un stade précoce, la carci-nogenèse colorectale et constituerait unmoyen de prévention primaire efficace.Il ne nous reste plus qu’à chausser nosbaskets !

Message à retenir : Un certain niveaud’activité physique permettrait dediminuer le risque d’apparition depolypes colorectaux aussi bien chez lessujets avec, ou sans, risque familial dece type.

> Références[1] Wolin KY, Yan Y, Colditz GA, et al. Physicalactivity and colon cancer prevention: ameta-analysis. Br J Cancer 2009;100:611-6.[2] Wolin KY, Yan Y, Colditz GA. Physical acti-vity and risk of colon adenoma: a meta-ana-lysis. Br J Cancer 2011;104:882-5.

Néanmoins, plusieurs questions se posent :– peut-on et faut-il utiliser cesmolécules

en première ligne ou doit-on réserverces traitements après échappement àla chimiothérapie conventionnelle ?

– comment choisir entre ces deux molé-cules ?

– peut-on administrer ces deux molé-cules de façon séquentielle et dansquel ordre ?

Il paraîtrait pertinent d’évaluer ces deuxtraitements en première ligne et, peut-être, de les comparer dans un essai destratégie.

Par ailleurs, une interrogation non réso-lue à ce jour persiste. Pourquoi observe-t-onune amélioration en termes de survie glo-bale avec le sunitinib et non avec l’évéro-limus alors que les chiffres de survie sansprogression sont parfaitement superpo-sables ? Le cross over prévu avec l’essaiRADIANT-3 gomme probablement l’effetsur la survie mais n’explique pas la diffé-rence avec l’essai sunitinib où un crossover a été pratiqué, ce qui est équivalent àun cross over en termes d’effet sur la sur-vie. Peut-être que les résultats définitifsde ces deux études permettront derépondre à cette question !

> Références[1] Raymond E, Dahan L, Raoul JL, Bang YJ,Borbath I, Lombard-Bohas C, et al. Sunitinibmalate for the treatment of pancreatic neu-roendocrine tumors. N Engl J Med2011;364:501-13.[2] Yao JC, Shah MH, Ito T, Bohas CL, WolinEM,Van Cutsem E, et al. RAD001 in AdvancedNeuroendocrine Tumors, Third Trial(RADIANT-3) Study Group. Everolimus foradvanced pancreatic neuroendocrinetumors. N Engl J Med 2011;364:514-23.

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Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011 75

Cancers colorectaux de stade II :MMR, KRAS, BRAF remis sur le tapis !Résultats de l’étude biologiquede l’essai QUASAR

Bruno Buecher (Institut Curie, Paris)

Les résultats d’une étude biologique« satellite » de l’essai britannique

QUASAR (QUick And Simple And Reliable)ont été récemment publiés dans le Jour-nal of Clinical Oncology [1]. Il s’agissaitd’évaluer la signification pronostique etl’impact sur l’efficacité de la chimiothéra-pie adjuvante des paramètres suivants :défaillance du système MMR (phénotypedMMR), mutations somatiques de KRASet BRAF.On rappelle que l’essai QUASAR visait àévaluer l’impact d’une chimiothérapieadjuvante à base de 5-Fluorouracile (5-FU)après résection d’un cancer colorectal destade II pour 92% des malades inclus. Enpratique, 1622 malades ont été randomi-sés dans le bras chimiothérapie ;1617 dansle bras « observationnel » [2]. La chimio-thérapie correspondait à du 5-FU (modulépar de l’acide folinique) administré parvoie IV bolus selon un schéma hebdoma-daire (30 semaines consécutives) ou 5 joursconsécutifs toutes les4 semaines (6 cycles).Elle était associée à une réduction signifi-cative du risque de récidive et à une amé-lioration significative de la survie.Patients et méthodes :

• L’évaluation de fonctionnalité du sys-tème MMR était réalisée indirecte-ment par l’étude immunohistochi-mique de l’expression des protéinesMLH1 et MSH2 selon la technique dutissue microarray. Elle était réalisableà partir de 1913 échantillons tumo-raux. Les tumeurs caractérisées parun défaut d’expression nucléaire del’une ou de l’autre de ces 2 protéines(alors qu’il existait un témoin internepositif : épithélium colique nontumoral adjacent et lymphocytes dustroma) étaient considérées comme« défaillantes » pour le systèmeMMR(phénotype dMMR, MMR deficient).Par opposition, le phénotype destumeurs au niveau desquelles l’ex-pression des protéines MLH1 etMSH2 était conservée était de typepMMR (MMR proficient).

• La recherche des mutations de KRASet de lamutationV600E de BRAF étaitréalisée au moyen d’une technique

standardisée (PCR et pyroséquençage)après extraction de l’ADN à partir dutissu tumoral obtenu par macrodis-section à partir de lames blanches.L’évaluation des statuts KRAS BRAFétait réalisable pour 1 583 et1584 échantillons tumoraux respec-tivement.

Résultats :1. Données analytiques

• La fréquence des différents phéno-types (dMMR versus pMMR ; KRASmuté versus KRAS sauvage ; BRAFmuté versus BRAF sauvage) pour l’en-semble de l’effectif et en fonction dela localisation tumorale est rapportéedans le tableau 1.

• Le phénotype dMMR était significati-vement associé à une localisationcolique proximale ; un stade II ; unfaible degré de différenciation tumo-rale ; une composante colloïdemuqueuse ; un nombre de ganglionsexaminés 12 ; et le sexe féminin. Parailleurs, les tumeurs de phénotypedMMR avaient une plus faible proba-bilité d’avoir une mutation de KRAS(20% versus 37%pour les tumeurs de

phénotype pMMR) et une plus forteprobabilité d’avoir une mutation deBRAF (37 % versus 05 % pour lestumeurs de phénotype pMMR).

• Il n’existait pas de corrélation entre laprésence d’une mutation de KRAS etla localisation tumorale, le stade ou lesexe. Les tumeurs avec mutation deKRAS avaient une moindre probabi-lité d’être de phénotype dMMR (7 %versus 14 % pour les tumeurs KRAS« sauvages ») et étaient exceptionnel-lement associées à une mutation deBRAF (1 % versus 11 % pour lestumeurs KRAS « sauvages »).

• Lesmutations de BRAF étaient signifi-cativement associées à une localisa-tion colique proximale ; au stade III ;au stade pT4 ; à un faible degré de dif-férenciation tumorale ; à la présenced’un contingent colloïde muqueux ; àun nombre de ganglions examinés

12 et plus fréquentes chez lesfemmes et chez les sujets les plus âgés.

2. Risques de récidive tumorale en fonc-tion du phénotype MMR et du statutKRAS et BRAF

Ils sont indiqués dans le tableau 2.

QUASAR : quoi de neuf ?

Tableau 1. Fréquence des différents phénotypes en fonction de la localisation tumorale

Phénotype Côlonproximal

Côlondistal Rectum Total

dMMR (versus pMMR) 26 % 3 % 1 % 11 %KRAS muté (versus KRAS sauvage) 40 % 28 % 36 % 34 %BRAF muté (versus BRAF sauvage) 17 % 2 % 2 % 8 %

Côlon proximal : en amont de l’angle colique gauche.Côlon distal : en aval de l’angle colique gauche.

Tableau 2. Pourcentages de récidives tumorales en fonction du phénotype tumoral

Phénotype Risque de récidive tumoraledMMR (versus pMMR) 11 % versus 26 % ;

RR = 0,53 (IC 95 % : 0,40-0,70 ; p < 0,001)KRAS muté (versus KRAS sauvage) 28 % versus 21 % ;

RR = 1,40 (IC 95 % : 1,12-1,74 ; p = 0,002)BRAF muté (versus BRAF sauvage) 19 % versus 24 % ;

RR = 0,84 (IC 95 % : 0,57-1,23 ; p = 0,4)

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76 Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011

Les résultats peuvent se résumer de lamanière suivante :

• Moindre risque de récidive tumoralepour l’ensemble des tumeurs de phé-notype dMMR que pour les tumeursde phénotype pMMR (11 % versus26 %) et pour les seules tumeurs destade II (08% versus 21%).

• Risque plus accru de récidive tumo-rale pour l’ensemble des tumeursavec mutation de KRAS que pour lestumeurs KRAS « sauvages » (28% ver-sus 21%), plus marqué pour les can-cers du rectum (RR = 2,32 ; IC 95 % :1,56-3,46 ;p<0,001) et chez leshommes.

• Absence d’impact du statut de BRAFsur le risque de récidive tumorale.

3. Bénéfice de la chimiothérapieIl existait un bénéfice de la chimiothéra-pie adjuvante s’exprimant par une réduc-tion significative du risque de récidivetumorale de 22% chez lesmalades traitéspar chimiothérapie adjuvante versus 26%chez les malades traités par chirurgieexclusive, soit unRRde0,79 (IC95% :0,69-0,91 ; p = 0,001).Ce bénéfice n’était pas associé significati-vement aux statuts MMR (dMMR versuspMMR), KRAS (KRAS muté versus KRASsauvage) et BRAF (BRAFmuté versus BRAFsauvage) des tumeurs.Commentaires :

• En pratique, il est donc important deretenir la signification pronostiquefavorable du statut dMMR qui estassocié à une diminution de près de50 % du risque de récidive tumoraledes cancers colorectaux opérés àvisée curative et le pronostic particu-

lièrement favorable des cancers dephénotype dMMR de stade II (risquede récidive de 8 % seulement). Cesdonnées sont cohérentes avec cellespubliées antérieurement.

• L’interprétation des données relativesà l’impact du statut dMMR sur l’effi-cacité de la chimiothérapie adjuvanteest plus délicate. Les auteurs suggè-rent que le bénéfice de la chimiothé-rapie adjuvante à base de 5-FU estindépendant de ce paramètre et quece traitement pourrait bénéficier éga-lement aux patients opérés d’un can-cer colorectal de stade II et de phéno-type dMMR. Ceci est en contradictionavec les données publiées récemmentpar Sargent et al. [3] qui concluaientau caractère délétère de la chimiothé-rapie dans ce contexte. Cette discor-dance pourrait s’expliquer par lesfaibles effectifs de malades porteursde tumeurs répondant à ces caracté-ristiques inclus dans ces études et parune puissance statistique ne permet-tant de répondre, de façon fiable, àcette question : 167 malades dansl’étude QUASAR (dont 89 traités parchimiothérapie adjuvante – 5 récidivestumorales – et 78 traités par chirurgieexclusive – 8 récidives tumorales) ;102malades dans l’analyse poolée deSargent et al. (dont 47 traités parchimiothérapie adjuvante et 47 trai-tés par chirurgie exclusive). Ces don-nées plaident en faveur d’une nou-velle analyse poolée intégrant lesdonnées de l’étude QUASAR.

• L’augmentation significative durisque relatif de récidive associée à laprésence d’une mutation de KRAS, enparticulier pour les cancers du

rectum rapportés par les auteurs,mérite également d’être soulignée.

Message à retenir : L’étude biologiquesatellite de l’essai QUASAR confirme laréduction significative du risque derécidive tumorale associée au phéno-type dMMR après exérèse des cancerscolorectaux et indique une majorationde ce risque associée à la présence d’unemutation de KRAS, en particulier pourles cancers du rectum. Elle suggère quela chimiothérapie adjuvante par 5-FUpourrait avoir un bénéfice quel que soitle phénotype moléculaire, y comprispour les tumeurs de type dMMR. Cesdonnées, en contradiction avec celles deSargent et al. [3], méritent d’être rééva-luées grâce à une compilation de toutesles données publiées compte tenu desfaibles effectifs et d’une puissance sta-tistique insuffisante pour répondre, defaçon fiable, à cette question.

> Références[1] Hutchins G, Southward K,Handley K, et al.Value of mismatch repair, KRAS, and BRAFmutations in predicting recurrence andbenefits from chemotherapy in colorectalcancer. J Clin Oncol 2011;29:1261-70.[2] QUASAR Collaborative Group: QUASAR:A randomised study of adjuvant chemo-therapy versus observation including3.239 colorectal cancer patients. Lancet2007;370:2020-9.[3] Sargent DJ, Marsoni S, Monges G, et al.Defective mismatch repair as a predictivemarker for lack of efficacy of fluorouracil-based adjuvant therapy in colon cancer.J Clin Oncol 2010;28:3219-26.

Adénocarcinomes sans atteinte ganglionnaire mais avecamas cellulaires péricoliques ou périrectaux isolés : quellevaleur pronostique ? Comment les classer : stade II ou III ?

Geneviève Monges (Marseille), Gérard Lledo (Lyon)

Les amas cellulaires péricoliques ou péri-rectaux isolés (ACPI) sont définis comme

des agrégats cellulaires néoplasiquessitués dans la graisse péricolique ou rec-tale, clairement dissociés de la tumeur pri-mitive et ne correspondant pas à unestructure ganglionnaire. Leur valeur pro-nostique n’avait jamais été rigoureuse-ment établie scientifiquement etles tumeurs y étant associées,mais ne pré-sentant aucune invasion ganglionnaire,étaient classées stade II ou III au gré des

différentes classifications internationales,sur des bases essentiellement empiriques.Dans la sixième classification de l’UICC,datant de 2002 (TNM6), la règle d’un ACPIde 3mmouplus qui permettait un classe-ment en stade III des tumeurs qui enétaient pourvues en l’absence d’atteinteganglionnaire, prévalant dans la classifi-cation précédente (TNM5), a été abolie.Sans caractéristique minimale de taille,il suffisait alors qu’un ACPI présente« la forme et les contours arrondis d’un

ganglion » pour que la tumeur soit clas-sée stade III. La 7e édition de l’UICC datantde 2010 confirme que, s’il ne correspondpas à un ganglion, l’APCI est classé N1c et,par conséquent, la tumeur stade III.Une clarification de la valeur pronostiquedes ACPI basée sur des preuves scienti-fiques solides s’imposait donc, notam-ment en raison de son implication théra-peutique potentielle. Ceci est maintenantchose faite grâce à ce travail hollandaispublié dansAnnals of Surgical Oncology [1].

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Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011 77

Patients et méthodes : Ce travail rétro-spectif a réuni au total 870 patients opé-rés entre 1996 et 2005 d’un cancercolorectal à l’Hôpital Kennemer Gasthuis(Haarlem, Pays-Bas). Les dossiers furentrepris notamment pour connaître leséventuels traitements complémentairesréalisés et l’évolution ultérieure. Concer-nant les tumeurs de stade II (n = 325), leslames furent réexaminées par un patho-logiste indépendant n’ayant pas connais-sance de l’évolution ultérieure, et furentsoigneusement notés les ACPI, leur taille,leur localisation, leurnombre, leurs formeset contours ainsi que la présence d’inva-sion vasculaire ou d’engainement péri-nerveux. Les patients n’ayant pas bénéfi-cié d’une résection R0 furent exclus del’analyse ainsi que ceux dont les donnéesconcernant le suivi étaient trop limitées.

L’analyse statistique s’intéressa ensuiteaux relations entre ACPI et survenued’une récidive.

Résultats :• Sur la population globale des870 patients, il fut noté 127 cas d’APCI,

soit 14,8%. L’incidence des APCI aug-mentait avec le stade de la maladie :0% dans les stades I ; 9,2% dans lesstades II ;20,1%en cas de stade III ; etenfin 34,7% dans les stades IV.

• Concernant les tumeurs de stade II,une rechute fut notée dans 50,6%descas avec ACPI et 24,4 % des cas sansACPI, la différence étant significative(p < 0,01). En analyse multivariée, laprésence d’un ou plusieurs APCI cor-respondait à un facteur de risque derechute indépendant après ajuste-ment pour les autres facteurs derisque connus : stade T ; différencia-tion cellulaire ; invasion vasculaire ;perforation ou occlusion inaugurale(Odds Ratio = 3,1 ; Intervalle deconfiance 95% = 1,4-6,9 ; p < 0,01).

• Les courbes de survie sans récidiveapparaissaient tout à fait superpo-sables pour les stades II avec APCI etles stades III.

• De même, pour les tumeurs destade III, une récidive fut notée res-pectivement dans 65,1 et 39,1% descas avec et sans ACPI (p < 0,01).

• Aucune relation ne fut retrouvéeentre la taille ou le nombre des ACPIet le risque de rechute.

• Les patients présentant des tumeursavec ACPI irréguliers affichaient unrisque plus élevé de récidive que ceuxprésentant un ou plusieurs APCI decontours réguliers arrondis.

Commentaires : Parmi les patients opé-rés d’une tumeur colorectale de stade II, lerisque est actuellement de ne pas traiteren adjuvant une sous-population à risqueméconnu. En attendant les moyensmodernes de la biologiemoléculaire avec,en particulier, le développement en rou-tine des signatures génomiques, ilconvient de rechercher les facteurs derisque clinique (occlusion ou perforationinaugurales) ou histopathologies (T4,nombre de ganglions insuffisant, inva-sion vasculaire, engainement périner-veux, faible différenciation). Au nombrede ceux-ci, il faut maintenant compter,grâce à cette étude de qualité, les amaspéricoliques ou périrectaux isolés quiconfèrent un risque de rechute équiva-lent à celui des tumeurs de stades III.

Message à retenir : En raison du risquede rechute élevé, toutes les tumeurscolorectales sans atteinte ganglionnaireavéréemais présentant un ou plusieursACPI, quelle que soit leur forme ou leurtaille, peuvent être classées Ptn1c etdonc stade III avec les conséquencesthérapeutiques qui en découlent.

> Référence[1] Belt EJ Th, et al. Ann Surg Oncol2010;17:3203-11.

Dépôts dans le mésorectum (crédit photo : Geneviève Monges)

Infiltration lymphocytaire des tumeurscolorectales : le « must » des facteurspronostiques ?

Magali Terme (INSERM, Paris)

La recherche de facteurs pronostiquesdéterminants représente un objectif

majeur en oncologie colorectale afin dedéterminer et de tenter de prévenir, aumieux, les risques de rechute après chirur-gie de la tumeur primitive. Outre lesfacteurs de mauvais pronostic clinique(présentation occlusive ou perforative),le stade de la classification TNM, les signeshistopathologiques péjoratifs (différencia-tion faible, engainements périnerveux,emboles vasculaires, nombre de gan-glions retrouvés faible, ratio ganglions

envahis sur ganglions retrouvés élevé),des critères moléculaires ou génétiquesont été recherchés mais, seuls, le statutmicrosatellitaire et certaines signaturesgénomiques, encore difficiles à détermi-ner en routine, se sont révélés contributifsà des fins pronostiques.

L’équipe française de J. Galon et F. Pagèsétudie, depuis plusieurs années, le rôle del’infiltration lymphocytaire dans les can-cers colorectaux. Leurs observations ini-tiales ont montré qu’une densité péri et

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78 Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011

centro-tumorale importante de cellulesimmunitaires (lymphocytes T CD8+mémoires) était corrélée à un stadepathologique moins avancé, à une dimi-nution de l’apparition précoce de métas-tases ainsi qu’à une augmentation de lasurvie globale [1]. Le type, la densité del’infiltrat mais également sa localisation(centre de la tumeur et front d’invasiontumoral) se révélèrent, dans ces travaux,présenter une valeur pronostiqueforte [2]. Par la suite, ces études ont menéà l’établissement d’un « score immuni-taire » basé sur la densité de lympho-cytes T cytotoxiques CD8+ et T mémoiresCD45RO+ au centre de la tumeur et auniveau du front d’invasion tumoral.Cinq groupes de tumeurs ont été définisde Im0 à Im4 de la manière suivante :– Tumeurs Im0 : peu de CD8 et CD45RO

au centre et au niveau du front d’inva-sion tumoral (front d’invasion tumo-ral : CD8loCD45lo, centre de la tumeur :CD8loCD45lo) ;

– Tumeurs Im1 : un des deux marqueursfortement exprimé dans une des deuxrégions ;

– Tumeurs Im2 : 2 densités importantes(un seul marqueur est exprimé dansdeux zones, ou les deux dans une seulezone) ;

– Tumeurs Im3 : un marqueur est forte-ment exprimé dans les deux zones, lesecond dans une seule zone ;

– Tumeurs Im4 : forte infiltration CD8 etCD45RO dans les 2 zones (front d’inva-sion tumoral : CD8hiCD45hi, centre dela tumeur : CD8hiCD45hi) [3].

Chez des patients de stade TNM précoce Iou II, ce score immunitaire possède unevaleur pronostique : les patients Im0ayant un risque de rechute plus impor-tant et une survie globale plus faible, tan-dis que les patients Im4 ayant une fortedensité en cellules immunitaires ont unesurvie globale plus importante et unrisque de rechute plus faible [3].Les objectifs du travail deMlecnik et al. [4]rapporté ici ont été d’évaluer :1) la relation entre l’infiltration lympho-

cytaire et l’extension tumorale ainsique le risque de rechute ;

2) la valeur prédictive du score immuni-taire chez tous les patients atteints decancers colorectaux quel que soit lestade.

Méthodes et patients : 599 patients opé-rés d’une tumeur colorectale de stades Ià IV, de 1990 à 2004, ont été inclus danscette étude en2 cohortes indépendantes de415 (cohorte 1) et 184 patients (cohorte 2),la deuxième cohorte permettant ainsi devalider les résultats obtenus avec la pre-mière.

L’évaluation clinique et histopatholo-gique a été menée selon le système declassification AJCC/UICC-TNM. L’infiltra-tion des tumeurs par différentes cellulesimmunitaires a été analysée selon2 méthodes (Tissue Microarray, permet-tant l’analyse de l’expression de diffé-rents gènes sur un même tissu, et immu-nohistochimie) et, ce, à la fois dans lesrégions centro et péritumorales. L’analysedes populations lymphocytaires T cyto-toxiques (CD8) et mémoires (CD45RO) apermis de classer les tumeurs selon leurscore immunitaire (Im0 à Im4).Résultats :1. La répartition des tumeurs de la

1re cohorte a été la suivante : 9% Im0 ;12 % Im1 ; 27 % Im2 ; 22 % Im3 ;30% Im4.– Seuls les paramètres T, N et la perfo-

ration intestinale inaugurale ontdémontré une valeur pronostique.

– Le score immunitaire Im4 était asso-cié à un faible risque de rechute etune survie sans progression à 5 ansde 85,4 % (HR : 0,19 ; 95 % CI 0,08à 0,44 ; p < 0,001), tandis que le scoreimmunitaire Im0 était associé à unfort risque de rechute (survie sansprogression de 31,6% à 5 ans).

– L’analyse univariée a retrouvé uneassociation significative du scoreimmunitaire à des différences desurvies sans rechute, spécifique liéeau cancer et globale, les patientsIm 3 et 4 présentant un allonge-ment de ces différents paramètres(HR 0,64 ; HR 0,60 ; HR 0,70 respecti-vement, p < 0,005 dans les trois cas).

2. La deuxième cohorte a permis deconfirmer ces résultats.

3. L’analyse de la performance prédictivede chaque marqueur en fonction dutemps a été abordée à l’aide de courbeROC. Dans ce cadre, le score immuni-taire apparaît comme le meilleur fac-teur prédictif avant les facteurs clinico-histopathologiques usuels. En analysemultivariée (TNM et score immunitaire),seul le score immunitaire reste signifi-cativement associé à la survie sansrécidive, à la survie spécifique liée aucancer et à la survie globale (HR : 0,64 ;0,63 ; 0,71 respectivement ; p < 0,001dans les trois cas). Dans un modèlecombinant le score immunitaire austade T, N, à l’âge, au sexe, au nombrede ganglions, au grade histologique, aucaractère colloïde muqueux, à l’occlu-sion, et à la perforation intestinale.Dans ce modèle, seul le score immuni-taire et la perforation intestinale res-tent des facteurs prédictifs.

4. Afin demieux comprendre la valeur deces résultats, la réaction immunitaire

in situ a été évaluée à chaque stadehistopathologique. Une corrélationinverse entre la densité en cellulesimmunitaires et le stade de la tumeur(stade T) a été mise en évidence. Ladensité cellulaire de lymphocytes TCD8, mémoires (CD45RO+) et cyto-toxiques (GZMB+) au centre de latumeur diminue graduellement avecl’extension de la tumeur (stade T). Unediminution de cette infiltration estégalement observée en cas d’envahis-sement ganglionnaire (N) et de déve-loppement de métastase (M). L’infiltra-tion CD8 diminue de 50 % entre lestade I et le stade IV (classifica-tion TNM). Cette infiltration est obser-vée chez les patients qui ne vont pasrechuter, tandis que la densité de CD8+intratumoral est faible au moment dela résection de la tumeur chez lespatients qui vont développer unerécidive quel que soit le stade de lamaladie.

Message à retenir :– Les patients développant une réci-

dive présentent, d’emblée, unetumeur avec faible densité de CD8infiltrant quel que soit le stade T aumoment de la résection tumorale.

– Le score immunitaire défini par ladensité intratumorale en cellulesimmunitaires cytotoxiques CD8 etmémoires CD45RO possède unevaleur pronostique majeure chez lespatients opérés d’un cancer colo-rectal.

Ce score immunitaire pourrait ainsipermettre d’identifier les patients àrisque de rechute, après chirurgie de latumeur primitive, qui pourraient béné-ficier d’une chimiothérapie adjuvanteen particulier dans les stades destade TNM I ou II.

> Références[1] Pages F, Berger A, Camus M, et al. Effectormemory T cells, early metastasis, and survi-val in colorectal cancer. N Engl J Med2005;353:2654-66.[2] Galon J, Costes A, Sanchez-Cabo F, et al.Type, density, and location of immune cellswithin human colorectal tumors predict cli-nical outcome. Science 2006;313:1960-4.[3] Pages F, Kirilovsky A, Mlecnik B, et al. Insitu cytotoxic and memory T cells predictoutcome in patients with early-stagecolorectal cancer. J Clin Oncol 2009;27:5944-51.[4] Mlecnik B, Tosolini M, Kirilovsky A, et al.Histopathologic-based prognostic factors ofcolorectal cancers are associated with thestate of the local immune reaction. J ClinOncol 2011;29:610-8.

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Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011 79

Pose d’une prothèse avant chirurgiecurative pour cancer colique occlusif :un taux de complications élevé !Gabriel Rahmi (Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris)

Les prothèses métalliques expansiblesnon couvertes peuvent être larguées

par voie endoscopique pour lever une sté-nose colique maligne dans un cadre pal-liatif au stade métastatique ou en atten-dant un traitement chirurgical dans unbut curatif. Dans ce dernier cas, l’objectifest d’obtenir une levée d’obstacle rapideafin de permettre une chirurgie en untemps de type résection-anastomosesans avoir recours à une colostomie. Lachirurgie colique dont la morbi-mortalitése révèle importante en situation d’ur-gence, pourrait être alors réalisée dans demeilleures conditions : stabilisation dupatient, préparation optimale du côlonpour diminuer le risque de fuites anasto-motiques postopératoires.Seules deux études prospectives rando-misées étaient disponibles comparantchirurgie d’emblée et chirurgie aprèspose de prothèse colique en cas de cancercolique occlusif à un stade curatif : la pre-mière a montré un taux de stomie défini-tive plus bas dans le groupe avec pose noncompliquée de prothèse préopératoire [1],alors que la seconde ne montrait pas dedifférence concernant le taux de stomie,sachant que le taux d’échec de la pose deprothèse, noté à 53%, était inhabituelle-ment élevé [2]. Une troisième étude quenous rapportons ici, vient compléter cesdonnées.Patients et méthodes : L’étude menée parvan Hooft et al., est prospective, contrôléeet a pour but de comparer le traitementendoscopique premier avec pose d’uneprothèse coliquemétallique non couverteversusuntraitementchirurgicalenurgenceen cas de cancer colique gauche en occlu-sion [3]. Quatre-vingt-dix-huit (98)patients inclus entre mars 2007 et août2009 dans 25 centres hollandais (dont21 non universitaires) ont été randomiséspour recevoir, soit une prothèse (n = 47),soit une chirurgie en urgence (n = 51) àH 24. Aucune dilatation endoscopique n’aété réalisée avant la pose de la prothèse.L’objectif principal était la comparaisonde la qualité de vie (questionnaire QL2 :EORTC QLQ-C30) à 6 mois. L’analyse étaitréalisée en intention de traiter.Résultats : Après 30 jours de suivi des60 premiers patients, le comité de sur-veillance a suspendu l’étude en raison

d’un taux trop élevé de complicationschez les patients ayant reçu une prothèseavec un risque absolu de 0,19 (IC 95 %[0,06-0,041]). En effet, 14 patients sur 28ont présenté un effet indésirable gravedans le groupe prothèse contre10 patients sur 32 dans le groupe chirur-gie. L’étude a finalement été fermée par lecomité de surveillance après l’inclusiondes 98 patients. Dans le groupe avec posede prothèse, le taux de succès techniqueétait de 70 %. Les 14 échecs étaient :impossibilité de passer le fil-guide dans lasténose dans 8 cas ; 4 sténoses apparais-sant bénignes au moment de l’endosco-pie ; 1 fistule digestive et une décisionpersonnelle de l’endoscopiste de ne pasposer la prothèse. Le taux de succès cli-nique, correspondant à une levée del’occlusion, était également de 70%.Les complications graves dans le groupeavec pose de prothèse étaient : 6 perfora-tions (2 en raison d’un mauvais position-nement du fil-guide et 4 directement enrapport avec l’expansion de la prothèse)et 3 abcès. Après la chirurgie réaliséesecondairement, 5 fuites anastomotiquesont été notées. Dans le groupe chirurgie,une anastomose en un temps a été réali-sée chez 12 patients et une stomie chez38 patients. Quatre (4) patients ont eu unabcès postopératoire et une fuite anasto-motique dans un cas. Il n’y avait pas dedifférence statistiquement significativeentre les deux groupes en termes de qua-lité de vie, demorbidité et demortalité. Letaux de stomie postopératoire était plusimportant dans le groupe chirurgie enurgences par rapport au groupe avec posede prothèse (74% versus 51% ; p = 0,016)alors qu’il était comparable entre les deuxgroupesà6mois (66%versus57% ;p=0,35).Commentaires : Cette étude met donc enévidence une morbidité élevée liée à lapose d’une prothèse colique avant lachirurgie, justifiant son arrêt prématuré.Le taux de perforation de 13 % est éton-namment élevé par rapport aux chiffresconnus dans les études publiées : moinsde 5 %. Le taux de succès technique estbas, de 70 % (mais les cas de sténosesbénignes et de fistule où la prothèse n’apas été posée ainsi que le cas de décisionpersonnel d’un opérateur de ne pas enposer, ont été inclus dans les échecs), alors

que ce taux est d’environ 90% dans la lit-térature. Les auteurs signalent que lesopérateurs étaient, pour la grande majo-rité, spécialisés dans l’endoscopiebiliopancréatique et ne précisaient pasleur expérience globale. En effet, il étaitsignalé qu’ils avaient posé plus de 10 pro-thèses coliques, ce qui est peu d’autantplusque le tauxd’obstruction complètedela sténose était élevé (33 sur 47) rendantla pose de la prothèse difficile.Dupoint devue carcinologique et même si cela n’estpas clairement démontré, ceci pose le pro-blème d’une éventuelle disséminationcancéreuse lors de la perforation chez despatients dont le traitement est à but cura-tif. Malgré les limites de cette étude, cetaux important de complications nousincite donc à la prudence et une concerta-tion étroite avec l’équipe chirurgicale doitêtre la règle, idéalement dans un centreexpert. Il faudra définir une populationcible, notamment les patients ayant plu-sieurs comorbidités, chez qui la posed’une prothèse permettrait unemeilleurepréparation à la chirurgie. Ces résultatspourraient être améliorés par l’évolutiontechnologique des prothèses digestives etdes guides utilisés pour passer la sténose.

Message à retenir : Dans le cadre d’untraitement curatif, la pose d’une pro-thèse métallique non couverte avant larésection chirurgicale d’un cancercolique en occlusion doit faire l’objetd’une concertation médicochirurgicaleen raison d’un taux de complication àtype de perforation élevé.

> Références[1] van Hooft JE, Bemelman WA, OldenburgB, et al. For the collaborative Dutch Stent-Instudy group Colonic stenting versus emer-gency surgery for acute left-sidedmalignantcolonic obstruction: a multicentre randomi-sed trial. Lancet Oncol 2011Apr;12(4):344-352.[2] Cheung HY, Chung CC, Tsang WW, et al.Endolaparoscopic approach vs conventionalopen surgery in the treatment of obstruc-ting left-sided colon cancer: a randomizedcontrolled trial. Arch Surg 2009;144:1127-32.[3] Pirlet IA, Slim K, Kwiatkowski F, et al.Emergency preoperative stenting versus sur-gery for acute left-sided malignant colonicobstruction: a multicenter randomizedcontrolled trial. Surg Endosc 2010;10:1471-6.

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80 Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011

Cancer du rectum : le Pet Scanne s’impose pas encoreen néoadjuvant !

Astrid Lièvre (Boulogne-Billancourt)

La radiochimiothérapie (RCT) suivied’une chirurgie est le traitement stan-

dard des cancers du bas et moyen rectumlocalement avancés. Plusieurs études sug-gèrent que l’obtention d’une réponse his-tologique complète après RCT (retrouvéedans 15 à 30% des cas) serait associée àun meilleur pronostic en termes decontrôle local,de survie sans récidive et desurvie globale [1]. À ce jour, aucun mar-queur prédictif de la réponse à la RCT néo-adjuvante n’a pu êtremis en évidence. Deplus, la fiabilité des techniques d’image-rie habituelles (échoendoscopie, TDM etIRM) pour évaluer le stade tumoral et laréponse histologique après RCT n’est pastrès bonne.Des travaux ontmontré que lePet Scanau18 FDGpouvait permettre uneévaluation précoce de la réponse à la RCTen cas de cancers de l’œsophage. Le but del’étude que nous rapportons [2] était doncd’évaluer l’intérêt du Pet Scan pour pré-dire la réponse histologique complèteaprès RCT néoadjuvante des cancers durectum localement avancés.Patients et méthodes : Cette étude pros-pective, unicentrique, italienne a portésur tous les patients traités par RCT néo-adjuvante (50,4 Gys + 5FU en continu± oxaliplatine) puis chirurgie pour uncancer du rectum situé à moins de 12 cmde la marge anale T3-4 N0/+ de juin 2003àmai 2009.Un Pet Scan avant RCT puis 6 à 7 semainesaprès la fin de ce traitement a été prati-qué chez tous les patients. L’activitéméta-bolique de la tumeur a été évaluée par2médecins nucléaires en utilisant le SUV-max (maximum standardised uptakevalue) avant (SUV-1), et après (SUV-2) laRCT avec calcul du différentiel en % selonla formule Δ-SUV= SUV-1 – (SUV-2/SUV-1100).

La réponse tumorale à la RCT était éva-luée sur pièce opératoire selon le grade derégression histologique de Dworak[TRG0 : aucune régression ; TRG1 : régres-sion mineure avec fibrose occupant25 % de la tumeur ; TRG2 : régression

importante avec fibrose occupant 26% à50 % de la tumeur ; TRG3 : très rarescellules tumorales avec fibrose

majoritaire ( 50% de la tumeur) ; TRG4 :réponse histologique complète].

Résultats :• Au total, 80 patients ont été inclus ettous opérés 8 semaines après la fin dela RCT avec une résection R0 pour72 (90 %) d’entre eux et une résec-tion R1 pour 8 (10%) autres.

• Une réponse histologique complète aété obtenue chez 16 patients (20 %),et 42 patients (52,5%) étaient ypN0.Selon le grading de Dworak, 80% despatients ont présenté une régressiontumorale histologique importante(TRG2 : 35 %, TRG3 : 25 % et TRG4 :20%). En comparaison du bilan d’ima-gerie initial, 53 patients (66,25%) ontbénéficié d’un « downstaging » aprèsRCT.

• Tous les patients présentaient unetumeur hyperfixante au Pet Scan ini-tial, avec un SUV-1 médian à 14,4(6,1-51). Après RCT, une diminutionde la captation de l’isotope a éténotée chez tous les patients, avec unSUV-2 médian à 4 (< 2-17), et unΔ-SUVmédiande75,4%(10,5%-100%).Une réponse complète métabolique(SUV-2 < 2) a été enregistrée chez24 patients (30%).

• Une analyse ROC a été conduite afinde déterminer les seuils de SUV per-mettant une fiabilité diagnostiqueoptimale prédictive de la réponse his-tologique complète (TRG 4) après RCT.Malheureusement, les 3 paramètres(SUV-1, SUV-2 et Δ-SUV) avaient unetrès bonne sensibilité (100%, 87,5%et 93,7%)mais unemauvaise spécifi-cité (10,9%, 34,4% et 31,2%) en rai-son d’un nombre important de faux-positifs. En analyse multivariée,aucun paramètre n’était prédictif dela réponse TRG 4.

• Après un suivi médian de 44 mois,13 patients ont présenté une récidive.Les patients avec SUV-2 5 avaientune survie sans récidive significati-vementmeilleurequeceuxavecSUV-2> 5 (p = 0,0003) alors que la réponsehistologique selon le gradingdeDwo-rakn’avait pasd’impactpronostique.

• En analysemultivariée, seuls le SUV-2( ou > 5) et le pN (0 vs 1-2) étaient desfacteurs pronostiques indépendants(p = 0,01 et p = 0,027 respectivement).

• Si 4 des 13 patients ayant présentéune récidive avaient un SUV-2 5,aucun de ceux avec réponse métabo-lique complète (SUV-2 < 2) n’avaitprésenté de récidive, aux dernièresnouvelles.

Commentaires : Cette étude, jouissantd’une méthodologie de qualité, montreque le Pet Scann’est pas un examen fiablepour prédire la réponse histologique com-plète à la RCT néoadjuvante pour cancerdu rectum. En revanche, elle suggère quela SUV après RCT serait corrélée à la sur-vie sans récidive.Ces derniers résultats nécessitent d’êtreconfirmés car le recul reste limité, lenombre d’événements est assez faible(récidives : 13/80) et les données ne sontpas encore matures pour une analyse dela survie globale. Néanmoins, si la valeurpronostique de la réponse au Pet Scan seconfirmait, elle pourrait constituer unélément de discussion supplémentairepour indiquer une éventuelle chimiothé-rapie adjuvante (dont l’intérêt resteaujourd’hui débattu) chez les patientsavec SUV > 5 après RCT.Enfin, la discordance entre l’absence devaleur prédictive de la réponse histolo-gique complète et la valeur pronostiquesur la survie sans récidive du Pet Scanpose ici question compte tenu de la rela-tion mise en évidence entre ces deuxparamètres dans plusieurs autres études.

Message à retenir : La valeur pronos-tique du Pet Scan après RCT néoadju-vante des cancers du rectum pourraitêtre meilleure que celle de la réponsehistologique et donc aider à une déci-sion de CT adjuvante postopératoire.Cette donnée ici retrouvée n’est pasconcordante avec celles d’autres étudeset mérite des informations complé-mentaires. À ce jour, le Pet Scan netrouve donc pas d’indication dans cettesituation.

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Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011 81

La radiochimiothérapie permet-elleune chirurgie conservatricedes cancers du rectum ?

Christophe Mariette (Lille)

Sur la base de plusieurs grands essaisrandomisés, la radiochimiothérapie

(RCT) néoadjuvante avec exérèse com-plète du mésorectum est le traitement deréférence des cancers localement avancésdu moyen et bas rectum. Après RCT, uneréponse histologique complète est rap-portée dans 10 à 30 % des cas [1-3]. Lachirurgie radicale est grevée d’unemorbi-dité élevée, et nécessite fréquemment lerecours à une stomie le plus souvent tem-poraire, avec d’éventuelles séquelles fonc-tionnelles.

Au travers d’une revue de la littérature,les auteurs ont cherché à évaluer la placedes approches conservatrices (sur-veillance sans chirurgie ou chirurgie limi-tée de type résection transanale) pour lestumeurs répondant, de façon majeure, àla RCT [4]. Les critères de jugement étaientle taux de récidive locale et la survie.

Résultats : Après chirurgie radicale pourune tumeur en réponse histologiquecomplète, le taux de récidive locale étaitde 0 à 2% avec une survie sans maladieà 5 ans de 89 à 100 %. À partir d’étudesrapportant les résultats de patients âgésou ayant refusé la chirurgie, le traitementconservateur après RCT pour des tumeursclassées initialement cT2-T3 N0 permet-tait d’obtenir des taux de récidive localede 0 à 23 % et de survie globale à 5 ansde 61 à 100 %, pouvant être considéréscomme proches de ceux de la chirurgieradicale.

Très peu de données étaient disponiblespour les patients initialement cN+. Unelésion ypT0 était associée à un risqued’envahissement ganglionnaire de2 à 5 %. La morbidité et la mortalitéétaient significativement inférieuresaprès exérèse locale comparativement àla chirurgie radicale avec, probablement,de meilleurs résultats fonctionnels et dequalité de vie.

Les auteurs concluaient que les tumeursrectales ayant très bien répondu à la RCTpouvaient être candidates à une exérèselocale avec des résultats proches de ceuxde la chirurgie radicale.Commentaires : La stratégie de conserva-tion rectale après réponse majeure à laRCT semble particulièrement intéres-sante et prometteuse. Cetteméta-analysemet cependant en avant le manqued’études de qualité évaluant cette straté-gie par un essai randomisé de forte puis-sance ; les études comparatives portantsur de petits effectifs pouvant conclure, àtort, à l’absence de différence faute depuissance. L’essai randomisé nationalGRECCAR-2 (essai de phase 3, randomisécomparant, après radiochimiothérapie,une chirurgie locale à l’excision complètedu mésorectum, chez des patients ayantun cancer du bas rectum de stades T2, T3)va permettre de combler certaines de ceslacunes.Alors que cette stratégie conservatrice estrelativement bien documentée pour lestumeurs sans envahissement ganglion-naire en préthérapeutique, les résultatsde l’approche conservatrice en cas detumeur initialement N+ sont pauvres.L’attitude conservatrice pour ces tumeursn’est donc pas indiquée à ce jour. Il fautcependant clairement différencier la stra-tégie conservatrice avec exérèse locale,majoritairement étudiée dans la présenteméta-analyse, de celle consistant en unesimple surveillance, cette dernière fai-sant l’objet à ce jour d’une évaluationinsuffisante et mal documentée. Cesprises en charge novatrices,même si elless’adressent à unpetit nombre de patients,ouvrent la porte à un traitement « à lacarte » du cancer du rectum. Il est urgentd’identifier des facteurs prédictifs fiablesde la réponse histologique complète afind’optimiser la stratégie. Par ailleurs, ilfaut également, à l’inverse, évaluer les

possibilités de chirurgie de rattrapage encas de ré-évolution locorégionale afin dene pas pénaliser la survie et le confort deces patients. D’autres pistes thérapeu-tiques, telles que l’intensification de laRCT ou une augmentation du délai entrela fin de la RCT et la chirurgie, pourraientvoir le jour dans le but d’une potentialisa-tion du taux de réponse.

Messages à retenir : Bien que man-quant d’une évaluation fiable dans lecadre d’essais randomisés d’envergure,la chirurgie conservatrice du rectumpar exérèse tumorale locale transanale,après réponse majeure à la radiochi-miothérapie, apparaît prometteusechez des patients ciblés. La validité dela stratégie de simple surveillanceaprès RCT reste, quant à elle, à démon-trer faute d’un nombre significatif depatients rapportés.

> Références[1] Smith FM, Reynolds JV,Miller N, StephensRB, Kennedy MJ. Pathological and molecularpredictors of the response of rectal cancer toneoadjuvant radiochemotherapy. Eur J SurgOncol 2006;32:55-64.[2] Beddy D, Hyland JM, Winter DC, et al. Asimplified tumor regression grade correlateswith survival in locally advanced rectalcarcinoma treated with neoadjuvantchemoradiotherapy. Ann Surg Oncol2008;15:3471-7.[3] Mignanelli ED, de Campos-Lobato LF,Stocchi L, Lavery IC, Dietz DW. Downstagingafter chemoradiotherapy for locallyadvanced rectal cancer: is theremore (tumor)than meets the eye? Dis Colon Rectum2010;53:251-6.[4] Smith FM,WaldronD,Winter DC.Rectum-conserving surgery in the era of chemora-diotherapy. Br J Surg 2010;97:1752-64.

> Références

[1] Maas M, Nelemans PJ, Valentini V, et al.Long-term outcome in patients with apathological complete response after che-

moradiation for rectal cancer: a pooled ana-lysis of individual patient data. Lancet Oncol2010 Sep;11(9):835-44. Epub 2010 Aug 6.[2] Martoni AA, Di Fabio F, Pinto C, et al.Prospective study on the FDG-PET/CT predic-

tive and prognostic values in patientstreated with neoadjuvant chemoradiationtherapy and radical surgery for locallyadvanced rectal cancer. Ann Oncol. 2011Mar;22(3):650-6.

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82 Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011

CCRm : FOLFIRI avecou sans cetuximab, derniers résultatsde survie globale selon le statutKRAS : ou quand le « Crystal »brille de tous ses feux !Astrid Lièvre (Boulogne-Billancourt), Gérard Lledo (Lyon)

L’adjonction de cetuximab au schémaFOLFIRI en première ligne de traite-

ment du cancer colorectal métastatique(CCRm) chez les patients sans mutationtumorale de KRAS avait permis d’obtenir,comparativement au FOLFIRI seul, unavantage significatif en termes de tauxde réponse et de survie sans progressiondans l’étude internationale randomiséede phase III « CRYSTAL » initialementpubliée dans le New England Journal ofMedicine en 2009 [1].Une analyse actuali-sée incluant un plus grand nombre depatients testés pour leur statut tumoral deKRAS et BRAF a été rapportée dans le Jour-nal of Clinical Oncology en avril 2011 [2].

Patients et Méthodes : Les patients por-teurs d’un CCRm non prétraité inclusdans l’étude CRYSTAL avaient été

randomisés en deux bras de traitement :FOLFIRI avec ou sans cetuximab. Les blocstumoraux ayant initialement servi àdéterminer l’expression d’EGFR ont étérepris afin d’analyser les statuts tumo-raux de KRAS et BRAF. L’analyse muta-tionnelle de KRAF et BRAF s’est ainsipoursuivie permettant d’augmenter lepouvoir statistique de l’analyse notam-ment en termes de survie globale.Résultats :

• Le statut tumoral de KRAS a ainsi puêtre déterminé chez 89%des patientsinclus contre 37 % dans l’analyseantérieure. Le taux global de muta-tion de KRAS a été noté à 37%.

• L’adjonction de cetuximab au FOLFIRIdans la population sans mutation deKRAS a permis une amélioration

significative du taux de réponseobjective, de la survie sans progres-sion mais aussi de la survie globalecomme rapporté dans le tableau ci-dessous.

Une mutation de BRAF était présentechez 6% des 999 patients analysés. Chezles patients KRAS sauvage/BRAF muté, lasurvie était nettement inférieure à celledes patients KRAS et BRAF sauvages quelque soit le bras de traitement. Enrevanche,une amélioration de la SSP et dela SG était observée dans le bras Folfiri+ cetuximab par rapport au bras Folfiri,mais la différence n’était pas significative(Tableau 1).Commentaires : Les données actualiséesde l’étude CRYSTAL confirment donc, chezles patients KRAS sauvage, le bénéfice ducetuximab ajouté au Folfiri en 1re ligne entermes de SSP, de réponse objective, maisaussi de SG (avec une médiane de23,5 mois faisant partie des plus longuesobservées dans une étude randomisée dephase III).La présence d’une mutation de BRAF nepeut, quant à elle, être considérée commeun facteur prédictif de résistance aucetuximab au vu des résultats de cetteétude qui suggèrent, en revanche, unevaleur pronostique très péjorative decettemutation comme cela a été rapportédans d’autres études [3-4].

Message à retenir : L’adjonction decetuximab au schéma FOLFIRI en pre-mière ligne de traitement du cancercolorectal métastatique améliore signi-ficativement le taux de réponse, la sur-vie sans progression et la survie glo-bale dans la population KRAS sauvagequi, seule, est autorisée à recevoir cettedrogue selon les termes de l’AMM. Lamutation de BRAF constitue un facteurpronostique péjoratif mais non un fac-teur prédictif de l’efficacité du cetuxi-mab.

Tableau 1. Résultats actualisés de l’étude CRYSTAL dans la population globale et en fonction dustatut de KRAS et de BRAF

Folfiri +cetuximab Folfiri p

Population globale (n = 1 198)SSP (mois) 8,9 8,0 0,047SG (mois) 19,9 18,6 0,0419Taux de réponse (%) 46,9 38,7 0,0038Population KRAS sauvage (n = 666)SSP (mois) 9,9 8,4 0,0012SG (mois) 23,5 20,0 0,0093Taux de réponse (%) 57,3 39,7 < 0,001Taux de résection R0 des métastases (%) 5,1 2,0 0,0265Population KRAS/BRAF sauvage (n = 566)SSP (mois) 10,9 8,8 0,0013SG (mois) 25,1 21,6 0,0547Taux de réponse (%) 61,0 42,6 < 0,01Population KRAS sauvage/BRAF muté(n = 59)SSP (mois) 8,0 5,6 0,87SG (mois) 14,1 10,3 0,74Taux de réponse (%) 19,2 15,2 0,91

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Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011 83

> Références[1] Van Cutsem E, Köhne CH, Hitre E, et al.Cetuximab and chemotherapy as initialtreatment for metastatic colorectal cancer.N Engl J Med 2009;360:1408-17.[2] Van Cutsem E, Köhne CH, Láng I, et al.Cetuximab Plus Irinotecan, Fluorouracil, and

Leucovorin As First-Line Treatment forMetastatic Colorectal Cancer: UpdatedAnalysis of Overall Survival According toTumor KRAS and BRAF Mutation Status.J Clin Oncol 2011;29:2011-9.[3] Tol J, Nagtegaal ID and Punt CJ. BRAFmutation in metastatic colorectal cancer.N Engl J Med 2009;361:98-9.

[4] De Roock W, Claes B, Bernasconi D, et al.Effects of KRAS, BRAF, NRAS, and PIK3CAmutations on the efficacy of cetuximab pluschemotherapy in chemotherapy-refractorymetastatic colorectal cancer: a retrospectiveconsortium analysis. Lancet Oncol2010;11:753-62.

Le risque d’événementthromboembolique veineuxest-il vraiment augmenté en casde chimiothérapie avec bevacizumab ?

Gérard Lledo (Lyon)

Le risque de survenue d’un événementthromboembolique veineux (ETEV) est

majeur au cours de l’évolution des can-cers, et source d’une importante morbi-mortalité. Les mécanismes physiopatho-logiques des ETEV au cours des cancerscroisent souvent ceux de l’angiogenèse etde l’invasion tumorale avec, notamment,des altérations de l’expression des fac-teurs de coagulation, l’exposition à desprotéines (métalloprotéinases entreautres) et des tissus prothrombotiques,phénomènes inflammatoires, altérationdes fonctions plaquettaires et endothé-liales vasculaires…Le risque d’ETEV peut également être enrelation directe avec le type de cancer etson stade de développement, l’état géné-ral et les comorbidités, la mobilité et ladiététique du patient. Les différenteschimiothérapies utilisées peuvent égale-ment plus oumoins influer sur ce risque.À cet égard, le risque d’ETEV conféré parles inhibiteurs du VEGF, tel le bevacizu-mab, reste controversé avec divergencesde différents travaux sur ce thème.Rappelons cependant que le sur-risquethromboembolique artériel apporté parcet anticorps anti-VEGF, chiffré de 1 à 3%,est connu et documenté de manièreconvergente.Ce travail d’envergure rapporté par Her-bert Hurwitz et al. dans le Journal of Clini-cal Oncology en mai 2011 [1] permet detrancher le débat du sur-risque potentield’EVET sous bevacizumab.Patients et méthodes : Les données indi-viduelles de 6 055 patients inclus dans10 études randomisées avec bevacizu-mab furent analysées. Le risque d’ETEV

non ajusté et ajusté selon l’exposition auproduit fut calculé pour la population glo-bale ainsi que par localisation tumorale.Les facteurs de risque d’ETEV furentrecherchés grâce à une analyse multiva-riée, et la tolérance aux traitements anti-coagulants fut examinée.Résultats : Il ne fut pas constaté d’aug-mentation significative du risque d’ETEV,quel que soit son grade, sous bevacizu-mab, comparativement aux témoins nontraités par cette drogue et ceci en ana-lyses non ajustée et ajustée selon l’exposi-tion au produit. Cette constatation futretrouvée dans la population globale ouen analyse de sous-groupes en fonctionde la localisation tumorale.

• L’incidence non ajustée d’ETEV dansla population globale fut de 10,9 et9,8% respectivement sous bevacizu-mab et placebo (Odds Ratio : 1,14 ;IC 95% : 0,96-1,35 ; p = 0,13).

• L’incidence d’ETEV pour 100 patients/année fut de 18,5 et 20,3% respecti-vement sous bevacizumabet contrôle(Rate Ratio : 0,91 ; IC 95% ; 0,77-1,06 ;p = 0,23).

• L’incidence des ETEV graves (stades 3à 5) fut identique avec ou sans bevaci-zumab.

• En analyse multivariée, plusieurs fac-teurs de risque d’ETEV furent identi-fiés : le type de tumeur (risque élevédans les cancers pulmonaires non àpetites cellules, les cancers pancréa-tiques et colorectaux), un âge de plusde 65 ans, un indice de performancedéfavorable (1-2 versus 0), des antécé-dents de maladie veineuse throm-boembolique, la présence d’un traite-ment anticoagulant oral à la baseline,et des antécédents chirurgicaux.

• Il ne fut pas noté d’interaction entreces facteurs et l’utilisation du bevaci-zumab.

• Après survenue d’ETEV, lors de l’utili-sation d’un traitement anticoagulantà dose pleine, le risque hémorragiqueest demeuré faible et nonmodifié parle bevacizumab.

Commentaires : Cette large étude rétros-pective portant sur l’analyse individuellede 6055 patients dans 10 études rando-misées avec bevacizumab versus contrôle,sans biaismanifeste, a permis d’identifierles différents facteurs de risque d’ETEV encours de chimiothérapie au rang desquelsle bevacizumab ne se situe pas, quel quesoit le grade des ETEV considérés. Ceci estd’autant plus remarquable que lespatients sous bevacizumab ont bénéficiéd’une meilleure survie dans toutes lesétudes analysées et ont donc été exposésà un risque d’ETEV sur une plus longuepériode que les témoins. Le risque d’ETEVest principalement inhérent à des fac-teurs liés à la tumeur et au patient.

Message à retenir : L’adjonction debevacizumab à la chimiothérapie pourcancer avancé n’accroît pas significati-vement le risque d’événements throm-boemboliques veineux comparative-ment à la chimiothérapie utilisée seule.Lors de la survenue d’un tel événement,le traitement anticoagulant peut êtremené normalement, en poursuivant lebevacizumab qui n’aggrave pas lerisque hémorragique.

> Référence[1]HurwitzH,etal. J ClinOncol2011;29:1755-63.

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84 Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011

Bevacizumab,vers une utilisation raisonnée

Astrid Lièvre (Boulogne-Billancourt)

L’anticorps anti-VEGF bevacizumab(Avastin®) est utilisé dans le traite-

ment de nombreux cancers tels que lescancers colorectaux, bronchiques, mam-maires, rénaux et les glioblastomes. Enraison de l’implication du VEGF dans l’an-giogenèse physiologique et les fonctionsvasculaires, son inhibition par le bevaci-zumab peut être associée à la survenued’une hypertension artérielle (HTA), detroubles de la cicatrisation, d’hémorra-gies, d’événements thromboemboliquesou de perforations digestives dont l’évolu-tion peut être potentiellement sévère. Siun certain nombre d’événements indési-rables fatals ont été rapportés chez despatients traités par bevacizumab, le rôlecausal de cet antiangiogénique dans lasurvenue de ces événements n’est pasclairement établi. Une méta-analyse adonc été conduite [1] afin de déterminerl’éventuelle association entre l’utilisationdu bevacizumab pour cancer et le risquede décès.Patients et méthodes : Il s’agit d’uneméta-analyse de tous les essais randomi-sés contrôlés publiés entre 1996 et 2010ayant comparé une combinaison dechimiothérapie plus bevacizumab à unechimiothérapie seule. Les sources sui-vantes ont été utilisées : PubMed,EMBASE, Web of Science database, ainsique les abstracts de l’ASCO.Le critère principal de jugement était lasurvenue d’événements indésirablesfatals (EIF) liés aux traitements définiscomme une toxicité grade 5 selon les cri-tères NCI-CTC v2 ou v3.Résultats :

• Au total,16 essais contrôlés randomi-sés (4 phases II, 12 phases III) regrou-pant 10217 patients ont été retenuspour l ’analyse (bevacizumab,n = 5589 ; contrôles, n = 4628). Cesessais incluaient les localisationstumorales suivantes : colorectale(n = 5), bronchique (n = 4), sein (n = 3),

rénale (n = 2), pancréatique (n = 1) etprostatique (n = 1).

• 148 EIF ont été rapportés au totalchez les 5 580 patients traités parbevacizumab (incidence de 2,5 %selon le test d’hétérogénéité).

• Chez les 10 217 patients, le risquerelatif (RR) d’EIF était de 1,46 (IC 95% :1,09-1,94 ; p = 0,01) en cas de traite-ment par bevacizumab comparé augroupe contrôle. Il était de 1,43(IC 95 % : 1,07-1,91 ; p = 0,02) aprèsexclusion des 4 essais effectués pourtumeurs bronchiques (arrêt par lasuite du traitement par bevacizumabdans cette indication en raison durisque élevé d’hémoptysie).

• Lorsque la dose-intensité de bevaci-zumab était équivalente à 5 mg/kgpar semaine (8 essais), le risque d’EIFétait significativement augmenté,avec un RR de 2,55 (IC 95 % : 1,44-4,53 ; p = 0,001) alors qu’il ne l’étaitpas à la dose de 2,5 mg/kg parsemaine (4 essais) avec, alors, un RRde 1,36 (IC 95% : 0,87-2,12 ; p = 0,17).Cependant, les taux d’EIF n’étaientpas statistiquement différents entreles deux doses (p = 0,16), probable-ment par manque de puissance sta-tistique.

• L’analyse selon la localisation tumo-rale montrait que les RR d’EIF les plusélevés étaient observés lors des can-cers prostatiques (3,85 ; IC 95% :1,58-9,37) et bronchiques (2,12 ; IC 95 % :0,78-5,78) et les plus faibles lors descancers du rein (1,11 ; IC 95% :0,29-4,2)et du sein (0,69 ; IC 95% : 0,30-1,62)mais ces variations n’étaient pas sta-tistiquement différentes (p = 0,13). Le

RR pour les cancers colorectaux n’estpas précisé dans l’articlemais aucunedes études prises séparément danscette localisation n’était associée à unRR statistiquement augmenté(Tableau 1).

• L’analyse selon le type de chimiothé-rapie associée au bevacizumab mon-trait, quant à elle, que les schémas àbase de platines ou de taxanesétaient associés à un RR d’EIF signifi-cativement plus élevé que les autrestypes de chimiothérapies (RR de 3,49vs 0,85 ; p = 0,045).

• Enfin, une analyse des EIF a étémenée selon que les événementsindésirables étaient spécifiquementresponsables du décès (n = 67/148 ;45,3 %, désignés comme EIF spéci-fiques) ou non. Ces EIF spécifiquesétaient les suivants : hémorragie(23,5 %) ; neutropénie (12,2 %) ;perforation digestive (7,1 %) ; embo-lie pulmonaire (5,1%) ; et AVC (5,1%).Comparé au groupe contrôle, le beva-cizumab était associé à un RR d’EIFspécifique plus élevé (1,79 ; IC 95% :1,12-2,87 ; p = 0,02). Les EIF spécifi-quement associés au bevacizumables plus fréquents étaient les hémor-ragies (1,3% vs 0,3%) suivies des per-forations digestives (1,2 % vs 0,2 %).Seul le RR d’hémorragie était signifi-cativement plus élevé avec le bevaci-zumab comparé au groupe contrôle(2,77 ; IC : 1,07-7,16 ; p = 0,04).

Commentaires : Cette méta-analysemontre que l’adjonction du bevacizumabà une chimiothérapie conventionnelle est

Tableau 1. Risque relatif d’événements indésirables fatals associés au bevacizumab vs contrôledans les cancers colorectauxmétastatiques

RéférencesNombre d’événements /

Nombre de patients RR (IC 95 %) pBevacizumab Contrôle

Hurwitz 2004 [2] 1/393 0/397 3,03 (0,12-74,17) 0,5Kabbinavar 2005 [3] 4/100 7/104 0,59 (0,18-1,97) 0,39Saltz 2008 [4] 14/675 10/694 1,44 (0,64-3,22) 0,38Kabbinavar 2003 [5] 2/67 1/35 1,05 (0,10-11,13) 0,97Giantonio 2007 [6] 4/521 0/285 4,93 (0,27-91,26) 0,28

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Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011 85

associée à une augmentation significa-tive du risque d’EIF. Compte tenu du faiblerisque absolu de décès lié au traitement,l’utilisation du bevacizumab doit prendreen compte le rapport bénéfice/risque enconsidérant le bénéfice de survie démon-tré ou non dans chacune des localisationstumorales.

Dans les cancers colorectaux, ce risqued’EIF n’est pas augmenté de manièresignificative. La dose-intensité habituel-lement utilisée (2,5 mg/kg par semaine)moins toxique et le bénéfice en survieorientent favorablement, hors cas parti-culiers, le rapport bénéfice/risque. Lesrisques d’hémorragie et de perforationsdigestives liés au bevacizumab sontcependant bien retrouvés dans ce travailet doivent nous conduire à la prudence,au respect des précautions d’emploi et àl’information des patients.

Message à retenir : Le risque d’EIF restefaible lors de l’utilisation du bevacizu-mab, mais doit toujours être mis enbalance avec le bénéfice en survieespéré. En cas de cancer colorectalmétastatique, le rapport bénéfice/risquedemeure favorable hors cas particuliers.

> Références[1] Ranpura V, Hapani S, Wu S. Treatment-related mortality with bevacizumab incancer patients: a meta-analysis. JAMA2011;305(5):487-94.[2] Hurwitz H, Fehrenbacher L, NovotnyW, etal. Bevacizumab plus irinotecan, fluorouracil,and leucovorin for metastatic colorectal can-cer. N Engl J Med 2004;350:2335-423.[3] Kabbinavar FF, Schulz J, McCleod M, et al.Addition of bevacizumab to bolus fluoroura-cil and leucovorin in first-line metastatic

colorectal cancer: results of a randomizedphase II trial. J Clin Oncol 2005;23:3697-705.

[4] Saltz LB, Clarke S, Diaz-Rubio E, et al.Bevacizumab in combination with oxalipla-tin-based chemotherapy as first-line therapyin metastatic colorectal cancer: a randomizedphase III study. J Clin Oncol 2008;26:2013-9.

[5] Kabbinavar F,Hurwitz HI, Fehrenbacher L,et al. Phase II, randomized trial comparingbevacizumab plus fluorouracil (FU)/leucovo-rin (LV) with FU/LV alone in patients withmetastatic colorectal cancer. J Clin Oncol2003;21:60-5.

[6] Giantonio BJ, Catalano PJ, Meropol NJ, etal. Bevacizumab in combination with oxali-platin,fluorouracil,and leucovorin (FOLFOX4)for previously treated metastatic colorectalcancer: results from the Eastern CooperativeOncology Group Study E3200. J Clin Oncol2007;25:1539-44.

Traitement anticoagulantet bevacizumab :une cohabitation possible !Géraldine Perkins (Hôpital Cochin, Paris)

Le bevacizumab est un anticorps mono-clonal dirigé contre le VEGF (Vascular

Endothelial Growth Factor) qui a prouvéson efficacité en association avec lachimiothérapie, en termes de survie et deréponse dans le traitement des cancerscolorectal métastatique (CRC) et broncho-pulmonaire non à petites cellules avancé(CBPNPC),mais aussi dans d’autres locali-sations.

Des accidents hémorragiques ont été rap-portés lors de son utilisation, le plus sou-vent mineurs, mais des évènementsmajeurs tels que l’hémorragie pulmonaireont aussi été rapportés. Par ailleurs, lesaccidents thromboemboliques graves telsque la thrombose veineuse profonde(TVP) et l’embolie pulmonaire (EP) fré-quents chez les patients cancéreux, etcause importante de morbi-mortalitéparaissent, dans certaines études, plusfréquents sous bevacizumab. Les évène-ments hémorragiques sous traitementanticoagulant (TAC) pour thrombose sontaussi plus fréquents en cas de cancerqu’en dehors de ce cadre, quel que soit letype de TAC utilisé. De ce fait, la probabi-lité que les patients traités par bevacizu-mab développent un accident throm-boembolique et nécessitent un TAC estélevée, mais peu de données existent

concernant le risque d’une telle associa-tion. Cet article [1] décrit le risque hémor-ragique de l’association bevacizumab etTAC dans une analyse rétrospective de3 études contrôlées randomisées.Matériels et méthodes : Trois études dephase III randomisées utilisant le bevaci-zumabouunplaceboontété sélectionnéespour ce travail. L’existence d’un TAC à l’en-trée de l’étude était un critère d’exclusion.En revanche, l’utilisation d’un TAC pour lasurvenue d’une thrombose et la poursuitedu bevacizumab, selon des critères spéci-fiques, étaient toujours autorisées.

• La première étude comparait l’asso-ciation IFL (irinotecan, 5FU et leuco-vorine) plus bevacizumab ou placeboen première ligne de CRC métasta-tique [2].

• La deuxième évaluait l’utilisation del’oxaliplatine (FOLFOX ou XELOX),plus bevacizumab ou placebo en pre-mière ligne de CRCmétastatique [3].

• La troisième testait enfin l’associa-tion gemcitabine/cisplatine plusbevacizumab ou placebo, en pre-mière ligne de CBPNPC avancé,métastatique ou récurrent [4].

Les effets secondaires recevant bevacizu-mab et TAC ont été collectés en utilisantl’échelle standard NCI-CTCAE.

Résultats : La fréquence des événementsthromboemboliques de grade 3/4 (5 et15,3 % des cas) était identique dans lesgroupes bevacizumab et placebo.

Cent quatre vingt-quatorze (194) patientsont reçu un TAC en poursuivant le traite-ment alloué dans l’étude concernée. Dansles 3 études, le taux d’hémorragie grave(grade 3) était similaire dans les groupesplacebo et bevacizumab, soit respective-ment : 7 vs 4 % dans l’étude 1 ; 0 vs 3 %dans l’étude 2 ; et 8 vs 6% dans l’étude 3.

En analyse conjointe des trois études, lerisque global estimé d’hémorragie sévèreétait respectivement de 4,1% et de 4,2%dans les groupes bevacizumab et placebo.Il n’a été observé aucun cas d’hémorragiepulmonaire sévère sous TAC avec bevaci-zumab ou placebo.

Commentaire : Des biais existent danscette analyse. Il s’agit d’une étude rétros-pective d’un sous-groupe de patientsayant présenté une thrombose en coursd’étude. Le taux de patients poursuivantl’étude sous TAC variait de 47 à 83%, sansque la raison de sortie d’étude soit claire-ment notifiée. Par ailleurs, des donnéestelles que le dosage, la durée et l’efficacitédu TAC sont manquantes.

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86 Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011

Les perfusions de Ca/Mg en préventionde la neurotoxicité à l’oxaliplatine :un standard définitivement admis !

Astrid Lièvre (Boulogne-Billancourt)L’objectif principal était la réduction dupourcentage de neurotoxicité de gradesupérieur ou égal à 2 selon les critères duNCI-CTC v3 en cours et après le traite-ment par oxaliplatine. Une échelle spéci-fique de neurotoxicité à l’oxaliplatine etun questionnaire de qualité de vie(comportant différents items relatifs auxsymptômes de la neurotoxicité) remplispar les patients étaient également utili-sés pour évaluer l’impact des perfusionsde Ca/Mg.Il était prévu d’inclure 150 patients danschaque bras. Cependant, l’étude a étéarrêtée prématurément à la suite de lacommunication des résultats d’une ana-lyse intermédiaire de l’étude CONcePTmontrant une diminution de la survieassociée à la perfusion de Ca/Mg [4], nonconfirmée par la suite [2, 5].Résultats : Au total, de janvier 2006 àjuin 2007, 104 patients ont été inclus(50 dans le bras Ca/Mg et 52 dans le brasplacebo).L’incidence de la neurotoxicité de grade2 était significativement diminuée chez

les patients ayant reçu les perfusions deCa/Mg, à la fois selon les critères du

NCI-CTC v3 et selon l’échelle spécifique deneurotoxicité à l’oxaliplatine (commeprécisé dans le tableau ci-dessous). Parailleurs, la survenue d’une neurotoxicitéde grade 2 était significativement plustardive et les symptômes à type d’engour-dissements et de picotements chroniquesétaient moins marqués.

Concernant la neurotoxicité aiguë, seulesles crampes musculaires étaient dimi-nuées dans le bras avec perfusions deCa/Mg (p = 0,01 au cycle 1 et p = 0,05 auxcycles 2 à 4) alors qu’il n’existait pas dedifférence concernant la sensibilité à lapalpation d’objets froids ou l’inconfortpour avaler des liquides froids notamment.

Conclusion : Ces résultats viennentconforter l’hypothèse suggérée initiale-ment par l’étude de Gamelin et al. selonlaquelle des perfusions de Ca/Mg enca-drant l’administration d’oxaliplatine ontun rôle de prévention vis-à-vis de la neu-rotoxicité engendrée par cette molécule.Un récent travail rapporte également ceteffet prophylactique des injections deCa/Mg chez les patients de l’étudeCAIRO2recevant la combinaison XELOX-bevaci-zumab ± cetuximab [6].

Toutefois, ce travail demeure intéressantcar il semble bien indiquer l’absence derisque hémorragique accru sous TAC encas d’utilisation du bevacizumab.

Message retenir :Malgré ses imperfec-tions et limites, cette étude sembleindiquer l’absence d’aggravation durisque hémorragique en cas de décoa-gulation chez les patients sous bevaci-zumab.

> Références[1] Leighl NB, Bennouna J, Yi J, et al. Bleedingevents in bevacizumab-treated cancerpatients who received full-dose anticoagula-tion and remained on study. Br J Cancer 2011Feb 1;104(3):413-8.

[2] Hurwitz H, Fehrenbacher L, NovotnyW, etal. Bevacizumab plus irinotecan, fluorouracil,and leucovorin for metastatic colorectal can-cer. N Engl J Med 2004 Jun 3;350(23):2335-42.

[3] Saltz LB, Clarke S, Díaz-Rubio E, et al.Bevacizumab in combinationwith oxaliplatin-based chemotherapy as first-line therapy inmetastatic colorectal cancer: a randomizedphase III study. J Clin Oncol. 2008 Apr20;26(12):2013-9.[4] ReckM,vonPawel J,ZatloukalP,etal.Phase IIItrial of cisplatin plus gemcitabine with eitherplaceboor bevacizumabasfirst-line therapy fornonsquamous non-small-cell lung cancer:AVAil. J Clin Oncol 2009Mar 10;27(8):1227-34.

Placebo(n = 52) (%)

Ca/Mg(n = 50) (%) p

NCI-CTC v30-1 50 78 0,0382 41 22

Échelle spécifique de neurotoxicité0-1 49 72 0,0182 51 28

La neuropathiepé r iphé r ique

sensitive apparaît comme la seule toxi-cité cumulative dose limitante de l’oxali-platine obligeant souvent le clinicien àinterrompre précocement cette drogue,en situation adjuvante ou palliative, alorsmême que la phase de chimiorésistancen’est pas encore atteinte. L’un desmoyensde pallier cet inconvénient est d’adopterune stratégie « stop and go » en parti-culier en situation palliative.Le développement d’une attitude pure-ment préventive a été, par ailleurs, active-ment recherché. Une étude rétrospectiveavait montré que l’injection intravei-neuse de gluconate de calcium et de sul-fate de magnésium (Ca/Mg), avant etaprès l’administration d’oxaliplatine,était associée à une réduction de la neuro-toxicité [1], ce qui a été par la suiteobservé dans l’étude CONcePT (CombinedOxaliplatin Neurotoxicity PreventionTrial) [2]. Le but de cette nouvelle étudeNCCTG N04C7 [3] était d’évaluer, demanière prospective, l’impact des injec-tions de Ca/Mg sur la prévention de laneurotoxicité de l’oxaliplatine en traite-ment adjuvant.Patients et méthodes : Il s’agit d’uneétude prospective randomisée contrôléeen double aveugle ayant comparé, chezdes patients opérés d’un cancer coliquede stade II-III et traités en adjuvant parFOLFOX4 ou FOLFOX6 modifié (oxalipla-tine : 85 mg/m2 toutes les 2 semaines)pendant 6 mois, l’administration intra-veineuse de Ca/Mg (1 g de gluconate deCa et 1 g de sulfate de Mg) avant et aprèsl’injection de l’oxaliplatine à l’administra-tion d’un placebo.

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Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011 87

Un nouvel essai prospectif randomisé esten cours afin de pouvoir affirmer ces don-nées avec la puissance suffisante ayantfait défaut à l’étudeNCCTGN04C7 (en rai-son de la fermeture prématurée des inclu-sions). En attendant, les perfusions deCa/Mg doivent être considérées commeun standard à proposer à tout patienttraité par oxaliplatine.

Message à retenir : La perfusion de selsde gluconate de calciumet de sulfate demagnésium avant et après chaqueinjection d’oxaliplatine en réduit laneurotoxicité aiguë et chronique sansaucun impact sur l’efficacité de cettedrogue et doit être considérée commeun standard dans cette situation.

> Références[1] Gamelin L, Boisdron-Celle M, Delva R, et al.Prevention of oxaliplatin-related neurotoxi-city by calcium and magnesium infusions: aretrospective study of 161 patients receivingoxaliplatin combined with 5-Fluorouraciland leucovorin for advanced colorectal can-cer. Clin Cancer Res 2004;10:4055-61.[2] Grothey A, Hart LL, Rowland KM, et al.Intermittent oxaliplatin (oxali) administra-tion and time-to-treatment-failure (TTF) inmetastatic colorectal cancer (mCRC): Finalresults of the phase III CONcePT trial. J ClinOncol 26:2008 (May 20 suppl; abstr 4010).[3] Grothey A, Nikcevich DA, Sloan JA, et al.Intravenous calcium and magnesium foroxaliplatin-induced sensory neurotoxicity in

adjuvant colon cancer: NCCTG N04C7. J ClinOncol 2011;29:421-7.[4] Hochster HS, Grothey A, Childs BH. Use ofcalcium andmagnesium salts to reduce oxa-liplatin-related neurotoxicity. J Clin Oncol2007;25:4028-9.[5] Gamelin L, Boisdron-Celle M, Morel A, etal.Oxaliplatin-related neurotoxicity: interestof calcium-magnesium infusion and noimpact on its efficacy. J Clin Oncol2008;26:1188-9.[6] Knijn N, Tol J, Koopman M, Werter MJ,et al. The effect of prophylactic calcium andmagnesium infusions on the incidence ofneurotoxicity and clinical outcome of oxali-platin-based systemic treatment inadvanced colorectal cancer patients. Eur JCancer 2011;47:369-74.

Métastases osseusesdes tumeurs solides : les biothérapiesà l’assaut des biphosphonates

Bruno Buecher (Institut Curie, Paris)

Les métastases osseuses sont générale-ment sources de douleurs et sont asso-

ciées à un risque de complications graves(fractures pathologiques et compressionmédullaire ; hypercalcémie) susceptiblesde grever la qualité de vie. Il a été démon-tré que les biphosphonates et, en parti-culier, l’acide zolédronique sont capablesde retarder l’apparition des complica-tions osseuses de telle sorte qu’ils sontfréquemment prescrits dans ce contexte.Il s’agit d’analogues structurels du pyro-phosphate ayant une forte affinité pourl’os minéralisé. Ils sont responsablesd’une inhibition de l’activité ostéoclas-tique mais leur mécanisme d’action resteimprécis. Leur administration est intra-veineuse ou orale. Ils sont contre-indi-qués en cas d’insuffisance rénale sévère(clearance de la créatinine 30ml/mn) etimposent une surveillance régulière de lafonction rénale.

L’amélioration des connaissances rela-tives à la physiopathologie du remode-lage osseux a conduit à attribuer à la pro-téine RANKL (Receptor Activator ofNuclear Factor-kB Ligand) un rôle-clé dansl’ostéoclastogenèse.

RANK est une protéine transmembra-naire exprimée sous forme clivable parles ostéoclastes et leurs précurseurs dontla liaison avec son ligand RANKL, activede multiples voies de signalisation intra-cellulaires et conduit à l’expression degènes impliqués dans la différenciation,l’activité et la survie des ostéoclastes. Ceciconduit in fine à une augmentation de larésorption osseuse.

Le dénosumab correspond à un anticorpsmonoclonal IgG2 humain qui cible leRANKL avec une forte affinité et l’em-pêche d’interagir avec son récepteurRANK. Il est commercialisé sous le nomde PROLIA® et est indiqué en cas d’ostéo-porose post-ménopausique chez lesfemmes à risque élevé de fracture ainsique dans le traitement de la perte osseuseassociée à un traitement « hormono-ablatif » chez les hommes atteints de can-cer de la prostate à risque élevé de frac-tures, sous la forme d’une injectionsous-cutanée tous les 6 mois. Sa capacitéà réduire la résorption osseuse a conduit àévaluer son intérêt pour retarder ouréduire la fréquence des complications

osseuses chez les malades atteints decancers avancés avec localisations secon-daires osseuses ou demyélome.L’objectif principal du travail de Henryet al. que nous rapportons était de compa-rer l’efficacité du dénosumab à celle del’acide zolédronique pour retarder le pre-mier « événement squelettique » (frac-ture, compression médullaire, chirurgieou radiothérapie) chez des maladesatteints de métastases osseuses de can-cers solides ou demyélome [1].Patients et méthodes : Il s’agit d’uneétude randomisée multicentrique inter-nationale (321 centres participants) ayantinclus, de juin 2006 à mai 2008 ,1776 patients atteints d’un cancer bron-chique non à petites cellules (39 % del’effectif), d’unmyélome (10%de l’effectif)ou d’un autre type tumoral à l’exclusiondes cancers du sein et de la prostate (51%de l’effectif). Les patients inclus avaientau moins une métastase osseuse docu-mentée radiologiquement, un état géné-ral conservé (OMS 2) et une clairance dela créatinine 30ml/min.Un traitement IV antérieur par biphos-phonate, une radiothérapie ou unechirurgie osseuse indiquée/programméeà court terme et une intervention den-taire/stomatologique récente avec cica-trisation muqueuse non acquise corres-pondaient à des critères d’exclusion.

Le dénosumab, une alternative aux biphos-phonates pour la prise en charge des maladesavec métastases osseuses des cancers solidesou atteints de myélome ?

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88 Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011

Au total, 890 patients ont été traités paracide zolédronique (4 mg administrés enperfusion IV de 15 min en l’absenced’insuffisance rénale ; dose réduite en casd’altération de la fonction rénale) + pla-cebo (injection sous-cutanée) toutes les4 semaines ; 886 ont été traités pardénosumab (injection sous-cutanée de120mg)+placebo (perfusion IVde15min)toutes les 4 semaines. Une supplémenta-tion en calcium ( 500 mg) et en vita-mine D ( 400 UI) était recommandéedans les 2 groupes. Les « événementssquelettiques » étaient définis par unefracture pathologique, une compressionmédullaire, la nécessité d’une chirurgie(pour traiter ou prévenir une fracture ouune compression médullaire jugée immi-nente) et/ou d’une radiothérapie (à viséeantalgique ou pour traiter/prévenir unefracture ou une compression médullaire).Le diagnostic de fracture était confirmépar une évaluation radiologique centrali-sée impliquant au moins 2 radiologuesexperts (examens réalisés en cas de suspi-cion clinique et de façon systématiquetoutes les 12 semaines). Une évaluationbiologique de l’impact de traitement surle remodelage osseux était réalisée par lamesure initiale et après 13 semaines detraitement du rapport uNTX/Cr(N-télopeptide urinaire/créatinine) et dela concentration plasmatique des phos-phatases alcalines osseuses.Résultats : La durée médiane de partici-pation à l’étude était approximativementde 7 mois dans les 2 groupes ; le nombremédian de doses administrées était de 7pour l’acide zolédronique et le dénosu-mab. Au moment de l’analyse (soit34 mois après le début des inclusions),environ 20% des malades inclus étaienttoujours en cours de traitement. Le décès,le retrait du consentement et une pro-gression de la maladie correspondaientaux principales causes de sortie d’étude(35 % ; 15 % et 13 % des cas respective-ment).Le dénosumab n’était pas inférieur àl’acide zolédronique (HR = 0,84 ; IC 95% :0,71-0,98 ; p = 0,0007 ; test de non infério-rité) et tendait même à être supérieur àcelui-ci pour la durée médiane de surve-nue du premier « événement squelet-tique ». En effet, la durée médiane de sur-venue du premier événement était de20,6 mois chez les malades traités par ledénosumab et de 16,3 mois chez lesmalades traités par l’acide zolédronique(p = 0,06). Par ailleurs, le nombre totald’« événements squelettiques » étaitinférieur dans le groupe dénosumab(392 versus 436) mais la différence entreles deux groupes n’était pas statistique-ment significative (RR = 0,90 ; IC 95 % :0,77-1,04 ; p = 0,14).

Les marqueurs biologiques permettaientde conclure à une réduction plusmarquéede la résorption osseuse avec le dénosu-mab qu’avec l’acide zolédronique : réduc-tion médiane significativement plusimportante du rapport uNTx/cr (76% ver-sus 65 % ; p < 0,001) et du taux plasma-tiquedesphosphatases alcalinesosseuses(37 % versus 29 %) 13 semaines aprèsl’institution du traitement.Il n’y avait pas de différence significativeentre les deux groupes pour la survie glo-bale ou la survie sans progression.Il n’existait pas de différence significativeentre les deux groupes pour la fréquenceglobale des effets secondaires indési-rables (Tableau 1). L’hypocalcémie étaitcependant significativement plus fré-quente chez les malades traités par ledénosumab. Elle était rarement sympto-matique et n’a justifié l’administration IVde calciumque dans uneminorité des cas.La fréquence des réactions aiguës (surve-nant au cours de 3 premiers jours suivantl’administration de la première dose) étaitsignificativement plus élevée chez lesmalades traités par acide zolédronique(14,5 % versus 6,9 % ; p < 0,001). L’ostéo-nécrose mandibulaire survenait avec unefréquence faible et identique dans les2 groupes.Une réduction initiale de la dose d’acidezolédronique était nécessaire chez 17,3%desmalades en raison d’une altération dela fonction rénale caractérisée par uneclearance 60ml/min.Malgré cette adap-tation posologique, le traitement a dûêtre suspendu chez 78 patients de cegroupe, soit 8,9% de l’effectif (344 dosesnon administrées), pour altération de lafonction rénale.

Au total, le dénosumab semble aussi effi-cace que l’acide zolédronique pour retar-der la survenuedecomplicationsosseuseschez les malades avec métastasesosseuses de cancers solides ou myélome.Il a l’avantage d’une administration sous-cutanée et n’a pas de toxicité rénale. Ilpeut être administré sans adaptationposologique chez l’insuffisant rénal. Il estsusceptible d’induire, comme les biphos-phonates et avec une fréquence identiqueet faible, une ostéonécrose mandibulaire.

Message à retenir : Le dénosumab,anticorps monoclonal humain anti-RANKL, semble au moins aussi efficaceque l’acide zolédronique pour retarderla survenue de complications osseuses(événements squelettiques) chez lesmalades avec métastases osseuses decancers solides ou atteints demyélome.Il a l’avantage d’une administrationsous-cutanée et n’a pas de toxicitérénale. Il peut être administré sansadaptation posologique chez l’insuffi-sant rénal. Il est susceptible d’induire,comme les biphosphonates et avec unefréquence identique et faible, uneostéonécrose mandibulaire.

> Référence

[1] Henry DH, Costa L, Goldwasser F, et al.Randomized, double-blind study of denosu-mab versus zoledronic acid in the treatmentof bone metastases in patients withadvanced cancer (excuding breast and pros-tate cancer) or multiple myeloma. J ClinOncol 2011;29:1125-32.

Tableau 1. Effets secondaires indésirables des traitements

Toxicité Acide zolédronique DénosumabRéactions « aiguës »

• Total 14,5 % 6,9 %• Hyperthermie 5,9 % 0,5 %• Asthénie 2,1 % 1,0 %• Arthralgies 1,9 % 0,7 %

Hypocalcémie• tous grades 5,8 % 10,8 %• grades 3-4 1,0 % 2,3 %• administration de Ca2+ IVau cours de l’étude 2,7 % 5,7 %

Ostéonécrose mandibulaire(incidence cumulée)

• à 1 an 0,6 % 0,5 %• à 2 ans 0,9 % 1,1 %• à 3 ans 1,3 % 1,1 %

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Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011 89

Mutation du gène de l’E-Cadhérineen cas de cancer gastrique « diffus »du sujet jeune : une rechercherarement justifiée en pratiqueen l’absence d’agrégation familiale

Bruno Buecher (Institut Curie, Paris)

Les formes héréditaires des cancers cor-respondent à des affections rares à

transmission généralement autosomiquedominante. Elles doivent être évoquéesen cas d’agrégation familiale de cancers(avec atteinte éventuelle de plusieursgénérations successives) et/ou d’âgeinhabituellement jeune au diagnostic.En 1999, l’International Gastric CancerLinkage Consortium (IGCLC) a établi, defaçon arbitraire, des critères cliniques dedéfinition des formes héréditaires de can-cer gastrique de type diffus (HereditaryDiffuse Gastric Cancer = HDGC), à savoir :– au moins 2 cas de cancers gastriques

de type diffus diagnostiqués chez desapparentés au premier ou au seconddegrédontunàunâge inférieurà50ans ;

– ou au moins 3 cas de cancers gas-triques de type diffus chez des appa-rentés au premier ou au second degréquels que soient les âges lors des dia-gnostics [1].

Une mutation germinale du gène CDH1qui code pour l’E-Cadhérine, protéinetransmembranaire impliquée dans lesphénomènes d’adhésion intercellulaire etle contrôle du trafic intracellulaire et de laprolifération cellulaire, rendrait comptede 25 à 30 % des formes héréditaires decancers gastriques de type diffus répon-dant aux critères diagnostiques del’IGCLC [2]. Des mutations de ce gène ontégalement été rapportées en dehors detoute agrégation familiale chez des indi-vidus atteints à un âge jeune.La prévalence des mutations constitu-tionnelles du gène CDH1 chez les patientsatteints d’un cancer gastrique de type dif-fus (à cellules indépendantes) ou mixtediagnostiqué à un âge inférieur ou égal à50 ans et de présentation apparemmentsporadique n’était pas connue à cejour [3]. L’objectif du travail de Corso et al.quenous rapportons ici était de la préciser.

Patients et méthodes : Vingt et un(21) individus, 12 hommes et 8 femmes,répondant aux critères d’éligibilité défi-nis ci-dessus ont été identifiés à partir del’analyse des registres du département dePathologie de l’Université de Sienne etinclus dans cette étude. L’âge au diagnos-tic était inférieur à 45 ans dans 10 cas(inférieur à 35 ans dans 4 cas dont 2 casdiagnostiqués à 30 ans ; 1 cas à 31 ans et1 cas à 33 ans) et compris entre 45 et50 ans dans 11 cas. L’histologie était detype « diffus » dans 19 cas ; mixte dans2 cas. La localisation était cardiale dans2 cas, gastrique dans 15 cas. Une atteintegastrique diffuse réalisant un aspect de« linite plastique » était observée dans5 cas. Pour tous les cas, l’absence d’agré-gation familiale de cancer gastrique étaitvérifiée par l’élaboration d’un arbregénéalogique. L’étude constitutionnelleétait réalisée par séquençage de l’en-semble des exons (séquence codante) etdes régions introniques adjacentes dugène CDH1 à partir de l’ADN leucocytaire.

Au total, unemodification de type « faux-sens » (substitution d’un seul nucléotide,responsable de la modification d’un seul

acide aminé au niveau protéique) étaitidentifiée chez 2 individus : c.670C>T/p.Arg224Cys (modification 1) et c.-63C>A(modification 2) (Fig. 1).

• La modification 1 (c.670C>T/p.Arg-224Cys) est localisée au niveau del’exon 5 du gène CDH1 (codon 224) etinduit une substitution de l’arginineen position 224 par une cystéine. Ellea été identifiée chez une femmeatteinte d’un cancer gastrique detype diffus à l’âge de 46 ans de cettesérie et chez un seul individu de lapopulation témoin (224 donneurs desang indemnes de cancer). La signifi-cation de cettemodification a été étu-diée au moyen d’une étude de trans-crits à la recherche d’un impact del’épissage et de tests fonctionnelsin vitro (après transfection de cellulesde hamster chinois par un vecteurlentiviral comportant l’ADN complé-mentaire du gène CDH1 incluant lamutation c.670C>T obtenue parmutagenèse dirigée). Le résultat del’ensemble de ces études n’apparaîtpas en faveur du caractère délétère decette modification : absence d’impact

Prévalence des mutations constitutionnelles dugène CDH1 chez les sujets atteints d’un cancergastrique de type diffus diagnostiqué à unâge < 50 ans et de présentation sporadique

Figure 1Modifications nucléotidiquesdu gène CDH1 identifiéesdans la population de l’étude

Modification A : c.670C > T /p.ARg224Cys (exon 5 ; codon 224)Modification B : - 63C > A

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90 Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011

sur l’épissage (pas demodification dela taille des transcrits) ; absenced’impact sur la fonctionnalité de laprotéine codée par le gène transduitévaluée par les tests d’adhésion etd’invasion cellulaire in vitro. Parailleurs, il n’existait pas d’altérationsomatique du gène CDH1 identifiableau niveau tumoral : pas de mutationponctuelle de la séquence codante nidu promoteur ; absence d’hypermé-thylation du promoteur.

• La modification 2 (c.-63C>A) est loca-lisée en amont de la séquencecodante du gène CDH1 (en posi-tion -63 par rapport au codon d’initia-tion de la traduction ATG). La substi-tution intéresse un nucléotidefaiblement conservé au cours del’évolution des espèces, ce qui plaideen faveur du caractère non patho-gène de cette modification. Il n’y apas eu d’étude fonctionnelle, faute dematériel biologique disponible.

Au total, les 2 modifications nucléoti-diques identifiées ne sont probablementpas délétères. Elles ne doivent pas êtreconsidérées comme des mutations maiscomme des variants rares. L’absenced’identification de mutations délétèresdu gène CDH1 dans cette série de 21 casest à rapprocher des données publiées. Lacompilation de ces données indiquequ’une variation de séquence dugène CDH1 a finalement été identifiéechez 19 des 264 individus avec cancer gas-trique de type diffus ou mixte de présen-tation sporadique diagnostiqué à un âge

51 ans, soit 7,2 % des cas. Cependant,seules 6 de ces 19 variations peuvent êtreconsidérées comme pathogènes sansambiguïté, soit une prévalence des muta-tions délétères du gène CDH1 dans cecontexte de 2,3%. De façon intéressante,les 6 individus porteurs d’une mutationdélétère du gène CDH1 étaient âgés demoins de 35 ans au diagnostic [27 ans(n = 2) ; 29 ans (n = 1) ; 30 ans (n = 2) ;31 ans (n = 1)].

La principale conclusion de ce travail estqu’en l’absence d’agrégation familiale,l’identification d’une mutation constitu-tionnelle du gène CDH1 est très impro-bable lorsque l’âge au diagnostic du can-cer gastrique de type diffus ou mixte estsupérieur à 35 ans. L’étude de ce gène doitdonc probablement être réservée auxindividus atteints à un âge inférieurà 35 ans, ce qui est conforme auxrecommandations récemment revues etpubliées par Fitzgerald et al. [4] Ce travailsouligne également que l’évaluation de lasignification des modifications de type« faux-sens » du gène CDH1 (qui, par défi-nition et à la différence des mutationsnon-sens et des délétions ou insertiond’un ou d’un petit nombre de nucléotidesresponsables d’un décalage du cadre delecture, ne sont pas « tronquantes ») estdélicate. Elle doit comporter différentesapproches (prédictions bioinforma-tiques ; étude des transcrits ; évaluationde la conservation du nucléotide ou del’acide aminé substitué au cours de l’évo-lution des espèces ; évaluation de l’écartphysicochimique entre l’acide aminé

natif et l’acide aminé substitué ; préva-lence dans la population générale ; testsfonctionnels in vitro…) et fondamentaleafin de ne pas considérer comme délétèreet causale une altération correspondant àun simple variant.

Message à retenir : En l’absence d’agré-gation familiale de cancers gastriques,la recherche d’une mutation constitu-tionnelle du gène CDH1 chez les sujetsatteints d’un cancer gastrique de typediffus oumixte n’est probablement jus-tifiée que lorsque l’âge au diagnostic estparticulièrement jeune (moins de35 ans). L’interprétation de la significa-tion d’une modification de type « faux-sens » est délicate et son caractère délé-tère ne peut être retenu qu’à l’issued’une analyse minutieuse et précise.

> Références[1] Caldas C, Carneiro F, Lynch HT, et al.Familial gastric cancer: overview and guide-lines for management. J Med Genet1999;36:873-880.[2] Carneiro F, Oliveira C, Suriano G, et al.Molecular pathology of familial gastric can-cer, with an emphasis on hereditary diffusegastric cancer. J Clin Pathol 2008;61:25-30.[3] Corso G, Pedrazzani C, Pinheiro H, et al.E-cadherin genetic screening and clinico-pathologic characteristics of early onset gas-tric cancer . Eur J Cancer 2011;47:631-9.[4] Fitzgerald RC, Hardwick R, Huntsman D,et al. Hereditary diffuse gastric cancer:updated consensus guidelines for clinicalmanagement. J Med Genet 2010;47:436-44.

Radioembolisation ouchimioembolisation des CHC :bonnets blancs et blancs bonnets ?

Astrid Lièvre (Boulogne-Billancourt)

La radioembolisation (RE) est une nou-velle approche thérapeutique loco-

régionale transartérielle du carcinomehépatocellulaire (CHC) non accessible àun traitement curatif, disponible depuispeu en France. Après avoir montré,dans une étude rétrospective, que la REà base de microsphères chargéesd’Yttrium-90 (90Y) était associée à unesurvie qui semblait comparable à celleobtenue après chimioembolisation (CE) [1],les mêmes auteurs ont souhaité faire uneanalyse comparative des deux modalitésde traitement transartériel [2].

Patients et méthodes : Il s’agit d’uneétude rétrospective ayant porté sur463 patients consécutifs traités par CE ouRE à l’Yttrium-90 sur une période de 9 ansauComprehensiveCancerCenterdeChicago.Afin de pouvoir comparer les deux tech-niques de façon fiable, ont été exclus tousles patients avec thrombose portale et/ouavecmétastases extrahépatiques, ainsi queles patients pour lesquels on ne disposaitpas de suivi en imagerie. À noter que lespatients n’ont pas été, un à un, appariésen fonction des stades de gravités usuelsdu CHC et de l’hépatopathie sous-jacente.

Au total, 122 patients ont été traitéspar CE et 123 par RE 90Y (TheraSphère®).

La CE consistait en une injection de 30mgde mitomycine, 30 mg d’adriamycine et100 mg de cisplatine mélangés au lipio-dol. Les patients étaient ensuite hospitali-sés 1 à 2 jours et traités par antibiotiques,antalgiques et antiémétiques selon leprotocole habituel.

La RE était précédée d’une artériographiehépatique et d’une scintigraphie aprèsinjection de macroaggrégats marqués au

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Cancéro dig. Vol. 3 N° 2 - 2011 91

Technétium-99 afin d’évaluer la vascula-risation hépatique et de mesurer le shunthépato-pulmonaire. Les patients res-taient à l’hôpital 2 à 6 h seulement aprèsle traitement et sortaient sous IPP pen-dant 5 jours.Les caractéristiques cliniques, le score deChild-Pugh, le stade BCLC (Barcelona Cli-nic Liver Cancer) et le stade TNM ont étécollectés, ainsi que le taux d’alphafœto-protéine (AFP), les données d’imagerie(TDM ou IRM) avant et après le traite-ment (à 1 mois puis tous les 2-3 mois), lasurvie des patients. La toxicité des traite-ments était évaluée selon les critères duNCI-CTC v3.0.Résultats : Malgré l’absence d’apparie-ment, les caractéristiques cliniques étaientbien équilibrées entre les 2 groupes, hor-mis un âge plus élevé chez les patientstraités par RE (66 vs 61 ans ; p < 0,001). Enparticulier, le score de Child-Pugh, lesstades BCLC et TNM étaient comparablesdans les deux groupes.Le nombre médian de procédures étaitde 2 pour la CE et 1 pour la RE. Le nombrede jours d’hospitalisation moyen par pro-cédure, et cumulés, était respectivementde 1,8 et 3,4 pour la CE et de 0 et 0 pourla RE.En termes de toxicité, les douleurs abdo-minales (38 % vs 15 %) et l’hypertrans-

aminasémie de grade 3-4 (29 % vs 11 %)étaient significativement plus élevéeschez les patients traités par CE.La CE et la RE ont conduit toutes deux àune diminution du taux d’AFP impor-tante, sans différence significative entreles deux techniques, que l’on prenne encompte une diminution de l’AFP > 50 %(59% vs 80% ; p = 0,086) ou > 90% (38%vs 48% ; p = 0,53).Le taux de réponse objective selon les cri-tères OMS était similaire avec les 2 tech-niques (49 % après RE vs 36 % après CE ;p = 0,1) avec, cependant, une réponseobtenue plus rapidement après RE(6,6mois vs 10,3mois ; p = 0,05).Le temps jusqu’à progression était signifi-cativement plus long après RE (13,3 moisvs 8,4 mois ; p = 0,046), sans différencesignificative en termes de survie globale(20,5mois vs 7,4mois, p = 0,23).Conclusion : Cette étude non randomisée,rétrospective, menée sans appariementdes populations comparées suggère quela radioembolisation à l’Yttrium-90 et lachimioembolisation permettent d’obte-nir des taux de survie globale non signifi-cativement différents chez des patientsayant un CHC non accessible à un traite-ment curatif et possédant sensiblementles mêmes caractéristiques cliniques. Ellesuggère même une meilleure survie sans

progression et une moindre toxicité de laradioembolisation qui pourrait donc fairepréférer cette technique de traitementtransartériel dont le coût, cependant, estlargement supérieur.Pour démontrer une équivalence des2 techniques dans une étude randomisée,les auteurs ont calculé que plus de1000 patients seraient nécessaires, ce quirend peu probable la réalisation d’un teltravail.

Message à retenir : Dans la stratégie detraitement des CHC, la radioembolisa-tion pourrait devenir une alternative àla chimioembolisation lipiodolée, bienque cette étude trop imparfaite sur leplan méthodologique ne puisse pré-tendre démontrer l’équivalence desdeux techniques.

> Références[1] Salem R, Lewandowski RJ, Mulcahy MF, etal. Radioembolization for hepatocellular car-cinoma using Yttrium-90 microspheres: acomprehensive report of long-term out-comes. Gastroenterology 2010;138:52-64.[2] Salem R, Lewandowski RJ, Kulik L, et al.Radioembolization results in longer time-to-progression and reduced toxicity comparedwith chemoembolization in patients withhepatocellular carcinoma. Gastroenterology2011;140:497-507.

Chirurgie versus radiofréquencedans le traitement du carcinomehépatocellulaire respectantles critères de Milan :résultats d’un essai randomisé

Christophe Mariette (Lille)

La technique optimale de traitement ducarcinome hépatocellulaire respectant

les critères de Milan est la transplanta-tion hépatique. Cependant, en cas d’im-possibilité (manque de greffons dans lespays développés, manque des moyenstechniques dans les pays émergents) oude contre-indication à la transplantation,le traitement optimal reste débattu,notamment entre résection, chirurgiepotentiellement morbide chez le patientcirrhotique, et la radiofréquence, poten-tiellement insuffisante sur le plan carci-nologique.

Une équipe chinoise a tenté de répondreà cette question [1] via une étude rando-misée qui a inclus 230 patients compa-rant la chirurgie à la radiofréquence (RFA)chez des patients présentant un CHCrépondant aux critères de Milan (moinsde 3 nodules de 3 cm, ou 1 nodule demoins de 5 cm, sans thrombose porte). Lecalcul d’effectif correspondait à une étudede supériorité avec un test unilatéral surle critère principal de survie globale à5 ans (hypothèse survie globale à 5 ans de60% dans le groupe chirurgie et de 40%dans le groupe RFA).

Chez les patients sélectionnés, la stratégiethérapeutique était inconnue jusqu’à laveille de l’intervention, date de la rando-misation). Les 7 patients qui ont, au total,refusé la RFA ont tout demême été analy-sés dans ce groupe, du fait de l’analyse enintention de traiter. Dans le grouperadiofréquence, la réalisation a été per-cutanée dans 98%des cas avec, dans 18%des cas, des segments difficiles d’accès(VII, VIII), et 21% de lésions multiples. Leprotocole comportait une nouvelle tomo-densitométrie à J2 et une nouvelle séancede RFA en cas de persistance lésionnelle

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(16%des patients).Dans le groupe chirur-gie, des résections anatomiques étaientréalisées avecmarquage peropératoire duterritoire portal.

La survie globale à 5 ans était de 75 %dans le groupe chirurgie versus 54%dansle groupe RFA (p = 0,001). Ces résultatsrestaient valides en analyse de sous-groupe (cirrhose ou pas, lésion unique demoins de 3 cm, ou comprise entre 3 et5 cm). De même, la survie sans récidive à5 ans était supérieure dans le groupechirurgie (28 vs 51 % respectivement)(p = 0,017). Les taux de récidive à 5 ansétaient de 41%et de 63% respectivementdans les groupes chirurgies et RF(p = 0,024). La mortalité était nulle dansles 2 groupes, la durée d’hospitalisation etles complications significativement plusimportantes dans le groupe chirurgie(15 vs 7 jours ; 28 vs 4%, respectivement).

Les auteurs concluaient donc que lachirurgie procure une plus longue survieavec moins de récidives que la RFA chezles patients porteurs d’un CHC répondantaux critères de Milan.

Commentaires : Il s’agit de la 4e étuderandomisée [2-4] et de la seconde n’ayantinclus que des patients répondant auxcritères de Milan. À noter par ailleurs queplusieurs méta-analyses ont déjà étépubliées sur le sujet en 2010 [5] avec desrésultats, soit en faveur de la chirurgie,soit sans différence entre les deux tech-niques. Une des principales critiques qui

pourrait être formulée est la qualité descritères diagnostiques retenus qui n’ap-paraît pas optimale mais, finalement,trois patients seulement ne présentaientpas de CHC (deux hyperplasies nodulairesfocales, une échinococcose alvéolaire).

Des lésions supplémentaires ont étédécouvertes et traitées en peropératoirechez 12 % (15/122) des patients opéréspouvant contribuer à expliquer les résul-tats en faveur de la chirurgie. Mais ilconvient de signaler que cette donnéeétait vraisemblablement déjà une réalitédans les études publiées, alors même que2 de ces études sur 4 étaient en faveur dela RFA en termes de survie globale. Deuxpoints doivent être mentionnés car ayantpu favoriser le bras chirurgie :– un protocole de RFA particulier, expli-

quant un nombre de séances de plusde 2 par patient, avec un nombre delésions d’accès difficile voire dange-reux, multiples ou de taille supérieureà 3 cm important dans cette étude ;

– les groupes étaient comparables selonles critères de Milan, mais il existaitplus de petites lésions uniques infé-rieures à 3 cm dans le groupe chirurgie(45/89, 50% vs 57/84, 68%).

Au total, les chirurgiens sont probable-ment satisfaits des résultats de cetteétude qui permet une reconnaissancepronostique à l’exérèse de « l’atmosphèrepéritumorale », si spécifique au CHC(lésions filles, thrombus vasculaires).

Message à retenir : Pour les patientsporteur d’un carcinome hépatocellu-laire répondant aux critères de Milan,la chirurgie permet de meilleurs résul-tats carcinologiques comparée à laradiofréquence, au prix d’une morbi-dité augmentée. À noter que ces résul-tats sont concordants avec ceux desméta-analyses mais non avec ceux detoutes les études randomisées publiées.

> Références[1] Huang J, Yan L,Cheng Z,et al. A randomizedtrial comparing radiofrequency ablation andsurgical resection for HCC conforming to theMilan criteria. Ann Surg 2010;252:903-12.[2] Huang GT, Lee PH, Tsang YM, et al.Percutaneous ethanol injection versus surgi-cal resection for the treatment of smallhepatocellular carcinoma: a prospectivestudy. Ann Surg 2005;242:36-42.[3] Chen MS, Li JQ, Zheng Y, Guo RP, et al. Aprospective randomized trial comparing per-cutaneous local ablative therapy and partialhepatectomy for small hepatocellular carci-noma. Ann Surg 2006;243:321-8.[4] Lü MD, Kuang M, Liang LJ, et al. Surgicalresection versus percutaneous thermal abla-tion for early-stage hepatocellular carci-noma: a randomized clinical trial. ZhonghuaYi Xue Za Zhi 2006;86:801-5.[5] Liu JG, Wang YJ, Du Z. Radiofrequencyablation in the treatment of small hepatocel-lular carcinoma: a meta analysis. World JGastroenterol 2010;16:3450-6.

Cancer du pancréas avancé :l’axitinib au tapis en phase III

Bruno Buecher (Institut Curie, Paris)

L’axitinib correspond à un inhibiteur del’activité tyrosine-kinase des 3 iso-

formes du récepteur du VEGF (VascularEndothelial Growth Factor) : VEGFR1,VEGFR2 et VEGFR3. Il s’agit donc d’unagent antiangiogenèse puissant admi-nistré par voie orale. Une étude de

phase II randomisée récemment publiée,ayant suggéré la supériorité de l’associa-tion gemcitabine + axitinib sur la mono-chimiothérapie par gemcitabine (GEM)seule pour le traitement des maladesatteintsd’unadénocarcinomeexcréto-pan-créatique avancé [1], cette combinaison a

été comparée à la gemcitabine dans unevaste étude multicentrique internatio-nale de phase III rapportée ici [2].

Patients etméthodes : Le critère principalde jugement correspondait à la survieglobale ; les critères secondaires à la

L’axitinib également « retoqué » pour le traitement des cancersdu pancréas avancés

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survie sans progression, au taux deréponse tumorale (RECIST), à la durée dela réponse, à la toxicité du traitement et àla qualité de vie (questionnaires EORTCQLQ C30 et QLQ-PAN26, renseignés aupremier jour de chaque cycle de chimio-thérapie, soit tous les 28 jours). L’effectifde malades à inclure était calculé afin depouvoir identifier une améliorationde 36,7 % de la survie globale médianechez les malades traités par l’associationgemcitabine + axitinib (8,2 mois ver-sus 6mois pour les malades traités par lagemcitabine seule).

Six cent trente-deux (632) patients ontété inclus de juillet 2007 à octobre 2008(avril 2002 – avril 2007) et randomisésdans le bras standard (GEM + placebo ;n = 316) ou dans le bras expérimental(GEM + axitinib ; n = 316). Il s’agissaitmajoritairement de patients atteintsd’adénocarcinomes métastatiques (72%de l’effectif pour les 2 groupes environ) àl’état général conservé (indice de perfor-mance ECOG 0 ou 1). Dans tous les cas, lagemcitabine était administrée sous laforme d’une perfusion hebdomadaire de30 min à la dose de 1 000 mg/m23 semaines consécutives sur 4 (J1, J8, J15 ;J1 = J28). Le placebo ou l’axitinib étaitadministré, en double aveugle, sous laforme de 2 prises orales quotidiennes(doseunitaire initiale de5mgpour l’axiti-nib avec augmentation possible à 7 mgpuis 10 mg 2 en cas de tolérance satis-faisante). L’évaluation de la réponsetumorale au traitement était basée prin-cipalement sur le scanner réalisé toutesles 8 semaines ; une surveillance régu-lière de la pression artérielle étaitmise enœuvre de même que la recherche d’uneprotéinurie et que la détermination de laconcentration de TSH. La chimiothérapieétait poursuivie jusqu’à progressiontumorale, toxicité inacceptable ou refusdu patient.

Résultats : Le traitement a effectivementété administré chez 308 patients dugroupe GEM + placebo et chez305 patients du groupe GEM+ axitinib. Ladurée médiane du traitement était de2,8 mois (extrêmes : 0,03-11,0) pourl’axitinib. La durée médiane de traite-ment par la gemcitabine était de 2,3mois(extrêmes :0,03-11,1) dans le groupeGEM+ axitinib (dose intensité 77 %) et de2,4 mois (extrêmes : 0,03-11,8) dans legroupe GEM + placebo (dose inten-sité : 79 %). Le nombre médian de cyclesde gemcitabine était de 3 dans les2 groupes. L’essai a été interrompu pourfutilité à l’issue de l’analyse intérimaireprévue et réalisée en janvier 2009 et il aété recommandé d’interrompre le traite-ment par axitinib.

À l’issue d’une durée médiane de suivi de27 semaines dans le groupe GEM + pla-cebo et de 27,4 semaines dans le groupeGEM + axitinib, il n’existait pas de diffé-rence significative pour la survie globaleentre les 2 groupes (8,5 mois pour lespatients traités par GEM + axitinib versus8,3mois pour les patients traités par GEM+ placebo). De même, la survie sans pro-gression était équivalente et égale à4,4mois dans les 2 groupes (Tableau 1). Lasurvie des patients atteints de maladieslocalement évoluées était significative-ment supérieure à celle des patientsatteints de maladies métastatiques ; celledes patients ECOG 0 significativementsupérieure à celle des patients ECOG 1.Les taux de réponse tumorale sontrapportés dans le tableau 1. Le taux de

réponses objectives était faible maissignificativement plus élevé chez lesmalades traités par l’association GEM+ axitinib (5% versus 2%). Il n’existait pasde différence entre les 2 groupes pour letaux de stabilisation tumorale. La fré-quence des toxicités non hématologiquesde grade 3 ou 4 possiblement liées àl’inhibition du VEGF dans les 2 groupesest rapportée dans le tableau 2. Il n’exis-tait pas de différence significative pources différents paramètres entre les2 groupes de traitement à l’exception del’asthénie qui était significativement plusfréquente pour les malades du groupeGEM + axitinib. Une augmentation dutaux de TSH en cours de traitement étaitobservée chez 42% et 11% des maladestraités par GEM + axitinib et GEM

Tableau 1. Paramètres d’efficacité (réponse tumorale, survie globale et survie sans progression)

GEM + axitinib GEM + placebo pRéponse tumorale• Réponse objective 12 (5 %) 4 (2 %) p = 0,0180• Réponse complète 1 (< 1 %) 0• Réponse partielle 11 (4 %) 4 (2 %)• Stabilisation (NC) 74 (30 %) 83 (33 %)Survie globale• Ensemble de l’effectif 8,5 (6,9-9,5) 8,3 (6,9-10,3) HR : 1,014• Maladies localement avancées 9,5 (7,4-NA) 10,6 (9,9-NA) (0,786-1,309)• Maladies métastatiques 7,0 (5,8-9,3) 6,9 (6,2-8,0) p = 0,5436Survie sans progression• Ensemble de l’effectif 4,4 (4,0-5,6) 4,4 (3,7-5,2) HR : 1,006• Maladies localement avancées 5,9 (4,2-7,3) 9,1 (5,8-10,6) (0,779-1,298) ;• Maladies métastatiques 4,2 (3,7-5,4) 3,8 (3,6-4,5) p = 0,5203

NA = non atteinte

Tableau 2. Fréquence des toxicités de grade 3 ou 4 possiblement associées à l’inhibition du VEGF

GEM + axitinib(n = 305)

GEM + placebo(n = 308)

Asthénie 16 (5 %) 6 (2 %)Perforation gastro-intestinale 4 (1 %) 2 (1 %)Embolie pulmonaire 4 (1 %) 7 (2 %)Thrombose veineuse profonde 4 (1 %) 8 (3 %)Hémorragie digestive 2 (1 %) 5 (2 %)Accident vasculaire cérébral 1 (< 1 %) 1 (< 1 %)Protéinurie 1 (< 1 %) 0 (0 %)

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+ placebo respectivement ; une hypothy-roïdie clinique chez 6 % et chez 1 % desmalades de ces 2 groupes respectivement.

En conclusion, l’adjonction de l’axitinib àla gemcitabine ne permet pas d’améliorerla survie des patients atteints d’adénocar-cinomes pancréatiques localement évo-lués oumétastatiques. Ce résultat négatif,couplé à ceux d’études antérieures éva-luant d’autres agents antiangiogenèse(bevacizumab et aflibercept), suggère quele ciblage de la voie duVEGF n’est pas effi-cace dans cette situation [3,4]. La démons-tration récente de la supériorité d’unechimiothérapie associant 5-fluorouracile,oxaliplatine et irinotécan (protocole FOL-FIRINOX) par rapport à la gemcitabinepour le traitement de malades métasta-tiques sélectionnés (état généralconservé ; bilan hépatique subnormalavec en particulier valeur de la bilirubinetotale et inférieure à 1,5 fois la limitesupérieure de la normale) constitue laseule avancée significative récente dansce domaine [5]. Chez les malades non éli-

gibles pour un tel traitement, lamonochi-miothérapie par gemcitabine reste le trai-tement de référence.

Message à retenir : L’adjonction del’axitinib à la gemcitabine n’apportepas de bénéfice au traitement de l’adé-nocarcinome excréto-pancréatiquelocalement avancé oumétastatique. Cerésultat négatif, couplé à ceux d’étudesantérieures évaluant d’autres agentsantiangiogenèse (bevacizumab et afli-bercept), suggère que le ciblage de lavoie du VEGF n’est pas efficace danscette situation.

> Références[1] Spano JP, Chodkiewicz C, Maurel J, et al.Efficacy of gemcitabine plus axitinib compa-red with gemcitabine alone in patients withadvanced pancreatic cancer: an open-labelrandomized phase II study. Lancet2008;371:2101-8.[2] Kindler HL, Ioka T, Richel D, et al. Axitinibplus gemcitabine versus placebo plus gemci-

tabine in patients with advanced pancreaticadenocarcinoma: a double-blind rando-mized phase 3 study. Lancet Oncol2011;12:256-62.[3] Kindler HL, Niedzwiecki D, Hollis D, et al.Gemcitabine plus bevacizumab comparedwith gemcitabine plus placebo in patientswith advanced pancreatic cancer: phase IIItrial of the Cancer and Leukemia Group B(CALGB 80303). J Clin Oncol 2010;28:3617-22.[4] Sanofi-Aventis, Regeneron Pharmaceuti-cals Inc. Phase 3 trial of aflibercept in metas-tatic pancreatic cancer discontinuated 2009.http://en.sanofi-aventis.com/binaries/20090911_aflibercept_en_tcm28-26185.pdf(accessed Oct 19, 2009).[5] Conroy T, Desseigne F, Ychou M, et al.Randomized phase III trial comparingFOLFIRINOX (F: 5FU/leucovorin [LV], irino-tecan [I], and oxaliplatin [O]) versusGemcitabine [G] as first-line treatment formetastatic pancreatic adenocarcinoma(MPA): Preplanned interim analysis results ofthe PRODIGE 4 / ACCORD 11 trial. J ClinOncol 2010;28(15S):303s:Abstract 4010.